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Les sanctions internationales aux violations des droits de l'homme dans le cadre du maintien de la paix et de la sécurité internationales

( Télécharger le fichier original )
par Arsène TCHAGNA TAKWI
Université de Dschang - Master droit public 2012
  

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UNIVERSITE DE DSCHANG

Faculty des Sciences Juridiques
et Politiques

Departement de droit public et
de science politique

 

1

UNIVERSITY OF DSCHANG

Faculty of Law and Political
Science

Department of public law and
political science

Unite de formation doctorale droit et science politique

LES SANCTIONS INTERNATIONALES AUX

VIOLATIONS DES DROITS DE L'HOMME DANS

LE CADRE DU MAINTIEN DE LA PAIX ET DE

LA SECURITE INTERNATIONALES

These presentee et soutenue publiquement en vue de l'obtention
du Master Droit public,

Par TCHAGNA TAKWI Arsene, licencie es droit et science
politique

Sous la direction de : Supervise par :

Monsieur le Docteur BILONG

Salomon

Année académique

200 9-2010
Janvier 2012

Monsieur le Professeur KEUTCHA TCHAPNGA

Célestin

L'Université de Dschang n'entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans le présent travail ; celles-ci doivent etre considérées comme propres a leurs auteurs.

DEDICACES

A ma mere, Mme NKEITCHA Jeannette, que je porte en grande estime

A mon pere, M. TCHAGNA Jean Jacques sur qui j'ai toujours pris modèle

REMERCIEMENTS

Parvenu au terme de ce travail, il m'est donne l'occasion d'adresser mes profonds et sinceres remerciements a des personnes qui, d'un bout a l'autre et de quelque maniere qu'il s'agisse, ont participe a son elaboration. Toute ma gratitude est d'abord adressee aux enseignants de la Faculte des Sciences Juridiques et Politiques de l'Universite de Dschang, et en particulier :

- Le Professeur KEUTCHA TCHAPNGA Célestin, qui a honoré ce travail en acceptant de le superviser ;

- Le Docteur BILONG Salomon, pour ses conseils, sa patience, sa confiance et son suivi ferme et sans relache.

Ma gratitude est ensuite exprimee a des familles et personnes cheres :

- Les Familles MBAKOP Daniel, MBADJITAT Augustin, KOUANOU Edmond, YISSEU NZADI Jean Claude, NGUEPNANG Celestin, TSANA Lucioni, ainsi que le Me TCHABO Herve ;

- Mes tantes PONDJA Sarah, TCHAPNGA Christine, NYA Blandine ;

- Mes freres aines TCHAGNA DJEUTA H.W., TCHAGNA PONDJA N., et cadets TCHAGNA DIANE V., TCHAGNA KOUANOU A., MBADJITAT MBABOU C., NGAHANE TCHAGNA E.R., KEITCHA SINTHIA O. et TONDJI Lesline ;

- Mes amis FOPY Sylvain C., MAGNITOUO LONLA J.B., NDENGANG TCHONGWANG P., TANKEU FOMENOU A., NGOUANEU YISSEU A.L., KWEDI Virginie, AZAMBOU NGNINTEDEM D.T., SIETCHEPING Senghor S., TCHAMEGNI FOMENOU J., PIEUMEGNI FOMENOU P., SIAKE SIAKE I., LAMBOU J. et PEUSSY B. ;

- Mes camarades de promotion, ainsi que toutes les personnes que je n'ai pas nommement designees.

SOMMAIRE

INTRODUCTION GENERALE 1

PREMIERE PARTIE : LES SANCTIONS POLITIQUES, MESURES « A DOUBLE TRANCHANT » 16

CHAPITRE I : UNE DUALITE TYPOLOGIQUE DES SANCTIONS POLITIQUES DANS L'OPTIQUE DU MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SECURITE INTERNATIONALES 19

SECTION 1 : LES SANCTIONS AUX VIOLATIONS DES DROITS DE
L'HOMME PRISES PAR LES ORGANISATIONS

INTERNATIONALES 20

SECTION 2 : LES SANCTIONS AUX VIOLATIONS DES DROITS DE L'HOMME ADOPTEES PAR LES ETATS : LES CONTREMESURES 41

CHAPITRE II : SANCTIONS POLITIQUES ET RESPECT DES DROITS DE L'HOMME : UNE COMPATIBILITE PROBLEMATIQUE 62

SECTION 1 : LA MISE EN EXERGUE DE L'INCOMPATIBILITE ENTRE LES SANCTIONS POLITIQUES ET LE RESPECT DES DROITS DE L'HOMME 63

SECTION 2 : L'EFFORT DE LEGITIMATION DES SANCTIONS POLITIQUES 79

SECONDE PARTIE : LES SANCTIONS JURIDICTIONNELLES, MESURES « APPROPRIEES » 97

CHAPITRE I : LA MISE EN OEUVRE DE LA SANCTION PENALE

SECTION 1 : LES CONDITIONS DE FORME A LA MISE EN OEUVRE DE LA SANCTION PENALE INTERNATIONALE 101

SECTION 2 : LES CONDITIONS DE FOND A L'APPLICATION DE LA SANCTION PENALE INTERNATIONALE 116

CHAPITRE II : LES CONSEQUENCES DE LA SANCTION PENALE
INTERNATIONALE SUR LA PAIX ET LA SECURITE

INTERNATIONALES 129

SECTION 1 : LES CONSEQUENCES INHERENTES A L'APPLICATION DE LA SANCTION PENALE INTERNATIONALE 130

SECTION 2 : LES CONSEQUENCES LIEES AUX FONCTIONS DE LA SANCTION PENALE INTERNATIONALE 138

CONCLUSION GENERALE 148

TABLE DES ABREVIATIONS

1- Abréviations bibliogra phiques

Ann.C.D.I Annuaire de la Commission du droit international

A.F.D.I Annuaire frangais de droit international

Ann.I.D.I Annuaire de l'Institut du droit international

B.N.0 Bulletin des Nations Unies

ed. Edition

E.J.I.L European journal of international law

Idem Référence ci-dessus indiquée

I.L.R International law reports

I.R.R.C International review of red cross

J.D.I Journal du droit international

N. Numéro de la revue

O p.cit. Opuscule précitée

P. Page

PP. Pages

P.0.A.M Presse universitaire d'Aix-Marseille

Rec.C.I.J Recueil des arrIts de la Cour internationale de justice

R.C.A.D.I Recueil des cours de l'Académie de droit international

R.S.A.N.0 Recueil des sentences arbitrales des Nations Unies

Rec.T.N.0 Recueil des traités des Nations Unies

R.G.D.I.P Revue generale de droit international public

R.Q.D.I Revue québécoise de droit international

R.R.J Revue de recherche juridique

T. Tome

Vol. Volume

2- Abreviations techniques

A.G.N.0 Assemblee generale des Nations Unies

C.D.I Commission du droit international

C.I.J Cour internationale de justice

C.P.I Cour penale internationale

C.S.N.0 Conseil de securite des Nations Unies

D.0.D.H Declaration universelle des droits de l'homme

La Charte Charte des Nations Unies

O.N.0 Organisation des Nations Unies

O.T.A.N Organisation du traite de l'Atlantique Nord

P.I.D.C.P Pacte international relatif aux droits civils et politiques

P.I.D.E.S.C Pacte international relatif aux droits economiques, sociaux

et culturels

T.P.I.R Tribunal penal international pour le Rwanda

T.P.I.Y Tribunal penal international pour l'ex-Yougoslavie

T.S.S.L Tribunal special pour la Sierra Leone

INTRODUCTION GENERALE

U.E.O Union de l'Europe occidentale

U.N.I.T.A Union nationale pour l'indépendance totale de l'Angola

En signant, le 26 juin 1 945, a San Francisco, la Charte de l'O.N.U, les peuples des Nations Unies ont proclamé leur foi dans les droits fondamentaux de l'Homme. Ce faisant, ils ont introduit un élément nouveau dans les relations internationales. Pour la première fois, après les horreurs de la seconde guerre mondiale, le respect des droits de l'homme, dans le monde entier, était élevé au rang de préoccupation légitime de la Communauté internationale. Ainsi, après les "injures massives''1 faites a l'homme dans le siècle dernier, le sens de la démarche contemporaine est clair : elle tend a faire de l'homme g la transcendance universelle émergeant au dessus des trônes et des dominations D2.

Jusqu'alors, les droits de l'homme concernaient les relations entre individus ou entre individus et Etats. Leur inscription dans le droit international marque un changement majeur dans l'histoire et la pratique de ce droit, lequel étend sa protection aux individus et aux entités non étatiques. La Déclaration Universelle des Droits de l'homme du 10 juin 1 948 cristallise cette inscription. Ainsi, le troisième age des Droits de l'homme3 - celui de leur internationalisation voire de leur universalité- s'est concrétisé tant par l'émergence des textes juridiques internationaux concernant les Droits de l'homme4 que par l'institutionnalisation des réactions de l'ordre juridique international face aux illicéités susceptibles d'être portées a l'endroit des droits de l'homme.

Cependant, et eu égard aux dispositions de l'article 2, paragraphe 7, de la Charte des Nations Unies qui interdit toute intervention dans les affaires intérieures d'un Etat, comment obliger les gouvernements a agir tout

1 Voir DUPUY René-Jean, * L'universel et l'international *, in DE RAYMOND Jean-Frangois (Sous la direction de), Les enjeux des Droits de l'Homme, Larousse, 1 988, p. 20 9.

2Voir ibid.

3 Voir BECET Jean-Marie et COLARD Daniel, Les Droits de l'homme. Dimensions nationales et internationales, éd. Economica, 1 982, p.75- 95. Les trois ages sont les suivants : en premier lieu l'age de la proclamation juridique, en deuxième lieu l'age de la socialisation et en troisième lieu l'age de l'internationalisation.

4 Charte des Nations Unies, DUDH, PIDCP, PIDESC, etc.

en respectant les considérations humanitaires ? Comme le dit Sylvaine CARTA LE VERT :

g L'obstacle des souverainetés nationales, si fréquemment invoqué pour refuser l'examen de la situation dans un pays, était difficile a surmonter. Les promoteurs des droits de l'homme devaient donc le contourner »5.

La mise en place des mécanismes visant a la protection des droits de l'homme et a la répression de leur violation procédait ainsi de la volonté de contourner l'obstacle des souverainetés nationales. C'est dans ce contexte que sont apparues les sanctions internationales. Il est raisonnable de commencer l'examen des sanctions internationales (II) par un retour sur l'origine et la définition de son objet c'est-A-dire les droits de l'Homme (I).

I- ORIGINE ET DEFINITION DES DROITS DE L'HOMME

Incontestablement, le langage des droits de l'homme dérive directement des philosophies du droit issues de la révolution intellectuelle du moyen age. Comme l'affirme Kenneth MINOGUE, l'on a, au début de l'ere moderne, tiré g l'origine des droits d'une conception globale de la nature, conception véhiculée par la philosophie depuis de nombreux siecles D6.

Au début des temps modernes, on parlait ainsi de g droits naturels N, tandis qu'à une époque plus récente, l'expression g droits de l'Homme D est entrée en usage. Le terme g Homme D prend ici une force particuliére, signifiant que les droits en question sont ceux qui, selon Kenneth MINOGUE, caractérisent l'essence de la vie humaine7. A la seconde moitié du 17e

5 Voir CARTA LE VERT Sylvaine, g L'action de l'O.N.U. : la stratégie de persuasion * in DE RAYMOND Jean-Frangois (Sous la direction de), Les enjeux des Droits de l'Homme, op.cit., P.202

6 Voir MINOGUE Kenneth, g Historique de la notion de Droits de l'homme *, in LAQUEUR Walter et RUBIN Barry (Textes réunis par), Anthologie des droits de l'homme, éd. Nouveaux Horizons, 1 98 9, P. 9

7 Voir ibid.

siécle, les g droits naturels D se sont substitues aux g droits divins D avec les penseurs comme GROTIUS et LOCKE. Toutefois, c'est au 18e siècle sous la plume des philosophes a l'instar de MONTESQUIEU, ROUSSEAU ou encore KANT que la doctrine des droits naturels s'est revelee avec vigueur8. Ainsi, la doctrine des droits naturels occupa le devant de la scene politique en se trouvant associee a deux revolutions :

g Ce serait exagere quoique excusable, d'affirmer qu'a son apogee l'idee de droits naturels renversa deux puissants gouvernements - celui qu'exergait George III sur les colonies americaines et celui de Louis XVI en France » 9.

C'est dans cette perspective que la Declaration d'Independance americaine de 1776 et la Declaration frangaise des Droits de l'Homme et du Citoyen de 178 9 consacrent les g droits naturels et inalienables D10 de l'homme.

Cependant, la doctrine des droits naturels n'a pas tarde a s'ebranler. En effet, l'infortune de cette doctrine devait etre portee par Karl MARX. Ce dernier a fonde sa critique sur l'argument selon lequel les pretendus droits naturels n'etaient que les droits d'une classe sociale. Par exemple, le droit de propriete qui represente l'un des droits naturels de l'homme ne pouvait etre revendique par les esclaves ou les proletaires11.

Desormais, l'on parle de g droits de l'homme D plutOt que de g droits naturels N, et cela tient au fait qu'il s'agit des droits lies a g la dignite et la valeur de la personne humaine N12, et non plus des droits lies a la g nature N.

En raison principalement des atrocites qui ont frappe le XXe siecle13, les questions relatives aux droits de l'homme ne relevaient plus exclusivement

8 Voir RICOEUR Paul, texte extrait de l'introduction a l'ouvrage sur les Fondements philosophiques des droits de l'homme, 1 988, publie dans Les enjeux des Droits de l'Homme, op.cit., avec l'autorisation de l'UNESCO.

9 Voir MINOGUE Kenneth, * Historique de la notion de Droits de l'homme *, op.cit., p.17.

10 Voir Preambule de la Declaration frangaise des Droits de l'Homme et du Citoyen.

11 Voir MINOGUE Kenneth, op.cit., pp.18-21.

12 Voir Preambule de la Charte des Nations Unies et celui de la Declaration Universelle des Droits de l'Homme.

de la juridiction interieure des Etats. Meme si avant la creation de l'ONU, l'ordre juridique international etendait dejà sa protection sur certains droits de l'homme14, il convient de reconnaitre que le remarquable developpement de la legislation des droits de l'homme debuta avec l'insertion de diverses dispositions relatives a ces droits dans la Charte de l'ONU15. Puis, les travaux de la Commission du droit international permirent que fut votee a l'unanimite, par l'Assemblee generale, le 10 decembre 1 948 la DUDH. Suivirent en 1 966 le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Pacte international relatif aux droits economiques, sociaux et culturels, adoptes par l'Assemblee generale.

Desormais, a cote de ces deux generations des droits de l'Homme16, une troisieme generation est nee et est representee par les droits plus recents. Sont notamment inclus dans cette generation le droit a un environnement sain, le droit au developpement et le droit a la paix. C'est dire qu'une definition des g droits de l'homme D est complexe. Elle doit necessairement prendre en compte le contenu des trois generations des droits de l'homme. Pour notre part, nous definissons les droits de l'homme comme l'ensemble des droits et prerogatives reconnus a tous les etres humains en tant qu'hommes libres et egaux en dignite, afin de permettre tant l'epanouissement de la personnalite de chacun d'eux que celui de l'espece humaine toute entiere.

Par ailleurs, malgre que les Declarations de 178 9 et de 1 948 denoncent l'ignorance des droits fondamentaux comme la cause essentielle des malheurs de l'humanite, celle-ci ne peut plus constituer aujourd'hui un

13 Nazisme, fascisme et autres ideologies attentatoires aux droits de l'homme, regimes et guerres totalitaires, et surtout les deux guerres mondiales qui ont bafoues les droits de la personne humaine.

14 Il s'agissait du droit a la protection des etrangers, du droit de ne pas subir l'esclavage et la traite des esclaves, du droit de certaines personne en temps de guerre, du droit a la protection des minorites ainsi que du droit de ne pas être victime de piraterie. Voir DRISCOLL Dennis J., * La place grandissante des Droits de l'homme dans le droit international *, in LAQUEUR Walter et RUBIN Barry (Textes reunis par), Anthologie des droits de l'homme, op.cit., PP57-58.

15 Voir articles 1, 55, 56 notamment de la Charte des Nations Unies.

16 Les droits civils et politiques et les droits sociaux, economiques et culturels

alibi. L'extraordinaire développement de la presse17 place l'e-tre humain a l'abri de l'ignorance. Pourtant, les violations répétées des droits de l'homme n'ont pas régressé. C'est dans cette mesure que les sanctions s'avérent nécessaires.

II- EVOLUTION ET DEFINITION DES SANCTIONS INTERNATIONALES

Aucun droit ne peut compter uniquement sur sa force morale pour se faire respecter. De me-me, le respect des droits de l'homme au niveau interne et international est subordonné a la mise en oeuvre des sanctions. Si a l'intérieur de l'Etat, le monopole du recours aux mesures de coercition est détenu par les autorités gouvernementales, l'ordre juridique international n'accorde pas a une seule entité l'usage de telles mesures18. Un bref apergu historique (A) précédera la définition de la sanction internationale (B).

A- Evolution des sanctions internationales

Sous l'égide du droit international classique, la sanction du droit international était constituée de la guerre et des représailles1 9. Me-me si certains auteurs ont contesté au recours a la guerre la qualification de sanction du droit international20, il n'en demeure pas moins que d'importants développements ont été réalisés dans ce sens. Comme le

17 De nos jours, la presse n'est plus seulement écrite, elle est surtout audio-visuelle et cybernétique.

18 Voir NGUYEN QUOC Ndinh, DALLIER Patrick, PELLET Alain, Droit international public, 5e édition, LGDJ, 1 994, pp 874-875.

1 9 a Les représailles sont la privation forcée de certains biens seulement protégés sans cela par le droit international ; elles sont un empiétement contraire a la volonté de l'Etat atteint sur certains de ses droits seulement, tandis que la guerre est, en principe, un empiétement sur tous ses droits, comportant en particulier l'usage de la force militaire * ; KELSEN Hans, K Théorie générale du droit international public. Problemes choisis *, RCADI, vol.4, T.42, 1 932, p. 12 9.

20 Voir Louis CAVARE qui voie en cette conception "une manifestation d'humour déplacée'', K Les sanctions dans le cadre de l'ONU *, RCADI, vol.1, 1 952, PP.1 97-1 99.

remarque VATTEL, « ... la guerre est une situation ou nous defendons nos droits par la force. *21

En effet, du XVIe au XIXe siecle, il est reconnu a tout Etat souverain une competence de guerre qui lui permet de « defendre ses droits par la force *. C'est le regne du « jus ad bellum *. Cette liberte de faire la guerre etait la manifestation du droit de se faire justice a soi même. Ce droit domina les relations internationales a cette epoque jusqu'a la differenciation entre la guerre juste22 et la guerre injuste. Mais, les premieres veritables tentatives d'institutionnalisation de la sanction internationale ont debute avec la limitation, mieux le retrait de la competence de guerre des Etats. La deuxieme Convention de La Haye de 1 907, dite Convention « Drago-Porter *23 annonce cette limitation. Elle est suivie par le Pacte de la Societe des Nations qui presente la premiere tentative de « centralisation de la reaction a l'illicite *24 dans l'ordre juridique international. Cependant, les « fissures * du Pacte de la Societe des Nations, tentees d'être comblees par la Convention de Paris du 26 aoat 1 92825, n'ont pas permis l'efficacite du mecanisme de mise en oeuvre des sanctions par le Conseil de la Societe des Nations.

Ainsi, c'est a la suite de la seconde guerre mondiale que les failles du systeme de securite collective ont ete comblees, ceci au merite de la Charte des Nations Unies. Desormais, la guerre ne represente plus la sanction du

21 Voir VATTEL, Le Droit des gens ou principes de la loi naturelle appliqués a la conduite et aux affaires des nations et des souverains, 1758, LIII, chapitre 1, paragraphe 1-3, cite par DELIVANIS Jean, La légitime défense en Droit international public moderne, Paris, LGDJ, 1 971, P. 9.

22 Les theologiens du XVIe et du XVIIe siecle consideraient que seul serait juste la guerre tendant a faire prevaloir une pretention legitime et seule la guerre juste serait legitime. Selon VATTEL, est juste toute guerre declenchee loyalement, a la suite d'une declaration de guerre ; dans ces conditions, seule est condamnable la guerre « par surprise * ; NGUYEN QUOC Ndinh, DALLIER Patrick, PELLET Alain, Droit international public, op.cit., P.876.

23 « Convention sur la limitation de l'emploi de la force pour le recouvrement des dettes contractuelles *, in ZOUREK Jaroslav, L'interdiction de l'emploi de la force en droit international, , A. W. Sijthoff-Leiden, Geneve, 1 974, PP.23 et 24.

24 Voir MAISON Rafaelle, La responsabilité individuelle pour crime d'Etat en droit international public, ed. Bruylant, Bruxelles, 2004, P.18

25 Dit Pacte Briand-Kellog. C'est finalement cette Convention qui met la guerre « hors-la-loi *, mais ne reussit pas a renforcer le systeme de securite collective.

droit international26. Aussi, les sanctions internationales sont principalement exercées par le Conseil de sécurité des Nations Unies27 dans le but de maintenir la paix et la sécurité internationales28. De me-me, les contre-mesures interétatiques sont considérées comme des sanctions en droit international public2 9.

B- Definition de la sanction internationale

Afin de saisir pleinement le sens de la notion de sanction en droit international public, il est indispensable de le comprendre dans son contexte littéral. Ainsi, du latin Sanctio, formé a partir du verbe sancire qui signifie g prescrire *, la sanction est g l'acte par lequel le souverain, le chef du pouvoir exécutif reve-t une mesure législative de l'approbation qui la rend exécutoire *30.Dans ce sens, la sanction est un acte d'approbation, de consécration ou encore de ratification. En outre, et dans un autre sens, elle renvoie a une g conséquence inéluctable *31.

Sous un angle juridique, le terme de « sanction * est définit d'un double point de vue. Au sens large, la sanction est g toute mesure, me-me réparatrice, justifiée par la violation d'une obligation. Au sens étroit, elle est

26Voir article 2, paragraphe 4, de la Charte qui dispose : g Les Membres de l'Organisation s'abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir a la menace ou a l'emploi de la force, soit contre l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique de tout Etat, soit de toute autre maniére incompatible avec les buts des Nations Unies *.

27 Voir article 24, paragraphe 1, de la Charte qui stipule : g Afin d'assurer l'action rapide et efficace de l'Organisation, ses Membres conférent au Conseil de sécurité la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales et reconnaissent qu'en s'acquittant des devoirs que lui impose cette responsabilité le Conseil de sécurité agit en leur nom *.

28 Voir Chapitre 7 de la Charte, en annexe, pp.153-156.

2 9 Voir VERHOEVEN Joe, Droit international public, éd. Larcier, 2000, PP.651-66 9 ; KOSMALACROZE Catherine, g La sanction en droit international *, in La sanction en droit, colloque de l'Université de Lyon 3, du 27/11/2003, PP.2-8, in http://www.net-iris.fr/blogjuridique/14-catherine-kosma-lacroze/10842/la-sanction-en-droit-international .

30 Voir Le petit Robert, dictionnaire de la langue francaise 1, Vol.1, Paris, P.175 9.

31 Voir ibid.

la punition, la mesure repressive pouvant etre prononcee par plusieurs organes(...) N32.

Toutefois, c'est la notion de sanction prise dans son sens large qui sied mieux a la conception la plus usitee en droit international public. En effet, la sanction renvoie en droit international public a l' * ensemble des mesures diplomatiques, economiques ou militaires prises par l'Etat ou par une organisation internationale pour faire cesser une violation du droit international qu'une organisation a constatee ou dont un Etat s'estime victime N33. C'est dire que differents types de sanctions sont envisages dans l'ordre juridique international. Une premiere distinction34 prend en compte :

- Les sanctions economiques, qui peuvent etre soit commerciales, soit financieres.

- Les sanctions touchant les voyages.

- Les sanctions diplomatiques

- Les sanctions militaires

- Les sanctions culturelles et sportives

Une deuxieme distinction oppose les sanctions non violentes35 des sanctions violentes36. Une autre distinction est a operer entre les sanctions prises par un Etat37 et celles prises par les organisations internationales38.

Cependant, cette definition de la notion de sanction en droit international public a l'inconvenient de ne pas integrer les sanctions edictees

32 Voir Gerard CORNU, Vocabulaire juridique, cite par PRADEL Jean, Droit penal, T.1, ed. Cujas, Paris, 1 994, P.573.

33 Voir ABC du droit international public, p.34, in

www.aidh.org/enseign/abc/Images/abc.pdf .

34 Voir MANGIN Rene, Rapport d'information no 3203 depose en application de l'article 145 du Reglement par la Commission des Affaires Etrangeres sur les sanctions internationales, PP.8- 9.

35 Article 41 de la Charte des Nations Unies, voir annexe 1, p.153.

36 Article 42, ibid.

37 Ou sanctions * horizontales N

38 Ou sanctions * verticales N

par les organes juridictionnels. Dans ce sens, il apparait approprie de distinguer, en droit international public, les sanctions prises par les organes politiques internationaux3 9 des sanctions prononcees par les organes juridictionnels internationaux40. Au cours de cette etude, les premieres sont rassemblees sous l'appellation de g sanctions politiques D et les secondes sont denommees g sanctions juridictionnelles D.

Malgre ces distinctions des types de sanctions en droit international, une confusion semble demeurer avec des notions voisines. Il s'agit des notions d'intervention(1) et de legitime defense(2) principalement.

1- Sanction internationale et intervention

L'intervention et la sanction en droit international public ont toutes les deux un fondement commun, c'est-à-dire dans le cadre de cette etude, la violation des droits de l'homme. De plus, ces notions representent des reactions de l'ordre juridique international a l'illicite. Cependant, s'il est admis que les sanctions internationales sont une forme d'intervention41, il faut neanmoins preciser que toutes les formes d'intervention ne sont pas licites en droit international. C'est d'ailleurs meme le principe de non intervention qui y est consacre.42

Cependant, et comme l'affirme le Professeur Charles ZORGBIBE, la seule intervention licite semble etre celle qui se fonde sur une g Lesion de la

3 9 Voir entre autres Etats et organisations internationales.

40 Voir Cour Internationale de Justice, Cour Penale Internationale, Tribunal Penal International pour l'ex-Yougoslavie, Tribunal Penal International pour le Rwanda, Tribunal Special pour la Sierra Leone, Cour Europeenne de Justice, Cour Inter Americaine de Justice, Cour Africaine de Justice et des droits de l'homme, notamment.

41 Voir article 2, paragraphe 7, in fine de la Charte.

42 Voir article 2, paragraphe 7, de la Charte. Voir en outre la Declaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la cooperation entre les Etats conformement a la Charte des Nations Unies, in ZOUREK Jaroslav, L'interdiction de l'emploi de la force en droit international, Editions A.W. Sijthoff-Leiden, Institut Henry-Dunant, Geneve, 1 974, Pages 128-138.

1

société humaine D43. Il parle ainsi indistinctement de l'intervention d'humanité et de l'intervention humanitaire.44

Mais, si ces deux notions ont un fondement commun, elles poursuivent des buts différents. Tandis que l'intervention vise a protéger les populations victimes des violations des droits de l'homme, la sanction internationale tend a mettre fin a ces violations, réprimer l'auteur45 et obtenir réparation. Cette distinction ne s'éloigne que de peu de celle existant entre sanction internationale et légitime défense.

2- Sanction internationale et legitime defense

Tout comme les sanctions internationales, la légitime défense constitue une forme de recours a la force autorisée par la Charte des Nations Unies46 en riposte a des actes illicites. Elle peut Itre individuelle47 ou collective48. Seulement, le champ d'application matériel de la légitime défense est plus restreint que celui des sanctions internationales4 9.En effet, la légitime défense est une réaction face a un acte d'agression50 et g se borne

43 Voir ZORGBIBE Charles, Le droit d'ingérence, col. Que sais- je ?, éd. PUF, 1 994, P. 9.

44 L'intervention d'humanité oblige un Etat a intervenir a l'étranger pour protéger la vie de ses nationaux tandis que l'intervention humanitaire vise a intervenir dans un autre pays pour protéger l'ensemble de la population victime de la violation des droits de l'homme. Ces notions se distinguent du droit d'ingérence. Leur contenu a évolué, tout comme la terminologie les désignant et l'on parle désormais de la responsabilité de protéger. Pour la distinction entre droit d'ingérence, intervention d'humanité et intervention humanitaire, Voir ZORGBIBE Charles, op.cit. ; Et plus loin sur l'évolution vers la responsabilité de protéger, voir FOPY Sylvain Christian, Le droit d'intervention de l'Union Africaine, mémoire de D.E.A, Université de Dschang, 2006-2007, pp.3-5.

45 Etat ou entité non étatique.

46 Voir article 51 de la Charte ; pour les différentes formes de recours a la force autorisée par la Charte, voir ZOUREK Jaroslav, L'interdiction de l'emploi de la force en droit international, op.cit., PP.6 9-112.

47 A l'instar des contre-mesures.

48 A l'image des sanctions collectives.

49 Voir DELIVANIS Jean, La légitime défense en droit international public moderne (Le Droit International face a ses limites), Paris, LGDJ, 1 971, PP.6 9-72.

50 Voir résolution 3314 (XXIX) du 14 décembre 1 974 de l'Assemblée générale des Nations Unies ; Voir en outre KAMTO Maurice, L'agression en droit international, éd. A.Pedone, Paris, 2010, PP. 91-187.

A tenter d'arre-ter cette violation N51. Quant aux sanctions internationales, elles sont exercées sous des hypothéses plurielles52 et visent tant la cessation des exactions, la répression de ses auteurs, que la réparation de celles-ci.

Ainsi procédées a ces précisions terminologiques, il convient de relever que tant dans la pratique que dans la doctrine, les termes g mesures de contraintes N, g mesures coercitives N, g mesures contraignantes D et g sanctions D sont indistinctement usités53. De me-me, la notion de maintien de la paix ne peut se détacher de celle de rétablissement de la paix. C'est au vu de ces considérations générales que les développements seront abordés.

INTERET DU SUJET

Le sujet qui interpelle notre attention tente de concilier, prima farcie, la défense du droit a celle de la paix54. Ainsi, les violations des droits de l'homme, comme nous allons le développer, représentent désormais une « menace contre la paix D. Ce qui invite l'ONU, les organisations régionales ou les Etats a prendre les sanctions adéquates afin de maintenir la paix et la sécurité internationales.

Mais, cette tentative de conciliation du droit et de la paix ne se limite pas a ce niveau. Elle permet de se rendre compte a fortiori que les organes juridictionnels,- plus précisément les juridictions pénales internationales-, en appliquant les sanctions aux individus responsables de violation des

51 Voir DELIVANIS Jean, op.cit., P.70.

52 Voir chapitre VII de la Charte des Nations Unies, annexe ; chapitre II, Partie III du Projet d'articles sur la responsabilité des Etats pour fait internationalement illicite, annexe ; chapitre II du statut de Rome de la Cour pénale internationale, annexe ; etc.

53 Voir COUZICOU Iréne, g Le Conseil de sécurité doit-il respecter les droits de l'homme dans son action coercitive de maintien de la paix ? *, RQDI, 2007, P.108 ; Et sur le caractére inapproprié du terme g Sanctions * en droit international, voir COMBACAU Jean, Le pouvoir de sanction de l'O.N.U. Etude théorique de la coercition non militaire, Paris, A. Pedone, 1 974, PP.23-24.

54 Voir NGUYEN QUOC Dinh, DAILLIER Patrick, PELLET Alain, Droit international public, op.cit., P.875.

droits de l'homme, participent tant sur le plan theorique que pratique, au maintien de la paix et de la securite internationales.

En bref, le sujet qui nous preoccupe permet la remise au gout du jour de la question problematique des sanctions internationales.

METHODE DE TRAVAIL

La demarche qui est suivie dans ce travail de recherche est une demarche juridique. Elle est constituee principalement de la dogmatique c'est-A-dire l'interpretation et l'explication des regles et principes de droit en vue de leur application a des faits sociaux. Cette derniere est de temps a autre soutenue par la casuistique c'est-A-dire l'exploitation et la mise en exergue des cas de jurisprudence.

De me-me, l'exigence méthodologique qui contraint a procéder a une taxinomie des sanctions internationales ne nous soustrait point du cadre téléologique de l'étude55.

PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESE

La correlation qui existe entre trois grands problemes de notre temps c'est-A-dire d'un cote les sanctions internationales, de l'autre cote le respect et l'épanouissement des droits de l'homme, et enfin le maintien de la paix et de la sécurité internationales, est établie non seulement dans le texte de la Charte des Nations Unies, mais aussi dans celui d'autres instruments juridiques internationaux. A ce titre, les sanctions, selon les termes de l'article 3 9 de la Charte, ne peuvent venir qu'en reponse a une menace a la paix, une rupture de la paix ou un acte d'agression. C'est dire que, d'un point juridique, les violations des droits de l'homme doivent etre constitutives de menace a la paix, de rupture de la paix ou d'acte d'agression

55 C'est-à-dire le maintien de la paix et de la sécurité internationales.

pour que les sanctions internationales puissent Itre adoptées. Cette exigence nous améne a poser la problématique de cette étude en ces termes : Dans quelle mesure les sanctions internationales aux violations des droits de l'homme contribuent-elles au maintien de la paix et de la sécurité internationales ?

Ceci dit, et pour éviter tout commentaire superflu, l'étude entreprise vise a défendre la thése qui suit : Pour que les sanctions internationales aux violations des droits de l'homme contribuent au maintien de la paix et de la sécurité internationales, il faut qu'elles soient adaptées aux auteurs desdites violations. En d'autres termes, dans la mesure ou les sanctions impliquant la responsabilité collective cédent la place a celles impliquant la responsabilité individuelle, le maintien de la paix et de la sécurité internationales est mieux assuré.

PERSPECTIVES DE TRAVAIL

S'il est vrai que la détermination de l'organe qui doit intervenir est moins commandée par la nature de la sanction a appliquer que par celle de l'infraction commise56, il n'en demeure pas moins vrai qu'au niveau international, les violations des droits de l'homme font intervenir tant les organes politiques que les organes juridictionnels. Dans cette perspective, la distinction dans cette étude, comme sus évoquée, est opérée entre sanctions politiques, c'est-A-dire celles mises en oeuvre par les organes politiques internationaux, et sanctions juridictionnelles, c'est-A-dire celles appliquées par les organes juridictionnels.

Ainsi, l'étude consiste a établir que les sanctions adoptées par les organes politiques sont des mesures « a double tranchant *57 (premiere

56 Voir CAVARE Louis, g Les sanctions dans le cadre de l'O.N.U. *, RCADI, I, 1 952, P.52.

57 Expression empruntée a LEBEN Charles, g Les contre-mesures interétatiques et les réactions a l'illicite dans la société internationale *, AFDI, vol.28, 1 982, P.72 ; D'autres auteurs identifient les sanctions politiques a une K victoire a double tranchant *, voir COLONOMOS Ariel, g "Injustes'' sanctions : les constructions internationales de la

partie) d'une part, tandis que celles prises par les organes juridictionnels sont des meures g appropriées *58 (seconde partie) d'autre part.

dénonciation des embargos et l'escalade de la vertu abolitionniste *, Revue Questions de recherche/Research in question, no 1, novembre 2001, in www.cerisciencespo.com/publica/question/qdr1.pdf

58 Expression empruntée a CAVARE Louis, g Les sanctions dans le cadre de l'O.N.U. *, op.cit.

PREMIERE PARTIE : LES

SANCTIONS POLITIQUES,

MESURES « A DOUBLE

TRANCHANT 6

INTRODUCTION DE LA PREMIERE PARTIE

De facon elementaire, l'Etat est defini comme une entite composee d'un territoire, d'une population et d'une autorite gouvernementale en charge de la representation de l'ensemble de l'Etat. Cela dit, l'Etat est une personne morale et par consequent, le principe de l'unite d'action lui est reconnu. Autrement dit, les actions menees par l'autorite gouvernementale engagent en principe la responsabilite de l'ensemble des composants de l'Etat. Comme le soulignait le professeur GUGGENHEIM :

g L'Etat agit pour un ensemble d'individus qui lui sont attribues. A leur tour, les violations des droits commises par les individus5 9 peuvent, dans certaines circonstances, engager la responsabilite de l'Etat et l'exposer, c'esta-dire exposer l'ensemble des individus qui lui sont rattaches aux sanctions prevues par le droit international D60.

On ne peut donc pas concevoir l'Etat comme une volonte generale independante des individus. C'est en tout cas dans cette logique que s'inscrivent les sanctions politiques.

Or, les sanctions prises par les organes politiques internationaux61 peuvent avoir des repercussions nocives sur la population civile de l'Etat vise. En d'autres termes, les sanctions politiques peuvent avoir des g consequences nefastes(...) pour la jouissance des droits de l'homme N. Ainsi, se cree en effet paradoxal. Autrement dit, les sanctions editees en vue de mettre fin a une situation de violation des droits de l'homme se posent comme instruments de violation desdits droits. C'est dire que d'une part, elles mettent effectivement un terme aux violations des droits de l'homme et contribuent par là me-me au maintien de la paix et de la securite internationales (Chapitre I) ; Mais d'autre part, elles creent, parfois a la suite d'une bréve periode d'apaisement, un climat deletére a l'interieur duquel les

5 9 Les representants legitimes de l'Etat.

60 Voir GUGGENHEIM Paul, * Les principes de droit international public *, RCADI, I, 1 952, P.82.

61 Dans le cadre de cette etude, il est question de l'Organisation des Nations Unies, des organisations regionales ainsi que des Etats.

droits de l'homme sont bafoués (Chapitre II). C'est dans ce sens qu'est compris le qualificatif g a double tranchant D indexé aux sanctions politiques dans le cadre de cette étude.

CHAPITRE I : UNE DUALITE TYPOLOGIQUE DES SANCTIONS POLITIQUES DANS L'OPTIQUE DU MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SECURITE INTERNATIONALES

Les decisions de sanction prises par les organes politiques internationaux tirent leur base juridique soit directement de la Charte des Nations Unies62, soit indirectement du droit derive de la Charte63, soit encore de facon presumee de la legalite internationale64. A ce titre, les sanctions politiques ne souffrent d'aucune illiceite.

Dans le cadre de notre etude, il s'agit des actions coercitives violentes ou non-violentes prises contre les violations des droits de l'homme en vue de maintenir la paix et la sécurité internationales. Elles sont imposées par les organisations internationales (section 1) ou prises par les Etats (section 2).

62 Le cas du Conseil de sécurité qui fonde ses actions coercitives sur le chapitre VII de la Charte.

63 Etant entendu les resolutions ou recommandations du CSNU qui conférent aux Etats ou organisations regionales le pouvoir de sanction sur la base de l'article 53, paragraphe 1, de la Charte.

64 Voir dans ce cas le Projet d'articles sur la responsabilité des Etats pour fait internationalement illicite, troisiéme partie, chapitre 2, intitulé a contre-mesure *.

SECTION 1 : LES SANCTIONS AUX VIOLATIONS DES DROITS DE L'HOMME PRISES PAR LES ORGANISATIONS INTERNATIONALES

Plusieurs organisations internationales veillent au respect des droits de l'homme et, le cas echeant, mettent en oeuvre des sanctions dans le but de mettre fin aux violations de ceux-ci. C'est le cas de l'Organisation des Nations Unies qui detient la responsabilite principale en matiere de sauvegarde de la paix et de la securite internationales (paragraphe 1). C'est aussi le cas des organismes regionaux ou crees g en vertu d'accords regionaux p65, a condition que g ces accords ou ces organismes et leurs activites soient compatibles avec les buts et les principes des Nations Unies ))66 (paragraphe 2).

PARAGRAPHE 1 : Les sanctions imposees par l'Organisation des Nations Unies

La reference au chapitre VII de la Charte des Nations Unies justifie les actions coercitives adoptees par les organes politiques de l'ONU67. Pendant la periode de la guerre froide , l'antagonisme entre l'Est et l'Ouest n'a pas permis une reelle mise en application du systeme de securite collective prevu dans la Charte. Des la fin de l'antagonisme, les references au chapitre VII se sont multipliees68. C'est dans cette perspective que le Professeur DUPUY a pu ecrire qu' g on n'est passe d'une exploitation minimale du chapitre VII, heritee de la periode post-glaciaire d'entente reduite entre les grands, a une sorte de surchauffe du systeme de securite collective D69.

Ainsi dit, aux termes de l'article 24, paragraphe 1, de la Charte :

65 Voir la Charte des Nations Unies, chapitre VIII.

66 Voir la Charte des Nations Unies, chapitre VIII, article 52 paragraphe 1, in fine.

67 Voir KERBRAT Yann, La reference au chapitre VII de la Charte des Nations Unies dans les resolutions a caractere humanitaire du Conseil de sécurité, LGDJ, Paris, 1 995, 120 P.

68 Voir KERBRAT Yann, La reference au chapitre VII ..., op.cit., P.1.

6 9 Voir DUPUY P.-M, Droit international public, Dalloz, Paris, 2e ed., 1 994, P.42 9.

2

g Afin d'assurer l'action rapide et efficace de l'Organisation, ses membres conferent au Conseil de securite la responsabilite principale du maintien de la paix et de la securite internationales et reconnaissent qu'en s'acquittant des devoirs que lui imposent cette responsabilite, le Conseil de securite agit en leur nom * (A).

Malgre cela, d'autres organes de l'ONU se sont affirmes dans la prise de mesures de contraintes (B).

A- La competence de princi pe de Conseil de securite dans le cadre du maintien de la paix et de la securite internationales

Il est question dans les développements qui suivent de démontrer que les droits de l'homme constituent une (( menace contre la paix *. Par consequent, le Conseil de securite se fonde sur le chapitre VII de la Charte (1) afin de prendre des sanctions internationales (2).

1- La reference au cha pitre VII, fondement de la competence du

Conseil de securite en cas de violation des droits de l'homme

Le respect des droits de l'homme est consacré par la (( Constitution *70 des Nations Unies. Ceci montre la valeur constitutionnelle des droits de l'homme et la forte protection dont ils font l'objet. Toutefois, lorsque les droits de l'homme ont été violés par certains Etats, le CSNU n'a pu agir sur le fondement du chapitre VII de la Charte des Nations Unies que par un elargissement de la notion de « menace contre la paix * (a). Mais, toutes les violations avérées des droits de l'homme ne peuvent constituer une « menace

70 L'expression g constitutionnel * a été utilisée par Michel VIRALLY dans g l'ONU devant le droit *, J.D.I., 1 972, PP.501-533 ; Sur le caractére constitutionnel de la Charte de l'ONU, voir TCHEUWA Jean-Claude, g L'Union Africaine et les changements anticonstitutionnels de gouvernement *, R.R.J-DP, N'XXXIV-127, edition PUAM, PP.1002-1005; Voir en outre les chartes constitutives de l'OIT, de l'OMS, de l'UNESCO, intitulées g Constitution *.

contre la paix D. Pour cela, elles doivent atteindre un certain (( seuil de gravité D (b).

a- ''elargissement de la notion de « menace contre la paix » aux situations de violation des droits de l'homme

L'élargissement de la notion de « menace contre la paix D est rendu juridiquement possible a travers le pouvoir de qualification unilatérale dont dispose le CSNU71, étant entendu qu'il s'agit d'un pouvoir discrétionnaire72. Ainsi, le CSNU dans ses résolutions a pu qualifier des situations de violation des droits de l'homme de « menace contre la paix D. Une évolution est a relever dans ce sens.

Dans les résolutions 217(1 965) et 221(1 966) sur la Rhodésie du Sud, le CSNU a conclu que les violations des droits de l'homme dans ce pays pouvaient constituer une menace contre la paix. De me-me, le CSNU a lié dans la résolution 418(1 977) du 4 novembre 1 977 la qualification de menace contre la paix a la politique d'Apartheid pratiquée en Afrique du Sud73. Mais, dans ces deux cas, la qualification de menace contre la paix a été justifiée par des éléments extérieurs : le danger d'un conflit en Afrique australe pour la Rhodésie, l'acquisition d'armes et de matériels militaires pour l'Afrique du Sud. C'est dire que la qualification de ces situations de violation des droits de l'homme en menace contre la paix était justifiée par les éléments extérieurs74.

Par la suite, lors de l'invasion du KoweIt par l'Irak, le CSNU se déclare « profondément préoccupé par la répression des populations civiles irakiennes (...), laquelle a conduit a un flux massif des réfugiés vers les

71 Voir article 3 9 in limine de la Charte qui dispose que g le Conseil de sécurité constate l'existence d'une menace d'une menace a la paix (...) *.

72 Voir WECKEL Philipe, g Le chapitre VII de la Charte et son application par le Conseil de sécurité *, AFDI, vol.37, 1 991, PP.168-16 9 et 177-178.

73 Voir CADOUX Charles, g L'Organisation des Nations Unies et le probleme de l'Afriqueaustrale. L'évolution de la stratégie des pressions internationales *, AFDI, vol.23, 1 977, PP.136-13 9.

74 Voir KERBRAT Yann, La reference au chapitre VII ..., op.cit., P.1 9

frontières internationales et a travers celles-ci a des violations de frontières qui menacent la paix et la sécurité internationales dans la région D75. C'est ainsi dire que la violation des droits de l'homme n'atteint pas directement la paix et la sécurité internationales. C'est ce que confirme le professeur Philipe WECKEL en ces termes :

g L'organe principal des Nations Unies s'en tient au mandat dont il a été investi par l'article 24 de la Charte. Sa décision est motivée explicitement par le franchissement massif des frontières Turques par une population en exode. La violation des droits de l'Homme est retenue seulement dans ses implications internationales, cette sorte de trouble anormal de voisinage résultant de l'afflux des réfugiés D76.

La liaison devient enfin directe entre les violations des droits de l'homme et la menace contre la paix avec la première résolution sur la Somalie77, et, surtout, avec la résolution 7 94 du 3 Décembre 1 992 dans laquelle le CSNU estime que g l'ampleur de la tragédie humaine causée par le conflit en Somalie (...) constitue une menace contre la paix et la sécurité internationales N.

Ainsi est expressément consacré, a partir du cas Somalien, que les violations des droits de l'homme constituent une menace contre la paix. D'autres résolutions vont entériner cette consécration78, tout en maintenant la condition que les violations doivent présenter une certaine gravité.

75 Voir résolution 688 (1 991) du 3 Avril 1 991.

76 Voir WECKEL Philipe, * Le chapitre VII de la Charte et son application par le Conseil de sécurité *, op.cit., PP.194-195

77 Voir résolution 733 du 23 Janvier 1 992.

78 En ex -Yougoslavie après son éclatement en 1 991, au Rwanda en 1 994, etc. En outre, le terrorisme international a été élevé au rang de menace contre la paix et la sécurité internationales ; voir résolution 1368 (2001) du 12 septembre 2001, résolution 1377 (2001) du 12 novembre 2001, résolution 13 90(2002) du 16 janvier 2002, etc.

b- La prise en com pte du seuil de gravite des violations des droits de l'homme

Toutes les violations des droits de l'homme ne sont pas constitutives de menace contre la paix et la sécurité internationales. Elles doivent atteindre un certain seuil de gravité. La violation des droits d'un individu ne peut pas menacer -me-me d'un point de vue empirique- la paix et la sécurité internationales. Comme l'écrit Monsieur DELBROCK :

« It Is also correct to state massive and Gross violations of human rights of genocidal dimension, particulary if carried out by military means, are incompatible with an understanding of peace as a legal order and they therefore constitute a threat to international peace D79.

Il doit alors s'agir de violations graves d'une dimension genocidaire. Cette exigence est prise en compte dans les resolutions a caractere humanitaire du CSNU80. Ainsi, le CSNU parle des « violations flagrantes et generalisees D ou de « violations flagrantes, generalisees et systematiques D des droits de l'homme, de « tragedies humaines N, ou encore de « catastrophes humanitaires D. Dans la resolution 827 sur la situation en ex-Yougoslavie, il parle de « tueries massives D et de « nettoyage ethnique D.

Comme le conclut Monsieur KERBRAT, « seuls les crimes particulierement odieux et commis de facon massive peuvent constituer en eux- memes une menace contre la paix N81.

Ainsi, la competence du CSNU en cas de violation des droits de l'homme n'a été rendue possible qu'à travers un elargissement de la notion de menace contre la paix aux situations de violation des droits de l'homme et une prise en consideration d'un certain seuil de gravité desdites violations. Des lors, nous pouvons dire, a la suite du professeur COHEN-JONATHAN, qu' « a tort ou a raison, le fait de constater qu'une situation releve de l'article

7 9 Voir DELBRUCK, « A fresh look at humanitarian Intervention Under the Authority of United Nations *, Indiana Law Journal, vol.87, 1 992, P. 900.

80 Voir KERBRAT Yann, La reference au chapitre VII ..., op.cit., P.13.

81 Voir ibid.

3 9 et du chapitre VII evoque immediatement la menace de sanction D82. C'est dire que la reference au chapitre VII emporte des consequences notables.

2- La portee de la competence du Conseil de securite en cas de violation des droits de l'homme

La qualification d'une situation de crise - humanitaire ou non- comme menace contre la paix par le CSNU autorise ce dernier a prendre toutes les mesures necessaires « pour maintenir ou retablir la paix et la securite internationales D83. Ces mesures constituent des sanctions internationales qui peuvent etre de deux ordres : celles n'impliquant pas l'emploi de la force armee (a) et celles plus radicales du recours aux armes (b).

a- La prise de mesures de contrainte non armee dans le but de maintenir la paix et la securite internationales

Aux termes de l'article 41 de la Charte :

g Le Conseil de securite peut decider quelles mesures n'impliquant pas l'emploi de la force armee doivent etre prises pour donner effet a ses decisions, et peut inviter les membres des Nations Unies a appliquer ces mesures. Celles-ci peuvent comprendre l'interruption complete ou partielle des relations economiques et des communications ferroviaires, maritimes, aeriennes, postales, telegraphiques, radioelectriques et des autres moyens de communication, ainsi que la rupture des relations diplomatiquesD84.

Il s'agit de diverses mesures coercitives g n'impliquant pas l'emploi de la force armee D que le CSNU est competent pour prendre contre les Etats, auteurs de violations des droits de l'homme. Ces sanctions internationales

82 Voir COHEN-JONATHAN Gerard, * Article 3 9 D, in COT J.P, PELLET A., La charte des Nations Unies. Commentaire article par article, Economica, Paris, 2e ed. 1 991, P.654.

83 Voir article 3 9 de la Charte, annexe 1, p.153.

84 Voir annexe 1, p.153.

dites non violentes constituent de veritables actes de contrainte85. Elles sont de natures differentes et peuvent etre mises en oeuvre de facon partielle ou globale86.

S'agissant de leurs natures, elles peuvent etre economiques (les sanctions economiques sont soit financieres, soit commerciales), communicationnelles ou encore diplomatiques. Elles peuvent aussi etre des embargos, des blocus ou des boycotts.

L'embargo est « une sanction a caractere economique consistant a prohiber tout echange commercial avec l'Etat envers lequel l'embargo est instaure N87. Quant au blocus, il est d~fini comme une « operation navale conduite par un pays en guerre, visant a isoler les ports de l'adversaire, depuis l'exterieur, pour lui interdire tout commerce avec l'etranger et pousser ainsi l'ennemi vers la defaite militaire en le privant de ses approvisionnements et de toute possibilite de communication N88. Enfin, le boycott renvoie a « l'interruption des relations commerciales dans le but d'exercer une pression N.

Ces definitions données par le dictionnaire « Microsoft Encarta 2008 N renvoient a la conception classique de ces institutions. C'est la raison pour laquelle elles sont tres peu satisfaisantes. Pour notre part, l'embargo renvoie A l'interruption du transfert des produits commerciaux ou financiers ainsi que communicationnels des Etats membres de l'ONU vers le pays indexé. Le blocus quant a lui est l'interruption du transfert des produits commerciaux, financiers, communicationnels et autres du pays indexé vers les pays Membres de l'ONU. S'agissant du boycott il est une sanction que l'on peut qualifier de synthese c'est-A-dire constituée a la fois de l'embargo et du blocus.

85 Voir NGUYEN QUOC Dinh, DAILLIER Patrick, PELLET lain, Droit international public, op.cit. P. 931.

86 L'on parle de sanctions partielles ou de sanctions globales.

87 Voir « embargo N. Microsoft® Etudes 2008 [DVD]. Microsoft corporation, 2007.

88 Voir « blocus N. Ibid.

Lorsque ces mesures s'averent "inadéquates'' a la situation de violation des droits de l'homme, le CSNU peut faire recours a la force armée.

b- La prise de mesures de coercition armee dans l'o ptique du maintien de la paix et de la securite internationales

L'usage de la force armée releve aussi de la compétence du CSNU. Elle sera mise en oeuvre par l'intermédiaire g d'un ensemble d'Etats qui agiront dans le cadre de la sécurité collective *8 9. Les sanctions internationales dites violentes sont prévues par l'article 42 de la Charte en ces termes :

g Si le Conseil de sécurité estime que les mesures prévues a l'Article 41 seraient inadéquates ou qu'elles se sont révélées telles, il peut entreprendre, au moyen de forces aériennes, navales ou terrestres, toute action qu'il juge nécessaire au maintien ou au rétablissement de la paix et de la sécurité internationales. Cette action peut comprendre des démonstrations, des mesures de blocus et d'autres opérations exécutées par des forces aériennes, navales ou terrestres de Membres des Nations Unies * 90.

Pour la mise en application effective des différentes mesures contenues dans cet article 42, un recours a l'article suivant est nécessaire. En effet, l'article 43 pose les conditions devant etre remplies en cas de prise de mesures de contrainte armée par le CSNU. Il stipule dans son paragraphe 1 que :

g Tous les membres des Nations Unies, afin de contribuer au maintien de la paix et de la sécurité internationales, s'engagent a mettre a la disposition du Conseil de sécurité, sur son invitation et conformément a un accord spécial ou a des accords spéciaux, les forces armées, l'assistance et

8 9 Voir KOSMA-LACROZE Catherine, g La sanction en droit international*, in La sanction en droit, colloque de l'Université de Lyon 3, 27 novembre 2003, P.8, in http://www.netiris.fr/blog-iuridique/14-catherine-kosma-lacroze/10842/la-sanction-en-droit-international 90 Voir annexe 1, pp.153-154.

les facilites, y compris le droit de passage, necessaires au maintien de la paix et de la securite internationales D91.

Pour mieux saisir la pertinence de ce paragraphe, il faut se reporter au chapitre I sur les « Buts et Principes D de l'ONU, et precisement au paragraphe 5 de l'article 2 qui impose aux membres de l'ONU une double obligation : une obligation negative caracterisee par le devoir d'abstention et une obligation positive caracterisee par le devoir d'assistance 92.

Ainsi, sur la base d'un accord special ou des accords speciaux, les forces armees des Membres des Nations Unies ont le devoir de pre-ter leur concours a l'action coercitive armee entreprise par le CSNU. Ce faisant, ce dernier s'impose en droit et en pratique comme l'organe principal des Nations Unies en charge du maintien de la paix et de la securite internationales. Cependant, d'autres organes des Nations Unies, parfois me-me au gre des circonstances, tendent a surplomber le CSNU dans son role principal de maintien de la paix et de la securite internationales.

B- L'affirmation de la competence des autres organes des Nations Unies dans le cadre du maintien de la paix et de la securite internationales

Il ressort des dispositions de l'article 1, paragraphe 1, de la Charte que la realisation du but du maintien de la paix et de la securite internationales incombe a l'Organisation toute entiére, sans egard a l'organe politique ou juridictionnel qui interviendra effectivement. Mais, surtout, l'on se rend bien compte, a la lecture du texte de la Charte, que le probléme des droits de l'homme ne rentre pas directement dans la competence du CSNU. Il rentre dans celle des autres organes politiques de l'ONU (1). De me-me, le climat

91 Voir annexe 1, p.154.

92 Article 2, Paragraphe 5 : * Les Membres de l'Organisation donnent a celle-ci pleine assistance dans toute action entreprise par elle conformement aux dispositions de la presente Charte et s'abstiennent de pre-ter assistance a un Etat contre lequel l'Organisation entreprend une action preventive ou coercitive *.

international qui s'est installe apres la seconde Guerre Mondiale n'a pas permis au CSNU de remplir son role d'organe principal en charge du maintien de la paix et de la securite internationales. Un autre organe de l'ONU, en l'occurrence l'Assemblee Generale, a du alors remplir cette fonction (2).

1- La primaute formelle des autres organes de l'ONU en matiere de droits de l'Homme

Au vu de la Charte de l'ONU, d'autres organes politiques ont pour tache de veiller au respect voire a la protection des droits de l'homme. Sont pris en compte ici le Secretariat General, l'Assemblee Generale, le Conseil Economique et Social et le Conseil des Droits de l'Homme93. En effet, comme l'explique le Professeur DUPUY :

« 7lexiste dans la Charte deux dimensions de la paix internationale : une dimension structurelle (...) dont la prise en charge releve d'abord de l'Assemblee generale, du Conseil economique et social et du Secretaire general ; une dimension securitaire, ensuite, dont la prise en charge releve specifiquement du Conseil de securite 94 N.

Pour ainsi dire, le respect et la protection des droits de l'homme ainsi que la resolution des situations de violation des droits de l'homme relevent en principe de la dimension structurelle de la paix. C'est en ces termes que se posent les dispositions de l'article 55 de la Charte :

« En vue de creer les conditions de stabilite et de bien-être necessaires pour assurer entre les nations les relations pacifiques et amicales fondees sur le respect du principe de l'egalite des droits des peuples et leur droit a disposer d'eux-mêmes, les Nations Unies favoriseront :

93 Ancienne Commission des droits de l'homme, le Conseil des droits de l'homme a vu le jour en 2006.

94 Voir DUPUY Pierre-Marie, Droit international public, op.cit., PP.42 9-430.

a. Le relevement des niveaux de vie, le plein emploi et des conditions de progres et de developpement dans l'ordre economique et social ;

b. La solution des problemes internationaux dans les domaines economique, social, de la sante publique et d'autres problemes connexes, et la cooperation internationale dans les domaines de la culture intellectuelle et de l'education ;

c. Le respect universel et effectif des droits de l'homme et des libertes fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion. D

Par consequent, le CSNU n'est en principe pas competent pour résoudre les problemes de crises humanitaires. Ceux-ci relevent de la competence des organes suscités. Cependant, l'élargissement de la notion de menace contre la paix aux situations de violation des droits de l'homme a pour effet d'impliquer le CSNU dans la dimension structurelle de la paix internationale. Ainsi, l'on assiste a un concours de competence entre les différents organes politiques dans le cadre du maintien de la paix et de la sécurité internationales. Faisant echo aux dires de Monsieur KERBRAT, nous pouvons affirmer que g l'élargissement de la notion de menace contre la paix aux problemes humanitaires brouille ainsi les cartes entre la dimension sécuritaire et la dimension structurelle N 95, permettant l'immixtion du CSNU dans un domaine traditionnellement reserve aux autres organes politiques de l'ONU. Depuis l'année 1 950 cependant, une voie s'est ouverte permettant a l'AGNU de s'immiscer dans la dimension sécuritaire de la paix internationale.

3

2- La resolution de l'Assemblee generale du 03 Novembre 1950, « Union pour le maintien de la paix »

Il convient de preciser de prime abord que la Charte ne confere pas formellement a l'AGNU un pouvoir de sanction 96. Mais l'on peut soutenir que cette competence derive de l'article 11, paragraphe 2, qui l'autorise a discuter de toute question se rattachant au maintien de la paix et de la securite internationales, a la double condition qu'elle soit saisie de ces questions, soit par un Etat membre des Nations Unies, soit par le CSNU, soit me-me par un Etat non membre 97 ; et que le CSNU ne remplisse pas ses fonctions au sujet de ce differend ou de cette situation 98. Ainsi, g la Charte n'a confere a l'Assemblee generale qu'un role subsidiaire et reduit en matiere de maintien de la paix D99.

Toutefois, la pratique a favorise un elargissement des pouvoirs de l'AGNU en vue de suppleer les g defaillances D du CSNU. En effet, par le biais de la Resolution A/377 (V) de g l'Union pour le Maintien de la Paix D (ou Resolution Acheson) prise par l'AGNU le 3 Novembre 1 950, le role du CSNU en matiere de maintien de la paix et de la securite internationales a diminue en importance. Mais cela a ete rendu possible moins par la prise de la Resolution « Union pour le Maintien de la Paix D que par l'impuissance du CSNU en raison du g veto N100. La Resolution de l'AGNU n'a ete en realite que la consequence de l'impuissance101 du Conseil de securite. Elle a permis d'empe-cher la paralysie totale de l'ONU. Comme le precise le Professeur Louis CAVARE, La Resolution A/377 (V) g affirme nettement que la carence du Conseil de securite ne libere de leurs obligations ni les Membres, ni l'Organisation, et notamment l'Assemblee elle-me-me, decide sa substitution

96 Exception faite des sanctions touchant a la nature interne de l'ONU telles que la suspension ou l'exclusion d'un membre (article 5 et 6 respectivement) et des sanctions morales (Blame, Reprobation).

97 Article 11, paragraphe 2, de la Charte des Nations Unies.

98 Article 12, paragraphe 1, de la Charte des Nations Unies.

99 Voir NGUYEN QUOC Dinh, DAILLIER Patrick, PELLET Alain, Droit international public, op.cit., P. 930.

100 Voir CAVARE Louis, * Les sanctions dans le cadre de l'O.N.U. *, op.cit., P.280.

101 L'impuissance du Conseil de securite etait due a l'antagonisme entre l'USA et l'URSS qui

a debouche sur la * guerre froide *.

immediate au Conseil de securite, en cas de carence ou d'impossibilite de decider de ce dernier D102.

Au debut de sa resolution du 1er fevrier 1 951, l'AGNU s'exprime en ces termes : Prenant acte de ce que le CSNU, en raison « du manque d'unanimite entre ses membres permanents, n'a pas ete en mesure de s'acquitter (...) de sa fonction principale qui consiste a maintenir la paix et la securite internationales N103. C'est dire que l'AGNU n'agit sur la base de la Resolution de 1 950 qu'a la condition d'une abstention du CSNU. Mais cette condition n'est pas suffisante. Il faut que le CSNU saisisse l'AGNU et reclame la reunion d'une session extraordinaire chargee d'examiner une situation internationale dangereuse pour la paix ; ou que l'AGNU se saisisse ellememe d'un tel probleme lorsque, « du fait que l'unanimite n'a pu se realiser parmi ses membres permanents, le Conseil de securite manque a s'acquitter de sa responsabilite... N104.

Cela etant, la resolution de l'AGNU lui confere la competence pour edicter des sanctions internationales : « l'Assemblee generale a acquis aujourd'hui par cet artifice la possibilite d'exercer en matiere de sanctions une fonction subsidiaire, la responsabilite primaire incombant toujours au Conseil de securite. N105 .

L'AGNU peut donc adopter des sanctions internationales. La Resolution met en place, a cette fin, une « commission des mesures collectives D chargee de definir les mesures eventuellement plus souples que celles prevues au chapitre VII106.

102 Voir CAVARE Louis, «Les sanctions dans le cadre de l'O.N.U. *, op.cit., p.281.

103 Voir B.N.U., 15 fevrier 1 951, P.169.

104 Voir NGUYEN QUOC Dinh, DAILLIER Patrick, PELLET Alain, Droit international public, op.cit. P. 930.

105 Voir KELSEN Hans, The Law of the United Nations, 2e ed., 1 951, P. 95 9.

106 Voir NGUYEN QUOC Dinh, DAILLIER Patrick, PELLET Alain, Droit international public, op.cit., P. 934.

Cependant, l'AGNU ne peut émettre que des recommandations107, ce qui réduit a l'évidence la portée juridique des mesures coercitives qu'elle peut prendre. Ainsi, seul le CSNU peut prendre des sanctions obligatoires, a moins d'autoriser une organisation régionale a cette fin108.

PARAGRAPHE 2 : Les sanctions prises « en vertu d'accords regionaux »

Les organismes régionaux ou ceux créés en vertu d'accords régionaux sont admis explicitement ou implicitement par la Charte. Ils font partie du systéme universel de maintien de la paix et de la sécurité internationales. Toutefois, ces organismes régionaux ne doivent pas e-tre animés d'un esprit différent de celui de l'ONU. La Charte le stipule expressément dans le paragraphe 1 de l'article 52. En effet, pour e-tre licites, les mesures prises par les organismes régionaux doivent e-tre « compatibles avec les buts et principes des Nations Unies D et elles doivent e-tre destinées « A régler les affaires qui, touchant au maintien de la paix et de la sécurité internationales, se pre-tent a une action de caractére régional D. c'est ainsi reconnaitre qu'il est mis en place des mécanismes régionaux d'application des sanctions en cas de violation des droits de l'homme (A), me-me si les critéres de reconnaissance des organismes régionaux concernés ne sont pas biens déterminés (B).

107 Dans la résolution 15 98(XV) du 13 avril 1 961, l'AGNU constate que l'Afrique du Sud aggrave * délibérément * la situation (apartheid) bientôt qualifiée de * explosive * ; Elle invite en conséquence le Conseil de sécurité a prendre les mesures appropriées et invite aussi les Etats membres de l'ONU * a envisager de prendre des mesures individuelles ou collectives *. Voir CADOUX Charles, * Le probléme de l'Afrique australe ... *, op.cit., PP.132-135.

108 La doctrine soutient aujourd'hui que la Résolution * Acheson * est désormais caduque du fait de la fin de l'antagonisme Est-Ouest.

A- Les mecanismes regionaux d'a pplication des sanctions aux violations des droits de l'homme

Les situations de violation des droits de l'homme ont été élevées au rang de menace contre la paix et la sécurité internationales10 9. Ainsi, pour que les mécanismes régionaux d'application des sanctions puissent Itre activés, il faut d'abord que les situations de crise humanitaire soient qualifiées de menace contre la paix (1) et ensuite que le CSNU délivre a l'organisme régional une autorisation (2).

1- La qualification des situations de violation des droits de l'homme

D'entrée de jeu, force est de relever qu'il n'est pas question d'étudier dans les développements suivants la qualification de situations de violation des droits de l'homme comme menace contre la paix et la sécurité internationales, cela ayant été fait précédemment. Il s'agit dans cette étude d'envisager la possibilité d'un pouvoir de qualification reconnu aux organismes régionaux.

En effet, l'article 3 9 de la Charte confére un pouvoir de constatation discrétionnaire au CSNU110. Sur la base de ce pouvoir discrétionnaire, il peut utiliser, g s'il y'a lieu, les accords ou organismes régionaux pour l'application des mesures coercitives prises sous son autorité D111. C'est dire que les organismes régionaux n'ont pas formellement de pouvoir de constatation d'une situation de menace contre la paix et la sécurité internationales. Ils ne se contentent que de transposer dans l'ordre juridique régional la constatation faite par le CSNU. Ou encore, ils réitérent la qualification d'une situation de menace contre la paix soit explicitement, soit implicitement par la prise de mesures contraignantes contre l'entité indexée.

10 9 Voir supra, pp. 22-24.

110 Voir WECKEL Philipe, * Le chapitre VII de la Charte ... *, op.cit., PP.177-178.

111 Article 53, paragraphe 1, de la Charte.

C'est ainsi qu'a la suite de l'adoption d'un regime de sanctions renforce a l'encontre des Taliban par le CSNU, le Conseil de l'Union europeenne a adopte, le 26 fevrier 2001, une position commune sur des mesures coercitives a l'encontre des Talibans et, le 6 mars 2001, un reglement communautaire112. Il a l'obligation du respect scrupuleux de la constatation d'une situation operee par le CSNU.

Par ailleurs, la Charte exige une autorisation du CSNU pour toute action coercitive entreprise par les organismes regionaux.

2- L'exigence d'un mandat prealable du Conseil de securite pour l'a pplication des sanctions par les organismes regionaux

D'apres l'article 53, paragraphe 1, in medio, g aucune action coercitive ne sera entreprise en vertu d'accords regionaux ou par des organismes regionaux sans l'autorisation du Conseil de securite D. Cette disposition de la Charte cree un rapport de subordination -ou de hierarchie- entre le CSNU et les organisations regionales de securite. Certains auteurs ont pergu dans ce rapport l'etablissement d'une sorte de "federalisme -plus fonctionnel qu'institutionnel- dont le Conseil de securite occupe le sommet''113 . D'autres, une "tutelle'' du CSNU sur les actions entreprises par les organismes regionaux114.

Dans tous les cas, la Charte prevoit formellement que toute sanction mise en oeuvre par les organismes regionaux doit etre au prealable autorisee

112 Voir MANGIN Rene, Rapport d'information no 3203 déposé en application de l'article 145 du Reglement par la Commission des Affaires Etrangere sur les sanctions internationales, 27 juin 2001, P.14. L'on soulignera que l'adoption de ce reglement a connu des difficultes, malgre un accord sur l'objectif poursuivi. Plusieurs Etats membres se sont opposes a la Commission europeenne, lui reprochant d'etablir un regime autonome de sanctions ne se conformant pas strictement a la resolution 1333, soit en omettant des exemptions, soit en ajoutant des procedures. Ces Etats ont finalement obtenu que le reglement respecte scrupuleusement les obligations formulees par la resolution, et que la Commission ne s'arroge pas de prerogatives inappropriees a cette occasion, afin de ne pas creer un precedent.

113 Voir NGUYEN QUOC Dinh, DAILLIER Patrick, PELLET Alain, Droit international public, op.cit., P. 93 9.

114 Voir FOPY Sylvain Christian, Le droit d'intervention de l'Union africaine, op.cit., PP.56-57.

par le CSNU. D'ailleurs, cette exigence s'inscrit dans la logique de la supériorité de l'ONU par rapport aux organismes régionaux établie par l'article 103 de la Charte115. Dans la meme lancée, toutes les activités de ces organismes régionaux en matiere de sécurité sont placées sous le contrOle du CSNU, qui doit en etre pleinement informé116 .

Cependant, une exception a l'exigence d'un mandat préalable s'éleve dans les dispositions de l'article 53, paragraphe 1, in fine, me-me si sa caducité ne fait plus aujourd'hui l'objet de débats : ce sont les sanctions internationales prises par les organismes régionaux a l'encontre des g Etats ennemis »117.

Toutefois, certains Etats soutiennent que les initiatives régionales doivent avoir la priorité sur les interventions de l'ONU. Ils invoquent, pour justifier ce renversement de la hiérarchie indiquée par la Charte, des arguments pratiques de rapidité et d'efficacité, mais aussi une considération juridique : le mandat implicite du CSNU.

Cette these n'a pas été approuvée par la majorité de la doctrine118. Cette derniere s'est demandée si toutes les organisations régionales étaient compétentes pour mener des actions coercitives prévues par le chapitre VII de la Charte.

115 Article 103 * En cas de conflit entre les obligations des Etats Membres des Nations Unies en vertu de la présente Charte et leurs obligations en vertu de tout autre accord international, les premières prévaudront *.

116 L'article 54 de la Charte dispose que * le Conseil de sécurité doit, en tout temps, être tenu pleinement au courant de toute action entreprise ou envisagée, en vertu d'accords régionaux ou par des organismes régionaux, pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales * ; Voir aussi Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua, Rec.CIJ, 1 984, P.440.

117 Voir article 107 de la Charte des Nations Unies.

118 Malgré cela, dans le cadre de la crise Yougoslave, une coopération s'est instituée entre l'ONU et la communauté européenne, et l'OTAN et l'UEO ont été chargées de mettre en oeuvre le blocus maritime de la Yougoslavie (Serbie et Monténégro) et l'interdiction de survol de la Bosnie-Herzégovine ; Voir les résolutions 752, 757, 781 et 787 (1 992) et la résolution 820(1 993) du CSNU.

B- La determination de l'organisme regional competent

Les dispositions de la Charte portant sur les organisations regionales11 9 ont ete sujettes a de nombreuses controverses. En effet, des interrogations sur l'organisme regional competent ont pullule ici et là, ouvrant la voie a des interpretations variees. Elles ont concerne la determination des domaines de validite territorial et personnel de l'organisme regional concerne. En d'autres termes, l'on s'est demande si le qualificatif g regional N renvoyait a une action geographique de l'organisme (1). Neanmoins, la pratique a consacre une conception plus etendue du critere geographique (2).

1- L'im portance du critere geographique

Comme tout traite international, les accords regionaux ont un champ d'application territorial et personnel plus ou moins large. Si la validite des mesures de contrainte menees par les organismes regionaux dans un cadre geographique purement regional ne fait aucun doute, il n'en est pas de me-me pour celles qui s'etendent au-dela de leur limite geographique.

En effet, aux termes de l'article 52, paragraphe 1, de la Charte les organismes regionaux g se pre-tent a une action de caractere regional N, c'esta-dire que leur domaine de validite territorial se limite dans le cadre geographique de leur region. Par consequent, en dehors du cadre geographique regional, les mesures coercitives prises par l'organisme concerne perdent toute valeur juridique et deviennent elles-me-mes illicites.

Par ailleurs, le me-me raisonnement est conduit quant au domaine d'application personnel. Dans cette perspective, l'on s'est demande si un Etat pouvait valablement e-tre membre d'un organisme regional hors du cadre geographique regional dans lequel il se situe. Me-me dans le cas d'une

11 9 Voir Charte des Nations Unies, chapitre VIII, articles 52, 53 et 54.

reponse affirmative, il serait formellement improbable qu'un tel Etat fasse partie du systeme de securite collective institue dans la region concernee.

Ainsi, de nombreuses voix se sont elevees pour contester la validite du premier en date de ces traites, celui de l'OTAN qui g ... n'est pas un accord regional aux termes du chapitre VIII de la Charte des Nations Unies... N120.

Toutefois, d'autres voix ont appuye leurs arguments juridiques non sur la base du chapitre VIII de la Charte, mais sur l'article 51 qui autorise des accords g collectifs D en matiere de maintien de paix et de securite internationales. Ce faisant, elles ont valide les mesures coercitives des organismes regionaux operees en dehors du cadre geographique de leur region. La pratique a enterine cette extension des champs d'application personnel et territorial des organismes regionaux.

2- Le depassement du critere geographique

Malgre la prescription formelle dans le texte de la Charte de la necessite du critere geographique, plusieurs organisations regionales ont vu le jour en totale meconnaissance de ce critere. Les sanctions internationales prises par elles n'ont pour autant pas ete invalidees tant par le CSNU que par la Cour internationale de justice.

Comme sus evoque, l'OTAN121 ne constitue pas un accord regional au sens du chapitre VIII de la Charte. Pourtant, cette organisation a ete l'auteur de nombreux regimes de sanctions internationales notamment les sanctions contre les Taliban et la Serbie au cours de l'annee 1 999. Plusieurs autres organisations du me-me type ont ete a l'origine des mesures coercitives.

120 Voir DELIVANIS Jean, La légitime defense en droit international public moderne (Le Droit international face a ses limites), op.cit., P.158.

121 La signature du traite de l'Atlantique Nord fait suite a une resolution Vandeberg du Senat americain, 23 9, 80e congrés, du 11 juin 1 948, demandant au President des Etas-Unis de poursuivre par voie constitutionnelle certains objectifs dans le cadre de la Charte des Nations Unies.

C'est dire que la pratique reconnait un pouvoir de sanction tant aux organismes regionaux stricto sensu qu'aux organisations regionales au sens large. Ainsi s'opere un depassement du critere geographique lequel perd en pratique son importance. L'organisme regional doit alors tout juste remplir les conditions d'une autorisation prealable du CSNU et d'informer pleinement ce dernier sur toutes les mesures qu'il envisage entreprendre ou qu'il a effectivement entreprises.

En general, les organisations internationales compétentes pour édicter des sanctions internationales sont l'ONU et les organismes regionaux. En matiere de violation des droits de l'homme, leur competence n'a été rendu possible qu'à travers un elargissement de la notion de menace contre la paix. Ainsi, la constatation d'une menace est nécessaire au déclenchement des sanctions internationales, que ce déclenchement soit a l'initiative de l'ONU ou des Etats.

SECTION 2 : LES SANCTIONS AUX VIOLATIONS DES DROITS DE L'HOMME PRISES PAR LES ETATS : LES CONTRE-MESURES

DEVELOPPEMENT PRELIMINAIRE : Les fondements juridiques du recours aux contre-mesures en cas de violation des droits de l'homme

Face a l'universalité des victimes des violations des droits de l'homme122, le droit international a consacré les réactions décentralisées des Etats comme de véritables sanctions internationales. En effet, chaque Etat est juridiquement fondé a prendre des mesures de contrainte a l'encontre d'autres Etats qui bafouent les droits de l'homme. Cela est rendu possible tant par la nature de l'obligation internationale de respecter les droits de l'homme que par la pratique internationale initiée par l'ancien Président américain Jimmy CARTER dans sa politique extérieure en matiére de droits de l'homme.

D'une part, la nature de l'obligation internationale de respecter et protéger les droits de l'homme a été précisée par la CIJ dans de nombreuses affaires qu'elle a eues a connaitre. Il s'agit d'une obligation erga omnes. Ainsi, dans son avis consultatif sur les Réserves a la Convention des Nations Unies du 9 décembre 1 948 pour la prévention et la répression du crime de génocide, la CIJ souligne que : g La convention a été manifestement adoptée dans un but purement humain et civilisateur(...). Dans une telle Convention, les Etats contractants n'ont pas d'intérêts propres ; ils ont seulement, tous et chacun, un intérêt commun, celui de préserver les fins supérieures qui sont la raison d'être de la Convention N123.

Elle en déduit que g les principes qui sont a la base de la Convention sont des principes reconnus par les nations civilisées comme obligeant les

122 Voir COHEN-JONATHAN Gérard, * Les droits de l'homme, une valeur internationalisée *, Droits fondamentaux, n°1, Juillet-décembre 2001, P.157.

123 Voir Reserves a la Convention pour la prevention et la repression du crime de genocide, avis consultatif, Rec.C.I.J., 1 951, P.23.

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Etats meme en dehors de tout lien conventionnel *124. Il s'agit sans l'ombre d'un doute d'une obligation erga omnes. Toutefois, c'est en 1 970 que la CIJ évoque formellement la notion d'obligation erga omnes. Elle précise alors qu'

g Une distinction essentielle doit (...) etre établie entre les obligations des Etats envers la Communauté internationale dans son ensemble et celles qui naissent vis-a-vis d'un autre Etat dans le cadre de la protection diplomatique. Par leur nature meme, les premieres concernent tous les Etats. Vu l'importance des droits en cause, tous les Etats peuvent etre considérés comme ayant un intérIt juridique a ce que ces droits soient protégés ; Les obligations dont il s'agit sont des obligations erga omnes *125.

Elle parlait ainsi des obligations g concernant les droits fondamentaux de la personne humaine *126

D'autres décisions vont entériner celles-ci tout en renforgant l'obligation erga omnes de respecter et de protéger les droits de l'homme127.

D'autre part, en 1 977, la nouvelle administration américaine a fait passer les droits de l'homme d'une fagon spectaculaire sur le devant de la scene internationale. Le Président d'alors, Jimmy CARTER, a introduit la g Moralpolitik * comme un élément central de sa politique étrangére128. Ainsi, dans un discours tenu devant l'Assemblée générale des nations unies, le Président a soutenu g qu'aucun membre des Nations Unies ne peut prétendre qu'un mauvais traitement infligé a ses citoyens ne regarde d'autre que lui. De me-me, aucun membre ne peut échapper a ses responsabilités

124 Voir ibid.

125 Voir Affaire Barcelona Traction, Light and Power, Limited, arrêt du 5 févier 1 970, Rec.C.I.J., 1 970, P.32, paragraphe 33.

126 Voir ibid., P.33, paragraphe 33.

127 Il s'agit notamment de l'arret du 27 juin 1 986, Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d'Amérigue), fond, Rec.C.I.J. 1 986,

P.112 ; et surtout l'affaire du 11 juillet 1 996, Application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c/. Yougoslavie), exceptions préliminaires, Rec.C.I.J., 1 996, P.616 dans laquelle la CIJ note qu' g il en résulte que les droits et obligations consacrés par la Convention sont des droits et obligations erga omnes. La Cour constate que l'obligation qu'a ainsi chaque Etat de prévenir et de réprimer le crime de génocide n'est pas limitée territorialement par la Convention *.

128 Voir BECET Jean-Marie et COLARD Daniel, Les Droits de l'homme. Dimensions nationales et internationales, op.cit., PP.101-105.

lorsqu'il s'agit de critiquer et de condamner les cas de torture ou de privation justifiee de liberte constatees dans n'importe quelle region du monde *12 9.

Ce discours fait suite a de nombreux autres en faveur de l'obligation internationale de respecter les droits de l'homme130. C'est dans cette perspective que le gouvernement americain avait decrete des mesures de represailles contre les Etats accuses de violation des droits de l'homme131. Ce faisant, la pratique internationale a approuve les sanctions contre les Etats juges responsables de violation les droits de l'homme par les autres Etats. Ces sanctions sont mieux connues sous le vocable de contre-mesures. Comme le note le Professeur Gerard COHEN-JONATHAN, gs'agissant des violations graves et generalisees des droits de l'homme, la pratique internationale admet la possibilite de g contre-mesures * diplomatiques ou economiques proportionnees *132.

Toutefois, cette vision quoique pertinente et veridique a l'inconvenient d'être partielle. En effet, comme l'ecrit le Professeur Oscar SCHACHTER, g Il ne faut pas non plus oublier les arrêts de la Cour internationale de justice qui, en 1 970, ont admis le caractere obligatoire des dispositions de la Charte (...) et ont egalement (dans l'affaire de la Barcelona Traction) fait mention d'obligations internationales erga omnes en ce qui concerne les g droits fondamentaux de la personne humaine *133.

C'est dire que la pratique internationale en admettant les contremesures se fonde aussi sur l'obligation erga omnes qui, a son tour, trouve sa base de la validite juridique dans la Charte. Ce developpement introductif a ete rendu necessaire afin de preciser les fondements de la competence des

12 9 76 Dept. State Bull. 332(1 977), allocution tiree dans SCHACHTER Oscar, g Les aspects juridiques de la politique americaine en matiére de droits de l'homme *, AFDI, vol.23, 1 977, P.53.

130 Pour ces autres discours, voir LAQUEUR Walter et RUBIN Barry, Anthologie des droits de l'homme, op.cit., PP.438 et suivantes.

131 Ouganda, Angola et Chili notamment.

132 Voir COHEN-JONATHAN Gerard, g Les droits de l'homme, une valeur internationalisee *, op.cit., P. 161.

133 Voir SCHACHTER Oscar, g Les aspects juridiques de la politique americaine en matiére de droits de l'homme *, op.cit., PP.57-58.

Etats pour sanctionner les violations des droits de l'homme134. Cela étant fait, il convient de préciser les conditions d'application des contre-mesures (paragraphe 1) ainsi que leur portée (paragraphe 2).

PARAGRAPHE 1 : Les conditions d'a pplication des contre-mesures

Dans le Projet d'articles sur la responsabilité des Etats pour fait internationalement illicite, la Commission du droit international a préféré le terme g contre-mesure * a celui de g sanction *135. Pourtant, les contremesures renvoient a des sanctions unilatérales prises par les Etats en riposte a un acte illicite préalable -et en l'occurrence les violations des droits de l'homme. C'est dire que les violations des droits de l'homme sont la condition de déclenchement des contre-mesures(A), lesquelles contremesures répondent a des conditions d'exercice précises(B).

A- Les violations des droits de l'homme : condition de déclenchement des contre-mesures

Traditionnellement, l'on distingue deux types de contre-mesures, les mesures de représailles et les mesures de rétorsion136. Comme sus relevé, les violations des droits de l'homme justifient des contre-mesures a l'encontre de l'Etat, auteur des dites violations. Si celles-ci sont nécessaires pour le déclenchement des mesures de représailles (1), elles s'avérent excessives pour le déclenchement des mesures de rétorsion (2).

134 De même, il faut préciser qu'il s'agit de g violations graves et généralisées * c'est-à-dire présentant un certain seuil de gravité ; voir supra, pp. 24-25.

135 La CDI avait déjà précisé que les sanctions sont les mesures prises par une organisation internationale et spécifiquement g les mesures que l'ONU est autorisée a adopter, dans le cadre du systéme prévu par la Charte, en vue du maintien de la paix et de la sécurité internationales *, Ann.C.D.I., 1 97 9, vol. II, 2e partie, P.134.

136 Certains auteurs ne s'en tiennent pas a cette distinction. Ils semblent exclure les g autres types de sanctions économiques et financiéres * tels le boycott et l'embargo du contenu des mesures de représailles et de rétorsion. Voir LEBEN Charles, g Les contre-mesures interétatiques et les réactions a l'illicite dans la société internationale *, op.cit., P.17 ; MOHAMED HASSANI Hassani, Les contre-mesures en droit international public, Mémoire de maitrise, Université CHEIK ANTA DIOP DE DAKAR, 2006-2007, P.24.

1- Une condition necessaire pour le declenchement des mesures de represailles

Lorsqu'un Etat use des mesures de represailles, il fait « recours a des mesures illicites D137. Cette assertion peut sembler illogique, elle reste neanmoins juste. Selon la definition donnee par l'Institut du droit international,

« Les represailles sont des mesures de contrainte derogatoires aux regles ordinaires du droit des gens, prises par un Etat et ayant pour but d'imposer a celui-ci, au moyen d'un dommage, le respect du droit D138.

Il est donc question, comme le reconnait le Professeur Charles LEBEN, « de mesures qui seraient interdites par le droit international si elles ne venaient pas en reaction a des mesures illicites prealables et dans le but de les combattre D139. C'est dire que la juridicite des mesures de represailles procede uniquement de leur posteriorite a la violation du droit international.

La CDI ne pouvait des lors se desinteresser de la question dans son Projet d'articles. A l'article 22, elle dispose que :

« L'illiceite du fait d'un Etat non conforme a l'une de ses obligations internationales a l'egard d'un autre Etat est exclue si, et dans la mesure oa, ce fait constitue une contre-mesure prise a l'encontre de cet autre Etat conformement au chapitre II de la troisieme partie D.

Il s'agit vraisemblablement des mesures de represailles et non de retorsion. En effet, la CDI « voit ... dans l'illiceite commise a l'origine une circonstance susceptible d'exclure l'illiceite de la riposte140 D. Comme nous le savons, l'illiceite renvoie dans ce contexte a la violation des droits de l'homme.

137 Voir VERHOEVEN Joe, Droit international public, op.cit., P.658.

138 Voir Ann.I.D.I, 1 934, P.708.

13 9 Voir LEBEN Charles, « Les contre-mesures inter-etatiques et les reactions a l'illicite dans la societe internationale *, op.cit., P.14.

140 Voir NGUYEN QUOC Dinh, DAILLIER Patrick et PELLET Alain, Droit international public, op.cit., P.8 95.

Cependant, si le droit international reconnait la liceite des mesures de represailles, force est de relever qu'il ne s'agit uniquement que des represailles non armees. La proscription des represailles armees est congenitale a celle de l'emploi de la force dans les relations internationales inscrite dans la Charte141 et dont la valeur de jus cogens n'est plus a debattre142. Ainsi, l'obligation faite aux Etats de regler leurs differends par des g moyens pacifiques de leur choix »143 leur impose a ne faire usage que des represailles pacifiques c'est-A-dire non armees.

Alors, en cas de violation des droits de l'homme par un Etat, un autre Etat a la possibilite de prendre des mesures de represailles non armees a l'endroit du premier c'est-A-dire des mesures pacifiques. Mais, le qualificatif "pacifique'' sied moins aux mesures de represailles qu'aux mesures de retorsion.

2- Une condition excessive pour le declenchement des mesures de retorsion

Au sens strict, la retorsion s'entend du recours a une mesure identique a celle contre laquelle elle entend proteger son auteur :

g Un Etat a l'egard duquel un autre Etat a pris une mesure qui, tout en etant legale et licite, est discourtoise, rigoureuse, dommageable, peut prendre a son tour, a l'egard de celui-ci, des mesures ayant le même caractére, afin de l'amener a composition. Ce moyen de contrainte s'appelle la retorsion »144.

141 Voir article 2, paragraphe 4, de la Charte.

142 Voir Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci ; (Nicaragua c. Etats Unis d'Amérigue), fond, arrêt, Rec.C.I.J., 1 986, P.14 ; Activités armées sur le territoire du Congo (RDC C/ Rwanda), arrêt, Rec.C.I.J., 2006, paragraphe 64.

143 Voir article 33, paragraphe 1, in fine de la Charte.

144 Voir RIVIER, Principes du droit des gens, Rousseau, 18 99, T.II, P.18 9, cite par NGUYEN QUOC Dinh, DAILLIER Patrick, PELLET Alain, Droit international public, op.cit., PP.8 95-8 96.

En effet, la rétorsion est g une mesure intrinséquement licite, qui s'inscrit dans le cadre d'exercice des compétences reconnues a l'Etat en droit international D145.

Il s'agit des mesures qui ne sont pas contraires au droit international et relévent g en principe de la compétence discrétionnaire des Etats D146. A l'opposé des mesures de représailles, les rétorsions sont des g mesures licites N147 en soi, g intrinséquement licites D pour reprendre l'expression du Professeur Pierre-Marie DUPUY. Elles ne sont que des mesures inamicales, discourtoises prises a l'encontre d'un Etat-auteur des violations des droits de l'homme.

Toutefois, si la violation des droits de l'homme est nécessaire pour la prise des mesures de représailles non armées, elle est excessive pour l'adoption des mesures de rétorsion. En effet, les mesures de rétorsion font partie de la compétence discrétionnaire des Etats. L'Etat qui entreprend des mesures de rétorsion contre un autre Etat n'a aucune obligation de justifier cet acte, c'est-A-dire de subordonner la mesure entreprise a un fait illicite préalablement commis par l'Etat frappé par la rétorsion. Autrement dit, l'illicéité -y compris la violation des droits de l'homme- n'est pas une condition nécessaire au déclenchement des mesures de rétorsion. C'est d'ailleurs ce qu'a précisé la C.I.J. dans une ordonnance émise en date du 15 décembre 1 97 9148.

Néanmoins, cela n'empeche pas que soient prises des mesures de rétorsion en riposte a des violations des droits de l'homme. Comme le souligne le Professeur Joe VERHOEVEN,

g La rétorsion cherche normalement a protéger l'Etat qui y a recours contre l'acte ou le comportement (qui n'est d'ailleurs pas nécessairement

145 Voir DUPUY Pierre-Marie, Droit international public, précis Dalloz, 5e éd., 2000, P.466, cité par KOSMA-LACROZE Catherine, * La sanction en droit international *, op.cit, P.4.

146 Voir LEBEN Charles, * Les contre-mesures inter-étatiques ... *, op.cit., P.14.

147 Voir VERHOEVEN Joe, Droit international public, op.cit., P.658.

148 Voir Affaire du personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis a Téhéran (Etats-Unis d'Amérique c. Iran), mesures conseroatoires, ordonnance du 15 décembre 1 97 9, Rec.C.I.J., 1 97 9, P.20.

illicite) de l'Etat contre lequel elle est dirigee. Il en est fait plus exceptionnellement usage pour proteger les interêts de tiers, notamment dans le domaine des droits de l'homme N14 9.

Ainsi, la violation des droits de l'homme est a l'origine de l'adoption des contre-mesures, sanctions unilaterales des Etats. Celles-ci sont prises contre les Etats accuses de telles violations. Cependant, les Etats qui prennent les contre-mesures ne sont pas libres de les utiliser a leur guise. Leur exercice est soumis a des conditions bien determinees.

B- Les conditions d'exercice des contre-mesures

L'usage des contre-mesures par les Etats a ete encadre par la C.D.I.150 Il obeit a des conditions bien determinees. Celles-ci sont a la fois prealables et posterieures a l'adoption des contre-mesures.

D'une part, la CDI a pose une triple condition a remplir avant tout recours a des contre-mesures par les Etats. Il s'agit d'une mise en demeure adressee a l'Etat responsable151, d'une information a l'Etat responsable152 ainsi qu'une offre de negociation avec l'Etat responsable153. Toutefois, l'Etat qui adopte les contre-mesures peut passer outre ces conditions prealables a leur exercice dans le but de preserver ses droits154.

D'autre part, l'exercice des contre-mesures doit necessairement repondre aux conditions de proportionnalite (1) et de temporalite (2).

14 9 Voir VERHOEVEN Joe, Droit international public, op.cit., P.658.

150 Voir articles 51 a 53 du Projet d'articles sur la responsabilité des Etats pour fait internationalement illicite, annexe 2, p.158.

151 Voir article 52, paragraphe 1a, voir annexe 2, p.158.

152 Voir article 52, paragraphe 1 b, ibid.

153 Voir article 52, paragraphe 1 b, in fine, ibid. ; Voir sur ces conditions prealables MOHAMED HASSANI Hassani, Les contre-mesures en droit international public, op.cit., pp.53-56.

154 Voir article 52, paragraphe 2, voir annexe 2, p.158.

1- La condition de pro portionnalité

La proportionnalite constitue un principe essentiel de la reaction de l'ordre juridique international aux illiceites commises par les Etats155. Au vu de l'article 51 du projet d'articles de la C.D.I,

g Les contre-mesures doivent etre proportionnelles au prejudice subi, compte tenu de la gravite du fait internationalement illicite et des droits en

cause *156.

Autrement dit, la gravite de la riposte menee par le biais d'une contremesure doit etre egale ou relativement egale157 a celle du fait internationalement illicite. Dés lors, la condition de la proportionnalite pose le probléme de la mesure. Vraisemblablement, cette derniére est un criterium determinant pour que la contre-mesure conserve sa liceite. En effet,

g Ce n'est que si la reaction a un fait internationalement illicite n'est pas manifestement disproportionnee par rapport a celui-ci qu'une telle reaction peut, le cas echeant, etre jugee licite en beneficiant du soussysteme des circonstances excluant l'illiceite ; la meconnaissance du principe de proportionnalite fait qu'une contre-mesure per se illicite ne peut pas etre transformee en acte licite * par le truchement de l'article 22 du projet de la CDI158.

Ainsi, le principe de proportionnalite constitue une condition sine qua non pour l'admission de la liceite des contre-mesures. Pourtant, les contremesures sont des actes intrinséquement illicites15 9. C'est pourquoi dans l'affaire nicaraguayenne, la CIJ a estime que dans le cas d'un acte illicite, le

155 Voir Sentence arbitrale dans l'affaire Nausicaa, R.S.A.N.U., T.II, P.1026.

156 Voir annexe 2, p.158.

157 L'egalite parfaite etant trés peu probable dans ces cas.

158 Voir SIMON Denys, SICILIANOS Linos-Alexandre, g La g contre-violence * unilaterale. Pratiques etatiques et droit international *, AFDI, vol.32, 1 986, P.76.

15 9 Le cas specifique des mesures de represailles.

non-respect du principe de proportionnalite peut donner lieu a un g motif supplementaire d'illiceite *160.

Dans le domaine des droits de l'homme, leur violation doit de meme faire intervenir la riposte de contre-mesures proportionnees. La gravite de la reaction doit etre equivalente a celle de la violation.

Cependant, l'Etat apprecie librement la gravite de la reaction par rapport a celle de la violation. Sa riposte est, bien etendu, fonction des moyens dont il dispose161. La duree de la riposte depend de me-me des moyens162 en sa possession.

2- La condition de la tem poralité

La temporalite renvoie a la duree des contre-mesures dans le temps. En d'autres termes, la temporalite designe l'intervalle de temps dans lequel doit s'ecouler la contre-mesure. Ainsi, l'article 53 du projet de la CDI dispose :

g Il doit etre mis fin aux contre-mesures des que l'Etat responsable s'est acquitte des obligations qui lui incombent a raison du fait internationalement illicite (...) *163.

Autrement dit, l'Etat qui prend la contre-mesure a l'obligation d'y mettre fin lorsque le fait internationalement illicite164 a cesse. Me-me si l'intervalle de temps ici n'est pas precis, il n'en demeure pas moins que la duree des contre-mesures est determinee par celle du fait illicite. C'est en ces termes que s'agencent les dispositions de l'article 52, paragraphe 3a, du Projet de la CDI :

160 Voir Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, op.cit., Rec.C.I.J., 1 986, p.122.

161 Voir BENNOUNA Mohamed, g Le reglement des differends peut-il limiter le g droit * de se faire justice a soi-même ? *, EJIL, 1 994, P.62.

162 En l'occurrence economiques.

163 Voir annexe 2, p.158.

164 Dans le cadre de notre etude, les violations graves des droits de l'homme.

LDes contre-mesures ne peuvent etre prises et, si elles sont déjà prises, doivent etre suspendues sans retard indu si :

a. Le fait internationalement illicite a cessé (...) *165.

Autrement dit, la contre-mesure va de pair avec le fait illicite ; ou, du moins, celui-ci est talonné par celle-là. Par conséquent, la contre-mesure peut etre interrompue ou tout simplement suspendue. Il peut etre mis fin a celle-ci de fagon définitive (article 53) ou temporaire (article 52, paragraphe 3a). Dans ce cas, le maintien de la contre-mesure doit etre en fonction de celui du fait illicite.

Tout comme le principe de la proportionnalité, la temporalité est une condition sine qua non de la licéité des contre-mesures. Si le fait illicite cesse sans que ne cesse a son tour la contre-mesure, cette derniére devient per se illicite. En ce moment, elle sert un objectif autre que celui établi par l'ordre juridique international. On risque alors, comme le souligne Monsieur Mohamed BENNOUNA, « d'entrer dans l'engrenage de justices « privées * ou le rapport de forces tient lieu d'unique référence pour l'action... *166. Ainsi, les contre-mesures dans ce cas auront pour conséquence de servir les intérêts subjectifs des Etats, au détriment de l'intérIt général pour lequel le droit international entend leur donner le flambeau.

PARAGRAPHE 2 : La portée des contre-mesures

Les contre-mesures constituent des mesures unilatérales prises par les Etats. Elles sont prises afin de mettre fin a un fait internationalement illicite, en l'occurrence la violation des droits de l'homme. Elles représentent alors la sanction du droit international a l'égard des illicéités. Ce point de vue permet de se rendre compte que les contre-mesures ne peuvent etre utilisées que dans le but de maintenir ou de restaurer l'ordre juridique violé

165 Voir annexe 2, p.158.

166 Voir BENNOUNA Mohamed, g Le reglement des différends peut-il limiter g le droit * de se faire justice a soi-même ? *, op.cit., P.61.

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(A), malgré que, dans la pratique, elles font penser a l'ancienne justice privée (B).

A- Les contre-mesures comme substituts aux sanctions de l'Organisation des Nations Unies

Les violations des droits de l'homme donnent lieu a l'adoption des contre-mesures unilatérales dans le but d'y mettre fin. D'éminents auteurs ont pergu dans ce mécanisme un systéme décentralisé de maintien de la paix et de la sécurité internationales, les contre-mesures étant un outil de stabilité de l'ordre juridique international (1). L'argumentation y afférente parait convaincante, surtout lorsque les contre-mesures ont été adoptées a la suite de l'autorisation du CSNU (2).

1- Les contre-mesures, outils de stabilite de l'ordre juridique international

En codifiant les contre-mesures interétatiques, la CDI a reconnu en droit international l'existence d'un systéme décentralisé de réaction a l'illicite. Bien avant qu'elle ne le fasse, le Professeur Hans KELSEN avait déjà développé son opinion sur la question. En effet, selon lui, les Etats constituent des structures de l'ordre juridique international. Cela dit, loin de constituer des personnes morales isolées, vivant en autarcie, les Etats forment plutôt un ensemble homogéne. Ainsi, les Etats représentent le bras séculier du droit international. Leurs actions portent le sceau de celui-ci et, spécifiquement, les sanctions qu'ils entreprennent sont des réactions de l'ordre juridique international aux illicéités commises. C'est dire que chaque Etat a l'obligation de réagir en adoptant des contre-mesures contre un autre Etat responsable de violations des droits de l'homme. Comme le note le Professeur Hans KELSEN :

g L'absence pure et simple de limites au domaine de validité territorial du droit étatique quant aux faits punissables n'a rien de contraire au droit international D167.

Autrement dit, il est de la compétence des Etats d'appliquer des sanctions unilatérales comme sanction du droit international en cas de violation du dit droit international.

Comme nous l'avons relevé au début de ce développement, la CDI a entériné cette théorie kelsénienne. La réglementation des contre-mesures l'atteste largement168. Dés lors, les contre-mesures sont sans aucun doute un instrument du droit international, un outil de stabilité de l'ordre juridique international16 9. Elles sont des substituts aux sanctions de l'ONU. Par conséquent, l'Etat qui prend une contre-mesure peut la justifier par un mandat implicite qui lui est conféré par la Communauté internationale. Mais, la justification la plus probable est celle d'un mandat formel.

2- Le cas particulier de l'autorisation de l'Organisation des Nations Unies

Il est désormais admis en droit international que le recours aux mesures de coercition armée est de la compétence exclusive de l'ONU, et particuliérement du CSNU. Les représailles armées sont du me-me coup proscrites en droit international170. Cependant, le CSNU peut autoriser un Etat a faire recours aux représailles armées171. Dans cette perspective, qu'il s'agisse des contre-mesures pacifiques ou armées, l'action coercitive de l'Etat habilité par le CSNU va se situer dans le cadre du chapitre VII de la Charte.

167 Voir KELSEN Hans, * Théorie générale du droit international public. Problemes choisis *, op.cit., P.1 98.

168 Voir annexe 2, sur le Projet d'articles de la CDI, PP.157-15 9.

16 9 Voir MOHAMED HASSANI Hassani, Les contre-mesures en droit international public, op.cit., PP. 4 9-82.

170 Voir supra, p.46.

171 Voir article 53, paragraphe 1, de la Charte.

Il s'agit alors des actions coercitives menees dans le but du maintien de la paix et de la securite internationales.

De meme, l'AGNU peut recommander a un Etat de prendre des contremesures sur la base de la Resolution g Acheson N172.

Dans ce cas comme dans l'autre, les contre-mesures sont veritablement des substituts aux sanctions de l'ONU173. Elles permettent, tout comme les sanctions de l'ONU, de reagir face a une menace contre la paix, une rupture de la paix ou un acte d'agression. Comme le note si bien les Professeurs NGUYEN QUOC Dinh, Patrick DAILLIER et Alain PELLET,

g (...) le caractere de « substitution » de ces mesures concertees aux sanctions que peut decider le Conseil de securite apparait clairement : leurs auteurs se posent en defenseurs de la legalite internationale que celui-ci, paralyse par le droit de veto, ne peut faire respecter (...). Il est du reste remarquable que les contre-mesures etatiques interviennent souvent a la suite de recommandations du Conseil de securite ou de l'Assemblee generale ou meme de la simple constatation d'une violation du droit par ces organes D174.

D'autres juristes du droit international decelent dans la contre-mesure un caractere subsidiaire plutOt que substitutif175. Ainsi, c'est seulement en cas de defaillance du systeme de securite collective institue dans la Charte que les contre-mesures peuvent etre prises.

Ainsi, les contre-mesures sont de veritables substituts aux sanctions de l'ONU au vu de la codification operee par la CDI et surtout de l'habilitation des Etats par les deux principaux organes politiques des

172 Voir supra, pp.31-34 ; voir aussi LEBEN Charles, * Les contre-mesures inter-etatiques ... *, op.cit., PP.31-33.

173 Voir NGUYEN QUOC Dinh, DAILLIER Patrick, PELLET Alain, Droit international public, op.cit., P. 900.

174 Voir ibid.

175 g La subsidiarite, ainsi comprise, des contre-mesures trouve particuliérement a s'appliquer dans le domaine du maintien de la paix et de la securite internationales, qui est de la responsabilite propre du Conseil de securite *, VERHOEVEN Joe, Droit international public op.cit., P.662.

Nations Unies. Elles contribuent indubitablement au maintien de la paix et de la sécurité internationales en mettant fin aux violations des droits de l'homme. Cependant, les intérêts particuliers des Etats ont tendance & définir leur politique extérieure dans l'application des contre-mesures. L'on voit s'infiltrer une certaine « justice privée N176 dans la procédure d'adoption des contre-mesures. C'est certainement en considération de cette pratique étatique que le Professeur Joe VERHOEVEN note qu' « il n'y a d'ailleurs pas de droits « fondamentaux N qui puissent réellement être protégés dans une « communauté N ou l'ordre repose sur des polices privées N177.

B- Contre-mesures et persistance de la justice privee

Malgré le principe « Nemo judex in re sua N178, l'adoption des contremesures se rapproche, du moins en pratique, au droit de se faire justice a soi même17 9 reconnu aux Etats. La critique faite aux contre-mesures est qu'elles sont des armes180 a la possession des Etats puissants (1), et dont l'application ouvre la voie a l'escalade de violation (2).

1- Les contre-mesures, armes entre les mains des Etats puissants

La puissance dont il est fait mention dans ce développement renvoie a deux réalités : d'une part, au niveau de développement économique et d'autre part au niveau de développement militaire et technologique de l'Etat. Ceci dit, l'adoption des contre-mesures nécessite, pour être efficace, une forte pression économique et militaire (ou l'une des deux) sur l'Etat responsable du fait internationalement illicite. En d'autres termes, cela nécessite une mobilisation économique ou militaire importante qui refléte un

176 Voir ALLAND Denis, Justice privée et ordre juridique international. Etude théorique des contre-mesures en droit international public, Paris, Pédone, 1 994, 503P.

177 Voir VERHOEVEN Joe, Droit international public, op.cit., P.662.

178 Nul ne peut être juge dans sa propre cause.

17 9 Voir BENNOUNA Mohamed, « Le reglement des différends peut-il ... *, op.cit., P61. 180 Voir LEBEN Charles, « Les contre-mesures inter-étatiques ... *, op.cit., P72.

niveau de développement assez élevé. C'est dire a contrario que les Etats économiquement peu développés ne peuvent que tres rarement avoir recours aux contre-mesures181. Il s'agit, il est vrai, d'un raisonnement empirique, mais qui a l'avantage d'être en adéquation avec la réalité.

Les contre-mesures sont une véritable arme a la disposition des Etats puissants. Elles ont pour conséquence d'élargir davantage le fossé entre les pays développés et les pays en voie de développement. Elles sont parfois utilisées de fagon abusive par ces Etats puissants182. C'est aussi pour cette raison que la CDI a purement et simplement prohibé certaines contremesures :

g Il en est ainsi de celles qui comportent la menace et l'emploi de la force en violation de la Charte des Nations Unies, celles constituant une contrainte économique et politique extrême ou visant l'intégrité territoriale et l'indépendance de l'Etat, ou encore celles dirigées contre les agents locaux, archives et documents diplomatiques et/ou consulaires, et enfin celles qui dérogent aux droits fondamentaux de la personne humaine N183.

De plus, d'importantes voix se sont élevées pour revendiquer des mesures supplémentaires d'encadrement de l'usage des contre-mesures184. Elles soutiennent que l'intervention d'un tribunal pour le contrôle de l'édiction des contre-mesures serait favorable au déclin de la justice privée. Ainsi, le Professeur Denis ALLAND note que la détermination par une tierce partie, malgré de fréquents appels au sens contraire, demeure g un modele idéal dont on ne trouve pas trace dans l'horizon pratique N185.

181 Ils ont tout de même eu a faire usage des contre-mesures dans le passé, notamment relativement a certaines matières premieres d'importance stratégique (le pétrole en 1 973).

182 Au cours de la décennie 1 990-2000, les Etats-Unis d'Amérique ont sanctionné pas moins de 7 9 pays dans le monde, le Président CLINTON ayant mis en oeuvre, au cours de ses deux mandats, près de la moitié des 170 régimes de sanctions appliqués par les Etats-Unis au cours du siècle dernier ; Voir * Sanctions économiques. Vers une révision de la stratégie américaine ? *, Revue Ramses, 2001, P.302, in http://ramses.lyonneblog.com/index.php?Societe .

183 Voir BENNOUNA Mohamed, * Le reglement des différends peut-il ... *, op.cit., P.62.

184 Voir LEBEN Charles, * Les contre-mesures inter-étatiques ... *, op.cit., PP.24-27 ; ALLAND Denis, Justice privée et ordre juridique ..., op.cit., PP. 94 et suivantes.

188 Voir ALLAND Denis, Justice privée et ordre juridique ..., op.cit., P. 94.

En dépit de ces prohibitions et propositions, les contre-mesures demeurent un instrument du leadership des Etats forts, lesquels Etats y faisant réguliérement usage. En outre, elles ouvrent la voie aux réactions des pays qu'elles frappent, favorisant ainsi l'escalade de la violence.

2- Contre-mesures et escalade de la violence

Il est difficile d'imaginer un systéme dans lequel les sanctions, au lieu de le conforter, entravent plutôt son activité. C'est le cas des contre-mesures qui, loin de permettre une application plus effective du droit international, tendent au contraire a rendre les relations internationales plus difficiles. Au lieu de faire régner entre les Etats la paix et la sécurité, Elles tendent par contre a alimenter les tensions entre eux. Ainsi s'établit une escalade de la violence du fait des contre-mesures. Le Professeur Charles LEBEN l'avait d'ailleurs noté lorsqu'il les qualifiait de « mesures "belliqueuses'' par nature N, car non seulement elles sont des « instruments de guerre "froide'' D entre les protagonistes, mais aussi elles constituent des « causes de tensions avec les Etats tiers N186.

En effet, les contre-mesures sont des instruments de tensions entre les protagonistes. Car les Etats qui y font recours disposent d'une liberté d'appréciation de la gravité du fait illicite en l'absence d'un organe de contrôle187, ce qui les améne a se fonder le plus souvent sur des considérations subjectives comme celles liées a la nécessité188. Cette situation cede le pas a la prise en compte des arguments de politique extérieure et surtout ceux liés a l'opportunité, au détriment des

186 Voir LEBEN Charles, * Les contre-mesures inter-étatiques ... *, op.cit., PP.40-47.

187 Voir supra ; Monsieur Mohammed BENNOUNA s'interrogeait aussi sur ce point :

* comment légitimer les contre-mesures, assimilés par de nombreux pays a l'expression du droit du plus fort, sans les assortir d'un systéme de contrôle et de vérification aussi impartial et objectif que possible ? *, in * Le réglement des différends peut-il ... *, op.cit., P.63.

188 Voir SIMON DENYS, SICILIANOS Linos-Alexandre, * La "contre-violence'' unilatérale. Pratiques étatiques et droit international *, op.cit., P.75.

considerations juridiques18 9 qui seules devraient justifier l'adoption de contre-mesures.

D'autre part, les contre-mesures instaurent une relation de tension avec les Etats tiers car, le plus souvent dans la pratique, les Etats qui entreprennent des sanctions unilaterales obligent les Etats riverains de l'Etat responsable a respecter ces mesures de pression. Or comme l'ecrit VATTEL, g toute nation, en vertu de sa liberte naturelle, est en droit de faire le commerce avec celles qui voudront bien s'y prêter ; et quiconque entreprend de la troubler dans l'exercice de ce droit lui fait injure N1 90. Ainsi, les contre-mesures risquent fort bien d'être a la base de l'anarchie, de l'arbitraire et de divers abus.

La stabilite de l'ordre juridique international est l'objectif principal du droit international. Le maintien de la paix et de la securite internationales y procede naturellement. Pour y parvenir, le droit international a avant tout exclu le recours a la force comme sanction, a l'exception de celui initie par l'ONU. Ensuite, il a mis en place un systeme de securite collective, supplee, le cas echeant, par des sanctions unilaterales.

Avec l'universalite des droits de l'homme, les Etats individuellement ou sur la base d'une organisation internationale ont le devoir de les proteger. Leur violation est desormais constitutive de menace pour la paix et la securite internationales. Ainsi, l'objectif du maintien de la paix et de la securite internationales est atteint soit de facon formelle par la reference au chapitre VII de la Charte, soit de maniere presumee de la legalite internationale. Autrement dit, il est mis fin aux violations des droits de l'homme en faisant recours soit aux sanctions collectives des organisations internationales, soit aux sanctions individuelles (contre-mesures) des Etats.

Mais, les sanctions entreprises par les organes politiques ont des consequences fort dommageables sur les droits de l'homme dont elles sont

18 9 Les violations des droits de l'homme en l'occurrence.

1 90 Voir VATTEL (E.de), Le droit des Gens, Paris, 1820, P.260, cite par LEBEN Charles, * Les contre-mesures inter-etatiques ... *, op.cit., P.47.

censées venir au secours. Autrement dit, les sanctions politiques frappent sans discrimination l'ensemble de l'Etat, y compris bien entendu la population civile de cet Etat. Ce faisant, elles instaurent un état chaotique, alors qu'elles ont été entreprises pour mettre fin a un désastre préalable.

Ainsi, le revers obstrue le médaillon. Le second tranchant de la sanction se révele autant affreux et douloureux que le premier. Le maintien de la paix et de la sécurité internationales devient per se un objectif irréalisable, voire chimérique. Des lors, l'ONU est de moins en moins en mesure de légitimer son action coercitive par la seule référence au chapitre VII, ni les Etats par une présumée légalité internationale. Les débats actuels sur la légitimé des sanctions internationales traduisent bien la nécessité de justifier les sanctions politiques, au-delA d'une simple légalité formelle. La source nouvelle de légitimité des sanctions politiques se trouve désormais dans un plus grand égard aux droits de l'homme.

CHAPITRE II : SANCTIONS POLITIQUES ET RESPECT DES DROITS DE L'HOMME : UNE COMPATIBILITE PROBLEMATIQUE

Les sanctions politiques mettent en oeuvre une responsabilite collective. Elles sont dirigees contre un Etat et peuvent avoir un impact nefaste sur sa population civile, c'est-A-dire sur les droits fondamentaux de ses citoyens. Comme l'ecrivait le Professeur Hans KELSEN :

« La conduite contraire au droit des organes etatiques appeles a executer les obligations internationales est la condition a laquelle le droit international attache une sanction, sanction qui, en tant qu'acte de contrainte, ne frappe pas les organes qui violent le droit, mais d'autres organes, le peuple, et en particulier le peuple sans armes, par consequent les sujets de l'Etat dont les organes ont viole le droit international, encore que ceux qui sont frappes par la sanction n'aient nullement contribue a provoquer l'acte illicite, ni n'aient jamais ete en mesure de l'empecher *1 91.

Ainsi, les sanctions politiques opérent un deplacement de la responsabilite en visant la victime tout en deculpabilisant l'auteur. Ceci se verifie surtout en cas de violation des droits de l'homme. L'on note alors une incompatibilite entre les sanctions politiques et le respect des droits de l'homme (section 1). Au vu d'un tel echec impute aux sanctions politiques, les organes politiques internationaux ont convenu de faire que g ce qui est legal soit egalement legitime *1 92. C'est dans cette perspective qu'apparait un effort de legitimation des sanctions politiques (section 2).

1 91 Voir KELSEN Hans, g Theorie generale du droit international public ... *, op.cit., P.130.

1 92 Voir DECAUX Emmanuel, g Legalite et legitimite du recours a la force : de la guerre juste a la responsabilite de proteger *, Droits fondamentaux, n°5, janvier- decembre 2005, P.10.

SECTION 1 : LA MISE EN EXERGUE DE L'INCOMPATIBILITE ENTRE LES SANCTIONS POLITIQUES ET LE RESPECT DES DROITS DE L'HOMME

A la suite des violations des droits de l'homme, les sanctions politiques viennent davantage troubler la paix et la sécurité internationales. Dés lors, pour mettre fin a une situation de violations des droits de l'homme, le recours aux sanctions politiques s'apparente a g l'usage de la dynamite D pour neutraliser une mouche1 93. C'est dire que l'incompatibilité entre les sanctions politiques et le respect des droits de l'homme se vérifie tant sur le plan formel que sur le plan matériel. Sur le plan formel, il s'agit de la méconnaissance de l'obligation de respect des droits de l'homme inscrite dans les instruments juridiques internationaux relatifs aux droits de l'homme (paragraphe 1). Sur l'angle matériel, il est question des répercussions des sanctions politiques sur les droits de l'homme (paragraphe 2).

PARAGRAPHE 1 : La meconnaissance d'une obligation im plicite de respect des droits de l'homme

Les sanctions politiques doivent s'appliquer tout en respectant les droits de l'homme. Les instruments juridiques internationaux le précisent, me-me s'ils ne le font pas de fagon explicite. En effet, les actions coercitives menées par les organes politiques internationaux ne tiennent pas compte de cette obligation tacite. Pourtant, celle-ci est bel et bien prévue tant par la Charte des Nations Unies (A), les textes internationaux relatifs aux droits de l'homme (B), que par les textes internationaux portant sur le droit humanitaire (C).

1 93 Voir WECKEL Philippe, * le Conseil de sécurité des Nations Unies et l'arme nucléaire *, AFDI, vol LII, 2006, P.1 97.

6

A- Une obligation issue de la Charte des Nations Unies

Dans son action coercitive de maintien de la paix et de la securite internationales, l'ONU a une g obligation conditionnee de respect des droits de l'homme D1 94. Celle-ci est inscrite dans sa Charte constitutive. En effet, l'article 24, paragraphe 2, in limine de la Charte dispose que le CSNU doit agir g conformement aux buts et principes des Nations Unies D dans l'accomplissement de ses devoirs. C'est dire que le CSNU a l'obligation de se conformer aux buts et principes de la Charte. Parmi les buts et principes des Nations Unies, figure le respect des droits de l'homme. L'article 1, paragraphe 3, de la Charte enonce en particulier l'objectif de developpement et d'encouragement du respect des droits de l'homme. Il est enterine par l'article 55 (c) de la Charte qui reprend le but de promotion des droits de l'homme et dispose que les g Nations Unies favoriseront (...) le respect universel et effectif des droits de l'homme et des libertes fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion D.

L'article 13, paragraphe 1(b), precise encore l'objectif a atteindre en matiere de developpement et d'encouragement au respect des droits de l'homme en confiant a l'AGNU la tache de g faciliter pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion, la jouissance des droits de l'homme et des libertes fondamentales D. L'article 62, paragraphe 2, donne un role semblable au Conseil economique et social en lui ouvrant la possibilite de g faire des recommandations en vue d'assurer le respect effectif des droits de l'homme et des libertes fondamentales pour tous D. Enfin, relativement a l'article 76(c) de la Charte, le regime international de tutelle devait g encourager le respect des droits de l'homme et des libertes fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion D.

Ainsi, le respect des droits de l'homme est une obligation primordiale inscrite dans la Charte. L'ONU doit necessairement tenir compte de celle-la

1 94 Voir COUZIGOU Irene, g Le Conseil de securite doit-il respecter les droits de l'homme dans son action coercitive de maintien de la paix ? D, op.cit., PP.111-123.

lorsqu'elle adopte des sanctions, meme si, comme le souligne le Docteur Irene COUZIGOU, a les dispositions de la Charte relatives aux droits de l'homme ne sont pas vigoureuses N1 95. La pertinence de cette affirmation est A relever, etant donne que les dispositions dont il est question parlent de "developper'', de "favoriser'', d' "encourager'' ou de "faciliter'' le respect ou la jouissance des droits de l'homme.

Neanmoins, le droit derive des Nations Unies se consacre aussi a renforcer l'obligation de respect des droits de l'homme. Il s'agit plus precisement d'un certain nombre de resolutions adoptees par l'AGNU et qui explicitent l'article premier de la Charte1 96. Outre le droit derive des Nations Unies et la Charte des Nations Unies, l'obligation de respect des droits de l'homme est aussi prevue dans les instruments relatifs aux droits de l'homme.

B- Une obligation contenue dans les textes internationaux relatifs aux droits de l'homme

Si l'ONU doit combattre des menaces contre la paix et la securite internationales -et en l'occurrence les violations des droits de l'homme-, les actions qu'elle doit entreprendre ne doivent pas constituer a leur tour des menaces a la paix et la securite internationales. C'est a la base de ce raisonnement que procede l'obligation de respect des droits de l'homme inscrite dans les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme. Cette obligation est issue du principe general de bonne foi car, il est logique que l'ONU se conforme aux droits de l'homme contenus dans les traites ou

1 95 Voir COUZIGOU Irene, * Le Conseil de securite doit-il respecter ... *, op.cit., P.113

1 96 Voir Resolution 2625 (XXV) de l'AGNU du 24 octobre 1 970, Declaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la cooperation entre les Etats conformement a la Charte des Nations Unies ; Resolution 3281 (XXIX) de l'AGNU du 12 decembre 1 974, Charte des droits et devoirs économiques des Etats (Charte économique) ; Resolution 1803 (XVII) de l'AGNU du 14 decembre 1 962, Souveraineté permanente sur les ressources naturelles ; texte reaffirme par l'AGNU dans sa Resolution 3348 (XXIX) du 17 decembre 1 974, Declaration Universelle pour l'élimination definitive de la faim et de la malnutrition.

les resolutions elabores dans le cadre de l'Organisation. Comme le precise la declaration du Liechtenstein :

g Il est incontestable que, lorsqu'ils imposent des mesures ayant des effets directs ou d'importantes repercussions sur les droits de certains particuliers, les organes de l'ONU sont tenus de respecter les principes internationaux des droits de l'homme de la maniére que le feraient les Etats D197.

Les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme sont principalement la Declaration Universelle des Droits de l'Homme du 10 decembre 1 948, le Pacte International relatif aux droits civils et politiques du 16 decembre 1 9661 98, le Pacte international relatif aux droits economiques, sociaux et culturels egalement du 16 decembre 1 9661 99.

La DUDH doit etre prise en consideration dans son ensemble. Mais certaines dispositions presentent une importance particuliere. Il s'agit du droit a la vie (article 3), du droit a ne pas etre soumis a des traitements inhumains et degradants (article 5) ainsi du droit a un niveau de vie decent, en ce qui concerne notamment l'alimentation, l'habillement, le logement et les soins medicaux (article 25 paragraphe 1).

De me-me, les deux pactes internationaux relatifs aux droits de l'homme reaffirment les principes enonces dans la DUDH. D'une part, le PIDCP reconnait et protége le droit a la vie (article 6, paragraphe 1) et prohibe tout traitement inhumain et degradant subi par un individu (article 7). En outre, l'article 4, paragraphe 1, enonce la notion d'intangibilite des droits fondamentaux de l'homme. D'autre part, le PIDESC prevoit le droit a un niveau de vie decent (article 11, paragraphe 1), a la sante (article 12, paragraphe 1) et a l'education (article 13, paragraphes 1, 2, 3 et 4).

1 97 Voir Discussion sur les menaces contre la paix et la sécurité internationales résultant d'actes de terrorisme, Doc.off. CSNU, 61e annee, 5446e seance, Doc.NU s/PV. 5446 (2006), P.33, cite par COUZIGOU Iréne, * Le Conseil de securite doit-il respecter ... *, op.cit., P.116. 1 98 Entree en vigueur : le 23 mars 1 976.

1 99 Entree en vigueur : le 3 janvier 1 976.

Le respect de ces droits de l'homme est une obligation a laquelle sont soumis les organes politiques internationaux dans leurs actions coercitives de maintien de paix et de sécurité internationales. Comme déclarait déjà l'ancien Secrétaire général de l'ONU, Kofi ANNAN,

L La protection des droits de l'homme n'est pas du ressort principal du Conseil -elle incombe a d'autres organismes de l'ONU, dont les travaux ne doivent pas faire double emploi avec ceux du Conseil. Mais il faut prendre en compte l'expertise de ces organismes, et s'assurer que les mesures adoptées par le Conseil ne limitent pas indilment les droits de l'homme *200.

Il est, bien entendu, question des droits de l'homme contenus dans les autres instruments internationaux relatifs aux droits que nous avons volontairement omis (afin d'éviter des tautologies)201, ainsi que ceux dérivés du droit humanitaire. C'est dire que le droit humanitaire affirme aussi l'obligation de respect des droits de l'homme.

C- Une obligation derivee du droit humanitaire

Le droit humanitaire impose tant en temps de paix qu'en période de conflits armés -internationaux et non internationaux- que soient respectées des regles minima relatives au respect des droits de l'homme. Dans cette optique, il prévoit des dérogations et exceptions a caractére humanitaire auxquelles les sanctions politiques ont l'obligation de se conformer. Celles-ci sont mentionnées dans les dispositions de l'article 3 commun aux quatre Conventions de Genéve conclues le 12 Aoilt 1 94 9202. Selon l'article 3, paragraphe 1 :

200 Voir extrait du discours prononcé le 18 janvier 2002 lors d'une réunion d'information organisée par le comité 1373 a l'intention du CSNU, cité par COUZIGOU Irene, g Le Conseil de sécurité doit-il respecter ... *, op.cit., P.177.

201 Voir Convention relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1 986, Declaration des principes de la cooperation culturelle internationale du 4 novembre 1 996, etc.

202 Voir Convention I de Geneve pour l'amélioration du sort des blesses et des malades dans les forces armées en campagne ; Convention II de Geneve pour l'amélioration du sort des blesses, des malades et des naufrages des forces armées sur mer ; Convention III de Geneve

« En cas de conflit arme ne presentant pas un caractere international et surgissant sur le territoire de l'une des Hautes Parties contractantes, chacune des Parties au conflit sera tenue d'appliquer au moins les dispositions suivantes :

1. Les personnes qui ne participent pas directement aux hostilites, y compris les membres de forces armees qui ont depose les armes et les personnes qui ont ete mises hors de combat par maladie, blessure, detention, ou pour toute autre cause, seront, en toute circonstance, traitees avec humanite, sans aucune distinction de caractere defavorable basee sur la race, la couleur, la religion ou la croyance, le sexe, la naissance ou la fortune, ou toute autre critere analogue.

A cet effet, sont et demeurent prohibes, en tout temps et en tout lieu a l'egard des personnes mentionnees ci-dessus :

a. Les atteintes portees a la vie et a l'integrite corporelle, notamment le meurtre sous toutes ses formes, les mutilations, les traitements cruels, tortures et supplices ;

b. Les prises d'otages ;

c. Les atteintes a la dignite des personnes, notamment les traitements humiliants et degradants ;

d. (...) N.

Ces exceptions et derogations humanitaires ne sont pas seulement inscrites dans l'article 3 commun aux Conventions de Genève, elles ont aussi fait l'objet de maints arrIts ou avis de la CIJ. Pour la première fois, dans l'affaire du Detroit de Corfou, la CIJ a proclame que les Etats pouvaient Itre tenus a certaines obligations non seulement en vertu des textes conventionnels, mais du fait de l'existence de g certains principes generaux

relative au traitement des prisonniers de guerre ; Convention IV de Geneve relative a la protection des personnes civiles en temps de guerre.

et bien reconnus, tels que des considerations elementaires d'humanite, plus absolues encore en temps de paix qu'en temps de guerre D203. Les considerations elementaires d'humanite ainsi evoquees le seront a nouveau dans plusieurs autres decisions de la CIJ, par exemple dans l'arrIt du 24 mai 1 980 concernant le Personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis a Teheran204, ou a l'occasion du minage des ports du Nicaragua par les Etats-Unis205.

Dans cette derniere affaire, la CIJ a en outre precise sa pensee. En effet, elle a estime que non seulement les actions des organes politiques internationaux devaient « etre appreciees en fonction des principes generaux de base du droit humanitaire D206, mais encore que « l'article 3 commun aux quatre conventions de Geneve du 12 aout 1 94 9 enonce certaines regles devant etre appliquees dans les conflits armes ne presentant pas un caractere international D207. Elle a ajoute que « ces regles constituent aussi, en cas de conflits armes internationaux, un minimum independamment de celles plus elaborees qui viennent s'y ajouter pour de tels conflits D208.

Ainsi, l'incompatibilite entre les sanctions politiques et le respect des droits de l'homme se revéle avec constance sur le plan formel. Une obligation implicite de respect des droits de l'homme par les organes politiques internationaux lorsqu'ils entreprennent leurs actions coercitives de maintien de la paix est inscrite dans la Charte des Nations Unies, prevue dans les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, et derive du droit humanitaire. Mais dans la pratique, celle-ci est battue en bréche. Comme le souligne fort bien Ariel COLONOMOS,

203 Voir Detroit de Corfou, fond, arrêt, Rec.C.I.J., 1 94 9, P.21.

204 Voir Personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis a Teheran, arrIt, Rec.C.I.J., 1 980, PP.42-43.

205 Voir Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c/ Etats-Unis d'Amérique), fond, arrIt, Rec.C.I.J., 1 986, P.112.

206 Voir ibid. P.12 9 et 148.

207 Voir ibid.

208 Voir ibid. Voir pour des precisions sur ces differentes decisions GUILLAUME Gilbert, « La Cour Internationale de Justice et les Droits de l'homme *, Droits fondamentaux, n°1, JuilletDecembre 2001, PP.26-27.

L D'une part, ces armes (les sanctions politiques)20 9 ne sont pas efficaces (...) ; de l'autre, elles provoquent des degats irreparables, des sinistres qui ont precisement un cout, a la fois humain et economique D210.

Autrement dit, sur le plan materiel, l'incompatibilite entre les sanctions politiques et le respect des droits de l'homme atteint son apogee. C'est dire que les sanctions politiques aux violations des droits de l'homme ont un impact nefaste dur lesdits droits de l'homme.

PARAGRAPHE 2 : Les repercussions des sanctions politiques sur les droits de l'homme

La constatation que l'injustice essentielle des sanctions politiques consiste en ce qu'elles font souffrir des innocents apparait des que nait la discipline autonome du droit des gens211. Cela dit, les sanctions politiques infligent davantage de souffrances aux populations n'ayant pas participe aux violations des droits de l'homme, mais au contraire etant des victimes de ces violations. C'est dans cette perspective que l'ancien Secretaire general des Nations Unies, Monsieur Kofi ANNAN, a declare que :

« Si les sanctions peuvent, dans certains cas, apparaitre comme des outils performants, certains types de sanctions, notamment les sanctions economiques, sont des instruments grossiers, infligeant souvent de graves souffrances a la population civile, sans toucher les protagonistes D212.

Ainsi est enoncee l'intensite des violations des droits de l'homme par les sanctions politiques213. C'est autrement dire que les sanctions politiques

20 9 C'est nous qui notons.

210 Voir COLONOMOS Ariel, * "Injustes'' sanctions : les constructions internationales de la denonciation des embargos et l'escalade de la vertu abolitionniste *, op.cit., P.18.

211 Voir NAHLIK Stanislaw E., * Le probléme des represailles a la lumiére des travaux de la conference diplomatique sur le humanitaire *, RGDIP, 1 978, T.LXXXII, P.131.

212 Propos de Kofi ANNAN, cite par MANGIN Rene, Rapport d'information n°3203, op.cit., P.4.

213 Les inconvenients des sanctions politiques sont apparus de plus en plus evidents, notamment a travers le cas de l'Irak oti les sanctions, aprés quelques succés initiaux, se sont averees inefficaces et mêmes contre-productives.

emportent des effets secondaires tant sur les droits de la première generation (A), sur ceux de la deuxième generation (B) que sur les droits de la troisième generation (C).

A- Les effets secondaires des sanctions politiques sur les droits de la premiere generation (Droits civils et politiques)

L'obligation implicite de respect des droits de l'homme n'a nullement pu empecher leurs violations par les mesures de contraintes. Cela se verifie d'ailleurs au vu de la situation des droits de premiere generation en cas d'imposition d'un regime de sanction. En effet, les sanctions politiques ont des effets nefastes sur les droits de la premiere generation. Sont constitutifs de droits de la premiere generation les droits civils et les droits politiques. Ceux-ci sont prevus aussi bien par la DUDH que par le PIDCP214.

Ainsi, Monsieur Marc BOSSUYT a etabli un document portant sur Les consequences nefastes des sanctions economiques pour la jouissance des droits de l'homme215 dans lequel il identifie les sanctions adoptees par les organes politiques internationaux aux actes de genocide prevus par la Convention pour la prevention et la repression du crime de genocide du 9 decembre 1 948216. En effet, l'article 2 de la Convention definit le genocide dans les termes suivants :

g ...L'un quelconque des actes ci-apres, commis dans l'intention de detruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel :

a) Meurtre de membres du groupe ;

214 Voir supra, P.5.

215 Voir Commission des droits de l'homme, sous-commission de la promotion et de la protection des droits de l'homme, 52e session, E/CN.4/Sub.2/2000/33, 21 juin 2000, PP.18-1 9, in www.grandslacs.net/doc/2265.pdf

216 Approuvee par l'AGNU dans sa resolution 260/A (III) du 9 decembre 1 948 et entree en vigueur le 12 janvier 1 951.

b) Atteinte grave a l'integrite physique ou mentale de membres du groupe ;

c) Soumission intentionnelle du groupe a des conditions d'existence devant entralner sa destruction physique totale ou partielle ;

V D

Il est clair que les sanctions politiques visent a infliger au peuple des conditions de vie devant entralner sa destruction physique totale ou partielle. L'important n'est pas de savoir quelles etaient les intentions initiales de l'organe politique international ayant pris les mesures coercitives. Dans la mesure ou l' L on disposait d'elements prouvant que des milliers de civils mouraient a cause des sanctions et que des centaines de milliers d'autres allaient mourir prochainement par suite du maintien des sanctions par le Conseil de securite, les morts en question ne pouvaient plus etre considerees comme un simple contrecoup, le Conseil de securite etait pleinement responsable de ses actes et de toutes leurs consequences attestees D217. Ainsi, les sanctions politiques seraient des mesures meurtrieres, genocidaires et deliberement maintenues pour ces fins.

Par ailleurs, c'est la couche la plus vulnerable de la population qui est la premiere a subir ces effets. Comme le note Monsieur Rene MANGIN & l'egard des effets des sanctions sur la population infantile irakienne,

L Les consequences des sanctions sur le plan humanitaire ont ete analysees comme des catastrophes tant par les ONG et les chercheurs que par les organismes des Nations Unies. L'estimation des decés directement imputables aux sanctions va de 500.000 a 1,5 millions de personnes, en majorite les enfants. La commission d'evaluation nommee par le Conseil de securite a confirme en mars 1 999 que les taux de mortalite infantile sont parmi les plus eleves du monde. Les causes en sont la contamination des

217 Voir BOSSUYT Marc, Les consequences nefastes des sanctions economiques pour la jouissance des droits de l'homme, op.cit., P.1 9.

eaux, le manque d'aliments de qualité, un allaitement maternel insuffisant et la pénurie dans le domaine des soins de santé D218.

C'est dire que les effets des sanctions politiques sur les droits de la première génération sont inséparables de ceux sur les droits de la deuxième génération.

B- Les effets secondaires des sanctions politiques sur les droits de la
deuxieme generation (Droits economiques, sociaux et culturels)

Les sanctions politiques se traduisent par des violations massives et systématiques des droits des citoyens a l'intérieur du pays ou elles sont appliquées. Les droits de la deuxième génération c'est-A-dire les droits économiques, sociaux et culturels de la population sont balayés : les familles se brisent, les progrès réalisés dans les domaines éducatifs et sanitaires sont renversés ou simplement effacés, le pays passe « d'une relative prospérité a une pauvreté de masse D219. Comme l'écrit Monsieur René MANGIN, l'application des sanctions politiques a parfois des conséquences graves, voire catastrophiques sur l'état humanitaire de la population qui y est soumise :

« Outre les privations dans le domaine alimentaire et des biens de consommation courante, l'on assiste a la régression de la politique sanitaire du pays. Il arrive également que lorsque les sanctions perdurent, les conséquences économiques et sociales sont telles que l'on aboutit a une déstructuration de la société D220.

Autrement dit, les sanctions politiques détruisent les sociétés en s'attaquant surtout a son fondement, c'est-A-dire la famille. C'est dans cette perspective que Monsieur Denis HALLIDAY, ancien Sous-secrétaire général

218 Voir MANGIN René, Rapport d'information n°3203, op.cit., P.22.

21 9 Voir S/1 999/356, annexe II, Bureau du PNUD en Irak, cité par BOSSUYT Marc, Les consequences n~/astes ~~~, op.cit., P.17.

220 Voir MANGIN René, Rapport d'information n°3203, op.cit., P.22.

7

et Coordonnateur des operations humanitaires des Nations Unies en Irak, a declare apres avoir demissionne en septembre 1 998 : « les sanctions ont eu un impact durable sur le systeme de la famille elargie en Irak. On constate une augmentation du nombre de familles monoparentales, generalement dirigees par des femmes qui doivent se debrouiller seules. Les divorces se multiplient. Beaucoup de familles en ont ete reduites a vendre leur maison, leur mobilier et d'autres biens pour pouvoir manger, ce qui contribue & augmenter le nombre des sans-abri. De nombreux jeunes se tournent vers la prostitution D221.

C'est cette situation qui s'est installee notamment au Burundi lors de l'adoption des sanctions internationales contre le pays : l'infrastructure sanitaire a ete gravement touchee et l'impossibilite d'obtenir ne serait-ce que des fournitures medicales d'urgence a conduit a de graves penuries de medicaments et de vaccins. De plus, les programmes d'approvisionnement en eau et en materiel d'assainissement ont ete reduits ou supprimes222.

Par ailleurs, les sanctions politiques qui affaiblissent et appauvrissent la population civile font le bonheur des elites politiques : « Sur le plan economique, les sanctions ont approfondi le mouvement de recession qui s'etait engage avant la guerre, faisant chuter la production industrielle et provoquant une inflation galopante. Sur le plan social, les sanctions ont accable les populations vulnerables et ont permis a l'entourage de Milosevic et aux elites economiques de prosperer D223.

Pis encore, les sanctions politiques ont plonge certains pays dans un profond etat de denuement qu'ils en ont ete incapables de relever leur niveau de vie, même lorsqu'elles ont ete levees. Comme le souligne Monsieur Rene MANGIN,

221 Discours prononce par Denis HALLIDAY au Congres le 6 octobre 1 998, cite par BOSSUYT Marc, Les consequences nefastes op.cit., P.17.

222 Voir BOSSUYT Marc, Les consequences nefastes op.cit., P.21. En 1 997, l'American Association for World Health a publie un rapport extrêmement critique confirmant qu'il y avait un lien de cause a effet entre l'embargo, la malnutrition, la mediocrite de l'eau et la difficulte a acquerir du materiel medical et des medicaments, et que l'embargo visait

deliberement a priver la population cubaine de produits alimentaires et de medicament.

223 Voir MANGIN Rene, Rapport d'information n°3203, op.cit., P.25.

g La levée des sanctions contre le Burundi n'a pu empecher que la catastrophe humanitaire ne perdure du fait de l'effondrement des infrastructures de distribution alimentaire, des retards dans les campagnes de vaccination et de l'appauvrissement généralisé de la population engendrés par les sanctions D224.

Ainsi, les sanctions politiques constituent des armes redoutables contre l'épanouissement économique, social et culturel d'un peuple. Elles produisent des effets dévastateurs sur les secteurs multiples de la société telles que la famille, l'éducation, la santé, l'économie, etc. Comme le note le Professeur Leon EISENBERG, g l'imposition des sanctions économiques est, fondamentalement, une guerre contre la santé publique p225, mais aussi contre l'éducation, l'économie, la famille, bref la société toute entière. Bien entendu, les droits de la troisième génération n'échappent pas a cette guerre.

C- Les effets secondaires des sanctions politiques sur les droits de la troisieme generation (Droit a la paix, au developpement et a un environnement sain)

A l'instar de ceux de la première et de la deuxième génération, la troisième génération des droits de l'homme se voit profondément affectée par les répercussions des sanctions politiques. En effet, le droit a la paix, le droit au développement, le droit a un environnement sain, sont remis en cause sous le faix des sanctions politiques. Si les mesures de contrainte adoptées par les organes politiques internationaux constituent des actes de génocide226, ou encore des actes de guerre227, alors, elles sont attentatoires au droit a la paix. Elles plongent la société dans un état d'instabilité dans lequel toute revendication a un droit a la paix relève de l'illusion.

224 Voir MANGIN René, Rapport d'information n°3203, op.cit., P.20.

225 Voir EISENBERG Leon, * The sleep of reason produces monsters -human costs of economic sanctions *, New England Journal of Medecine, 24 avril 1 997, Vol.336, n°17, cité par BOSSUYT Marc, Les consequences n~/astes ... op.cit., P.24.

226 Voir Supra, PP.72-74, chapitre 2, section 1, paragraphe 2, A

227 Voir Supra, P.76.

En outre, les sanctions politiques hypothequent le developpement du pays contre lequel elles sont adoptees. Cette assertion figure comme la consequence ineluctable des effets des sanctions politiques sur les droits politiques et civils ainsi que sur les droits economiques, sociaux et culturels. Mais, surtout, l'aide au developpement destine au pays avant l'adoption des sanctions politiques est interrompu par le fait de ces sanctions. Au Burundi, l'aide au developpement, qui representait environ 250 millions de dollars par an, a ete interrompu et les reserves en devises etrangeres se sont epuisees228. En Haiti, l'embargo dejà ancien de l'Union europeenne a conduit cette societe tres pauvre a une deliquescence progressive : elle ne se trouve pas dans une situation d'urgence qui attirerait l'attention de la Communaute internationale sur elle, mais elle ne peut se developper229.

Enfin, l'on nie tout droit a un environnement sain en cas d'imposition de la sanction internationale par les organes politiques internationaux. Autrement dit, la faune et surtout la flore du pays cible est detruite du fait des sanctions politiques. Ceci est particulierement vrai lorsqu'il s'agit des mesures de contrainte armee prises sur la base du chapitre VII de la Charte.

Precisant les conclusions contenues dans le Document de travail etabli par Monsieur Marc BOSSUYT, le Professeur Mathias FORTEAU note que g les sanctions inefficaces ou injustes ou qui violeraient d'autres regles du droit international ne [devaient] pas etre appliquees, ou, si elles l'[avaient] ete, [devaient] etre levees, ajoutant que les sanctions legalement imposees [pouvaient] devenir illegales des lors qu'elles [etaient] appliquees pendant trop longtemps sans produire de resultats significatifs(...) D230.

Poursuivant l'analyse de l'incompatibilite entre les sanctions politiques et le respect des droits de l'homme, Monsieur BOSSUYT ajoute que l'obligation de respect des droits de l'homme inscrite dans les instruments juridiques internationaux g n'est qu'une tentative derisoire pour en attenuer

228 Voir BOSSUYT Marc, Les consequences n~/astes ... op.cit., P.21.

229 Voir MANGIN Rene, Rapport d'information n°3203 op.cit., P.20.

230 Voir FORTEAU Mathias, * La levee et la suspension des sanctions internationales *, AFDI, vol.51, 2005, P.65.

les conséquences catastrophiques. Au lieu de chercher a rendre une illusoire crédibilité a la formule des sanctions économiques générales(...) grace aux [obligations de respect des droits de l'homme], c'est toute la problématique des sanctions qu'il faut entiérement repenser D231. C'est dire au final que c'est la légitimité des sanctions politiques qui est remise en question232. Par conséquent, une tentative de légitimation des sanctions politiques a été amorcée.

231 Voir BOSSUYT Marc, Les consequences n~/astes ... op.cit., PP.13-14.

232 a La légitimité est inséparable de l'opportunité, alliant les principes et les circonstances. Mais elle tient compte de l'efficacité, en considérant les résultats. Ce faisant, loin d'affirmer que les fins justifient les moyens, elle rappelle que les conséquences peuvent hypothéquer les meilleures intentions *, DECAUX Emmanuel, * Légalité et légitimité du recours a la force : de la guerre juste a la responsabilité de protéger *, op.cit., P.10.

SECTION 2 : L'EFFORT DE LEGITIMATION DES SANCTIONS POLITIQUES

L'effort de legitimation des mesures coercitives par les organes politiques internationaux procéde du principe selon lequel seul le responsable d'une violation du droit doit Itre condamne pour avoir commis cette violation. Cela revéle surtout une reelle avancee de technique juridique car il s'agit plus precisement d'un effort d'adaptation des sanctions aux auteurs des violations des droits de l'homme.

Comme nous l'avons developpe, les sanctions politiques genérent des repercussions catastrophiques sur les droits de l'homme et partant, ne sont pas conformes au droit international public : g c'est la volonte de limiter les consequences negatives de ses actions coercitives sur toute une population qui a amene le Conseil de securite a adopter par la suite des sanctions ciblees et selectives, ou "sanctions intelligentes'' 8233 (paragraphe 1). Cependant, les sanctions intelligentes n'ont pour autant pas ete efficaces (paragraphe 2).

PARAGRAPHE 1 : La naissance des sanctions intelligentes

Les sanctions intelligentes constituent une forme nouvelle de mesures coercitives entreprises par les organes politiques internationaux. Elles sont aussi connues sous l'appellation de "sanctions ciblees''. Elles viennent en reactions aux inconvenients excessifs des sanctions politiques globales. Il convient des lors de preciser la signification des sanctions intelligentes (A) avant de parler de leur application (B).

A- La signification des sanctions intelligentes

L'on ne peut evoquer la signification d'une notion sans se referer a sa definition (1). C'est en ce moment que peuvent etre identifies ses criteres (2).

233 Voir COUZIGOU Irene, * le Conseil de securite doit-il respecter les droits de l'homme dans son action coercitive de maintien de la paix ? *, op.cit. P.120.

1- Definition des sanctions intelligentes

Face aux conséquences tragiques des sanctions politiques globales sur les droits de l'homme, il a été préconisé des sanctions intelligentes. Celles-ci renvoient aux sanctions ciblées c'est-A-dire qui frappent uniquement le ou les responsables des violations des droits de l'homme, sans atteindre la population innocente et victime des violations de leurs droits. En d'autres termes, les organes politiques internationaux prennent des mesures contraignantes qui visent non pas un Etat dans son ensemble, mais des personnes précises : les dirigeants au pouvoir d'un Etat ou d'une collectivité semi-étatique, ou de surcroit un groupe de résistance.

Les sanctions intelligentes peuvent viser les avoirs personnels a l'étranger des membres du gouvernement, de l'élite dirigeante ou des membres de l'armée, ainsi que leur accés aux marchés financiers étrangers234. Les actifs des entreprises d'Etat peuvent également Itre gelés et les investissements dans ces sociétés interdits. Les importations d'articles de luxe et d'autres biens dont la consommation est généralement réservée a l'élite dirigeante peuvent Itre frappées d'interdiction. Les élites politiques et militaires peuvent Itre aussi frappées d'interdiction de voyage, ainsi que les dirigeants de groupes de résistances235. Les sanctions intelligentes peuvent aussi viser les avoirs financiers a l'étranger des membres adultes de leur famille ainsi que leur interdire de voyage236.

234 Voir par exemple Haiti, Résolution 441 du Conseil de sécurité, Doc.off.CSNU, 48e année, 3238e séance, Doc.NU S/RES/841(1 993), para.8, imposant le gel des fonds appartenant au gouvernement haitien ou aux autorités de facto en Haiti ou contrôlés par eux .

235 Voir exemple la Résolution 1127 du Conseil de sécurité sur la situation en Angola, Doc.off. CS, 52e année, 3814e séance, Doc.NU S/RES/1127 (1 997), para 4a, imposant des restrictions de déplacement aux dirigeants de l'UNITA (Union Nationale pour l'Indépendance Totale de l'Angola) ; Résolution 1132 du Conseil de sécurité sur la situation au Sierra Leone, Doc.off. CSNU, 52e année, 3822e séance, Doc.NU S/RES/1132 (1 997), para 5, imposant des interdictions de voyage pour les membres de la junte au pouvoir.

236 Voir par exemple les Résolutions 1127 (1 997) et 1132 (1 997) sus mentionnées imposant respectivement des restrictions de déplacement des membres adultes de la famille des dirigeants de l'UNITA et des interdictions de voyage pour ceux des membres de la junte au pouvoir de Sierra Leone.

En outre, afin de faciliter l'identification des responsables politiques et militaires, devant etre frappes par les mesures coercitives ainsi que les biens, fonds et autres ressources financieres contrOles par eux, il a ete procede a une succincte formalisation237. C'est dans cette perspective que le CSNU a institue des comites des sanctions238 en charge de cette tache. Ces derniers etablissent des listes de noms, ou de biens, ou de fonds contrOles par les responsables politiques ou militaires.

Ainsi, les sanctions intelligentes sont mises en oeuvre dans un grand respect des droits de l'homme. Mais, la signification des sanctions intelligentes s'avererait incomplete si elle n'etait pas precisee a travers ses criteres d'identification.

2- Criteres d'identification des sanctions intelligentes

Il existe des criteres a l'absence desquels les sanctions prises par les organes politiques internationaux ne peuvent etre qualifiees

d' KKintelligentes''23 9. Deja., la Sous-commission des droits de l'homme avait, dans sa resolution 1 997/35 du 28 aoilt 1 997 intitulee Consequences nefastes des sanctions pour la jouissance des droits de l'homme, precise ces criteres. Dans le preambule de la resolution, l'on peut y retrouver quatre observations precises a propos des sanctions politiques globales, observations dont une reformulation nous donne une approche des criteres d'identification des sanctions intelligentes :

a) Elles doivent toujours etre d'une duree limitee ;

b) Elles ne doivent pas toucher la population innocente

237 Voir ALABRUNE Francois, a La pratique des comites des sanctions du Conseil de securite depuis 1 990 *, AFDI, vol.45, 1 999, PP.271-275.

238 Voir comites crees par les Resolutions 724 (Yougoslavie), 841 (Haiti), 864

(Angola/UNITA), 1132 (Sierra Leone), 1267 (Afghanistan/Taliban), ibid. PP.272-275. 23 9 En Anglais, les a sanctions intelligentes * se disent a smarts sanctions *.

c) Elles ne doivent pas aggraver les disparites dans la repartition des revenus ;

d) Elles ne doivent pas faire naitre des pratiques commerciales illegales et immorales240.

D'autres documents ont suivi cette resolution tout en apportant davantage de precisions sur les criteres des sanctions intelligentes241. Ainsi, traditionnellement, il est fait distinction de six criteres d'identification des sanctions intelligentes :

1- Les sanctions doivent etre prises pour des raisons valables. Dans le cadre de cette etude, la violation effective des droits de l'homme motive l'adoption des mesures de contrainte. C'est autrement dire que les sanctions ne doivent pas constituer un instrument banalise de politique internationale et doivent etre reservees a des situations exceptionnelles ;

2- Les sanctions doivent etre ciblees et proportionnees. Elles ne doivent viser que les personnes responsables des violations des droits de l'homme et epargner la population civile de ses effets nefastes ;

3- Les sanctions doivent etre correctement ciblees ; C'est-A-dire qu'elles ne doivent pas interferer avec la libre circulation des produits alimentaires prescrites par les Conventions de Geneve ;

4- Les sanctions doivent etre limitees dans le temps et evolutives. Autrement dit, les sanctions doivent avoir un terme predefini, sous

240 L'AGNU lui a emboite le pas dans sa resolution 51/242 du 15 septembre 1 997 intitulee Supplement a l'agenda pour la pab~, a son annexe II consacree a la a Question des sanctions imposees par l'ONU *. Voir FORTEAU Mathias, a La levee et la suspension des sanctions internationales *, op.cit., P.63.

241 Voir BOSSUYT Marc, Les consequences n~/astes ..., op.cit., PP.10-12 ; MANGIN Rene, Rapport d'information n° 3203, op.cit., PP.38-42.

reserve de les assortir le cas eventuel de mecanismes de reexamen periodique242 ;

5- Les sanctions doivent etre efficaces, c'est-A-dire que, comme l'ecrit Monsieur Marc BOSSUYT, g ceux qui les imposent doivent avoir de bonnes raisons de penser que les sanctions seront en mesure de produire le resultat voulu par rapport a la menace contre la paix et la securite internationales *243 ;

6- Enfin, les sanctions doivent etre assorties d'une perspective de sortie clairement definie.

Des discussions houleuses sur la precision du contenu de chacun des critéres continue a avoir lieu au sein des Nations Unies lors des Assemblées244. Toutefois, cela n'empêche pas que les sanctions intelligentes continuent a etre appliquées.

B- L'a pplication des sanctions intelligentes

Les sanctions intelligentes sont appliquées aux responsables des violations des droits de l'homme. Il s'agit le plus souvent des dirigeants politiques et militaires. Plus précisément, les sanctions intelligentes sont appliquées aux individus (1) et aux groupes de resistances (2).

1- L'a pplication des sanctions intelligentes aux individus

Les sanctions intelligentes sont en principe appliquées aux individus. Cette affirmation est contenue dans l'un des six critéres d'identification des sanctions intelligentes suscités. En effet, afin d'éviter toute victime par ricochet des mesures de contrainte, celles-ci doivent etre ciblées c'est-A-dire

242 Voir BENNOUNA Mohammed, g Les sanctions économiques des Nation Unies *, RCADI, 2002, T.300, cite par FORTEAU Mathias, g La levee et la suspension ... *, op.cit., P.68.

243 Voir BOSSUYT Marc, Les consequences n~/astes ..., op.cit., P.11.

244 Voir FORTEAU Mathias, g La levee et la suspension ... *, op.cit., PP.67-68.

appliquées aux individus responsables des violations des droits de l'homme. Ces individus sont en général les élites politiques245 et militaires246 ; mais aussi les dirigeants des groupes armés siégeant dans le pays et responsables des violations massives des droits de l'homme. De nombreux cas d'application des sanctions aux individus sont connus247 aujourd'hui, et font état du caractére ciblé de ces sanctions.

Mais aussi, les membres -adultes en l'occurrence- de leur famille proche font le plus souvent l'objet des sanctions intelligentes248. Les organes politiques internationaux en charge de l'application des sanctions estiment que les responsables a titre individuel des actes de violation des droits de l'homme peuvent faire -et le font me-me- diversion en opérant un transfert de leurs biens financiers vers ceux des membres de leur famille. Cela étant, ils pourraient aisément y puiser des ressources en cas de gel de leurs propres avoirs par le fait des mesures coercitives. Ainsi, les membres de la famille peuvent également, a l'instar des principaux responsables des violations, e-tre identifiés dans les listes nominatives. Cela ne fait aucun doute lorsqu'ils font partie d'un groupe de résistance.

2- L'a pplication des sanctions intelligentes aux grou pes de resistance

Les groupes de résistance renvoient aux groupes armés installés sur une partie du territoire d'un Etat. Ils peuvent e-tre des groupes rebelles ou des groupes terroristes. Toutefois, pour que l'on puisse les qualifier de groupes de résistance, ils doivent impérativement présenter g un degré

245 Chef d'Etat et Ministres notamment.

246 Généraux d'armée notamment.

247 Voir par exemple le cas de l'ancien Président serbe MILOSEVIC, celui de l'ex-Président libérien Charles TAYLOR ou encore le cas du Président actuel du Soudan du Nord, Omar EL-BESHIR.

248 Voir résolution 1127 (1 997) du 28 aout 1 997 sur l'UNITA et résolution 1132 (1 997) du 8 octobre 1 997 sur la junte militaire de la Sierra Leone sus-évoquées.

8

minimum d'organisation D249. Dans tous les cas, il s'agit des entites non etatiques.

Autrefois, le champ d'application personnel des sanctions politiques concernait traditionnellement les Etats. Cependant, depuis un precedent de 1 993, les sanctions peuvent Itre dirigees contre des entites non etatiques. Ainsi, dans la resolution 864 (1 993) du 15 septembre 1 993, le CSNU a impose un embargo sur la livraison de produits petroliers et d'armes a l'Union nationale pour l'independance totale de l'Angola (UNITA). Il a en outre impose le gel de tous les capitaux etrangers de l'UNITA, et interdit tous les contacts officiels avec l'UNITA dans des zones determinees, l'importation des diamants non assujettis au regime de certificat d'origine etabli par le Gouvernement d'unite et de reconciliation nationale, ainsi que la vente a l'UNITA de materiels utilises dans les industries extractives, de vehicules a moteur ou de pieces de rechange250.

Par ailleurs, dans la resolution 1267 (1 999) du 15 octobre 1 999, le CSNU a impose des mesures de contrainte contre la "faction afghane denommee Taliban''. Il a exige que les Taliban remettent sans plus tarder Usama Ben LADEN aux autorites competentes. Cette exigence n'ayant pas ete suivie d'effet, les mesures prevues au paragraphe 4 de la resolution, a savoir l'interdiction de vol pour tous les aeronefs appartenant aux Taliban, ou affretes ou exploites par les Taliban ou pour le compte des Taliban ou contrôles directement ou indirectement par eux, sont entrees en vigueur le 14 novembre 1 999.

Ainsi, les sanctions intelligentes sont appliquees aux individus et aux entites non etatiques. Ceci procéde ineluctablement des critéres de la sanction intelligente. Ces critéres ont vu le jour avec la volonte de rendre inoperantes les consequences tragiques attachees a l'application des

24 9 Voir LA ROSA Anne-Marie et WUERZNER Carolin, * Groupes armes, sanctions et mise en oeuvre du droit international humanitaire *, IRRC, vol. 90, n°870, juin 2008, P.3, version frangaise, in http://www.ikrk.org/fre/assets/files/other/irrc-870-larosa-wuerzner-web-frafinal.pdf

250 Voir resolution 1173 (1 998) du 12 juin 1 998.

sanctions politiques. C'est dire au final que les sanctions politiques, plus précisément les sanctions intelligentes, contribuent au maintien de la paix et de la sécurité internationales. Elles visent le seul responsable du fait illicite tout en respectant les droits de l'homme. Toutes proportions gardées, peuton affirmer que les sanctions intelligentes sont réellement appliquées eu égard aux droits de l'homme ? En d'autres termes, les sanctions intelligentes constituent-elles une panacée pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales ?

PARAGRAPHE 2 : Des limites aux sanctions intelligentes

Les sanctions intelligentes constituent sans conteste un remarquable effort de légitimation des sanctions politiques. L'on ne pourrait pas les dénier toute fin utile. Néanmoins, cet effort de légitimation des sanctions politiques, soit n'est pas encore achevé, soit est, de fagon congénitale, imparfait. En effet, les sanctions intelligentes ont d'importantes limites liées d'une part a la persistance de l'incompatibilité avec les droits de l'homme (A), d'autre part a leur consistance me-me (B).

A- Des limites relatives a la persistance de l'incompatibilite avec les droits de l'homme

En vertu de l'article 2 in limine de la DUDH,

g Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la Déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation (...) D251.

251 Voir annexe 3, p.161.

En d'autres termes, l'homme detient des droits inalienables, intouchables, inviolables en toute situation. Or les sanctions intelligentes ne tiennent pas compte des droits de la première (1) et de la deuxième (2) generation des personnes responsables de violations des droits de l'homme.

1- La persistance de l*incom patibilite avec certains droits civils et politiques

L'incompatibilite se manifeste en l'occurrence par la meconnaissance de certains droits civils et politiques des individus responsables des violations des droits de l'homme. Autrement dit, les sanctions intelligentes sont mises en oeuvre en irrespect de ces droits. Il s'agit d'abord du droit a un procès equitable. En effet, ce droit est prevu a l'article 10 de la DUDH en ces termes :

g Toute personne a droit, en pleine egalite, a ce que sa cause soit entendue equitablement et publiquement par un tribunal independant et impartial, qui decidera, soit de ses droits et obligations, soit du bien-fonde de toute accusation en matière penale dirigee contre elle D252.

Or, l'application des sanctions intelligentes est operee hors du cadre d'un procès equitable. Ces sanctions sont mises en oeuvre en meconnaissance totale de ce droit.

Ensuite, les sanctions intelligentes sont appliquees en irrespect de la presomption d'innocence dont beneficie tout individu accuse de violation des droits de l'homme. Cela dit, l'article 11, paragraphe 1, de la DUDH dispose :

g Toute personne accusee d'un acte delictueux est presumee innocente jusqu'a ce que sa culpabilite ait ete legalement etablie au cours d'un procès

252 Voir annexe 3, p.163.

public ou toutes les garanties nécessaires a sa défense lui auront été assurées *253.

Enfin, les sanctions intelligentes, notamment les interdictions de voyage et restrictions de déplacement, portent atteinte a la liberté d'aller et de venir. Prévue dans la DUDH, cette liberté est garantie par l'article 13, paragraphe 2, en ces termes :

K Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays254 *.

Me-me si cette liberté de circulation peut e-tre l'objet de restrictions dans le but de protéger la sécurité nationale, l'ordre public, la santé ou la moralité publiques, il n'en demeure pas moins que ces restrictions doivent e-tre édictées par le biais d'une procédure légale. Les sanctions intelligentes bafouent cette procédure dans leur application. Elles sont alors incompatibles avec la liberté de circulation, tout comme avec les droits de la deuxiéme génération.

2- La persistance de l'incompatibilite avec les droits economiques, sociaux et culturels

Les sanctions intelligentes sont appliquées sans égard aux droits économiques, sociaux et culturels. En effet, les sanctions tels que le gel des avoirs a l'étranger, le blocus effectué sur les produits alimentaires ou vestimentaires destinés aux personnes cibles des sanctions intelligentes, peuvent plonger celles-ci dans un état de dénuement réel. Cette situation est alors constitutive d'une violation des droits économiques et sociaux de ces personnes.

253 Voir ibid ; l'article 14, paragraphe, 2 du PIDCP reconnait aussi le bénéfice de présomption d'innocence aux individus accusés d'un fait illicite. Il dispose en effet que

K toute personne accusée d'une infraction pénale est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie *.

254 Voir annexe ; l'article 12, paragraphe, 2 du PIDCP dispose : K Toute personne est libre de quitter n'importe quel pays, y compris le sien *.

L'article 22 de la DUDH stipule :

g Toute personne, en tant que membre de la societe, a droit a la securite sociale : elle est fondee a obtenir la satisfaction des droits economiques, sociaux et culturels indispensables a sa dignite et au libre developpement de sa personnalite, grace a l'effort national et a la cooperation internationale, compte tenu de l'organisation et des ressources de chaque

pays D255.

Cette disposition de l'article 22 est completee et renforcee par celle de l'article 25, paragraphe 1, en ces termes :

g Toute personne a droit a un niveau de vie suffisant pour assurer sa sante, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l'alimentation, l'habillement, le logement, les soins medicaux ainsi que pour les services sociaux necessaires ; (...) D256.

Ainsi, les sanctions intelligentes constituent des atteintes portees aux droits economiques et sociaux. Elles ne permettent a tout le moins pas une amelioration des conditions de vie des personnes cibles. L'on pourrait objecter a ces limites de la sanction intelligente leur legérete par rapport a l'objectif bien plus important de maintien de la paix et de la securite internationales. La meconnaissance de quelques droit reconnus aux individus responsables de violations des droits de l'homme est en tout cas preferable aux victimes par ricochet des sanctions politiques globales. Toutefois, même si les sanctions intelligentes constituent une avancee dans le cadre du maintien de la paix et securite internationales, elles ne peuvent recevoir la même appreciation dans le domaine des droits de l'homme. Cette limite des sanctions intelligentes ne peut pas être ignoree, d'autant plus qu'une autre limite est portee sur leur consistance.

255 Voir annexe 3, p.165.

256 Voir ibid. Allant dans le même sens, l'article 11, paragraphe 1, in limine du PIDESC dispose : *Les Etats Parties au present Pacte reconnaissent le droit de toute personne a un niveau de vie suffisant pour elle-même et sa famille, y compris une nourriture, un vêtement et un logement suffisants, ainsi qu'a une amelioration constante de ses conditions d'existence (...) *.

B- Des limites likes a la consistance des sanctions intelligentes

Les sanctions intelligentes sont des mesures coercitives adaptees a leurs destinataires. Toutefois, l'expression "mesures coercitives'' doit être precisee dans ce cas. Elle renvoie a des mesures de pression (1) et ne vise pas l'expulsion des responsables de leurs fonctions (2).

1- Les sanctions intelligentes comme mesures de pression

Tout comme les sanctions politiques globales, les sanctions intelligentes sont des mesures de pression. Elles consistent tout juste a faire cesser les violations des droits de l'homme en exergant autant que faire se peut de pression sur les individus ou entites infra-etatiques responsables de ces violations. Autrement dit, elles sont concues dans le seul but de faire cesser l'illicite.

L'ancien Secretaire general des Nations Unies s'etait dejà attarde sur ce point. Dans son rapport Supplement a l' g Agenda pour la paix N, presente le 3 janvier 1 995, au paragraphe 68, il remarquait :

g Même si l'on reconnait que le Conseil est un organe politique et non judiciaire, il est de la plus haute importance qu'au moment de decider d'instituer des sanctions, cet organe definisse simultanement des critéres objectifs permettant de determiner que leur objectif a ete atteint. Si l'on veut que le recours aux sanctions en tant qu'instrument efficace continue de jouir d'un appui general, il faut veiller a ne pas donner l'impression que les sanctions ont pour objectif de punir plutôt que de modifier un comportement politique, ou que les critéres sont changes pour servir des fins autres que celles qui sont a l'origine de la decision D257.

257 Voir Rapport presente par le Secretaire general a l'occasion du cinquantenaire de l'ONU, A/50/60-S/1 995/1, 3 janvier 1 995, paragraphe 68, cite par FORTEAU Mathias, * La levee et la suspension ... *, op.cit., P.63.

Cette recommandation a été entérinée quelques années plus tard par l'AGNU dans sa résolution 51/242. L'article 5 stipule que :

L Les sanctions ont pour objectif de modifier le comportement d'une partie qui menace la paix et la sécurité internationales et non de punir ou d'infliger un chatiment quelconque. Les régimes de sanctions devraient être a la mesure de ces objectifs *258.

Ces dispositions nous révélent que même de nature politique, les organes de maintien de la paix et de la sécurité internationales sont astreints au respect de certaines regles formelles ; mais surtout que les mesures de contrainte qu'ils adoptent ne visent pas a punir les responsables des violations des droits de l'homme, elles visent seulement a modifier leur comportement politique. Alors, par le fait des sanctions intelligentes, les violations des droits de l'homme sont amenées a cesser, même si les responsables a titre individuel ou collectif de ces violations demeurent en place. Or, le maintien en place des personnes responsables des violations des droits de l'homme est une limite de l'application des sanctions intelligentes, tout comme l'est leur soustraction a la punition.

2- Les sanctions intelligentes et le maintien en place des personnes res ponsables des violations des droits de l'homme

Les sanctions intelligentes, comme sus développé, ne visent que l'arrêt des violations des droits de l'homme. Ce faisant, elles maintiennent en place les personnes responsables des dites violations. Cela se révéle d'autant plus dommageable lorsque ces personnes sont chargées de la gestion25 9 ou de la sécurité260 de l'Etat. En ce moment, l'on ne pourrait pas considérer qu'une réelle paix et une sécurité véritable ont été maintenues.

258 Voir Résolution 51/242 du 15 septembre 1 997, Supplement a l'Agenda pour la paix, op.cit., cité par FORTEAU Mathias, g La levée et la suspension ... *, op.cit., P. 63.

25 9 Chef de l'Etat en l'occurrence.

269 Général de l'armée nationale notamment.

En d'autres termes, dans le cas ou les dirigeants responsables des violations des droits de leur population sont maintenus, et si la paix et la sécurité matérielles sont sauvegardées, les esprits demeurent néanmoins dans un état d'effroi. En effet, une population victime d'actes atroces (génocide, meurtre massif, viol systématique des femmes, constitution d'enfants soldats engagés de force, etc.) se trouve appelée a vivre cote a cote avec leurs bourreaux c'est une situation trés peu imaginable, mais que les sanctions intelligentes tendent a instaurer. Bien entendu, cette situation révéle que la Communauté internationale considére ce gouvernement261 comme légitime et approuve en fin de compte la politique menée dans ce pays.

Par ailleurs, le maintien de ces dirigeants a la fin des violations des droits de l'homme accroit le risque d'une nouvelle menace a la paix et a la sécurité internationales car, rien n'empeche ces dirigeants de se livrer de nouveau a des actes connus de violation des droits de l'homme. C'est dire que les sanctions intelligentes, a l'instar des sanctions politiques globales, sont attentatoires a la paix et a la sécurité internationales.

Ainsi, les sanctions intelligentes connaissent d'importantes restrictions d'une part relatives a leurs répercussions sur les droits de l'homme de leurs destinataires et d'autre part liées a sa consistance meme. Des lors que cessent les violations des droits de l'homme, les noms des destinataires des sanctions intelligentes sont simplement radiés des listes nominatives et ils sont maintenus dans leur fonction. Ce mécanisme révele d'ailleurs les failles du systeme de sécurité collective conduit sous la houlette des organes politiques internationaux.

Les sanctions intelligentes sont des mesures ciblées et adaptées au comportement des personnes ou des entités visées. Elles ont été instituées pour pallier les inconvénients des mesures coercitives globales prises par les organes politiques internationaux ; mais aussi et surtout, elles ont été mises

261 Gouvernement a l'origine des violations des droits de l'homme et ayant été maintenu apres la cessation de ces actes illicites.

en place afin de lier le coupable a son acte illicite. Dés lors, chacun doit payer pour les fautes qu'il a commises et personne, excepté le fautif, ne doit subir les consequences de ces fautes : telle est la philosophie a la base de l'institutionnalisation des sanctions intelligentes.

CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE

Des la fin du second conflit mondial, il est apparu nécessaire de mettre en oeuvre un systeme de sécurité collective assez crédible pour pallier les failles de l'ancien systeme institué par le Pacte de la Société des Nations, et assez prompt pour dissuader tout Etat qui pourrait effectuer des actes susceptibles de constituer une menace a la paix, une rupture de la paix ou acte d'agression.

Des lors, des mesures coercitives ont été prévues dans le but du maintien de la paix et de la sécurité internationales. Elles sont adoptées par les organisations internationales262, suppléées le cas échéant par les Etats. Ainsi, elles peuvent etre dirigées, contre les Etats responsables de violation des droits de l'homme, étant entendu que les violations -graves- des droits de l'homme constituent des menaces a la paix et a la sécurité internationales.

Or, comme l'affirmait le Professeur Hans KELSEN,

« Dans les droits primitifs, la sanction frappait aussi d'autres personnes, par exemple celles qui étaient unies a l'auteur de l'acte illicite par la parenté ou par un autre lien social. (La vengeance des dieux, par exemple, frappe le peuple pour le délit du prince). Les droits primitifs prévoyaient une responsabilité collective *263.

Autrement dit, les sanctions politiques sont des mesures a double tranchant car elles frappent le peuple innocent et par ailleurs victime des violations des droits de l'homme. Comme dans les communautés primitives, les sanctions politiques engagent une responsabilité collective et non individuelle264.

262 ONU et organismes régionaux.

263 Voir KELSEN Hans, g Théorie générale du droit international public ...*, op.cit., P.126.

264 Voir KELSEN Hans, g Théorie générale du droit international public ...* op.cit., P.130.

Pourtant, comme l'a souligné le Professeur Louis CAVARE, « la loi doit frapper, non en aveugle, mais avec perspicacité et psychologie *265. C'est dire que la sanction internationale doit s'adapter aux coupables et la responsabilité individuelle se substituer a la responsabilité collective266. Meme si un effort a été fait dans ce sens avec l'institutionnalisation des sanctions intelligentes, il n'a cependant pas été satisfaisant.

Au final, pour que l'effort soit satisfaisant, il s'avere indispensable de concevoir une sanction « juste et efficace *, selon les termes du Professeur Louis CAVARE. Et, ajoute-t-il, « pour qu'une sanction soit juste et efficace, elle doit se modeler nécessairement avec l'infraction commise *267. C'est autrement dire qu'afin que la paix et la sécurité internationales soient in fine garanties, il est nécessaire que le responsable des violations des droits de l'homme subisse a titre individuel le chAtiment prévu et appliqué selon une procédure préalablement établie. D'oU la problématique de la protection pénale de la paix et de la sécurité internationales. Comme le conclut fort bien le Professeur Hans KELSEN :

L Une cour de justice internationale est encore plus importante qu'une force armée internationale, constitue un progres de technique juridique supérieur a celui que réaliserait cette derniere institution *268.

En d'autres termes, les sanctions juridictionnelles sont des mesures appropriées au maintien de la paix et de sécurité internationales en cas de violation des droits de l'homme.

265 Voir CAVARE Louis, g Les sanctions dans le cadre de l'O.N.U. *, op.cit., P.244.

266 Voir KELSEN Hans, g Théorie générale du droit international public ...*, op.cit., P.131.

267 Voir CAVARE Louis, g Les sanctions dans le cadre de l'O.N.U. *, op.cit., P.1 96.

268 Voir KELSEN Hans, g Théorie générale du droit international public ... *, op.cit., P.130.

 
 

SECONDE PARTIE : LES
SANCTIONS
JURIDICTIONNELLES,
MESURES « APPROPRIEES »

INTRODUCTION DE LA SECONDE PARTIE

Les sanctions juridictionnelles renvoient a des mesures coercitives mises en oeuvre par des juridictions civiles ou pénales. Les juridictions civiles internationales sont constituées de la Cour Internationale de Justice et des juridictions civiles régionales26 9. Si l'article 34, paragraphe 1, du Statut de la Cour Internationale de Justice dispose que g Seuls les Etats ont qualité pour se présenter devant la Cour D270, l'article premier quant a lui stipule que la CIJ est un organe judiciaire en charge du reglement judiciaire des conflits internationaux, lequel n'est qu'un succédané au reglement direct et amiable de ces conflits entre les parties271. De même, si les juridictions civiles régionales peuvent adopter des sanctions a l'encontre des individus, il en demeure qu'il ne s'agit que des mesures coercitives a caractere privé n'ayant aucun rapport a la paix et a la sécurité internationales.

Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, des dispositions ont été prises pour que les responsables des violations des droits de l'homme soient individuellement punis et que la paix soit per se sauvegardée. A la suite des jugements des g grands criminels de guerre D a Nuremberg et a Tokyo272, des Principes ont été établis en vue de la protection de la paix et de la sécurité internationales par le droit pénal international. Ceux-ci ont été formulés par la CDI en 1 950, sur la demande de l'Assemblée générale273. Grosso modo, ces principes visent la sanction des individus rendus coupables de violations des droits de l'homme, quelque soit leur statut. Désormais, g ces personnes ne

26 9 La Cour Africaine de justice et des droits de l'homme, la Cour européenne des droits de l'homme, la Cour interaméricaine des droits de l'homme, notamment.

270 Voir Arrêt Nottebohm, Rec. C.I.J, 6 avril 1 955, paragraphe 21.

271 Voir Zones franches, ord. C.P.J.I, 1 9 aout 1 92 9, Série A n°22, paragraphe 13 ; Arrêt Incident aérien du 10 aoit 1999, Rec.C.I.J, 21 juin 2000, paragraphe 52. De même, la CIJ est priée de se prononcer sur certains aspects juridiques d'une question qui a été aussi examinée par le CSNU, ce qui est parfaitement conforme a sa situation d'organe judiciaire principal des Nations Unies ; Voir Arrêt Activités militaires au Nicaragua, Rec. C.I.J, 26 novembre 1 984, P.436.

272 Le proces de Nuremberg s'est tenu du 14 novembre 1 945 au 1er octobre 1 946 et le proces de Tokyo de mai 1 946 a novembre 1 948 ; voir Proces des grands criminels de guerre devant le Tribunal militaire international, vol.1, Nuremberg, 1 947, P.234.

273 Voir Rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa dixieme session, Doc. A/26 93, PP. 9 et suivantes ; voir résolution 95 (I) de l'AGNU, 11 décembre 1 946.

peuvent plus se dissimuler derriere le bouclier trop commode d'une personne morale sans visage, dépourvue de sentiment et donc insensibles a la douleur des victimes comme aux sanctions qui peuvent etre infligées D274.

Selon le Professeur Louis CAVARE,

g Un proces pénal devrait etre la suite logique de l'opération de police collective prévue par le chapitre VII -pour adapter la Sanction aux vrais coupables. C'est l'auteur de l'infraction, du crime contre la Paix, l'agresseur qui doit etre individuellement chatié D275.

C'est dire que la sanction pénale internationale constitue in fine la mesure la plus appropriée au maintien de la paix et de la sécurité internationales. Sa mise en oeuvre (chapitre 1) ainsi que les conséquences qui lui sont attachées (cha pitre 2) le démontre aisément.

274 Voir KAMTO Maurice, L'agression en droit international, op.cit., P. 9.

275 Voir CAVARE Louis, * Les Sanctions dans le cadre de l'O.N.U. D, op.cit., P.283.

CHAPITRE III : LA MISE EN OEUVRE DE LA SANCTION PENALE INTERNATIONALE

Le Tribunal militaire international de Tokyo faisait le constat ci-apres, qui releve autant de l'évidence factuelle que du bon sens :

«Ce sont des hommes, et non des entités abstraites, qui commettent les crimes dont la répression s'impose, comme sanction du droit international D276.

Autrement dit, le champ d'application ratione personae de la sanction pénale internationale s'étend uniquement aux individus, seuls responsables des violations des droits de l'homme. De plus, la mise en oeuvre de la sanction pénale internationale ne génere pas de victimes par ricochet. Toutefois, pour mieux appréhender ces éléments, il convient d'étudier les conditions de forme (section 1) ainsi que les conditions de fond (section 2) relatives a l'application de la sanction pénale internationale.

SECTION 1 : LES CONDITIONS DE FORME A LA MISE EN OEUVRE DE LA SANCTION PENALE INTERNATIONALE

L'application de la sanction pénale internationale obéit a des regles de forme déterminées par le droit international. Celles-ci sont relatives d'une part au statut des individus ( paragra phe 1) et d'autre part aux principes généraux du droit pénal international ( paragra phe 2).

PARAGRAPHE 1 : Les conditions de forme relatives au statut des individus

Les individus sont devenus des sujets immédiats de l'ordre juridique international bien avant la seconde guerre mondiale277. En ce moment, des sanctions ont été mises en place afin de réprimer les individus responsables d'actes illicites278. Mais, c'est a la suite du second conflit mondial que le champ de validité personnel de la sanction pénale internationale s'est considérablement étendu en incluant tant les autorités étatiques que les autorités non étatiques. En d'autres termes, les conditions de forme a l'application de la sanction pénale internationale concernent les autorités étatiques (A) ainsi que les autorités non étatiques (B).

A- Les conditions de forme likes a la sanction des autorites etatiques

L'interrogation a la base du développement suivant est celle de savoir si les agents étatiques peuvent etre l'objet d'une sanction pénale internationale, étant donné que le droit international consacre le principe de

277 Voir KELSEN Hans, a Théorie générale du droit international public ... *, op.cit., PP.145- 148 ; GUGGENHEIM Paul, a Principes de droit international public *, op.cit., PP.46-4 9.

278 Voir les différentes lois sur la piraterie qui autorisent les navires battant pavillon de n'importe quel Etat a poursuivre et punir en mer toute personne qui se rend coupable d'actes de piraterie.

l'immunite juridictionnelle (1). Toutefois, depuis le proces de Nuremberg et de Tokyo, cette immunite peut etre levee (2).

1- La consecration du princi pe de l'immunite juridictionnelle des agents etatiques

Un ''mythe''27 9 a ete entretenu pendant des siecles, selon lequel le chef de l'Etat ou le gouvernant ne sont pas responsables s'ils ont agi en leur qualite officielle : ''le roi ne peut mal faire''280. En effet, un chef de l'Etat ou tout autre agent en charge de la politique etrangere de l'Etat sont couverts et proteges par l'immunite de juridiction. Autrement dit, ils ne peuvent faire l'objet d'aucune condamnation devant une juridiction interne ou internationale. Le droit international reconnait bien ce principe qui couvre a la fois la personne, les actes et les biens de l'agent.

Selon l'article 2 9 de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques,

« La personne de l'agent diplomatique est inviolable. Il ne peut etre soumis a aucune forme d'arrestation ou de detention. L'Etat accreditaire le traite avec le respect qui lui est du, et prend toutes mesures appropriees pour empecher toute atteinte a sa personne, sa liberte et sa dignite D281.

Dans le meme ordre d'idees, l'article 31, paragraphe 1, in limine precise que « l'agent diplomatique jouit de l'immunite de juridiction penale (...) D282. En d'autres termes, la sanction penale internationale ne peut viser les agents etatiques.

Cette protection internationale des autorites etatiques consacree tant par le droit international coutumier que par le droit international

27 9 Voir ZOUREK Jaroslav, L'interdiction de l'emploi de la force en droit international, op.cit., P.83.

280 En anglais, ''The King Can do no wrong'', principe enonce par Blackstone.

281 Voir Convention de Vienne sur les relations diplomatiques, du 18 avril 1 961, entree en vigueur le 24 avril 1 964, Rec.TNU, vol.500, P. 95 et suivantes.

282 Voir ibid.

conventionnel ne couvre pas seulement la personne de l'agent. Elle s'étend a ses actes ainsi qu'à ses biens283. C'est dans cette perspective qu'un individu qui ne jouit pas personnellement de l'immunité de juridiction pénale peut bénéficier de celle-ci lorsqu'il accomplit des actes relatifs a la qualité d'agents de l'Etat284.

Ainsi, la sanction pénale internationale ne peut frapper les autorités étatiques, ces derniers bénéficiant de l'immunité de juridiction pénale. Mais, ce principe a été remis en cause a la suite de la seconde guerre mondiale, et l'on parle désormais d'un g dépassement du débat relatif aux immunités des agents étatiques D285.

2- La levee de l'immunite juridictionnelle des agents etatiques

L'un des principes énoncés par la CDI en 1 950 a été celui de la fin de la protection internationale des agents étatiques en cas de violation des droits de l'homme. En effet, dans la lignée des jugements de Nuremberg et de Tokyo, ce principe qui est d'une portée considérable « a rendu possible toute disculpation motivée par la position officielle des accusés D286. Les statuts des deux tribunaux ont proclamé que le fait qu'un individu ait agi en sa qualité de chef d'Etat ou de fonctionnaire, ne le dégage pas de ses responsabilités internationales. Bien plus, les deux statuts ont formellement précisé que la position officielle des accusés ne saurait constituer un motif de réduction de la peine287. Cette disposition a été expliquée d'une fagon tres pertinente dans le jugement :

283 Voir articles 24 et 25 de la Convention de Vienne, op.cit.

284 Voir article 17, paragraphe 2, de la Convention de Vienne sur les relations consulaires du 24 avril 1 963, entrée en vigueur le 1 9 mars 1 967, Rec.TNU, vol.5 96, P.261 et suivantes.

285 Voir MATSON Rafaëlle, La responsabilité individuelle pour crime d'Etat en droit international public, op.cit., P.286.

286 Voir ZOUREK Jaroslav, L'interdiction de l'emploi ..., op.cit., P.83.

287 Voir article 6 du Statut du Tribunal militaire international de Tokyo (19 janvier 1946) et article 7 de l'Accord de Londres portant sur le Statut du Tribunal de Nuremberg (8 aout 1945) qui dispose : * La situation officielle des accusés, soit comme chef d'Etat, soit comme hauts fonctionnaires, ne sera considérée ni comme une excuse absolutoire, ni comme un motif de diminution de la peine *.

g Le principe du droit international qui, dans certaines circonstances, protege les representants d'un Etat, ne peut pas s'appliquer aux actes condamnes comme criminels par le droit international. Les auteurs de ces actes ne peuvent invoquer leur qualite officielle pour se soustraire a la procedure normale ou se mettre a l'abri du chatiment D288.

C'est dire que l'immunite absolue de juridiction de l'agent etatique est devenue relative. Seule la nature de l'acte commis par l'agent determine sa protection par l'immunite juridictionnelle. Cette evolution louable est reiteree et confirmee par le Statut de Rome de la Cour penale internationale28 9. En effet, l'article 27 du Statut de la CPI traite du g Defaut de pertinence de la qualite officielle D. Son paragraphe 1 dispose :

g Le present Statut s'applique a tous de maniere egale, sans aucune distinction fondee sur la qualite officielle. En particulier, la qualite officielle de chef d'Etat ou de gouvernement, de membre d'un gouvernement ou d'un parlement, de representant elu ou d'agent d'un Etat, n'exonere en aucun cas de la responsabilite penale au regard du present Statut, pas plus qu'elle ne constitue en tant que telle un motif de reduction de la peine D.

Et au paragraphe 2 de completer :

g Les immunites ou regles de procedure speciales qui peuvent s'attacher a la qualite officielle d'une personne, en vertu du droit interne ou du droit international, n'empechent pas la Cour d'exercer sa competence a l'egard de cette personne D.

Autrement dit, la qualite officielle d'une personne ne constitue pas un obstacle a la mise en oeuvre de la sanction penale internationale. Mieux encore, la levee de l'immunite de juridiction penale est une condition de forme a l'application de la sanction penale internationale. Cette condition

288 Voir Proces des grands criminels de guerre devant le Tribunal militaire international, op.cit., P.234.

28 9 Voir Doc. Distribue sous la cote A/CONF.183/ 9, en date du 17 juillet 1 998, et amende par les procés verbaux en date des 10 novembre 1 998, 12 juillet 1 999, 30 novembre 1 999, 8 mai 2000, 17 janvier 2001 et 16 janvier 2002. Le Statut est entre en vigueur le 1er juillet 2002.

n'est pas indispensable a l'application de la sanction aux autorites non etatiques.

B- Les conditions de forme relatives a la sanction des autorites non etatiques

La sanction penale internationale peut aussi frapper les autorites non etatiques. Dans cette mesure, les conditions de forme liees a l'application de la sanction sont toutes aussi importantes. Celles-ci tiennent a l'appartenance a une organisation criminelle (1) et au statut d'executant (2).

1- La sanction des individus a ppartenant a une organisation criminelle

Tl est bien etabli aujourd'hui que l'appartenance a une organisation criminelle constitue un delit2 90. En effet, la participation aux activites menees par une organisation criminelle est un fait generateur de la responsabilite penale du participant. Bien entendu, il doit s'agir d'une g organisation criminelle D. La notion d'organisation, d'une part, renvoie a un groupe presentant un certain niveau de coherence et de hierarchie2 91. La notion d'organisation fait aussi reference a celle de planification c'est-A-dire A des actes premedites. Autrement dit, la notion d'organisation inclut un element organique (groupe) et un element materiel (actes).

D'autre part, le caractere criminel de l'organisation renvoie aux moyens mis en ceuvre afin d'atteindre un but determine. Si me-me ce but peut etre legitime, les methodes pour y arriver sont constituees de violations massives des droits de l'homme.

2 90 Voir MATSON Rafaëlle, La responsabilité individuelle ..., op.cit., PP.301-312.

2 91 Voir LA ROSA Anne-Marie et WUERZNER Carolin, * Groupes armes, sanctions et mise en ceuvre du droit international humanitaire *, op.cit., PP.2-3.

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Ainsi, une organisation criminelle est un groupe qui opere par des moyens criminels pour atteindre un but2 92. Cela dit, le lien organique, mieux encore le lien de connexite entre l'activite individuelle et l'activite de l'organisation, justifie l'application de la sanction penale internationale a un individu appartenant a une organisation criminelle. C'est dans ce sens que l'article 25 du Statut de la CPI dispose a son paragraphe 3d :

g Aux termes du present Statut, une personne est pénalement responsable et peut etre punie pour un crime relevant de la competence de la Cour si :

(...)

d) Elle contribue de toute autre maniere a la commission ou a la tentative de commission d'un tel crime par un groupe de personnes agissant de concert. Cette contribution doit etre intentionnelle et, selon le cas :

i) Viser a faciliter l'activite criminelle ou le dessein criminel du groupe, si cette activite ou ce dessein comporte l'execution d'un crime relevant de competence de la Cour ; ou

ii) Etre faite en pleine connaissance de l'intention du groupe de commettre ce crime ;

(...) N.

En fin de compte, nous pouvons dire a la suite du Professeur Rafaëlle MAISON que le lien organique est la condition de la competence des juridictions pénales internationales2 93. L'individu est alors sanctionné du fait de ce lien, ou me-me, du fait de l'ordre supérieur.

2 92 C'est le cas en l'occurrence du terrorisme international qui procéde par des meurtres massifs pour défendre leur cause.

2 93 Voir MATSON Rafaëlle, La responsabilité individuelle ..., op.cit., P.312.

2- La sanction des individus en position d'exécutants

Il s'agit de l'un des plus importants acquis des procés de Nuremberg et de Tokyo : l'ordre du superieur hierarchique ne peut plus Itre invoque comme moyen de defense2 94. Toutefois, l'ordre superieur pouvait Itre regarde comme un motif de diminution de la peine si le tribunal decidait que la justice l'exige2 95. Le Tribunal de Nuremberg a introduit comme critére de la culpabilite la notion du g choix moral D. Il a declare dans son jugement ce qui suit :

g Le vrai criterium de la responsabilite penale, celui que l'on trouve sous une forme ou sous une autre dans le droit criminel de la plupart des pays, n'est nullement en rapport avec l'ordre recu. Il reside dans la liberte morale, dans la faculte de choisir, de l'auteur de l'acte reproche D2 96.

En d'autres termes, l'ordre superieur ne constitue point une excuse absolutoire. La faculte de choisir et la liberte morale sont les seuls criteres determinants pour la mise en oeuvre de la sanction penale internationale. Ceci represente une grande avancee dans l'application de la sanction penale internationale. Comme l'ecrit le Professeur Jaroslav ZOUREK, g cette liberte que possede l'individu de refuser sa participation individuelle a un crime international est l'une des plus grandes conquetes de l'esprit humain D2 97.

Ainsi, les individus ayant agi sous le statut d'executants sont consideres comme des "complices''2 98 des violations des droits de l'homme et sont punis en tant que tels. Mais, l'article 33 du statut de la CPI a apporte davantage de clarifications en ce qui concerne l'ordre hierarchique et l'ordre de la loi. Elle dispose dés lors que :

2 94 Voir article 8 du Statut de Nuremberg et article 6 du Statut de Tokyo. Le Tribunal de Nuremberg declare : * Les dispositions de cet article (article8) sont conformes au droit commun des Etats. L'ordre recu par un soldat de tuer ou de torturer en violation du droit international de la guerre n'a jamais ete regarde comme justifiant cet acte de violence D, Proces des grands criminels de guerre devant le Tribunal militaire international, op.cit., PP.235 et 236.

2 95 Voir article 8 in fine du Statut de Nuremberg et article 6 in fine du Statut de Tokyo.

2 96 Voir Proces des grands criminels de guerre devant le Tribunal militaire international, op.cit., PP. 235-236.

2 97 Voir ZOUREK Jaroslav, L'interdiction de l'emploi ..., op.cit., P.87.

2 98 Voir MATSON Rafaëlle, La responsabilité individuelle ..., op.cit., P.354.

g 1. Le fait qu'un crime relevant de la competence de Cour a ete commis sur ordre d'un gouvernement ou d'un superieur, militaire ou civil, n'exonere pas la personne qui l'a commis de sa responsabilite penale, a moins que :

a) Cette personne n'ait eu l'obligation legale d'obeir aux ordres du gouvernement ou du superieur en question ;

b) Cette personne n'ait pas su que l'ordre etait illegal ; et

c) L'ordre n'ait pas ete manifestement illegal.

2. Aux fins du present article, l'ordre de commettre un genocide ou un crime contre l'humanite est manifestement illegal D.

C'est autrement dit que la notion du "choix moral'' a cede place a celle d' "ordre legal''. Cette mutation a pour principale consequence de placer l'executant a l'abri de la sanction car l'ordre superieur est a nouveau considere comme une excuse absolutoire. Cela procede de l'idee selon laquelle l'individu en position d'executant n'a en realite pas une liberte de choix. Malgre cela, il n'en demeure pas moins que sa responsabilite demeure intacte pour l'accomplissement de certains actes de violation des droits de l'homme, ceux commis en obeissance a un ordre g manifestement illegal D299.

En bref, comme le souligne le Professeur Emmanuel DECAUX, g en ecartant l'immunite du chef d'Etat et l'exoneration de l'obeissance due, le droit penal a brise un cercle vicieux. Chacun est desormais pleinement responsable, en conscience comme en droit, et doit assumer ses actes D300. Bien entendu, c'est en respect des principes generaux du droit penal international que les sanctions seront mises en oeuvre.

299 Voir article 33, paragraphe 2, du Statut de la CPI.

399 Voir DECAUX Emmanuel, * La definition de la sanction traditionnelle : sa portee, ses caracteristiques *, op.cit., P.6.

PARAGRAPHE 2 : Les conditions de forme lives au respect des princi pes generaux du droit penal

Devant la juridiction pénale, il faut d'abord qualifier les faits, ensuite déterminer l'auteur, et enfin établir le lien de causalité entre l'auteur et l'acte répréhensible. En d'autres termes, la violation des droits de l'homme doit Itre imputée a un individu pour que ce dernier soit sanctionné. Mais, comme sus développé, il peut avoir participé directement ou indirectement (ordre supérieur et appartenance a une organisation criminelle) a la commission de l'acte. Dans tous les cas, l'imputabilité ne peut se faire qu'en respect des principes généraux du droit pénal. Il s'agit des principes généraux ratione personae (A) et des principes généraux ratione matéria (B).

A- Le respect des princi pes generaux ratione personae

Le respect des principes généraux de droit pénal en rapport a l'individu est l'une des conditions de forme indispensables a l'application de la sanction pénale internationale. Deux principes vont Itre développés : le principe de la non-rétroactivité ratione personae (1) et le principe Non bis in idem (2).

1- Le respect de la non-retroactivite ratione personae

La Non-rétroactivité ratione personae est un principe fort du droit pénal international. Il signifie qu'un individu ne peut pas etre sanctionné a cause des faits commis antérieurement a l'existence d'une loi301. Ce principe est énoncé a l'article 11, paragraphe 2, in limine de la DUDH :

L Nul ne sera condamné pour des actions ou omissions qui, au moment ou elles ont été commises, ne constituaient pas un acte délictueux

301 Voir SCALIA Damien, * Quelques réflexions sur les critères inhérents a la mise en place de normes-sanctions et la répression des crimes de guerre *, IRRC, version traduite, vol. 90, n°870, P.10, in www.cicr.org/fre/assets/files/other/irrc-870-scalia-web-fra-final.pdf

d'apres le droit national ou international (...) *302. Cette disposition est reprise a l'article 24 du Statut de la CPI. Son paragraphe 1 pose en effet :

g Nul n'est penalement responsable, en vertu du present Statut, pour un comportement anterieur a l'entree en vigueur du Statut *.

En outre, le principe de non-retroactivite ratione personae pose s'accompagne d'un amenagement, la retroactivite in mitius : g Elle s'enonce comme la possible application retroactive d'une loi, pour autant que cette loi soit plus douce que celle applicable au moment des faits *303. C'est ainsi que l'article 24, paragraphe 2, du Statut de la CPI dispose :

« Si le droit applicable a une affaire est modifie avant le jugement definitif, c'est le droit le plus favorable a la personne faisant l'objet d'une enquete, de poursuites ou d'une condamnation qui s'applique *304.

Le respect du principe de non-retroactivite ratione personae ainsi que son amenagement, la lex mitior (la loi la plus douce) sont necessaires a la mise en oeuvre de la sanction penale internationale. Le principe Non bis in idem n'echappe pas a cette necessite.

2- Le respect du princi pe Non bis in idem

Le principe Non bis in idem pose qu'une personne ne peut faire l'objet de plus d'une sanction pour le meme acte illicite qu'il a commis. En effet, ce principe represente une garantie liee au proces penal international. Il est prevu a l'article 20 du statut de la CPI. En vertu de cet article :

g 1. Sauf disposition contraire du present Statut, nul ne peut Itre juge par la Cour pour des actes constitutifs de crimes pour lesquels il a dejà ete condamne ou acquitte par elle.

302 Voir annexe 3 P.163.

303 Voir SCALIA Damien, g Quelques reflexions ... *, op.cit., P.11.

304 Voir aussi l'article 11, paragraphe 2, in fine de la DUDH : g (...) De même, il ne sera inflige aucune peine plus forte que celle qui etait applicable au moment oil l'acte delictueux a ete commis *, annexe 3, p.163.

2. Nul ne peut etre jugé par une autre juridiction pour un crime visé a l'article 5 pour lequel il a déjà été condamné ou acquitté par la Cour.

3. Quiconque a été jugé par une autre juridiction pour un comportement tombant aussi sous le coup des articles 6, 7 ou 8 ne peut etre jugé par la Cour que si la procédure devant l'autre juridiction :

a) Avait pour but de soustraire la personne concernée a sa responsabilité pénale pour des crimes relevant de la compétence de la Cour ; ou

b) N'a pas été au demeurant menée de maniere indépendante ou impartiale, dans le respect des garanties d'un proces équitable prévues par le droit international, mais d'une maniere qui, dans les circonstances, était incompatible avec l'intention de traduire l'intéressé en justice D.

En d'autres termes, le principe Non bis in idem permet l'universalité du procés pénal international305. Il permet in fine que la justice soit rétablie. Un individu ayant été condamné ne peut encore l'Itre que pour les actes répréhensibles qui n'ont pas été exposés lors du procés, ou qui ont été commis aprés sa précédente condamnation. C'est dire que ce principe ne s'étend pas aux actes illicites occultés. Cela reléve du respect des principes généraux ratione personae. Il est nécessairement complété, pendant le procés pénal, du respect des principes généraux ratione matéria.

B- Le respect des princi pes generaux ratione materia

Contrairement aux principes généraux ratione personae, les principes généraux ratione matéria tiennent compte de l'acte illicite -et non de la personne. Ils correspondent au principe de légalité (1) et a celui de l'imprescriptibilité (2).

305 Voir KAMTO Maurice, L'agression en droit international, op.cit., P.350.

1- Le respect du princi pe de legalite

Le principe de legalite est defini par l'article 11, paragraphe 2, de la DUDH306. Il signifie que le legislateur doit precisement definir et incriminer un acte social qui devient par la-meme reprehensible et preciser les peines qui l'accompagnent. Comme l'ecrit Damien SCALIA, le principe de legalite « suppose que 1) l'individu est l'auteur d'un fait qui est defini objectivement (une omission peut aussi etre incriminee) et que 2) ce fait est incrimine par la loi *307.

Le principe de legalite se traduit dans les instruments juridiques par la double maxime "Nullum crimen sine lege'' et "Nulla poena sine lege''308. L'application de ce principe « permet d'eviter l'arbitraire et laisse aux citoyens le soin de regler leur comportement social *30 9. Ce principe est, selon les termes du Professeur Jean PRADEL, la « regle cardinale, cle de voute du droit criminel *310.

Le statut de la CPI prevoit le principe de legalite des delits et des peines. D'une part, l'article 22 enonce le principe Nullum crimen sine lege311. Il dispose alors :

L 1. Une personne n'est responsable en vertu du present Statut que si son comportement constitue, au moment ou il se produit, un crime relevant d'une competence de la Cour.

2. la definition d'un crime est d'interpretation stricte et ne peut etre etendue par analogie. En cas d'ambiguïte, elle est interpretee en faveur de la personne qui fait l'objet d'une enquête, de poursuites ou d'une condamnation.

306 Voir annexe 3, p.163.

307 Voir SCALIA Damien, g Quelques reflexions ...*, op.cit., P.2.

308 Voir KAMTO Maurice, L'agression en droit international, op.cit., PP.346-347.

30 9 Voir SCALIA Damien, g Quelques reflexions ... *, op.cit., P.2.

310 Voir PRADEL Jean, Droit pénal, op.cit., P.161.

311 Litteralement g pas de crime sans loi *.

3. Le present article n'empêche pas qu'un comportement soit qualifie de crime au regard du droit international, independamment du present Statut D.

D'autre part, le principe Nulla poena sine lege312 est prevu a l'article 23 du statut de la CPI en ces termes :

«Une personne qui a ete condamnee par la Cour ne peut etre punie que conformement aux dispositions du present Statut D.

Ainsi, le principe de legalite des delits et des peines permet d'un cote qu'il soit expressement prevu et de l'autre que le juge lui soit subordonne313. Mais, surtout, ce principe permet que le contenu des crimes soit clairement identifie ainsi que celui des peines qui l'accompagnent. C'est a cette condition que peuvent Itre separes les crimes prescriptibles des crimes imprescriptibles.

2- Le respect du princi pe de l'im prescri ptibilité des crimes

Si les crimes de droit commun sont prescriptibles, il est des violations des droits de l'homme qui ne peuvent s'eteindre par le seul fait de l'ecoulement du temps314. L'article 2 9 du statut de Rome dispose :

g Les crimes relevant de la competence de la Cour ne se prescrivent pas D. Il s'agit precisement des crimes contre l'humanite, du crime de genocide et des crimes de guerre.

Dans sa resolution du 26 novembre 1 968, l'AGNU adoptait la Convention sur l'imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité315. L'article premier de la Convention dispose :

312 Litteralement * pas de peine sans loi *.

313 Voir PRADEL Jean, Droit pénal, op.cit., PP.164-174.

314 Voir KAMTO Maurice, L'agression en droit international, op.cit., PP.353-354.

315 Voir Convention sur l'imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre
l'humanité, adoptee et ouverte a la signature, a la ratification et a l'adhesion par l'AGNU

L Les crimes suivants sont imprescriptibles, quelle que soit la date a laquelle ils ont ete commis :

a) Les crimes de guerre, tels qu'ils sont definis dans le Statut du Tribunal militaire international de Nuremberg du 8 aout 1 945 et confirmes par la resolution 3 (I) et 95 (I) de l'Assemblee generale de l'Organisation des Nations Unies, en date des 13 fevrier 1 946 et 11 decembre 1 946, notamment les "infractions graves'' enumerees dans les Conventions de Geneve du 12 aout 1 94 9 pour la protection des victimes de guerre ;

b) Les crimes de l'humanite, qu'ils soient commis en temps de guerre ou en temps de paix, tels qu'ils sont definis dans le Statut du Tribunal militaire international de Nuremberg du 8 aout 1 946 et confirmes par les resolutions 3 (I) et 95 (I) de l'Assemblee generale de l'Organisation des Nations Unies, en date des 13 fevrier 1 946 et 11 decembre 1 946, l'eviction par une attaque armee ou l'occupation et les actes inhumains decoulant de la politique d'apartheid, ainsi que le crime de genocide, tel qu'il est defini dans la Convention de 1 948 pour la prevention et la repression du crime de genocide, meme si ces actes ne constituent pas une violation du droit interne du pays ou ils ont ete commis N.

Ainsi, les conditions de forme a l'application de la sanction penale internationale relévent autant du respect des principes generaux du droit penal international que du statut des individus responsables des violations des droits de l'homme. Ceci dit, la qualite officielle ou non officielle d'un individu ne le disculpe pas de sa responsabilite penale. Par ailleurs, la sanction est mise en oeuvre en respect d'un procés equitable ou toutes les garanties lui sont accordees devant la juridiction competente. Cette derniére doit d'abord pouvoir determiner le ou les actes incrimines. C'est dire que

tout comme celles liees a la forme, les conditions de fond sont necessaires a la mise en oeuvre de la sanction penale internationale.

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SECTION 2 : LES CONDITIONS DE FOND A L'APPLICATION DE LA SANCTION PENALE INTERNATIONALE

La mise en ceuvre de la sanction penale internationale obeit imperativement a des conditions de fond. Elles sont relatives a l'acte international incrimine ( paragra phe 1) et aux organes d'application de la sanction penale internationale ( paragra phe 2).

PARAGRAPHE 1 : Les conditions de fond tenant a l'acte incriminé

L'acte incrimine renvoie, dans le cadre de cette etude, aux violations des droits de l'homme. Elles presentent, bien entendu, un certain seuil de gravite. Autrement dit, les violations des droits de l'homme constituent une des conditions de fond a la mise en ceuvre de la sanction penale internationale. Elles sont qualifiees soit de crimes contre l'humanite (A), soit du crime de genocide (B), soit encore de crimes de guerre (C).

A- Les crimes contre l'humanité

Apres les atrocites du second conflit mondial, la mise en place des Tribunaux de Nuremberg et de Tokyo procedait du souci de preserver l'humanite contre des menaces attentoires a sa dignite. C'est dans cette mesure qu'une nouvelle categorie de crimes internationaux a vu le jour. Il s'agit des crimes contre l'humanite, ou, plus exactement, a les crimes contre le genre humain N316. Ils ont ete separes des crimes de guerre317 et renvoient aux crimes qui peuvent etre commis par les gouvernements meme contre leurs propres ressortissants.

L'article 6c du Statut du Tribunal de Nuremberg definit les crimes contre l'humanite comme :

316 Voir ZOUREK Jaroslav, L'interdiction de l'emploi ..., op.cit., P.82.

317 Voir pour une approche differente de l'evolution des crimes contre l'humanite FOPY Sylvain C., Le droit d'interuention de l'Union Africaine, op.cit., P.1 9.

L(...) l'assassinat, l'extermination, la reduction en esclavage, la deportation et tout autre acte inhumain commis contre toutes les populations civiles, avant ou pendant la guerre, ou bien les persecutions pour des motifs politiques, raciaux ou religieux, lorsque ces actes ou persecutions, qu'ils aient constitue ou non une violation du droit interne du pays ou ils ont ete perpetres, ont ete commis a la suite de tout crime entrant dans la competence du Tribunal, ou en liaison avec ce crime N318.

Cette definition a ete reiteree dans les principes de Nuremberg. Des lors, le champ d'application materiel des crimes contre l'humanite s'avere vaste, mais imprecis31 9. Son champ d'application temporel englobe la periode de guerre et celle de paix320. Il a fallu attendre l'adoption du Statut de Rome pour que le champ d'application materiel des crimes contre l'humanite soit mieux precise321. Ainsi, l'article 7, paragraphe 1, du statut dispose :

L Aux fins du present Statut, on entend par crime contre l'humanite l'un quelconque des actes ci-apres lorsqu'il est commis dans le cadre d'une attaque generalisee ou systematique lancee contre toute population civile et en connaissance de cette attaque :

a) Meurtre ;

b) Extermination ;

c) Reduction en esclavage ;

d) Deportation ou transfert force de population ;

e) Emprisonnement ou autre forme de privation grave de liberte physique en violation des dispositions fondamentales du droit international ;

f) Torture ;

318 Voir article 5c du Statut de Tribunal de Tokyo.

31 9 Voir MATSON Rafaëlle, La responsabilité individuelle ~~~, op.cit., PP.87- 99.

320 Voir Convention sur l'imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité, op.cit., article 1b.

321 Voir annexe 4, pp.170-172.

g) Viol, esclavage sexuel, prostitution forcee, grossesse forcee, sterilisation forcee ou toute autre forme de violation sexuelle de gravite comparable ;

h) Persecution de tout groupe ou de toute collectivite identifiable pour des motifs d'ordre politique, racial, national, ethnique, culturel, religieux ou sexiste au sens du paragraphe 3, ou en fonction d'autres criteres universellement reconnus comme inadmissibles en droit international, en correlation avec tout acte vise dans le present paragraphe ou tout crime relevant de la competence de la Cour ;

i) Disparitions forcees de personnes ;

j) Crime d'apartheid ;

k) Autres actes inhumains de caractere analogue causant intentionnellement de grandes souffrances ou des atteintes graves a l'integrite physique ou a la sante physique ou mentale D.

La precision de quelques notions susceptibles d'ambiguïte est faite au paragraphe 2322. Cela permet de differencier les crimes contre l'humanite du crime de genocide qui constitue aussi un crime contre le genre humain.

B- Le crime de genocide

Tout comme les crimes contre l'humanite, le crime de genocide a ete reconnu aprés la seconde guerre mondiale et consacre a travers la Convention du 9 décembre 1948 pour la prevention et la repression du crime de genocide. Toutefois, le crime de genocide etait inclus dans les crimes contre l'humanite323, il en faisait partie.

322 Voir annexe 4, pp.170-172.

323 Voir IAGOLNITZER Daniel, Le droit international et la guerre. Evolution et problemes
actuels, version condensee du livre, ed. L'Harmattan, Paris, 2007, P.10 ; voir aussi

L'autonomie du crime de genocide a ete concretisee par le statut de la CPI, meme si son contenu est reste inchange324. En effet, l'article 6 du statut de Rome reprend mutatis mutandis la definition du crime de genocide adoptee a l'article 2 de la Convention pour la prevention et la repression du crime de genocide. Il dispose alors :

g Aux fins du present Statut, on entend par crime de genocide l'un quelconque des actes ci-apres commis dans l'intention de detruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel :

a) Meurtre de membres du groupe ;

b) Atteinte grave a l'integrite physique ou mentale de membres du groupe ;

c) Soumission intentionnelle du groupe a des conditions d'existence devant entrainer sa destruction physique totale ou partielle ;

d) Mesures visant a entraver les naissances au sein du groupe ;

e) Transfert force d'enfants du groupe a un autre groupe D.

Ainsi, le crime de genocide constitue une grave violation des droits de l'homme et sa commission est une condition de fond a l'application de la sanction penale internationale325. Il peut avoir lieu en situation de paix ou en periode de guerre. Cependant, lorsque le crime de genocide est commis en periode de guerre, il peut Itre accompagne d'autres crimes qualifies de crimes de guerre.

Convention sur l'imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité, article 1b.

324 Voir FOPY Sylvain C., Le droit d'intervention ..., op.cit., PP.16-18.

325 Du 6 avril au 4 juillet 1 994, le Rwanda a ete le champ d'un genocide de l'ethnie Tutsi ; du 11 au 16 juillet 1 995, c'est le genocide des serbes de Srebrenica qui a eu lieu en BosnieHerzegovine.

C- Les crimes de guerre

Les crimes de guerre sont les plus anciennes infractions sanctionnées par le droit international. Ils remontent aux premières tentatives de limitation de la compétence de guerre, avec le justum bellum systématisé par GROTIUS326. Cependant, c'est avec le développement du jus ad bellum et du jus in bello que les premiers crimes de guerre sont identifiés dans les traités internationaux. Un premier principe est admis : dans l'époque de civilisation ou l'humanité est supposée Itre entrée, on ne doit pas tuer, détruire ou causer la souffrance pour le plaisir ou par vengeance, mais seulement s'il y a K nécessité militaire *327.

Les premiers textes sur l'identification des crimes de guerre sont adoptés au 1 9e siècle. Il s'agit d'abord du Code Lieber ou Instructions pour les armees en campagne des Etats-Unis d'Amerique, promulguées en 1863 par le Président LINCOLN pendant la guerre de Sécession. Elles sont considérées comme le premier texte codifiant l'ensemble des lois de la guerre. Le Code Lieber autorise certaines pratiques qui seront par la suite largement interdites, comme les bombardements des villes, ou le fait d'affamer les populations, en cas de K nécessité militaire *328.

Ensuite, la Déclaration de Saint-Pétersbourg de 1868. Elle est considérée comme le premier accord formel interdisant l'utilisation de certaines armes, en l'occurrence certains types de projectiles pouvant causer de graves souffrances.

Après, les Conférences de la Paix de La Haye de 18 99 et de 1 907.

326 L'existence de lois ou coutumes de guerre, plus ou moins acceptées et respectées, est encore plus ancienne.

327 Une première approche, appelée historiquement K droit de Genève *, a concerné le secours aux combattants blessés sur le champ de bataille, avec une première Convention de Genève en 1864. Elle s'est étendue ensuite a la protection des prisonniers et des civils au pouvoir d'une des parties en conflit. Une deuxième approche appelée historiquement K droit de La Haye *, a cherché a limiter ou interdire les méthodes de guerre et les armes les plus intolérables ; voir IAGOLNITZER Daniel, Le droit international et la guerre ~~~, op.cit., PP.7-8.

328 Voir ibid.

Elles marquent une avancee majeure dans l'identification des crimes de guerre. Il est notamment interdit :

g -De tuer ou de blesser un ennemi qui s'est rendu, et de declarer qu'il ne sera pas fait de quartier ;

- D'attaquer ou de bombarder des villes, villages, habitations ou batiments qui ne sont pas defendus ;

- D'employer des armes, des projectiles ou des matieres propres a causer des maux superflus ;

- ... D

A la suite de la Premiere Guerre Mondiale, l'eventail des crimes de guerre s'est elargi avec l'adoption du Protocole de Geneve de 1925 concernant la prohibition de l'emploi a la guerre de gaz asphyxiants, toxiques ou similaires et moyens bactériologiques. Ce protocole reprend et etend largement l'ensemble des crimes identifies precedemment.

Toutefois, c'est a l'issue de la Seconde Guerre Mondiale que la definition des crimes de guerre g trouve sa formulation la plus complete N32 9. En effet, plusieurs instruments juridiques internationaux sont nes et parachevent l'identification des crimes de guerre. Il s'agit en premier lieu des Conventions de Geneve de 1 94 9 ratifies a ce jour par tous les pays. Elles s'appliquent aux conflits armes internationaux et non internationaux. Toutes enoncent un grand nombre d'interdictions ou infractions, et parmi celles-ci des "infractions graves'', qualifiees de crimes de guerre. Elles sont completees par les deux protocoles additionnels de 1 977330.

Plusieurs autres instruments juridiques internationaux vont suivre dans le même sens : la Convention de l'ONU de 1 976 portant interdiction d'utiliser des techniques de modification de l'environnement a des fins

32 9 Voir FOPY Sylvain Christian, Le droit d'intervention ..., op.cit., P.11.

330 Voir pour de plus amples developpements, MAISON Rafaëlle, La responsabilité individuelle ..., op.cit., PP.145-244 ; IAGOLNITZER Daniel, Le droit international et la guerre ..., op.cit., PP.11-12 ; FOPY Sylvain C., Le droit d'intervention ..., op.cit., PP.11-15.

militaires331 ; la Convention de 1 972 portant interdiction de la mise au point, la fabrication et le stockage des armes bacteriologiques (biologiques) ou a toxines ; la Convention de 1 993 portant interdiction de la mise au point, la fabrication et le stockage des armes chimiques ; la Convention de 1 980 portant sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi de certaines armes classiques qui peuvent etre considerees comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme frappant sans discrimination, accompagnée de cinq protocoles précisant les armes concernées ; le Traite de non proliferation de 1 968.

Avec l'adoption du Statut de la CPI en 1 998, l'énumération des crimes de guerre a été faite avec beaucoup de précision332. Elle tend a densifier le champ d'application matériel de la sanction pénale internationale. Elle vise surtout a élargir le domaine de compétence des juridictions pénales internationales.

PARAGRAPHE 2 : Les conditions de fond tenant aux organes
d'a pplication de la sanction penale internationale

La sanction pénale internationale est mise en oeuvre par une juridiction pénale internationale. En effet, trois catégories d'organes juridictionnels sont en charge de l'application de la sanction. Il s'agit des juridictions pénales internes (A), des juridictions pénales spéciales (B) et de la Cour pénale internationale (C).

A- La mise en oeuvre de la sanction par les juridictions penales internes

A l'intérieur de chaque systeme juridique étatique, il est mis en place une juridiction pénale en charge de l'application de la sanction pénale. Il

331 Voir par exemple les produits destinés a supprimer la végétation a grande échelle a l'instar de l'agent orange.

332 Voir annexe 4, pp.172-178.

s'agit le plus souvent des tribunaux penaux. Ils disposent d'une competence universelle c'est-A-dire que leur domaine de juridiction n'est ni limite ratione loci ni meme ratione personae. Autrement dit, un crime commis en Angleterre peut Itre sanctionne par la juridiction penale de Yaounde.

Le principe de la competence universelle est inscrit dans les Conventions de Geneve et le Protocole additionnel I. Il impose a tout Etat Partie non seulement le droit mais aussi l'obligation de poursuivre les personnes responsables d'infractions graves, c'est-A-dire de violation des droits de l'homme, meme si la nationalite de l'auteur ou de la victime, ou le lieu ou les faits ont ete commis, lui sont a priori etrangers, en vue de jugement ou de l'extradition. Un article identique des dites Conventions dispose :

L Chaque Partie contractante aura l'obligation de rechercher les personnes prevenues d'avoir commis, ou d'avoir ordonne de commettre, l'une ou l'autre des infractions graves, et elle devra les deferer a ses propres tribunaux, quelle que soit leur nationalite. Elle pourra aussi, si elle le prefere, et selon les conditions prevues par sa propre legislation, les remettre pour jugement a une autre Partie contractante interessee a la poursuite, pour autant que cette Partie contractante ait retenu contre lesdites personnes des charges suffisantes »333.

A cote de la competence universelle reconnue aux juridictions de droit interne, il est necessaire de noter qu'elle s'accompagne de la competence principale en cas de violation des droits de l'homme. Cette assertion emane d'une comprehension a contrario de l'article 1 du statut de la CPI. En effet, cet article dispose :

L Il est cree une Cour penale internationale (g la Cour ») en tant qu'institution permanente, qui peut exercer sa competence a l'egard des

333 Voir article 4 9 de la Convention I de Geneve pour l'amélioration du sort des blessés et des malades dans les forces armées en campagne et article 50 de la Convention II de Geneve pour l'amélioration du sort des blessés, des malades et des naufragés des forces armées sur mer, notamment.

personnes pour les crimes les plus graves ayant une portée internationale, au sens du présent Statut. Elle est complémentaire des juridictions pénales nationales (...) *334.

Cet article pose la compétence de principe des juridictions pénales nationales en cas de violations graves des droits de l'homme.

Plusieurs pays reconnaissent expressément dans leur législation la compétence universelle ainsi que la compétence principale de leur juridiction pénale335. D'autres par contre nient toute compétence des juridictions pénales étrangeres, voire internationales, a l'égard de leurs ressortissants336.

Ainsi, les violations des droits de l'homme sont connues de prime abord par les juridictions pénales nationales, peu importe le lieu ou elles sont commises. Mais, lorsqu'elles sont d'une gravité a empêcher la bonne marche des tribunaux pénaux a l'intérieur du pays ou elles sont opérées, il peut être fait recours aux juridictions spéciales.

B- L'a pplication de la sanction par les juridictions p~nales speciales

D'un point de vue pratique, trés peu de violations des droits de l'homme de nature systématique ont été poursuivies au niveau national, K le plus souvent parce que les autorités de l'Etat elles-mêmes ont été impliquées dans la commission de ces crimes *337. Les procés de Nuremberg et Tokyo concordent a cette vision, vision renforcée a partir de l'année 1 990 par la

334 Voir aussi le Préambule du statut de Rome, avant dernier paragraphe.

335 C'est le cas notamment de la Belgique avec sa Loi de compétence universelle de 1 993 et de l'Allemagne avec la Code des crimes contre le droit international de 2002 ; Voir IAGOLNITZER Daniel, Le droit international et la guerre ~~~, op.cit., P.16.

336 C'est le cas notamment des Etats-Unis ; voir FERNANDEZ Julian, La politique juridique extérieure des Etats-Unis a l'égard de la Cour pénale internationale, éd.A.Pédone, Paris, 2010.

337 Voir FREEMAN Mark et MAROTINE Dorothée, K Qu'est ce que la justice transitionnelle ? *, International center for transitional Justice, 2007, P.5, in http://es.ictj.org/images/content/7/5/752.pdf

mise en place des tribunaux ad hoc et des tribunaux mixtes ou internationalises.

La mise en oeuvre de la sanction penale internationale peut etre faite, d'une part, par les juridictions penales ad hoc. Celles-ci ont ete mises en place par le CSNU, l'une a La Haye et l'autre a Arusha. En effet, dans la resolution 827 (1 993) du 25 mai 1 993338, Le CSNU decide de creer un Tribunal international chargé de juger les auteurs des violations du droit humanitaire commises sur le territoire de l'ex-Yougoslavie depuis 1991, denomme Tribunal penal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY). De meme, dans la resolution 955 (1 994) du 8 novembre 1 994, il decide de la creation d'un Tribunal international en charge de juger les personnes presumees responsables d'actes de genocide ou de violations graves du droit international humanitaire commis sur le territoire du Rwanda et les citoyens rwandais presumes responsables de tels actes ou violations commis sur le territoire d'Etats voisins entre le 1er janvier et le 31 decembre 1994, denomme Tribunal penal international pour le Rwanda (TPIR). Ces tribunaux n'avaient pour tache que de sanctionner les responsables du massacre serbe de Srebrenica et du genocide rwandais33 9.

Les tribunaux mixtes, d'autre part, sont implantes generalement dans le pays ou les abus ont ete commis. Ils sont composes de nationaux et d'internationaux et appliquent la legislation nationale en vigueur. Le Tribunal special pour la Sierra Leone (TSSL) a ainsi ete cree en 2002 par accord entre les Nations Unies et le gouvernement de la Sierra Leone. Il est habilite a juger les personnes portant la plus lourde responsabilite des

338 Amendee le 13 mai 1 998 par la resolution 1166 (1 998) et le 30 novembre 2000 par la resolution 132 9 (2000).

33 9 Le jugement de l'ex President MILOSEVIC pour sa responsabilite dans l'ensemble des crimes commis a Srebrenica s'est interrompu par sa mort ; le TPIR a rendu 21 jugements entre 1 994 et 2006. Certains dossiers ont ete transferes vers la France, la Belgique et les Pays-Bas.

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violations des droits de l'homme et du droit sierra léonais commises depuis le 30 novembre 1 996340.

De même, des Chambres Extraordinaires au sein des Tribunaux cambodgiens ont été mises en place par accord entre les Nations Unies et le gouvernement du Cambodge en 2003. Elles sont chargées de juger les crimes contre l'humanité commis au Cambodge entre 1 975 et 1 97 9 par les dirigeants Khmers rouges341. De plus, au Timor Leste et au Kossovo, l'ONU a placé des juges et procureurs internationaux au sein du systéme judiciaire national.

Ces juridictions hybrides ou internationalisées sont, par leur nature même, passagéres, a la différence de la CPI qui est une juridiction permanente.

C- L'a pplication de la sanction par la Cour pénale internationale

L'institutionnalisation de la CPI marque le gfranchissement du Rubicon D342. En effet, g le passage d'un régime normatif a un régime institutionnel s'est longtemps heurté a des difficultés générales et particulieres N343. Ces difficultés étaient dues au contexte sociopolitique international en général et a l'antagonisme Est-Ouest en particulier. La fin de l'antagonisme a alors été favorable a la mise en place de la CPI.

Depuis sa fondation, l'ONU a examiné la possibilité de la création d'une juridiction pénale internationale permanente. Ainsi, a la suite de nombreux efforts combinés, une conférence diplomatique s'est tenue entre juin et juillet 1 998 a Rome en Italie. Elle a abouti a l'adoption d'un traité

340 Inculpé en 2003 par le TSSL, l'ancien Président du Libéria voisin, Charles TAYLOR, a été arrêté en 2006 au Nigéria oil il vivait en exil. Son proces a débuté en juillet 2007 a La Haye.

341 Le Tribunal mixte du Cambodge a été institué par une loi cambodgienne de 2004 et a commencé ses travaux au Cambodge en 2006. Plusieurs des principaux dirigeants Khmers rouges encore en vie ont été arrêtés fin 2007.

342Voir FERNANDEZ Julian, La politique juridique extérieure des Etats-Unis a l'égard de la Cour pénale internationale, op.cit., P.18.

343 Voir FERNANDEZ Julian, La politique juridique extérieure ..., op.cit., P.16.

entre Etats portant creation de la CPI. L'institution entree effectivement en fonction le 1er juillet 2002 a son siege a La Haye, aux Pays-Bas (article 3, paragraphe 1, du statut de Rome). Elle est liee a l'ONU par un accord qui doit etre approuve par l'Assemblee des Etats Parties au statut de Rome, et conclu par le President de la CPI au nom de celle-ci (article 2 du statut de Rome). En outre, la CPI dispose de la personnalite juridique internationale ainsi que de la capacite juridique necessaire a l'exercice de ses fonctions et a l'accomplissement de sa mission (article 4, paragraphe1, du statut de Rome). De plus, elle exerce ses fonctions et ses pouvoirs sur le territoire de tout Etat Partie au statut de Rome et, par une convention, sur le territoire de tout autre Etat (article 4, paragraphe 2, du statut de Rome).

La CPI est la premiere et unique juridiction penale internationale permanente dans le monde. Elle differe des autres juridictions penales internationales mentionnees ci-dessus sur plusieurs aspects. Premierement, la CPI trouve ses origines dans le statut de Rome, un traite multilateral adopte en 1 998. Son existence est donc independante des Nations Unies, a la difference des TPIY et TPIR qui ont ete crees par des resolutions du CSNU. Deuxiemement, la competence de la CPI est a vocation universelle alors que les tribunaux ad hoc et les differents tribunaux hybrides ou internationalises ont ete crees en reponse a des situations specifiques. Troisiemement, la CPI agit en complementarite avec les tribunaux nationaux344, alors que les tribunaux ad hoc sont regis par un principe de primaute sur toutes les affaires qui sont de leur competence345, independamment du fait qu'il y ait des enquetes ou des poursuites au niveau local346.

Au final, la mise en oeuvre de la sanction penale internationale correspond aux conditions de fond et de forme necessaires a celle-lA. C'est

344 Voir article 1 du statut de Rome qui dispose : a Il est cree une Cour penale internationale ("la Cour'') en tant qu'institution permanente, qui peut exercer sa competence a l'egard des personnes pour les crimes les plus graves ayant une portee internationale, au sens du present Statut. Elle est complementaire des juridictions penales nationales. Sa competence et son fonctionnement sont regis par les dispositions du present Statut *.

345 Voir MPOZENZI Gerard, La primauté des Tribunaux pénaux internationaux ad hoc sur la justice pénale des Etats, memoire de Licence, Universite du Burundi, 2003.

346 Voir FREEMAN Mark et MAROTINE Dorothee, a Qu'est-ce que la justice transitionnelle ? *, op.cit., PP.6-7.

dire que le respect de ces conditions permet la protection pénale de la paix et de la sécurité internationales. Cette nouvelle logique des sanctions internationales procede des principes de Nuremberg. Toutefois, ces conditions seraient inopérantes sur la paix et la sécurité internationales si elles n'étaient pas suivies de conséquences.

CHAPITRE II : LES CONSEQUENCES DE LA SANCTION PENALE INTERNATIONALE SUR LA PAIX ET LA SECURITE INTERNATIONALES

A la suite de l'application de la sanction pénale internationale, diverses conséquences sont générées. Celles-ci s'inscrivent dans l'optique du maintien de la paix et de la sécurité internationales. En d'autres termes, les conséquences de la sanction pénale internationale sur la paix et la sécurité internationales sont manifestes non seulement quant a leur grand respect des normes du droit international général, mais aussi au vu de la pratique. Ainsi, conviendrait-il de se pencher sur les conséquences de la sanction pénale internationale liées a sa mise en oeuvre (section 1) ainsi que celles relatives a ses fonctions (section 2).

SECTION 1 : LES CONSEQUENCES INHERENTES A L'APPLICATION DE LA SANCTION PENALE INTERNATIONALE

L'application de la sanction pénale internationale emporte des conséquences notables sur la paix et la sécurité internationales. En effet, a la suite de la mise en oeuvre de la sanction pénale internationale, l'on note une mise en exergue tant de certains principes fondamentaux du droit international ( paragra phe 1) que de certains principes relatifs au procés pénal ( paragra phe 2).

PARAGRAPHE 1 : L'affirmation de certains princi pes fondamentaux du droit international

Deux principes fondamentaux du droit international émergent a la suite de l'application de la sanction pénale internationale, et dont le respect est nécessaire pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales. Il s'agit d'une part de la proscription du recours a la force (A) et du respect des droits de l'homme (B).

A- L'affirmation de l'intangibilite du princi pe de la prohibition de l'em ploi de la force

L'application de la sanction pénale internationale se fait de fagon pacifique. Autrement dit, elle fait émerger le principe de la prohibition du recours a la force. Ce principe est énoncé a l'article 2, paragraphe 4, de la Charte en ces termes :

g Les Membres de l'Organisation s'abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir a la menace ou a l'emploi de la force, soit contre l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique de tout Etat, soit de toute maniére incompatible avec les buts des Nations Unies D.

Le caractere intangible de ce principe a ete reconnu par la jurisprudence internationale. En effet, le principe de la prohibition de l'emploi de la force releve du jus cogens347 c'est-A-dire qu'il s'agit d'un principe a l'encontre duquel aucune derogation n'est permise. Ainsi, la CIJ dans une affaire opposant le Nicaragua aux Etats-Unis d'Amerique s'est prononcee sur le caractere de ce principe. Elle affirme :

g La validite en droit coutumier du principe de prohibition de l'emploi de la force exprime a l'article 2, paragraphe 4, de la Charte des Nations Unies trouve une autre confirmation dans le fait que les representants des Etats le mentionnent souvent comme etant non seulement un principe de droit coutumier, mais encore un principe fondamental ou essentiel de ce droit. Dans ses travaux de codification du droit des traites la Commission du droit international a exprime l'opinion que le droit de la Charte concernant l'interdiction de l'emploi de la force constitue en soi un exemple frappant d'une regle de droit international qui releve du jus cogens N348.

Le caractere intangible du principe de l'interdiction de l'emploi de la force a ete reaffirme par la CIJ dans deux arrêts concernant des activites armees sur le territoire du Congo, celui du 1 9 decembre 2005 (Republique democratique du Congo c/ Ouganda) et celui du 3 fevrier 2006 (Republique democratique du Congo c/ Rwanda)34 9.

Le droit penal ne peut meconnaitre ce principe. Plus precisement, l'application de la sanction penale internationale rend bien compte qu'in fine, aucune derogation n'a ete portee au principe de l'interdiction du recours a la force. D'ailleurs, le preambule du statut de la CPI l'atteste expressement. Cela dit, le septieme paragraphe, in limine, du preambule stipule que les

347 Le jus cogens ou norme imperative du droit international general est * une norme acceptee et reconnue par la communaute internationale des Etats dans son ensemble en tant que norme a laquelle aucune derogation n'est permise et qui ne peut être modifiee que par une nouvelle norme du droit international general ayant le même caractere *, voir article 53 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, faite le 23 mai 1 96 9, entree en vigueur le 27 janvier 1 980, Rec.TNU, vol. 1155, P.331 et suivantes.

348 Voir affaire des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c/ Etats-Unis d'Amérigue), op.cit., P.100.

34 9 Voir DECAUX Emmanuel, * La definition de la sanction traditionnelle : sa portee, ses caracteristiques *, op.cit., P.2.

Etats Parties au présent Statut réaffirment g les buts et principes de la Charte des Nations Unies et, en particulier, que tous les Etats doivent s'abstenir de recourir a la menace ou a l'emploi de la force, (..) N.

Ainsi, il est question d'une interdiction générale de l'emploi de la force, laquelle trouve son expression par la mise en ceuvre de la sanction pénale internationale. En outre, c'est par le respect de l'intangibilité du principe de l'interdiction du recours a la force que le respect de l'intangibilité des droits de l'homme est assuré. Autrement dit, l'application de la sanction pénale internationale a pour autre conséquence une affirmation de l'intangibilité des droits de l'homme.

B- L'emergence de l'intangibilite des droits de l'homme

L'affirmation du caractére intangible des droits de l'homme est assurée a travers la mise en ceuvre de la sanction pénale internationale. Ce caractére intangible renvoie au g droit impératif des droits de l'homme N35°. Le droit impératif des droits de l'homme est inscrit a l'article 4, paragraphe 2, du PIDCP351. Il s'agit des droits de l'homme indérogeables en toute circonstance c'est-à-dire en temps de guerre ou de paix. C'est dire que tous les droits de l'homme ne bénéficient pas du caractére de l'intangibilité. Ne sont pris en considération que le g noyau dur D des droits de l'homme, c'est-à-dire, selon le Professeur Gérard COHEN-JONATHAN, du droit a la vie, de l'interdiction de la torture et des traitements ou peines inhumains ou dégradants et de l'interdiction de l'esclavage352. A cela, il faut ajouter l'interdiction du déni de justice flagrant et la détention arbitraire, l'interdiction de la discrimination raciale et a l'égard des femmes, déjà visée spécifiquement par l'article 55 de la Charte. On relévera enfin la liberté de pensée, de conscience et de religion,

35° Voir COUZIGOU Irene, * Le Conseil de sécurité doit-il respecter les droits de l'homme dans son action coercitive de maintien de la paix ? *, op.cit., PP.12 9-134.

351 Cet article dispose : * 2. La disposition précédente n'autorise aucune dérogation aux articles 6, 7,8, (paragraphes 1 et 2), 11, 15, 16 et 18 *.

352 Ce qui correspond a peu prés au contenu de l'article 3 commun aux quatre Conventions de Genéve.

consideree comme egalement intangible par le PIDCP, et qui a donc une portee universelle353.

La jurisprudence internationale a confirme cette these des g noyau dur D des droits de l'homme. En effet, dans l'affaire Furundzija rendu en 1 998, le TPIY considere que g la repulsion universelle D que suscite la torture « a donne lieu a toute une serie de regles conventionnelles et coutumieres ayant une place elevee dans le systeme normatif international, une place comparable a celle d'autres principes, comme la prohibition du genocide, de l'acquisition de territoires par la force et de la suppression par la force du droit des peuples a disposer d'eux-memes. L'interdiction de la torture presente [des] traits importants qu'elle partage probablement avec les autres principes generaux protegeant les droits fondamentaux de l'homme N354.

Cependant, force est de relever qu'autant les droits "intangibles'' que les droits "tangibles'' de l'homme ne sont pas heurtes par l'application de la sanction penale internationale. De meme, autant sont preserves les droits de l'homme des populations civiles innocentes, autant sont respectes les droits de l'homme des individus responsables des violations du droit international.

Ainsi, la mise en oeuvre de la sanction penale internationale s'accompagne de consequences positives. Celles-ci sont liees a l'emergence de certains principes fondamentaux du droit international tels le principe de la prohibition de l'emploi de la force et le principe de l'intangibilite des droits de l'homme. Elles sont aussi relatives a l'affirmation de certains principes du proces penal.

353 Voir COHEN-JONATHAN Gerard, * les droits de l'homme, une valeur internationalisee *, op.cit. PP.15 9-160.

354 Voir IT-95-17/1-T, jugement de la chambre de première instance, 10 decembre 1 998, paragraphe 143-157.

PARAGRAPHE 2 : La manifestation de certains princi pes relatifs au proces penal

En rapport au proces pénal, certains principes émanent de l'application de la sanction pénale internationale. En d'autres termes, conséquemment a ladite application, l'on voit émerger des principes inhérents au proces pénal. C'est le cas d'une part du principe de g l'égalité devant le droit D (A) et d'autre part de la prévisibilité liée au jugement de légalité (B).

A- L'emergence du princi pe de « l'egalite devant le droit »

L'une des conséquences de l'application de la sanction pénale internationale est l'affirmation du principe de l'égalité devant le droit. Ce principe veut dire que la sanction est mise en oeuvre de fagon objective a l'encontre de tout individu responsable des violations des droits de l'homme. Autrement dit, la sanction pénale est appliquée conformément au droit. Comme l'écrit le Professeur Hans KELSEN :

g L'égalité devant la loi signifie que les organes chargés d'appliquer la loi ne doivent faire des différences que la loi ne reconnait pas. Ils doivent l'appliquer comme elle entend etre appliquée. L'égalité devant la loi signifie application de la loi conformément a la loi... Elle est un postulat formulé a l'intention des organes chargés d'appliquer la loi. Elle n'est pas un droit des sujets de droit N355.

La mise en oeuvre de la sanction pénale internationale fait émerger ce principe. En effet, la sanction est appliquée sans tenir compte de la puissance de l'Etat a l'intérieur duquel ressortit l'individu auteur de l'acte illicite. En d'autres termes, les individus appartenant a un Etat développé ne peuvent pas se prévaloir de ce statut pour échapper a la sanction pénale internationale. En outre, le systeme de sécurité institué dans la Charte

permet a un Etat disposant du droit de veto d'être a l'abri des sanctions politiques :

« Cette systematisation de l'action de tous contre tous, et de tous avec tous, selon la formule de Michel VIRALLY, n'a jamais ete totale, en ce sens que certains Etats echappent a sa logique : a l'epoque de la SDN, les Etats puissants pouvaient exploiter les « fissures » du Pacte ; dans la Charte, les membres permanents du Conseil de securite sont, grace au veto, a l'abri de la mise en oeuvre des sanctions collectives D356 ; ce qui leur permet de mettre quelques « proteges D hors d'atteinte des sanctions.

Or, la sanction penale permet de briser ce cercle vicieux en frappant tous les responsables des violations des droits de l'homme. De surcroit, le principe de l'egalite devant le droit est talonne par son corollaire c'est-A-dire la fin de l'impunite. Les developpements faits ci-dessus montrent a quel point l'impunite est generalisee au gre du niveau de puissance des Etats ou des affinites qu'ils ont avec d'autres. Dans son rapport final revise, Monsieur Louis JOINET definit l'impunite comme l'

« absence, en droit ou en fait, de la mise en cause de la responsabilite penale des auteurs de violations des droits de l'homme, ainsi que de leur responsabilite civile, administrative ou disciplinaire, en ce qu'ils echappent a toute enquête tendant a permettre leur mise en accusation, leur arrestation, leur Jugement et, s'ils sont reconnus coupables, leur condamnation a des peines appropriees, y compris a reparer le prejudice subi par leurs victimes D357.

C'est dire que la fin de l'impunite, de même que l'egalite devant le droit, sont issues de l'application de la sanction penale internationale. En punissant un individu pour des raisons de violation des droits de l'homme,

356 Voir NGUYEN QUOC Dinh, DAILLIER Patrick, PELLET Alain, Droit international public, op.cit., P. 927.

357 Voir JOINET Louis, Question de l'impunité des auteurs des violations des droits de l'homme (civils et politiques), Commission des droits de l'homme, Rapport final revise en application de la decision 1 996/11 9 de la Sous-Commission, E/CN.4/Sub.2/1 997/20/Rev.1 (Annexe II, Ensemble de principes pour la protection et la promotion des droits de l'homme par la lutte contre l'impunité, Definitions, A), 2 octobre 1 997.

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le juge pénal international rétablit une égalité devant le droit. Au fond, celleci provient du principe de légalité de laquelle émane a son tour la prévisibilité de la sanction pénale.

B- L'emanation de la previsibilite inherente au jugement de legalite : l'automaticite de la sanction

La prévisibilité constitue l'un des critéres du principe de la légalité des délits et des peines358. Mais, elle est aussi une conséquence a l'application de sanction pénale internationale. En effet, le principe de légalité énonce les actes constitutifs de crime et affecte a chacun d'eux une peine bien précise35 9. Ce faisant, il établit une certaine automaticité de la sanction pénale internationale. Par là me-me, la mise en oeuvre de la sanction internationale contribue in fine a la protection de la paix et de la sécurité internationales. C'est dans ce sens que Monsieur Damien SCALIA a pu écrire :

g Dans son but de protection de la société [internationale] et surtout de la liberté individuelle, le respect de la prévisibilité impose la connaissance par quiconque des faits pénalement relevant et des peines qui y sont associés N360.

Dans un tel cadre, la prévisibilité émerge du jugement de légalité, c'est-A-dire, de l'application de la sanction pénale internationale. Elle s'accompagne nécessairement de la clarté et de la précision de la peine. En outre, la prévisibilité permet l'automaticité de la sanction.

Ainsi, la manifestation de la prévisibilité procéde de l'application de la sanction pénale internationale. Elle n'est d'ailleurs pas exclusive. Il en est de me-me du principe de l'égalité devant le droit, du principe de l'intangibilité

358 Voir SCALIA Damien, * Quelques réflexions sur les critères inhérents a la mise en place de normes-sanctions et la répression des crimes de guerre *, op.cit., PP.5-6.

35 9 Voir SCALIA Damien, * Quelques réflexions ... *, op.cit., PP.3-4.

360 Voir SCALIA Damien, * Quelques réflexions ... *, op.cit., P.2.

des droits de l'homme ainsi que du principe de la proscription de l'emploi de la force. Cela étant, tous ces principes concourent inéluctablement au maintien de la paix et de la sécurité internationales. Mais, ce concours s'averera insuffisant s'il ne devrait pas etre développé les conséquences relatives aux fonctions de la sanction pénale internationale.

SECTION 2 : LES CONSEQUENCES LIEES AUX FONCTIONS DE LA SANCTION PENALE INTERNATIONALE

D'entree de jeu, il convient d'affirmer que la sanction penale internationale a pour principale consequence la cessation des violations des droits de l'homme. Cette fonction de cessation de l'illicite est rendue possible par l'arrestation du responsable. C'est pour cela que le droit penal international impose aux Etats une obligation de cooperer entre eux en vue de l'arrestation des individus responsables des violations des droits de l'homme. En effet, en vertu de l'article 86 du statut de Rome,

g Conformement aux dispositions du present Statut, les Etats Parties cooperent pleinement avec la Cour dans les enquêtes et poursuites qu'elle mene pour les crimes relevant de sa competence D.

Toutefois, d'importantes limites ternissent l'obligation generale de coopérer361 a telle enseigne qu'il est fait le plus souvent recours aux forces internationales362.

Cela dit, deux fonctions de la sanction pénale internationale permettent de rendre efficacement compte des consequences de celle-ci sur la paix et de la sécurité internationales. Il est question de la fonction preventive ( paragra phe 1) et de la fonction réparatrice ( paragra phe 2).

PARAGRAPHE 1 : Sanction penale internationale et prevention des violations des droits de l'homme

La sanction pénale vise a prévenir les violations des droits de l'homme, actes constituant des menaces a la paix et a la sécurité internationales. Autrement dit, elle a pour but de freiner, voire d'empêcher l'accomplissement

361 Voir MAISON Rafaëlle, La responsabilité individuelle pour crime d'Etat en droit international public, op.cit., PP.443-450.

362 Voir article 87, paragraphe 1b, du statut de la CPI qui dispose : * S'il y'a lieu, et sans prejudice des dispositions de l'alinea a), les demandes peuvent être également transmises par l'Organisation internationale de police criminelle (INTERPOL) ou par toute organisation régionale compétente *.

de comportements juges indesirables. On lui attribuera alors soit la fonction de prevention generale (A), soit celle de prevention speciale (B).

A- La prevention generale

Elle est l'effet de la sanction penale internationale sur l'ensemble de la societe internationale. Autrement dit, l'un des buts de la sanction penale internationale est de prevenir la survenance des violations des droits de l'homme susceptibles d'être commises a l'interieur de tous les systemes juridiques internes. La prevention generale renvoie, a cet egard, a « la dissuasion ou l'intimidation collective de tous les contrevenants potentiels *363. C'est dire que l'effet de prevention generale n'a pas de limite rati.one loci.. Il s'etend indefiniment pour exercer son emprise sur tout individu ressortissant de tout pays et ayant l'intention de transgresser les droits de l'homme. Ainsi, la sanction penale internationale est talonnee de cette fin, c'est-A-dire, la diminution voire la suppression des violations des droits de l'homme. Telle est d'ailleurs le point de vue par excellence que defendent les theories penales utilitaristes364.

Si cette presentation de la prevention generale comporte sans doute une part de verite, il convient cependant de la temperer três largement. En effet, l'efficacite de cette fonction est grandement remise en cause. Comme l'ecrit ANDENAES, g la base la plus solide pour la theorie de la prevention generale est son caractére eminemment plausible du point de vue du bon sens *365. C'est dire que la prevention generale n'a aucune emprise tant d'un point de vue juridique que pratique, tant sur le droit que sur la realite sociale. L'on pergoit toutefois une certaine exageration dans cette affirmation. Pourtant, celle-ci est justifiee car g la menace de la [sanction]

363 Voir VAN DE KERCHOVE Michel, g Les fonctions de la sanction penale. Entre droit et philosophie *, Informations sociales, n°127, P.25.

364 Voir VAN DE KERCHOVE Michel, g Les fonctions de la sanction penale ... *, op.cit., P.25- 26.

365 Voir ANDENAES, g Les effets de prevention generale du droit penal *, Archives de politique criminelle, n°3, 1 978, P.6, cite par VAN DE KERCHOVE Michel, g Les fonctions de la sanction penale ... *, op.cit., P.26.

n'apparait efficace, en principe, que pour les categories de personnes pour lesquelles elle n'est pas utile *366. Il est en l'occurrence question des individus dont la probabilite de commission des violations des droits de l'homme est relativement faible ; ce qui traduit en outre le caractere inadapte de la fonction de prevention generale de la sanction penale internationale.

Neanmoins, l'exageration sus mentionnee reste presente car, même si l'effectivite de la prevention generale peut être remise en cause, sa construction juridique et philosophique reste ferme. Comme le souligne le Professeur ROBERT, la prevention generale est « scientifiquement indemontrable et [...] ideologiquement indemontable *367.

En bref, la sanction penale internationale vise a detourner les individus de suivre l'exemple des responsables des violations des droits de l'homme. Elle genére alors une reelle fonction de prevention generale. Mais aussi, elle vise a empêcher que les dits responsables ne soient a l'origine de nouvelles violations.

B- La prévention s péciale : dissuasion et mesure de sfireté

Une autre consequence de la sanction penale internationale est la prevention speciale. Celle-ci, encore appelee dissuasion, se rapproche du but de la mesure de surete au point de se confondre a lui. En effet, comme le note le Professeur Michel VAN DE KERCHOVE, la prevention speciale est

L l'aptitude de la [sanction] a empêcher l'individu qui est frappe de commettre de nouvelles infractions dans l'avenir (...) *368. D'un autre cote, la definition de la mesure de surete se pose dans les mêmes termes : elle est

L exclusivement orientee vers l'avenir puisqu'elle ne vise qu'à eviter la

366 Voir KELLENS G., La mesure de la peine, Liege, collection scientifique de la faculte de droit de Liege, 1 982, P.12, cite par ibid.

367 Voir ROBERT, g Le role de la sanction (dans l'approche integree de la justice et de la reconciliation) *, in Colloque a Sanremo : Justice et Reconciliation, du 7 au 9 septembre 2006 (non publie), cite par SCALIA Damien, g Quelques reflexions ... *, op.cit., P.7.

368 Voir VAN DE KERCHOVE Michel, g Les fonctions de la sanction penale ... *, op.cit., P.26.

commission d'infractions ou la recidive D369. C'est dire que tout comme la sanction penale internationale, la mesure de surete a un but preventif en cherchant a « neutraliser un etat dangereux D370.

En effet, il convient de noter que la fonction de neutralisation de la sanction penale internationale vise a ecarter le responsable des violations des droits de l'homme de la societe. Auparavant, elle se faisait par l'application de la peine de mort et de la peine privative de liberte. Le droit a la vie etant un droit intangible aujourd'hui, la neutralisation du condamne ne s'opere desormais que par l'application de la peine privative de liberte.

En vertu de l'article 103 du statut de Rome, l'execution des peines privatives de liberte est faite par un Etat designe par la CPI371, a la demande de cet Etat. A cet egard, elle est accomplie conformement aux regles conventionnelles internationales372. De meme, les conditions de detention du condamne obeissent a elles373. Dans tous les cas, la CPI doit effectuer des contrOles en vue de constater si ces regles internationales sont respectees374.

Toutefois, la CPI a la possibilite de reduire la peine de la personne detenue, au vu de sa bonne conduite375. Cela procede de l'idee selon laquelle la prevention speciale s'etend au traitement, a la resocialisation et a la reinsertion du condamne376. Mais, ce point de vue demeure tres relatif377.

Ainsi, par la prevention speciale, l'individu responsable des violations des droits de l'homme est porte a eviter la recidive. De me-me, d'autres individus sont detournes de suivre son exemple par le fait de la prevention generale. Des lors, par les deux (prevention generale et prevention speciale), la paix et la securite internationales peuvent etre preservees. Mais par

36 9 Voir PRADEL Jean, Droit pénal, op.cit., P.582.

370 Voir ibid.

371 Voir article 103, paragraphe 1a, qui dispose que * les peines d'emprisonnement sont accomplies dans un Etat designe par la Cour sur la liste des Etats qui lui ont fait savoir qu'ils etaient disposes a recevoir des condamnes *.

372 Voir article 106, paragraphe 1, du statut de Rome.

373 Voir article 106, paragraphe 2, du statut de Rome.

374 Voir ibid.

375 Voir article 110 du statut de la CPI.

376 Voir VAN DE KERCHOVE Michel, * Les fonctions de la sanction penale ... *, op.cit., P.27.

377 Voir ibid.

contre, l'individu responsable des violations des droits de l'homme n'est pas exonere de son obligation de reparer.

PARAGRAPHE 2 : Reparation et sanction pénale internationale

Il est un principe traditionnellement admis en droit penal interne et international qui pose que g quiconque a cause par sa faute du dommage a autrui, est condamne a le reparer N378. Autrement dit, le responsable des violations des droits de l'homme doit "payer pour son crime''. Selon le Professeur Michel VAN DE KERCHOVE, g l'idee de reparation est sans doute liee, dès ses origines, a la [sanction] N37 9. D'une part, la reparation ne se distingue pas essentiellement de l'idee de retribution380. D'autre part, elle est intimement liee a la victime. C'est autrement dire que la reparation fait reference a la remise des choses au statu quo ante. Pour cette operation, y participent le titulaire d'un droit a reparation (A), et le debiteur de l'obligation de reparer (B).

A- Le titulaire d'un droit a reparation

Tout naturellement, la ou les victimes des violations des droits de l'homme constituent des titulaires d'un droit a reparation. En principe, la reparation doit être faite en nature, ce que l'on nomme par "restitutio in integrum''. Mais, il relève de l'utopie d'envisager une telle forme de reparation en cas de violation des droits de l'homme, etant entendu que les premières manifestations de ces actes sont des pertes en vie humaine. Par ailleurs, la

378 Voir HAUS J.J., * Les theories penales. Des origines au milieu du XIXe siècle *, paragraphe 28, in http://ledroitcriminel.free.fr/lacscienceccriminelle/penalistes/introduction/hausctheoriesc penales.htm

37 9 Voir VAN DE KERCHOVE Michel, * Les fonctions de la sanction penale ... *, op.cit., P.27. 380 g L'idee de retribution correspond a une certaine conception de la justice qui veut que l'on prenne en consideration le mal inherent a l'infraction commise et qu'on lui fasse correspondre un mal equivalent (la peine), de la même fagon que le bien inherent a une action appelle un bien correspondant ( la recompense) *, voir VAN DE KERCHOVE Michel, * Les fonctions de la sanction penale ... *, op.cit., PP.28-2 9.

souffrance physique, morale et autre que ressentent les victimes ne peut aucunement etre reparee en nature.

C'est au vu de ces raisons que la reparation ne peut se faire que par compensation. Il sera alors question d'une indemnisation en faveur des victimes, mais aussi d'autres types de compensation. Ces autres types de compensation sont enonces par l'article 6, paragraphe 3, du Protocole additionnel a la Convention des Nations Unies contre la criminalite transnationale organisee visant a prevenir, reprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants381. Ainsi, cet article dispose :

g Chaque Etat Partie envisage de mettre en oeuvre des mesures en vue d'assurer le retablissement physique, psychologique et social des victimes de la traite des personnes, y compris, s'il y'a lieu, en cooperation avec les Organisations Non Gouvernementales, d'autres organisations competentes et d'autres elements de la societe civile et, en particulier, de leur fournir :

a. Un logement convenable ;

b. Des conseils et des informations, concernant notamment les droits que la loi leur reconnait, dans une langue qu'elles peuvent comprendre ;

c. Une assistance medicale, psychologique et materielle ; et

d. Des possibilites d'emploi, d'education et de formation N.

Ces autres types de reparations qui sont repris a l'article 75, paragraphe 1, du statut de Rome sont constitutifs de la restitution, de la readaptation et de la rehabilitation qu'ont droit les victimes des violations des droits de l'homme. Par ailleurs, comme enonce ci-dessus, les victimes ont droit a une indemnisation proportionnee. Afin que cela soit possible, il est cree un g Fonds au profit des victimes D. Ainsi, l'article 7 9 du statut de Rome dispose :

381 Protocole du 12 decembre 2000.

g 1. Un fonds est cree, sur decision de l'Assemblee des Etats Parties, au profit des victimes de crimes relevant de la competence de la Cour et de leur famille.

2. La Cour peut ordonner que le produit des amendes et tout autre bien confisque soient verses au fonds.

3. Le fonds est gere selon les principes fixes par l'Assemblee des Etats Parties D.

Ainsi, les amendes et les biens confisques prevus a l'article 10 9, paragraphe 3, du statut de Rome contribuent a alimenter le fonds au profit des victimes. En outre, les ayants droit des victimes beneficient aussi de l'indemnisation. Mais, la difficulte liee a la determination des victimes est reelle, car, d'autres ne pourront pas faire entendre leur voix382. Ce qui allégera sans doute la charge du debiteur de l'obligation de reparer.

B- Le debiteur de l'obligation de reparer

L'auteur des violations des droits de l'homme est charge d'une obligation de reparer. Pour cela, il est procede a l'execution des peines d'amende et a des mesures de confiscation qui sont eventuellement destinees a etre versees au g Fonds au profit des victimes N383. En effet, l'article 10 9 du statut de Rome dispose :

g 1. Les Etats font executer les peines d'amende et les mesures de confiscation ordonnees par la Cour en vertu du chapitre VII, sans prejudice des droits des tiers de bonne foi et conformement a la procedure prevue par leur legislation interne.

2. Lorsqu'un Etat Partie n'est pas en mesure de donner effet a l'ordonnance de confiscation, il prend des mesures pour recuperer la valeur

382 Voir LA ROSA Anne-Marie, * La sanction dans un meilleur respect du droit humanitaire : son efficacite scrutee *, IRRC, vol. 90, n°870, juin 2008, P.16, in www.icrc.org/fre/assets/files/other/irrc-870-la-rosa-pr-web.pdf

383 Voir article 7 9, paragraphe 2, du statut de Rome.

du produit, des biens ou des avoirs dont la Cour a ordonne la confiscation, sans prejudice des droits des tiers de bonne foi.

3. Les biens, ou le produit de la vente de biens immobiliers ou, le cas echeant, d'autres biens, obtenus par un Etat Partie en execution d'un arrIt de la Cour sont transferes a la Cour N.

Ainsi, les biens de l'auteur des violations des droits de l'homme ainsi que ceux de sa famille proche -ceux qui ne sont pas de bonne foi-, sont evalues et servent a indemniser les victimes.

Cependant, les individus sanctionnes peuvent organiser au prealable leur insolvabilite384. Dans ce cas il sera fait recours a la solidarite internationale pour alimenter le « Fonds au profit des victimes N385. En effet, la communaute internationale a aussi l'obligation de reparer les violations des droits de l'homme car il s'agit des offenses portees a son egard. C'est dans cette mesure que l'article 6, paragraphe 5, du Protocole additionnel a la Convention des Nations Unies contre la criminalite transnationale organisee visant a prevenir, reprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants impose a chaque Etat de permettre aux victimes d'obtenir reparation du prejudice subi. Et l'article 75, paragraphe 1, du statut de Rome reconnait cette obligation a la CPI. Il dispose :

g La Cour etablit des principes applicables aux formes de reparation, telles que la restitution, l'indemnisation ou la rehabilitation a accorder aux victimes ou a leur ayant droit. Sur cette base, la Cour peut, sur demande, ou de son propre chef dans des circonstances exceptionnelles, determiner dans sa decision l'ampleur du dommage, de la perte ou du prejudice cause aux victimes ou a leurs ayants droit, en indiquant les principes sur lesquels elle fonde sa decision N.

384 Comme l'ancien President liberien, Charles TAYLOR, qui beneficie de l'assistance judiciaire devant le TSSL ; voir DECAUX Emmanuel, * La definition de la sanction traditionnelle : sa portee, ses caracteristiques N, op.cit., P.7.

385 Voir ibid.

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C'est autrement dire que la juridiction pénale participe, tout comme les Etats, a la solidarité internationale en remplissant l'obligation de réparer. Ainsi, la réparation d'une illicéité ayant affecté la paix et la sécurité internationales contribue largement a leur préservation, ou encore, a leur rétablissement. Au final, la prévention et la réparation qui découlent de la sanction pénale internationale participent a la marche vers une paix perpétuelle planétaire.

CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE

La sanction penale internationale ne peut etre mise en oeuvre que pour des violations des droits de l'homme commises par des individus386. D'ailleurs meme, d'un point de vue pratique, il n'y a que les individus qui peuvent etre a l'origine de tels actes illicites, quitte a ce qu'ils puissent subsumer leur responsabilite individuelle a la responsabilite internationale de l'Etat. Neanmoins, cette voie leur est a present bouclee, chacun doit faire face a ses fautes et doit payer pour elles.

Des lors, la sanction penale internationale est une mesure adaptee aux auteurs des violations des droits de l'homme et donc appropriee au maintien de la paix et de la securite internationales. Son application obeit a des conditions de fond et de forme indispensables au respect des droits de l'homme des victimes autant que des bourreaux. Ses consequences permettent la stabilite de l'ordre juridique international, et partant la sauvegarde de la paix et de la securite internationales. Dans une moindre mesure, par le biais de la reparation, la sanction penale internationale vise le retablissement de la paix et de la securite internationales.

Ainsi, comme le note Julian FERNANDEZ, il convient de reconnaitre a la sanction penale internationale une double voie complementaire : g La première vise en quelque sorte a "purifier'' le passe, a venger l'offense, a restituer le bien derobe, a retourner a l'equilibre du statu quo ante. La seconde est un pari sur l'avenir N387

386 La Chambre d'appel du TPIY a eu l'occasion d'indiquer cela dans une affaire qu'elle a eue a connaitre : * Aux termes du droit international en vigueur, il est evident que les Etats, par definition, ne peuvent faire l'objet de sanctions penales semblables a celles prevues par les systemes penaux nationaux *, affaire IT-95-14-AR bis, Procureur c/ Blaskic, I.L.R., vol. 110, 1 997, P.6 98, paragraphe 25.

387 Voir FERNANDEZ Julian, La politique juridique extérieure des Etats-Unis a l'égard de la Cour pénale internationale, op.cit., P.38, note de bas de page n° 124.

CONCLUSION GENERALE

L'universalite des droits de l'homme a eu pour principale consequence de placer l'homme comme sujet immediat du droit international. Alors, les violations portees a ses droits constituent des atteintes a l'ordre juridique international. Ce dernier a ainsi non seulement l'obligation, mais aussi et surtout le droit de reagir afin de retrouver la stabilite troublee par le fait de la violation. Dés lors, il lui est offert une large possibilite de choix de la reaction qu'il entend adopter, allant de la legitime defense a la mise en oeuvre des sanctions.

La problematique des sanctions internationales est sujette a de debats et de controverses depuis des siecles. De nos jours, l'ONU s'est vue confiee la responsabilite d'en faire usage dans le but de maintenir ou de retablir la paix et la securite internationales. La reference au chapitre 7 de la Charte des Nations Unies justifie la prise des sanctions en cas de violation des droits de l'homme. L'ONU a la possibilite de faire recours aux organismes regionaux dans le meme but. En outre, ces organisations internationales sont suppleees, le cas echeant, par les Etats qui peuvent mettre en oeuvre des contre-mesures prevues a la troisieme partie, chapitre 2, du Projet d'articles sur la responsabilite des Etats pour fait internationalement illicite. La mise en oeuvre des contre-mesures procede de l'obligation erga omnes de respecter et de proteger les droits de l'homme.

C'est dire que les sanctions politiques sont prevues de fagon exhaustive pour que les droits de l'homme soient respectes en tout temps et en tout lieu, et qu'in fine, la paix et la securite internationales soient sauvegardees. Mais, si le respect des droits de l'homme est susceptible d'être effectif dans les systêmes juridiques nationaux par le fait des sanctions, la difficulte qui s'eléve est celle des violations des droits de l'homme commises par les sanctions politiques. Ces derniéres frappent sans discrimination et sont par ailleurs contre-productives. Comme le note le Professeur Louis CAVARE :

g Comme la guerre, dont elles sont l'expression légalisée, elles atteignent les innocents comme les coupables : c'est la leur infériorité N388.

De meme, le principe de l'interdépendance et de l'indivisibilité des droits de la premiere et de la deuxieme génération ne permet pas que l'obligation de respect des droits de l'homme s'étende tout juste aux droits de l'homme issus du jus cogens38 9.

Or, sanctionner les populations civiles pour les fautes commises par leurs dirigeants est non seulement injuste3 90, mais aussi attentatoire a la paix et a la sécurité internationales. C'est la raison pour laquelle la sanction internationale doit etre adaptée a l'auteur de la violation des droits de l'homme.

Pour cela, des principes ont été émis a la suite du jugement de Nuremberg conduisant a la responsabilité personnelle des auteurs des violations des droits de l'homme. Ces principes permettent l'adaptation de la sanction au coupable et, en fin de compte, le maintien de la paix et de la sécurité internationales.

A ce niveau, l'on envisage la sanction pénale internationale comme un g préalable a la reconstruction politique de l'Etat D et un g soutien au nouveau gouvernement N3 91. Comme l'illustre fort bien le Professeur Emmanuel DECAUX :

g C'est précisément en dissociant le peuple allemand de la dictature hitlérienne responsable de la défaite que les alliés ont permis la reconnaissance rapide d'une Allemagne démocratique D392.

388 Voir CAVARE Louis, * Les sanctions dans le cadre de l'O.N.U. *, op.cit., P.283.

38 9 Voir Conseil économique et social, Relation entre les sanctions économiques et le respect des droits économiques, sociaux et culturels, E/C. 12/1 997/8, CESCR Observations Générales, 12 décembre 1 997.

3 90 Voir COLONOMOS Ariel, * "Tnjustes'' sanctions : Les constructions internationales de la dénonciation des embargos et l'escalade de la vertu abolitionniste *, op.cit.

3 91 Voir MATSON Rafaëlle, La responsabilité individuelle pour crime d'Etat en droit international public, op.cit., PP.48 9-4 96.

3 92 Voir DECAUX Emmanuel, * La définition de la sanction traditionnelle : sa portée, ses caractéristiques *, op.cit., P.3.

Et ajoute-t-il au travers d'une interrogation rhétorique :

g Condamner un Etat en imposant ainsi soit la culpabilité abstraite d'une "personne morale'', vouée a disparaitre, ou a changer de nom, soit la responsabilité collective d'un peuple, au lieu de juger ses dirigeants, n'est-ce pas hypothéquer tout avenir, non seulement pour le peuple mis en cause, mais pour ses voisins ? N3 93.

C'est autrement dire que la sanction pénale internationale est la mesure la plus appropriée au maintien de la paix et de la sécurité internationales. Elle fournit une forme directe de responsabilité pour les auteurs de violation des droits de l'homme et de justice pour les victimes, elle est un soutien a un certain nombre de valeurs démocratiques dans l'Etat, elle contribue a la reconstruction de la confiance du peuple en les droits de l'homme3 94.

Cependant, le droit international a doublé la responsabilité pénale individuelle de la responsabilité internationale de l'Etat. Cette voie, nous l'espérons, devra Itre abandonnée au vu de ses implications, afin que ne soit prise en considération que la responsabilité pénale individuelle.

3 93 Voir ibid.

3 94 Voir FREEMAN Mark et MAROTINE Dorothée, * Qu'est-ce que la justice transitionnelle ? *, op.cit., P.4.

ANNEXES

ANNEXE I : Chapitre 7 de la Charte des Nations Unies

ANNEXE II : Chapitre 2, partie III du Projet d'articles sur la responsabilité des Etats pour fait internationalement illicite

ANNEXE III: Declaration universelle des droits de l'homme

ANNEXE IV : Chapitre 2 du Statut de Rome de la Cour penale internationale

BIBLIOGRAPHIE

OUVRAGES GENERAUX

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TABLE DES MATIERES

DEDICACES i

REMERCIEMENTS ii

SOMMAIRE iii

TABLE DES ABREVIATIONS v

INTRODUCTION GENERALE 1

PREMIERE PARTIE : LES SANCTIONS POLITIQUES, MESURES « A DOUBLE TRANCHANT » 16

CHAPITRE I : UNE DUALITE TYPOLOGIQUE DES SANCTIONS POLITIQUES DANS L'OPTIQUE DU MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SECURITE INTERNATIONALES 19

SECTION 1 : LES SANCTIONS AUX VIOLATIONS DES DROITS DE L'HOMME PRISES PAR LES ORGANISATIONS INTERNATIONALES 20

PARAGRAPHE 1 : Les sanctions imposées par l'Organisation des Nations Unies 20

A- La compétence de principe de Conseil de sécurité dans le cadre du
maintien de la paix et de la sécurité internationale 21

1- La référence au chapitre VII, fondement de la compétence du Conseil de sécurité en cas de violation des droits de l'homme 21

a- L'élargissement de la notion de « menace contre la paix p aux situations de violation des droits de l'homme 22

b- La prise en compte du seuil de gravité des violations des droits de l'homme 24

2- La portée de la compétence du Conseil de sécurité en cas de
violation des droits de l'homme 25

a- La prise de mesures de contrainte non armee dans le but de maintenir la paix et la securite internationales 25

b- La prise de mesures de coercition armee dans l'optique du maintien de

la paix et de la securite internationales 27

B- L'affirmation de la competence des autres organes des Nations Unies dans le cadre du maintien de la paix et de la securite internationales 29

1- La primaute formelle des autres organes de l'ONU en matiere de droits de l'Homme 29

2- La resolution de l'Assemblee generale du 03 Novembre 1 950, g Union pour le maintien de la paix D 31

PARAGRAPHE 2 : Les sanctions prises g en vertu d'accords

regionaux D 34

A- Les mecanismes regionaux d'application des sanctions aux violations des droits de l'homme 34

1- La qualification des situations de violation des droits de l'homme 35

2- L'exigence d'un mandat prealable du Conseil de securite pour

l'application des sanctions par les organismes regionaux 36

B- La determination de l'organisme regional competent 38

1- L'importance du critére geographique 38

2- Le depassement du critére geographique 39

SECTION 2 : LES SANCTIONS AUX VIOLATIONS DES DROITS DE L'HOMME PRISES PAR LES ETATS : LES CONTRE-MESURES 41

DEVELOPPEMENT PRELIMINAIRE : Les fondements juridiques du recours aux contre-mesures en cas de violation des droits de l'homme 41

PARAGRAPHE 1 : Les conditions d'application des contre-mesures 44

A- Les violations des droits de l'homme : condition de declenchement des

1- Une condition necessaire pour le declenchement des mesures de represailles 45

2- Une condition excessive pour le declenchement des mesures de retorsion 47

B- Les conditions d'exercice des contre-mesures 49

1- La condition de proportionnalite 50

2- La condition de la temporalite 51

PARAGRAPHE 2 : La portee des contre-mesures 53

A- Les contre-mesures comme substituts aux sanctions de l'Organisation des Nations Unies 53

1- Les contre-mesures, outils de stabilité de l'ordre juridique international 53

2- Le cas particulier de l'autorisation de l'Organisation des Nations Unies 55

B- Contre-mesures et persistance de la justice privée 57

1- Les contre-mesures, armes entre les mains des Etats puissants 57

2- Contre-mesures et escalade de la violence 59

CHAPITRE II : SANCTIONS POLITIQUES ET RESPECT DES DROITS DE L'HOMME : UNE COMPATIBILITE PROBLEMATIQUE 62

SECTION 1 : LA MISE EN EXERGUE DE L'INCOMPATIBILITE ENTRE LES SANCTIONS POLITIQUES ET LE RESPECT DES DROITS DE L'HOMME 63

PARAGRAPHE 1 : La meconnaissance d'une obligation implicite de respect
des droits de l'homme 63

A- Une obligation issue de la Charte des Nations Unies 64

B- Une obligation contenue dans les textes internationaux relatifs aux droits de l'homme 65

C- Une obligation dérivée du droit humanitaire 67

PARAGRAPHE 2 : Les repercussions des sanctions politiques sur les droits
de l'homme 71

A- Les effets secondaires des sanctions politiques sur les droits de la premiere generation (Droits civils et politiques) 72

B- Les effets secondaires des sanctions politiques sur les droits de la deuxieme generation (Droits economiques, sociaux et

culturels) 74

C- Les effets secondaires des sanctions politiques sur les droits de la troisieme generation (Droit a la paix, au développement et a un environnement sain) 77

SECTION 2 : L'EFFORT DE LEGITIMATION DES SANCTIONS POLITIQUES 79

PARAGRAPHE 1 : La naissance des sanctions intelligentes 79

A- La signification des sanctions intelligentes 80

1- Definition des sanctions intelligentes 80

2- Criteres d'identification des sanctions intelligentes 81

B- L'application des sanctions intelligentes 84

1- L'application des sanctions intelligentes aux individus 84

2- L'application des sanctions intelligentes aux groupes de resistance 85

PARAGRAPHE 2 : Des limites aux sanctions intelligentes 86

A- Des limites relatives a la persistance de l'incompatibilité avec les droits de l'homme 87

1- La persistance de l'incompatibilité avec certains droits civils et politiques 87

2- La persistance de l'incompatibilité avec les droits economiques, sociaux et culturels 89

B- Des limites liées a la consistance des sanctions intelligentes 90

1- Les sanctions intelligentes comme mesures de pression 91

2- Les sanctions intelligentes et le maintien en place des personnes
responsables des violations des droits de l'homme 92

CONCLUSION 95

SECONDE PARTIE : LES SANCTIONS JURIDICTIONNELLES, MESURES « APPROPRIEES » 97

INTRODUCTION 99

CHAPITRE I : LA MISE EN OEUVRE DE LA SANCTION PENALE INTERNATIONALE 100

SECTION 1 : LES CONDITIONS DE FORME A LA MISE EN OEUVRE DE LA SANCTION PENALE INTERNALE 101

PARAGRAPHE 1 : Les conditions de forme relatives au statut des individus 101

A- Les conditions de forme liees a la sanction des autorites
etatiques 101

1- La consecration du principe de l'immunite juridictionnelle des agents etatiques 102

2- La levee de l'immunite juridictionnelle des agents etatiques 103

B- Les conditions de forme relatives a la sanction des autorites non etatiques 105

1- La sanction des individus appartenant a une organisation

criminelle 105

2- La sanction des individus en position d'executants 107

PARAGRPHE 2 : Les conditions de forme liees au respect des principes generaux du droit penal 109

2- Le respect du principe Non bis in idem......................................111 B- Le respect des principes généraux ratione matéria....................112

1- Le respect du principe de légalité..............................................112

2- Le respect du principe de l'imprescriptibilité des crimes...........114

SECTION 2 : LES CONDITIONS DE FOND A L'APPLICATION DE LA SANCTION PENALE INTERNATIONALE...................................................116

PARAGRAPHE 1 : Les conditions de fond tenant a l'acte incriminé.........116

A- Le crime contre l'humanité........................................................116

B- Le crime génocide......................................................................118

C- Les crimes de guerres................................................................120

PARAGRAPHE 2 : Les conditions de fond tenant aux organes d'application...........................................................................................122

A- La mise en oeuvre de la sanction par les juridictions pénales internes....................................................................................123

B- L'application de la sanction par les juridictions pénales spéciales...................................................................................125

C- L'application de la sanction par la Cour pénale internationale...........................................................................127

CHAPITRE II : LES CONSEQUENCES DE LA SANCTION PENALE INTERNATIONALE SUR LA PAIX ET LA SECURITE INTERNATIONALE..................................................................................129

SECTION 1 : LES CONSEQUENCES INHERENTES A L'APPLICATION DE LA SANCTION PENALE INTERNATIONALE..................................................130

PARAGRAPHE 1 : L'affirmation de certains principes fondamentaux du droit international..........................................................................................130

B- L'emergence de l'intangibilite des droits des l'homme 132

PARAGRAPHE 2 : La manifestation de certains principes relatifs au proces penal 134

A- L'emergence du principe de « l'egalite devant le droit 134

B- L'emanation de la previsibilite inherente au jugement de legalite : l'automaticite de la sanction 136

SECTION 2 : LES CONSEQUENCES LIEES AUX FONCTIONS DE LA SANCTION PENALE INTERNATIONALE 138

PARAGRAPHE 1 : Sanction penale internationale et prevention des violations des droits de l'homme 138

A- La prevention generale 139

B- La prevention speciale : dissuasion et mesure de sUrete 140

PARAGRAPHE 2 : Reparation et sanction penale internationale 142

A- Le titulaire d'un droit a reparation 143

B- Le debiteur de l'obligation de reparer 145

CONCLUSION 147

CONCLUSION GENERALE 148

ANNEXES 152

BIBLIOGRAPHIE 179

TABLE DES MATIERES 193






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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery