WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Politique de l'enseignement universitaire en République Démocratique du Congo (1947-1993)

( Télécharger le fichier original )
par Aurélie Maketa
Université de Kinshasa - Licence 2011
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

D. La rupture

Le 25 novembre 1965 eut lieu le coup d'Etat du général Joseph Mobutu. Les débuts du nouveau régime furent prometteurs. Le nouveau régime eut droit à

82 GAMBEMBO, D., « De Lovanium à l'Université de Kinshasa » dans L'Université dans le devenir de l'Afrique. Un demi siècle de présence au Congo-Zaïre, Bruxelles-Paris, CUD - L'Harmattan, 2007, p. 68 : Au delà du salaire qui n'était pas le même pour les ressortissants congolais et ceux étrangers. Il parle d'une certaine discrimination à son égard « Bien que je sois issu d'une université catholique, celle de Fribourg en Suisse, il me fut imposé un

stage de six mois à Louvain(...). Alors que nous étions trois venus de l'Université de Fribourg, avec le même titre de docteur, mes collègues furent nommés au grade de Professeur associé et moi à celui d'assistant de première classe ! (...) en outre , le doyen de la faculté reçut la mission de faire un rapport semestriel sur ma moralité, condition pour un engagement définitif. J'étais le seul à être soumis à ce régime ! Je connus même l'éloignement de la faculté pour un bureau dans un chantier (l'actuel bâtiment de Droit, à l'époque en construction) ».

83 HULL, G., Op. Cit., p.6

84 HULL, G., Op. Cit., p.58

l'adhésion populaire, ainsi qu'au soutien des étudiants.85 La politique du nouveau gouvernement, n'était au départ pas très différente de celle de l'ancien dans le domaine scolaire. Et le leadership des anciens colonisateurs dans les milieux universitaires, commençait à faire des mécontents au sein de la population estudiantine, surtout à Lovanium.

Les étudiants reprochaient à l'université son caractère trop colonial. Ils lui reprochaient d'être un « Etat dans un Etat, une survivance insupportable du colonialisme sous sa forme la plus originale... » 86. Les étudiants de Lovanium se plaignaient de l'esprit colonialiste qui inspirait toute la politique de Lovanium et en faisait une université belge, un dédoublement de Louvain totalement indépendant des autorités congolaises87. Au-delà de leurs autres revendications pour de meilleures conditions de travail et de vie, ils voulaient une plus grande transparence dans la gestion de l'université ainsi qu'une implication plus active des étudiants dans le gouvernement de l'Université à travers la cogestion.

Pour faire entendre leurs voix, les étudiants qui étaient réunis dans des groupements d'étudiants organisèrent de nombreuses grèves. Les frictions entre les étudiants d'une part et les autorités académiques étaient de plus en plus, perceptibles. Pour tenter de trouver une solution à cette crise, un « colloque national sur l'enseignement » fut convoqué à Goma en février 1969. Il réunissait tous les acteurs de l'enseignement universitaire88.

Ce colloque tenta d'apaiser les étudiants en adhérant à une partie de leurs revendications. La charte de Goma propose aux étudiants, dans son premier article, la coresponsabilité qu'elle définit comme le fait de participer effectivement à la gestion et de participer avec voix délibérative aux organes de décisions. Les étudiants sont définis dans l'article III comme un groupe de participation au même titre que les autorités académiques, le personnel enseignant et scientifique national et étranger. Leurs représentants élus peuvent participer aux conseils des facultés ou des sections d'études, au conseil rectoral, au conseil pédagogique, conseil de discipline, conseil de résidence, et tous les conseils restreints. Ils ne sont exclus que du conseil d'administration89.

85 BONGELI, E., Op. Cit., p.70 les étudiants de l'AGEL surtout

86 Idem, p.62

87 Ibidem

88 Initié par le ministre Kithima

89 EKWA, M., « La coresponsabilité dans l'enseignement supérieur. Le colloque de Goma (15-20 février 1969) » dans Congo-Afrique, p.174

Cette charte sera trouvée trop progressiste par les autorités du pays qui la qualifieront d'inacceptable90et la rejetteront. Ce refus de l'Etat de donner suite à leurs revendications fut à la base d'une mobilisation massive des étudiants de Kinshasa pour la marche de protestation du 04 juin 1969. C'était une marche pacifique organisée par les étudiants réunis au sein du C.E.K91. Ils souhaitaient se rendre au ministère de l'éducation nationale d'abord, puis jusqu'à la demeure du Chef de l'Etat pour lui remettre leurs revendications. Cette marche n'avait pas été autorisée par le gouvernement, mais les étudiants passèrent outre.

Les militaires ouvrirent le feu sur les étudiants et cette manifestation se solda par une dizaine de morts92.

Pour expliquer la réaction du pouvoir qui semble démesurée face à la contestation - ouvrir le feu contre des étudiants qui revendiquent pour une amélioration du système estudiantin-, il faut prendre en compte le fait qu'entre le pouvoir en place et les étudiants il existait des points de friction.

Les milieux estudiantins étaient de tendance marxiste léniniste93. Ils reprochaient aux autorités du pays une politique trop néocolonialiste, et outre leur revendication pour une réforme de l'enseignement supérieur, les universitaires, qui s'étaient toujours impliqués dans la politique et qui ne craignaient pas de prendre position94, devenaient des contestataires du régime dictatorial du Président Mobutu.

Ils organisèrent une marche pour protester contre le refus de l'accord de Goma mais aussi contre le recul de la démocratie au Congo. Ils entendaient protester contre le néocolonialisme et l'impérialisme qui sévissaient en République Démocratique du Congo. La veille du 4 juin 1969 l'un des tracts qui circulaient sur le campus était ainsi

90 Ils furent influencés par une note officieuse des autorités académiques leurs expliquant la nature inspiratrice que pouvaient avoir une telle réforme ;

91BONGELI, E., Op. Cit., p. 83 : ce comité réunissait des étudiants de toutes les institutions d'enseignement supérieurs installées à Kinshasa.

92 DEMUNTER, P., Analyse de la contestation estudiantine au Congo-Kinshasa (juin 1969) et de ses séquelles, Bruxelles, Etudes africaines du CRISP, 1971 : Le nombre exact n'a pas pu être établi. Entre les autorités qui parlent de moins de dix morts et ceux qui parlent de plus d'une vingtaine de morts. Ce dénombrement-ci est celui de l'auteur qui pense que les témoignages les plus dignes de foi sont ceux qui attestent d'à peux près une vingtaine de morts.

93BONGELI, E., Op. Cit., p. 77 : L'UGEC au cours de son troisième congrès en octobre 1966 adopta une idéologie et une méthode d'explication marxiste-léniniste.

94 Il s'insurgèrent contre la sécession katangaise, ils s'opposèrent en 1964 à la commission constitutionnelle crée par le président Kasa Vubu, ils protestèrent aussi contre la venue au Congo en 1968 du vice président américain Humphrey pour protester contre le néo colonialisme.

formulé « En tant qu'étudiant, il est clair que nous sommes au premier chef sensibilisés par le problème crucial de l'enseignement au Congo. Mais il n'y a pas l'ombre d'un doute que c'est tout le problème du développement général du pays qui est posé et, par voie de conséquence, la politique globale du gouvernement. C'est pourquoi les étudiants réitèrent leur conviction d'une nouvelle conception du développement. Par delà les problèmes de l'enseignement et de la bourse d'études, les étudiants posent le nécessaire problème de libération nationale au seul profit des masses paysannes et ouvrières du Congo Kinshasa »95.

La marche du 4 juin 1969 et sa répression brutale marque un tournant du changement de la politique de l'Etat vis-à-vis de l'enseignement supérieur. Elle marque les débuts de la fin de l'autonomie des établissements universitaires. La fin de cette autonomie fut totalement consommée avec la réforme de 1971.

Mais avant cela quelques changements eurent lieu dans les milieux universitaires. Face à cette contestation et à sa gestion, il y a eu des sanctions temporaires, car ces mesures ont été levées par le Président Mobutu, le 14 octobre 1969, jour de son 39éme anniversaire. Ces mesures ont conduit à :

- La fermeture de certains établissements d'enseignement supérieur : l'université Lovanium, l'IPN et l'IEM notamment ;

- La condamnation de certains étudiants, 19, jugés et condamnés à des peines de prison qui allaient de 2 à 20 ans de prison ferme96 ;

- Le renvoi de certains étudiants avec impossibilité pour eux de s'inscrire dans d'autres établissements.

D'autres mesures définitives ont été prises. C'est avec ces mesures que la rupture avec le passé intervient, que s'instituent les débuts de la mainmise de l'Etat sur l'enseignement supérieur aboutissant à la création de l'UNAZA en 1971.

Pour les étudiants, l'une des conséquences directes est l'interdiction de toutes les organisations ou associations estudiantines autres que la JMPR, à partir du 12 juin 1969. Ainsi, la JMPR devient le seul syndicat légal des étudiants. En outre, l'étude du Manifeste de la N'sele devient obligatoire dans touts les établissements scolaires du pays97.

95 DEMUNTER, P., Op. Cit., p. 14

96 Ils furent jugés sur les accusations de pour complots contre la sureté de l'Etat, organisations. Pour excitation à la révolte...

97 DEMUNTER, P., Op. Cit., p 19

Le gouvernement décide, lors du conseil des ministres du 13 juin 1969, qu'une restructuration de l'enseignement supérieur va être menée avec comme finalité un renforcement du contrôle de l'Etat sur les instituts d'enseignement supérieur. Pour éviter que ne se répète les évènements du 4 juin, les conditions d'admission à l'université deviennent plus strictes, la création des facultés, instituts ou écoles est soumise à l'accord préalable du gouvernement. Les colloques et les dialogues avec les étudiants sont remplacés par une participation active de leurs délégués dans les différents conseils consultatifs qui siégeaient auprès du ministère de l'éducation nationale.

Législativement, six lois consacrent cette nouvelle politique. Il s'agit de :

- La loi n° 69/034 du 1er août 1969 qui stipulait que désormais tous les établissements d'enseignement supérieur dépendaient du ministère de l'éducation nationale ;98

- La loi n°69/035 du 1er août 1969 qui donne le droit au Président de la République de nommer le recteur et le vice-recteur99 ; les professeurs ordinaires, les professeurs, les professeurs associés, le personnel scientifique à temps plein et le personnel académique des cadres supérieurs, quant à eux, étaient nommés par le ministre de l'éducation nationale, et cela même dans les universités privées.100

Les quatre autres lois concernaient aussi l'enseignement supérieur non universitaire ;

- La loi n°69/153 du 4 août 1969 portant création du conseil national de l'enseignement supérieur non universitaire. Ce conseil était constitué des membres de droit et des membres nommés par le ministre de l'éducation nationale. Il était appelé à :

- Donner son avis sur la représentation des enseignements à dispenser dans les établissements ;

- La détermination du niveau académique d'engagement du personnel enseignant et scientifique ;

- Déterminer la politique de formation des cadres enseignants, les conditions d'inscription des étudiants, la politique générale des bourses et prêts aux étudiants, les programmes ainsi que le problème de l'emploi des diplômés.101

98 Moniteur congolais, Kinshasa, n°16, 15 août 1969, p. 659.

99 Sur une proposition du conseil d'administration.

100 Moniteur congolais, Kinshasa, n°24, 15 décembre 1969, pp.959-961.

101 Moniteur congolais, Kinshasa, n°16, 15 août 1969, pp. 661-663

- La loi n°69/154 du 4 août 1969 relative à la création du conseil national de l'éducation, constitué de la même manière comme celui de l'enseignement supérieur non universitaire. Il a un rôle consultatif auprès du ministre de l'éducation nationale et est appelé à donner son avis sur toutes les questions relatives à la politique générale en matières d'éducation et d'enseignement que le ministère lui soumet ;102

- La loi n°69/155 du 4 août 1969 qui modifie la composition de la commission
interuniversitaire consultative tel que défini dans la loi n°57 du 5 mars 1969 ; 103

- La loi n°69/156 du 4 août 1969 : elle créait une commission consultative de l'enseignement supérieur non universitaire chargé de donner son avis sur les programmes et la durée des études. Elles pouvaient proposer des modifications des textes légaux relatifs à l'enseignement supérieur et non universitaires ainsi que toutes mesures pouvant contribuer au développement et à l'harmonisation de ce secteur.104

Pour survivre, les universités durent s'adapter et les trois universités en présence modifièrent leurs structures pour être en accord avec la vision du gouvernement. Les étudiants, pour leur part, continuèrent à s'insurger contre le système et à protester en coulisse. Deux ans plus tard, ils l'exprimèrent par un coup d'éclat: en tentant une commémoration en l'honneur de tous ceux qui étaient tombés le 4 juin 1969. Le pouvoir considéra ces cérémonies comme une provocation et réagit en envoyant les forces armées. La violence de la réaction des étudiants face à cette intrusion entraîna des décisions graves de conséquences pour les étudiants de Lovanium d'abord et pour toutes les universités du Congo ensuite. Le pouvoir décida de la fermeture de l'UL pour une durée indéterminée et de l'enrôlement de tous les étudiants de Lovanium ainsi que de quelques étudiants de Lubumbashi dans l'armée. Après cela, il s'en suivit une vaste réforme de tout le système de l'enseignement universitaire et supérieur sur toute l'étendue de la République avec comme point d'orgue, la création de l'UNAZA.

102Moniteur congolais, Kinshasa, n°16, 15 août 1969, pp. 663-665 103Moniteur congolais, Kinshasa, n°16, 15 août 1969, p. 665

104 Moniteur congolais, Kinshasa, n°16, 15 août 1969, pp. 665-666

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway