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Autopsie du phénomène migratoire tunisien : entre "rationalité" de l'émigré et pragmatisme politique

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par Raef JERAD
Ecole Nationale d'Administration de Tunis - Cycle Supérieur de l'ENA 2011
  

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CHAPITRE I. DES AVANTAGES FORT CONVOITÉS

Dompter, reconfigurer, re-paramétrer le fait migratoire pour en faire un relais au service de ses politiques publiques, telles sont les aspirations, peu ou prou, affichées des autorités tunisiennes. On pourrait, dès lors, résumer la politique migratoire en une phrase phare : « l'émigration est un mal nécessaire ». Quoi qu'il en soit, outre les avantages immédiats que les autorités tunisiennes comptent faire dériver d'un tel phénomène (section I), elles aspirent en recueillir des effets bénéfiques à plus long terme, que nous avons regroupés sous la catégorie des avantages médiats (section II).

Section I. Des avantages immédiats

L'émigration des tunisiens croit brusquement, à partir des années 1960, encouragée par un État tunisien ayant hate, à la fois, d'opérer un désengorgement du marché du travail local (paragraphe 1), et de faire des flux de transferts financiers vers les proches restés au pays, une recette pour le drainage de devises (paragraphe 2).

§1. Désengorgement du marché du travail

Le nivellement entre offre et demande d'emploi est une des finalités majeures de la politique migratoire de la Tunisie post-coloniale. Le phénomène migratoire spontané est récupéré, parfois même stimulé et aiguillonné, pour en faire un exutoire de la main d'oeuvre excédentaire76.

76 ESCALLIER (Robert), « Une région bouleversée par les flux migratoires », in LACOSTE (Camille et Yves) (Dir.), L'État du Maghreb, Cérès Édition, Tunis, 1991, p. 96.

Aujourd'hui, le maintien des tendances migratoires est d'autant plus justifié que le chômage qui sevit en Tunisie s'est avéré l'appendice des modalités de structuration et de fonctionnement meme de l'économie tunisienne, et non l'effet de contrecoups, cycliques et momentanés, de prétendues conjonctures économiques défavorables. L'histoire récente de la Tunisie ne manque pas d'exemples qui témoignent que le pouvoir politique n'a pas hésité à mobiliser et instrumenter le fait migratoire pour decongestionner son propre marche du travail. A titre d'exemple, le IVème Plan de developpement (1972-1975), ayant pour principale vocation la relance économique d'une Tunisie profondément traumatisée par l'échec cuisant de l'expérience collectiviste, reconnaît explicitement l'incapacité de l'économie tunisienne de créer un nombre suffisant de postes d'emplois pour faire face à une demande sans cesse croissante. L'émigration étant appréhendée « comme une mesure nécessaire si l'on veut garantir un emploi [...] à chaque actif supplémentaire ». Le dit plan prevoit dans ce cadre « un niveau d'émigration de près de 60 000 travailleurs » seuil qu'il semble « possible d'atteindre et mrme de dépasser s'il en est besoin »77. Plus recemment, le regime dechu de Ben Ali, esperant pouvoir enrayer le soulèvement populaire generalise et sans precedent qui touche une societe tunisienne ne pouvant plus endurer un taux de chômage destructeur qui s'étage, en réalité, entre 15 et 20% de la population active, recourt à la boite à outils migratoire et obtient l'ouverture inconditionnelle des frontières avec la Libye pour résorber le surplus de main d'oeuvre et se maintenir en place. Ceci etant, nous pouvons affirmer que le pouvoir politique s'est toujours représenté l'émigration comme un outil de compensation des déficiences de sa propre politique de l'emploi et, partant de cela, une valve de

77 Ministère du Plan, IVème Plan de Developpement Économique et Social, 1972-1976, Tunis, 1971, p. 115.

stabilité socio-politique. Seulement les faits historiques démontrent que l'expatriation de la main-d'oeuvre excédentaire, notamment vers la Libye, n'est pas un instrument fiable de politique économique pour résorber le chômage. Pour reprendre le cas de la diaspora tunisienne en Libye, la relation avec ce pays, étant sujette aux relations diplomatiques inconstantes entre les deux régimes, le pouvoir libyen n'a jamais hésité à expulser massivement les ressortissants tunisiens, en signe de représailles, lorsque les liens entre les deux parties s'embrouillent. L'économie tunisienne se trouve, à chaque fois, inapte à contenir ce reflux massif, et dans l'incapacité totale d'intégrer les milliers d'expulsés que le marché du travail national avait refoulés à une époque plus ou moins lointaine.

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