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Epiceries sociales et solidaires : histoire et typologie

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par Mathieu Gros
Université Aix-Marseille Economie et Gestion - Master II RH ESS 2014
  

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II. Cadrage théorique et fonctionnement des épiceries sociales et solidaires

Nous avons vu dans les parties précédentes que l'aide alimentaire existait depuis des siècles et qu'elle a fortement évolué depuis. Elle s'est institutionnalisée, mais montre également des signes d'insuffisance face à l'ampleur du nombre de personnes à secourir (plus de 14% de pauvreté en France et plus de 16% en Europe depuis 2011). Depuis quelques années, l'aide alimentaire est dans une nouvelle phase de développement, elle doit se réinventer pour continuer à exister et surtout innover pour s'adapter aux nouveaux besoins sociaux d'une population appauvrie par les crises économiques, financières et sociales à répétition.

L'objectif de cette partie est de tenter de caractériser les différents modèles économiques, les richesses humaines et les alliances qui s'appliquent aux organisations pour ensuite arriver à une grille d'analyse nécessaire à l'étude menée. Les approches théoriques mobilisées pour appréhender les épiceries seront les suivantes : l'entreprise sociale, l'hybridation des ressources, théorie des conventions et de l'acteur réseau, ESS, ressources humaines, « bénéfices col lect ifs ».

1. Cadrage théorique des épiceries sociales et solidaires

Un modèle économique permet d'étudier l'environnement et le fonctionnement d'une organisation. Qu'en est-il de celui d'une épicerie sociale ou solidaire? Les ES ne sont pas basées sur un seul modèle économique. Certaines vont avoir tendance à avoir une logique plus économique et s'orienter vers le modèle de l'entrepreneuriat social. Un modèle qui se positionne sur une posture marchande avec des activités commerciales mais dans le respect de la lucrativité limitée et en maintenant une finalité sociale.

1.1 Les épiceries : des organisations économiques aux multiples dimensions

Comme pour toute organisation, les épiceries doivent mobiliser plusieurs ressources pour mener à bien leur projet initial : des moyens humains, techniques, administratifs et financiers.

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Pour VIENNEY (1994), une organisation est un «ensemble de comptes sociaux, interconnectés, avec des participants, fournissant des contributions et recevant des contreparties». Pour cela, l'organisation fonctionne selon un modèle économique qui constitue la structure des moyens dont elle dispose. Les épiceries sociales et solidaires étant majoritairement représentées par des associations (67% pour l'ANDES), nous orienterons le cadrage sur le modèle associatif. Un modèle qui d'après le rapport Lipietz de 1998 « entraîne des effets externes comme : du réseau, du lien et du capital social ». Ce modèle présente des approches différentes selon une orientation marchande ou non marchande au niveau des ressources, de la finalité et de l'activité.

Sur le marché « lieu de rencontre entre l'offre et la demande », il y a une logique de prix. Ce prix dépend des coûts de product ion et de la marge de l'entreprise.

Pour les ressources :

- Marchande : lorsqu'on couvre le coût de production par un prix.

- Non marchande : les biens et services sont mis à disposition des usagers en dehors du marché et leur financement n'est pas assuré par un prix. Son financement est alors composé d'autres ressources : fonds publics, dons ou cotisations d'usagers.

Pour la finalité :

- Marchande : finalité lucrative dans le but de rémunérer le capital généré

- Non marchande : la finalité n'est pas la recherche de lucre, ni de rémunération du capital et peut être sociale.

Pour l'activité :

- Marchande : lorsque le projet est d'ordre privatif

- Non marchande : quand le projet est d'intérêt général ou reconnu d'utilité publique

Les ES ont donc plusieurs dimensions économiques dont celle de l'entreprise sociale. Ce modèle qui s'oriente vers une dimension marchande, respecte tout de même le principe de lucrativité limitée en maintenant une finalité sociale. On peut donc supposer que des liens avec l'entreprise sociale sont présents. D'une manière générale, les ES font appel aux mêmes ressources qu'une entreprise, mais d'où vient ce modèle d'entreprise sociale ?

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1.2 La dimension de l'entrepreneuriat social

Les recherches montrent que l'entrepreneuriat trouve ses sources au début du XIXe siècle avec l'économiste SAY qui parle de nouvelles combinaisons de ressources dans une loi qui porte son nom, la loi SAY (1803). Par la suite, on trouvera également un grand investigateur de l'entrepreneuriat, SCHUMPETER (1950) qui considère « l'agent» comme un « acteur de changement». Pour lui «un entrepreneur est une personne qui veut et qui est

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capable de transformer une idée ou une invention en une innovation réussie» . On peut

citer également Peter DRUCKER (1985) qui parle d'innovation dans l'entrepreneuriat « un entrepreneur est à la recherche d'opportunité de changement». Plus récemment, dans les années 2000, par la loi du 28 juin 2001, un nouveau statut d'entreprise a été créé, dérivé de la loi des coopératives de 1947, celui de la SCIC.

Au niveau européen, l'émergence des entrepreneurs sociaux a permis des recherches sur ces organisations et le réseau EMES (International Research Network) propose une définition qui représente plus un «idéal-type» qu'une réelle définition normative. Cet idéal-type est basé sur trois dimensions : économique entrepreneuriale, sociale et gouvernance participative. Il a pour but de caractériser les différentes typologies existantes.

Pour le chercheur Patrick GIANFALDONI (2013) les entreprises sociales sont «des organisations privées n'ayant pas pour finalité le profit et fournissant des biens et services ayant pour but explicite de bénéficier à la communauté ».

Pour DRAPER! (2003), « l'entreprise sociale s'intègre bien dans l'économie sociale puisqu'elle répond à des besoins sociaux non satisfaits et fonctionne selon des principes

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démocratiques » .

Ainsi, au cours des vingt dernières années, ces nouvelles formes d'économie sociale se sont étendues à de nouveaux secteurs dont les épiceries sociales et solidaires. Mais certains voient également en cette mutation, «un risque de hiérarchisation des défis sociaux à travers le prisme du marché» (DEFOURNY, NYSSENS, 2013) ou bien un

40

http://fr.wikipedia.org/wiki/Entrepreneuriat

41

RECMA n°288 page 66 : http://recma.org/sites/default/files/288_o48o66.pdf

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isomorphisme (Dl MAGGIO, POWELL 1983) qui consisterait à enraciner le concept d'entreprise sociale dans la tradition de l'ESS.

Voyons à présent les points communs qui rapprochent les ES d'une entreprise sociale à travers leur fonctionnement et leur organisat ion.

2. Fonctionnement et organisation des épiceries sociales et solidaires

Les travaux de VIENNEY (1980-82; 1994), par le biais du Triptyque « acteur=>règles=>organisat ion » qui porte son nom, permet d'avoir une approche nouvelle (différente de l'analyse néoclassique) sur l'économie sociale. En effet, après avoir choisi son statut juridique, l'organisation doit mettre en place des règles pour mener à bien son projet. La construction de ces règles passe par une continuité d'éléments : Organisation => ressources => activités (nature, degré) => objectif (celui-ci prime sur l'activité).

L'axe financier des ES doit prendre en compte des besoins: l'investissement et le financement de l'activité pour laquelle elle a été créée. Les investissements vont concerner l'immobilier, le matériel alors que le financement de l'activité recouvre les besoins pour réaliser le projet associatif, et le fonctionnement de l'association. Chacune de ces logiques s'appuie sur des leviers différents.

2.1 Une mixité des ressources

Concernant les ressources des ES, dans la majorité des cas on observe qu'elles respectent un des principes fondamentaux de l'ESS, à savoir celui de l'hybridation de trois formes d'économie et de ressources : le Marché, l'Etat et la Société Civile (ou Réciprocité).

On entend par « Marché », les ressources issues des clients. On le retrouvera surtout au sein des ES évoluant sous un schéma mixte d'accueil du public. D'après des chiffres de 2011 sur le secteur associatif, les ressources privées issues des ventes représentaient

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environ 36 % de leur budget. Mais ce modèle de mixité du public reste marginal. On

compte très peu d'épiceries sociales et solidaires sous cette forme-là. Par exemple en PACA, on en dénombre seulement deux, à Arles et à St Rémy. On trouvera également le

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Contribution à l'analyse des modèles socio-économiques associatifs. CPCA-Janvier 2014. page 6

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mécénat d'entreprise et les fondations, qui ne représentent que 4% des budgets des associations, en 2011, mais qui pourraient à l'avenir prendre une tout autre part, puisque les subventions publiques tendent à diminuer. Mais les fondations ou philanthropes accepteront-ils de s'y substituer?

On entend par « Etat », les ressources issues des subventions et des marchés publics que perçoivent les épiceries pour mener à bien leur projet. D'après les budgets étudiés, ce type de ressources représente en moyenne près de la moitié du financement des épiceries sociales et solidaires, et peuvent parfois atteindre jusqu'à go % du budget global.

De l'Europe aux communes, chaque intermédiaire territorial contribue au financement des projets en fonction de ses compétences et de ses priorités politiques. On observera une tendance forte aux financements publics dans une épicerie portée par un CCAS ou CIAS ou bien une association ayant un projet social fort. On pourrait alors parler de «délégation de service public» d'après Mathieu GALAND, directeur de l'association Garrigues et gérant d'une épicerie solidaire itinérante dans le Var (83).

Lorsqu'on observe les chiffres de l'étude sur les typologies des modèles économiques des associations, on y apprend en effet, que les commandes publiques ou marchés publics sont en forte progression sur les six dernières années au détriment des subventions. « Elles sont passés en 5 ans de 1/3 des financements publics à 50%», ce qui par conséquent signifie que les associations entrent dans un champ concurrentiel et sont de moins en moins financées sur leur projet associatif ou «mythe», comme l'appelle ROUSSEAU dans son ouvrage «Gérer et Militer». Comme le souligne ROUSSEAU, quand une association se développe, elle entre dans une vision de gestion (geste social) et perd souvent son sens associatif (mythe-tribu). C'est pour cela qu'elle doit sans cesse remettre en question son projet et créer des outils de gestion du sens.

Enfin, on entend par « Société Civile » ou « Réciprocité », « la relation établie entre des groupes ou personnes grâce à des prestations qui ne prennent sens que dans la volonté de manifester un lien social entre les parties prenantes » (LAVILLE, 2001). C'est un principe qui s'oppose à l'échange marchand. On y trouvera uniquement les cotisations des bénéficiaires des épiceries sociales et solidaires. D'après l'étude citée ci-dessus, en 2011, les cotisations représentaient 10,7% des revenus des associations. Pour les épiceries

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sociales et solidaires, il est difficile de faire un constat car la présence d'une cotisation est très aléatoire et souvent symbolique (entre 1 et 2 € maximum), ce qui ne permet pas de définir un pourcentage précis.

Dans ce contexte de diminution des subventions, certaines épiceries sociales et solidaires ont une démarche d'automatisation financière par la diversification des sources de revenus, notamment privées. Mais elles ne sont pas destinées à remplacer les financements publics, seulement à les compléter. L'hybridation des ressources devient alors « gage de pérennité » pour la structure.

2.2 Les richesses humaines : la coexistence de salariés et bénévoles aux tâches multiples

Souvent considérée comme la principale ressource d'une organisation, la structuration de la richesse humaine mobilisée au service du projet associatif est fondamentale pour comprendre le modèle de fonctionnement de l'organisation. En fonction de l'implication des bénévoles et salariés, le modèle économique d'une épicerie sociale ou solidaire ne s'organise pas de la même manière. Dans certains cas, la masse salariale sera le premier poste de charges, pouvant atteindre 6o% voire 8o% du budget (d'après une étude menée

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par Le CPCA sur 150 structures).

Au sein des épiceries sociales et solidaires, on trouve des salariés qui ont en charge les tâches courantes ou des actes de gestion mais également des bénévoles qui peuvent venir en aide sur des tâches annexes ou bien amener leurs savoir-faire sur des actions ponctuelles d'acte de gestion (trésorerie, secrétariat, stock, etc.). De taille très hétérogène, les effectifs des épiceries peuvent aller de un salarié à une dizaine quant au bénévolat il dépasse parfois soixante-dix personnes.

2.2.1 «Au-delà de l'épicier », des métiers multiples

Rien ne semble différencier les épiceries sociales et solidaires, des épiceries classiques par la présence de denrées alimentaires, de produits d'hygiène, de rayonnages, d'un espace d'accueil et d'une caisse. Mais les particularités de ces épiceries, se situent dans le

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Site internet du CPCA, lien vers l'étude : http://lemouvementassociatif.org/actualite/articles/typologie-des-modeles-de-ressources-financieres

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regroupement de plusieurs métiers au sein d'un même lieu et la création de nouveaux espaces. Ceux-ci vont se traduire par un espace d'accueil caractérisé par la présence d'une table, de chaises, parfois une machine à café, des journaux, pour créer une ambiance « conviviale » d'échanges et de rencontre. On trouve assez souvent un coin enfants, un espace information et documentation ainsi qu'un espace social indépendant de la boutique consacré à l'accompagnement et au suivi du public accueilli.

Des ateliers thématiques sont proposés de façon régulière, animés par des intervenants extérieurs ou bien par des travailleurs sociaux (assistant(e) social(e), conseiller (ère) en ESF). Plus rarement, l'ensemble est complété par des services annexes tels que coiffeur, manucure, livraison à domicile, etc.

Les métiers rencontrés dans les ES sont :

- hôtesse de caisse et d'accueil

- responsable, coordinateur de l'épicerie

- assistant(e) social(e) ou conseiller (ère) en ESF.

Il est rare que les fonctions exercées par les salariés se limitent à la qualification mentionnée sur la fiche de paie. S'ajoute par moment un rôle d'accompagnateur social (échanges verbaux en caisse, accueil d'un public parfois difficile, animation de l'espace convivial).

Le salarié doit être capable de maîtriser plusieurs fonctions afin de répondre le mieux possible aux besoins des publics visés et assurer l'ensemble des tâches courantes. Ces tâches vont de l'accueil du public, mise en rayon des produits, gestion du stock, vente et gestion de caisse, gestion administrative, communication, aménagement, gestion du personnel et des bénévoles, veille tarifaire, animation et gestion des ateliers, élaboration des dossiers de subventions, jusqu'au lien avec la direction générale et/ou le conseil d'administration suivant la forme juridique.

Lorsque l'on ne connaît pas l'organisation de ces épiceries « pas comme les autres», on n'imagine pas, pour certaines d'entre elles, le travail social à accomplir en complément de celui des référents sociaux (accueil du public, accompagnement dans la démarche, conseil sur les produits et le budget, suivi du dossier, orientation vers d'autres structures, animation des d'ateliers, etc.). Ce travail est pris en charge par une équipe de salarié, qui

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souvent, ne présente pas un parcours professionnel adapté. Comme le souligne Guillaume BAPST « Le rôle des épiceries solidaires ne s'arrête pas â la vente de produits moins cher. Elles assurent aussi tout un travail d'accompagnement et de sensibilisation,

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notamment à travers des ateliers de cuisine et d'éducation à la nutrition et à la santé » .

Il peut s'agir là d'un réel problème pour les épiceries sociales et solidaires, quant à la formation initiale des salariés. Un travailleur social sera-t-il mieux placé pour travailler dans une ES ?

A noter par ailleurs, que l'ANDES travaille depuis 2009 sur l'élaboration d'une formation diplômante permettant à des personnes de se spécialiser sur ce type de métier, appelé par l'ANDES «épicier solidaire ». Toujours selon Guillaume BAPST, il s'agit là d'une « particularité du métier» qui comporte trois dimensions : sociale, logistique et politique.

Les ES ont donc créé un nouveau métier, celui « d'épicier solidaire », non reconnu par un diplôme mais validé par l'expérience. Dans certains cas, les épiceries ont trouvé une autre solution : insérer une équipe de professionnels du social (AS et CESF) au sein de l'organisation. Ce sera le cas notamment d'épiceries sociales gérées par un CCAS ou CIAS mais aussi exceptionnellement par certaines associations ayant fait évoluer leur projet initial.

2.2.2 Des salariés aux parcours professionnels atypiques

Quand on se penche sur les profils rencontrés, on découvre que certains ont travaillé plusieurs années dans le commerce de proximité, les centres sociaux, le prêt-à-porter ou bien complètement à l'opposé, dans des domaines aussi variés que ceux de l'ingénierie, la banque ou l'enseignement. Ceci représente une richesse supplémentaire pour ces structures car, à y réfléchir, ce sont des mondes différents qui interfèrent entre eux.

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En effet, comme le souligne la théorie des conventions (BOLTANSKI, THEVENOT, 1991), la coopération entre acteurs s'intéresse à des formes de coordinations qui ne sont pas forcément des contrats, des contraintes, mais qui reposent sur des principes communs

44

« La solidarité en libre-service» parGuillaume BAPST (exposé), Les amis de l'école de Paris du 28/05/2008, page 4.

45

http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89conomies_de_la_grandeur

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qui s'inscrivent dans les relations sociales. Il ne suffit pas de mettre des gens ensemble pour qu'ils coopèrent, il faut alors trouver des personnes permettant et favorisant le maillage, des «traducteurs» selon la théorie de l'acteur réseau ou de la traduction de

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(CALLON/LATOUR, 2006) . Chaque acteur apporte sa spécificité, son expérience, ses compétences, sa vision du monde, sa mentalité, provoquant des interactions positives pour mener à bien le projet de l'épicerie et entrevoir d'autres solutions de développement.

Selon les principes de l'ESS, il arrive que le salarié ait une «double qualité» (DRAPER!, 2010), celle de salarié-acteur. Dans ce cas, il aura un lien de subordination avec sa direction mais également un statut de partie-prenante (Théorie des stakeholders, FREEMAN 1984) car il participe, dans la majorité des cas, à la co-construction du projet de l'épicerie.

2.2.3 Le bénévole, une dynamique indispensable

La place du bénévole n'est pas évidente dans cette organisation. Pourtant, dans certains cas, l'apport d'une équipe de bénévoles va être plus que primordial pour mener à bien le projet. On observe que les contrats de travail des salariés sont généralement des emplois aidés (environ 70 % des épiceries visitées) et souvent à temps partiels. Il n'est pas évident de réaliser l'ensemble des tâches qui leur sont confiées et la présence ou non de bénévoles peut s'avérer déterminante.

Si l'on s'intéresse au bénévolat, on constate dans un premier temps que travail et bénévolat sont en opposition. « Le bénévolat est hors travail, c'est un don de soi et il est basé sur la gratuité du travail réalisé » (B. GIRAUD, cours de sociologie du travail, 2014). Il n'en reste pas moins qu'il est très développé dans l'ESS. La majorité des produits et services sont essentiellement réalisés par des bénévoles. On estime qu'il y a en France près de 20 millions de bénévoles (étude menée par FRANCE BENEVOLAT, 2013), ce qui représenterait plus de 1 milliard d'heures par an. Cette étude montre également que 3 secteurs dominent dans l'engagement : le social, caritatif avec 31%, les loisirs avec 25

et le sport avec 23 %. La proximité et la variété des actions à mener seraient des raisons

46

http://fr.wikipedia.org/wikifTh%C3%A9orie de l'acteur-r%C3%A9seau

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qui justifient l'attractivité de ces trois secteurs. On retrouve, dans le secteur du social et caritatif les ES.

L'organisation d'une épicerie va bénéficier de l'apport des bénévoles sur plusieurs points. Tout d'abord, ils permettent de réaliser des tâches que le salarié ne peut pas réaliser, faute de temps, tels que le rangement du stock, l'étiquetage des produits, de petits travaux, des rangements divers, la décoration, etc. De même, lorsqu'on observe l'environnement externe d'une épicerie solidaire, on constate que ce sont là aussi souvent des bénévoles qui permettent l'approvisionnement en denrées alimentaires. En effet, les Banques Alimentaires, décrites dans la partie I, disposent d'un réseau important de bénévoles permettant de trier, stocker et distribuer les produits.

D'autre part, le bénévole va, dans certains cas, apporter son ou ses savoirs et savoir-faire au reste de l'équipe salariée et devient co-producteur du service. Le bénévole endosse alors une double qualité de «acteur-producteur» et devient essentiel à l'organisation des ES.

On peut également rajouter que cette richesse humaine est importante à valoriser économiquement pour les structures. Le bénévolat est en effet estimé à près de 40 milliards d'euros en France (étude le RAMEAU, 2014), le prendre en compte permet de faire reconnaître son importance et de présenter aux partenaires l'évaluation stricte des besoins pour réaliser les object ifs.

2.3 Une organisation du travail et des horaires très hétérogènes

Comme nous l'avons vu précédemment, les épiceries sociales et solidaires ont des particularités qui permettent de les différencier des épiceries classiques. Il en est une autre qui se situe au niveau de l'organisation du travail et des horaires d'ouverture au public.

Dans toute organisation, il y a à la base, un projet social qui implique un projet économique nécessitant des ressources humaines et financières (Régis GUILLEMETTE, cours sur la GPEC, 2014) et des horaires d'ouverture au public différents de ceux du personnel.

Dans les ES, un modèle type n'existe pas, chacune a sa propre organisation du travail. A ce propos, le poste de gestion des ressources humaines n'est pas à négliger.

On s'appuiera sur les travaux de PICHAULT et NIZET (1995), pour analyser plusieurs situations au sein des ES. Tout d'abord, on pourra observer une coordination du travail en «supervision directe» quand le responsable ou coordinateur de l'épicerie est en position de donner des consignes, des ordres et contrôle le travail effectué. Dans d'autres cas, on parlera d'un «ajustement mutuel» quand les échanges verbaux, les discussions entre les acteurs sont privilégiés.

De même, au niveau de la configuration de l'organisation, deux types prédominent, les «configurations entrepreneuriale et adhocratique » (PICHAULT et NIZET, 2000, p.48 tableau1).

Entrepreneuriale car la division du travail est généralement d'ordre verticale forte, les salariés sont séparés des concepteurs du travail avec souvent peu d'autonomie. La supervision directe est régulièrement employée et la qualification des salariés est souvent faible ou peu appropriée.

Adhocratique car dans certaines situations, la division du travail sera faible tant par la dimension verticale qu'horizontale. Les salariés effectuent un grand nombre de tâches diversifiées et conçoivent aussi le travail qu'ils exécutent. L'ajustement mutuel est régulièrement adopté pour concevoir et organiser le travail. Et on trouvera des salariés dont la qualification est plus élevée.

2.4 Horaires et accueil du public

Pour les horaires d'ouverture au public, deux cas de figures peuvent se rencontrer :

- Accueil du public en continu : l'épicerie va avoir des horaires proches de ceux d'une épicerie classique, à savoir l'ouverture sur la semaine et des horaires plus larges. Il y a donc peu de contraintes pour l'usager.

- Accueil du public discontinu: l'épicerie va ouvrir seulement quelques jours dans la semaine, parfois sur une demi-journée (exemple de l'épicerie d'Endoume : Mardi toute la journée et Jeudi après-midi) et les horaires sont fixes. L'usager doit se plier aux jours et heures d'ouverture pour venir faire ses courses. Il s'agit d'une contrainte pour certaines personnes éloignées du lieu, ayant des contraintes de travail ou de famille.

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On pourrait trouver paradoxal qu'une épicerie ne fonctionne que quelques jours par semaine, alors qu'elle a pour but d'accueillir un public pour des courses alimentaires. Ce modèle entraîne de fait la nécessité pour l'usager de s'approvisionner en grandes quantités avec le risque de dépasser parfois ses besoins réels et ses ressources. A cela s'ajoute aussi la difficulté du stockage adapté des denrées. Enfin, dans certains cas, cette organisation incite la personne bénéficiaire à solder le montant qui lui a été alloué dans un temps restreint, ce qui produit un effet pervers.

Pour les salariés, l'organisation est tout autre. L'accueil du public représente un des objectifs principaux de l'ES mais l'ensemble des tâches à accomplir pour permettre son accueil doit être réalisé dans le temps imparti. Pour cela, les différentes tâches seront réparties sur la semaine et en fonction du type de contrat des salariés. Bien souvent, on rencontre des temps partiels en CAE-CUI, ce qui complique la réalisation des tâches sur la semaine. De plus, les épiceries qui disposent de moins de 3 salariés, devront avoir une gestion du travail rigoureuse et sans l'apport d'un ou deux bénévoles, la charge de travail reste importante et difficile à assumer.

2.5 La fixation du prix ou de la «participation solidaire »

Pour fonctionner, une organisation doit avoir des ressources financières. Une de ces ressources provient du prix des biens et services vendus. Les épiceries sociales et solidaires mettent en place des politiques de prix leur permettant de couvrir une partie ou la totalité des charges. Les ES ont une particularité rappelée ici par Guillaume BAPST, qui « n'est pas dans le don pur et simple » comme nous pouvons le trouver dans d'autres formes d'aide alimentaire telles que les colis d'urgence ou les Restos du coeur, puisque « les utilisateurs doivent s'acquitter d'une participation » qui permet «de réduire leur sentiment de redevabilité ».

Au sein des ES on parlera rarement de prix ou de tarifs, mais plutôt de « participation solidaire» qui s'avère être parfois symbolique et une logique sociale est donc présente. «Le but des épiceries solidaires est de rompre avec la notion d'assistanat» souligne G. BAPST, et s'acquitter d'une participation ou d'un prix permet cela. De même, il est inscrit dans la charte de l'ANDES à l'article 4 (voir annexe 7) que «chaque adhérent se voit attribuer un montant d'achats en fonction de la composition de son foyer et s'acquitte d'une

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participation financière inférieure ou égale â 3o % de la valeur marchande des produits ». Ce qui signifie que l'ensemble des épiceries adhérant au réseau ANDES doivent respecter et appliquer ce principe. A ce propos, il arrive que des bénéficiaires ne puissent pas utiliser l'intégralité du montant auquel ils ont droit, faute de moyens financiers, en fin de mois par exemple ou parce qu'ils ont dû faire face à d'autres dépenses urgentes.

De nos jours, les denrées alimentaires essentielles à la santé sont de plus en chères. Dans un article paru dans le magazine LA SANTE DE L'HOMME, des études sur la consommation nous apprennent que dans le commerce classique, «la structure de prix

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des denrées alimentaires est plutôt défavorable â l'équilibre alimentaire » . Les fruits et légumes, les poissons, les viandes vont être plus onéreux que les produits salés, sucrés, gras nettement meilleurs marché. De fait, les ménages en difficulté, auront alors tendance à faire le choix des produits les moins coûteux, mettant au second plan les principes d'hygiène alimentaire et donc leur santé.

La santé à tout « prix »

En France, il existe un seuil critique pour se nourrir qui est actuellement évalué à 3,5 euros par jour et par personne. Les études menées sur le sujet insistent sur le fait que « le budget alimentaire des personnes pauvres est insuffisant pour se procurer une alimentation

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équilibrée» (SANTE DE L'HOMME, 2009). En complément, l'étude Abena 2011-2012

menée sur « l'état nutritionnel des bénéficiaires de l'aide alimentaire » fait ressortir que l'état de santé des usagers de l'aide alimentaire est «préoccupant avec des prévalences des pathologies liées â la nutrition (obésité, hypertension artérielle, diabète, certains déficits vitaminiques) particulièrement élevées ».

Les épiceries sociales et solidaires vont alors mettre en place des solutions pour adapter les «prix» aux publics accueillis et leur permettre ainsi l'accès à des produits plus sains, répondant aux besoins alimentaires. C'est d'ailleurs un engagement inscrit dans la charte de l'ANDES à l'article 2 qui impose la « diversité des produits».

47

Manger équilibrer pour 3,5 euros parjour: un véritable défi, LA SANTE DE L'HOMME n°402, page3.3, 2009

48

http://www.inpes.sante.fr/30000/actus2oi3/oo9-abena2oii-2o1.2.asp (Partenariat scientifique et financier de l'INVS, l'ORS IdF, INPES et le Ministère de la Cohésion Sociale).

-46-

Les « prix» s'établissent de deux manières :

- Par pourcentage : ce mode de calcul est généralement mis en place dans les épiceries dont l'accueil du public est non mixte (uniquement un public précaire). On trouvera un pourcentage du prix réel du produit inférieur ou égal à 30 %. Pour cela, une veille tarifaire est réalisée par le salarié en charge du stock. Dans certains cas, le calcul est le suivant : 10 % sur les produits secs, 20 % sur les fruits et légumes, viandes, poissons et 30 % sur les produits d'hygiène. La logique sera alors sociale.

- Par prix fixe: ce mode de fixation s'observera essentiellement au sein des ES développant un projet d'accueil du public mixte jumelé avec un modèle basé sur le circuit-court. On trouvera alors deux prix affichés, un prix dit « normal » et un prix dit «solidaire». Un coefficient solidaire est alors calculé pour permette un équilibre budgétaire (par exemple 1,55 pour le prix solidaire au lieu de 2 ou 3 pour le prix normal). Ce modèle s'inscrit dans une logique plus marchande.

2.6 Approvisionnement : une multitude de solutions alternatives

Pour approvisionner les rayons, les épiceries sociales et solidaires développent plusieurs stratégies. Il s'avère que cette tâche, primordiale pour le bon fonctionnement du lieu et l'atteinte des objectifs, constitue un pari au quotidien. Elle permet d'assurer au public, des produits de qualité en quantité suffisante.

On peut identifier jusqu'à quatre sources d'approvisionnement : les aides financières de l'État et des collectivités locales (PEAD, FEAD, PNAA), les invendus de la grande distribution, l'achat direct et enfin le « circuit-court ». Pour chacune de ces sources, cela relève de la mise en place, souvent à l'échelle locale, de partenariats «gagnant-gagnant », afin d'offrir des produits de qualité à des prix raisonnables pour le public tout en rémunérant au plus juste les producteurs et les salariés.

- Aides de l'Europe, de l'État et des collectivités locales (type ressource Etat)

Les surplus agricoles européens seraient désormais insuffisants, de ce fait, l'Europe et les États achètent des denrées alimentaires auprès de grands groupes de l'agroalimentaire, par le biais d'appels d'offres régis par le code des marchés publics (le PEAD représentait plus de 50o millions d'euros par an entre 2009 et 2013). En France, c'est l'organisme FranceAgriMer qui gère les aides européennes (environ 7o millions d'euros par an) et qui

-47-

s'occupe de la gestion des appels d'offres (d'après leur service, 1/3 des produits provient

49

de l'Union Européenne, le restant provient de France) . Ces produits sont par la suite

so

confiés à de grands réseaux habilités tels que les Banques alimentaires, les Restos du

Coeur, le Secours Populaire, la Croix-Rouge et l'ANDES (depuis le mois de février 2013).

L'État français a décidé de compléter cette aide par différents plans nationaux tels que le PNAA depuis 2004, dont le budget est d'environ 8 millions d'euros destinés à l'achat de denrées alimentaires non couvertes par le PEAD. Depuis le premier trimestre 2014, le CNES, doté également d'une enveloppe d'environ 8 millions d'Euros, vient en complément, directement versé équitablement aux deux principaux réseaux, Banques Alimentaires et ANDES. Par la suite, ces réseaux mettent en place des systèmes de redistribution financière à leurs adhérents (un montant multiplié par le nombre d'adhérents actifs) qui sera destiné à l'achat de denrées alimentaires complémentaires. Enfin, les collectivités locales et territoriales (villes, départements, régions) contribuent également au financement des structures associatives. On peut parler de logique économique pour ce mode d'approvisionnement.

- Les invendus de la grande distribution (type de ressource Marché)

La lutte contre le gaspillage alimentaire est également une des forces du concept des ES.

s1

La FAO estime en 2011 que « Le tiers des aliments produits chaque année dans le monde

pour la consommation humaine, soit environ 1,3 milliard de tonnes, est perdu ou gaspillé », soit entre 95 et 115 kg par an et par consommateur. Compte-tenu des aides financières présentées ci-dessus, on peut se demander s'il n'est pas paradoxal de continuer à acheter et donc produire de la nourriture qui par ailleurs sera perdue ou gaspillée (cf. cas de l'Allemagne en partie 1).

Pour mettre en place ce type d'approvisionnement et ainsi lutter contre le gaspillage alimentaire, les ES doivent passer des partenariats locaux avec les grandes surfaces

49

Entretien téléphonique avec Monsieur DEHEN de FranceAgriMer, en charge de l'établissement des appels d'offres concernant l'aide alimentaire.

50

Chaque association caritative doit être habilitée par l'État pour recevoir les aides européennes

51

http://www.fao.orginews/storyfir/item/7433.2/icode/

-48-

désireuses de participer à un projet à la fois solidaire et environnemental. Guillaume BAPST précise que « les entreprises privées fournissent énormément de denrées alimentaires â travers les « produits de dégagement », c'est â dire les produits d'épicerie qui n'ont pas été écoulés dans les délais prévus ».

En effet, la réglementation en vigueur (DGCCRF - Articles R.112-1 du Code de la 52

consommation ) précise que les emballages doivent indiquer deux types de dates: la

DLC (Date Limite de Consommation) et la DLUO (Date Limite d'Utilisation Optimale). De plus, les règles d'hygiène en vigueur et les règles propres aux grandes surfaces entraînent un surplus de perte et de gaspillage (les produits approchants la DLC sont

53

sortis du rayon, les fruits et légumes non conformes sont jetés). Une autre règle permet aux ES de proposer à leur public des produits à DLUO dépassée, sans risque pour la

54

santé .

Les grandes surfaces n'ont ni l'habitude, ni le temps de mettre de côté les invendus, « la casse » (emballages ouverts par exemple) pour les redistribuer autrement. C'est dans ce cadre-là qu'un partenariat entre une grande surface ou commerce de proximité et une ES pourrait être mis en place. Il s'agirait alors d'un accord « gagnant-gagnant » étant donné que cela réduirait considérablement les déchets pour le donateur et constituerait pour le bénéficiaire du don, de denrées alimentaires encore comestibles et gratuites.

On peut parler de logique sociale voire solidaire pour ce type d'approvisionnement. - L'achat direct (type de ressource Marché)

Il peut arriver qu'épicerie n'ait pas suffisamment de produits issus de l'aide alimentaire européenne ou des invendus des grandes surfaces. Elle est alors amenée à acheter directement les produits dans une grande surface ou un commerce de proximité. Ce sera notamment le cas des produits d'hygiène qui sont extrêmement rares voire inexistants

52

http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArt icle=LEG IARTI000006292756&cidTexte=LEGITEXT000006069565&dateTex te=2o11o2o9&fastPos=1&fastRegld=1636262521&oldAct ion=rechCodeArt ide

53

http://www.economie.gouv.fr/dgccrf/Publ icat ions/V ie-prat ique/Fiches-prat iques/Date-I imite-de-consommat ion-DLC-et-DLUO-

54

http://alimentation.gouv.fr/dateperemption

-49-

dans les dons ou produits de l'aide européenne. L'achat de ces denrées et produits pourra alors se faire grâce aux financements des collectivités, au CNES ou encore par un partenariat avec une entreprise privée sous forme de chèques cadeaux ou d'enveloppe. On peut parler de logique économique dans ce mode d'approvisionnement.

Les épiceries ayant fait le choix de ne pas passer par l'aide alimentaire classique ou autres réseaux ressources, seront amenées à s'approvisionner directement auprès de fournisseurs ou producteurs locaux, à travers la mise en place d'un circuit-court.

- Circuit-court (type de ressource Marché)

De par leur rôle d'acteur économique fort sur le territoire, l'organisation de la production des épiceries sociales et solidaires peut s'apparenter à celle du circuit-court. Cela va au-delà des alliances avec les producteurs locaux puisque des échanges économiques sont contractés avec des acteurs de secteurs différents tels que la grande distribution, les producteurs locaux, les pouvoirs publics et des entreprises privées du territoire.

D'après le ministère de l'agriculture, les circuits-courts se définissent comme étant «un mode de commercialisation des produits agricoles qui s'exerce soit par la vente directe du producteur au consommateur, soit par la vente indirecte, à condition qu'il n'y ait qu'un seul

ss

intermédiaire» .

Plus généralement, on peut qualifier le circuit-court comme étant un circuit de distribution dans lequel intervient au maximum un intermédiaire entre le producteur et le consommateur.

Les lectures montrent que « Les circuits-courts émergent de pratiques socio-économiques dont les implications relèvent des différentes dimensions du développement durable. Ils participent notamment d'un empowerment non seulement des producteurs, mais aussi de l'ensemble des partenaires territoriaux autour de la mobilisation en faveur d'une alimentation durable » (CHIFFOLEAU, PREVOST, 2012).

Sur le terrain, cela se traduit par des accords directs sur les prix avec les producteurs locaux afin de leur garantir une rémunération convenable et assurer la mission d'aide

SS

http://a I imentat ion.gouv.fr/circuit-court-internet

- 50 -

alimentaire par des prix accessibles en épicerie. Aujourd'hui, l'implication des producteurs dans le pilotage du projet est une des conditions pour que la structure fonctionne bien. Les difficultés résident dans le choix des producteurs à cause de la méconnaissance du tissu agricole local et l'établissement d'une relation de confiance.

On peut donc parler de logique plus économique pour ce mode d'approvisionnement. 2.7 La production des épiceries, une source de «bénéfices collectifs »

Les actions menées par une épicerie sociale ou solidaire s'exercent sur un territoire précis qui peut être urbain, rural. Elles ont donc un impact direct sur l'activité économique du secteur. Les alliances passées entre les acteurs constituent à proprement parler une sorte de «contrat social» (J-L LAVILLE, 2006). Cela signifie que nous n'avons pas simplement une énième proposition de service ou assistance, mais bel et bien un nouvel outil de « vivre ensemble » offrant de nouvelles solutions et opportunités.

De plus, ces nouvelles modalités de conception des services sociaux à partir d'une « impulsion réciprocitaire » peuvent être intrinsèques (produits pour eux-mêmes) ou extrinsèque (conçues par eux pour d'autres acteurs). Dans les deux cas, la réciprocité va prendre en compte l'espace et le temps de chaque personne à laquelle le service est proposé. Par conséquent, comme le propose LAVILLE, on peut qualifier les épiceries sociales et solidaires de «services de proximité ».

Comme nous l'avons vu précédemment, les ES développent des «valeurs de partage et de solidarité». De même, elles créent des valeurs plus subjectives comme la reconnaissance, l'estime de soi et l'autonomie. Il y a également une création de « valeurs économiques» de la part des ES par l'instauration d'un «projet personnel» lors de l'accès à l'épicerie qui va permettre à la personne de réaliser une épargne. Cette épargne va essentiellement servir pour un projet d'insertion sociale : reprise du paiement d'un loyer, soins de santé, règlement d'une dette d'énergie, permis de conduire, etc. L'économie réalisée sur le budget alimentaire permet de réinjecter une autre valeur dans l'économie locale. Par exemple sur Endoume, l'épicerie solidaire a fait réaliser aux adhérents une épargne de plus de 12 000 € en 6 mois durant l'année 2013.

Le nombre de personnes soutenues et accompagnées est également une « bénéfice collectif» pour le territoire. L'aide alimentaire dans le département des Bouches-du-

-51-

Rhône, a permis de nourrir plus de 40 000 personnes soit environ 6,5 millions de repas (chiffres publiés par la BA13). Si l'on fait un focus sur deux épiceries, on constate par exemple que l'épicerie d'Endoume, qui agit essentiellement sur le 7ème arrondissement

56 57

de Marseille (qui compte 36 332 habitants) , a aidé près de 1274 personnes durant l'année 2013, soit près de 4% de la population locale. L'épicerie solidaire itinérante de l'association «Garrigues» à Saint Maximin, couvre par ses activités, plus de 30

58

communes du Var (Provence Verte et Haut Var Verdon, soit près de 124 000 habitants) .

Elle a permis à plus de 2 000 personnes de bénéficier des services sociaux qu'elle développe (épicerie solidaire, garage solidaire, ressourcerie, petits travaux, locations de véhicules) soit 2 % de la population des territoires couverts. Ces personnes peuvent alors retrouver un emploi, une formation, une vie sociale et familiale stable, etc.

Certains économistes, comme Jean GADREY qualifieraient ce type d'action comme étant un « bien quasi-collectif» tant sa contribution permet l'établissement de «bénéfices collecte». On peut également citer les travaux d'Alfred MARSHALL, économiste britannique et père fondateur de « l'économie néoclassique », sur les «externalités positives». Elles désignent des situations où un agent économique (ménage, entreprise, État) bénéficie de l'action des tiers sans contrepartie financière.

GADREY fait également ressortir trois types de bénéfices collectifs :

- la réduction des inégalités et de l'exclusion;

- le renforcement de la solidarité, du global au local, et la sociabilité;

- l'amélioration des conditions collectives du développement humain durable (dont font partie l'éducation, la santé, la culture, l'environnement et la démocratie).

Ce sont ainsi des coûts sociaux évités pour le territoire qui permettent la mise en place de solutions sociales à long terme pour les personnes aidées sur une période relativement courte.

56

http://www.a nnuaire-mairie.fr/mairie-marseil le-7e-arrond issement.html

57

58

Ce chiffre englobe le nombre total de personnes composant le foyer (adultes, enfants)

http://www.insee.fr/fr/insee regions/provence/themes/dossier/doso9/payspv.pdf, http://habitatcg83.over-blog.com/pages/Haut_Var Verdon-w44959.html

-52-

3. Le public des épiceries : différents profils et modes d'accès

Les épiceries sociales et solidaires ont vocation à accueillir ce que l'on appelle « un public ». Mais à y regarder de plus près, on s'aperçoit qu'il y a différentes approches au sein des ES. Certaines vont axer leur projet sur l'accueil d'un seul public, dit « précaire » et d'autres vont au contraire élargir leur projet pour accueillir un public dit «mixte» (précaire et non précaire).

De ce fait, le public va avoir plusieurs dénominations en fonction du projet choisi. Habituellement, une personne qui fait ses courses dans une épicerie classique est appelée «client»; au sein des épiceries sociales et solidaires, on utilisera plutôt des termes que l'on retrouve dans le domaine social comme «usager», «bénéficiaire» ou encore un terme proche du secteur associatif, « adhérent ».

3.1 Analyse des modalités de chacune des approches d'accueil

Intéressons-nous à une analyse plus sociologique du public « précaire » accueilli dans ces épiceries sociales et solidaires et arrêtons-nous brièvement sur la notion de « précarité ».

Souvent usité en sociologie, la « précarité » reste néanmoins une notion large avec une définition plutôt floue. Pour la sociologue, Mircea VULTUR, de l'Institut national de la recherche scientifique à Québec au Canada, il s'agit d'un «concept fantôme» qui est aujourd'hui « bien établi dans la rhétorique institutionnelle et médiatique, dans les représentations individuelles et collectives et dans les analyses sociologiques du monde du

59

travail » .

La définition du Haut Comité de la Santé Publique, empruntée au père Joseph WRESINSKI (fondateur du mouvement ATD QUART-MONDE, 1956), est plus normative : « La précarité est l'absence d'une ou plusieurs des sécurités permettant aux personnes et familles d'assumer leurs responsabilités élémentaires et de jouir de leurs droits

59

http://sociologies.revues.org/3287

- 53 -

fondamentaux. L'insécurité qui en résulte peut être plus ou moins étendue et avoir des

6o

conséquences plus ou moins graves et définitives » .

Enfin, pour la DREES « Les situations de précarité renvoient tout autant à des difficultés d'intégration sociale (ou à des situations de rupture des liens sociaux) et/ou à des difficultés d'insertion professionnelle (ou à des situations de précarité professionnelle). Dans tous les cas, précarité sociale et professionnelle se traduisent par une précarité des conditions de vie caractérisée par un ensemble de difficultés pouvant se cumuler dans différents domaines

61

(emploi, logement, santé, etc.) » .

Ces trois définitions nous montrent qu'il est aussi difficile de proposer une définition précise de la précarité que de la pauvreté, comme nous l'avons vu précédemment.

Le public précaire accueilli dans les épiceries sociales et solidaires dépend du territoire et de la variété des prescripteurs sociaux.

On ne trouvera pas le même public suivant que le territoire est urbain ou rural. De même, chaque prescripteur social (CAF, CCAS, MDS, PACT, etc.) travaille avec un public différent (bénéficiaire du RSA, Chômeur, Handicapé, +6o ans, etc.). Le public sera distingué par

des dénominations spécifiques telles que : familles monoparentales, familles
nombreuses, travailleurs pauvres, personnes âgées, etc. Le sociologue Michel LEGROS apporte un éclairage particulier sur les personnes âgées dont les caractéristiques ont évolué. Il distingue deux typologies de personnes aidées :
«des gens très âgés,..., au minimum vieillesse, autour de 8o ans » et des personnes « nouvellement pauvres parce qu'elles sortent de 20 el 25 ans de passage dans des dispositifs...et avec des retraites très faibles» qu'il appelle des «jeunes» personnes âgées.

D'autre part, un autre phénomène prend de l'ampleur depuis plus de 20 ans, celui des «travailleurs pauvres» (TP), que l'on trouve parmi des «gens en situation de travail et dans des ménages dont les revenus globaux ne leur permettent pas de se situer au-dessus de la pauvreté ».

6o

http://www.irdes.fr/Publications/Rapports1996/rapii29.pdf-- Enquêtes sur la santé et les soins médicaux en France, 1991-1992

61

http://www.drees.sante.gouv.fr/IMG/pdf/serieetud8i.pdf-- La prise en charge des populations dites précaires dans les établissements de soins -- n°81, novembre 2008 - page 8

-54-

Toutes les épiceries ne disposent pas d'un logiciel permettant d'établir des chiffres précis

62

des compositions familiales ou des types de bénéficiaire, mais certaines d'entre-elles peuvent nous éclairer sur les publics qui les fréquentent. Pour compléter, on s'appuiera sur l'étude Abena 2011-2012 « alimentation et état nutritionnel des bénéficiaires de l'aide alimentaire» qui présente, en page 3 de la synthèse, les «profils sociodémographiques» des populations fréquentant les structures de l'aide alimentaire. Cette étude confirme les chiffres et données étudiées sur le terrain.

En nous basant sur leurs rapports d'activité, on peut conclure qu'en grande majorité, les épiceries sociales et solidaires accueillent des personnes vivant seules à 8o %, et 40 % d'entre elles sont seules avec enfants. Au niveau des âges, une majorité se situe entre 26 et 59 ans et les 6o ans et plus ne représentent que 5 et 8 % (territoires urbain et rural confondus). Concernant les revenus, la majorité des personnes sont « bénéficiaires » du RSA à 6o %, les autres revenus étant très hétérogènes en fonction du territoire. On peut citer le cas de l'épicerie solidaire d'Endoume, située en zone urbaine, où les travailleurs pauvres ne représentent que 4% des personnes accueillies alors que sur St Maximin, zone plus rurale, le taux est de 16 %.

3.2 Les deux approches

3.2.1 Approche d'accueil orienté vers un public précaire

L'emploi des termes usager ou bénéficiaire est utilisé au sein des épiceries sociales et solidaires accueillant un public ciblé en situation de précarité. L'orientation s'effectue dans le cadre d'un engagement dans un «cursus personnel d'insertion sociale» par le biais d'un « projet d'épargne ». Même si le terme « bénéficiaires » ne fait pas l'unanimité au sein des épiceries, le public accueilli bénéficie bien d'un service social d'aide alimentaire. Dans certains cas, l'épicerie proposera à la personne d'adhérer au projet social, moyennant une adhésion symbolique comprise entre 1 et 2€. Il pourra participer à la vie démocratique de l'épicerie (comité d'usagers, animation d'ateliers, boite à idées, etc.) et ainsi endosser une double qualité d'« adhérent-usager » ou de «concepteur-acteur ».

62

Epicerie solidaire d'Endoume (rapport d'activité 2013) et Epicerie solidaire itinérante «Garrigues « (rapport d'activité 2012)

- 55 -

Concernant l'accès à ce type d'épicerie, on trouve encore plusieurs approches. Certaines vont développer une « commission d'attribution », d'autres vont se contenter du travail de repérage et d'orientation des prescripteurs sociaux. Dans ce schéma-là, la relation avec les travailleurs sociaux (TS) est souvent étroite et se traduit par la présence d'un TS à la commission, à des permanences, ou à l'animation d'ateliers.

Ces épiceries pourraient avoir en commun les « critères d'accès » généralement basés sur plusieurs points :

· la composition du foyer et son « reste à vivre » (RAV) : « Il s'agit du revenu diminué de la charge financière nette, rapporté au nombre d'unités de consommation du ménage. Il permet de mesurer le revenu par unité de consommation disponible pour les autres dépenses que celles liées au logement »

63

(source INSEE) . Seul le montant du « reste à vivre » peut varier d'une épicerie à l'autre mais en général on va retrouver un RAV compris entre 2 et 6 €. Plus rarement, certaines vont jusqu'à ouvrir un champ plus large en mettant un RAV de o à 15 € par jour et par personne, c'est le cas de l'ES! Garrigues à St Maximin.

· la zone de résidence: généralement située dans un rayon proche de celui de l'épicerie (quartier, commune, communauté de commune). Une épicerie sur Marseille (l'épicerie sociale du CASIM) a mis en place un système de livraison qui permet de toucher des communes environnantes comme Martigues (soit un rayon de plus de 40 km) de même que Saint-Maximin qui couvre plus de 3o communes du Var.

· le projet d'épargne ou «dynamique d'implication personnelle ». Il s'agit d'un projet qui peut avoir plusieurs natures : financière, sociale, familiale, sanitaire ou professionnelle. La différence que l'on peut trouver se situe au niveau de la durée d'accompagnement de ce projet. En moyenne, elle varie de 3 à 6 mois maximum renouvellement compris, mais peut atteindre plus de 12 mois pour permettre à l'usager de mener à bien son projet sans contrainte de temps. En règle générale,

63

http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?regid=20&refid=3.6259&page=alapage/alap133/alap133 def.htm

la majorité des projets sont respectés et la personne peut retrouver une vie sociale « normale ».

Les caractéristiques de cette approche permettant de dessiner un type d'épicerie sont les suivantes : public précaire, projet social et critères d'accès « sociaux ».

3.2.2 Approche public mixte

Cette approche, plus similaire à une épicerie classique, est basée sur l'accueil d'un public mixte, jumelant le public précaire et non précaire. Une des richesses de cette approche et qu'elle permet le «tissage» de liens entre les usagers ou clients. Sous cette forme-là, on distinguera les clients, qui peuvent acheter l'ensemble des produits sans adhérer à l'épicerie, et les usagers/bénéficiaires qui peuvent adhérer. Mais contrairement aux ES dont l'accès est limité à un public précaire, les fonctions sociales seront moins développées. Par exemple, elles n'ont généralement pas de commission et les critères sociaux d'accès sont ceux définis par les prescripteurs sociaux eux-mêmes. La relation avec les prescripteurs et travailleurs sociaux est rarement développée et se limite parfois à une simple communication téléphonique ou à un courrier d'acceptation. La durée d'accès n'est pas limitée et laissée à l'appréciation du référent social de la personne accueillie.

Les caractéristiques de cette approche permettant de dessiner un type d'épicerie sont : le public mixte, des critères d'accès sociaux absents et une logique marchande.

On trouvera ci-dessous, un schéma de synthèse de l'organisation globale d'une épicerie sociale et solidaire (schéma 1). Pour respecter la spécificité de chacune, un schéma par épicerie est disponible (annexes de 8 à 13).

Schéma 1-- Schéma générique d'une épicerie sociale ou solidaire

de

Demand, ~Ast0004.

Conception outils de gestion (logiciels) Animation ateliers

Informations, documentations Financements (Appels d'offres) Formations

Orientation du public Animation d'ateliers Présence en commission

Rapport d'activité annuel

Réponses t des besoins sociaux peu ou mal satisfait

Approvisionnement en produits

(ventes, dons)

Achats ou récupération des produits

Financement Réglementation Agrément Prêt de locaux

PRESCRIPTEURS SOCIAUX

- CCAS

- CAF

- MDS (Maison de la solidarité)

- CG 13

- Associations

Outil d'aide alimentaire

Investissement en logiciel de gestion

Formation des salariés Demande de subventions

Adhésion

Achats des produits

Utilisation des services sociaux

Ventes de produits Services sociaux

FOURNISSEURS

- Banque alimentaire 13
-ANDES
- Invendus grandes surfaces
- Commerces (achats directs)
- Dons particuliers

POUVOIRS PUBLICS

- Collectivités locales

- Collectivités territoriales - Etat

- Europe

RTENAIRES RESSOURCES

ANDES

BA 13

Associations

Fondations

~eprises p

ées lucrative

PUBLICS

- Clients

- Adhérents

- Clients et adhérents

Nous venons de détailler l'évolution des épiceries sociales et solidaires et leur fonctionnement : du modèle économique au public accueilli en passant par la provenance des produits et les prix, cela nous a permis de mieux cerner ces épiceries «pas comme les autres» qui font de l'aide alimentaire leur clef d'entrée, avec ou sans services sociaux. Pour cela, des grilles d'analyse et d'entretien ont été mises en place pour étudier la typologie des épiceries.

- 58 -

Ill. Présentation de la grille d'analyse

Afin d'observer les épiceries dans leur ensemble, permettre de répondre aux hypothèses de départ et d'établir des modèles, il faut mettre en place des critères d'observation et des indicateurs permettant de les valider. Dans le tableau ci-dessous (tableau 2), les critères sont définis par catégories de variables et justifiés par des variables et modalités sur le terrain. Deux points sont visés, un sur l'analyse du « public » et un deuxième sur « l'épicerie et son organisation ».

64

Cette grille a été élaborée grâce à l'analyse précédente et inspirée des travaux réalisés

par la CPCA (Conférence Permanente des Coordinations associatives) sur les modèles socio-économiques des associations, en janvier 2014, en partenariat avec de multiples structures d'accompagnement du monde associatif comme l'AVISE, ADEMA, France Active, Le Rameau, etc., ainsi que différents mémoires et thèses dont je me suis servi.

La grille d'analyse présentée ci-dessous (Tableau 2) permet de recueillir plusieurs informations :

Publics

- La qualité de l'utilisateur du service : Est-il simplement adhérent? Client de l'épicerie? Ou bien les deux?

- Joue-t-il un rôle dans la vie de l'épicerie et endosse-t-il par conséquent une double qualité ?

- Quel est le public visé ? Uniquement précaire ? Ou y-a-t-il une mixité dans les types de publics accueillis?

Epicerie et son organisation

- Les principales caractéristiques (date de création, forme juridique, territoire) :

La date de création permettra de voir l'ancienneté des différentes épiceries étudiées sur le territoire et de savoir si les plus récentes sont plus à même de s'adapter aux évolutions contextuel les.

64

http://www.avise.org/sites/default/files/atoms/files/2inei cpca contribut ionanalysemodelessocioecoasso.pdf

- 59 -

La forme juridique sera un indicateur permettant de confirmer ou non que la forme associative soit plus souvent présente sur le terrain.

Le territoire d'action de l'épicerie sera également important à prendre en compte car un territoire urbain n'offrira pas les mêmes perspectives qu'un territoire rural.

- Les partenariats (qualité du partenaire et motivation) :

Stratégique pour les épiceries sociales et solidaires, cette catégorie de variable permet de voir le comportement des ES en matière de partenariats ou d'alliances. Avec qui s'allient-el les ? Les pouvoirs publics ? Des organisations privées non lucratives ou lucratives ?

Quelles sont leur motivation première: Sociale? Pour le développement des services sociaux proposés. Economique ? Pour assurer la survie du projet. Ou bien politique ? Pour influencer le pouvoir et tenter de faire changer les mentalités.

- Les services rendus (types de services, mécanisme de fixation des prix des services, conditions d'accès aux services, critères de choix des produits) :

Cette catégorie de variable est essentielle pour répondre à la problématique. En effet, les variables qui seront observées ici concernent les services rendus au sein de l'épicerie. Elles permettront de qualifier les différentes typologies d'épiceries existantes sur le terrain par la mise en place ou non de ces types de services. Le projet de l'épicerie étudiée s'arrête-t-il à la vente de produits alimentaires ou est-il associé à une activité sociale ? Les prix émanent-ils d'un mécanisme tenant compte de critères économiques et sociaux ou bien sont-ils fixes? Existe-t-il des conditions d'accès pour bénéficier des épiceries sociales et solidaires ou est-ce en libre accès? Et enfin, y-a-t-il du choix dans les produits proposés ou bien la qualité et la variété sont-ils limités?

- Provenance des produits (type de fournisseurs, forme de transaction) :

Cette catégorie de variable étudie quel circuit économique met en place une épicerie pour s'approvisionner en denrées alimentaires et autres produits. Se limitent-elles à l'aide alimentaire classique (réseaux nationaux d'aide alimentaire comme ANDES et BANQUE ALIMENTAIRE), aux producteurs locaux, aux invendus des grandes et petites surfaces ou y-a-t-il une hybridation des fournisseurs ? Et sous quelle forme la transaction se présente-t-elle ? Par de l'achat direct, du don, voire les deux?

- Richesses humaines (nombre de salariés, de bénévoles, fonctions ou poste, formation des salariés et connaissance du projet) :

Comme nous l'avons vu précédemment, les richesses humaines sont une des principales ressources d'une organisation. Cette catégorie permettra de voir les différents effectifs au sein des épiceries et si elles travaillent avec un réseau de bénévoles plus ou moins important. Quelles sont les fonctions qui existent au sein d'une épicerie et qui fait quoi entre le salarié et le bénévole? La formation initiale du salarié est-elle liée à son activité? Et enfin, les salariés sont-ils tous conscients du projet dans lequel ils travail lent ?

- Ressources financières (origine et répartition) :

Principales ressources après les richesses humaines, les épiceries sociales et solidaires sont obligées de mener un combat au quotidien pour trouver des ressources financières leur permettant d'atteindre leurs objectifs. Mais quelle est l'origine de ces ressources? Sont-elles publiques, privées ou les deux (hybridation des ressources)? Sont-elles réparties de manière égale ou y-a-t-il une dominante publique ou privée? C'est ce que nous permettra de voir cette catégorie de variable.

Tableau 2 : Grille d'analyse d'une épicerie (ci-dessous)

- 61 -

PUBLICS

Variables

Modalités ou indicateurs

Qualité de l'utilisateur

Client et adhérent

 
 

Rôle de l'util isate urdans la
vie de l'épicerie

Participation

 

Public cible

Précaire

 
 
 

EPICERIE ET SON ORGANISATION

Catégories de variable

Variables

Modalités

Principales caractéristiques

Date de création

Récente (<10 ans)

 
 

CCAS/CIAS

 
 

Urbain

 

Projet initial

Ressources

Directeur, pouvoirs public, employé

 

Constat, rapport, commande

 

Sociale, économique

Partenariats

Qualité du partenaire

Pouvoirs publics

 
 
 
 

Sociale

 
 

Services rendus

Types de services

Produits alimentaires uniquement

 
 

Fixe (coefficient)

 
 

Adhésion obligatoire

 
 

Liberté et quantité illimité

 

Provenance des produits

Catégorie de
fournisseurs

Banque alimentaire, ANDES

 
 
 

Achats

 

Ressources humaines

Personnel

Nombre, CDD/CDI, Bénévoles

 

Responsable, Directeur ou coordinateur

 
 
 

Lien avec le social

 
 

Implication forte

 

Ressourcesfinanciëres

Origines

Publiques

 
 
 

Dominante publique

 
 
 

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