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Politique de l'enseignement universitaire en République Démocratique du Congo (1947-1993)

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par Aurélie Maketa
Université de Kinshasa - Licence 2011
  

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CHAPITRE III : La politique de l'enseignement
universitaire au Congo. (1971 - 1993)

A partir de 1969, des mesures ont été prises par l'État pour réduire l'autonomie des universités. Le discours officiel par rapport à ce durcissement est que vue les sacrifices immenses consentis par l'État pour le secteur de l'éducation d'abord et universitaire et supérieur ensuite, il est parfaitement naturel, qu'il y ait un droit d'ingérence.

Ce droit d'ingérence, l'État congolais l'applique pleinement surtout à travers les deux réformes de 1971 et 1981. « L'enseignement [étant] un moyen et un instrument efficace au service de l'idéal et des aspirations de la nation. il fallait une parfaite harmonie entre la finalité et les méthodes d'enseignement d'une part, et le système politique d'autre part ». En vertu de cela le pouvoir se donna la toute puissance sur le secteur de l'éducation universitaire afin que « l'enseignement soit imprégnés de la philosophie du système politique »105.

I. Les premières grandes réformes (1971-1981)

Les évènements qui entourèrent la marche du 4 juin 1969 avaient déjà permis une plus grande intrusion du gouvernement dans les affaires de l'Université. En effet, des lois avaient été promulguées et les Universités avaient décidé de les respecter. Les étudiants qui militaient pour une plus grande transparence dans leur milieu, se virent privés de leurs organes d'expression propres, avec la suppression de tous les syndicats d'étudiants. On leur imposa un organe d'expression conforme à l'optique gouvernementale : la JMPR. Elle devint le seul organe d'expression étudiant autorisé par le bureau politique du MPR à partir du 12 juin 1969.

En plus d'être le seul organe habilité à parler au nom des étudiants, il avait aussi un caractère obligatoire. Tous les étudiants faisaient obligatoirement partie du JMPR. Pour accentuer cet aspect obligatoire et incontournable, chacune des universités fut désormais définie comme une section de la JMPR dirigée par le chef d'établissement. Les facultés étaient des sous sections, et les promotions des cellules. Pour être sûr que les étudiants ne dérogeraient pas à cette règle, des astuces sont trouvées par les officiels. En effet, le 9 août 1969, il est décidé que désormais toute personne voulant intégrer un établissement universitaire devait être régulièrement inscrit à la JMPR et

105BONGELI, E., L'université contre le développement au Congo Kinshasa, Paris, l'Harmattan RDC, 2009, p. 91

avoir sa carte de membre. Pour pouvoir bénéficier d'une bourse d'étude, il fallait être inscrit dans une section de la JMPR106.

Malgré toutes ces précautions visant à faire taire les voix discordantes provenant de l'Université, certaines blessures restent ouvertes et le 4 juin 1971, le calme apparent est brisé.

Les évènements du 4 juin 1969 avaient laissé un certain flou. Il existait une grande différence entre la version officielle et la version officieuse, sur les raisons de cette tragédie qui avait causé la mort de certains étudiants à propos du nombre de mort même des chiffres contradictoires circulaient. Qui pis est, il n'a pas été permis aux étudiants et aux familles de pleurer leurs morts et un silence assourdissant de la part des de la communauté extérieure a suivi cette journée107. Les milieux universitaires ont gardé de ce jour un certain ressentiment contre le pouvoir et aussi contre les autorités académiques accusées de jouer le jeu du gouvernement.

Deux ans après cet événement, les étudiants de Lovanium ont voulu commémorer ce jour de deuil et cela malgré l'interdiction des autorités de l'université. Ils organisent une veillée mortuaire dans la nuit du 3 au 4 juin et le matin du 4 juin, un cercueil vide est enterré symboliquement en face du bâtiment administratif. Après quoi une messe est dite en mémoire de tous ceux qui étaient tombés108. Le pouvoir, qui était déjà très méfiant vis-à-vis des universitaires qu'il soupçonnait de subir une grande influence des pays communistes109, y vit une révolte. Le lendemain de ce coup de tête des étudiants, le conseil des ministres décida de fermer l'université et d'enrôler les étudiants dans l'armée110.

Pour gérer la crise, le 6 juin le bureau politique du MPR sous l'inspiration du président Mobutu décide de créer une « commission de réforme de l'enseignement supérieur au Congo » qui a pour mission de :

- Définir une nouvelle conception de l'enseignement supérieur du pays.

- Prévoir les moyens d'encadrement des étudiants pour leur assigner l'optique du parti et de la JMPR.

106 DEMUNTER, P., Analyse de la contestation estudiantine au Congo-Kinshasa (juin1969) et de ses séquelles, Bruxelles, Etudes africaines du CRISP, 1971, pp.19-20

107 GABEMBO, D., « De Lovanium à l'Université de Kinshasa » dans L'Université dans le devenir de l'Afrique. Un demi siècle de présence au Congo-Zaïre, Bruxelles-Paris, CUD - L'Harmattan, 2007, p 70.

108 Idem, pp.71-72

109 On était en pleine guerre froide, et le Congo était dans le camp des capitalistes.

110 BONGELI, E, Op. Cit., p.88.

- Réfléchir sur l'enseignement à donner surtout dans le domaine des sciences humaines.

Cette commission de réforme a été composée uniquement de membres du Bureau Politique du MPR. Ce sont les résolutions prises par les participants qui ont été discutées lors du premier « congrès des professeurs nationaux de l'enseignement supérieur » réuni à la N'sele111, qui ont abouti à la réforme de 1971.

A. Réforme de 1971

Cette réforme implique des grands changements dans les milieux universitaires, notamment :

- Les 3 universités en présence Lovanium, l'U.O.C et l'U.L.C sont nationalisées et sont réunies dans une seule Université : l'Université Nationale du Zaïre (UNAZA).

Cette dernière disposait d'un conseil d'administration unique qui définissait, dans tous les domaines, la politique des universités et des instituts d'enseignement supérieur non universitaire.

Chacune des trois universités devint un campus universitaire, avec une spécialisation particulière et des facultés bien distinctes.

· Le Campus universitaire de Kinshasa comprenait:

· La Faculté de Droit ;

· La Faculté de Médecine et Pharmacie ;

· La Faculté Polytechnique;

· La Faculté des Sciences [(Maths + chimie + Physique)] ;

· La Faculté des Sciences Économiques ;

· La Faculté de Théologie.

· Le Campus universitaire de Lubumbashi comprenait :

· La Faculté des Lettres ;

· La Faculté de Médecine vétérinaire ;

· La Faculté Polytechnique (Mines + Métallurgie + Chimie industrielle) ;

· La Faculté des Sciences (Géologie + Géographie + Minéralogie) ;

· La Faculté des Sciences sociales administratives et politiques.

· Le Campus universitaire de Kisangani regroupait :

· La Faculté des Sciences (Biologie + Botanique + Zoologie),

· La Faculté des Sciences Agronomiques,

· La Faculté des Sciences de l'Éducation.

111 Idem, p. 89

- Tous les instituts supérieurs existants sont intégrés dans l'UNAZA, et pour optimiser les cours et les uniformiser, une échelle unique de diplômes et de grade est instituée pour toute l'UNAZA. Désormais il devient plus facile pour un étudiant de passer d'un institut à une université. Ses cycles sont répartis de la manière suivante :

· Un premier cycle de graduat ;

· Un deuxième cycle de licence, d'ingénieur, de pharmacien ou de doctorat ;

· Un troisième cycle de doctorat.

La finalité de cette réforme était de mettre sur pied une « Université zaïroise étant en état d'assurer l'ensemble des services nécessaires à la société moderne et de s'adapter constamment aux besoins de celle-ci »112. Il fallait rejeter l'ancien système qui dispensait un savoir trop encyclopédique, pour que l'enseignement universitaire devienne plus concret.

L'État expliqua qu'elle voulait éliminer toute les idéologies centrifuges des universités (catholique, protestante, libre), mettre un terme aux distinctions des universités et rationaliser la gestion administrative en centralisant le système113. Toutefois nombre d'observateurs extérieurs et intérieurs sont d'accord sur le fait que cette réforme visait beaucoup plus à contrôler d'avantages les milieux universitaires et à instrumentaliser l'université.

Officiellement, cette réforme était essentielle, car il fallait rentabiliser l'enseignement universitaire : l'État estimait qu'elle dépensait beaucoup d'argent pour ce secteur mais qu'en contrepartie, les étudiants formés n'étaient pas utilisables directement. Il fallait donc une réorganisation rationnelle de toute la structure114 pour empêcher le développement anarchique qui sévissait dans ce domaine. L'enseignement au Congo devait être désoccidentalisé pour détruire l'image de « jeunes formés en occident » que donnaient les universitaires congolais115.

En outre, depuis quelques années, des voix se levaient dans le pays pour critiquer le système universitaire et demander sa réforme.

Les étudiants congolais, à travers leurs nombreuses grèves, demandaient entre autres choses des réformes pour sortir du carcan de l'occidentalisation que lui imposait son corps professoral.

112UNAZA, 1973-1974, 1974-1975, Kinshasa, Presses universitaires du Zaïre, , ... p. 16

113 GAMBEMBO, D., Art. Cit., p 72

114 Idem, p 91

115 BONGELI, E., Op. Cit., p. 89

Pour Mgr Luc Gillon, il était clair qu'il fallait changer des choses dans le système. En 1967, il rédigea une note sur la nécessité de « la réorganisation de l'Enseignement universitaire au Congo » dans laquelle il proposait de créer une Université Nationale qui serait un établissement public chargé de la programmation générale, de la coordination du développement et de la haute gestion de l'enseignement universitaire116. Deux ans plus tard, en Belgique, lors d'un séminaire sur la formation des cadres de l'enseignement universitaire, cette idée resurgit. L'on proposa même de créer un regroupement de ces universités pour permettre une plus grande concertation entre les universités en présence117.

A coté de ces autres revendications, une autre revenait : l'inadéquation entre la formation donnée et les besoins réels de la société, le professeur Verhaegen reprocha à l'université de créer des « diplômés parasites »118.

Ces exemples montrent qu'une réforme de l'enseignement était inévitable et demandée de toute part pour permettre une meilleure utilisation de l'université dans le processus du développement du pays. Les différents acteurs étaient d'accord sur le fait que le milieu universitaire avait de sérieuses lacunes, et qu'il était essentiel de trouver des moyens pour y remédier et l'améliorer.

A ce stade des revendications, la réforme de 1971 pourrait être considérée comme une étape importante pour le développement et le relèvement de l'enseignement supérieur au Congo. Quand en est-il au juste ?

La réforme, à ses débuts, se fixa des objectifs très élevés. En effet, elle devait permettre de former un nouveau type d'homme congolais, « un patriote convaincu, intègre, engagé, qui enracine sa personnalité dans les valeurs africaines de solidarité, de respect des anciens et des autorités. Un congolais ouvert, apte à l'intégration harmonieuse des valeurs de modernité, préparé à la réalisation d'un Congo moderne et en continuel développement, tout en conservant sa personnalité et son authenticité »119. Elle devait inciter les universités à s'africaniser ; en se fixant comme objectif de « dispenser un enseignement qui décolonise les esprits, c'est-à-dire un enseignement dont le contenu sera basé non seulement sur des valeurs universelles, mais aussi sur les valeurs africaines et surtout [zaïroise] ». Et leur permettre participer

116 TSHIBANGU, T. (Mgr), Op. Cit., p 25

117 BONGELI, E., Op. Cit., p89

118VERHAEGEN, B., L'enseignement Universitaire au Zaïre de Lovanium à l'UNAZA, Paris-Bruxelles-Kisangani, L'Harmattan-CRIDE-CEDAF, 1978, p 122

119 TSHIBANGU, T. (Mgr), Op. Cit., p. 102

activement au processus de développement du pays en fournissant avec une économie maximum de temps et d'argent tous les cadres dont le pays avait besoin120.

Force est pourtant de constater que ce ne fut pas le cas. La réforme de 1971 conduit plutôt à une politisation de l'Université qui s'opéra souvent aux dépens de celle-ci. C'est cela qui fait dire que le but réel de cette réforme n'était pas une amélioration quelconque du système, mais plutôt une main mise effective du pouvoir afin de réduire à néant ces lieux de contestation qu'étaient les universités et les instituts.

Désormais c'est au gouvernement et au parti unique, le MPR, que revient le contrôle de l'UNAZA. Les nouvelles lois sont claires. Seul le Président de la République est habilité à faire le choix du recteur, du pro-recteur121 ainsi que du vice-recteur122. Un autre exemple de la toute puissance du gouvernement, dans le nouveau système, se retrouve dans la composition même du conseil d'administration qui est, selon les nouvelles règles en vigueur, l'organe supérieur assurant la direction de l'UNAZA au fil du temps, ce contrôle se faisant d'ailleurs de plus en plus sentir. L'on peut le constater à travers l'évolution de la loi.

C'est le Conseil d'Administration qui définit la politique et les objectifs de l'université ; c'est lui qui crée les instituts supérieurs, les facultés dans les campus, les départements et les enseignements nouveaux ainsi que les sections dans les instituts ; et c'est encore le Conseil d'Administration qui arrête, sous réserve de l'article 48123, le statut du personnel de l'Université124.

Lorsque l'ordonnance- loi portant n° 71-075 portant création de l'Université Nationale du Congo fut promulguée, elle définissait ainsi les membres composant le Conseil d'administration dans ses articles 5 et 6 :

« Article 5.

120 KUYIYA, Makiona, L'UNAZA face au devenir socio professionnel de l'étudiant, Mémoire de licence en SPA, UNILU, 1979-1980, p. 2O.

121UNAZA, Op. Cit., p.24 : Article 10 : le recteur et le pro-recteur de l'Université Nationale sont nommés par le Président de la République sur proposition du Ministre de l'Education Nationale et après avis du Conseil d'Administration de l'Université Nationale...

122 Idem, p.26 Article19 : le vice-recteur est nommé par le président de la République, sur proposition du Ministre de l'Education Nationale et après avis du Conseil d'Administration de l'Université Nationale...

123Idem, p.23 : Chapitre VII. Statut du Personnel Administratif, Académique et Scientifique.

Article 48 : Le président de la République fixe par voie d'ordonnance le statut du personnel académique, scientifique et administratif du cadre supérieur de l'Université nationale.

124Idem, p.23 : Article 7.

L'Université nationale du Congo est administrée par un conseil d'administration comprenant :

- Le Ministre de l'Education Nationale

- Le Recteur

- Les Vice-recteurs des campus universitaires

- Le Président du Conseil général des Instituts supérieurs pédagogiques - Le Président du Conseil général des Instituts supérieurs techniques

- Le président de l'Office Nationale de la Recherche scientifique

Deux délégués du parti désignés par le bureau politique pour chaque session du conseil.

Le président de la République peut, sur proposition du Ministre de l'éducation Nationale, nommer cinq autres membres au maximum.

Article 6.

Les fonctions de Président et de Vice-président du Conseil d'administration sont remplies respectivement par le Ministre de l'éducation Nationale et par le Recteur.125

L'ordonnance loi n° 72-002 du 1é janvier 1972 modifia cette composition. Dans son article 2.

« Le Conseil d'administration comprend :

1) Le Recteur

2) Le Pro-Recteur de l'Université Nationale

3) Le Secrétaire Générale de l'Education Nationale

4) Les Vice-recteurs des Campus Universitaires

5) Le Président du Conseil général des Instituts Supérieurs pédagogiques

6) Le Président du Conseil général des Instituts Supérieurs techniques

7) Le Président de l'Office National de la Recherche et du Développement

8) Deux délégués du Parti désignés par le bureau politique

125 Moniteur congolais n° 20 du 15-10-1971, p. 929

9) Eventuellement des membres « étrangers » nommés par le Président de la République, sur proposition du ministre de l'Education Nationale, pour un terme de cinq ans renouvelable.

Le nombre de ces membres ne peut excéder cinq.

Les fonctions de Président et de vice-président du Conseil d'administration sont remplies respectivement par le Recteur et le Pro-Recteur. Si le ministre de l'Education Nationale assiste aux séances du Conseil d'administration il en est de plein droit le Président.126

Après une autre modification par l'ordonnance loi 74-022 du 12 janvier 1974, la présidence du Conseil d'administration n'était plus l'apanage du recteur, qui perdit de son pouvoir, au profit des membres du MPR :

« Article 6.

Le conseil d'administration comprend :

1) Trois délégués du MPR nominés par le Président de la République par voie d'ordonnance.

2) Le Recteur et le Pro-Recteur de l'UNAZA.

3) Le Directeur Générale de l'Education nationale.

4) Les présidents du Conseil Générale des campus, des Instituts supérieurs pédagogiques et des Instituts supérieurs techniques.

5) Le Directeur Générale de l'Office nationale de la Recherche et du Développement.

6) Eventuellement, des membres nommés par le Président de la République sur proposition du commissaire d'Etat à l'Education nationale, pour un terme de cinq ans, renouvelable ; le nombre de ces membres ne peut excéder 9.

Les fonctions de Président et de vice-président du Conseil d'administration sont remplies par deux délégués du MPR.127

L'on assiste ainsi à une baisse des critères de sélection des autorités académiques car désormais le choix du Président prime sur les compétences. Il faut savoir que le pouvoir du président est grand dans le conseil d'administration, car la loi stipule que « Les décisions sont prises à la majorité absolue des voix des membres présents. En

126 Journal officiel n° 3 du 1-2-1972, p. 69.

127 UNAZA, Op. Cit., p.22 : Article 6.

cas de partage des voix, celle du président de séance est prépondérante »128. Même au niveau des campus dés le départ, il y a ce laxisme profond, pour exemple, la fonction de vice-recteur à l'UNAZA qui pouvait être exercé par toute personne ayant un « diplôme d'un niveau au moins égal à la licence » pourvu qu'il ait été nommé par le Président de la République129. Il n'était pas nécessaire d'être un professeur pour devenir vice-recteur. Or le rôle de vice recteur était extrêmement important dans les campus, car c'est eux qui dirigeaient les comités directeurs des campus130; ils assuraient également la direction générale de l'université, convoquaient et présidaient avec voix délibérative les conseils de faculté et enfin assistaient, avec voix délibérative, aux jurys d'examen131.

A coté de cela, la réalisation des grands objectifs affichés de la réforme se heurtait au manque de financement adéquat ; Mgr Tshibangu, recteur de l'UNAZA, parlant des écueils rencontrés par la réforme, cite le budget constamment insuffisant qui était « toujours inférieur aux prévisions soumises au Législateur » et « l'irrégularité dans son octroi, [qui] rendait impossible une gestion rigoureuse ». A cela s'ajoutait une place totalement insuffisante pour les subventions scientifiques « 80% du budget allaient à la rémunération et à la restauration »132. Les laboratoires et les bibliothèques ne fonctionnaient pour une bonne part que grâce aux accords de coopération.

Un autre problème de taille était la « lourdeur [...] et [la] lenteur [...] administrative [...] compte tenu de l'éloignement de nombreux établissements de l'UNAZA disséminés à travers tout le pays »133. Cela conduisait au blocage des initiatives locales. Dans ce système, les propositions de ceux qui travaillaient sur le terrain et qui auraient pu mieux cerner les difficultés rencontrées étaient rejetées pour privilégier les

128 Moniteur congolais n° 20 du 15-10-1971, p. 930 129Idem, p. 931 : Article 19.

130Le comité directeur était l'organe principal des campus universitaires. Il avait comme attributions, selon l'article 14 : 1°. Il arrête le règlement d'ordre intérieur du campus universitaire... ; 2°. Il détermine, après avis des facultés ou départements intéressés, le nombre d'heures de cours que comporte l'enseignement de chaque matière ; 3°. Il fixe, après avis de l'intéressé, le nombre d'heures de cours qu'un membre du personnel enseignant à temps plein peut assurer au-delà de la durée minimum légale du service des membres de ce personnel ; 4°. Il établit le calendrier de l'année académique et, après avis des facultés ou des départements, selon le, l'horaire des cours et le calendrier des examens et des délibérations ; 5°. Il décide, dans la limite des crédits budgétaires, des travaux d'entretien des bâtiments du campus universitaires.

131UNAZA, Op. Cit., p. 26 : Article 20.

132TSHIBANGU, T. (Mgr), Op. Cit., pp. 31-32. L'exemple qu'il nous donne est édifiant : En 1979-1980 : 90.000.000.00 Zaïres sont prévus pour la restauration, contre 500.000.00 Zaïres pour les bibliothèques de l'ensemble de l'UNAZA.

133Idem p.31.

décisions des responsables qui se trouvaient à des milieux de kilomètres de distance et n'avaient peut- être pas un aperçu global des réalités du terrain134. Le président de la République lui-même admet qu'une certaine « lourdeur de gestion au niveau du rectorat a parfois paralysé bien des choses »135.

Pour finir, l'un des problèmes le plus important était un conflit d'autorité et de compétence entre le rectorat, les instances du MPR et le Ministère de tutelle ou le président du conseil d'administration. Certaines décisions importantes pouvaient être prises, puis annulées parce que ne correspondant pas à la volonté de certains décideurs politiques haut placés136.

Du point de vue des infrastructures, à cause du « non établissement d'un grand projet d'ensemble [...] d'extension et de développement de l'Université »137, l'université qui n'avait pas appliqué de politique d'expansion des bâtiments dut remettre en cause sa capacité d'accueil, qui devenait insuffisante face à l'afflux toujours plus nombreux d'étudiants et cela dans les trois campus.

Cette réforme, comme l'on peut le voir n'a pas atteint ses objectifs, c'est même plutôt le contraire qui s'est produit. Les universités qui, en 1965, au-delà de tout ce qu'elles pouvaient rencontrer comme difficultés, avaient des politiques d'expansion pour une meilleure capacité d'accueil138, se trouvèrent, confrontées à une stagnation qui a entraîné une incapacité à contenir tous les étudiants et à les faire étudier dans des conditions acceptables. Le président Mobutu le reconnaît en affirmant que « l'insuffisance des structures d'accueil risque de compromettre la qualité de l'enseignement »139.

134NGUB'SIM, R., Pour la refondation de l'université de Kinshasa et du Congo : Faut-il recréer Lovanium ?, Paris, L'Harmattan, 2010, p. 190 : La masse de circulaire émanant du rectorat et du ministère allant jusqu'aux détails de la gestion quotidienne, témoignait justement de cette illusion bureaucratique, avec le double danger d'une standardisation artificielle du fonctionnement de tous les établissements pour les besoins de l'administration centrale et d'un penchant à donner des solutions formelles et stéréotypées au détriment des solutions spécifiques, fruit de l'imagination créatrice des acteurs de terrain.

135MOBUTU Sese Seko, Discours, allocutions et messages : 1976-1981, tome 2 (1979-1981), Kinshasa, Bureau du président, p. 154.

136 Idem, p.191: ...les évaluations de sélection de février, qui permettaient de se débarrasser des étudiants faibles, instaurées par le Rectorat, ont... finalement [été] supprimés sur ordre du conseil révolutionnaire.

137TSHIBANGU, T. (Mgr), Op. Cit., p. 32

138NGUB'USIM, R., Op. Cit., p.191 : des constructions qui avaient cours à l'ULC et qui prévoyaient 12 homes et divers complexes avec piscine universitaire, ainsi que la construction d'un restaurant universitaire à l'UOC, et des constructions prévue à Lovanium (construction d'une faculté de pharmacie, d'un home 40) furent arrêtés avec l'arrivée de l'UNAZA.

139TSHIBANGU, T. (Mgr), Op. Cit., p. 153

La trop grande centralisation a également empêché l'Université de fonctionner de manière réellement efficace. Face à cette crise, une autre réforme s'imposait pour corriger le tir. Elle intervint en 1981, soit dix ans après la première grande réforme de l'enseignement universitaire.

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon