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La mise en oeuvre de la société de l'information au Cameroun: enjeux et perspectives au regard de l'évolution française et européenne

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par Yves Léopold KOUAHOU
Université de Montpellier 1 - Docteur en droit privé option nouvelles technologies et droit 2010
  

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B. Les fondements de la « société de l'information ».

19. Quel que soit l'etat des controverses et des visions differentes, l'evolution vers la societe de l'information est inscrite dans un projet de societe inspire par la mystique du nombre30 et a ete rendue possible par un ensemble d'evenements qui ont contribue : accelerer le processus de digitalisation de l'information.

20. En effet, la construction d'une societe organisee autour des nombres remonterait au 17e siècle et serait attribuee au philoso phe et mathematicien allemand Leibniz31 :

26 En ce sens, Armand Mattelart, op cit, p 3.

27 Rufin J, « The Age of Access : The new culture of hypercapitalism », New York, 2000, Putnam Publishing Group.

28 En ce sens, cf. Rheingold H, « The virtual community : Homesteading on the Electronic Frontier », London, 2000, MIT Press.

29 Cf. L. Lessig, « Free culture », Penguin Press, 2004, New York.

30 Mattelart, op cit, p 5.

31 Gottfried Wilhelm Leibniz (1646 - 1716). Le projet d'automatisation du raisonnement formulé par Leibniz participe de la quête d'une langue pour rapprocher les peuples et unifier le genre humain tout entier.

travers ses reflexions sur la nature de la logique qui marquent une eta pe essentielle de l'idee selon laquelle la pensee peut se manifester a l'interieur d'une machine. Ex posant en 1703 le mecanisme de la reduction des nombres aux plus simples princi pes, il s'a ppuie alors sur cette theorie pour justifier sa these selon laquelle le langage des nombres est le seul a resoudre les imperfections des langues naturelles qui sont autant de sources de discorde et d'ecueils a la communication32.

21. Mais, si ce projet de transformer la societe et la culture par une circulation plus fluide et plus trans parente est bien ancien, il faut attendre les annees 1950 pour voir le mathematicien Norbert Wiener, p$re de la cybernetique, le develo pper ex plicitement en termes de gestion de l'information, pour la premiere fois. Il evoque alors une societe de la communication organisee autour de l'information, se presentant comme une alternative a l'organisation sociale et politique existante33. Cette nouvelle societe serait plus efficace grace a la puissance des technologies de l'information et de la communication qui se develo ppement dejà a cette e poque. Il sera suivi en cela par des theoriciens liberaux comme Friedrich von Hayek ou encore le sociologue frangais Alain Touraine34. Cette idee est defendue par le sociologue americain Daniel Bell, veritable precurseur de la reflexion sur l'emergence des societes postindustrielles, qui l'aurait introduite dans un livre dans lequel il affirme que « si la societe industrielle est la societe de production des biens, la societe postindustrielle est une societe de l'information35 * axee sur la connaissance theorique et dans laquelle il considere que les services fondes sur la connaissance devront devenir la structure centrale de la nouvelle economie et d'une societe s'a ppuyant sur l'information, dans laquelle les ideologies seraient su perflues36. Toutefois, il ne fera sienne l'ex pression « societe de l'information * que vers la fin des annees 1970.

22. Ces theoriciens ont ete suivis par de nombreux autres observateurs contem porains qui ont pergu la realite d'une economie de l'information que l'informatique contribuerait a faire emerger37.

32 En ce sens, Armand Mattelart, op cit, p 6.

33 En ce sens, voir Norbert Wiener, « Cybernetics or control and communication in the man and the machine », Hermann, Paris, 1958, cité par Alain Kiyindou, « les pays en développement face à la société de l'information », l'Harmattan, 2009, p 15.

34 Dans un livre paru en 1969 intitulé « La société postindustrielle : naissance d'une société », le sociologue marque sa préférence pour l'expression « société programmée » parce qu'elle permet de définir d'abord la société par la nature de leur mode de production et d'organisation économique.

35 Daniel Bell « Vers la société postindustrielle », traduction de Pierre Andler, Robert Laffont, Paris, 1976, p 402, cité par Lucas Dufour, « Pour une critique matérialiste de la société de l'information », in critiques de la société de l'information, Eric George et Fabien Granjon, l'Harmattan, 2008, p 183.

36 Pour Daniel Bell, la référence postindustrielle de la société parait plus apte à signifier, d'une part, que les nouvelles formes sociales ne se dégagent pas encore tout à fait clairement, et, de l'autre, que les sources de ces bouleversements sont, avant toutes choses, scientifiques et technologiques. Voir Mattelart, op cit, p 50

37 P. CATALA, Ebauche d'une théorie juridique de l'information. D., 1984, Chron. P. 97, repris in Le droit à l'épreuve du numérique, Jus ex Machina, PUF, 1998, p 224 - 244.

23. Cette necessite d'organiser la societe autour de l'information sera reprise par les politiques lorsque le 15 se ptembre 1993, Al Gore, alors Vice president des Etats-Unis, annonce un programme destine a edifier une infrastructure d'information capable de declencher une revolution de l'information qui changera pour toujours la facon dont les gens vivent, travaillent et communiquent les uns avec les autres.

24. En effet, considerant que les Etats-Unis tracent la voie pour le reste du monde, Al Gore fait du develo ppement des infrastructures de l'information un volet a part entiere de la politique etrangere des Etats-Unis. C'est ainsi que dans le cadre d'une conference internationale reunissant les princi paux Etats membres de l'Union Internationale des Telecommunications (UIT), a Buenos Aires, le 24 mars 1994, il presente la vision americaine d'un projet d'interconnexion mondiale uniforme des reseaux a l'echelle planetaire (Global Information Infrastructure) qui modifiera a tout jamais pour tous les habitants de la planete leur facon de vivre, d'a pprendre, de travailler et de communiquer38 et expose les cinq princi pes majeurs a mettre en oeuvre pour sa realisation: encourager l'investissement prive, favoriser le develo ppement de la concurrence, creer un cadre global, assurer l'acces a tous les fournisseurs de reseaux grace a une plus grande intero perabilite et garantir le service universel39. Il s'agit, pour lui, de permettre aux peu ples des pays voisins de se voir non comme des ennemis potentiels mais comme des partenaires, membres de cette mtime grande famille des titres humains interconnectes.

25. Il a fallu alors attendre qu'un certain nombre d'evenements se realisent comme par exem ple la liberalisation complete du secteur des telecommunications qui a entraine des innovations technologiques majeures, notamment la normalisation des equi pements, et l'internationalisation de l'internet pour que cette societe de l'information devienne une realite.

1. La liberalisation des telecommunications a l'échelle planétaire.

En 1978, dans un rapport remis au Président français de l'époque et portant sur l'informatisation de la société, Simon NORA et Alain MINC ont placé l'informatique au coeur de la société. Selon eux, l'informatique, pour le meilleur ou pour le pire, bouleverse le système nerveux des organisations et de la société toute entière. Le nouveau mode global de régulation de la société qu'elle contribuera à instaurer est à même d'enrayer la perte du consensus social et de faire retrouver l'adhésion des citoyens aux règles du jeu social. Voir Rapport NORA-MINC, l'informatisation de la société, éd° Seuil, 1978, 161 p.

38 En ce sens, Al Gore, « Principes d'élaboration d'une société de l'information », Revue de l'USIA, n°12, septembre 1996.

39 Ces cinq principes ont été intégrés dans la déclaration finale des membres de l'UIT et constituent, encore de nos jours, le cadre de référence politique des débats sur le développement des technologies de l'information et de la communication dans la construction d'une société de l'information: Buenos Aires Declaration on Global Telecommunication Development for the 21st century, UIT, Buenos Aires, 21 mars 1994.

26. La liberalisation des telecommunications est un element majeur dans la construction de la societe de l'information parce qu'elle a permis l'ouverture du secteur des telecommunications a la concurrence, ce qui a conduit a des innovations technologiques majeures dans le domaine de la communication.

27. Cette liberalisation a commence avec le demantelement aux Etats-Unis d'American Telegraph and Telephone (AT & T), effectif au 1er janvier 1984, qui a declenche un mouvement mondial sur fond de changement technologique comme la numerisation, les reseaux hauts debit, l'augmentation de la ca pacite et la baisse des coVts de communication.

28. En effet, en conclusion d'une procedure anti monopole demarree en 1974, ATT acce pte, en janvier 1982, de continuer d'assurer les communications longue distance et les fournitures d'equi pement a ses clients, mais doit abandonner vingt trois filiales qui assurent les communications tele phoniques locales. Ce demantelement a destabilise toutes les politiques nationales de telecommunications construites autour de monopoles et a impose la concurrence comme referent quasi universel.

29. Suite a l'initiative americaine, les princi paux pays industrialises ont reagi ra pidement. Ainsi, la Grande Bretagne privatise British Telecom des 1984 tandis que les premiers travaux en vue de la liberalisation des telecommunications sont entre pris au niveau euro peen. En effet, pour trouver une reponse a la dereglementation americaine, la Commission euro peenne avait alors defini quelques grands objectifs comme la creation d'un marche communautaire des terminaux et des com posants des reseaux, l'amelioration de la maitrise des technologies de base et l'aide aux regions les moins favorisees a develo pper leurs infrastructures. Cela a aboutit, en 1987, a la publication du premier livre vert sur le développement du marcbé commun des services et équipements des télécommunications qui donne le coup d'envoi de la concertation des pays membres de l'Union euro peenne en vue d'elaborer les termes d'une politique publique commune dans le domaine. Le document prone l'abolition des monopoles nationaux et propose la liberalisation de tous les terminaux et les services autre que le telephone fixe, l'organisation de la concurrence en se parant dans chaque Etat les fonctions de reglementation et d'ex ploitation, la suppression des subventions croisees et les positions dominantes sur les marches.

30. Des 1988, est mise en oeuvre la liberalisation des equi pements terminaux puis, en 1990, celle des services autres que le telephone. En 1994, un nouveau livre vert intitule La libéralisation des infrastructures de télécommunications et des réseaux de télévision par cable, et le rapport du commissaire euro peen Martin Bangemann sur L'Europe et la

societe de l'information planetaire preconisent une liberalisation totale du secteur pour une mise en place ra pide d'une societe euro peenne s'inscrivant non pas dans le cadre d'un projet etroitement technique, comme aux Etats-Unis, mais de societe de l'information. C'est ainsi qu'une resolution du Conseil de ministre des telecommunications du 17 novembre 1994 ado pte « le principe et l'echeancier de la liberalisation des infrastructures de telecommunications ».

31. La liberalisation des marches de telecommunications sera definitivement enterinee au niveau planetaire, en 1997, avec la signature par pres de soixante-huit gouvernements, apres trois annees de negociations, de l'accord sur l'ouverture des marches de telecommunications a la concurrence dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce(OMC). Dans le cas du Cameroun, le cadre juridique de cette liberalisation sera pose, d'une part, par la loi n° 98/014 du 14 juillet 1998 regissant les telecommunications et par la loi n° 98/013 du 14 juillet 1998 sur la concurrence et, d'autre part, par une serie de textes reorganisant le secteur des telecommunications au Cameroun41.

32. Parallelement a cette liberalisation a l'echelle mondiale est conduit un processus de normalisation qui a eu une influence sur l'innovation et les prix.

Normalement, il existe de nombreux fabricants et fournisseurs d'equi pements reseaux, chacun possedant ses pro pres technologies et des idees sur la facon dont les choses devraient etre faites. Sans coordination entre eux, ce serait le desordre le plus total entrainant une incomprehension des utilisateurs. La normalisation a permis de creer alors une plate-forme d'intero perabilite etendue en permettant a des technologies et des reseaux differents de communiquer entre eux. Ces normes n'ont pas seulement permis : des ordinateurs differents de communiquer, mais ont entraine aussi un elargissement du marche par l'ado ption ra pide des innovations dans le domaine du traitement numerique de l'information, et du meme coup une production en masse, des economies d'echelles lors de la fabrication et d'autres avantages qui ont fait baisser les prix et favorise la diffusion des innovations42.

33. Cette normalisation etait d'autant plus im portante qu'il s'agissait d'interconnecter, a l'echelle mondiale, differents types de reseaux au moment même of la deregulation multi pliait leur segmentation43.

40 Martin BANGEMANN, « Rapport sur l'Europe et la société de l'information », Bulletin de l'Union européenne, supplément 2/94, Commission européenne, 1994. Sur http://vecam.org/IMG/pdf/bangemann.pdf. Consulté le 28 octobre 2010

41 Pour un développement plus approfondi, voir infra n° 89 et suiv sur « la gestion des télécommunications au Cameroun : du monopole à la libéralisation ».

42 Voir en ce sens, Andrew Tanenbaum, « Réseaux », 4e édition, Pearson Education, 2003, p 77

43 Etant donné la diversité des fournisseurs de service dans le monde, une compatibilité à l'échelle mondiale est nécessaire pour que les personnes et les ordinateurs d'un pays puissent communiquer avec leurs homologues d'un autre pays.

Il s'est donc develo ppe une institution mondiale de la normalisation organisee en trois niveaux, international, regional, national et par la presence de plusieurs instances internationales qui contribuent a imposer des regles de fonctionnement standardisees44.

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe