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La mise en oeuvre de la société de l'information au Cameroun: enjeux et perspectives au regard de l'évolution française et européenne

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par Yves Léopold KOUAHOU
Université de Montpellier 1 - Docteur en droit privé option nouvelles technologies et droit 2010
  

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Section deuxième : La protection juridique de l'auteur dans l'univers numérique.

1043. Dans le monde numerique actuel marque par le mecanisme binaire dans lequel tout va tres vite, le droit de la pro priete intellectuelle en general, et le droit d'auteur en particulier, a trouve une nouvelle vigueur et la question de sa survie se pose avec interet. Le droit d'auteur a longtem ps ete congu pour les supports stables dont on pouvait controler facilement la diffusion. Mais la numerisation a pporte d'autres moyens de diffusion qui, en plus, permettent de controler la qualite envoyee1138.

1044. L'objectif du droit de la pro priete intellectuelle est alors de rechercher un equilibre entre la protection des droits que l'auteur tient de son oeuvre et sa diffusion dans l'environnement numerique.

1137 C.A Paris, 18 septembre 1974, D 1975, somm p 87

1138 La qualité de l'oeuvre n'est pas modifiée puisque la numérisation permet de résoudre le problème de la mauvaise qualité des copies papier.

Nous examinerons donc comment les technologies numeriques etendent le domaine du droit d'auteur et fournissent en même temps les moyens techniques pour renforcer cette protection.

Paragraphe premier : Les technologies numériques étendent le domaine du droit d'auteur.

1045. Il s'agit de proteger l'auteur dans les creations informatiques, même si l'on observe ca et la, des renoncements a la protection avec le develo ppement du libre.

A. La protection des créations informatiques par le droit d'auteur.

1046. Il s'agit de proteger les multiples creations informatiques, d'une part, et de determiner la protection du droit d'auteur au regard du web 2.0 ou internet partici patif, d'autre part.

1. La multiplicité des creations informatiques.

1047. La liste des creations informatiques est loin d'être exhaustive. Certaines de ces creations se servent de l'informatique comme matiere premiere pour se develo pper, c'est le cas par exem ple des jeux video. D'autres creations sont congues pour fonctionner avec l'outil informatique et c'est l'exem ple du logiciel.

Ces creations font l'objet de constants develo ppements. Leur conception et leur mise en oeuvre im pliquent generalement des investissements considerables, ce qui ex plique qu'une protection juridique ait ete revendiquee a leur benefice. Toutefois, le droit d'auteur s'avere le plus souvent inada pte ou difficilement transposable a ces creations. C'est pour cela que pour certaines d'entre elles, une reglementation s pecifique est souvent prevues.

1048. Nous analyserons le cas particulier des creations informatiques les plus usuelles comme le logiciel, la base de donnees et les creations multimedia.

1.1 La protection du logiciel

1049. Les programmes informatiques concentrent une grande partie de « l'intelligence >> des reseaux comme les fonctions de connexion, d'interactivite ou de traitement dont les utilisateurs se servent pour acceder facilement a l'information et selectionner ceux dont ils ont besoin. Les logiciels sont des programmes informatiques qui permettent, grace aux instructions qu'ils donnent, a l'ordinateur de realiser certaines de ces fonctions.

1050. La protection des logiciels au titre du droit d'auteur a suscite des difficultes, qui ont rejailli sur l'ensemble de la matière. Nous aborderons tour a tour l'im precision dans la definition legale du logiciel avant d'aborder la controverse qui s'est develo ppee autour de sa protection.

1.1.1 L'imprécision de la definition du logiciel

1051. Le logiciel est constitue de l'ensemble des programmes, des procedes et des regles, et eventuellement de la documentation, relatifs au fonctionnement d'un ensemble de donnees.

En de pit de son caractere industriel et sa vocation utilitaire, la loi camerounaise n'en donne pas une definition precise. Tout sim plement, elle assimile le logiciel au programme d'ordinateur qu'elle definit comme « l'ensemble d'instructions qui commandent a l'ordinateur l'execution de certaines taches1139». Il ressort de cette definition que le logiciel ne se resume pas seulement au programme lui-meme, c'est-b-dire a un ensemble d'instruction destinees a etre executees par un ordinateur, mais qu'il com prend egalement les elements qui ont permis l'ecriture des instructions com posant les programmes.

1052. Schematiquement, la realisation d'un logiciel passe par deux phases a savoir d'une part les travaux de conception pre paratoire qui demandent de definir les idees de fonctionnalites, les interfaces, les algorithmes, le langage de programmation ou l'organisation generale du logiciel. Cette phase est im portante dans la mesure ou elle

1139 Article 2 - 11 loi du 19 décembre 2000

englobe l'ensemble des etudes et travaux afferents a la conception du logiciel et permet d'ordonner les idees. Toutefois, il n'est pas encore question ici de logiciel puisque l'on ne dispose que d'une succession de calcul mathematique (pour les algorithmes) ou des schemas de programmation (pour les methodes de programmations) qui ne peuvent pas servir d'instructions pour commander des applications informatiques. Apres cette phase, l'on passe a la phase pratique de la conception du logiciel au cours de laquelle on dresse l'architecture des programmes, le code source, le code objet, les differentes versions ainsi que la documentation technique necessaire a la mise en oeuvre du programme.

1053. La question est alors celle de savoir a partir de quel moment on peut considerer que l'on est en face d'un logiciel et non d'une simple idee de logiciel. La definition fournie par la loi camerounaise concernant le logiciel ne nous permet pas de fixer avec exactitude le moment ou l'on serait en presence d'un logiciel.

1054. Face a cette imprecision, une tentative de reponse est a pportee par la jurisprudence frangaise qui a tente de donner un contenu precis au logiciel.

1055. Il a ainsi ete juge que les travaux de conception pre paratoires ne peuvent pas etre consideres comme logiciels et de ce fait, sont exclus de la protection. C'est le cas de l'algorithme, qui consiste en une succession d'o perations mathematiques decrivant les termes logiques d'un probleme, et ne peut pas etre protege par le droit d'auteur1140. C'est egalement le cas des fonctionnalites qui echa ppent au droit d'auteur puisque celuici est reserve aux creations intellectuelles1141.

Toutefois, si ces fonctionnalites ne sont pas protegeables en elles memes par le droit d'auteur, leur traitement peut etre protege a la condition d'être original. Une decision a, dans ce sens, juge que la presentation d'une fonctionnalite d'un logiciel pouvait constituer une creation originale des lors que cette specification n'etait pas dictee par des im peratifs techniques et corres pondait a l'ex pression d'une certaine creativite de la part du conce pteur du logiciel1142. Par contre, dans le souci de proteger le travail issu d'une conception avance du logiciel, mais qui n'aurait pas ete acheve, les juges ont considere qu'une ebauche de programme non effectivement exploitable pouvait constituer un element protegeable par le droit d'auteur dans la mesure ou il etait suffisamment concretise1143.

1056. La veritable question liee a la definition du logiciel concerne la documentation qui
l'accom pagne. La documentation d'un logiciel com prend, d'une part, la documentation

1140 En ce sens, voir CA Paris, ch. accu, 23 janvier 1995, PIBD 1995, n° 588, III, p 278.

1141 En ce sens, TGI Paris, 3e ch., 1er sect., 4 octobre 1995 ; Gaz Pal 1996, I, somm p 117, note Anne Cousin.

1142 TGI Créteil, 1e ch. civ, 13 janvier 1998, RG n° 12751/94. En l'esp èce, pour caractériser l'originalité de la fonctionnalité, le tribunal a retenu que le concepteur avait fait preuve d'astuces pour obtenir une meilleure ergonomie du logiciel.

1143 TGI Paris, 3e ch., 31 mai 1995, Expertises, septembre 1995, p 319.

technique1144, les dossiers d'ex ploitation et de dévelo ppement, liés aux travaux de conception du logiciel et, d'autre part, la documentation d'utilisation, sous forme de manuel d'utilisation ou d'aide en ligne et destiné a l'utilisateur final.

1057. Peut-on des lors les considérer comme faisant partie intégrante et indissociable du logiciel et protégeable au même titre que le logiciel ? Il semble admis que la documentation technique constitue un accessoire indissociable des travaux de conception pré paratoires et doit être protégée au même titre1145. En ce qui concerne la documentation d'utilisation, elle ne fait pas partie du matériel de conception dans la mesure ou son élaboration est postérieure a la réalisation du logiciel. En effet, la documentation d'utilisation est élaborée une fois que le logiciel est prêt a fonctionner. Elle constitue donc une oeuvre entièrement a part et doit bénéficier de la protection de droit commun indé pendamment de celle du logiciel1146.

Cette im précision de la définition justifie, en partie, la controverse qui entoure la protection du logiciel.

1.1.2 La controverse autour de la protection du logiciel.

1058. La question de la protection du logiciel a suscité des difficultés visant a en déterminer le régime. Il a ainsi été question de sa brevetabilité qui tenait com pte de son caractere technique et de son intérêt en tant qu'innovation industrielle. Cette solution a été abandonné lorsque le mouvement en faveur d'une protection par le droit d'auteur fut engagé en France d'abord par les tribunaux1147 avant d'être consacré par le législateur1148. Il devint ainsi acquis que le logiciel ne rem plissait pas toutes les conditions

1144 La documentation technique permet à un tiers d'effectuer les maintenances correctives et évolutives du programme. Ce document écrit peut être hautement technique, et il est principalement utilisé pour définir et expliquer les interfaces de programmation, les structures de données et les algorithmes. Par exemple, on peut utiliser cette documentation pour expliquer qu'une variable se réfère au premier et au dernier nom d'une personne.

Elle est constitué en dossier d'exploitation et comprend par exemple les descriptions de l'architecture générale, la description des bases de données et des dessins d'enregistrement, les définitions des codes et des données utilisés, les dossiers techniques de chaque programme utilisé.

1145 Voir dans ce sens, Bensoussan A, op cit n° 38, p 29.

1146 Voir CA Paris, 4e ch. A, 1er juin 1994 ; Gaz Pal 1995, II, jur. p 392, note Marie-Emmanuelle Haas. Pour une étude approfondie, voir Bensoussan A, op cit, p 29 et suiv.

1147 Il est à cet effet intéressant de lire les principales décisions qui ont ouvert cette voie. Ce sont les décisions du TGI Bobigny du 11 déc. 1978, dossiers brevets 1982 ; Tribunal de Commerce de Paris du 18 nov. 1980. L'ensemble de ces décisions est consultable dans Expertises 1982.

1148 Déjà en 1968 la question est quelque peu abordée, du moins partiellement par le législateur français par une loi du 2 janvier 1968, modifiée par la loi du 13 juillet 1978 au terme de laquelle il soustrayait le logiciel du brevet sans donner plus de précision quant à la protection à envisager. Le refus du brevet au logiciel n'exclut pas du champ du brevet la protection d'un programme, à la condition que celui-ci soit inclut dans une invention brevetable.

pour beneficier d'une protection par le droit des brevets1149. De puis la transposition en droit frangais de la directive euro peenne du 14 mai 19911150, la protection du logiciel par le droit d'auteur est consacree en sa qualite d'oeuvre litteraire tout en prenant en com pte ses s pecificites.

1059. Meme si l'on note de nos jours une demande croissante pour la protection du logiciel par le brevet, l'unanimite semble acquise de la protection par le droit d'auteur. La plu part des legislations ont aujourd'hui fait le choix du droit d'auteur pour le logiciel1151, meme si « l'application du critere traditionnel de l'originalite a pu paraltre inadapte a ces

objets1152 >>.

1060. Cela etant, la protection d'un logiciel par le droit d'auteur est subordonnee a une condition unique de l'originalite, non definie par la loi. Cela a fait dire au Professeur Michel VIVANT que cette « originalite est une notion juridique qu'il appartient au juge de mettre en ceuvre1153».

Elle decoule donc d'une interpretation donnee par les tribunaux selon laquelle le logiciel doit porter la marque de l'a pport intellectuel de son auteur qui decoule d'un effort personnalise et ne pas consister a la simple mise en oeuvre d'une contrainte technique automatique et obligatoire1154. Cet effort personnalise peut se manifester de diverses manieres, a la conception ou a la realisation du logiciel. Il peut ainsi s'agir de l'ado ption d'une structure individualisee1155, des choix personnels ado ptees par l'auteur1156, de la

1149 L'idée a d'abord été de soumettre les logiciels à la protection au titre de brevet. Une telle protection aurait permis au logiciel de bénéficier des avantages du brevet. Face à l'opposition qui en est résulté, il a été proposé une protection sui generis, qui n'a pas reçu plus d'adhésion des protagonistes. Un débat à cours actuellement dans l'Union européenne sur la brevetabilité du logiciel. Les grands monopoles du logiciel qui le réclament savent que la brevetabilité du logiciel est pour eux le seul moyen de contrer le développement des logiciels libres, leur vrai concurrent. Pour ces motifs, de nombreuses entreprises soucieuses de protéger leurs investissements estiment que le droit d'auteur, inadapté aux développements industriels, n'est qu'un pis-aller, ne servant qu'à lutter contre des copies évidentes ou serviles. Ce débat fait rage depuis des années et a pris une ampleur particulière depuis que la Commission européenne a présenté, le 20 février 2002, une proposition de directive concernant la brevetabilité des "inventions mises en oeuvre par ordinateur ». Voir dans ce sens « Une proposition de directive sur les brevets logiciels », Forum des droits sur l'Internet, 26 février 2002, http://www.foruminternet.org/actualites. Cette étude est toujours en cours et ses conclusions sont attendues.

1150 Loi française n°94-361 du 10 mai 1994 portant mise en oeuvre de la directive n° 91-250 du Conseil des c ommunautés européennes en date du 14 mai 1991 concernant la protection juridique des programmes d'ordinateur et modifiant le code de la propriété intellectuelle.

1151 Article 3 alinéa 1, a, de la loi camerounaise qui soumet les programmes d'ordinateur, y compris les logiciels au droit d'auteur.

1152 En ce sens, cf Pollaud-Dulian F, « Le droit d'auteur », éd Economica, 2005, n° 212, p 156.

1153 En ce sens, cf Vivant M et alii, « Lamy Droit de Informatique et des réseaux », éd° 2009, p 108, n° 165. Le juge dispose ainsi d'un large pouvoir d'apprécier si le logiciel qui est soumis à son appréciation est original. Il peut faire appel à un expert pour l'éclairer dans sa décision. L'avis de l'expert, à notre sens, ne doit être que facultatif, en ce sens que le juge n'est pas tenu de le suivre dans ses conclusions.

1154 Il importe ainsi de déterminer si dans l'écriture du logiciel, l'auteur a disposé d'une liberté suffisante eu égard aux contraintes extérieures. Toutefois, il faut préciser que la contrainte liée au lien de subordination entre l'auteur salarié et son employeur n'exclut pas d'une part, que le logiciel soit protégé par le droit d'auteur et d'autre part, que l'auteur salarié jouisse des droits moraux attachés à sa création, même si les droits patrimoniaux sont transférés à l'employeur par dévolution et sans possibilité de contrepartie financière. En ce sens, voir arrêt Babolat c/ Pachot, op cit, Sect. 1, para 1, B, 2. Sur l'absence de contrepartie financière, voir CA Lyon, 3e ch., 26 sept 1997, JCP E 1999, p 909, n° 3, obs. Vivant et Le Stanc, juris-Data, n° 056028.

1155 En ce sens, CA Versailles, 12e ch., 7 octobre 1993, juris-Data n° 046299

methode d'a pproche globale mise en oeuvre1157, ou meme encore de l'inventivite et la creativite pragmatique mise en oeuvre dans la construction du logiciel1158.

1061. Lorsque la protection est acquise, elle em porte les attributs qui sont reconnues par le droit d'auteur1159. Il est acquis que la pluralite d'auteurs confere a chacun d'eux la qualite d'auteur sur leur contribution1160. Une certaine jurisprudence subordonne cette qualite a l'effectivite des com petences dans le domaine de l'informatique1161. En outre, en cas d'oeuvre de commande, il est de princi pe que le contrat de commande n'em porte aucune derogation aux attributs moraux de l'auteur sur son oeuvre. En consequence, le client ou le donneur d'ordre n'acquiert aucun des droits de pro priete sur le logiciel commande, sauf a exercer les droits patrimoniaux qui sont attaches a la commande1162.

1062. Toutefois, en cas d'alienation de la pro priete materielle, les droits de l'auteur de l'oeuvre a l'egard du pro prietaire du support du materiel sont amenages avec l'accord de son auteur1163. Des lors qu'un utilisateur est regulièrement autorise a utiliser le logiciel, il beneficie de droits im portants et originaux par ra pports aux droits classiques de la pro priete litteraire et artistique. Il peut ainsi adapter le logiciel pour en permettre l'utilisation conforme a sa destination, y com pris pour corriger les erreurs1164, il peut re produire le logiciel pour en faire une co pie de sauvegarde, lorsqu'elle est necessaire pour preserver l'utilisation du logiciel au cas oit il serait perdus, detruits ou rendus

1156 Voir CA Paris, 4e ch., sect. B, 10 novembre 1994, Expertises 1995, n° 179, p 32. 1157 Voir CA Paris, 4e ch. A, 31 mai 1995, PIBD 1995, n° 594, III, p 405.

1158 Cass crim, 12 octobre 1994, Gaz Pal 1996, I, som p 113, note Laurence Tellier-Loniewski. 1159 Cf. supra

1160 De manière particulière, l'auteur d'une contribution dans une oeuvre collective demeure investi du droit moral sur sa contribution. Mais, l'auteur de l'oeuvre, qui a prie l'initiative, de l'oeuvre, la publié sous son nom et sous la responsabilité de laquelle l'oeuvre a été créée demeure investi de l'ensemble des droits d'auteur sur cette oeuvre collective. En ce sens, voir Cass civ 1ere ,15 avril 1986, Bull civ I, n° 89, p 90. Il peut ai nsi y apporter des modifications nécessaires à la mise en harmonie ou à l'actualisation des différentes contributions. Voir Cass civ, 1er, 16 décembre 1986, RIDA, n° 133, juillet 1987, p 1 83.

1161 CA Amiens, 1e ch., 1e sect., 2 juillet 1993, Expertises novembre 1993, p 386.

1162 En ce sens, l'article 12 alinéa 1 de la loi camerounaise dispose qu' « en cas d'une oeuvre de commande, l'auteur est le premier titulaire du droit d'auteur ».

1163 Il convient de préciser que la possession matérielle du logiciel n'emporte pas automatiquement propriété intellectuelle sur ce logiciel. Il semblerait que la dissociation entre la propriété matérielle et la propriété patrimoniale ait été introduit en droit français par une loi du 9 avril 1910, en réaction à une jurisprudence qui acceptait que l'acquisition du support matériel de l'oeuvre permette, par exemple, sa reproduction. En ce sens, voir Cass. Ch. réunies 27 mai 1842, DP 1842 1. 297. cité par Kauser Toorawa, Encyclopédie juridique des biens informatiques, http://encyclo.erid.net/document.php?id=286#ftn6.

1164 Article 36, alinéa 2, b, de la loi du 19 décembre 2000. La loi ne précise pas ce qu'il faut entendre par corriger les erreurs du logiciel. En pratique, chaque situation sera appréciée en fonction des circonstances. A titre comparatif, le législateur français prévoit une possibilité pour l'auteur de se réserver par contrat le droit de corriger les erreurs du logiciel et de déterminer les modalités particulières pour l'exercice par l'utilisateur de son droit d'adaptation. Voir article L 122-6-1-I alinéa 2 du code de propriété intellectuelle français. Cette réserve doit faire l'objet d'une disposition contractuelle expresse, faute de quoi, c'est l'utilisateur qui sera titulaire du droit d'adapter et de corriger le logiciel. Toutefois, le débat reste entier sur le fait de savoir si l'auteur, s'étant réservé ce droit, l'utilisateur recouvre son droit de corriger les erreurs s'il devient défaillant ou est dans l'incapacité d'y répondre.

inutilisables1165, il peut aussi procéder a la décom pilation du logiciel1166 c'est-b-dire de re produire et de traduire ce logiciel, lorsque ces o pérations sont indis pensables pour obtenir les informations nécessaires a l'intero pérabilité de ce logiciel pour réaliser un logiciel compatible avec ce dernier ou avec un ou plusieurs autres logiciels1167.

1063. La protection du logiciel par le droit d'auteur présente toutefois quelques faiblesses. Tout d'abord, il n'ya aucune formalité de dé pôt ou de publicité (ce qui est néanmoins un avantage sur le plan financier et la gestion des couts). Par conséquent, dans la plu part des cas, la protection légale conférée par le droit d'auteur sera « defensive », puisque le créateur du logiciel n'aura la certitude sur la portée de ses droits qu'apres la survenance d'un litige. L'absence de mesure légale de publicité pose également un probleme de preuve en ce qui concerne l'antériorité du logiciel par rapport a un programme concurrent su pposé constituer une contrefagon du premier. Il serait ainsi intéressant d'effectuer un dé pôt du logiciel chez un tiers habilité, comme les notaires ou les huissiers1168. La vocation de ce dé pôt n'est pas de créer un niveau de protection juridique su pplémentaire, mais permet au dé posant de se préconstituer la preuve du contenu et de la date d'achavement du logiciel et d'o pposer ainsi aux tiers l'antériorité de ses droits1169.

1.2 La protection originale de la base de données.

1064. Le régime juridique des bases de données a connu au cours de ces dernieres
années de profondes mutations. La protection qui résultait du droit d'auteur, bien que

1165 Article 36, alinéa 2, c, de la loi du 19 décembre 2000.

1166 La décompilation est une opération qui consiste à traduire la version objet d'un logiciel, c'est-à-dire le langage utilisé par la machine pour exécuter le programme, dans le langage source dans lequel le logiciel a été programmé. Il est fréquemment admis que la décompilation comprend également le désassemblage du logiciel qui consiste à casser et à mettre à nu les mécanismes du logiciel pour retrouver les instructions formulées dans le langage de programmation, compréhensible par l'informaticien. La décompilation est autorisée dans le seul but de permettre l'interopérabilité des logiciels, est limitée aux seuls parties du logiciel nécessaire à l'opération et n'est pas permise lorsque l'auteur a publié les informations nécessaires à l'interopérabilité.

1167 Article 36, alinéa 2, d, de la loi du 19 décembre 2000.

1168 Dans le contexte français, il a été crée en 1982 une Agence pour la Protection des Programmes (APP) réunissant les créateurs indépendants, les constructeurs, les éditeurs et les utilisateurs de logiciels et de programmes. Elle a pour objet de défendre les personnes physiques ou morales, auteurs de programmes informatiques, de jeux vidéo, de logiciels, et offre à ces personnes de déposer auprès d'elle, le programme ou le logiciel crée et les documents associés. A l'issue de ce dépôt, elle vérifie si le programme et les documents de conception présentent bien les qualités requises pour permettre la reprise éventuelle du logiciel par un tiers professionnel en cas de défaillance du créateur. Le dépôt à l'APP permet d'éviter de remettre les programmes sources aux clients (ce qui permet d'éviter toute reproduction non autorisé à l'issue de la décompilation) tout en leur garantissant la pérennité du logiciel en cas de défaillance grave.

1169 Le dépôt peut être effectué sous toute les formes et sur tous supports comme le CD, les clés USB ou les microfiches. Nous pensons que le dépôt ne doit pas se limiter aux codes sources mais comprendre aussi l'ensemble de la documentation associée et les travaux de conception préparatoire.

renforcee par la loi du 19 decembre 2000 au Cameroun, s'est averee etre un regime insuffisant et d'une efficacite tres limitee pour preserver les interêts des producteurs de bases de donnees. Cela a donc conduit a la mise en oeuvre d'un regime s pecifique de protection « hybride » avec d'un côte, le droit d'auteur qui protege l'investissement intellectuel a l'origine de la base de donnees, et de l'autre, un droit s pecifique qui protege l'investissement financier du producteur.

1.2.1 La protection de l'investissement intellectuel par le droit d'auteur.

1065. Il ressort de la definition camerounaise de la base de donnees qu'elle est constituee d'un ensemble de donnees ou de recueil organise et structure de facon a etre recherche par un procede automatise1170. Cette definition qui met l'accent sur l'accessibilite a l'aide d'un ordinateur pourrait signifier que le texte ne concerne que les bases de donnees utilisables a l'aide de l'informatique, comme les CD room, les fichiers informatiques, les cles USB, la telematique et exclurait de fait, les bases de donnees non informatiques c'est-b-dire les bases de donnees pa piers.

1066. En realite, il n'en est rien, puisque la loi protege par ailleurs, les oeuvres composites qui peuvent etre des « recueils d'oeuvres, y compris [...] de simple faits ou données, tels que les encyclopédies, les anthologies, les compilations de données, qu'elles soient reproduites sur support exploitable par machine ou sur toute autre forme qui, par le choix ou la disposition des matières, constituent des oeuvres originalesim ». Dans tous les cas, la conception camerounaise est ici identique a la legislation frangaise qui definit la base de donnees inde pendamment du su pport1172. Ainsi, un ensemble structure de donnees, dispose de maniere systematique et methodique sur un support pa pier n'en constitue pas moins une base de donnees1173. La definition englobe toutes les bases de donnees quelle que soient leur forme et leur support electronique ou pa pier117?. Ainsi toute collection de donnees ou informations, des lors qu'ils sont individuellement

1170 L'article 2, alinéa 12 de la loi de 2000 définit la base de données comme « le recueil d'oeuvres, de données ou d'autres éléments systématisés de manière à pouvoir être recherchés et traités à l'aide d'un ordinateur »

1171 Article 4 alinéa 2, b de la loi du 19 décembre 2000.

1172 Le texte de l'article L. 112-3 du Code de la propriété intellectuelle français définit la base de données comme «un recueil d'oeuvres, de données ou d'autres éléments indépendants, disposés de manière systématique ou méthodique et individuellement accessibles par des moyens électroniques ou par tout autre moyen »

1173 CA Paris, 4e ch. Sect. A, 12 septembre 2001, Legipresse n° 187 - III, décembre 2001, p 205, note Laurence Tellier - Loniewski. voir http://www.legalis.net/jurisprudence-decision.php3?idarticle=125. Dernière consultation le 06 décembre 2010.

1174 C.A Paris, 4e ch., section A, 12 septembre 2001, op cit.

accessibles et disposes systematiquement ou methodiquement, constitue une base de donnees, quand bien meme l'informatique n'interviendrait pas.

1067. Quoiqu'il en soit, les bases de donnees ne sont protegeables par le droit d'auteur que si elles constituent des oeuvres de l'es prit originales, donnant prise a un droit de pro priete litteraire et artistique. Cette protection de la base de donnees au titre du droit d'auteur n'est pas nouvelle et s'a ppuie sur les criteres classiques de l'originalite definis par la juris prudence1175. Cette originalite peut s'a pprecier notamment par le choix du contenu, la disposition ou le mode d'assemblage des informations et tout ce qui fait la s pecificite de la base en termes informationnels, tels que les systemes d'indexation, quelle que soit l'a ppreciation de la qualite ou de la valeur de la base. Le fruit de cette prestation intellectuelle de presentation et d'ordonnancement de donnees peut alors constituer une oeuvre de l'es prit.

1068. Ce pendant, contrairement a l'originalite de l'oeuvre litteraire qui peut etre deduire des circonstances de fait, il n'est pas aise de determiner a partir de quel moment une base de donnees est consideree comme originale. Ce ne sont pas les informations prises en tant que telles qui sont considerees comme originales puisqu'elles peuvent etre ina ppro priables1176, mais leur selection et leur rapprochement en un ensemble organise de facon personnelle. Ainsi, de simples donnees, une fois assemblees, peuvent donner lieu a un nouvel ensemble organise par l'institution de ra pports entre elles et constituer un a pport intellectuel original. C'est dans ces termes qu'un arret du 9 se ptembre 2005 de la Cour d'a ppel de Paris, a affirme, au sujet d'une base de donnees de medicaments, que le processus de sa creation « n'est pas une simple compilation d'informations du domaine public >> et qu'elle com porte un a pport intellectuel caracterisant une creation originale au regard de l'organisation et de la classification mises en oeuvre1177.

1069. Lorsque la base de donnees est originale, elle confere a son auteur les attributs tels que le droit moral qui lui donne le droit de faire sanctionner toute atteinte au respect de son oeuvre et les droits patrimoniaux qui lui permettent d'interdire toute representation, reproduction integrale ou partielle, transformation ou adaptation faite sans son consentement. Toutefois, le legislateur admet un certain nombre de derogation

1175 Voir en ce sens, CA Paris, 18 juin 1999, Expertises 1999, p 390, qui a retenu qu'un classement strictement fonctionnel ne caractérisait pas une création originale témoignant d'une inspiration personnelle de son auteur. Plus récent encore, voir CA Paris, 4e ch., B, 20 février 2004, SARL Alinéa c/AIST, CEE juin 2004, p 25, comm. Caron.

1176 C'est le cas par exemple des lois, des décisions de justices et autres textes officiels ainsi que leurs traductions officielles, les armoiries, les décorations, les signes monétaires et autre signes officiels qui sont considérées en principe comme non susceptibles d'appropriation. En ce sens, voir article 3 alinéa 4, b, de la loi du 19 décembre 2000.

1177 Voir CA Paris, 4e ch., sect. B, 9 sept 2005, Grup Cosmetics Martin et ass c/ OCP Répartition ; Gaz Pal 2005, n° 303-307 , 30 octobre-3 novembre, jur, p 18, RLDI 2005/9, n° 244, p 16 s, note Costes. Voir aussi Trib de commerce de Nanterre, 27 janvier 1998, Edirom c/ Global Market qui a considéré que la structure et le contenu des fiches établies comportent « un apport intellectuel et créateur de leur auteur qui les distingue d'une simple compilation en l'état de données préexistantes et caractérise une oeuvre originale » sur http://www.legalis.net/legalnet/judiciaire/tcommedirom0198.htm

au droit de reproduction de l'ceuvre. Il en est ainsi des analyses et courtes citations justifiees par le caractere critique, polemique, pedagogique, scientifique ou d'information de l'ceuvre a laquelle elles sont incor porees et dans la mesure ou sont clairement identifies le nom de l'auteur et la source1178.

1070. Par ailleurs, la reproduction d'une base de donnees est permise sous certaines conditions. C'est par exem ple le cas si cette reproduction a lieu au cours d'une transmission numerique de l'ceuvre ou d'un acte visant a rendre perceptible une ceuvre stockee sous forme numerique1179, ou si la reproduction est effectuee par une personne autorisee par l'auteur ou la loi a effectuer ladite transmission1180, ou si la reproduction a un caractere accessoire par rapport a la transmission, qu'elle ait lieu dans le cadre de l'utilisation normale du materiel et qu'elle soit automatiquement effacee sans permettre la recuperation electronique de l'ceuvre a des fins autres1181. En outre, il est admis que lorsque l'ceuvre a ete publiee avec l'autorisation de l'auteur, celui-ci ne peut interdire les representations privees et gratuites effectuees dans le cercle de famille de meme que les copies ou reproductions strictement reservees a l'usage du co piste1182.

1071. Ce pendant, en ce limitant a proteger la forme de la base de donnees, la loi exclut de son champ le contenu informationnel qui forme l'ossature de la base et conditionne son existence. Cela pose un reel probleme a cause des investissements souvent mis en ceuvre pour la constituer, la valeur marchande des informations et le develo ppement croissant des moyens informatiques qui favorisent le pillage des donnees. La necessite de proteger non seulement la structure de la base, mais egalement l'investissement sur le contenu a permis d'imaginer un systeme de protection sui generis qui protege l'investissement financier.

1.2.2 La protection de l'investissement économique par le droit sui generis.

1178 L'ensemble des dérogations au droit de reproduction de l'auteur est énuméré à l'article 29 alinéa 1 de la loi du 19 décembre 2000.

1179 Article 29 alinéa 2, a, de la loi du 19 décembre 2000. 1180 Article 29 alinéa 2, b, de la loi du 19 décembre 2000 1181 Article 29 alinéa 2, c, de la loi du 19 décembre 2000. 1182 Article 29 alinéa 1, a, op cit.

1072. La protection de l'investissement financier n'est pas ex pressément prévue par la loi camerounaise. Ce pendant, elle peut légitimement se déduire des mesures tendant : encadrer l'exercice du droit d'auteur dans les oeuvres a plusieurs1183.

1073. Prenant sa source dans la législation euro péenne avec une directive du 11 mars 19961184, la protection est basée sur un princi pe simple. La base de données est constituée a partir d'un travail long et fastidieux qui demande de prendre un certain risque en mettant en place des moyens humains et des investissements financiers im portants. Il faut alors a pporter a la personne qui a pris de tels risques une protection afin d'éviter toute appropriation ou utilisation frauduleuse du résultat final et combattre le parasitisme. Cette protection sui generis est indé pendante et s'exerce sans préjudice sur tout autre droit sur la base de données, et comme le disent certains auteurs « n'a rigoureusement rien a voir avec le droit d'auteur1185 ».

1074. Ainsi, une base de données dont la structure n'a pas de caractere original peut bénéficier d'un droit sur le contenu, des lors qu'il ya eu un investissement financier, matériel ou humain substantiel consenti pour la collecte, la vérification ou encore la présentation du contenu de cette base de données. Cette notion de substantialité est constamment a ppréciée par les juges. Il peut s'agir des sommes d'argent engagées par le producteur pour constituer une équi pe qui mettra a jour sa base de données1186. Il peut aussi s'agir de la qualité des informations qui ne peuvent être obtenues qu'apres un travail fastidieux1187. En outre, même si les dé penses générées par la base de données sont difficilement sé parables de celles liées a l'installation et au fonctionnement de la messagerie dans son ensemble, il n'en demeure pas moins que « l'importance des données nominatives concernées et de leur nécessaire mise a jour1188» peuvent traduire un investissement financier important.

1075. La portée de la notion d'investissement substantiel a été définie par la Cour de
Justice de la Communauté Euro péenne. Dans un ensemble de décisions rendue le 09
novembre 2004, elle précise que l'investissement substantiel désigne «les moyens

1183 Article 11 alinéa 1 de la loi du 19 décembre 2000.

1184 Directive du Parlement européen et du Conseil de l'Europe du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données.

1185 Vivant, M, «L'investissement, rien que l'investissement - A propos des arrêts de la Cour de Justice du 9 novembre 2004 », RLDI 2005/3, p 41 et suiv.

1186 C.A Paris, 4e ch., section A, 12 septembre 2001, op cit.

1187 Dans un autre litige, le juge a considéré que l'investissement important pouvait découler du « travail nécessité par la réunion des informations contenues dans la base de données, de leur précision, de la nécessité de procéder régulièrement à leur mise à jour » Voir T.G.I Strasbourg 2e ch. com., jugement du 22 juillet 2003. http://www.legalis.net/jurisprudence-decision.php3?idarticle=3

1188 T.G.I Paris 3ème chambre, 2ème section, Jugement du 25 avril 2003. Voir sur http://www.legalis.net/jurisprudence-decision.php3?idarticle=120

consacres a la recherche d'elements existants et a leur rassemblement dans la dite base » et ne com prend pas iv les moyens mis en ceuvre pour la creation des elements constitutifs du contenu d'une base de donnees1189 ».

1076. Jouissant de cette protection, le producteur peut interdire l'extraction, par transfert permanent ou tem poraire, de la totalité ou d'une partie qualitativement ou quantitativement substantielle du contenu de la base de données1190. Certains auteurs ont souligné que l'interdiction devait etre mentionnée de facon ex presse par le producteur en marge de la base de données1191. Cette position trouve sa justification dans un arret rendu le 18 novembre 2004 par la Cour d'a ppel de Versailles, arret ayant fait l'objet d'un pourvoi en cassation1192. Cette position nous parait quelque peu discutable dans la mesure oit cela reviendrait a soumettre la protection a l'accom plissement d'une formalité, ce qui est contraire a l'essence meme de la protection accordée.

1077. Toutefois, les juges sanctionnent régulièrement les extractions et des réutilisations frauduleuses de bases de données1193 lorsqu'elles s'averent qualitativement substantielles1194 ou quantitativement substantielles1195. Ainsi, la Cour d'a ppel de Paris, a condamné une société pour avoir utilisé a des fins commerciales des catalogues a ppartenant a une autre société et incor porés a son fichier les données informatives figurant dans ces catalogues1196.

Ce pendant, certaines exceptions sont prévues pour les utilisateurs légitimes. La théorie de droit commercial des facilités essentielles s'a pplique aussi et limite largement la porté du droit dans la situation ou le producteur de la base serait dans une situation de monopole de fait.

1.3 La protection des oeuvres multimédia.

1189 CJCE n°C-338/02 et C-444/02 et C-46/02. En ce sens et pour un développement approfondi, voir RLDI n° 1572, Avril 2009, n° 48, p 28.

1190 CA Versailles, 9e ch., 18 novembre 2004, ROJO R c/ Guy R, RLDI 2005/2, n° 50, p 21 et suiv, comm Costes. Voir sur http://www.legalis.net/jurisprudence-decision.php3?id_article=1387.

1191 Voir le développement du blog http://www.precisement.org/blog/Droit-du-producteur-de-base-de.html. 1192 C. A Versailles 9e ch., 18 novembre 2004, op cit.

1193 Voir TGI Paris, 3e ch., 20 juin 2007, PMU c/ Eturf, RLDI aout-sept 2007, p 20 ; voir aussi sur www.legalis.net/jurisprudencedecision.php3?id_article=1973. Le producteur peut interdire la réutilisation par la mise à disposition du public de la totalité ou d'une partie substantielle du contenu de la base, quelque qu'en soit la forme.

1194 Voir TGI Paris, 3e ch, 5 septembre 2001, Cadreemploi c/ Keljob, JCP G 2002, n° 73, obs. A Maffre Baugé ; RLDA 2001, n° 43, n° 2735, obs. L Costes. Voir également P. Ferna ndez et P. Amouzou, « Affaire Keljob : les moteurs de recherche sous liberté surveillée », Les Echos 15 oct. 2001, CCE févr. 2002, n° 16, p 20 et suiv.

1195 C A Paris, 4e ch., sect. A, 18 juin 2003, D 2003, 2756 ; voir sur www.legalis.net/jurisprudencedecision.php3?id_article=1319

1196 CA Paris 12 sept 2001, op cit.

1078. L'oeuvre multimedia n'est pas definie par le legislateur camerounais qui se limite : la definition de l'oeuvre audiovisuelle. La question que l'on peut alors se poser est de savoir s'il s'agit d'un oubli ou d'une confusion de genre1197.

Cela etant, la definition pro posee par le Professeur Pierre Sirinelli et Gilles Vercken met l'interactivite au centre de l'oeuvre multimedia. Il s'agit d'une « reunion sur un meme support numerique ou lors de la consultation, d'elements de genres differents et notamment de sons, de textes, d'images fixes ou animees, de programmes informatiques dont la structure, l'acces sont regis par un logiciel permettant l'interactivite et qui a ete congu pour avoir une identite propre, differente de celle resultant de la simple reunion des elements qui la composent1198 1. L'oeuvre multimedia est une oeuvre qui se trouve au carrefour de genre1199 et se caracterise donc par la presence simultanee de sons, textes, images ou encore de donnees de plusieurs oeuvres medias, telles que des oeuvres litteraires, musicales, audiovisuelles, logicielles.

1079. Elle s'analyse comme une oeuvre com plexe contenant une part logicielle et « autre chose1200 * marquee essentiellement par une interactivite entre ces differents elements grace a la technologie numerique et par un acces au moyen d'outils logiciels. Elle presente alors quelques similitudes avec l'oeuvre audiovisuelle definie par le legislateur camerounais, puisqu'elle peut contenir tout a la fois du son, de l'image fixe et anime ainsi que du texte. Mais, elle s'en distingue ce pendant par le fait que l'oeuvre audiovisuelle n'offre aucune interactivite et a un deroulement lineaire1201.

1197 L'article 2, alinéa 4 de la loi camerounaise définit l'oeuvre audiovisuelle comme une oeuvre constituée d'une série animée d'images liées entre elles, sonorisées ou non.

1198 Définition de Vercken, G. et Sirinelli, P., dans Etude CERDI-Art 3000, 1996 pour le ministère de la culture. 1199 L'expression est empruntée à M Vivant et J-M Bruguière, op cit, n° 139, p 122.

1200 M Vivant et J-M Bruguière, op cit, n° 143, p 124.

1201 En ce sens deux arrêts de la Cour d'Apple de Versailles, ont pour cette raison, refusé de qualifier d'oeuvre audiovisuelle, une oeuvre multimédia. En l'absence d'un défilement linéaire des séquences et la possibilité pour l'utilisateur d'en modifier l'ordre et la succession non de séquences animées d'images mais de séquences fixes pouvant contenir des images animées, la cour d'appel avait justement estimé que ces créations n'étaient pas des productions audiovisuelles mais belles et bien des oeuvres de collaboration multimédia. Voir, CA Versailles, 13e ch., 18 nov. 1999, Juris-Data n° 108392 ; CCE févr . 2000, n° 16, note Caron C ; Légipresse 2000, n° 170, p 50 ; Expe rtises févr. 2000, p 30, obs. Mme Gallot Le Lorier et M Varet. Voir encore CA Paris, 4e ch., sect. B, 28 avril 2000, Juris-Data n° 118091 ; D 2001, somm 2553, obs. P Sirinelli, rejet du pourvoi, Civ 1ere, 28 janv. 2003, Bull Civ I, n° 29, D 2003, 1688.

Toutefois, la distinction entre les oeuvres audiovisuelles et multimédia s'attenue avec le développement de nouvelles techniques comme le streaming qui offre à l'internaute la faculté d'accéder aux fichiers de données numérisées avant la fin de l'opération de leur téléchargement. Cette technique permet de recevoir les émissions de radio et de télévision sur internet et s'inscrit dans une logique d'interactivité qui pourrait remettre en cause les frontières communément admises entre les oeuvres audiovisuelles et multimédias.

1080. Parce qu'elle reunies plusieurs categories d'ceuvres, l'ceuvre multimedia a souleve beaucou p de questions sur le plan juridique tendant a determiner son statut juridique1202 et le regime des droits afferents aux ceuvres qui y sont incor porees. En effet, c'est une ceuvre com plexe qui se trouve au carrefour des ceuvres audiovisuelles, litteraires et artistiques, logicielles et des techniques de telecommunications1203. Elle n'est pas soumise a un regime pro pre comme le logiciel ou la base de donnees et com pte tenu du role plus ou moins predominant d'un de ces elements, l'ceuvre multimedia peut être assimilee a une base de donnees, une ceuvre audiovisuelle, un logiciel, etc....

1081. En dehors de cette problematique de la qualification juridique de l'ceuvre multimedia, sa protection par le droit d'auteur en tant que ceuvre de l'es prit ne fait pas de doute1204. Cette protection est acquise a la condition que l'ceuvre multimedia obeisse au critere prealable et necessaire de l'originalite120G. Ce critere de l'originalite, acquis des lors que l'ceuvre dans sa composition ou son expression, va au-dela d'une simple logique automatique ou d'un mecanisme intellectuel necessaire1206, a ppelle deux observations.

1082. D'une part, l'ceuvre multimedia, des lors qu'elle est constituee de donnees originales, que celles-ci soient textuelles, sonores ou visuelles, sera elle-même globalement originale. Ainsi par exem ple, la creation d'une architecture pro pre a un site web, d'un scenario de navigation et l'organisation des differents com posants de celui-ci suffit, en princi pe, pour rendre l'ceuvre originale1207. D'autre part, même si les elements medias qui y sont incor pores ne sont en eux-mêmes pas originaux, l'ceuvre multimedia peut dans sa globalite re pondre au critere de l'originalite par la disposition même des elements qui la com posent1208. Cette eventualite renvoie au regime de protection de la

1202 Voir en ce sens, Isabelle Demnard-Tellier, Gérard Haas, « Le multimédia, un défi lancé au droit d'auteur », Nouvelles Technologies et Formations de Gestion, n° 5, mai 19 96.

1203 Dans ce contexte, cf Isabelle Demnard-Tellier et Christel Cao-Delebarre, « Propriété et qualification juridiques du multimédia », Communications et Stratégies IDATE, 4e trim., 1995, n° 20, p 7.

1204 Une étude du ministère de la culture français s'est interrogée sur la nécessité de recourir à la création d'un droit sui generis qui tiendrait compte de la présentation de l'oeuvre multimédia. Le rapport de l'étude à conclut que le droit d'auteur pouvait parfaitement s'adapter au multimédia par la voie contractuelle.

Voir en ce sens, rapport de Pierre Sirinelli, « Industrie culturelles et nouvelles techniques », La Documentation Française, 1994, p 56 et suiv.

1205 Cf supra n° 1008 et suiv sur « la reconnaissance d'une originalité de l'auteur dans sa création ».

1206 Ce rappel a été fait par la Cour d'appel de Paris dans un arrêt du 12 janvier 2005 qui a refusé d'admettre la protection par le droit d'auteur à une page de référencement faute d'originalité. La cour a estimé que ni la présentation de la page ni son contenu ne traduisaient une démarche créative portant l'empreinte de la personnalité de son auteur. Voir C.A Paris 4e ch., section A Arrêt du 12 janvier 2005, voir sur http://www.legalis.net/jurisprudence-decision.php3?idarticle=1397

1207 Une décision intéressante dans ce sens a été rendue par le tribunal de commerce de Paris le 09 février 1998 au terme de laquelle le juge a attribué aux contenus de pages web le caractère d'oeuvre originale lui reconnaissant ainsi la qualité d'une oeuvre protégeable par le droit d'auteur « attendu que les droits de l'auteur sont protégés quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination ; Que la création originale d'une présentation d'offres de service sur un site internet donne droit à la protection envisagée par les textes susvisés ». En ce sens, voir Trib de commerce, 9 février 1998, Cybion c/ Qualitream, http://www.juriscom.net/jpc/visu.php?ID=215, Consulté le 11 juin 2009, ou voir encore http://www.legalis.net/cgiiddn/french/affiche-jnet.cgi?droite=decisions/dtauteur/jugtcomm-paris090298.htm, consulté le 21 juin 2009.

1208 C'est ainsi qu'il a été jugé qu'un site présentant des offres de crédit immobilier pouvait prétendre à la protection dans la
mesures où « sa présentation et ses divers éléments, c'est-à-dire sa page écran, un graphisme, une animation ou une

base de donnees protegeable en raison du choix ou de la disposition des matieres qui la constituent1209.

1083. La protection par le droit d'auteur confere alors les attributs d'auteur1210. La titularite de ces droits depend des conditions de sa realisation si on la considere comme une oeuvre n'obeissant pas a un regime s pecifique. Cette titularite est largement fonction de l'unite ou de la pluralite de personnes qui interviennent dans sa realisation. Ainsi, l'oeuvre multimedia sera ex ploitee avec l'accord de tous les co-auteurs si elle est une oeuvre de collaboration1211 ou par seulement le maitre d'oeuvre si elle est une oeuvre collective1212. Elle doit recevoir l'autorisation prealable de l'auteur de l'oeuvre premiere, si elle est une oeuvre com posite1213.

1084. En conclusion, comme on le voit, le numerique ne change pas fondamentalement le regime de protection par le droit d'auteur, des lors que la legislation saisit l'oeuvre en tant que resultat d'une activite creative de l'es prit. Il est vrai que, dans la pratique, la difficulte de differencier certains elements de l'oeuvre peut rendre la protection delicate a maintenir, surtout si l'effectivite de certaines com posantes traditionnelles est remise en cause. C'est dans ce contexte qu'il s'est develo ppe ces dernières annees un mode partici patif lie a internet qui soumet le droit d'auteur a quelques balbutiements.

2. Le « web 2.0 » ou le developpement de l'internet participatif.

1085. Le web 2.0 revisite le droit de la pro priete intellectuelle dans sa conception actuelle et bouleverse le statut de la creation dans le domaine litteraire et artistique. Ce develo ppement a ete rendu possible par la diffusion des services sous la forme de logiciels specialises qui permettent a des utilisateurs sans connaissances techniques de proposer des textes et des illustrations, et de gerer les commentaires des internautes

arborescence présentent un caractère d'originalité suffisant pour prétendre à cette protection des oeuvres de l'esprit ». En ce sens, voir TGI Lille, 24 février 2005, http://www.foruminternet.org/specialistes/veille-juridique/jurisprudence/tribunal-de-grandeinstance-de-lille-1re-chambre-a-24-fevrier-2005.html, consulté le 11 juin 2009

1209 Voir ci-dessus sur la base de données. Il est cependant très rare en pratique qu'une création multimédia ne soit pas considérée comme originale. D'une part, elle est toujours constitué par incorporation des oeuvres préexistantes protégées par le droit d'auteur, et d'autre part, même si elle est était constituée par les données brutes, nous pensons qu'elle bénéficierait néanmoins de la protection par le droit d'auteur dans la mesure où l'interactivité qui la caractérise suppose un effort de création dans le choix, la disposition des matières ou du scénario.

1210 Cf. supra n°1015 et suiv sur « les attributs découlant de la protection de l'auteur par le droit ». 1211 Article 8 alinéa 1 de la loi du 19 décembre 2000.

1212 Article 11 alinéa 1 de la loi du 19 décembre 2000.

1213 Article 10 de la loi du 19 décembre 2000.

lecteurs1214. Les implications du web 2.0 sur le droit d'auteur de passent le cadre de la protection pour s'orienter de plus en plus vers une interaction entre les differents utilisateurs.

1086. La question est alors de determiner le sort des creations issues par ces modes de participation. Elles posent, en de termes precis, le probleme de l'existence des nouveaux outils de la societe de l'information ainsi que le regime juridique qui leur sera accorde.

2.1 Les réseaux sociaux : les nouveaux outils de la société de l'information.

1087. Il est difficile de donner une definition claire et precise du 4x web 2.0 >>. Globalement, cette expression designe le develo ppement communautaire et partici patif (ou encore a ppele reseaux sociaux) qu'à connu internet ces dernières annees, et repose sur l'observation que internet subit l'influence de l'usager, lui permettant de prendre des initiatives et lui donne la possibilite d'elaborer, de classer, de collaborer et de distribuer son contenu en personnalisant certaines applications.

1088. Ces reseaux sociaux ont fait leur apparition en 2003 avec le lancement du site Friendster, puis de Myspace aux Etats-Unis, mais l'ex pression s'est veritablement im posee a partir de 2007 et n'a cesse de s'etendre. Aujourd'hui, le phenomene a ex plose a travers le monde et com pte des dizaines de millions d'ade ptes. Un chiffre fournit par l'institut Nielsen est, a cet effet, assez revelateur sur la place occu pee par les reseaux sociaux comme outils de communication de la societe de l'information. En aout 2009, Il y avait 279,9 millions d'utilisateurs de courriers aux Etats-Unis, dans la plu part des pays euro peens, en Australie et au Bresil, contre 301 millions pour les reseaux sociaux1215.

1089. La possibilite offerte aux usagers de ces reseaux sociaux d'agir et de s'ex primer de plus en plus facilement joue un rôle majeur dans cette rea ppro priation. Au depart, passif et consommateur d'informations, l'usager se trouve aujourd'hui detendeur d'un pouvoir de contrôler et d'interagir avec les contenus a travers des outils de type facebook, Dailymotion, Twitter, les wikis, les blogs1216, les videocasts ou autres sites

1214 En ce sens, voir Philippe FAYETON, « Des TIC et des hommes », l'Harmattan 2008, coll Cités, Technologies, prospectives nouvelles, p 25.

1215 Voir http://fr.nielsen.com

1216 Le blog s'est rapidement imposé auprès du public en général et des personnalités publiques et hommes politiques en particulier, qui profitent de cet espace personnel, pour faire passer certaines idées ou livrer des informations auprès de leurs groupes.

communautaires. Comme l'affirme Benoit DESAVOYE, l'usager serea ppro prie 44 les moyens de production de l~information et des contenus en general1217 3.

1090. Toutefois, cette participation active de l'usager a l'elaboration des contenus n'est pas neutre sur le plan du droit. En effet, il se pose un certain nombre de questions juridiques im portantes en ce qui concerne la part de res ponsabilite im putee a l'usager dont les contenus seront contraires a la loi et aux bonnes moeurs? Convient-il de lui a ppliquer une res ponsabilite pleine et entiere qui marque le lien etroit avec le contenu vehicule, ou une res ponsabilite attenuee justifiee par le caractere e phemere de son activite ?

1091. A cet ensemble de question, la jurisprudence frangaise a pporte un certain nombre de re ponses. Ainsi, selon un statut qui peut evoluer au gre de sa navigation, l'usager est tantot acteur et peut meme etre qualifie d'editeur de contenus, et dans ce cas, sa res ponsabilite peut etre engagee en cas de faute1218. Il peut aussi etre considere comme public de la creation et de la communication des contenus circulant sur internet, dans ce cas, il demeure simple consommateur.

1092. Toutefois, c'est sur le plan du droit d'auteur qui les difficultes peuvent subvenir en raison des contenus mis en ligne.

2.2 Le web 2.0 et le droit d'auteur.

1093. Bien que l'on puisse en theorie concevoir qu'un contenu cree par l'usager ne soit jamais effectivement diffuse en ligne ou ailleurs, nous nous interessons ici aux oeuvres publiees dans un certain contexte, que ce soit sur un site internet accessible au public ou sur un site de reseau social reserve a un grou pe de personnes donne. Cette definition nous permet d'exclure les courriers electroniques, les messages instantanes echanges entre deux interlocuteurs et autres contenus similaires.

1217 DESAVOYE Bénoît et alii, « Les blogs - nouveaux média pour tous », M2 éditions, Paris, 2005, p 29.

1218 L'auteur d'un blog est une personne dont l'activité est d'éditer un service de communication en ligne. Il est ainsi à la fois auteur des articles mis en ligne et éditeur en raison du choix de mettre en ligne des informations et des articles. Cependant, même s'il édite souvent à titre non professionnel, il peut voir sa responsabilité pénale engagée sur la base de la publication notamment des propos ou commentaires émis par les intervenants extérieurs ainsi que les images ou propos liées à sa propre production. Ainsi, que le contenu posté soit soumis à un contrôle ou à une modération du blogueur, sa responsabilité est pleine et entière. C'est ainsi que dans une affaire soumise au juge, deux internautes ont été condamnés en raison de la publication sur un blog de propos diffamatoire et de menaces contre un maire, un de ses adjoints et un juge d'instruction. La juridiction a condamné, non seulement le blogueur mais aussi l'un des commentateurs en raison des messages postés sur le blog. Voir Trib corr. Arras, 20 janv. 2006, http://www.foruminternet.org/specialistes/veille-juridique/actualites/blogs-premiere-condamnation-dun-auteur-et-d-un commentateur.html?decouperecherche=arras.

Cette responsabilité du blogueur par rapport aux contenus qu'il édicte sera confirmée dans une célèbre affaire « MonPuteaux.com ». Voir http://www.legalis.net/jurisprudence-decision.php3?idarticle=1936

1094. Internet, en permettant le dévelo ppement des réseaux sociaux, favorise l'émergence d'une catégorie d'« auteurs de circonstance1216 », et remet en cause l'environnement dans lequel se sont dévelo ppées les regles juridiques de protection de l'auteur. Faut-il des lors, a ppliquer a ces contenus, la protection du droit d'auteur ?

1095. Cette question pose le probleme de la définition de l'auteur. Bien que la notion d'auteur elle-même ne change pas avec le support numérique, il faut ce pendant reconnaltre que l'univers des réseaux « n'impose a personne sa place et brouille a loisir les distinctions entre les fonctions, les niveaux, les dignites1220 ». L'auteur n'est plus celui qui aura publié mais « celui qui decide de l'etre, et qui...se verra conforte dans sa conviction par des chiffres de frequentation qui n'ont rien a voir avec les tirages de l'edition papier, ni meme avec le nombre de veritables lecteurs1221 »

1096. La question est alors de savoir si le caractere éphémere de certaines publications ne banalise pas la création et n'oblige pas a créer un statut particulier a ces contributions. Bien que des auteurs comme Gabriel de BROGLIE considerent la généralisation du pouvoir de publier non pas comme une banalisation de l'auteur mais comme sa valorisation1222, la multitude de publication sur le réseau contribue a rendre encore plus com plexe la protection de la loi.

1097. On sait que la s pécificité du droit d'auteur repose sur sa ca pacité a protéger une oeuvre sans formalité particulière. Ainsi, des qu'une oeuvre est créée, elle accede automatiquement a la protection a la condition toutefois d'être originale, mais encore faut-il que cette originalité soit ex primée de fagon concrete, dans une forme, afin d'être perceptible aux sens1223. Plus fondamentalement, la notion d'oeuvre protégeable par le biais de l'originalité constitue un instrument essentiel pour tracer la frontière entre ce qui est protégé et ce qui ressortit au domaine public.

1219 L'expression est employée à dessein pour designer une catégorie d'internaute qui tiennent des sites personnalisés et interactifs ou blogs leur permettant de communiquer avec les proches ou des amis. Bien que les récits du blog n'aient souvent rien de créatif, l'agencement des mots et la construction des phrases peuvent leur donner une originalité suffisante pour bénéficier de la protection au titre du droit d'auteur.

L'existence de cette catégorie d'auteur pose le problème de leur qualification par le droit. Bien que réservé aux parents et amis avec qui l'on s'est échangé des adresses, le récit tenu dans un blog s'apparente à la communication au public qui tombe sous le coup de la législation.

1220 Richard Robert. « L'écrit en révolution », Esprit, mars-avril 2000, p 205, cité par Gabriel de Broglie in « le droit d'auteur et l'internet », Cahier des sciences morales et politiques, presses universitaires de France, janvier 2001, p 23 et suiv.

1221 Ibid.

1222 Gabriel de Broglie considère que la généralisation du pouvoir de publier s'accompagnera non pas de la banalisation et de la disparition de la notion d'auteur, mais de sa valorisation. Selon lui, dès lors que chacun pourra publier, le lecteur honnête tentera de trouver entre tous ces sites, celui digne de l'être par la qualité et la pertinence de l'information donnée. Si ce point de vue peut se justifier à certains égards, il n'en demeure pas moins qu'une multitude de source d'information peut constituer un handicap à la diffusion de cette information. Encore faudrait-il que le lecteur dispose de moyens et des capacités nécessaires pour les discerner. cf. Gabriel de Broglie in « le droit d'auteur et l'internet », Cahier des sciences morales et politiques, presses universitaires de France, janvier 2001, p 24.

1223 Cf. supra.

1098. On peut legitimement se demander si les contributions dans les reseaux sociaux sont des oeuvres, au sens premier du terme.

1099. Une oeuvre est la manifestation tangible d'une pensee qui a aboutit a la realisation d'un produit. Ainsi, un livre est le fruit d'une pensee nourrit et murie d'un auteur. Il y a dans son travail une reelle intention de mettre a jour quelque chose de nouveau pour la communaute. Cette intention nous semble inexistante dans les recits de blogs et autres reseaux sociaux qui se bornent a enumerer des faits sans reelle volonte de creer, ou lorsque cette volonte existe, elle vient generalement a postériori. L'enonciateur d'un blog n'est pas tenu de respecter les formats d'edition, ni de se plier a des regles d'enonciation ou de soumettre ses propos a l'e preuve d'une verification factuelle. Il ignore tout de la portee de ses ecrits et n'a aucune intention de faire avancer les debats.

1100. A cet effet, sans denier toute necessite de protection a de tels ecrits, il nous parait necessaire de rechercher s'il existe de la part du contributeur une reelle intention de creer et si la creation presente un interêt pour la « communauté1224 >. L'utilite sociale d'une oeuvre se mesurera alors « a sa capacité a provoquer ou a nourrir le débat, ~ enrichir la culture nationale1225 ». Le defi souleve par les nouveaux outils de creation et de diffusion serait celui de la construction d'un cadre juridique coherent et equilibre qui garantit les droits en tenant com pte de l'intention de l'auteur.

1101. Ainsi, le contenu de l'ere numerique sera en grande partie constitue d'oeuvres pretendant a une protection par le droit d'auteur, sauf a renoncer ex pressement a la protection.

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery