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Etude comparative sur les pratiques de coopération décentralisée de la ville de Porto- Novo

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par Sebastian Peà±a Marin
Université de Poitiers - Master II migrations internationales: conception de projets en coopération pour le développement 2011
  

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2. La Coopération décentralisée : rencontre de deux territoires et de deux visions

2.1. La dimension « interculturelle » de la coopération décentralisée

Il est étonnant de constater que les ouvrages et les « guides » publiés par des organismes publics et destinés à l'usage des élus, des collectivités territoriales, des partenaires ainsi qu'à l'ensemble des intervenants de la coopération décentralisée ne font nullement référence à sa dimension interculturelle. Le « guide de la coopération décentralisée : échanges, partenariats internationaux des collectivités territoriales » publié sous commande du Ministère des affaires étrangères avec la participation de la Commission nationale de la coopération décentralisée et de la Direction générale de la coopération internationale et du développement, dit en 4ème de couverture de l'ouvrage : « Ce guide pratique à l'usage des collectivités territoriales et de leurs partenaires, des préfectures et des postes diplomatiques, contient une description de l'environnement institutionnel, juridique, technique et financier s'appliquant à la coopération décentralisée selon la conception française 17». Dans le traitement de la question de la coopération à l'international, il ne fait aucune allusion aux enjeux relatifs à la rencontre de deux territoires en termes de relations interculturelles. Il est certain que nous ne sommes plus à l'époque de Christophe Colomb mais tout se fait comme si confronter les clivages culturels relevait du sens commun et de la capacité de « débrouille » de chacun, et que la dimension interculturelle ne jouait aucun rôle dans le succès, l'échec ou le bon déroulement d'un partenariat. Il en va de même pour tous les autres ouvrages de ce type que nous avons pu consulter dans le cadre de cette étude.

Ces ouvrages se veulent « techniques », « pratiques » et sont des « outils » pour développer des partenariats en coopération décentralisée. Il s'agit d'un véritable fondamentalisme de l'approche technocratique avec la bonne maîtrise des outils de pilotage, la bonne planification, les bons objectifs, le bon cadrage, les bonnes méthodes, la bonne logique d'intervention, les bons partenaires, etc.... comme si tout cela était suffisant pour garantir la

17 « Guide de la coopération décentralisée, échanges et partenariats internationaux des collectivités territoriales », La documentation Française, 2ème édition, 2006.

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réussite d'un projet à portée internationale. Ces « guides » oublient presque le fait que la coopération décentralisée met en relation des territoires d'un bout à l'autre du monde et que la différence culturelle ne se résume pas à une façon de s'habiller plus ou moins colorée.

Il s'agit probablement d'une sorte de peur plutôt, peur d'aborder le sujet de la différence culturelle, peur de s'inscrire dans un discours idéologique mal placé sans le vouloir, peur de dire « ce qu'il ne fallait pas », peur de rentrer dans ce terrain glissant, on préfère donc éviter la question.

Chercher à comprendre le mode de fonctionnement de l'Autre en termes culturels ne relève pas non plus d'un « guide », il n'y a pas de modèle préfabriqué que l'on croit applicable à n'importe quel contexte, comme c'est le cas des modèles de gestion et d'organisation utilisés dans la gestion de projets. Mais ces ouvrages pourraient au moins avertir sur la complexité du questionnement, donner les grandes lignes de réflexion ou donner quelques éléments d'interprétation pour préparer ce terrain. On se réfugie systématiquement dans un discours technocratique pour expliquer les dysfonctionnements d'un partenariat, on préfère parler de « problème d'harmonisation des cadres juridiques » plutôt que de « problème d'harmonisation des ethnocentrismes ».

Des instances de rencontres comme les voyages des délégations sont toujours prévus dans le cadre d'une coopération. Toutefois, ils sont en général très brefs et se font dans un contexte protocolaire. Ces déplacements s'inscrivent toujours dans un « objectif » précis et considérant que l'interculturalité n'est pas « quantifiable », qu'elle ne peut pas être « accomplie » ou « objectivement vérifiable » dans le programme d'activités. Le résultat est qu'on ne parle pas de interculturalité, on parle de « séances de cadrage » et ce n'est pas même chose.

Pourtant, ce sont ces échanges, ces visites officielles des délégations d'élus et de fonctionnaires locaux, dans un sens ou dans l'autre du partenariat, qui déterminent sensiblement le bon fonctionnement d'un partenariat. C'est dans les moments de rencontre et de partage que les rapports de confiance et de complicité se tissent entre les acteurs de la coopération. La mise en oeuvre de projets élaborés de façon conjointe produit une complicité et une sensibilisation affective et culturelle aux enjeux de développement de la commune en question. Les stages de formation professionnelle, les échanges éducatifs, les « chantiers

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populations », les instances de concertation, etc., sont des facteurs de communication interculturelle dans le cadre de la coopération décentralisée. C'est dans ces moments privilégiés que la volonté et la disposition à apprendre et à appréhender la réalité de l'Autre sont plus présentes. Pourquoi donc ne pas donner une place plus conséquente à ces instances ?

Par ailleurs, nous pensons que pour mieux garantir le succès d'un projet dans le cadre de la coopération décentralisée le niveau d'altérité du porteur du projet est quasiment plus important que son degré de qualification technique.

De façon générale, le discours humaniste sur la rencontre culturelle est fortement rattaché à une conception du politiquement correct et fait l'objet d'une approche humaniste-idéaliste, parfois naïve. Les conflits qui sont survenus lors de la rencontre entre sociétés de cultures différentes, les rapports de domination issus de l'histoire coloniale et des guerres, la persévérance des ethnocentrismes et de la xénophobie, le caractère extrêmement controversé des mouvements migratoires Sud-Nord, le mépris ainsi que la violence symbolique, économique et politique exercés par le Nord, font partie de la toile de fond de la coopération décentralisée Nord-Sud.

La persistance des représentations sociales et historiques est réciproque et cela se manifeste dans les contextes de confrontation culturelle dû à l'ignorance mutuelle. En effet, dans le cadre de la coopération franco-africaine notamment les représentations léguées par la colonisation et celles construites par les médias sont très présentes d'un côté comme de l'autre: modernité, facilité financière, abondance de ressources pour les français; de la chaleur humaine, le bonheur de la simplicité pour les africains.

Dans le cas du Bénin et de la France, les béninois se montrent en général assez enthousiastes face à l'intérêt que portent les français aux problématiques locales. Ils voient une démarche altruiste et des signes d'amitié dans la volonté française d'aider et de participer à améliorer les conditions de vie sur place. L'ouverture et l'intérêt sincère que manifestent les français pour la culture et le mode de vie des béninois sont également très bien perçus spécialement chez les populations qui se sentent délaissées et ignorées par les pouvoir publics centraux ou locaux.

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Ils attendent également des flux financiers conséquents, l'envoi de matériel et éventuellement la possibilité, même lointaine, de quitter le Bénin pour la France.

De leur côté, les français attendent de voir chez les africains le bonheur de la simplicité d'une société dépourvue des ennuis des sociétés industrialisées, la générosité et l'hospitalité spontanée propres aux pauvres qui n'ont rien, de retrouver les valeurs disparues en France comme l'engagement citoyen dans la lutte pour la justice sociale, l'auto-organisation, le respect des anciens, la joie de vivre, etc.

Suite à la confrontation culturelle, ces premières images idéalisées laissent rapidement la place à la déception et au désenchantement. En effet, pour les français les africains deviennent soudainement des gens qui manquent de rigueur dans la gestion des projets, insouciants, qui n'ont aucun sens de la ponctualité et qu'il faut « booster » en permanence. A leur tour, les africains trouverons que finalement les partenaires du Nord ne déboursent pas autant d'argent que l'on s'y attendait, qu'ils sont moins attentifs à leurs besoins et qu'ils sont plus soucieux des papiers que des aspects pratiques.

Cette dynamique des représentations collectives sur l'Autre opère fortement dans les rapports sociaux. Les stéréotypes positifs et négatifs fonctionnent comme grille d'interprétation dans les rencontres interculturelles, en particulier dans le cas Nord-Sud. C'est à ces instants-là que se révèle la complexité des décalages culturels et de la rencontre interculturelle. Les acteurs de la coopération décentralisée qui deviennent de véritables « ponts » culturels sont censés appréhender ces enjeux et les considérer dans toutes les étapes de la mise en oeuvre des projets.

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore