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La responsabilité internationale pénale de l'état

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par Henry MIKITI M'PANDA
Université de Goma - Licence 2013
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITE DE GOMA

UNIGOM

B.P : 204 GOMA
FACULTE DE DROIT

ANALYSE DE LA RESPONSABILITE INTERNATIONALE PENALE DE L'ETAT

Mémoire rédigé et défendu en vue de l'obtention du diplôme de licence en Droit

Par : MIKITI M'PANDA henry

Option : Droit Public

Département

: Droit International et relations

Internationales

Directeur : Prof. IVON MINGASHANG Encadreur: C.T. KASAY DALMOND

Année académique : 2012- 2013

[j]

EPIGRAPHE

Etre responsable c'est subir soi même les conséquences des ses actes. Tour savoir dans quelle mesure on crée des dommages à autrui, il faut préalablement que le droit des uns et des autres ait été défini. C'est pourquoi la responsabilité ne peut se définir indépendamment de la propriété.

T. SALIN, Libre-échange et protectionnisme, Taris, T.U.F., 1991, T.13.

[ii]

A toute la famille M'panda ainsi qu'à toute celle des scientifiques du
monde, nous dédions ce travail.

[iii]

REMERCIEMENTS

Nous tenons à adresser nos remerciements à tous ceux qui, directement ou indirectement, nous ont aidés à accomplir ce travail. Nous remercions toute l''université de Goma ainsi que tout son corps académique qui ont mis à notre disposition un enseignement de qualité tout au long de notre formation. Nos remerciements particuliers s'adressent au Professeur Ivon Mingashang qui a accepté de diriger ce mémoire ; aussi, nous remercions le Chef des travaux Xasay Dalmond qui nous a encadré tout au long de l'élaboration de ce travail. Nos remerciements particuliers s'adressent également à nos parents qui ont consenti d'énormes sacrifices pour que nous puissions étudier dans des meuilleures conditions, notre père, M'panda Ngoy, notre mère, Xahambu Maximila, nos chers soeurs et frères ; Xyalu M'panda, Xisumbule Xamango syntyche, Xyomba M'panda, Fatuma M'panda. Nous remercions également nos oncles paternels, Joachin M'panda Mwimba et Albert Munganga ainsi que leurs femmes respectives, Joséphine M'panda et Fatuma Munganga. Nous adressons également nos sincères remerciements à nos deux beaux frères, Bandu Mirimo et Fataki Séverin, qui nous ont particulièrement assistés tout au long de l'élaboration de ce travail. Nous remercions également notre oncle maternel, Cosmas Xamango, qui nous a également assisté dans l'accomplissement de cette oeuvre.

Nous ne saurons pas ne pas remercier et rendre un hommage à tous nos amis et camarades de lutte, notamment Xakule Bembeleza, Erick Xapakasi, Akwipato Bazakwena, Benjamin Musemakweli, Mulamba Lubungu, Mema Cimanuka, Ange Mulirirwa, Alain Musavuli ainsi que tous ceux qui, à un titre ou un autre, ont contribué à la réalisation de cet oeuvre.

MIXITI M'PANDA henry

[iv]

SIGLES ET ABREVIATION

A.F.D.I. : Annuaire Français de Droit International

A.G.N.U.: Assemblée Générale des Nations-Unies

A.J.I.L.: American Journal International Law

A.P.D. : Archives de Philosophie du Droit

Add. : Addenda

Aff. : Affaire

B.P. : Boite Postale

C.D.I. : Commission du Droit International

C.d.s. : Conseil de sécurité

C.I.J. : Cour Internationale de Justice

C.P.I. : Cour Pénale Internationale

C.P.J.I. : Cour Permanente de Justice Internationale

C.T. : Chef des Travaux

E.J.I.L.: European Journal of International Law

I.C.L.Q. : International and Comparative Law Quarterly

I.D.I.: Institut de Droit International

L.G.D.J. : Librairie Générale de Droit et des Jurisprudences

Loc.cit : Article déjà cité

N.I.C.L.A.: New International Criminal Law-thesaures Acroasium

N° : Numéro

O.N.U. : Organisation des Nations Unies

Op.cit. : Ouvragé déjà cité

P. : Page

Prof. : Professeur

R.B.D.I. : Revue Belge de Droit International

R.C.A.D.I. : Recueil des Cours de l'Académie de Droit International de la Haye

[v]

R.G.D.I.P. : Revue générale de droit international public

R.S.D.I.E. : Revue Suisse de Droit International et de Droit européen

Réc. : Recueil

S.D.N. : Société des Nations

T.P.I.Y. : Tribunal International Pénal pour l'ex-Yougoslavie

U.L.B.: Université Libre de Bruxelles

Vol. : Volume

[1]

INTRODUCTION

La question de la responsabilité est au coeur de tout système juridique. En droit international, elle constitue un des thèmes les plus importants et les plus débattus1. Une question dans une autre est celle de l'existence, en droit international, d'une responsabilité pénale des Etats. En effet, en droit international, on a toujours débattu sur l'existence des faits illicites des Etats qui seraient à classer dans une catégorie différente de celle où sont classés tous les autres faits internationalement illicites, faits qui ont été dénommés « crimes internationaux des Etats »2.

Voilà qui nous amène à nous interroger aussi, en partant de cette notion de crime de l'Etat, sur la pénalisation de la responsabilité de l'Etat dans l'ordre juridique international.

L'analyse que nous entreprenons sur la responsabilité internationale des Etats particulièrement sur la responsabilité pénale n'est pas première, des nombreux développements ont été réalisés tant dans la doctrine que dans la jurisprudence mais aussi dans l'oeuvre de la codification de la C.D.I.

En effet la C.D.I. a eu, dans le cadre des ses travaux sur la responsabilité internationale d'un Etat pour fait illicite, à développer la question des crimes internationaux de l'Etat3 et de la responsabilité de l'Etat pour violation des règles du jus cogens4. La question de la responsabilité internationale pénale, en ce qui concerne l'imputabilité des faits illicites à l'Etat, a également déjà fait l'objet des développements importants, dans la jurisprudence, notamment par la Cour Internationale de Justice et a amené à des divergences avec le Tribunal International Pénal pour l'ex Yougoslavie, preuve de la fragmentation du droit international à ce sujet5. Par ailleurs, une importante doctrine s'est, depuis l'adoption du fameux article 19 qui introduit la notion des crimes internationaux de l'Etat dans le Projet en première lecture et de l'article 40 qui introduit celle de responsabilité pour violation d'une règle de jus cogens

1 O. QUIRICO, Réflexions sur le système du droit international pénal : la responsabilité « pénale »des Etats et des autres personnes morales par rapport à celle des personnes physiques en droit international, Thèse, Toulouse1, 2005, p1.

2PELLET, A., « vive le crime ! Remarques sur les degrés de l'illicite en droit international », in C.D.I., le droit international à l'aube du 19e siècle-Réflexions des codificateurs, Nations Unies, New York, 1997, pp. 287-315

3 Art. 19 du projet d'article sur la responsabilité des Etats adopté en première et deuxième lecture in Ann. C.D.I 1976, p306.

4 J. CRAWFORD, Les articles de la C.D.I.sur la responsabilité de l'Etat, Pédone, Paris, 2003, p.83.

5 CONFORTI, B., « unité et fragmentation du droit international : glissez, mortels, n'appuyez pas ! »in R.G.D.I.P., 2007, pp.5-18.

[2]

dans le projet final, s'est développée, opposant farouchement les tenants de la pénalisation du droit international à ceux qui contestent cette thèse.6

En fait tout système juridique suppose que ses sujets engagent leur responsabilité lorsqu'ils commettent des actes répréhensibles ou qui portent atteinte aux intérêts des autres membres du groupe. En effet comme l'a observé le professeur P. REUTEUR « la responsabilité est au coeur du droit »7. Dans le système international elle constitue une partie essentielle de ce que l'on pourrait considérer comme constitution de la communauté internationale8. En fait comme l'a bien dit la C.I.J., la responsabilité est le « corolaire important du droit »9. Dans l'ordre juridique international caractérisé par l'égalité souveraine des Etats, elle apparait comme le mécanisme régulateur essentiel et nécessaire des rapports mutuels des sujets du droit international. Le principe selon lequel tout comportement d'un Etat contraire au droit international entraine sa responsabilité n'a pas besoin d'être justifié ou déduit des autres principes, car « il est expressément reconnu ou du moins clairement présupposé par une pratique unanime ».10Elle est une conséquence de l'existence d'un droit international et constitue la matrice de ce qu'il convient d'appeler la « communauté internationale ».

Comme on l'a déjà évoqué, la responsabilité est l'un des thèmes les plus importants et ayant été à l'origine des vives polémiques entre la doctrine du droit international ; celle-ci a emmené la C.D.I. à se pencher sur la question dans le cadre de ses travaux à partir des années 50 et cela pour essayer de réaliser une théorie générale du droit de la responsabilité internationale. Un débat dans un autre, comme le dit QUIRICO, est celle de la responsabilité internationale pénale de l'Etat11A l'origine de ce grand débat, qualifié de saga juridique par A. PELLET12, il y a l'adoption en 1976 par la C.D.I.,dans le cadre de ses travaux sur l'élaboration d'un projet d'articles sur la responsabilité des Etats, du projet

6 Parmi les grands tenant de la pénalisation nous avons notamment A. PELLET, « la responsabilité de l'Etat pour la commission d'une infraction internationale », in H. ASCENSIO, E. DECAUX et A. PELLET « dir. », Droit international pénal, Pédone, Paris, 2012, pp. 607-630.Parmi les anti pénalistes nous avons RONSENSTOCK, R., « An international criminal Responsability of states ? » in EJIL, 1998 No 1,pp. 265-385, nous avons aussi BOWET, D., « crimes of states and the 1996 report of the international Law commission on state Responsibility »,in E.J.I.L.,1998 No1, pp. 163-173.

7REUTEUR, P., « trois observations sur la codification de la responsabilité internationale des Etats pour fait illicite », in le droit international au service de la paix, de la justice et du développement, Mélanges Michel virally, Paris, Pédone, 1991, p. 390.

8 Idem, p.391.

99 C.I.J., Affaire de la Barcelona traction, light and power company, limited (Belgique c. Espagne), deuxième phase, arrêt du 5 Février 1970, Rec.1970, p.34.

10 .R. AGO, Troisième rapport sur la responsabilité des Etats, C.D.I., 1971, Vol2, 1ère partie, p 216.

11 O. QUIRICO, op. cit., p.17.

12 PELLET, A., loc. cit. , note 2, p3.

[3]

d'article 19 établissant une distinction entre deux catégories de faits illicites des Etats eu égard à l'objet de l'obligation violée13. Cet article qui sera au coeur des vives polémiques va disparaitre dans la version finale adoptée en 2001, du moins dans ses énoncées, car toute sa substance va être malignement conservée notamment par l'article 40 de la version finale qui institue la responsabilité pour violation des règles du jus cogens14. Ainsi comme l'a bien dit le professeur A. PELLET « Vive le crime, l'existence de feu crime international de l'Etat, qui, tel le phoenix, est né à nouveau des cendres où l'on voulait l'enterrer »15. Et donc le Projet, en particulier, et le droit international, en général, continuent d'être hantés par le fantôme du crime. Il n'est donc pas juridiquement admissible, il s'avère même logiquement inacceptable, partant moralement insoutenable qu'on insinue qu'un débat sur la responsabilité pénale de l'Etat dans l'ordre juridique international est soit sans effet soit déjà tranché.

En effet l'article 19 consacré dans le projet de 1976, reconduit en 1996 en première lecture lors de l'adoption de l'ensemble du projet, et son succédant l'article 40, retenu dans le projet final de 2001, vont principalement focaliser nos analyses pour essayer de répondre à la question de l'établissement ou non du principe de la responsabilité pénale des Etats dans l'ordre juridique international.

En fait, calé sur l'adage « societas delinquere non potest », le droit international considérait que la responsabilité de l'Etat ne saurait être engagée que pour réparer un préjudice, cette vision, qu'on qualifierait de civiliste16, n'est plus en vigueur depuis la fameuse « révolution agoenne ou agoiste »17- c'est-à-dire la mutation fondamentale que la commission a fait subir à la notion traditionelle de la responsabilité de l'Etat sous l'impulsion de R. AGO. En effet avant cette révolution le dommage constitué le point focal de la responsabilité en droit international. Tel n'est plus le cas depuis la nomination de R. AGO comme rapporteur spécial de la C.D.I.en 1961 sur la question de la responsabilité. Du coup en écartant le préjudice comme fait générateur de la responsabilité de l'Etat, R. AGO et la C.D.I. ont ouvert des brèches pour une responsabilité des Etats du type pénal dans l'ordre juridique international. Cependant cette innovation, qualifiée par L. HENNEBEL et H. TIGROUDJA

13 PELLET, A., loc. cit. , note 2, p4.

14 J. CRAWFORD, op. Cit. p.83.

15 PELLET, A., « le crime international de l'Etat-un phoenix juridique », in the New international criminal Law-thesaures Acroasium, 2011.International Law session.

16 A. PELLET, op. Cit. , note6, p1.

17 Idem, p. 2.

[4]

de la criminalisation du droit international de la responsabilité des Etats18,bien qu'ayant des tendances à la pénalisation du droit international, éprouverait beaucoup des difficultés pour s'affirmer comme telle dans le droit international suite à l'absence d'une hiérarchie structurée. Toutefois l'émergence du concept de jus cogens c'est-à-dire d'obligations erga omnes absolue- indivisibles-impliquant la constitution d'un ordre public international, pourrait permettre l'évolution du droit international de la responsabilité dans le sens pénal19. En effet, Selon QUIRICO, «si en raison de la nature volontariste et horizontale du droit international, on ne saurait parler d'un droit pénal de l'ordre juridique international, alors, plus radicalement, on ne pourrait même pas parler d'un droit international public étant donné que le droit public nait, de façon unilatérale, de l'autorité supérieure »20. Il est donc clair que si en raison du volontarisme qui caractérise le droit international on ne saurait parler d'un droit pénal de responsabilité internationale, en raison de l'objectivisme, par contre, on tenterait d'envisager une telle hypothèse; en effet la notion de crime international de l'Etat ou son succédant, la responsabilité pour violation du jus cogens consacrant la notion de communauté internationale pourraient emmener celle-ci à sévir, au nom de toute la communauté, ses membres fautifs , comme le ferait, dans l'ordre juridique interne, l'Etat au nom de la communauté nationale.

Notre point essentiel est l'analyse du sens que renferment le mot crime et son succédant, la responsabilité pour violation des règles impératives du droit international ; pourraient- ils induire une quelconque pénalisation du droit international ? Cependant nous devons maintenir à l'esprit que criminalisation ne signifie pas forcément pénalisation, car pour passer de la première à la seconde il faut l'existence d'un système plus ou moins cohérent, c'est-à-dire qu'il faut des crimes bien établis d'avance comme le fait l'article 19 bien que maladroitement, nullum crimen sine lege21, des peines bien définies préalablement, nulla poena sine lege et l'existence d'une procédure claire, connue d'avance et équitable, nulla judicium sine lege.

On remarquera, eu égard à ce qui précède, qu'une notion de la responsabilité internationale pénale de l'Etat, dans l'hypothèse où elle serait envisageable, serait en elle-même contentieuse et devrait répondre à des importantes questions systémiques qui se

18 L. HENNEBEL et H. TIGROUDJA, le particularisme interaméricain des droit de l'homme : en l'honneur du 40eme anniversaire de la convention américaine des droits de l'homme, Pédone, Paris, 2009, P.22.

19 O. QUIRICO, op. cit., p.17.

20 Idem, p.18.

21 A., PELLET, op. cit., note6, p7.

[5]

poseraient autour de son éventuelle consécration. Notons que, tout au long de ce travail, nous essayerons de répondre à quelques unes d'entre elles, notamment :

A) Quel est le sens de la criminalisation de la responsabilité de l'Etat ou de la responsabilité pour violation des règles du jus cogens par l'Etat consacrée par la C.D.I. dans l'avant projet de 1976 repris dans celui de 1996 et synthétisé dans le projet final de 2001?

B) Quel serait le régime juridique de la responsabilité internationale pénale de l'Etat, dans l'hypothèse où elle serait envisageable, partant de la notion de crime international de l'Etat ou de la violation d'une règle du jus cogens ?

Voilà les grandes problématiques, bien sur avec d'autres sous questions, qui retiendrons notre attention tout au long de cette analyse.

Répondre provisoirement à des questions, aussi fondamentales, dans une problématique de la responsabilité pénale de l'Etat sur le plan international, que celles que nous nous sommes ci-haut posées nous parait particulièrement périlleux compte tenu, comme on l'a dit, du caractère décentralisé et intersubjectif du droit international, ne permettant pas d'envisager une quelconque responsabilité internationale des Etats sur le plan pénal. Toutefois, suite à l'émergence du concept de jus cogens, une évolution dans ce sens serait possible. Ainsi pour répondre à la première question de savoir quel est le sens du mot crime retenu dans le projet de 1976, repris dans celui de 1996 et celui de la responsabilité pour violation des règles du jus cogens dans le projet final de 2001 de la C.D.I. ; on peut dire d'entrée de jeu que le terme crime international tirerait sa matrice de l'émergence de la théorie du jus cogens. En effet ces deux institutions seraient la consécration d'un autre degré, plus grave ou lourde, de responsabilité internationale, degré consacré notamment par les paragraphes 2 et 4 de l'article 19 de l'avant projet de 1976, repris dans le Projet de 1996 et par l'article 40 adopté dans le projet final, en dehors de la responsabilité minime pour délit ; selon une certaine doctrine il ne s'agirait pas d'une différence de degré mais bien d'une différence de nature22. Par leur nature même, les délits mettraient en cause les seuls intérêts des Etats concernés, alors que les crimes toucheraient l'ensemble de la communauté internationale. A la question de savoir quel est le régime juridique de la responsabilité internationale pénale de l'Etat partant de la notion de crime international étatique ; pour répondre à cette question, on tentera d'étudier la structure tant matérielle que formelle de la notion du crime international

22PELLET, A., «can a state comit a crime ?Definitely yes» in E.J.I.L. n° 10, 1999,P.427.

[6]

de l'Etat ou de son succédant, violation de l'obligation du jus cogens. En effet du point de vue matériel l'Etat engagerait sa responsabilité internationale pour crimes c'est-à-dire pour violation d'une obligation lui incombant envers toute la communauté internationale dans son ensemble notamment pour agression, atteinte à l'environnement, etc., obligations retenus par le projet d'article 19 que la notion d'obligation du jus cogens synthétise dans l'article 40 du projet final. Du point de vue formel, l'Etat encourait des sanctions suis generis notamment les contre mesures sur base d'une procédure bien établie et encadrée dans le projet de la C.D.I.

Notre analyse s'appui sur une assise méthodologique bien définie. En effet dans le cadre de ce travail nous allons nous servir de la théorie analytique du droit23 couplée à une approche objective du droit international24 .La théorie du droit nous permettra de déterminer la place du principe de responsabilité internationale pénale étatique dans l'ordre juridique international, nous nous focaliserons pour ce faire sur la notion du crime international et celle de la violation des règles du jus cogens. L'approche objective quant à elle, nous permettra de comprendre la notion du jus cogens et celle de communauté internationale, matrice de la notion du crime international de l'Etat, dans un droit international dominé par des tendances volontaristes.

L'analyse que nous entreprenons sur la question de responsabilité

internationale pénale des Etats n'est pas sans intérêt, en effet elle comporte un double intérêt, un intérêt pratique et intérêt scientifique. Sur le plan scientifique, la question de la responsabilisation de l'Etat, sujet principal du droit international, surtout sur le plan pénal est d'un intérêt scientifique, pédagogique crucial car, depuis très longtemps, elle a fait couler beaucoup d'encres et des salives, déchirant les internationalistes entre les pro et les anti pénalistes du droit international ; et donc aussi petite que soit la pierre apportée par cette analyse à l'édifice-droit international de la responsabilité internationale pénale de l'Etat-elle constitue une base des données importante pour tout chercheur, tout étudiant ou praticien du droit s'intéressant à la question de la pénalisation de la responsabilité des Etats. Sur le plan pratique cette analyse n'en demeure pas moins intéressante. En effet la scène internationale connait des grandes turbulences, des graves violations des droits de l'homme se commettent à large échelle à la charge des Etats ; donc il est important de pouvoir clarifier une telle notion pour emmener chaque Etat à être conséquent par rapport à ses agissements sur la scène international, de sorte que lorsque des violations se commettrons que l'on sache en quoi s'en

23 O. CORTEN, Méthodologie du droit international public, Bruxelles, Ed. De U.L.B, 2009, p28.

24 Idem, p.48.

[7]

tenir tant pour indemniser les éventuelles victimes que pour tirer toute les conséquences sur le plan juridictionnel d'une telle responsabilité.

Néanmoins, on ne saurait pas au cours d'une étude comme celle-ci, prétendre appréhender toutes les thématiques relatives à la question de la pénalisation du droit international. C'est ainsi que notre travail sera focalisé exclusivement sur la responsabilité internationale pénale de l'Etat pour fait illicite tout en ne négligeant pas les interactions possibles que ce type de responsabilité pourrait avoir avec d'autres types de responsabilité notamment la responsabilité internationale pénale individuelle et la responsabilité internationale pénale des Organisations internationales. Notre analyse, par contre, s'appuie sur les règles primaires et les règles secondaires du droit international, Nos matériaux ce sont les travaux de la C.D.I. notamment l'avant projet de 1996 et le projet final de 2001 mais aussi les différents rapports publié dans l'Annuaire de la C.D.I. par les rapporteurs qui se sont succédés sur cette question.

Ainsi notre analyse sera articulée autour de deux grands chapitres, subdivisés chacun en deux sections. En effet le premier chapitre, intitulé le crime de l'Etat dans le Projet de la C.D.I. : une consécration de la responsabilité internationale pénale de l'Etat ?, essaye de dégager le sens que la C.D.I. attendait accorder au mot crime ou à la violation de l'obligation de règles de jus cogens et voir, en analysant les conséquences du crime, si une telle signification pourrait induire une quelconque responsabilité pénale. Dans le second chapitre, intitulé le régime juridique de la responsabilité internationale pénale de l'Etat partant de la théorie du crime international, nous essayons, en analysant la structure de l'infraction de l'Etat c'est-à-dire le crime ou la violation d'une règle du jus cogens, de répondre à la question des faits infractionnels qu'on peut imputer à l'Etat et cela en partant de l'article 19, nous analysons aussi la question de la procédure et de la sanction dans le cadre de la responsabilité internationale.

[8]

CHAPITRE I : LE CRIME DE L'ETAT DANS LE PROJET DE LA C.D.I. : une consécration de la responsabilité internationale pénale de l'Etat?

La responsabilité internationale est l'un des chapitres les plus importants et les plus débattus en droit international. Elle a notamment fait l'objet des développements importants par la C.D.I. dans le cadre de ses travaux sur l'élaboration d'un projet d'articles sur la responsabilité internationale de l'Etat. Celle-ci a, dans le cadre de son projet adopté en première lecture en 1976 et sous l'impulsion de son rapporteur spécial sur la question de la responsabilité- R. AGO, consacré à travers son projet d'article 19 la « responsabilité internationale de l'Etat pour crime »(SECTION1), article qui a, du reste, été maintenu jusque dans l'adoption du projet complet en première lecture en 1996. Ayant été à la base d'une vive polémique non seulement entre les Etats mais aussi dans la doctrine internationale, la C.D.I. a jugé mieux d'abandonner cet article au nom de la cohésion internationale, du moins dans sa terminologie, car sa substance avait été malignement conservée notamment par l'article 40 du projet final. Il est évident que cette consécration du crime international ; bien que n'ayant pas été retenue, du moins dans sa terminologie parce que la réalité qu'elle désignait est bel et bien là, établit une importante distinction en droit international entre les catégories des faits internationalement illicites et par ricochet deux régimes juridiques distincts de responsabilité en droit international et qui engendrent chacun des conséquences propres(SECTION2), l'une qualifiée de mineur ou d'ordinaire et l'autre pour crime, qualifié d'aggravée par l'article 40 du projet final.

SECTION I : LA RESPONSABILITE INTERNATIONALE DE L'ETAT POUR CRIME DANS LE PROJET DE LA C.D.I.

Nommé comme rapporteur spécial de la C.D.I. sur la question de la responsabilité des Etats après le cubain F. V. GARCIA AMADOR qui montrait déjà ses limites dans la direction d'un projet aussi ambitieux comme celui sur la responsabilité internationale de l'Etat, l'italien R. AGO qui était un esprit supérieurement subtil va complètement bouleverser toute l'approche du droit de la responsabilité internationale surtout en innovant avec un nouveau paradigme de la définition de la responsabilité internationale(§1), celui-ci va être à la base des premières tendances pénalistes dans un droit qui était, jusque là, d'essence civiliste25 et qui aboutira à la consécration d'un double degré de

25 PELLET, A., loc.cit., note15, p. 322.

[9]

responsabilité en droit international( §2) l'un qualifié de grave ou criminelle, et l'autre de mineur ou d'ordinaire.

§ 1 Nouvelle approche définitionnelle de la responsabilité international de l'Etat : la perspective pénaliste

Il nous parait particulièrement important que pour comprendre la notion même

de crime international de l'Etat ou celle équivalent- le changement n'est que de nom-de « violations graves d'une obligation découlant d'une norme impérative du droit international général »26, il faut se faire une idée plus ou moins claire du système général de la responsabilité internationale c'est-à-dire de sa définition. Or celle-ci est sortie transformée de fond en comble des travaux de la C.D.I. à la suite de ce qu'il n'est sans doute pas exagéré d'appeler « révolution agoiste »27.

Monsieur AGO et la C.D.I. ne fondent plus la question de la responsabilité sur la réparation d'un quelconque dommage, autrefois élément fondamental de la responsabilité, mais plutôt sur un manquement à une obligation internationale.

§1.1 L'évacuation du dommage du champ de la responsabilité internationale de l'Etat

Dans une conception classique du droit international, la responsabilité consiste

dans une obligation de réparer le dommage28. Ce dernier y tient une place importante. Il est l'une des conditions d'engagement de la responsabilité à coté de la violation par l'Etat d'une obligation lui incombant en vertu du droit international et du lien de causalité entre le fait illicite et le préjudice29. Sans le dommage il serrait, dans une conception classique, impensable d'envisager une quelconque responsabilité de l'Etat. Ceci n'est plus la réalité avec R. AGO qui révolutionne fondamentalement la conception de la responsabilité internationale toue entière. Désormais la responsabilité ne saurait être réduite seulement à la réparation. Pour Ago la conception traditionelle, qu'il récuse d'ailleurs s'oppose à deux autres conceptions. L'une qu'il attribue à KELSEN et qui consisterait à réduire la responsabilité non plus à la réparation mais à la sanction, et l'autre, la sienne, qu'il qualifie de médiane et qui consiste à additionner les conséquences réparatrices et punitives de la responsabilité30. Cette inclusion

26 PELLET, A., loc. cit. , note 15, p9.

27 Ibidem.

28 J. CAMBACAU in J. CAMBACAU et S. SUK, Droit international public, Domat-Monthchrétien, Paris, 1999, p.521.

29 DEHEMSS, J., « Chronique», in A.F.D.I., 1985, p. 604.

30 AGO, R., « Le délit international », inR.C.A.D.I, 1939.II, vol. 68, pp.415-554(reproduit dans Roberto Ago, scritti Sulla responsabilita internationale deli stati, Jovene, Publicazioni delle Facoltà di Giurisprudenza, della università di Camerino, 1979, vol. I, pp.141-269).

[10]

de la punition dans le droit de la responsabilité de l'Etat constitue une grande innovation et va permettre les développements qui conduiront à la consécration du crime international.

En effet la révolution conceptuelle proposée par AGO apparait dès le célèbre article premier du projet en première lecture de 1976, article qui a été maintenu jusque dans la version finale. Cet article dispose que : « tout fait internationalement illicite de l'Etat engage sa responsabilité internationale ».31Tout est clair, le dommage qui était au coeur de l'analyse traditionelle de la responsabilité est complètement évacué comme fait générateur. Du coup, à travers cette nouvelle approche, se trouve consacrée l'idée selon laquelle le droit international n'est guère un réseau des normes intersubjectives destinées d'abord, sinon exclusivement, à protéger la coexistence des Etats dans leurs intérêt communs.32 On peut envisager que cette idée est dans l'optique de l'établissement d'une communauté internationale qui contrairement à l'approche traditionelle, exclusivement, comme le dit le professeur PELLET, « souverainiste », elle tient compte des affleurements du « communautarisme » dans la sphère du droit international, aussi modestes et timides que ceux-ci demeurent33. On ne saurait douter qu'une telle approche contient des germes d'une pénalisation dans l'ordre juridique international. Désormais, comme sur le plan interne où l'Etat réprime toutes les infractions au nom de la communauté, la communauté internationale peut, à son tour aussi, sanctionner des manquements qu'elle considère comme touchant à ses intérêts les plus fondamentaux.

Bien que contestée par certains Etats et par une certaine doctrine qui continuaient à soutenir la thèse du dommage comme fait générateur de la responsabilité et qui comptaient rédiger un contre projet, la C.D.I. a tenu contre vents et marées à l'exclusion du dommage dans le champ d'engagement de la responsabilité, ce qui constituait sa grande innovation, si non celle de tout le droit international.

Pour justifier l'exclusion du dommage, la C.D.I. donne l'exemple des traités relatifs aux droits de l'homme et des conventions internationales du travail en faisant valoir non sans raison que leur violation n'entrainaient en général aucun préjudice économique ni même moral pour les autres Etats parties mais n'engageaient pas moins la responsabilité de

31 C.D.I., Comptes rendus analytiques de la Vingt huitième session Ann. C.D.I. 1971, Vol II, 1ère Partie, P. 213, par.19.

32 CAMBACAU, J., « Le droit international, bric à brac ou système ? » in A.P.D., 1986, pp.85-105.

33 A. PELLET., La codification du droit de la responsabilité internationale : Tâtonnements et affrontements, in L. BOISSON DES CHAZOURNES et V. GOWLLAND-DEBBAS « dir », L'ordre juridique international, un système en quête d'équité et d'universalité, Liber Amicorum Georges Abi-saad, la Haye, 2001, p. 287.

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leurs auteurs34. Désormais seul le fait internationalement illicite peut engager la responsabilité de l'Etat. On retrouve le même écho sur le plan jurisprudentiel ; en l'occurrence la C.P.J.I. a, dans plusieurs affaires, eu à appliquer le principe énoncé à l'article premier du Projet de la C.D.I. sur la responsabilité des Etats35. La C.I.J. a elle aussi, à diverses reprises, fait application du même principe, dans l'affaire du détroit de Corfou36 , celle des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci37, et dans celle du projet Gabcikovo-Nagymaros38. Par ailleurs, la C.I.J. a également fait mention de ce principe dans plusieurs de ses avis consultatifs, notamment celui sur la réparation des dommages subis aux services des Nations Unies39 et celui sur l'interprétation des traités de paix conclus avec la Bulgarie, Hongrie et la Roumanie(deuxième phase)40. Dans plusieurs affaires, des tribunaux arbitraux ont, eux aussi, appliqué le principe de la responsabilité objective en exclusion du dommage41.

Bref il ressort clairement de la pratique des Etats et de la jurisprudence internationale que le dommage ne pourrait plus être pris en compte dans l'établissement de la responsabilité sur le plan international. Seul le fait internationalement illicite et seulement lui peut engendrer une responsabilité de l'Etat qui en est l'auteur. Il reste maintenant qu'il faut déterminer quels sont les éléments constitutifs d'un fait internationalement illicite de l'Etat c'est-à-dire les conditions qui sont nécessaires pour l'engagement de la responsabilité de l'Etat.

34C.D.I., Rapport aux vingt- cinquième sessions, A/CN.4/480/Add. 4, pp. 8-11, pars. 116-121.

35C.P.J.I., Aff. Des phosphates du Maroc, Italie/France, exceptions préliminaires, 1938, Série A/B n° 74, p.28, V. aussi C.PJ.I., Aff. Vapeur Wimbledon, Grande Brétagne, France, Italie, Japon/ Pologne/ Pologne, 1923, Série A n° 1, p. 30 ; v aussi C.P.J.I., Aff. Usine de Chorzów, Allemagne/Pologne, compétence, 1928, Série A n°9, p.21.

36 C.IJ. Détroit de Corfou, fond, (Royaume uni c. Albanie)., Recueil 1949,p.23.

37 C.I.J., Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats unis d'Amérique), fond, Recueil 1986, p.142, par.283 ; p149, par.292.

38 C.I.J., Projet Gabcikovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie),. Recueil 1997, p.38, par.47.

39 C.I.J., Réparation des dommages subis aux services des Nations Unies, avis consultatif, Recueil 1949, p.184. 40C.I.J., Interprétation des traités de paix conclus avec la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie, deuxième phase, avis consultatif, Recueil 1950, p.221.

41Nations Unies, Rainbow Warrior (Nouvelle-Zélande/France), Recueil des sentences arbitrales, Vol. xx, p.217(1990).

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§1.2. Les conditions d'engagement de la responsabilité internationale : Eléments constitutifs du fait internationalement illicite

L'article 2 du Projet de la C.D.I. sur la responsabilité des Etats est assez clair quant à ce qui concerne les conditions requises pour engager la responsabilité de l'Etat sur le plan international. Cet article énonce deux éléments constitutifs du fait internationalement illicite, celui-ci étant considéré comme seule condition pour engager la responsabilité de l'Etat sur le plan international, il s'agit : premièrement, le comportement en question doit être attribuable à l'Etat d'après le droit international, deuxièmement , pour qu'une responsabilité naisse du fait de l'Etat, ce comportement doit constituer une violation d'une obligation juridique internationale qui était alors à charge de l'Etat42. On a que deux conditions et seulement deux et qui sont cumulatives pour pouvoir engager la responsabilité de l'Etat dans l'ordre juridique international. La C.P.J.I. a, notamment dans l'affaire des phosphates du Maroc, estimé que « la naissance d'une responsabilité internationale est conditionnée à l'existence d'un acte imputable à l'Etat et décrit comme contraire aux droits conventionnels d'un autre Etat »43 . Pour la C.I.J., qui s'est également référée plusieurs fois à ces deux éléments pour établir la responsabilité, notamment dans l'affaire relative au personnel diplomatique et consulaire des Etats Unis à Téhéran où elle souligne « que pour établir la responsabilité de l'Iran tout d'abord elle doit déterminer dans quelle mesure les comportements en question peuvent être considérés comme juridiquement imputables à l'Etat. Ensuite, elle doit rechercher s'ils sont compatibles ou non avec les obligations incombant à l'Iran en vertu des traités en vigueur ou de toute autre règle de droit international éventuellement applicable ». Dans l'affaire du génocide, la Cour constate dans un premier temps que « les massacres commis dans la région de Srebrenica étaient constitutifs du crime de génocide au sens de la convention de 1948 puis, en vue de rechercher si la responsabilité internationale de la Serbie était susceptible d'être engagée en liaison avec ces faits, elle s'est demandé en outre « si les actes de génocide commis pourraient être attribués au défendeur en application des règles du droit international coutumier de la responsabilité internationale des Etats, en précisant que cela revient à se demander si ces actes ont été commis par des personnes ou des organes dont le comportement est attribuable à l'Etat défendeur »44. Dans

42 J. CRAWFORD, op. cit., p.75.

43 C.P.J.I., Aff. Phosphates du Maroc, op.cit., p.10.

44 C.I.J., arrêt, 26 Février 2007, Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), Fond, Rec., 2007, par.414.

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l'affaire des activités armées sur le territoire de la République Démocratique du Congo, la C.I.J. met aussi en exergue ces deux éléments.45

Il faut noter que l'élément de l'attribution a parfois été qualifié de subjectif et celui de la violation d'objectif, mais il est clair que cette terminologie n'a pas été retenue dans les articles de la C.D.I.46 Le fait qu'il y ait ou non manquement à une règle peut dépendre de l'intention des organes ou agents habilités de l'Etat ou de la connaissance qu'ils ont ; en ce sens, déterminé l'existence ou l'inexistence d'une violation peut être subjectif.

Le comportement attribuable à l'Etat peut consister en une action ou une omission. Les cas dans lesquels la responsabilité internationale d'un Etat a été invoquée sur la base d'une omission sont aussi nombreux que ceux qui se fondent sur des faits positifs47.

En effet pour qu'un comportement déterminé puisse être qualifié de fait internationalement illicite, il doit avant tout être un comportement attribuable à l'Etat. L'Etat est une entité organisé réelle, une personne juridique ayant pleine qualité pour agir d'après le droit international. Mais le reconnaitre ne veut pas dire nier la vérité élémentaire que l'Etat comme tel n'est pas capable d'agir. Un fait de l'Etat met nécessairement en jeu une action ou une omission d'un être humain ou d'un groupe : les Etats ne peuvent agir qu'au moyen et par l'entremise de la personne de leurs agents et représentants48. Donc il est important de déterminer par quels organes les Etats engagent leur responsabilité sur le plan international ; il faut noter que cette question ferra l'objet d'un examen plus approfondi dans le second chapitre. Toutefois, nous devons signaler que lorsqu'on parle de l'attribution d'un comportement à l'Etat, il s'agit d'un Etat sujet de droit international.

La deuxième condition pour qu'il y ait fait internationalement illicite de l'Etat est que le comportement attribuable à l'Etat constitue une violation par cet Etat d'une obligation internationale existant à sa charge, l'expression « violation par l'Etat d'une obligation internationale existant à sa charge »est établie depuis de longue date et s'applique aux obligations tant conventionnelles que non conventionnelles.49

45 C.I.J., arrêt, 19 Décembre 2005, Activités armées sur le territoire du Congo (République Démocratique du Congo c. Ouganda), Rec. 2005, p.226, par.160.

46 J. CRAWFORD, op. cit., p. 98.

47 Ibidem.

48 Ibidem.

49 Ibidem.

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Partant, il n'y a pas d'exception au principe énoncé à l'article 2 selon lequel deux conditions doivent être réunies pour qu'il y ait fait internationalement illicite- la présence d'un comportement, attribuable à l'Etat d'après le droit international et la violation, par ce comportement d'une obligation internationale à sa charge. La question est de savoir si ces deux conditions nécessaires sont aussi suffisantes. On a parfois dit que la responsabilité internationale ne peut être engagée par le comportement d'un Etat qui manque à ses obligations que s'il existe un autre élément, en particulier celui du dommage causé à un autre Etat.50 Mais la nécessité de tenir compte de tels éléments dépend du contenu de l'obligation primaire, et il n'y a pas de règle générale à cet égard. Ainsi, l'obligation contractée par traité d'adopter une loi uniforme est violée si cette loi n'est pas adoptée, et il n'est pas nécessaire qu'un autre Etat partie argue d'un dommage spécifique qu'il aurait subi par ce manquement. Pour être en mesure de déterminer si une obligation particulière est violée du seul fait que l'Etat responsable n'a pas agi ou pour qu'elle le soit quelque autre événement doit se produire, il faut partir du contenu et de l'interprétation de l'obligation primaire, et l'on ne peut le faire dans l'abstrait.51

§2 Différents degrés de responsabilité en droit international, crime ou responsabilité aggravée et délit ou responsabilité ordinaire

Comme nous l'avons dit, en évacuant le dommage dans le champs de la définition de la responsabilité internationale, AGO rendait possible une distinction entre, d'une part, les violations « ordinaires » du droit international qualifiées de délits, celles qui, pour regrettables qu'elles soient, ne concernent que l'Etat ou les Etats lésés de l'autre l'Etat ou les Etats responsables, et, d'autre part, celles qui mettent en cause les intérêts majeurs , fondamentaux de la communauté internationale dans son ensemble, quand bien même aucun Etat particulier n'est lésé.52

Cette dernière catégorie de responsabilité introduit une dose de pénalité dans l'ordre juridique international. En effet comme en droit interne l'Etat incrimine les violations aux intérêts les plus fondamentaux de la communauté nationale, même si il n'y a pas ou plus de victime, ceci est désormais possible en droit international. Mais cela paraitrait simpliste de pouvoir réduire un régime pénal à une simple distinction de régime de responsabilité en droit international, car un système pénal cohérent doit faire plus que cela c'est-à-dire mettre en place un système clairement défini. Toutefois cette distinction a le grand mérite d'affirmer

50 J. CRAWFORD, op. cit., p99.

51 Ibidem.

52 PELLET, A., loc. cit, note 15, p.26.

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haut et fort que le droit international n'est pas, comme on l'a toujours envisagé, un réseau d'intérêts subjectifs des Etats mais qu'il tient compte d'un degré de solidarité pour protéger les intérêts les plus fondamentaux de ce qu'il faut qualifier de « communauté internationale ».

En fait la distinction entre délits et crimes apparait dans le projet de 1976 jusque à celui de 199653, mais cette terminologie, ayant été à l'objet d'une vive polémique de la part de certains Etats et d'une certaine doctrine, va être écartée tout en conservant intelligemment la substance qu'elle représentait.54 On devra donc toujours garder à l'esprit que ce qu'on appelait jadis « crime » international de l'Etat dans le projet de 1976 et 1996 renvoi à la même réalité juridique que ce que l'article 40 du projet final désigne par responsabilité découlant de la violation grave d'une norme impérative du droit international général.55

§2.1. Crime et délit, une distinction qualitative

C'est le 6 Juillet 1976 que la C.D.I. a adopté, à l'unanimité, conformément à la proposition de AGO, le texte de l'article 19 de la première partie de son Projet d'articles sur la responsabilité des Etats.56 Il y est demeuré inchangé en 1996 lorsque la commission a approuvé, sans opposition, l'ensemble du Projet en première lecture. Cet article qui a fait couler beaucoup d'encres et de salives et suscité des débats passionnés entre Etats et doctrinaires internationalistes n'a pas été retenu dans le projet final mais a été jalousement conservé, notamment sa substance, par l'article 40 du Projet final adopté en 2001.

En effet les paragraphes 2 et 4 de l'article 19 disposent ce qui suit :

« 2 le fait illicite qi résulte d'une violation par un Etat d'une obligation si essentielle pour la sauvegarde d'intérêts fondamentaux de la communauté internationale que sa violation est reconnue comme un crime par cette communauté dans son ensemble constitue un crime international »

« 4 Tout fait internationalement illicite qui n'est pas un crime international conformément au paragraphe 2 constitue un délit international ».57

53 R. AGO, Cinquième rapport sur la responsabilité des Etats, in C.D.I., Annuaire 1976, Vol. II, 1ere partie, pp.26-57, pars.72-155.

54 PELLET, A., loc.cit., note 15, p.26.

55 Ibidem.

56 C.D.I. Comptes rendus analytiques des vingt huitième sessions, op.cit., P.256.

57 Le projet d'articles sur la responsabilité des Etats adoptés en première lecture par la C.D.I. est reproduit dans le rapport de la commission sur les travaux de sa 48ème session, Ann. C.D.I. 1996, Vol. II, 2ème partie, A/51/10, pp.148-172.

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On constate donc la différence nette de deux degrés de responsabilité qu'établit cette disposition dans l'ordre juridique international, mais comme constate le Professeur PELLET, il n'y a pas la qu'une simple différence de degrés, comme le soutenait une certaine doctrine, mais bel et bien une différence de nature c'set à dire de qualité : par leur qualité, les délits mettent en cause les seuls intérêts des Etats concernés, alors que les crimes atteignent la société internationale des Etats dans son ensemble. Il est clair qu'entre la violation « banale » d'une clause de traité de commerce et le génocide il n'y a pas commune mesure.58Pour CRAWFORD, la différence qualitative entre ces différents degrés des violations en droit international ne saurait être remise en cause59.

L'article 19 du Projet de 1996 et l'article 40 du Projet final semblent dégager deux critères de différenciation entre ces deux catégories de faits internationalement illicites. En effet le crime international de l'Etat ou la responsabilité aggravée doit s'agir des violations d'obligations découlant des normes impératives du droit international général ; et deuxièmement, les violations visées doivent avoir un caractère grave, de par leur échelle ou leur nature.60Dans ce sens il faut dire que la C.I.J. a eu, dans l'affaire de la Barcelona traction, à indiquer « qu'une distinction essentielle doit en particulier être établie entre les obligations des Etats envers la communauté internationale dans son ensemble et celles qui naissent vis-à-vis d'un autre Etat dans le cadre de la protection diplomatique. Par leur nature même, les premiers concernent tous les Etats. Vu l'importance des droits en cause, tous les Etats peuvent être considérés comme ayant un intérêt juridique à ce que ces droits soient protégés ; les obligations dont il s'agit sont des obligations erga omnes ».61 La Cour entendait ainsi confronter la situation de l'Etat lésé dans le contexte de la protection diplomatique avec celle de tous les Etats en cas de violation d'une obligation envers la communauté internationale dans son ensemble. Il est clairement établit qu'il y a de par leur qualité les obligations qui sont dû à toute la communauté internationale dans son ensemble et que tous les Etats ont un intérêt juridique à ce que ces droits soient protégés et celles qui ne sont dues qu'à un ou plusieurs Etats.62

La difficulté qui demeure cependant est celle de savoir si le crime international de l'Etat ou la responsabilité pour violation d'une règle impérative du droit international

58 PELLET, A., loc. cit. , note 15, p.27.

59 J. CRAWFORD, op. cit., p. 200.

60 Ibidem.

6161C.I.J., Barcelona Traction, op.cit., p.32, par.33. 62 J. CRAWFORD, op. cit., p.201.

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constituent des obligations erga omnes. A cette question, nous constatons tout d'abord qu'il y existerait une étroite relation entre ces deux notions. En effet, la doctrine a toujours soutenu que, la responsabilité pour crime telle qu'elle ressort de l'article 19 du Projet de la C.D.I. sur la responsabilité internationale des Etats et la responsabilité pour violation d'une norme impérative du droit international général tel qu'il ressort de l'article 40 du Projet final de 2001, constituent bel et bien des violations d'obligations erga omnes63. Il faut toutefois noter que la réciproque n'est pas forcément exacte c'est-à-dire que toute violation d'une obligation erga omnes n'est pas forcément une responsabilité pour crime. On donne généralement pour exemple que les Etats riverains sont tenus d'accorder à tous les navires le droit de passage en transit dans les détroits servant à la navigation internationale ; il s'agit là, assurément, d'une obligation erga omnes, mais son-non respect n'est pas un type de responsabilité aggravée, elle n'est pas dû envers la communauté internationale dans son ensemble.64

Dans plusieurs affaires, la C.I.J. a réaffirmé la notion d'obligation envers la communauté internationale, bien qu'elle se soit montrée prudente dans son application. Dans l'affaire du Timor oriental, elle a considéré « qu'il n' y avait rien à redire à l'affirmation du Portugal selon laquelle le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, tel qu'il s'est développé à partir de la Charte et de la pratique de l'organisation des Nations Unies, est un droit opposable erga omnes.65Elle prend la même position dans l'affaire de l'application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, en déclarant que « les droits et les obligations consacrés dans la convention sont erga omnes ».66 Par ailleurs, la notion d'obligation erga omnes ne saurait être dissociée de celle de la reconnaissance de la notion de norme impérative du droit international aux articles 53 et 64 de la convention de Vienne sur le droit des traités entre Etats.67 Ces dispositions reconnaissent l'existence des règles de fond si essentielles qu'aucune dérogation n'y est possible, même au moyen d'un traité.

63 J. CRAWFORD, op.cit., p.202.

64 PELLET, A., loc.cit., p23.

65 C.I.J., Timor oriental (Portugal c. Australie), Recueil 1995, p. 102, par. 29.

66C.I.J., Application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie Herzégovine c. Serbie et Monténégro), exceptions préliminaires, Recueil, 1996, p. 616, par. 31.

67 Conventions de Vienne sur le droit des traités, Nations Unies, Recueil des traités, Vol.1155, p.331.

[18]

§2. 2. Crimes internationaux et responsabilité pour violation d'une norme impérative du droit international : une même réalité juridique

Ayant été à la base d'une vive polémique, la terminologie pénaliste adoptait par la C.D.I. sous l'influence de AGO était finalement abandonné dans le Projet final de 2001. On pourra lire et relire le Projet final, des centaines des fois, nulle part on ne retrouvera plus le terme crime international. Cependant on ne devrait pas se laisser abattre par cet état des choses parce que lorsqu'on analyse bien les choses on se rend bien compte que la réalité juridique que représentait le terme crime est plus que jamais présente dans le Projet de la C.D.I. de 2001. On dirait même que la terminologie pénaliste en sort plutôt très renforcée.

D'après le dernier rapporteur de la C.D.I. sur la question de la responsabilité internationale des Etats, le professeur australien J. CRAWFORD, l'un des farouches opposant à la pénalisation du droit international, « la première partie du projet de la C.D.I. procède de l'idée que les faits internationalement illicites d'un Etat forment une seule et même catégorie et que les critères qui s'appliquent à ces faits(en ce qui concerne notamment l'attribution et les circonstances excluant l'illicéité) sont indifférents à toute distinction entre responsabilité délictuelle et pénale ».68 Le dernier rapporteur de la C.D.I. sur la question de la responsabilité se montre donc hostile à toute intrusion d'une quelconque terminologie pénaliste. Le professeur PELLET, l' un des fervents pénalistes du droit international, constate que « cette attitude de CRAWFORD témoigne de l'incompréhension- ou de refus de compréhension- du dernier rapporteur spécial de la C.D.I. de la portée réelle qu'AGO et les rédacteurs du Projet adopté en première lecture donnait au mot crime qui n'avait, dans leur esprit, aucune connotation pénale ».69 La C.D.I. n'avait, selon le professeur PELLET, aucune idée d'attacher à la distinction entre crimes et délits des formes des responsabilités qui s'apparenteraient à celles établies dans le système pénal classique.

Malgré les indications très claires en ce sens données par la C.D.I. dans le commentaire du Projet d'article 19 de 1976, le professeur CRAWFORD n'en a pas moins maintenu fermement son opposition au mot « crime » en se fondant, des fois à tort sur des analogies avec le droit interne alors même qu'il reconnaissait expressément que « l'idée qu'en

68CRAWFORD, J., BODEAU, P., PEEL, J., « La seconde lecture du projet d'articles sur la responsabilité des Etats de la commission du Droit International » in R.G.D.P., 2000, p.931.

69 PELLET, A., loc. cit. , note 15, p. 34.

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droit international la responsabilité n'est ni civile ni pénale mais simplement internationale n'est guère contestée ».70

Eu égard à ce qui précède, il était difficile que la commission n'adhère pas à l'opposition de son rapporteur à l'insertion du crime dans le Projet, fut- elle fondée sur un argument discutable.

On ne saurait ne pas reconnaitre le mérite de l'article 19, en tout cas de la substance qu'elle représentait. Cet article établit une importante distinction entre deux catégories des faits internationalement illicites et donc nier une telle existence équivaudrait presque à nier l'existence d'un ordre juridique international.

Comme est dit dans les commentaires de l'ancien article 19, plusieurs conventions utilisent le mot « crime » pour désigner les atteintes les plus graves à l'ordre juridique international : le génocide, l'apartheid, l'agression, le crime contre l'humanité, etc.71Et, aussi critiqué qu'il ait pu être, le mot est devenu d'usage courant dans la littérature internationale. Par ailleurs l'article 19 avait pour mérite de stigmatiser les comportements qu'il désignait, ceux qui portaient, en effet, les atteintes les plus graves « aux intérêts de la communauté internationale dans son ensemble.72

Cependant plusieurs critiques avaient été adressées à la formulation de l'article 19, la première est que, selon certains auteurs, cet article introduit dangereusement un concept pénaliste en droit international. La deuxième avait été adressée au paragraphe 4 de l'article 19 du Projet sur la responsabilité des Etats qui introduisait en droit international le concept de délit, un concept qui dans certains ordres juridiques internes a des connotations pénales alors que la C.D.I., dans son entendement, la considérer comme une sorte de responsabilité intersubjective .Pour résoudre ce problème on a proposé de renoncer au mot délit(en supprimant le paragraphe 4 de l'ancien article 19) tout en conservant le terme « crime » qui était intrinsèquement moins critiquable.73 Mais la C.D.I. sous l'influence de son rapporteur spécial, J. CRAWFORD, a du adopter la solution la plus radicale : on ne parlera ni de crime ni de délit.

70J CRAWFORD, Premier rapport sur la responsabilité des Etats, in A/CN.4/490 Add.3, par.81. 71 C.D.I., Ann. 1976, Vol. II, 2ème partie, p. 110, par. 59.

72PELLET, A., loc. cit. , note 15, p. 36 .

73 Ibidem.

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Mais faut- il pour autant dire que la réalité juridique que représentait l'article

19 a disparue ? ou que le droit international de la responsabilité est redevenu un corps des règles formant un régime unique qui serait de nature civile que pénale ? Nous ne pensons pas, car on a fait que remplacer les mots par leur définition à partir du Projet de 1996 jusqu'à celui final de 2001. Comme le dit le professeur PELLET, « la C.D.I., dans sa solution, a banni les le crime mais conservée la chose qu'il représentait ».74

Il faut cependant signaler que certains membres de la C.D.I. qui étaient hostiles à la pénalisation du droit international voulait purement et simplement bannir la distinction traditionelle, chose qui, pour les tenants de la criminalisation, et même pour le droit international lui-même, était inacceptable, ces derniers, comme nous d'ailleurs estimant que s'était inacceptable de mettre dans un même sac la violation d'un traité bilatérale de commerce et un génocide ou un crime contre l'humanité. Il fallait donc un consensus au sein de la C.D.I., ce à quoi n'arrivait guère les membres de la C.D.I., celle-ci décidait alors que :

a)sans préjudice des vues de quiconque parmi les membres de la commission, le projet d'article 19 serait laissé de coté pour le moment pendant que la commission poursuivait l'examen d'autres aspects de la première partie du Projet ;

b) il faudrait examiner si les questions soulevées par le Projet d'article 19 ne pourraient être résolus par un développement systématique, dans le Projet d'articles, de notions telles que les obligations erga omnes, les normes impératives (jus cogens) et une éventuelle catégorie regroupant les violations les plus graves d'obligations internationales » .75 En remettant à plus tard l'examen de la notion de « crime », la C.D.I. avait commis, selon notre avis, une grande erreur parce que créant un déséquilibre dans la première partie du Projet par rapport à la deuxième qui traitait des conséquences. Ce n'est que la dernière année de son mandat que le rapporteur spécial abordait encore à nouveau, dans son quatrième rapport, la question des crimes internationaux de l'Etat. Entre temps, la commission avait adopté l'essentiel de son projet sans se préoccuper d'une quelconque influence d'un régime de responsabilité propre aux violations graves du droit international sur la cohérence de tout le Projet. Il est vrai qu'en

74 PELLET, A., loc. cit. , note 15, p36.

75C.D.I., Rapport de la C.D.I. sur les travaux de sa cinquantième session, 1998, Assemblée générale, Documents officiel.

75 C.D.I., Ann. 1976, Vol. II, 2ème partie, p. 110, par. 59.

75 PELLET, A., loc. cit. , note 15, p. 36.

75 Ibidem.

75 Ibidem.

75C.D.I., Rapport de la 55ème Session, supplément n°10(A/53/10), par.331.

[21]

2000, le Professeur CRAWFORD a ouvert la voie à une solution, en s'interrogeant sur la question de savoir si « des conséquences supplémentaires à celles s'attachant normalement à un fait internationalement illicite peuvent être rattachées à la catégorie des violations graves, flagrantes et systématique des obligations dues à la communauté internationale dans son ensemble ».A cette question, il répondait par l'affirmative en considérant que ,«si on laisse de coté la terminologie controversée des crimes, les conséquences tirées des crimes par les articles 52 et 53 du Projet adopté en première lecture sont généralement acceptable »76. Cette position de CRAWFORD était une conversion partielle et déguisée du concept « crime », le mot excepté, et, sur cette base, le comité de rédaction a adopté en 2000, à titre provisoire, les projets d'articles 41 et 42, formant le chapitre III de la deuxième partie du projet sur le « contenu de la responsabilité internationale des Etats » et se substituant aux anciens articles 51 et 53 du Projet de 1996.77

Le mot crime y était soigneusement évité. Mais ce chapitre devait s'appliquer « à la responsabilité internationale découlant d'un fait internationalement illicite qui constitue une violation grave par un Etat d'une obligation envers la communauté internationale dans son ensemble et qui appelle des réactions spécifiques de la part de tous les membres de celle-ci ». Et la mention expresse des normes impératives du droit international général dans la nouvelle rédaction du chapitre III de la deuxième partie du Projet n'est pas sans avantages. Aussi discuté qu'elle ait pu être dans le passé, la notion du jus cogens est, maintenant, très généralement acceptée.78 Cependant il y a un problème qui subsiste parce que le Projet d'articles définitivement adopté par la C.D.I. ne définit pas ce qu'il faut entendre par « norme impérative du droit international ».79

Du coup on se rabat implicitement sur la définition figurant à l'article 53 de la convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités entre Etats, mais ceci avec beaucoup des risques et des fluctuations car, il faut le rappeler, les règles du jus cogens étaient conçues pour s'appliquer dans le domaine relatif uniquement.80

Mais quoi qu'il en soit, le Projet de 2001 va certainement dans la bonne direction, en se débarrassant du mot crime il prive d'arguments ceux qui s'appuyaient sur lui

76 J. CRAWFORD, Troisième rapport sur la responsabilité des Etats, A/CN.4/507/Add.4,par.407.

77 C.D.I., Rapport sur les travaux de sa 52ème Session, l'Assemblée générale, Documents officiels, 55ème Session, supplément n°10(A/55/10), pp.110-126.

78 PELLET, A., loc.cit., note 15, p.41.

79 Ibidem.

80 Ibidem.

[22]

pour nier la dualité, indispensable en droit international, de régimes de responsabilité, selon que le fait internationalement illicite atteint ou non les intérêts de toute la communauté internationale dans son ensemble ; et préserve la révolution de AGO, qui fait admettre que la responsabilité internationale ne saurait être la résultante d'un préjudice causé par un fait internationalement illicite, mais bien de ce fait lui-même, objectivisant, par là même, le système de la responsabilité internationale.

On devra noter par ailleurs, que le projet de 2001, tout en prenant note de l'existence de deux catégories de violations, encadre, celles découlant des normes impératives du droit international général dans les limites étroites qui doivent être approuvées : elles découlent du degré d'intégration et de solidarité, fort timide, qui caractérise la société internationale.81C'est pour cette raison que la C.D.I. n'a pas soumis à un régime « aggravé » de responsabilité toutes les violations d'obligations découlant de règles du jus cogens. Seuls tombent sous le coup du chapitre III de la deuxième partie les violations graves de ces obligations et au paragraphe 2 de l'article 41 de préciser que : « La violation d'une telle obligation est grave si elle dénote que l'Etat responsable s'est abstenu de manière flagrante et systématique d'exécuter l'obligation ». En effet il est clair que tout acte de torture est moralement et juridiquement condamnable et constitue la violation d'une norme impérative comme l'a reconnu le Tribunal Pénal International pour l'ex-Yougoslavie dans l'affaire Furndziza bien qu'il soit susceptible d'engager la responsabilité pénale de l'individu 82 ; il reste qu'un acte isolé de torture ne menace en rien l'ordre juridique international, contrairement à l'utilisation systématique et massive de la torture. Ainsi on ne saurait tenir pour criminel un Etat qui, par l'entremise de son commissariat de police, commet un acte isolé de torture aussi regrettable que celui-ci demeure.

Bref comme celle de « crime international de l'Etat, dont elle ne se distingue que par le nom(ou l'absence d'une dénomination particulière), la notion de violation grave d'une obligation découlant d'une norme impérative du droit international général, reflète l'idée qu'il existe des intérêts fondamentaux de la communauté » qu'il faut sauvegarder de manière spéciale. C'est ce que tentaient de faire les articles 19 et 51 à 53 du Projet de la C.D.I. de 1996, c'est aussi l'objectif poursuivi par les articles 40 et 41 de celui de 2001.83Les uns

81 PELLET, A., loc. cit. , note 15, P.41.

82 T.PI.Y., Le jugement de la chambre de première instance du T.P.I.Y. du 10 Décembre 1998, IT-95-17/1-T, pars 151-157, cité par PELLET, A., loc.cit., note 15, p.45.

83PELLET, A., loc. cit. note 15, p. 44.

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comme les autres consacrent de manière très prudente les avancées limitées mais réconfortantes du sentiment « communautaire et de solidarité internationale ».

Avec ou sans nom, décidément, « vive le crime ! »84Comme le dit le professeur PELLET, on croyait enterrer le crime mais il est ressorti de ses cendres, tel un phoenix juridique !85

SECTION II : LES CONSEQUENCES D'UNE VIOLATION GRAVE D'UNE

NORME DU JUS COGENS

Afin de savoir si, la C.D.I., en employant le mot « crime » ou son succédant- la responsabilité pour violation d'une norme du jus cogens, voulait désigner des faits illicites auxquels sont rattachés des formes de responsabilité pénale, il nous semble particulièrement important de nous attarder un tout petit peu sur les conséquences de ces faits illicites tant dans le Projet (§1) qu'en dehors de celui-ci (§2).

En analysant les conséquences dans le projet de la C.D.I., on se rend bien compte que celui-ci ne tire pas toutes les conséquences nécessaires qui devraient se rattacher aux faits illicites les plus graves qu'il qualifie de crime ou de violation aggravée, et se caractérise par la mise en place des conséquences qui sont à la fois étriquées et lacunaires. Hors Projet de la C.D.I., on se rend bien compte, que bien que ce dernier n'ait pas eu à tirer toutes les conséquences nécessaires des violations graves du droit international, il n'en demeure pas moins, par contre, que le communautarisme et la transparence de l'Etat soient des conséquences nécessaires qui devraient s'attacher à ces genres de manquements.

§1. Les conséquences lacunaires et étriquées dans le Projet de la C.D.I.

Alors que le Projet de la C.D.I. annonçait avec pompe les violations graves du jus cogens qui succédaient à la terminologie pénaliste du « crime international de l'Etat », on s'attendait à ce qu'elle tire toutes les conséquences nécessaires relatives à ce type de responsabilité. Autant la C.D.I. a tenu contre vents et marées au maintien de la distinction fondamentale entre deux catégories des faits illicites engendrant deux régimes distincts de la responsabilité, autant force est de constater que les conséquences qu'elle en tire sont toutes aussi lacunaires qu'étriquées.

84PELLET, A., loc.cit., note15, P.45. 85 Ibidem.

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§1.1 Les conséquences étriquées dans le Projet de la C.D.I.

Les conséquences du crime international ne se conçoivent qu'à peu de choses dans le Projet de la C.D.I., à l'article 41 du Projet final. Ceci pousse une certaine doctrine à considérer que la « bataille du crime aurait fait beaucoup de bruit pour rien et que la montagne, en définitive, a accouché d'une souris».86

Cependant, le Projet a au moins le mérite de ne pas injurier l'avenir en ouvrant la porte à des développements futurs, voire même de ne pas exclure que, d'ores et déjà, le « communautarisme » discret qui affleure dans le Projet aille bien au-delà de ce qu'il dit.87Ceci explique combien la C.D.I. a été si minimaliste dans la prise en considération des conséquences relatives aux violations graves d'une règle du jus cogens.

On constate malgré les bonnes intentions du dernier rapporteur de C.D.I. sur la question de la responsabilité, Mr CRAWFORD, de vouloir revoir en « profondeur » les anciens articles 51 et 53 consacrés aux conséquences des crimes internationaux des Etats,88celui-ci n'en a rien fait et ceux-ci sont passés, pour l'essentiel, du Projet de 1996 à celui, provisoire de 2000(dans l'article 42) puis à celui définitif de 2001(article 41) sans changement significatif.

L'article 41 relatif aux conséquences particulières d'une violation d'une norme impérative dispose ce qui suit : « 1. Les Etats doivent coopérer pour mettre fin, par des

moyens licites, à toute violation grave au sens de l'article 40 ».
«2. Aucun Etat ne doit reconnaitre comme licite une situation créée par une violation grave au sens de l'article 40, ni ne prêter aide ou assistance au maintien de cette situation ».

«3. Le présent article est sans préjudice des autres conséquences prévues dans la présente partie et de toute conséquence supplémentaire que peut entrainer, d'après le droit international, une violation à laquelle s'applique le présent chapitre ». On est là en face d'une disposition tout à fait étriquée par rapport à l'ampleur, généralement désastreuse, des violations graves du jus cogens, mais aussi un peu sobre par rapport aux anciens articles auxquels elle a succédé. Selon R. RONSENSTOCK, ancien membre de la C.D.I., « il s'agit là des conséquences très anodines concernant le crime

86 PELLET, A., loc. cit. , note 15, p.334.

87 Idem, p.335.

88 J. CRAWFORD, Quatrième rapport sur la responsabilité des Etats, A/CN.4/517, par.53.

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international de l'Etat qui ont été tirée par la C.D.I. dans son Projet sur la responsabilité internationale des Etats ».89

Cependant il ne s'agit pas des conséquences si étriquées que ca ; selon une certaine doctrine, à la quelle nous adhérons, l'obligation de coopérer pour mettre fin aux violations graves serait purement spécifique à ce type de violations car en dehors de celle-ci aucune autre solidarité n'est imposée aux Etats pour pouvoir agir positivement de manière à coopérer pour mettre fin à quelque autre fait internationalement illicite que ce soit.90

Pour l'obligation de non reconnaissance et de non assistance, il y a une vive controverse quant à la question de savoir si elle est spécifique ou pas à la notion de « crimes ».91 Nous pensons que le droit international n'interdit pas moins aux Etats de prêter aide ou assistance à un fait illicite, qu'il s'agisse d'un crime ou d'un délit et que donc l'obligation de non reconnaissance et de non assistance serait non seulement spécifique aux violations ordinaires mais aussi aux violations graves d'une norme du jus cogens.

§1.2. Les conséquences lacunaires dans le Projet de la C.D.I.

L'idée de base de la C.D.I. était que le crime est un fait illicite qui porte atteinte aux intérêts fondamentaux de la communauté internationale toute entière et que, par conséquent, le sujet « directement lésé », ne saurait être seul devant l'auteur du fait illicite.92Mais à la lecture de l'article 41du Projet final et des commentaires y afférents, on est très loin de se faire la certitude que l'on envisagerait un rapport de responsabilité entre tous les Etats membres de la communauté internationale pris individuellement en sorte que tous pourraient soit prétendre à une prestation donnée de l'auteur du fait illicite, soit éventuellement, adopter à son encontre un comportement autrement illicite ou bien si l'on envisagerait une réponse au moyen d'un mécanisme collectif. La mention, faite dans le commentaire comme dans les débats au sein de la C.D.I., de l'agression armée comme étant un fait illicite engageant des conséquences juridiques différentes de tous les autres faits illicites parce que tous les Etats sont aptes à réagir contre l'agresseur à titre de légitime

89 RONSENSTOCK, R., « An international criminal responsibility of States ? » in C.D.I., le droit international à l'aube du XXème siècle- réflexions des codificateurs, Nations Unies, New York, 1997, p.283.

90 PELLET, A., loc.cit., note15, p.337.

91 RONSENSTOCK, R., loc. cit., p. 284.

92 M. SPINEDI, « Chapitre 8. La responsabilité de l'Etat pour « crime » : une responsabilité pénale ?, in H. ASCENSIO, E. DECAUX et A. PELLET (dirs), op cit, P. 199.

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défense collective, fait penser à la première solution, mention, à propos d'autres crimes, des mesures du Conseil de Sécurité à la seconde.93

Bien que la C.D.I. ait eu à affirmer haut et fort l'existence de deux régimes juridiques distincts, il est loin de la cohérence qu'on aurait attendue d'elle. En clair c'est comme si elle ne donnait pas au droit international les moyens de sa politique, celui de protéger les intérêts les plus essentiels, en assortissant pas les violations de ces dernières de sanctions adéquates. Elle n'évoque en soi rien qui solidarise efficacement la sauvegarde des intérêts fondamentaux au sein de la société internationale.

En effet l'article 41 prévoit trois conséquences à savoir l'obligation de coopération pour mettre fin, par des moyens licites, à toute violation grave d'une règle du jus cogens, l'obligation de non reconnaissance comme licite d'une situation créée par une violation grave d'une obligation du jus cogens et l'obligation de ne pas prêter aide ou assistance pour le maintien de la situation ainsi créée.

On notera que les dispositions, dans le Projet de la C.D.I., ne spécifient déjà pas si quelle doit être la forme de cette coopération, bien plus grave encore, elles ne donnent même pas selon quelles modalités la coopération devrait elle s'exercer, est-ce au sein ou en dehors des mécanismes relatifs, notamment ceux prévus dans le cadre onusien, que cette coopération devra avoir lieu ? Il nous parait particulièrement difficile ; vue la structure propre de la société internationale, faite d'abord de souveraineté juxtaposées, de pouvoir envisager une telle obligation positive à la charge des Etats. Cependant on peut considérer que le paragraphe 1 de l'article 41 est symboliquement, au moins, en rupture avec le droit international classique et correspond aux avancées « modestes » de la solidarité internationale.94

Aussi le paragraphe 1 n'explicite pas non plus quelles mesures les Etats devraient prendre pour mettre fin à toute violation au sens de l'article 40.95Toutefois une telle coopération devrait s'exercer par des moyens licites, dont le choix dépend des circonstances qui devraient être appréciées au cas par cas.

En ce qui concerne le devoir d'abstention qui contient deux obligations distinctes : l'obligation de non reconnaissance comme licite de la situation créée par une

93 M. SPINEDI, op.cit., p.199

94 PELLET, A., loc.cit., note 15, p. 335.

95 J. CRAWFORD, op.cit., p.199.

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violation grave au sens de l'article 40 et celle de ne prêter ni aide ni assistance au maintien de cette situation,96 encore une fois aucune garantie n'est prévue dans le projet pour s'assurer de la mise en oeuvre des telles obligations dans l'ordre juridique international. On pourrait craindre des éventuelles pressions politiques de la part des grandes puissances-non fondées sur aucune base juridique-pour ne pas reconnaitre telle ou telle situation qui ne leur est pas intéressante du point de vue politique ou géostratégique.

Toutefois reconnaissons que de telles abstentions tirent leur substance de la théorie des normes de jus cogens, dont le crime n'est qu'une facette ; car est frappé de nullité absolue, tout traité contraire à une telle norme.

Il ressort de cet analyse que les conséquences prévues par la C.D.I. pour la violation d'une norme impérative du droit international sont, dans le Projet, non seulement lacunaires au regard des intérêts qui devraient être protégés à savoir les intérêts fondamentaux pour toute la communauté internationale, mais aussi étriquée par rapport à l'ambition voulue, celle de solidariser les intérêts les plus majeurs de la société internationale pour la répression des violations les plus graves.

Toutefois le Projet à l'avantage de ne pas occulter l'avenir en laissant des brèches pour des éventuels développements.

§2. Les conséquences du crime hors Projet de la C.D.I. : Le

communautarisme et la transparence de l'Etat

Bien que la C.D.I. n'eut pas retenu expressément la transparence de l'Etat et le

communautarisme, il n'en demeure pas moins que ceux-ci sont des conséquences spécifiques d'une violation grave d'une obligation découlant d'une norme impérative du droit international.97

§2.1. Le communautarisme : vers une solidarisation de la répression du « crime international de l'Etat »

Le dernier rapporteur spécial de la C.D.I. sur la question de la responsabilité

des Etats, J. CRAWFORD avait, dans son avant dernier rapport, tenté d'élargir quelque peu la conception étriquée de ces conséquences telles qu'elles étaient présentées dans le Projet en première lecture en 1996. Il y plaidait pour l'inclusion dans le Projet de deux éléments nouveaux à savoir qu'en cas de violation grave d'obligation envers la communauté, l'Etat

96 J. CRAWFORD, op.cit., p.199

97PELLET, A., loc. cit. , note15, p.339.

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responsable soit obligé de verser des dommages-intérêts punitifs.98Et le second était, du moins c'est celui qui nous intéresse dans cette partie du travail, la possibilité pour « tout Etat de prendre des contre-mesures afin de garantir la cessation de la violation grave d'une obligation due à la communauté internationale toute entière et la réparation dans l'intérêt des victimes.99

Ce deuxième élément constituerait une avancée majeure dans le cadre de la codification et du développement du droit de la responsabilité internationale des Etats, en ce sens qu'elle consacre l'idée de la communautarisation des intérêts majeurs dans l'ordre juridique international, une solidarisation de la répression du crime étatique. Il s'agit là d'une des conséquences les plus importantes des violations graves. Il était parfaitement cohérent dès lors que tous les Etats ont un intérêt au respect d'une obligation fondamentale envers la communauté internationale à laquelle ils appartiennent, il est légitime qu'ils soient en mesure d'en assurer le respect.

La proposition de CRAWFORD de communautariser la répression du crime de l'Etat qui était éminemment cohérente a, malheureusement, été à la base d'une vive polémique au sein de la sixième commission de l'Assemblée générale de 2000.100Ces critiques ont emmenés plusieurs membres de la C.D.I. à pouvoir changer leur position de 2000 pour se prononcer contre le maintien de l'article 54.101

Cependant on ne peut que regretter l'absence d'une telle institution , celle des contre-mesures que peut prendre chaque Etat individuellement ainsi que de la suppression ou du manque de substitution du projet d'article 54, on devra se contenter; faute d'une norme positive, autorisant expressément tous les Etats à adopter les contre mesures en cas de « crime » de l'Etat ;d'une clause de sauvegarde qui, non seulement n'exclut pas cette possibilité mais est rédiger de telle manière qu'elle pourrait la consacrer. Paradoxalement ce qui était très étroitement encadré par des règles précises dans la version de 2000 se retrouve donc à la fois consacré de facto et largement déréglementé dans le Projet définitif.102

Et que donc, s'il est clair que le Projet de la C.D.I. a quelque peu déçu les attentes en ce qui concernait les conséquences des « crimes » internationaux, on devrait tout

98 J. CRAWFORD, Troisième rapport sur la responsabilité des Etats, A/CN.4/507/Add.4, par.409.

99 J. CRAWFORD, op cit, note87, par.413.

100C.D.I., Résume thématique des débats à la sixième commission lors de la 55ème session de l'Assemblée générale, A/CN.4/513, par.174-182.

101 J. CRAWFORD, op. cit., pars.70-74.

102 PELLET, A., loc.cit., note 15, p.344.

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de même, lui reconnaitre le mérite d'avoir échafauder un régime, aussi laconiquement que cela eut été, de la responsabilité de l'Etat pour crime et consacré ainsi l'idée du « communautarisme », notamment par l'introduction de la sauvegarde au paragraphe 3 de l'article 41, base indispensable à une solidarisation de la répression des crimes internationaux des Etats.

§2.2. La transparence de l'Etat ; la responsabilité pénale individuelle n'exclut pas celle de l'Etat

Sans doute, comme l'a rappelé avec force le Tribunal de Nuremberg, « ce sont les hommes, et non des entités abstraites, qui commettent les crimes dont la répression s'impose, comme sanction du droit international.103Mais, lorsque ce sont les dirigeants de l'Etat qui ont agi dans le cadre de leurs fonctions, en utilisant l'appareil étatique, ils peuvent être attraits devant une juridiction internationale pénale, celle-ci va nécessairement connaitre indirectement des « crimes internationaux de l'Etat », même si, et c'est une nuance importante, elle ne se prononcera pas directement sur la responsabilité de l'Etat lui-même.104

A l'heure actuelle, dans l'ordre juridique international, il n'y a aucun doute sur la positivité de la responsabilité pénale individuelle et il n'est nullement contestable actuellement que les dirigeants de l'Etat peuvent être jugés par les juridictions pénales internationales.105La qualité officielle de l'auteur d'une violation grave de droit international ne saurait être exonératoire de la responsabilité pénale pour son auteur. Comme l'a relevé la C.I.J. dans l'affaire Yerodia, « un dirigeant étatique en exercice, y compris un Chef d'Etat peut faire l'objet des poursuites pénales devant certaines juridictions pénales internationales dès lors que celles-ci sont compétentes et qu'ils ne bénéficient, en vertu du droit international, de l'immunité pénale de juridiction dans son propre pays ».106

Certes la responsabilité internationale n'est ni pénale ni civile et que l'objet du Projet d'articles n'était pas de codifier les règles applicables à une éventuelle responsabilité pénale de Etats, mais celle-ci peut être envisagé, du moins indirectement, lorsque les dirigeants d'un Etat responsable d'un fait internationalement illicite sont attraits devant les juridictions pénales. Le professeur PELLET y voit ce qu'i appelle « une forme de réparation de l'illicite de l'Etat ». Dans ce sens continu-t- il, « la décision de poursuivre apparait, en

103 A. PELLET, op.cit., note 6, p.226.

104 PELLET, A., loc.cit., note15, p. 621.

105 Article 27 du Statut de Rome de la C.P.I, in www.icc-cpi. Int, consulté le 20 Mai 2013.

106 C.I.J., Affaire Yerodia, arrêt, 14 Février 2002, Mandat d'arrêt du 11 Avril 2000(République Démocratique du Congo c. Belgique), Rec.2002, p.25, par.67.

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premier lieu, comme une sanction dirigée contre l'Etat. En second lieu, pour qualifier l'infraction internationale, le juge pénal sera nécessairement conduit à mettre en lumière les conditions d'une responsabilité internationale pour cette même infraction ».

Il serait pratiquement impossible de pouvoir dissocier l'institution de la responsabilité internationale individuelle à celle de l'Etat. Qui nierait les incidences indéniables que le mandat d'arrêt, émis contre le président Omar El Béchir, par la C.P.I., a sur tout le Soudan comme Etat, qui pourra contester que le fait d'émettre des mandats d'arrêts contre le Président kenyan et son dauphin ont eu un impact sérieux sur les relations du Kenya tout entier sur la scène internationale.

Au demeurant, le châtiment des dirigeants qui ont commis les crimes ne libère pas pour autant l'Etat lui-même de sa propre responsabilité pour un tel fait.107Comme le précise bien d'ailleurs le Statut de la C.P.I. à son article 25 qu'aucune de ses dispositions « relatives à la responsabilité pénale des individus n'affecte la responsabilité des Etats en droit international. »108En son tour l'article 58 des articles de la C.D.I. sur la responsabilité de l'Etat précise bien que ceux-ci « sont sans préjudice de toute question relative à la responsabilité individuelle, d'après le droit international, de toute personne qui agit pour le compte de l'Etat ».109 Par contre, dans le commentaire de cet article, il est dit que « dans le cas de crimes de droit international commis par des agents de l'Etat, il arrivera souvent que ce soit l'Etat lui-même qui soit responsable pour avoir commis les faits en cause ou pour ne pas les avoir réprimer ou empêcher. Dans certains cas, notamment celui de l'agression, l'Etat sera par définition impliqué. Mais dans ce cas, la question de la responsabilité individuelle est en principe à distinguer de celle de la responsabilité des Etats ».110

Du reste, dans son arrêt de 1996 sur les Exceptions préliminaires soulevées par la Serbie dans l'affaire du Génocide, la C.I.J. a reconnu que « l'article IX de la convention sur le Génocide de 1948 n'exclut aucune forme de responsabilité d'Etat ».111

107 PELLET, A., op.cit., note6, p. 622.

108 Art 25 du Statut de Rome, loc. cit.

109C.D.I., Rapport de la sur les travaux de sa 28ème session, in Ann. C.D.I. 1976, Vol. II, 2ème partie, p.96, par.21 du commentaire du Projet d'article 19.

110C.D.I., Rapport de la sur les travaux de sa 53ème Session, in Ann.C.D.I., 2001, Vol. II, 2ème partie, p.153, par.3. 111C.I.J., Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de Génocide, C.I.J., Exception préliminaires, op.cit., p. 616, par. 32.

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Selon la doctrine on peut résumer ainsi les rapports qu'entretiennent les notions de violations graves d'obligations découlant de normes impératives du droit international avec la responsabilité pénale internationale des gouvernants en ceci :

1) Lorsqu'un Etat commet une telle violation, celle-ci est nécessairement le fait

de l'individu ,
·

2) Dans cette hypothèse, l'Etat devient « transparent » et les agents par lesquels il a agi (et/ou qui ont agi sous son couvert) voient leur responsabilité individuelle engagée sans qu'ils puissent se prévaloir de leur qualité officielle ,
· étant entendu que

3) le châtiment des dirigeants qui ont commis ces crimes « ne libère pas pour autant l'Etat lui-même de sa propre responsabilité pour un tel fait », toutefois,

4) il va de soi que la responsabilité pénale individuelle n'est pas limitée aux seuls dirigeants de l'Etat.112Il peut arriver , tout à fait, que la criminalisation de certains comportements individuels au plan international soit indépendante de celle des comportements de l'Etat et certains faits peuvent très certainement être qualifiés de crime contre la paix et la sécurité de l'humanité sans que leurs auteurs appartiennent à l'appareil étatique(ils peuvent, par exemple, être le fait d'organisations criminelles et terroristes puissantes contrôlant une partie du territoire étatique ou même transnationale) et que, sauf pour le crime d'agression, les définitions que donne le projet de code adopté par la commission en 1996 des différents crimes contre la paix et la sécurité de l'humanité ne renvoient pas nécessairement à un crime correspondant de l'Etat.113Il n'en demeure pas moins que, lorsque l'Etat commet une violation grave d'une obligation découlant d'une norme impérative du droit international général, la responsabilité individuelle de ses dirigeants peut être recherchée au plan international- parce que qu'il s'agit d'un fait internationalement illicite d'une nature particulière, dont la répression intéresse la communauté internationale dans son ensemble.

Le Projet de la C.D.I., bien que ne reconnaissant pas de façon expresse le principe de la responsabilité pénale des Etats, met en exergue une importante distinction entre les faits illicites : les uns qualifiés d'ordinaires parce que ne mettant en cause que l'Etat ou les Etats en partie ; les autres qualifiés de grave et pouvant engendrés une responsabilité majeure,

112 PELLET, A., loc.cit., note 15, p.346.

113 Ibidem.

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qualifiée de criminelle, et cette dernière intéresse la communauté internationale toute entière. Toutefois l'existence d'un double degré de responsabilité ne signifierait pas que la responsabilité majeure est de nature pénale et que la responsabilité pour délit est de nature civile. Sans doute l'affirmation la plus claire de la responsabilité criminelle étatique est établie à l'article 19 du Projet de 1996 sur la responsabilité des Etats, qui crée une distinction entre responsabilité pour crime et responsabilité pour délit. Malgré cette consécration rien n'est acquis que la responsabilité criminelle de l'Etat soit considérée comme la responsabilité pénale des ordres internes. Néanmoins il nous parait trop réductionniste d'affirmer que ce type de responsabilité est comparable à la responsabilité ordinaire. Et donc pour comprendre la nature de ce qu'on peut qualifier de responsabilité pénale il nous parait particulièrement important de pouvoir étudier ce qu'on qualifie généralement d'infraction étatique c'est-à-dire les violations graves du droit international ou le crime international ; on devra garder à l'esprit, pour ce faire, que pour parler d'un régime pénal, qu'il y a une condition objective et une condition subjective à remplir .

CHAPII : LE REGIME JURIDIQUE DE LA RESPONSABILITE INTERNATIONALE PENALE DE L'ETAT PARTANT DE LA THEORIE DU CRIME ETATIQUE

Parler d'un quelconque régime pénal, qu'on soit en droit interne ou en droit international, c'est envisager avant tout un système normatif cohérent, tant du point de vue de la théorie générale c'est-à-dire des principes essentiels qu'il convient d'observer pour toutes les conduites criminelles, que du point de vue des attitudes qualifiées de criminelles c'est-à-dire la partie spéciale de la responsabilité. En droit interne, où le système est trop intégré, on parle du droit pénal général pour la première hypothèse et du droit pénal spécial pour la seconde. Il est très important de souligner la cohérence qui doit exister entre ces deux parties, qui ne sont que les deux faces d'une même médaille, qui est le système pénal.

En droit international, vu le système peu intégré de la société internationale et l'inter subjectivisme qui caractérise l'ordre juridique international, il est très difficile de pouvoir espérer atteindre un tel degré de cohérence. Cependant l'article 19 du Projet de la C.D.I. sur la responsabilité des Etats de 1996, malgré toutes les critiques et les limites qu'il connait, constitue un premier pas, extrêmement ambitieux, de mettre en place, en droit

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international, un système criminel de l'action des Etats du point de vue de la théorie autant que des figures criminelles spécifiques.114

Par ailleurs, l'article 40, qui lui a succédé dans le Projet final, se limite tout simplement à la théorie générale de l'infraction étatique et on peut considérer ca comme une décodification du droit international par rapport aux figures criminelles prévues dans le Projet de 1996.

Dans ce chapitre nous analysons le régime de la responsabilité pénale étatique, en considérant qu'il faut non seulement une condition objective(Section I) mais aussi subjective(Section II) d'une responsabilité, sur le plan international ; nous constatons que l'infraction étatique existe effectivement, on analyse cette infraction du point de vue de la théorie générale mais aussi du point de vue spécial.

Du point de vue de la théorie générale de l'infraction étatique nous examinons les principes inhérents à toutes conduites criminelles, principes indiqués par l'article 19 dans le Projet de 1996 que l'article 40 du Projet définitif synthétise ; du point de vue de la partie spéciale de la responsabilité pénale de l'Etat, nous nous focalisons sur les figures criminelles que prévoit le paragraphe 3 de l'article 19 du Projet de la C.D.I. de 1996. Toujours du point de vue objectif, nous esquissons une analyse sur la question de la procédure et de la sanction contre les comportements criminels de l'Etat.

Du point de vue subjectif, nous examinons le problème d'imputation des comportements criminels à l'Etat, nous constatons que le principe est uniforme pour toutes les catégories des faits illicites internationaux ; ensuite nous analysons la question de la culpabilité, nécessaire à une responsabilité pénale, qu'elle soit individuelle ou collective.

SECTION I. LA CONDITION OBJECTIVE DE LA RESPONSABILITE PENALE DE L'ETAT : l'infraction internationale de l'Etat existe

effectivement

Pour qu'on puisse parler d'une quelconque responsabilité, il y a une condition objective qu'il faut remplir, c'est-à-dire qu'on doit arriver à établir l'existence de l'infraction du point de vue de la théorie générale que du point de vue de la partie spéciale (§1), mais aussi répondre à la question de la procédure à suivre pour établir la responsabilité de l'Etat, c'est-à-dire comment lui imputer une sanction pénale (§2).

114 ABII- SAAB, G., « the uses of Article 19 »in E.J.I.L., p.347.

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La partie objective de la responsabilité pénale constitue la base ou plutôt la condition sine qua non d'un régime pénal complet. Le droit international n'échappe pas à cette réalité.

Cependant vue la nature non intégrée de l'ordre juridique international, une telle condition, ne saurait de façon « rigoureuse », être remplie tout en respectant les principes, en la matière, promus par le droit pénal classique.

Cependant le paragraphe 2 et 3 de l'article 19 du Projet de la C.D.I. sur la responsabilité des Etats de 1996 nous donne le premier aperçu d'un système pénal, en définissant la théorie générale de ce qu'il convient d'appeler « l'infraction étatique » au paragraphe 2 ; et en définissant, bien qu'avec des limites qui, du reste sont la conséquence d'un droit à caractère horizontal, au paragraphe 3 les différentes figures susceptibles d'être qualifiées de criminelles. Cet article, ayant été l'objet d'une vive polémique, a été remplacé dans le Projet final par l'article 40 qui, nous fournit simplement la théorie générale de « l'infraction étatique » sans faire allusion aux différentes figures criminelles comme l'avait fait, dans le temps, l'article 19 qui lui avait précédé d'ailleurs.

Par ailleurs on ne saurait parler d'une quelconque pénalisation sans qu'on ait pas répondu à la question de la procédure et de l'éventuelle sanction, c'est pour cela qu'après avoir analyser les principes de base relatifs à la responsabilité pénale étatique et les différentes figures susceptibles d'être qualifiées de pénales, il nous conviendra d'analyser la question de la procédure et éventuellement celle de la sanction dans l'hypothèse où la responsabilité serait établie.

Toutefois, on ne perdra pas de vue que, compte tenu de la nature non hiérarchisée et peu communautarisée, il est utopique de s'imaginer un super Etat puissant entrain d'établir des conduites infractionnelles et de conduire la procédure contre les Etats coupables, comme le ferait sur le plan interne l'Etat au nom de toute la communauté nationale.

§1 Théorie générale et partie spéciale de la délinquance étatique

Comme nous l'avons dit, les paragraphes 2 et 3 de l'article 19 du Projet en

première lecture de la C.D.I. sur la responsabilité des Etats ainsi que l'article 40 du Projet final abordent la question de la théorie générale de la délinquance étatique et les figures susceptibles d'être qualifiées de criminel. Le paragraphe 2 de l'article 19 du Projet de 1996 et

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l'article 40 du projet final définissent les critères généraux pour repérer les intérêts relevant de la criminalité internationale, tandis que le paragraphe 3 de l'art 19 du Projet de 1996 dresse la liste des intérêts protégés et les conduites qui y portent atteintes.115

Le paragraphe 2 de l'article 19 et l'article 40 relèvent, clairement, de la théorie générale du fait criminel, alors que le paragraphe 3 de l'article 19 constitue la partie spéciale de l'infraction étatique.116

Notons cependant que la suppression du mot « crime » dans le vocabulaire de la responsabilité internationale a comme conséquence que le Projet de 2001 ne s'occupe des infractions majeures étatiques, que du point de vue de la théorie générale sans aucune provision des infractions spécifiques correspondant aux infractions majeures du droit international.

§1.1. La théorie générale de l'infraction étatique

Selon le paragraphe 2 de l'article 19 du Projet sur la responsabilité des Etats de 1996, l'existence d'un crime international de l'Etat suppose que : « 1) La norme internationale soit essentielle pour la sauvegarde d'intérêts fondamentaux de la communauté internationale ; 2) La violation soit reconnu comme un crime par la communauté dans son ensemble »117. Il résulte de ce qui précède qu'il existe, donc, deux principes qui définissent le domaine du crime de l'Etat.

Le premier principe qui fait référence au contenu même de la règle, donc de l'obligation violée, est la condition essentielle pour l'existence du « crime » international parce qu'il met en avant la question de l'importance de la règle. Le deuxième critère qui est comme un corolaire du premier, insiste que la reconnaissance de l'importance primordiale des intérêts en question doit venir de la communauté internationale dans son ensemble. Et donc pour qu'on puisse conclure de l'existence d'un crime international étatique, il faut, en tout cas, la réunion de ces deux conditions énoncées par l'article 19 du Projet de la C.D.I. sur la responsabilité des Etats de 1996.

Selon la doctrine, les principes définis au paragraphe 2 de l'article 19 servent à repérer, parmi les normes du droit international, celles qui défendent les droits susceptibles

115 O. QUIRICO, op.cit., p.138.

116 STATRACE, V., « La responsabilité résultant de la violation des obligations à l'égard de la communauté internationale », in R.C.A.D.I, 1976, Vol.153, p. 308.

117 O. QUIRICO, op.cit., p.139.

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d'une protection majeure.118 Il s'agit des principes nécessairement généraux, qui permettraient au système international pénal d'être ouvert et changeant, d'accepter des nouveaux intérêts dans son domaine ou d'en exclure d'autres, selon l'évolution des nécessités sociales.119

Cependant l'article 40§1 du Projet final de la C.D.I. sur la responsabilité des Etats adopté en 2001, qualifie l'infraction majeure de « violation grave par l'Etat d'une obligation découlant d'une norme impérative du droit international général ». Et le paragraphe 2 de la même disposition à déclarer que « la violation d'une telle obligation est grave si elle dénote de la part de l'Etat responsable un manquement flagrant ou systématique à l'exécution de l'obligation. »120On maintient donc l'idée de la reconnaissance de la violation comme étant grave par la communauté internationale alors que l'importance de l'intérêt protégé par l'obligation visée disparait. Toutefois, quoique l'article 40 n'ait pas eu à reprendre expressis verbis ce second critère, il nous parait particulièrement difficile, surtout dans la pratique, de pouvoir dissocier ces deux principes.

En vertu du premier critère énoncé au paragraphe 2 de l'article 19, non repris par le Projet final adopté en 2001, c'est en fonction du contenu de l'obligation que l'on doit détermine sa prééminence par rapport aux autres catégories des faits internationalement illicites et on qualifie son infraction de « criminelle », quelle qu'en soit la source, coutumière ou conventionnelle.121

En droit interne, un système fortement hiérarchisé, on fait généralement appelle à la constitution pour définir les droits qui sont dignes de la tutelle pénale et repérer les intérêts de la communauté toute entière, dont la violation constitue un crime. Mais, il est clair, qu'une telle démarche, aussi rationnelle qu'elle demeure , aura tout le mal du monde pour pouvoir trouver application en droit international, celui-ci étant caractérisé par une horizontalité de relations, donc une absence complète d'une quelconque constitution. On ne saura pas si pour repérer les intérêts fondamentaux, il faudra se référer à quel type de source en droit international, d'autant plus que toutes les sources, générales ou particulières, coutumières ou conventionnelles, peuvent engendrer des obligations plus importantes que d'autres en raison de leur contenu.

118 O. QUIRICCO, op.cit., p.140.

119 Ibidem.

120 J. CRAWFORD, op.cit., p.201.

121 O. QUIRICO, op.cit.,p.140 .

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On pourra donc pour essayer de repérer les droits fondamentaux de la communauté internationale, se référer au niveau des principes généraux, dans les normes cogentes, alors que, dans le cadre du droit international relatif, il faut voir si certaines règles ne se distinguent pas en raison de leur importance, notamment dans la Charte des Nations Unies.

Le deuxième critère pour l'existence de la responsabilité pénale des Etats, est qu'il faut que la communauté internationale dans son ensemble reconnaisse, de façon expresse, cette responsabilité.122Cette assimilation s'inscrit dans une perspective pénaliste selon laquelle l'infraction pénale ne serait rien d'autre que la déclaration de ce qu'une société condamne et on y décèle l'idée fondamentale de globaliser les valeurs essentielles de la communauté internationale, à coté des valeurs économiques déjà globalisées. Ce principe est nettement affirmé à l'article 19 du Projet de la C.D.I. sur la responsabilité des Etats. Il est donc clair que pour qu'un comportement soit qualifié de criminel c'est-à-dire d'infractionnel, il doit violer les droits fondamentaux de la communauté internationale dans son ensemble, donc tous les Etats doivent être considérés comme des sujets passifs de l'action criminelle.123Le Projet sur la responsabilité des Etats de 1996 indique clairement, la conception du crime international comme violation d'une obligation erga omnes indivisible au sens absolu du terme.124Et cette conception est passée du texte de 1996 à celui de 2001 à son article 40§1 qui qualifie l'infraction étatique majeure comme violation d'une règle du jus cogens et l'article 48 qui porte sur l'invocation de la responsabilité au §6 aux termes duquel « tout Etat autre qu'un Etat lésé est en droit d'invoquer la responsabilité d'un autre Etat si... b) l'obligation est due à la communauté internationale dans son ensemble ».

Cette approche du coté passif du crime international entraine le problème de la relation entre les règles secondaires du Projet sur la responsabilité des Etats et la forme des obligations créées par les normes primaires. En effet, une des questions les plus importante est celle qui se rapporte aux relations qu'entretiendraient la responsabilité criminelle de l'Etat-qui du reste relève des règles secondaires- et les obligations erga omnes et les règles du jus cogens, relevant des règles primaires.

122 GILBERT, G., « The criminal responsibility of States » in I.C.L.Q., 1990, p.350.

123 DELMAS-MARTY, M., « La difficile naissance du droit de demain », in Le monde, n°17669,Horizons-Débat vendredi 16 Novembre 2001,p. 16

124 O. QUIRICO, op.cit., p.141

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On sait généralement qu'une obligation erga omnes signifie, tout simplement, « obligation envers tous ». On considère, comme obligation erga omnes, la position dans laquelle un sujet est chargé d'un nombre des relations passives, ayant toutes le même contenu en terme d'action, égal au nombre des sujets qui composent un ordre juridique donné.125D ans le cas du crime international de l'Etat on devra arriver à analyser s'il s'agit bien d'une obligation erga omnes, alors que même celle-ci peut être divisible ou indivisible, absolue ou relative. Et éventuellement les relations du crime international avec la règle du jus cogens.

Il convient ici de signaler qu'une obligation erga omnes indivisible et absolue constitue ce qu'on appelle la règle du jus cogens, elle lie un Etat à tous les autres Etats de la communauté internationale de façon conjointe, de sorte qu'elles sont indisponibles, les Etats ne peuvent pas leur déroger par accord. En cas de violation tous les Etats de la communauté internationale sont lésés et peuvent réagir, de façon conjointe ou disjointe.

En effet la doctrine a toujours démonté que le crime international s'agissait bel et bien d'une obligation erga omnes qui serait indivisible et absolue c'est-à-dire d'une des règles du jus cognes tel qu'elle ressort de l'article 53 de la convention de Vienne sur le droit des traités de 1996.126La violation des règles du jus cogens entraine, logiquement, des conséquences tout aussi dérogatoires au droit commun de la responsabilité que celles qu'elle détermine dans le droit des traités ; la sanction pénale serait le pendant de la nullité dans l'ordre conventionnel, les sanctions spéciales étant justifiées par l'atteinte à un certain ordre public international.127 En l'absence d'une constitution, sur le modèle des droits internes, qui guide les codificateurs dans le choix des intérêts fondamentaux de la communauté internationale, et d'une organisation verticale de la société internationale, le jus cogens constituerait, comme sorte de loi « suprême » aux Etats, un principe de gradation dans le choix des intérêts susceptibles de la protection criminelle.128

Ainsi ; du moment que la C.D.I., dans l'élaboration du Projet sur la responsabilité approuvé, en deuxième lecture, en 2001, même sans mention du crime à l'article 40 prend en considération la violation grave par l'Etat d'une obligation découlant

125GAJA., G., « Obligations erga omnes, international crimes and jus cogens. A tentative Analysis of the related concepts », in J.H.H. WELLER, A. CASSESSE, M. SPINEDI, International crimes of State a critical analysis of I.L.C.'s Draft Article 19 on State Responsibility, E.J.IL., 2000, p.141.

126 KEARNEY, D., DALTON, R., « The treaty on treaties », in A.J.I.L.,1970, Vol.64, n°3, p.538.

127 PELLET, A., « Remarques sur une révolution inachevée, le projet de la C.D.I. sur la responsabilité des Etats », in A.F.D.I., 1996, p.24.

128 O. QUIRICO, op.cit., p.153.

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d'une norme impérative du droit international général et que donc, si la notion du crime disparait, son empreinte subsiste et que le Projet serait encore « hanté » par le « fantôme des crimes internationaux ».129

Toutefois bien que le crime international soit, comme le dit une partie de la doctrine, une des composantes des violations des règles du jus cogens c'est à dire touchant toute la communauté, il est difficile de penser qu'une telle reconnaissance vienne, du moins complètement, de l'ensemble de la communauté internationale par le biais de la pratique, donc de la coutume.130On sait, en effet, qu'il n'existe pas de crime, ni de sanction sans loi, car chaque conduite criminelle doit être expressément prévue comme telle par une règle écrite et certaine, d'autant plus que, dans le domaine pénal, on ne peut même pas faire recours à l'analogie pour définir l'infraction.131

La création de la responsabilité pénale demande la mise en place d'un ensemble d'éléments juridiques d'ordre matériel et procédural que seule la pratique ne peut réaliser bien qu'elle peut signaler l'exigence de distinguer différentes formes de la responsabilité ; et ceci doit être mise en oeuvre par les institutions spécialisées.132Ce n'est pas par hasard que l'étude de la catégorie des crimes internationaux a été confiée à la C.D.I.

La tâche de la C.D.I., toutefois s'arrête au seuil de l'étude, car elle n'a pas le pouvoir de rendre effectives ses propositions. Malheureusement, on pourrait difficilement envisager de confier à l'Assemblée générale des N.U. la tache de définir les crimes internationaux par le biais de la résolution, car cet instrument n'a pas d'efficacité juridique positive. Pour s'imposer en tant que principe général du droit international, le crime étatique défini dans une résolution de l'A.G.N.U. devrait être soutenu et imposé, ensuite, par la pratique coutumière des Etats, autrement, il n'aurait aucune efficacité réelle.133La seule source qu'on peut sérieusement envisager pour donner force et efficacité à la responsabilité criminelle étatique est le traité.134Cette solution aura été celle proposée par la C.D.I. lors de la présentation du Projet d'articles dans sa version finale, en 2001, aux cinquante sixième commissions de l'A.G.N.U. On risque, alors, de ne pas atteindre la reconnaissance universelle de la responsabilité pénale des Etats éventuellement signataires du traité prévoyant un tel

129 O. QUIRICCO, op.cit., p.153

130 Idem, p.154.

131 Ibidem.

132 Ibidem.

133 JACOWIDES, A., « State Responsibility: Reflexions on the international law commission's Draft Articles » in Proc.A.S.I.L. , 2000, p.226.

134 Ibidem.

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système.135 Il est donc possible que seulement une partie de la communauté, non pas toute la communauté, reconnaisse l'existence de la responsabilité criminelle. On pourrait, tout de même, parvenir à l'universalisation de la responsabilité pénale, par la simple extension, absolue, des règles conventionnelles, possible d'après une partie de la doctrine,136notamment au cas où un bon nombre ou la plupart des Etats deviendraient partie au traité instituant un système criminel. En outre les règles criminelles conventionnelles pourraient devenir partie intégrante du droit international général si un bon nombre d'Etats les adoptait comme guide de leur pratique coutumière.137

§1.2. La partie spéciale de responsabilité pénale étatique

L'article 19 du Projet de la C.D.I. sur la responsabilité des Etats de 1996 dresse une liste des intérêts susceptibles d'être protégés par un régime du type pénal. Cet article énumère à son paragraphe 3, les intérêts visés par le régime aggravé, criminel, de la responsabilité.138

L'élaboration d'une partie spéciale a toujours était nécessaire. Aux yeux des codificateurs, pour délimiter la notion de crime international et ne pas laisser dans le vague comme dans le cas de la définition des normes impératives selon la convention de Vienne sur le droit des traités de 1969.139

Le paragraphe 3 désigne quatre séries d'infractions par ordre d'importance.140

La première série en tête de la liste de l'article 19 du Projet sur la responsabilité des Etats de 1996, inclut la « violation grave d'une obligation internationale d'importance essentielle pour le maintien de la paix et de la sécurité internationale, comme celle interdisant l'agression ».

Il est important de rappeler que cette catégorie des crimes était réglée de façon autonome, au paragraphe 2 de l'article 18 de l'avant Projet de 1976 alors que les trois autres catégories étaient réglées au paragraphe 3, qui contenait les principes généraux définissant l'acte criminel. Une certaine doctrine pense par conséquent, à une classification tripartie des violations des obligations internationales : les délits, les crimes et les crimes par

135 JACOWIDES, A., op.cit., p.226.

136 P. DALLIER, A. PELLET, Droit international public, 7ème édition, L.G.D.J., p.205.

137 R. AGO, Cinquième rapport sur la responsabilité des Etats, in Ann. C.D.I., 1972, Vol. II, 1ère partie, doc. A/CN.4/264 et Add.1, p.56.

138 Ibidem.

139 R. AGO, op.cit., p.56

140 O. QUIRICO, op.cit., p.220.

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excellence.141Une telle classification se serait inspirée des dispositions pertinentes de la Charte des N.U., notamment de l'article 1èr §1 du préambule. La C.D.I. voit dans le bien de la paix l'intérêt le plus important de la communauté internationale.

Parmi les formes possibles d'infractions, l'article 19 prévoit à titre d'exemple le crime d'agression. L'agression a déjà fait l'objet de qualification par plusieurs instruments internationaux notamment le Projet de traité d'assistance mutuelle de 1923, le Protocole de Genève pour le règlement pacifique des différends internationaux du 2 Octobre 1924 dans son préambule. Récemment la Déclaration de Bruges de l'I.D.I., du 2 Septembre 2003, a réaffirmé que l'agression constitue un crime international.142Cependant il ya une imprécision terminologique qui découle en quelque sorte d'un déficit définitionnel du terme « agression ». D'après A. Cassesse, la « définition de l'agression implique la solution au problème de la légalité de la légitime défense préventive aux termes de la Charte des Nations Unies, sa définition trainerait pour cette raison depuis longtemps ». L'auteur remarque aussi « qu'une définition trop stricte pourrait pousser les Etats à profiter d'éventuelles défaillances pour justifier des conduites agressives ».143

Le premier principe de la Déclaration de l'A.G.N.U. 2625(××V) de 1970, sur les relations amicales, et l'article premier de la résolution de l'A.G.N.U. 3314(××I×) de 1974, concernant l'agression, la définissent comme l'emploi de la force armée, par un Etat, contre la souveraineté et l'intégrité territoriale d'un autre Etat.144

En raison de son extrême gravité, l'agression constitue le crime international de l'Etat par excellence. Pour QUIRICO « c'est à partir de la réflexion sur la guerre qu'est née l'idée de la responsabilité majeure des Etats ».145 L'agression est le seul crime auquel le droit international général accorde une sanction aggravée et des procédures spéciales par rapport aux autres infractions internationales. Nous avons au niveau conventionnel des mesures de réaction collective décidées par le C.d.s. Et le Projet de la C.D.I. sur la responsabilité des Etats de 1996 y renvoie expressis verbis, à l'article 39, prévoyant parmi les conséquences des infractions internationales, l'application des dispositions de la Charte des N.U. relative au maintien de la paix et de la sécurité. On peut remarquer que généralement le C.d.s. lorsqu'il

141 R. AGO, cinquième rapport sur la responsabilité des Etats, op.cit., p.58.

142 I.D.I., Résolution concernant le recours à la force, Bruges, 2 Septembre 2003, in http:// www. Idi-iil.org/résolution/2003-bru-fr.pdf, p.1, consulté le 24 Mai 2013.

143 CASSESSE, A.,» The Statute of the I.C.C. : some preliminary reflexions», in E.J.I.L., 2000, p.147.

144 R. AGO, cinquième rapport sur la responsabilité des Etats, op.cit., p.57.

145 O. QUIRICO, op.cit., p.165.

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constate une rupture de la paix s'abstient d'employer généralement les

expressions « agression » et « crime ». Mais on peut constater que son action est généralement couvert d'une odeur de la sanction pénale, ceci fut le cas dans le cas de l'agression du Koweït par l'Irak.

Certains membres de la C.D.I. proposaient un rapprochement entre le crime d'agression et le crime de guerre parce que selon eux, il était impensable de pouvoir imaginer l'agression ou le crime de guerre sans implication étatique.146Soulignons au passage que la conception de la paix comme bien juridique, objet d'une conduite criminelle spécifique, est trop vague. La paix est l'absence de conflit et constitue l'expression du principe général en vertu duquel il faut respecter les droits des autres. Ainsi à la place de l'agression au litera a) du paragraphe 3 on aurait pu indiquer toute autre forme de conduite exemplaire en tant que violation de la paix, comme, par exemple, les crimes contre l'humanité, le vrai objet de l'agression, d'après la doctrine, « est constitué par le droit des Etats à l'existence et à l'autodétermination et, à la limite, par le droit des peuples à disposer d'eux mêmes, prévu à l'article 19§3b), tandis que tout crime étatique viole, in fine, la paix ».147

La deuxième série d'infraction prévue à l'article 19 du Projet de la C.D.I. sur la responsabilité des Etats de 1996 est la « violation grave d'une obligation internationale d'importance essentielle pour la sauvegarde du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, comme celle interdisant l'établissement ou le maintien par la force d'une domination coloniale ». Encore une fois on se réfère à l'article 1§2 de la Charte des N.U.

Pour la C.D.I., cette infraction est assimilée à la gravité de la violation à la paix surtout en vertu de la résolution de l'A.G.N.U. 2625(××V) de 1970 sur les relations amicales entre Etats.148Une relation serait établie par l'article 1§2 de la Charte des N.U., entre les droits des peuples à disposer d'eux-mêmes et la consolidation de la paix dans le monde. Cette conception correspond à l'interprétation de l'Assemblée Générale des N.U., qui a très souvent qualifié la violation du droit à l'autodétermination des « violation de la paix et de la sécurité internationale », comme dans l'octroi de l'indépendance aux pays et aux peuples coloniaux et, même du C.d.s. qui, dans le sillage de l'interprétation de l'Assemblée , a souvent qualifié

146 C.D.I., Comptes rendus analytiques de la vingt-huitième session, Ann. C.D.I., 1986, p.72, § 33.

147 O. QUIRICO, op.cit., p.166.

148 R. AGO, cinquième rapport sur la responsabilité des Etats, op.cit., pp.38-39.

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la violation en question de « menace contre la paix » comme dans le cas de la résolution 180 du 31 Juillet 1963 relative aux territoires africains administrés par le Portugal.149

Il faut dire que l'exemple du maintien par la force d'une domination coloniale nait de l'importance historique du phénomène de la décolonisation, confirmée par la Déclaration sur l'octroi de l'indépendance aux peuples et aux pays coloniaux de l'Assemblée Générale des N.U. contenue dans la résolution 1514(×V) du 14 Décembre 1960, quoiqu'aujourd'hui le problème ait perdu de sa saveur.150

C'est un concept qui nait avec les théories des droits de l'homme qui établissent un certain nombre des droits dits « droit des collectivités » c'est-à-dire droit de la troisième génération. On remarquera que le crime de l'instauration par la force d'une domination coloniale trouvait jadis son pendant individuel dans le crime de colonialisme, visé à l'article 18 du Projet de code de crimes contre la paix et la sécurité de l'humanité de 1991, mais il en fut retiré en 1996.151

Selon le Projet de1991, le colonialisme serait le fait de « tout individu qui, en qualité de représentant de l'Etat ou d'organisation, établit ou maintien par la force ou ordonne de maintenir la domination ou toute autre forme de domination étrangère en violation du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes tel qu'il est consacré par la Charte des N.U. »

Cependant, il faudra noter que suite à la disparition du phénomène du colonialisme dans la pratique internationale ainsi que d'un déficit définitionnel de ce qu'on attend par l'instauration par la force d'une domination coloniale, ce crime est entrain progressivement de s'effondrer, certains pensent, comme nous d'ailleurs, qu'il serait déjà exclu du domaine des crimes de droit international pénal.152D'ailleurs ce crime ne figure pas dans le Statut de la C.P.I.

Toutefois, on ne devrait pas perdre de vue de la valeur, aussi théorique qu'elle puisse être, de la notion du crime de maintien par la force de la domination coloniale, parce que, jusque en présent rien ne nous garantie qu'une telle situation est totalement

149 A. BEAUDOUIN, « le maintien par la force d'une domination coloniale », in H. ASCENSIO, A. PELLET, E. DECAUX, op.cit., p.427.

150 Ibidem.

151 Idem, p.428.

152 O. QUIRRICO, op.cit., p.168.

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inenvisageable en droit international et que donc, le droit international devrait toujours se réserver le droit de sanctionner dans l'hypothèse où cela arriverait.

La troisième catégorie d'infraction étatique selon l'article 19 du Projet de la C.D.I. sur la responsabilité des Etats de 1996 est celle qui résulte de la « violation grave et à une large échelle d'une obligation internationale d'importance essentielle pour la sauvegarde de l'être humain, comme celles interdisant l'esclavage, le génocide, l'apartheid ». On se réfère à l'article 1§3 de la Charte des N.U., notamment en ce qui concerne les droits de l'homme et les libertés fondamentales.

Cette norme rappelle également, comme la résolution de Lausanne de l'I.D.I. du 9 Aout 1947 ; qui confirme l'importance essentielle des droits de l'homme, fondement d'une éventuelle réforme de la communauté internationale.153

Il faut noter qu'il ya une condition de gravité des atteintes pour que celles-ci soient considérées comme des crimes. Ces atteintes doivent, pour être qualifiés de crime, être à large échelle, systématique du point de vue de l'action, et massive, du point de vue des victimes lésées. Le caractère systématique de l'acte criminel, regarde, notamment, l'organisation de l'action, dans sa conception et exécution, touchant ainsi, l'aspect subjectif du projet politique partagé par l'organisation qui serait à la base du « crime ».154 Par ailleurs cet aspect systématique du crime contre les droits fondamentaux de la personne humaine fait du crime de l'Etat une figure correspondante au crime contre l'humanité des individus tel que prévu à l'article 7 du Statut de la C.P.I., aux termes duquel une action généralisée ou systématique est indispensable pour la réalisation de l'infraction.

Une partie de la doctrine se serait efforcé de définir une théorie des droits de l'homme et de déterminer quels intérêts en constitueraient le contenu : la catégorie serait constituée, essentiellement, par le droit à la vie, à la dignité, à la paix, à l'autodétermination et à la démocratie.155Ainsi en raison de cette classification, on peut établir un lien entre cette classification avec les crimes internationaux mais aussi avec les trois générations de droits de l'homme.

153 Résolutions concernant les droits fondamentaux de l'homme, base d'une restauration du droit international, Rapporteur Ch. De Vissher, Lausanne, 9 Aout 1947, in http://www.idi-ill.org/idif/résolution/1947-Law-01-fr.pdf, p.2, consulté le 25 Mai 2013.

154 O. QUIRRICO, op.cit., p.169.

155 PASSCA, A., « Democrazia et diriti umani nell'era dell'interdipendeza globale », in pace, diritti dell'uomo, dirittidei popoli, 1991, p.19.

[45]

Par ailleurs, pour une meilleure classification pratique des droits de l'homme, on devra toujours faire référence aux instruments internationaux en vigueur dans la matière, notamment à la Déclaration universelle des droits de l'homme, au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Et sur la base de la Déclaration Universelle des droits de l'homme, notamment, il est possible de concevoir les droits de l'homme, généraux et cogents, comme fondement de la communauté internationale.156

Finalement la proposition de responsabiliser les agissements étatiques contraires aux droits de l'homme va dans le sens de la reconnaissance d'un poids prédominant, dans le monde globalisé des droits du marché, aux droits fondamentaux de la personne, conformément à leur position au sommet de la hiérarchie des normes internationales.157

La quatrième et dernière catégorie de crimes prévue dans le Projet de la C.D.I. sur la responsabilité des Etats de 1996 est constituée par « la violation grave d'une obligation internationale essentielle pour la sauvegarde et la préservation de l'environnement humain, comme celle interdisant la pollution massive de l'atmosphère ou des mers ». Cette catégorie tente de protéger les intérêts environnementaux, par le biais d'une tutelle criminelle. Les raisons sont qu'évidemment les violations de ces règles qui mettent en danger les ressources naturelles, fondamentales pour la communauté toute entière, sont aujourd'hui beaucoup plus graves que jamais, surtout en raison des potentialités destructrices des progrès scientifiques et de la nécessité d'augmenter la production des biens de consommation par rapport à l'accroissement de la population mondiale.158

Il est important de noter que le Projet de la C.D.I. tente de donner écho au mouvement environnementaliste né à partir des années 1970, par la Déclaration de Stockholm et de Rio et assigne aux Etats un devoir général de protéger l'environnement.

Que ca soit la Déclaration de Stockholm ou celle de Rio, toutes reconnaissent que les Etats doivent empêcher que les activités qui se déroulent dans leur juridiction endommagent l'environnement des autres Etats et les Zones en dehors de leur juridiction.

156 O. QUIRRICO, op.cit., p.170.

157 R. AGO, cinquième rapport sur la responsabilité des Etats, op.cit.,p.56.

158 Idem, P.57.

[46]

Il est donc clair que les Etats ont bel et bien un devoir général de respecter l'environnement, conçu comme obligation internationale erga omnes indivisible.159

Comme exemple de conduite criminelle le Projet sur la responsabilité des Etats de 1996 se limite à indiquer la pollution massive des mers et de l'atmosphère, mais il est clair que la C.D.I. n'avait nullement l'idée de restreindre, comme pour les autres catégories de crimes d'ailleurs, la protection dont doit bénéficier l'environnement dans son ensemble. Par ailleurs, remarque la doctrine, que cette forme de crime ne correspond directement à aucun crime dans le domaine du droit international pénal individuel, que ce soit dans le Statut de la C.P.I. ou dans les textes des T.P.I., sauf dans quelques cas des crimes de guerre impliquant des dégâts pour l'environnement.160Et donc la pénalisation des violations d'intérêts environnementaux serait un crime par omission c'est-à-dire une responsabilité indirecte.161

Il est important de signaler, que pour les quatre catégories de crimes prévues au paragraphe §3 de l'article 19 du Projet de la C.D.I. sur la responsabilité des Etats de 1996, il faut remplir une condition de gravité ou d'importance, c'est-à-dire qu'ils doivent être d'une importance essentielle pour la sauvegarde des biens juridiques en question, donc on devra considérer seulement celles qui ont une importance primordiale pour la protection des intérêts en jeu dans chaque catégorie , non pas celle d'importance secondaire.162

Cependant quoique la formulation de l'article 19 ne fasse pas de distinctions de gravité entre les différentes catégories d'infractions, il faut présumer, comme il ressort des commentaires de la C.D.I., que les crimes doivent être classés par gravité décroissante , aussi bien en fonction de l'importance de l'obligation violée, qu'en fonction de la gravité de la conduite illicite. Non seulement, donc, on aurait une échelle de gravité de la première à la dernière catégorie, mais aussi à l'intérieur de chaque catégorie, du moins si les violations étaient définies avec précision.163

On notera cependant que plusieurs critiques auraient été adressées à la classification dressée par l'article 19 du Projet de la C.D.I. sur la responsabilité des Etats. Une partie de la doctrine réclamait purement et simplement l'annulation d'une telle classification, qui selon elle n'était accompagné d'aucune précision, inhérent à un système

159 D. GOLDIE, A general view of international environnemental law. A survey of capabilities, trends and limits, in Hague colloquim, The Hague, 1973, p.65.

160 O. QUIRRICO, op.cit, p.172.

161 Ibidem.

162 Idem, p.173.

163163 R. AGO, cinquième rapport sur la responsabilité des Etats, op.cit., p.58.

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pénal.164Selon PELLET, « les exemples donnés en plus d'être imprécises sont aussi très génériques ».165De notre point de vue pareille considération n'est pas correcte du moment qu'on est d'accord qu'on est entrain d'envisager un régime de responsabilité pénale dans un droit d'essence intersubjective.

Il faut remarquer que les quatre catégories de crimes définissent, pour employer une terminologie pénaliste, les biens juridiques dignes de la tutelle criminelle, alors qu'il reste à définir et classer les infractions dans le détail. La technique adoptée consiste, selon QUIRICO, « à définir les domaines dans lesquels le droit international impose aux Etats des obligations qui remplissent les conditions pour que leur violation puisse être considérée comme un crime international, ensuite on cite un ou plusieurs exemples concrets d'obligations existantes, dans les domaines en question, qui interdissent des agissements considérés comme des crimes internationaux typiques et cela sans avoir la prétention d'ésquisser un code pénal international »166. L'emploi du mot « notamment » par rapport aux biens juridiques, en effet, a plusieurs significations et dépose en ce sens. Tout d'abord, on doit penser que les crimes internationaux sont réalisés spécifiquement par les infractions ensuite classé comme crime ne constituant pas un nombre fermé, mais un domaine susceptible de se rétrécir ou de s'élargir167. Selon QUIRICO, celle-là est l'interprétation la plus correcte du terme « notamment » et ne pas comme « à titre d'exemple ». Une telle lecture laisserait entendre que le paragraphe 3 a été à peine esquissé au niveau des biens juridiques, sans parvenir à une élaboration complète, alors qu'il est le résultat d'une longue étude et d'une discussion approfondie au sein de la C.D.I. Ensuite, il serait dangereux, voire totalement déplacé de procéder de manière exemplaire dans une manière analytique telle que celle de la responsabilité pénale, même si l'on entend qu'il s'agit « seulement d'une responsabilité majeure, ou moins au niveau de la définition des biens juridiques susceptibles de tutelle.

Il faut donc reconnaître que les dispositions de l'article 19 paragraphe 3 appartiennent à la partie spéciale d'un système général du droit international pénal alors que les paragraphes 1, 2 et 4 relèvent de la théorie générale168. Il s'agit seulement et il faut le reconnaître d'un premier effort, pas totalement accompli du point de vue des figures typiques criminelles. Il est hors de question que le paragraphe 3 soit très approximatif dans la

164PELLET, A.,« Remarques sur une révolution inachevée, loc.cit.,p.21.

165 PELLET, A. ,»Can a State commit a crime? Definitely ye!», loc.cit., p.430.

166 O. QUIRRICO, Op. Cit., p.179.

167 Idem, P.180.

168 Ibidem.

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définition de chaque crime, mais cela est excusable et même naturel, puisqu'il s'agit d'une étape primitive d'une matière en pleine évolution.

Pour accomplir un régime effectif de la responsabilité internationale pénale, il faudrait un corps d'actions illicites détaillés et rigoureux. Cependant, il serait totalement inutile de créer une partie spéciale très bien définie avant d'avoir vérifié la possibilité et la nécessité de fonder un système accompli. Le paragraphe 3 aurait donc pour but, dans l'accomplissement du système, une exemplification intentionnellement sommaire, afin de tester les opinions de la doctrine sur la matière et d'ouvrir les perspectives pour un travail futur169. Selon AGO, « si la commission entend poser les fondements d'un code pénal international applicable à la conduite des Etats, il importe que les crimes internationaux ne soient pas définis par des dispositions susceptibles d'être étendus à volonté, compte tenu de la nature de l'entreprise, il faut au contraire déterminer de façon très précise les faits internationalement illicites qui peuvent actuellement être qualifiés de crimes internationaux »170. Par conséquent, la position du paragraphe 3 est correcte, car les normes spéciales du droit international pénal devraient trouver leur place dans un corps normatif cohérent. D'après toujours Ago, « la commission n'en est qu'à poser des fondements d'un code pénal international (...) s' il n'est pas possible de donner réellement des définitions aussi précises qu'en droit interne, il faut du moins définir au maximum les obligations dont la violation constitue un crime international ».

D'autres critiques ont trait, selon certains auteurs, que le texte du paragraphe 3 de l'article 19 du projet de la CDI sur la responsabilité des Etats de 1996 ferait référence aux droits spécifiques contenus dans des règles primaires, qui n'auraient rien à voir avec la responsabilité pour fait illicite171. Les normes primaires, en général des obligations, créent implicitement la responsabilité des Etats pour la violation : la responsabilité est déjà contenue dans la position de l'obligation à la charge d'un sujet, autrement il n'y aurait pas obligation. Les normes secondaires détaillent les violations des obligations créées par les normes primaires et déterminent les conséquences qui en découlent de façon explicite. On constatera qu'il existe un lien très étroit entre les règles primaires et les règles secondaires et que dans la pratique, il est très difficile de les différencier172. Les normes secondaires du Projet sur la responsabilité des Etats, notamment tendent à mettre de l'ordre dans la matière des règles

169 O. QUIRICCO, op.cit., p.180.

170 C.D.I., Rapport sur les travaux de la vingt-huitième session, in Ann. CDI, Vol II, 1ère partie, 1976, p.111.

171 Idem,P.112 .

172 DUPUY, P., Attribution issue in state Responsabilty.commentary, in Prol, A.SI.L, 1990, p.72.

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primaires, par sa nature non organique et asymétrique, afin de créer la théorie générale qui puisse constituer le Pendant des normes primaires173. Lorsqu'il s'avère nécessaire, le projet s'occupe aussi des conduites typiques particulières, ce qui pourrait amener non seulement à une synthèse, mais aussi à des modifications substantielles du système juridique primaire en place.

La mise en place d'un ordre du droit international pénal qui responsabilise les Etats impose la définition des limites du système. Ces limites doivent être abordées, comme en droit pénal interne, du point de vue de la théorie générale de la responsabilité que du point de vue de la partie spéciale définissant les faits typiques incriminés. L'article 19 du projet de la CDI sur la responsabilité des Etats adopté par la CDI en première lecture, en 1996, intégré par l'article 40 du projet esquisse les limites de ce système tant du côté des principes fondamentaux que du côté des figures spécifiques criminelles de la responsabilité pénale étatique.

Ainsi, aussi timides que puissent constituer les avancées faites par l'article 19 dans l'établissement d'une solidarité internationale et quoiqu'ayant été l'objet de virulentes critiques, il est clair que l'article 19 jette les bases d'un système de la responsabilité très cruciale pour la survie même de la société internationale. Reste cependant la question d'une éventuelle procédure et de la sanction.

§2. La procédure et la sanction sont collectives mais décentralisées

La commission d'un fait infractionnel engendre une procédure pénale de

jugement et, en cas d'avis positif sur la responsabilité, une sanction et une procédure d'exécution.

Dans le droit interne classique, l'acte illicite est traduit en justice par le biais d'un procès entamé et poursuivi par un organe qui prend la défense de la victime au nom de l'ensemble de la communauté lésée, notamment le procureur dans le modèle de Common Law, le magistrat d'instruction dans le modèle de civil Law. En cas d'une condamnation, la sanction principale est privative de la liberté personnelle ou constitue dans le payement d'une amande en faveur de la communauté et la procédure d'exécution consiste dans l'emprisonnement du sujet condamné ainsi que dans la récupération de l'amande due174.

173 DUPUY, P., loc.cit., p.73.

174 N. MWENE SONGA, Droit pénal Zaïrois, Kin, Editions Droit et Société «DES», 1989, p.293-5.

[50]

Il est donc extrêmement capital, bien que périlleux, de tenter d'éclairer la lanterne sur ce que prévoit le droit international général en ce qui concerne la procédure de jugement et la sanction ainsi que l'exécution de ce jugement.

Cette analyse nous permet de remplir, de façon complète, la condition objective de la responsabilité pénale étatique.

Cette analyse, nous la développons en considérant la pratique coutumière des relations internationales autant que le système défini par le projet de la CDI sur la responsabilité des Etats, qui, d'ailleurs s'inspirent des principes généraux tout en essayant de les rationnaliser.

§2.1. L'absence de la verticalité et la collectivisation de la procédure

Il est clair que le mécanisme de règlement des différends, envisagé dans la deuxième et troisième partie du projet sur la responsabilité des Etats de 1996 sous l'impulsion du quatrième rapporteur spécial, W. RIPHAGEN, s'inspirait largement de la pratique générale du droit international, mais on notera cependant qu'il propose quelques éléments nouveaux très capitaux, notamment en ce qui concerne la question de l'arbitrage.

Le projet prévoit le recours à la négociation (article 54) et envisage la possibilité des bons offices et de la médiation comme première réponse au fait illicite international (article 55). L'article 47 §1 définit les contre mesures comme actions fonctionnelles à l'exécution des sanctions consacrées aux articles 41-46. Ainsi donc le projet de la CDI accueille, ainsi, le principe175 inadimplenti non est adimplindum typique de la pratique générale des relations internationales, de sorte que l'Etat assure une fonction du type judiciaire176. Une partie de la doctrine remarque que cette solution peut se révéler, en cas de crime de l'Etat, très chaotique, entrainant aux termes de l'article 40, §3, un jugement par tous les Etats de la communauté internationale177.

Déjà dans le cinquième rapport de la C.D.I., W. RIPHAGEN, concernant les articles 5-16 de son projet, envisageait largement la réponse autonome de l'Etat lésé en

175 W. RIPHAGEN, Rapport préliminaire sur la responsabilité des Etats, doc. A/CN. 4/366 et Aold.in Ann.CDI, 1996, vol II., 2ème partie, p.82.

176YAHI, A., « La violation d'un traité, l'articulation du droit des traités et du droit de la responsabilité internationale », in P.B.P.L, 1993, p.438.

177 BOWETT, D. W.,» Crimes of States and the 1999 Report of the I.L.C. on State Responsibility», in E.T.I.C, 1998, Vol. 9, n1, .171.

[51]

contre-mesure, après l'épuisement des tentatives de règlement pacifique de différend178. En cas d'échec de la conciliation prévue aux articles 56-57 et annexe 1, les Etats gardent la possibilité de recourir à l'arbitrage, solution que l'Etat frappé d'une éventuelle contre-mesure peut saisir de façon unilatérale179. Pareille institution a été virulemment critiquée par le rapporteur CRAWFORD, selon lui, on laissait dangereusement la latitude à l'Etat victime de se faire justice et par conséquent d'être juge et partie. Il avait été prévu qu'en cas de désaccord sur la sentence arbitrale, les Etats peuvent l'attaquer devant un autre tribunal, établi de commun accord, ou, en cas de sentence devant la C.I.J. (article 60 §1) qui peut confirmer ou infirmer, de façon totale ou partielle, la sentence arbitrale sur les questions non résolues par l'annulation de la C.I.J, les parties peuvent avoir recours de nouveau à l'arbitrage (article 60 §2)180.

Les procédures onusiennes sont prévues de façon exceptionnelle à l'article 39 du projet de la CDI. C'est le cas notamment de l'action de C.d.s. réglée au chapitre VII de la charte de l'ONU181.

Non obstat toutes les critiques qui ont été adressées à cette partie du projet, elle contient néanmoins des intéressantes propositions. Malheureusement, elles n'ont pas été suivies par la C.D.I. et notamment par son dernier rapporteur J. CRAWFORD. Le projet adopté en 2001 se limite à régler la seule action étatique en contre-mesure comme réaction aux faits internationalement illicites que les Etats de la communauté internationale peuvent porter un jugement sur la responsabilité de l'Etat auteur de la violation, en vertu de l'article 42 b) aux termes duquel, « un Etat en droit en tant qu'Etat lésé d'invoquer la responsabilité d'un autre Etat si l'obligation violée est due (...) à la communauté internationale dans son ensemble » et finalement, en vertu de l'article 54. Toutefois, la possibilité du recours aux moyens des réglementations des différends par tierce partie est complétée, de façon générique, à l'article 52 §3b), prévoyant que le recours aux instances habilites à rendre des décisions obligatoires empêche ou suspend l'adoption des contre-mesures.

Il faut souligner qu'en droit international général, la procédure est du type horizontal, confiée, principalement aux Etats, par le biais des contre-mesures ou de

178 W. RIPHAGEN, Cinquième rapport sur la responsabilité des Etats, doc, A/CN.4/380 in Ann. C.P.I, 1984, vol II. 1ère partie, p.14.

179 CRWAWFORD, J., »The Re-reading the Draft Articles on State Responsibility» , loc.cit., p.229. 180Idem, p.230.

181 G. ARONGIO. RUIZ, Cinquième rapport sur la responsabilité des Etats, Add. 1. P.6.

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l'acceptation volontaire de la juridiction par tierce partie tant dans le projet de 1996 que dans celui de 2001.

Pour les violations graves du jus cogens (crime) le jugement est d'ordre collectif, mais décentralisé. C'est-à-dire tous les Etats sont autorisés à porter un jugement sur l'Etat responsable (article 40 §3, 47 §1 et 53 du projet du 1999), (48 §1/b) et 54 du projet de 2001).

Cette absence de verticalité de la procédure engendre une organisation anarchique. Elle est le maillon faible de l'approche pénal des catégories des crimes étatiques, la seule exception étant constituée par le déclenchement de l'action du C.d.s. dans le système onusien, tout de même relatif.

Une certaine doctrine voit dans cette absence de verticalité de la procédure, l'inexistence d'un régime de responsabilité du droit pénal dans le projet de la CDI. La France par exemple a soutenu en ce qui concerne la responsabilité pénale des personnes morales que, le code pénal français institue certes la responsabilité pénale des personnes morales, mais en exclut l'Etat. En effet, ce dernier, seul titulaire du droit de punir, ne saurait se punir lui-même. On voit mal qui, dans une société de plus de 18O Etats souverains, détenteurs du droit de punir, pourrait sanctionner sévèrement les détenteurs de la souveraineté182.Ce raisonnement est tout à fait correct, toutefois, en le suivant jusqu'au bout, on ne pourrait même pas affirmer de l'existence d'une responsabilité quelle qu'elle soit en droit international. Cependant, une référence juridictionnelle civile dans le domaine international peut être repérée dans la C.I.J. Il est question de s'entendre : ou l'on utilise les catégories générales du droit interne, et, plus précisément celle de la responsabilité, pour mieux comprendre les enjeux à résoudre et chercher des solutions dans le domaine du droit international, en perspective de jure condendo, ou bien l'on renonce à l'utilisation de ces catégories183. En général, les catégories de droits internes, civils ou pénales, ne peuvent pas être transplantées, à l'identique, en droit international, mais on peut en tirer des indications d'ordre général. La solution meilleure consiste à utiliser ces catégories de référence, tout en tenant compte des spécificités de la matière internationale. Pour Dominicé, « les analogies entre les droits internes et le droit international permettent mieux de comprendre les

182 MAREK, K.,»Criminalizing State Responsibility», in R.B.D.I, 1978-1979, P.461.

183 C.LEBEN, Les sanctions privatives de droit ou de qualité dans les organisations internationales spécialisées, Bruxelles, Bruylant, 1979, p.43.

184 DOMINICE, C.,»The international Responsability of States for Branches of multilateral obligations», in R.S.D.I.E, p.358.

185 KELSEN, H., « La confrontation du droit international en droit interne », in R.G.D.P.,1936,p.55.

186 J.A. CARRILLO SALCEDO, El derecho international en un mundo en cambio, Madrid, Techos, 1985, p.162.

187 C.D.I., Rapport à l'A.G sur les travaux de sa cinquante-troisième session, op.cit., p.313.

188 O.

QUIRRICO, op. cit., P.185.

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différences entre les deux domaines ».184 Il serait donc difficile de dissocier totalement le système interne et international, ces deux sont totalement liés surtout dans une vision moniste admettant la primauté de l'ordre international185.

On rappellera que la procédure du jugement des crimes dans le projet sur la responsabilité des Etats est caractérisée par l'absence de la verticalité, exception faite pour les Etats membres des N-U, soumis à l'autorité du C.d.s., aux mesures que ce dernier peut prendre.

Il faut rappeler toutefois que le Projet n'est pas définitif et reste donc susceptible de modification186. Ce qui pousse SALLEDO à considérer que la formulation de la catégorie des crimes internationaux devrait naturellement amener à l'introduction des mécanismes institutionnels qui établissent, grâce à des critères juridiques, quand un crime international existe et quelle sanction faut-il appliquer, comme réaction de la collectivité dans son ensemble187.

Finalement, le fait que le projet ne contemple pas une action judiciaire criminelle supérieure, ex officio peut être justifiée par l'absence même d'une autorité supérieure. C'est aux Etats capables de conduire cette action en droit international général : la solution serait obligée et sans alternative réelle à moins que la C.D.I. ne veuille faire oeuvre d'innovation. Prétendre que la C.D.I. mette en place un procès avec des caractéristiques pénales serait probablement trop au stade évolutif du Projet lorsqu'on discute encore la possibilité et la nécessité de mettre en place un régime de la responsabilité pénale collective188.

Tout Etat pouvant juger l'existence d'une infraction majeure, la porte est ouverte à une dangereuse gestion anarchique des relations internationales majeures. Il serait indispensable, pour éviter les dérivés d'un jugement anarchique, que l'existence d'un crime ou d'une violation majeure soit obligatoirement et dès le début, apprécié objectivement par un

[54]

tiers impartial au terme d'un procès conforme à la nature de l'infraction en question189. Mais c'est là, une oeuvre de longue haleine.

§.2.2. La sanction pénale contre l'Etat existe effectivement

En analysant les conséquences des crimes prévues à l'article 19 du projet de la C.D.I sur la responsabilité des Etats de 1996, on s'aperçoit que la C.D.I tente de mettre en place un cadre juridique cohérent prévoyant des sanctions qui s'appliquent à toutes les conduites illégitimes. Selon l'ancien rapporteur spécial de la C.D.I, Mr. AGO, le droit international connait et connait depuis toujours des peines et par conséquent des formes de responsabilité pénale (situation d'un sujet se voyant confronté à la faculté d'un autre sujet de lui appliquer une peine ou d'exiger de lui une prestation à titre punitif.190

On mentionne généralement en doctrine pour renforcer la thèse d'AGO, à ce sujet les représailles (aujourd'hui appelées des contre-mesures) certaines sanctions adoptées par des organisations internationales ainsi que certaines obligations mises à charge de l'Etat auteur du fait illicite191. Or, d'après M. SPINEDI, la thèse d'après laquelle les contre-mesures et certaines obligations pécuniaires à charge de l'Etat seraient à considérer, et la situation de l'Etat auquel elles sont appliquées comme une forme de responsabilité pénale, scandalise beaucoup ; la notion de peine et celle de responsabilité pénale sont, pour elle, indissociables192. De l'avis de R. AGO, par contre « le fait que le droit international ne connaisse pas d'autorité supérieure aux Etats n'est pas un obstacle à ce qu'on parle des peines. La notion de peine, et par conséquent celle de responsabilité pénale ne seraient point liées à l'existence d'une autorité judiciaire ou d'une autorité supérieure, mais a la nature afflictive et répressive de la sanction pénale par rapport à la nature préparatoire d'autres conséquences du fait illicite »193. Selon lui, « toujours en droit interne aussi la responsabilité pénale ne se distinguerait pas de la responsabilité civile principalement par le fait que la première donnerait naissance à un rapport entre le sujet coupable et l'Etat, alors que la seconde se traduirait uniquement dans un rapport entre l'auteur de l'illicite et le sujet lésé ». La différence résiderait dans la nature des conséquences reliées à l'illicite, conséquences qui seraient de nature exclusivement réparatoire et exécutive dans la responsabilité civile, alors qu'elles auraient un caractère répressif dans la responsabilité pénale. Il admet que dans les ordres étatiques modernes, l'application de la peine est, en règle générale, réservée à l'Etat,

189 O. QUIRICCO, op.cit., p.186.

190 R.AGO, cinquième rapport sur la responsabilité des Etats, op. cit, p.58.

191LAUTERPACHT, H., « Règles générales du droit de la paria » in R.C.A.D.I., 1973-IV. Pp 3495.

192 M. SPINEDI, op. cit., p.93

193 AGO, R., « Le délitt international » , loc.cit., p.497.

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mais dans les ordres juridiques du passé, la peine appliquée par les particuliers était normale194.

Le contraste entre la thèse de ceux qui, comme AGO, admettent la responsabilité pénale et celle de ceux qui ne l'admettent pas est donc un contraste qui porte foncièrement sur les notions de peine dans la théorie générale du droit. Et donc pour sortir de cette impense il faut élaborer une sorte de théorie générale de la peine.

Le point de départ est représenté par ce que les ordres juridiques désignent par le terme « peine ». M. SPINEDI constate que la signification accordée au terme peine varie dans le temps et dans l'espace.

Le terme « poena » d'où découle le mot peine et responsabilité pénale, désigneraient dans le droit romain archaïque la somme versée par l'auteur de certains faits illicites au sujet lésé pour se soustraire à la vindicta de celui-ci : c'était le résultat d'un accord entre l'auteur du fait illicite et le lésé. Par la suite, l'ordre juridique imposa au coupable et à sa victime de s'accorder sur le versement de la peine. Le sujet lésé ne pouvait plus recourir à la vindicta, il pouvait seulement exiger du coupable la poena195. C'est à ce moment que se produit l'évolution fondamentale de la notion : la poena désigne une obligation pécuniaire mise à la charge de l'auteur de certains faits illicites et que doit être versée au sujet lésé. Les actions poenales dans le droit romain de l'époque classique étaient des actions ex delicto prévues par le jus civilis ouvertes au sujet lésé pour obtenir du coupable le versement de la poena196. On constate donc que le sens attribué à l'origine au terme « peine » était donc différent de celui qui lui est attribué dans les ordres juridiques modernes.

Et même si l'on s'en tient aux ordres juridiques du présent, on constate que la notion de peine est plus large dans certains ordres que dans d'autres. Il n'est pas donc aisé, et peut être est-il impossible, d'élaborer une notion de peine qui soit à même d'inclure toutes les mesures qui ont reçu ce nom dans divers ordres juridiques. Ce que l'on peut faire, c'est élaborer une notion de peine qui s'inspire de ce que l'on entend par peine dans la plupart des ordres juridiques et qui soit applicable à l'analyse de tout ordre, y compris d'un ordre juridique qui n'emploie pas ce terme ou l'emploie dans un sens différent. C'est d'ailleurs ainsi qu'on procède normalement quand on élabore une notion de théorie générale du droit.

194 R. AGO, 3ème rapport sur la responsabilité des Etats, op.cit., pp.479.

195 Idem, pp.218-220.

196 M. SPINEDI, op.cit., p.104.

[56]

Il en découle que soutenir que la peine est une mesure afflictive imposée par une autorité supérieure (ou par l'autorité judiciaire), c'est affirmer que les contres mesures et les autres conséquences juridiques du fait internationalement illicite prévus dans le projet de la C.D.I. sur la responsabilité des Etats ne sont pas des peines, le droit international ne connaissant pas d'autorité supérieure aux Etats et ne connaissant pas, en ce qui est du droit international général, d'autorité judiciaire. Mais, comme le souligne SPINEDI, il faut être conscient qu'en adoptant une telle notion de peine on exclut de son champ d'application des mesures comme le talion et les obligations pécuniaires punitives au profit du sujet lésé qui ont été prévus comme conséquences du fait illicite par de nombreux ordres juridiques étatiques du présent et qui souvent y sont dénommés peines197. Que l'on pense aux « exemplary (ou punitive ou vindictive) damages » de la Common Law, on nomme ainsi la somme d'argent que l'auteur du fait illicite est tenu de verser au sujet lésé en plus de « damages » ordinaires, au cas où il aurait aggravé son préjudice198. D'après la doctrine, il y a là une peine privée.

Il ressort de ce qui précède que tant l'emploi d'une notion restreinte comme celui d'une notion large de la peine sont légitimes, naturellement à condition d'en préciser les limites et de l'appliquer avec cohérence. Cela ne veut pas dire que les deux définitions se valent.

Dans le cadre de cette analyse, il convient d'analyser les conséquences d'un fait illicite international prévues dans le Projet de la C.D.I. en essayant de les grouper ou de rapprocher avec une sorte de ce qu'il convient d'appeler« théorie générale de la peine » en droit international.

K. MAREK, l'un des auteurs qui ont critiqué avec le plus de sévérité la notion de crimes internationaux, souligne que « l'existence d'une responsabilité pénale est conditionnée par l'existence d'un pouvoir central »199. Cette même critique a été reprise maintes fois par la doctrine et par les Etats qui s'opposaient à la notion des crimes internationaux. Or, on constate que faire des caractéristiques indiquées par K. MAREK de l'existence de la responsabilité pénale, c'est non seulement comme on l'a dit, utiliser une notion de responsabilité qui se fonde exclusivement sur l'examen des ordres juridiques étatiques modernes (avec les avantages, mais aussi avec les limites qu'on a dit), c'est aussi

197 F.D. Busnelle, G. Scatti, le pene private, éd.,Milano, Milano1985, p.37.cité par O. QUIRICCO, op. cit., p.122.

198 P.S. James, Général Principes of the law of Torts, honolan, 1959, p.321, cite par M. SPINEDI, op. cit., p.106.

199 MAREK, K., loc. cit, p.463.

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faire une affirmation que si l'on veut être cohérent, entraîne la conséquence qu'en droit international, on ne pourrait pas parler de responsabilité, quelle soit pénale, civile ou autre. Dans les ordres étatiques modernes, en effet, le monopole étatique de la juridiction et de l'exécution existe non seulement en matière de responsabilité pénale, mais aussi en matière de responsabilité civile ou autre sauf dans des cas limités, où il y a la possibilité de résoudre par voie d'arbitrage un différend ayant trait à la responsabilité civile et même dans ce cas si les parties ne s'accordent pas pour suivre cette voie, la partie qui s'estime lésée a toujours la possibilité de soumettre le différend aux organes de la juridiction étatique. La coercition est elle le monopole de l'Etat, qu'il s'agisse d'amener en prison un individu (responsabilité pénale) ou de procéder à une exécution forcée (responsabilité civile)200.

Pour CHARLES LEBEN pour qu'il ait sanction (notion inclusive pour lui de l'obligation de réparer) il faut qu'il y ait « la détermination à priori ou à posteriori, par une autorité habilitée à cet effet et étrangère aux parties, de la légalité du recours qui y est opéré »201. Il parvient à la conclusion que le droit international général ne connait pas de sanctions, quelles soient pénales, civiles ou autres202. Une autre doctrine a affirmé en niant la thèse de l'existence d'une responsabilité pénale en droit international, que le contenu de toute conséquence du fait internationalement illicite serait en même temps punitif et compensatoire203.

Les sanctions classiques prévues par le droit international général reprises et synthétisées par le projet sur la responsabilité des Etats en cas de fait illicite d'un Etat, consistant dans l'obligation de cesser la conduite illicite, de fournir l'assurance de non répétition de l'acte illicite, de réparer le dommage par le biais de la restitution et de l'indemnisation ainsi que de fournir satisfaction seraient soit de nature réparatoire ou satisfactoire selon le cas.

La plupart des auteurs voient dans la satisfaction une forme de réparation pour le dommage moral, bien que certains soulignent qu'elle contient un élément pénal204. Pour d'autres par contre, la satisfaction est plus proche de la peine que de la réparation205.

200 M. SPINEDI, op.cit., p.107.

201 C. LEBEN, op.cit., p.43.

202 Idem, P.69.

203 DUPUY, P-M « Observations sur la pratique récente des sanctions de l'illicite », R.G.D.I.P, 1983, p.230.

204 M. SPINEDI, Op. Cit, p110.

205P.A. BISSONNETTE, la satisfaction comme mode de réparation en droit international, Annemasse, 1925, p.27.

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Or, sur base de la notion de peine ici proposée, rien n'empêche de qualifier de peine une obligation à la charge de l'auteur du fait illicite, mais il est exclu que l'on puisse parler de peine en raison du seul fait qu'on est en présence d'une mesure qui présente un caractère afflictif pour l'auteur du fait illicite, car il s'agit d'un caractère qui est également propre aux sanctions exécutives (réparatoire). Si à travers les différentes formes de satisfaction (par exemple la présentation des excuses, la punition des coupables, le versement d'une somme symbolique d'argent, etc.) on a pour but de remettre l'Etat qui a subi le dommage moral dans une situation équivalente à celle où il se trouvait avant le fait illicite, autrement dit si l'on se préoccupe de procurer à l'Etat lésé un avantage propre à compenser le dommage moral qu'il a subi, on est en présence d'une sanction réparatoire. Si, par contre à travers la satisfaction on se préoccupe exclusivement d'affliger à l'Etat coupable et on se désintéresse du dommage subi par le sujet lésé, on pourra parler de peine206. Il faut indiquer que l'une des formes de satisfaction mentionnées à l'article 45 du projet sur la responsabilité des Etats de 1996, à savoir les dommage-intérêts proportionnés à la gravité de l'atteinte portée aux droits de l'Etat, parait répondre aux caractéristiques de la peine. Une doctrine rapproche cette forme de satisfaction aux « punitive dommages », dont la nature de peine parait indéniable207.

Il faudrait aussi classifier parmi les peines les assurances et les garanties de non répétition auxquelles est tenu l'Etat auteur du fait illicite aux termes de l'article 46 du Projet de 1996. Ces mesures en effet n'ont pas pour but de remettre l'Etat lésé dans la situation où il se trouvait avant que le fait illicite n'ait été commis. Il s'agit des mesures afflictives dont le but principal est la prévention des violations futures.

Le même critère de distinction peut être appliqué aux contre-mesures qui est la faculté attribuée au sujet lésé (ou éventuellement à d'autres sujets en cas de crime étatique) d'adopter un comportement non conforme à celui requis par une obligation envers l'Etat auteur du fait illicite. Les contre-mesures pouvant parfois avoir pour effet, de remettre le sujet lésé dans la situation où il se trouvait avant que le fait illicite n'ait eu lieu ou dans une situation équivalente. C'est ce qui se produit par exemple si, en réponse à un fait illicite lui ayant causé un dommage matériel, l'Etat lésé procède à la réquisition de biens de l'Etat auteur de l'illicite ayant une valeur correspondant à la perte qu'il a subie. Toutefois, nous pensons bien que, fréquemment, au moyen des contre-mesures, on afflige un mal au sujet auteur du

206 M. SPINEDI, op.cit., p.110. 207Ibidem.

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fait illicite sans pour autant apporter un avantage au sujet lésé. C'est ce qui se produit par exemple si l'Etat lésé, en réponse à un fait illicite ou de nature analogue, interdit aux navires de l'Etat auteur du fait illicite le passage inoffensif dans ses eaux territoriales. Dans cette hypothèse, ces mesures devraient être classées d'après la terminologie qu'on accueille parmi les peines208.

Contre l'inclusion des contre-mesures parmi les peines, de nombreux auteurs ont fait valoir que le but des contre mesures serait uniquement celui d'amener l'auteur de la violation à cesser le fait illicite, au cas où il s'agirait d'un fait illicite continu et / ou à exécuter les obligations secondaires qui en découlent à savoir l'obligation de procéder à la restitution en nature, de payer les dommages-intérêts, etc. La question qui se pose est celle de savoir s'il ya des cas où un Etat lésé pourrait appliquer des contre-mesures tout en ayant obtenu la réparation ou tout en ne demandant pas de réparation. Nous ne pouvons pas prendre position à ce sujet mais en admettant que le recours aux contre-mesures ne soit licite qu'en tant que moyen pour amener l'auteur du fait illicite à cesser son comportement et à respecter les obligations secondaires qui en découlent. Il n'en resterait pas moins que, selon la notion accueillie, les contre-mesures seraient à insérer dans la catégorie des peines, car en soi elles infligent un mal à l'auteur du fait illicite sans pour autant remettre le sujet lésé dans la situation préexistante ou dans une situation équivalente. S'il n'en était pas ainsi, il faudrait dire que la définition prévue par les ordres juridiques étatiques n'est pas toujours une peine209. On a connu, en effet, des ordres juridiques étatiques qui ont rattaché à la violation d'obligation pécuniaire l'emprisonnement. Ces ordres admettaient que le débiteur pouvait sortir de prison dès qu'il payait la dette du créancier. L'emprisonnement était donc dans ce cas aussi un moyen pour amener le débiteur à payer. Doit-on conclure qu'il ne s'agissait pas d'une peine ?

Il est clair que toutes les sanctions présentent un caractère réparatoire et afflictif à la fois. En droit interne, la sanction pénale a un contenu principalement punitif et en voie résiduelle, de réparation : elle intéresse toute la communauté avant l'individu lésé. La sanction civile a un contenu principalement de réparation et, en voie résiduelle punitive : elle intéresse le sujet lésé avant la communauté. Le caractère exécutif de la sanction est en conformité avec sa forme. L'exécution de la sanction civile se réalise par l'instance du sujet violé, titulaire de la prétention à la réparation. L'exécution de la sanction, aussi bien

208M. SPINEDI, op.cit., p.111. 209 Ibidem.

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lorsqu'elle impose une omission, comme dans le cas de la privation de la liberté que lorsqu'elle impose une action comme dans les cas des peines pécuniaires.

L'exécution reflète donc, la structure formelle de la sanction. On a, en effet, cette bipartition 1) Sanction civile intéressant le sujet actif individuel et le sujet passif individuel impliquant une exécution inter individuelle ; 2) Sanction pénale qui intéresse le sujet actif individuel et le sujet passif individuel impliquant une exécution collective. Dans la sanction des infractions étatiques, on peut déceler quelques aspects typiques de la peine et concernant le jugement et l'action exécutive on y trouvera quelques traits propres à la procédure pénale.

La sanction des infractions majeures jouit d'une certaine autonomie systématique par rapport à la sanction des violations ordinaires. Cette autonomie se manifeste au sein du Projet de la C.D.I sur la responsabilité des Etats de 1996, dans la gravité supérieure de répression de crime (article 52 tandis que le projet de 2001 prévoit un régime de sanction uniforme pour les infractions majeures et ordinaires en cas de crime de l'Etat210. La forme de la sanction de ces infractions majeures est celle de l'obligation erga omnes absolue indivisible, car elle s'installe entre l'Etat responsable et tous les autres Etats de la communauté internationale. En clair le régime des sanctions et des contre-mesures des violations majeures étatiques du projet sur la responsabilité des Etats, synthèse des principes généraux du droit international, ne présente certainement pas toutes les caractéristiques des juridictions pénales modernes, puisqu'ils s'adaptent à la structure du droit international, essentiellement horizontale211. Cependant, la mise en place d'un régime différent renvoie à l'idée de la création de plusieurs degrés de la responsabilité : il existe donc une ouverture significative à la réalisation de iure condendo, d'un régime de la responsabilité pénale, mais on n'est qu'à la définition des rudiments d'un possible droit pénal inter étatique212. Par contre, actuellement, la possibilité de la réaction collective, surtout au niveau relatif, contre les infractions majeures, voire criminelles, des Etats, par le biais de la notion de jus cogens, n'étant centralisé, engendrerait le risque d'une dérive anarchique dans la communauté internationale.

Finalement, concernant la responsabilité majeure étatique, ainsi que la procédure du jugement et la sanction, le projet sur la responsabilité des Etats croise la Charte

210 AGO, R., «delit international», loc.cit., P.475.

211 Ibidem.

212 J.PRADEL, Procédure pénale, 10ème éd. Paris, Cujas, 2000, p.1207

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des N-U et son système axé sur le C.d.s. en raison de la position privilégiée de ce texte au sein des sources relatives selon une correcte interprétation de la Charte les Etats membres des N-U ne peuvent réagir aux infractions majeures qu'en passant par le C.d.s.

SECTION II. ARGUMENT SUBJECTIF DE LA RESPONSABILTE PENALE DE L'ETAT : L'Etat comme centre d'imputation pénale

La condition objective n'achève pas, à elle seule, l'analyse du crime étatique. Un système pénal pour qu'il s'estime complet doit pouvoir non seulement régler les éléments matériels et procéduraux de la violation et de la sanction mais aussi et surtout les composantes subjectives213. Et cette gymnastique vaut pour tout système normatif de la responsabilité qu'il soit d'ordre civil, plutôt qu'administratif ou autre. Pour QUIRICO, on peut dire que l'étude de la conduite, même de la nature licite, implique nécessairement une composante subjective car toute action ou omission doit être attribuée à un sujet déterminé214. Dans le cadre des normes secondaires concernant la responsabilité, l'élément subjectif à la fonction de déterminer les conditions de l'imputation du comportement à l'individu en tant que le sujet imputable. En droit pénal classique, l'imputation se base sur les éléments mentaux ou la capacité de comprendre ou de vouloir de l'individu en tant sujet imputable.

La question qui continue à se poser est celle des principes d'imputation à appliquer aux personnes morales. Le débat a toujours été de savoir si elles doivent être retenues coupables au même titre que les individus ou bien si son imputation devra maintenant s'analyser à l'aune de nouveaux repères, notamment celui de la responsabilité objective215.

Pour ce qui est de l'infraction internationale étatique, l'élément subjectif constitue une partie essentielle, il offre la possibilité de faire des considérations déterminantes sur la possibilité et la façon de concevoir la responsabilité internationale pénale. Il faut souligner que cette analyse de l'imputation criminelle étatique se veut globalisante de tous les faits illicites internationaux, parce qu'en droit international général le mécanisme de l'imputation est valable pour toute sorte de conduite étatique, licite ou illicite216.

213 O. QUIRICO, Op.cit, p.215.

214 Idem, P.216.

215 J. PRADEL, Traité de droit pénal et de science criminelle comparée, 12ème, Paris, Cujas, 1999, P.503.

216 AGO, R., « Le délit international », loc.cit., p.16.

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Nous nous référons spécifiquement à l'imputation pénale, lorsque cela s'avère nécessaire. Nous prenons en considération seulement les principes fondamentaux de l'imputation qui concernent les problèmes majeurs de notre analyse. Nous étudions les mécanismes d'imputation de la conduite au sujet imputable qu'est l'Etat (§1) ; ensuite nous analysons la question de culpabilité avec les problèmes de la mens rea applicable à des responsabilités majeures étatiques (§2).

§1. Les mécanismes d'imputation de la conduite infractionnelle à l'Etat : le principe de l'individu organe

Le point de départ de tout discours sur l'imputation internationale est le constat

qu'on est en face d'un sujet de droit international dans le cas d'espèce, l'Etat doit pouvoir être considéré comme sujet actif de droit international. Avant d'envisager les mécanismes d'imputation de la conduite criminelle.

§1.1. La reconnaissance de l'Etat comme sujet de droit international, condition indispensable de l'imputation

Comme nous l'avons dit, le point de départ de tout raisonnement sur

l'imputation internationale doit être fait du constat qu'on est en face d'un sujet de droit international, dans le cas d'espèce, l'Etat doit pouvoir être considéré comme sujet actif de la conduite illicite et par conséquent sujet passif de la sanction qui en découle217. La conception de l'Etat comme sujet coupable, à être destinataire de l'attribution de la conduite illicite internationale, est la prémisse indispensable de l'imputation, aussi bien pour délit que pour crime. Le Projet de la C.D.I sur la responsabilité des Etats se fonde sur ce postulat. Seul un sujet ayant la personnalité juridique internationale peut avoir des obligations découlant directement de l'ordre juridique international c'est-à-dire peut commettre un crime ou un délit. Etant donné qu'une infraction consiste sous le profil objectif, dans la violation d'une obligation internationale et que l'Etat est sujet de droit international, titulaire des droits et d'obligation, il pourra léser les devoirs dont il est titulaire en envers d'autres sujets de la communauté internationale218.

Le fait que l'Etat soit une construction abstraite, c'est-à-dire une personne morale en tant qu'ensemble de sujets organisés dans un espace déterminé, ne s'oppose pas à l'imputation de la conduite criminelle, étant donné que la nature du sujet ne l'empêche pas d'être titulaire des droits et des devoirs auxquels il peut se conformer ou qu'il peut

217 O .QUIRICO, op.cit., p.216.

218 R. AGO, « le délit international », loc.cit., p186.

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violer219.Toutefois, selon H. KELSEN, « si on attribue la conduite illicite à l'Etat, personne juridique, en tant qu'unité, on tomberait dans la contradiction selon laquelle l'Etat serait responsable et juge à la fois de ses actes »220. Cette façon de voir les choses est à défaut d'être fausse, dangereuse. Parce qu'on peut trouver en droit interne, que l'acte illicite commis par les organes phares d'un Etat soit jugé par les organes judiciaires de ce même Etat, comme dans le cas, par exemple, des infractions administratives. De surcroit la conduite illicite internationale de l'Etat n'est pas une question interne, mais elle constitue un problème qui touche aux relations externes de l'Etat même. Par conséquent, l'infraction commise par l'Etat ne sera pas jugée par ses juridictions, mais par les organes d'un autre ordre juridique dont fait partie l'Etat, c'est-à-dire la communauté internationale. Comme le reconnait, en effet, KELSEN même, « le fait d'un ordre juridique partiel, peut être imputé comme acte illicite à l'unité de cet ordre partiel par un ordre juridique total, d'où il s'en suit, nécessairement, que l'ordre étatique étant partiel par rapport à l'ordre international, peut être considéré comme titulaire d'une conduite illicite dans ce dernier et jugé selon les règles de celui-ci »221.

§1.2. Le mécanisme d'imputation de la conduite criminelle de l'Etat

L'imputation est un ensemble de règles sur base desquelles on rattache une conduite à un sujet donné d'un certain ordre juridique. Pour la personne physique, on emploie généralement le principe de la faculté de comprendre et de vouloir. Par contre pour les personnes morales, notamment l'Etat entité abstraite, encore faut-il établir quelles sont les règles qui permettent d'attribuer la conduite illicite à l'Etat. En un mot, on doit arriver à résoudre la question de savoir comment on rattache le fait illicite à la personne étatique.

Le projet de la C.D.I sur la responsabilité des Etats, dans la version finale règle la question de l'imputation aux articles 4-11 alors que celui de 1996 la réglait aux articles 5-15. Toutefois, il sied de signaler que les principes fondamentaux sont bel et bien les mêmes222. Théoriquement, le comportement de tous les êtres humains, des sociétés commerciales ou collectivités liées à l'Etat par la nationalité ; le lieu de résidence habituelle ou le lieu de constitution peut être attribué à l'Etat qu'ils soient ou non liés aux pouvoirs publics. En droit international, ce principe est écarté, à la fois pour limiter la responsabilité à un comportement qui engage l'Etat en tant qu'organisation et pour tenir compte de l'autonomie des personnes

219 H. KELSEN, Allegeemeine Staatslchre, Berlin, Springer, 1924, p.62.

220 Ibidem.

221 Idem, P.142.

222 G.A.CHRISTENSION, »Attribution Issues in State Responsibility», in Proc. A.S.I.L., 1990, p.53.

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qui agissent pour leur propre compte et non à l'instigation d'une entité publique223. La règle générale est donc que le seul comportement attribué à l'Etat sur le plan international est celui de ses organes de gouvernements ou d'autres entités qui ont agi sous la direction, a l'instigation ou sous le contrôle de ces organes, c'est-à-dire en qualité d'agents de l'Etat. Par voie de conséquence, le comportement des personnes privées n'est pas en tant que tel imputable à l'Etat. Cette règle a été établie par exemple dans l'affaire Tellini de 1923. Le conseil de sécurité des Nations Unies a soumis à un comité spécial des juristes, certaines questions soulevées par un incident opposant l'Italie à la Grèce. Au cours de ces travaux, le président et plusieurs membres d'une commission internationale chargée de déterminer la frontière gréco-albanaise furent associés en territoire grec. En réponse à la question V, le comité déclare que : « la responsabilité d'un Etat, pour crime politique commis sur une personne des étrangers sur son territoire, ne se trouve engagée que si cet Etat a négligé de prendre toutes les dispositions appropriées en vue de prévenir le crime et en vue de la poursuite, de l'arrestation et du jugement du criminel »224.

L'imputation d'un comportement à l'Etat en tant que sujet du droit international repose sur des critères déterminés par ce droit et non sur la simple reconnaissance d'un lien de causalité factuel. En tant qu'opération normative, l'imputation doit être clairement distinguée de la qualification d'un comportement comme internationalement illicite. Elle a pour objet d'établir l'existence d'un fait de l'Etat aux fins de la responsabilité. Montrer qu'un comportement est imputable à l'Etat ne permet pas en soi de déterminer s'il est licite ou illicite, et les règles d'imputation ne doivent pas être formulées en des termes qui laisseraient entendre le contraire225.

Mais les différentes règles d'imputation (attribution) énoncées dans le chapitre II ont un effet cumulatif, de cette manière qu'un Etat peut être responsable des effets de comportement d'entités privées s'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour prévenir ces effets. Par exemple, un Etat accréditaire n'est pas responsable à cette qualité, des faits des particuliers qui s'emparent d'une ambassade, mais il sera responsable s'il n'a pas pris toutes les mesures nécessaires pour protéger l'ambassade ou pour en reprendre le contrôle226. A cet

223 J CRAWFORD, op.cit., P.375.

224 SDN, Journal officiel, quatrième année, N°11 (novembre 1923), p.1349, cité par J. CRAWFORD, op. cit. , P.366.

225 SDN, Journal officiel, cinquième année, N°4 (novembre 1924), p.1349, cité par J. CRAWFORD, op. cit. , P.366.

226C.I.J., Aff. Des personnels diplomatiques et consulaires des Etats Unis à Téhéran ( Etas- Unies d'Amérique c. Téhéran), Recueil, 1980, p.3.

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égard, il y a souvent, constate, monsieur CRAWFORD, un lien étroit entre le fondement de l'imputation et l'obligation dont la violation est alléguée même si ces deux éléments sont distincts du point de vue de l'analyse227.

Par ailleurs la question de l'imputation d'un fait illicite à l'Etat aux fins de la responsabilité est à distinguer d'autres processus du droit international par lesquels certains organes sont autorisés à contracter des engagements au nom de l'Etat. Ainsi, le chef de l'Etat ou de gouvernement ou le ministre des affaires étrangères sont réputés être habilités pour représenter l'Etat sans avoir besoin de produire de pleins pouvoirs228. De telles règles n'ont rien avoir avec l'imputation aux fins de la responsabilité. En principe, la responsabilité de l'Etat est engagée par tout comportement incompatible avec ses obligations internationales, quel que soit le niveau de l'administration ou du gouvernement auquel ce comportement intervient et ce point a été souligné, s'agissant des Etats fédéraux229. Par ailleurs, ce principe ne vaut pas que pour les seuls Etats fédéraux, il vaudrait aussi pour les autres entités infra étatiques.

Le droit interne et la pratique de chaque Etat joue un rôle décisif dans la détermination de ce qui constitue un organe de l'Etat. La structure de l'Etat et les fonctions de ces organes ne sont pas, en règle générale, régis par le droit international. Il appartient à chaque Etat de décider de la structure de son appareil administratif et des fonctions qui doivent être assumées par le pouvoir public. Mais s'il est vrai que l'Etat demeure libre de déterminer sa construction et ses fonctions internes selon ses lois et sa pratique, le droit international joue un rôle distinct. Par exemple le comportement de certaines institutions assumant les fonctions publiques et exerçant des prérogatives de puissance publique (comme la police) est attribuée à l'Etat même si, en droit interne elles sont imputées être autonomes et indépendantes du pouvoir exécutif230. De même, en droit international, le comportement d'organe de l'Etat qui outrepassent leur compétence peut être imputé à l'Etat, quelle que puisse être la position du droit interne à cet égard231.

En somme, le chapitre II du projet final de la C.D.I. sur la responsabilité des Etats de 2001 comprend huit articles qui énoncent les règles relatives à l'imputation d'un

227 J. CRAWFORD, op.cit., p366.

228 Art.7, 8, 46 et 47 de la convention de Vienne sur les droits de traités, N-U, Recueil des traités, vol. 1155. p.31. 229C.I.J., Aff. Le Grand (Allemagne. C. Etats Unis d'Amérique), mesures conservatoires, Recueil 1999, P.16 par 28.

230 J. CRAWFORD, op.cit., p.366.

231 Ibidem .

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fait illicite à l'Etat en droit international. L'article 4 énonce la règle fondamentale du comportement de ses organes. L'article 5 traite du comportement d'entité, habilité à exercer des prérogatives de puissance publique de l'Etat, et l'article 6 du cas particulier dans lequel un organe d'un Etat est mise à la disposition d'un autre Etat et est habilité à exercer des prérogatives des puissances publiques et imputer à l'Etat même si l'organe ou la personne concernée a agi ultra petita ou contrairement à ses instructions. Les articles 7et 8 envisagent d'autres situations dans lesquelles un comportement qui n'est pas celui d'un organe de l'Etat ou sous la direction ou le contrôle d'un tel organe. L'article 9 vise un comportement impliquant l'exercice des prérogatives des puissances publiques en absence des autorités officielles. L'article 10 a trait à un cas particulier à savoir la responsabilité, dans certaines circonstances, en raison du comportement d'un mouvement insurrectionnel. L'article 11 traite du comportement qui n'est pas imputable à l'Etat en vertu d'un des articles qui précèdent mais que l'Etat fait néanmoins, sien expressément ou par sa conduite.

Ces règles sont cumulatives mais elles sont également limitatives232. A l'absence d'une garantie spécifique qui relèverait de la lex spécialis233un Etat n'est pas responsable du comportement des personnes ou d'entité dans des circonstances qui ne sont pas couvertes par le présent paragraphe. Comme l'a confirmé le tribunal de réclamation Etats-Unis-Iran, « pour attribuer un fait à l'Etat, il est nécessaire d'identifier avec une certitude raisonnable les auteurs et leurs actions »234.

§2. La nécessité d'un degré de culpabilité dans l'imputation du crime à l'Etat

Une des questions vivement débattues en droit international est celle de savoir si l'imputation ou la conduite à l'Etat est subordonnée à l'existence d'un minimum degré de culpabilité. Pour répondre à cette question, on devait s'entendre sur le concept de culpabilité et son évolution sur la responsabilité des Etats. Et ensuite, essayer de démontrer les limites de la théorie de l'imputation l'objective en démontrant la place qu'occupe la mens rea, c'est-à-dire la culpabilité dans la théorie de l'imputation du crime à l'Etat.

§2.1. Notion et évolution de la doctrine sur la question de la culpabilité de l'Etat

On entend en général par culpabilité, l'attitude psychologique du sujet auteur d'une infraction même, constitué par la lésion d'un droit d'autrui235. Selon R.AGO, qui emploie le mot « faute » pour désigner ce que nous appelons « culpabilité » et le mot « faute

232 J. CRAWFORD, op.cit., p.376.

233 Ibidem .

234Ibidem.

235 AGO, R., » le delit international», loc.cit., p.537.

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stricto sensu » pour désigner ce qui, dans notre texte , est la « faute » l'auteur précise aussi que « le moment logique où la culpabilité apparait est celui de commission de l'acte illicite, non pas celui de l'attribution des sanctions qui constituent un élément ultérieur conséquent à la culpabilité »236.

La culpabilité peut se réaliser dans la forme du dol ou de la faute. Il y aura dol en cas de conscience et volonté de la violation, il y aura faute en cas d'absence de volonté et, éventuellement, de conscience, par négligence237.En ce qui concerne la responsabilité, il s'agit de savoir si l'imputation est subordonnée à l'existence du dol ou, au moins, de la faute, au cas où l'auteur de l'imputation serait l'Etat, personne morale, susceptible d'imputation. Le problème consiste précisément à comprendre si, entre le sujet actif, l'Etat, et l'élément objectif de l'infraction, il peut exister une relation psychologique dolosive ou fautive comme condition nécessaire pour l'imputation du fait illicite donc pour la réalisation complète de l'infraction internationale étatique. D'emblée une réponse positive n'est pas envisageable, donc un bref aperçu historique concernant la doctrine sur la question peut nous donner les premières indications.

Selon l'approche traditionnelle esquissée par ALBERIC GENTILI fixée par GROTIUS et approuvée par des auteurs tels que ZOUCHE, PUFENDORF, WOLF, COCCINS, BURLAMAGUI et VATEL, la responsabilité internationale supposerait nécessairement la faute, comme le veulent les principes du droit romain dont le droit international s'inspire largement238. Ainsi l'Etat, identique avec ses organes suprêmes, ne pourrait être considéré responsable pour les infractions de ces subordonnées qu'en cas de complicité pour patientia ou receptus, en raison de l'approbation, explicite ou l'implicite, de la conduite illicite, cette conception s'est affirmée, notamment au cours du 19ème siècle dans les pays de tradition romaniste, comme l'Italie, la France, etc. et les pays hispano-américains et surtout, dans les pays anglo- saxons. Bon membres d'auteurs, tels que CALVO et BONFILS, l'ont partagé tout en développant des aspects spécifiques. En particulier, selon l'approche de PILIMORE et HALL, la culpabilité de l'Etat serait toujours présumée, sauf en cas de preuve contraire239.

236 AGO, R., « le delit international», loc.cit., P.538.

237 O. QUIRICO, op.cit., p232.

238 Idem, P.233.

239 Ibidem.

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Le premier auteur à se détacher de la conception traditionnelle est TRIEPEL, qui distingue deux types de responsabilités internationales. La responsabilité fautive de l'Etat engendrerait l'obligation de repérer les dommages, alors qu'en vertu de la responsabilité objective il serait tenu à la satisfaction de l'Etat étranger offensé par l'action individuelle. Quoi que la séparation de deux types de responsabilité en raison de la culpabilité ne soit pas soutenue de façon convaincante, il faut signaler cette conception, car elle affirme l'existence d'une forme de responsabilité objective de l'Etat pour les actes des personnes physiques240. Au début du 20ème siècle, la théorie de l'imputation objective s'impose, notamment par la pensée d'ANZILOTTI. Selon cette conception, la responsabilité de l'Etat subsisterait à l'absence du dol et de la faute. En effet, les attitudes de la volonté ne serait que des faits psychologiques, propres seulement à des personnes physiques, non pas des personnes morales. D'ailleurs, au cas où l'acte individuel serait illicite sur le plan international, mais licite sur le plan interne, il n'y aurait ni dol ni faute, même de la part de la personne physique, donc la responsabilité sera de type objectif241. Bon nombre d'illustres auteurs suivent l'interprétation objective, c'est le cas de ROMANO, CAVAGLEERIE, DESCENDRIERE-FERRANDRIERE, il faudrait abandonner la relation psychologique entre l'Etat et l'infraction tant au niveau de l'imputation centrale, qui regarde l'infraction interne qu'au niveau de l'imputation périphérique, qui regarde l'imputation étatique internationale242. Il faut signaler qu'une grande majorité de la doctrine reste toutefois favorable à l'idée traditionnelle de la faute comme principe essentiel de l'imputation internationale. Ainsi, des auteurs tels que OPPENHEIM, F. VON LISZT, FAUCHILLE, HERSHEY, HEILBORN, HATSCHEK, etc. demeurent fidèles aux arguments de la culpabilité243. Il est cependant possible de trouver une approche qui fasse la synthèse de ces deux approches extrêmes. D'après BENJAMIN et BEXHAUM, le principe de la faute vaudrait pour la responsabilité des Etats en raison des conduites de ses organes, non pour les cas des actes des particuliers244. JESSE lui propose à nouveau la distinction de TRIEPEL. Selon laquelle l'infraction internationale engendrerait une double responsabilité : une responsabilité fautive concernant la réparation et une responsabilité objective concernant la satisfaction245.

240 O. QUIRICCO, op.cit., p.234.

241 D.ANZILOTTI, op.cit., p.505.

242 O. QUIRICO, op.cit., p.223.

243 Ibidem.

244 Ibidem.

245 Ibidem.

[69]

§2.2. Les limites de la théorie de l'imputation objective et la nécessité d'une mens rea subjective pour l'imputation du crime à l'Etat

La théorie de l'imputation objective ne tolère aucune dose d'attitude psychologique de l'Etat criminel dans l'accomplissement de l'acte illicite. Dans cette perspective, seules les personnes physiques peuvent engager leur responsabilité du point de vue pénale même lorsqu'ils agissent en fonction de l'Etat, en raison du principe par lequel la responsabilité pénale ne peut exister qu'à titre de dol ou de faute246.

Les grands tenants de la théorie de l'imputation objective sont sans doute ANZILOTTI et KELSEN. Et ils se fondent sur plusieurs données qu'il faut prendre en considération de façon critique pour pouvoir se faire une idée sur l'exhaustivité ou non du critère objectif dans la théorie de l'imputation surtout en ce qui concerne le crime international de l'Etat.

Un premier constat concerne la forme de l'infraction sur le plan interne que sur le plan international. Il faut, en effet, considérer deux hypothèses différentes d'infractions internationales, celle de l'acte conforme au droit interne mais non conforme au droit international et celle non conforme au droit interne et au droit international247. Dans l'hypothèse de la conduite conforme au droit interne c'est-à-dire dans le cas du fonctionnaire agissant en conformité avec sa propre fonction, il n'existerait même pas de dol ou de faute de la personne psychique agissant en tant qu'organe, ce qui exclurait la possibilité de culpabilité de l'Etat. Dans l'hypothèse de la conduite non conforme au droit interne, c'es-à-dire dans le cas du fonctionnaire qui agit contre ses propres droits, il n'y aurait aucune culpabilité de l'Etat, qui manifesterait la volonté contraire à celle, coupable, de l'auteur de la violation248.

A première vue ces thèses semblent être intouchables. Toutefois, elles se fondent sur la prémisse, erronée, selon laquelle le rattachement d'une conduite illicite à l'Etat dépend uniquement de l'ordre juridique interne : il n'existerait pas de responsabilité étatique sauf quand l'Etat lui-même le prévoit expressément249. En revanche, il faut considérer que sur le plan international, la responsabilité de l'Etat dépend uniquement des règles de l'ordre juridique international. Si le droit international rappelle les règles de l'ordre interne des Etats pour déterminer quels sujets agissent en son nom, il demeure totalement libre d'établir quelles actions sont illicites et à quel titre elles doivent être attribuées au sujet actif. Autrement dit, le

246 O. QUIRICCO, op.cit., p.233.

247 Ibidem.

248 ANZILOTTI, op.cit., p.145.

249 O. QUIRICO, op.cit., p.234.

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droit interne est subordonné au droit international dans la définition de l'infraction internationale, du moins quand on est dans la vision moniste, prévoyant la supériorité de l'ordre international que nous partageons250. Ainsi l'ordre juridique international pourra considérer illicite la conduite d'un fonctionnaire aux devoirs internes251. En outre, sur le plan de la culpabilité on ne peut pas séparer la personne du fonctionnaire de celle de l'Etat et considérer le premier soumis exclusivement au droit interne et le deuxième au droit international, car l'action de l'organe est l'action de l'Etat même252.

Du coup, l'ordre juridique international peut considérer l'action illicite dolosive au fautive, tant en ce qui concerne le fonctionnaire qu'en ce qui concerne l'Etat, quoi qu'elle ne soit pas illicite selon la sphère juridique interne253. Dans l'hypothèse de la conduite d'un fonctionnaire contraire aux devoirs internes, d'imputer la conduite de l'organe à l'Etat à titre de dol ou de la faute sans se soucier de la qualification interne de l'acte254. Du point de vue de la forme de l'infraction internationale, c'est donc normale de considérer la culpabilité comme une conduite nécessaire de la responsabilité de l'Etat.

Les tenants de la théorie de l'imputation objective insistaient aussi sur l'imputation de la capacité de comprendre et de vouloir comme étant une faculté exclusive de la personne physique. Seule une personne physique peut être capable d'adopter une attitude psychologique consciente ou négligente envers les actes illicites alors que l'Etat, construction juridique abstraite dépourvue de volonté, ne pourrait pas avoir conscience de ses actions255. Notamment l'individu serait capable de se représenter et de vouloir les éléments qui composent le fait criminel et qu'il pourrait être, par conséquent responsable de ses actes, éventuellement du point de vue pénal, non pas l'Etat256.

D'un point de vue strictement moral il serait possible d'attribuer une moralité à l'Etat et de le concevoir comme une unité capable de répréhension, par conséquent une responsabilité pénale de l'Etat ne pourrait exister257.

250 AGO, R., « Le délit international », loc. cit.., pp.755.

251 Ibidem.

252 O. QUIRICO, op.cit., p.235.

253 Idem, p.236.

254 O. QUIRICCO, op.cit., P.235.

255 Ibidem.

256 D.ANZILOTTI, op.cit., p.146.

257 C. GINOS, Contribution à l'étude de rapport du droit pénal et de la morale, Thèse sous la direction G-R de Bombe Toulouse, 1991, p.130.

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De plus, la responsabilisation pénale de tous les individus d'un Etat impliquerait l'imputation d'une conduite illégitime à des individus qui n'ont pas participé à l'action criminelle et qui n'ont aucune relation physique avec l'infraction, donc la criminalisation aux sujets irresponsables sans aucun avantage en contre partie. Apparemment, la création de la catégorie de crime conduirait à sanctionner l'innocent avec le coupable : c'est le problème de la responsabilisation de la collectivité irresponsable, en tant que telle, avec l'individu responsable258. De surcroît on remarque que les crimes internationaux doivent être classifiés parmi les violations les plus graves du droit pénal, pour l'accomplissement des quelles conditions l'attitude dolosive serait nécessaire : l'Etat, incapable même d'une attitude fautive envers l'infraction de ses agents, ne pourrait jamais commettre des crimes259.

Suivant cette interprétation pour faire face au problème de l'élément psychique qui se pose du côté subjectif de l'infraction criminelle étatique, le mécanisme de l'imputation objective constituerait une solution obligée : l'attribution à la collectivité entière à la conduite de ses « mandataires » impliquerait forcement, une responsabilité inconsciente.

Selon une variante de la théorie de l'imputation objective, on devrait concevoir une responsabilité consciente de la part de l'organe agissant, la responsabilité au même titre de la part de l'ensemble des institutions étatiques et, puis, une rupture dans le mécanisme de l'imputation, car l'Etat entendu comme société serait responsable selon le principe neutre de responsabilité objective260.

Ces observations bien que combien pertinentes, n'en demeurent pas moins

surmontables.

Il faut dire deux choses : la première ce n'est qu'un rappel, ce que l'Etat, en tant que collectivité s'identifie avec ses organes ; deuxièmement, l'Etat n'agit qu'à travers ces organes et que lorsqu'un organe agit c'est comme si c'est l'Etat lui-même qui agissait. En effet, le principe de l'imputation organique n'implique pas seulement que l'action de l'organe soit attribuée à l'Etat entendu comme organisation dans son ensemble, c'est-à-dire comme ensemble d'institutions, mais il implique aussi, de façon automatique et immédiate, l'imputation de la conduite à la collectivité des sujets, citoyens, qui composent l'Etat en tant que société261. Il ne s'agit pas, donc de l'application du critère de la responsabilité objective,

258 G. GINOS, op.cit., p.131.

259 Idem, p.132.

260 O. QUIRICO, op.cit., p.236.

261 Idem, P.377.

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car la culpabilité subsiste dans l'ensemble social, alors que la responsabilité objective se réalise lorsque l'imputation se produit en absence d'une relation psychique entre l'auteur de l'acte illicite et l'infraction262. En considérant l'action de l'individu qui agit au nom de l'Etat comme l'expression de la moralité collective on peut responsabiliser l'Etat du point de vue moral263.

A l'appui de cette thèse, une certaine doctrine utilise la théorie de la « psychologie collective », concept qui serait applicable plus aisément aux Etats qu'aux autres personnes morales, en raison du concept de « Nation » qu'il sous entend264. On devra aussi tenir compte du fait qu'un organe étatique, dans l'exercice de ses fonctions, agit toujours au nom de toute la collectivité, en vertu de la théorie du mandat, et jamais exclusivement en termes individuels. A juste titre la doctrine affirme que la démocratisation des décisions étatiques impose un changement dans la conception traditionnelle de la responsabilité pénale afin de responsabiliser l'Etat, du moment que les organes étatiques agissent sur le plan international pour la collectivité dans son ensemble265Toutefois, une autre doctrine estime que, si cette logique s'applique aisément aux actions accomplies par l'individu dans le respect de ses fonctions, plus problématiques demeure son exploitation dans le cas des actes individuels accomplis contra legem, car, dans cette situation, l'Etat peut être considéré comme responsable seulement pour l'absence de prévention et de contrôle266.

Le fait de laisser impunis les agissements criminels étatiques favoriserait l'impunité pour le crime collectif alors que le fait que l'Etat dans son ensemble soit responsabilisé peut avoir un effet préventif remarquable en favorisant le développement d'une opposition aux criminels qui se trouvent à la tête de l'Etat. La doctrine relève aussi que dans le crime de l'Etat, à côté de l'élément actif, constitué par ceux qui exécutent matériellement, l'acte illicite, il existe un élément passif constitué par l'acquiescement collectif, car l'exécutant agit souvent dans la permission de ne pas s'exposer à la responsabilité interne. En frappant les personnes physiques qui ont perpétré directement le crime on atteindrait l'élément actif de criminalité tandis qu'en sanctionnant les Etats on atteindrait l'élément passif de la population267.

262 O. QUIRICCO, op.cit., p.237. 263Idem, p.238.

264 Ibidem.

265 V. PELLA, op.cit., p. 397

266 O. QUIRICO, op.cit, p.397.

267 V. PELLA, op.cit., p. 237.

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Sous un autre angle, il convient de focaliser l'attention sur les avantages qui découlent de la responsabilité pénale de l'Etat. Actuellement il n'y a pas de responsabilisation collective criminelle explicite. Cependant, les conséquences d'une violation grave des intérêts fondamentaux de la communauté internationale sont ressenties par la communauté dans son ensemble, à laquelle appartient l'individu ou les individus agissant en violation du droit international. En cas de violation des droits fondamentaux de la paix, les mesures de la réaction à la violation n'impliquant pas l'emploi de la force armée (par exemple l'embargo) ou impliquant l'emploi de la force armée, touchent la population dans son ensemble avant que les individus directement responsables268.

On remarquera que la responsabilité de la collectivité avec l'individu-organe n'est pas une conséquence spécifique de la responsabilité criminelle étatique mais plus généralement un caractère de la responsabilité de l'Etat en soi car le problème se pose aussi en cas de responsabilité étatique mineure269.

Les normes internes des Etats responsabilisent souvent des collectivités locales, du point de vue civil, pour les actions individuelles. Tous les Etats du monde, même ceux qui, comme l'Allemagne, l'Italie, La Suisse, l'Espagne, la Russie excluent la responsabilité pénale des personnes morales en partant du principe que la seule personne physique est capable d'agir avec conscience et volonté, retiennent le principe de la responsabilité civile des personnes morales et lui rattachent les conséquences similaires ou équivalentes à celles que suivent la responsabilisation pénale, comme le payement d'une amande ou la dissolution270. L'argument selon lequel la responsabilisation s'arrêterait au seuil de l'action criminelle n'a aucune justification271. Le principe de l'imputation organique de l'action tel qu'il est appliqué dans le domaine du droit interne et transposé sur le plan international, ne s'arrête pas au seuil de criminalisation272.

En suivant la perspective individualiste jusqu'au bout, avec cohérence, il faudrait nier complètement toute forme de responsabilité étatique, qu'elle soit mineure ou majeure, puis que toute action illégitime, pas seulement celle pénale, demande, pour l'imputation, la possession des facultés mentales du sujet actif273. En revanche dans le

268 O. QUIRICO, op.cit., p.238.

269 Ibidem.

270 J. PRADEL, op.cit, p.325

271 Ibidem .

272 Ibidem .

273 Ibidem.

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système de droit international on constate l'existence de la responsabilité étatique comme principe essentiel de l'ordre juridique. Ainsi, le principe même de la personnalité juridique de l'Etat amène à affirmer sa responsabilité, tant sur le plan civil que sur le plan pénal274. D'après PRADEL, « La responsabilité de la personne morale ne serait que le reflet de celle de l'individu, de sorte qu'il faut que dans le motif de condamnation de la personne morale, le tribunal répressif constate la culpabilité de l'organe...c'est le principe. Sa réciproque est que si l'organe ou le représentant ne peut pas être déclaré coupable, la personne morale ne peut pas l' être non plus en faveur de la responsabilité fautive des administrations politiques »275.

En soutenant cette conception, on entend pas nier l'existence du mécanisme de la responsabilité objective en droit international. On affirme tout court que l'attribution de l'infraction à la collectivité sociale admet au même titre qu'à la collectivité institutionnelle et à l'organe agissant en son nom. Ainsi, lorsque l'organe sera responsable à titre de dol, pour avoir commis le fait avec conscience et volonté, l'Etat comme ensemble et l'Etat comme société seront responsables à terme de dol276. Lorsque l'organe sera responsable à titre de faute en ayant agi avec ou sans conscience et quand même sans volonté, mais de façon imprudente, car il aurait pu se représenter les conséquences illicites de son action, l'Etat comme institution apparait dans son ensemble et l'Etat comme société seront responsables à titre de faute277. Lorsque l'organe sera responsable à titre de responsabilité objective ayant agi en l'absence de conscience et volonté et sans imprudence, car il n'aurait pas pu se représenter les conséquences illicites de son action, l'Etat comme ensemble d'institutions et l'Etat comme société seront responsables à titre de responsabilité objective278.

Pour AGO, « s'il est vrai comme nous l'avons conclu, que l'action et la volonté et l'action de l'Etat ne peuvent être que l'action et la volonté de ses organes, il s'en suit qu'en droit international, on pourra parler d'une faute de l'Etat lorsque cette relation psychologique, en laquelle on a vu que se traduit la faute, subsiste entre la conduite contrastant avec une obligation juridique internationale de l'Etat et la personne de l'organe qui l'a tenue »279.Et à A. GATTINI d'ajouter que, « la culpabilité joue un rôle essentiel dans l'attribution de la conduite illicite à l'Etat, notamment en cas de crime. Au sein du Projet de la C.D.I. sur la responsabilité des Etats de 1996, par ailleurs, la provision de la culpabilité

274 J. PRADEL, op.cit., p.326.

275 Idem, P.327.

276 O. QUIRICO, op.cit., p.239.

277 Ibidem.

278 AGO, R.,» le delit international», loc.cit, p.72.

279 Ibidem.

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étatique pourrait être déduite du constat que, aux termes de l'article 31 (Force majeure et cas fortuit), correspondant à l'article 23 du projet du 2001 (Force majeure), la force majeure et le cas fortuit incluent l'élément psychologique, donc la culpabilité »280.

En clair, en ligne avec la tradition d'ANZILOTTI, il faudrait toutefois introduire une distinction entre la responsabilité objective absolue et celle relative. On verserait dans un cas de responsabilité objective absolue lorsque l'organe, donc l'Etat n'aurait pas pu se représenter les conséquences illicites de son action mais il lui faudrait le prouver en justice, car il y aurait une sorte de présomption de la culpabilité. A notre avis, la responsabilité objective relative constitue un cas de faute avec l'inversion de l'obligation de la preuve. Dans le cas de la faute, en effet, c'est la victime qui doit démontrer la faute de l'auteur de l'infraction, alors que, dans le cas de la responsabilité objective relative, l'auteur devrait démontrer l'inexistence de la responsabilité en raison de l'impossibilité absolue de connaître (cas fortuit, force majeure)281. En suivant cette distinction on parviendra à rendre le régime de la responsabilité objective relative plus grave que celle de la faute. Nous préférons donc suivre la distinction traditionnelle qui partage la responsabilité en trois classes : à titre de dol, de faute ou de responsabilité objective unitaire.

Bien évidemment, si l'on reconnait que la culpabilité constitue le critère déterminant de l'imputation de la conduite illicite, il faudra ensuite, en tenir compte dans la détermination de la sanction : la responsabilité collective permettrait de rationaliser la sanction, en la rendant proportionnée au degré de la responsabilité étatique282.

En matière de responsabilité criminelle, notamment une fois admise, la possibilité de la responsabilité pénale collective au niveau subjectif, on pourrait en déduire des conséquences relevant du point de vue objectif, selon l'esprit de l'article 19 du Projet sur la responsabilité des Etats de 1996283.

Finalement, la responsabilisation criminelle de l'individu n'amène pas à exclure la responsabilité criminelle de l'Etat, mais au contraire, elle pousse à affirmer : la responsabilité pénale individuelle et étatique peuvent exister en même temps284. En ce sens, un signal fort vient du Projet sur la responsabilité des Etats de 1996 qui prévoit à l'article 45

280 GATTINI, A.,» Smoking/ No Smoking: some Remarks on the curent place of Faculty in the I.L.C Draft Article on State Responsibility», in E.J.I.L. 1999, BOC, 10, n°2, p.397.

281 Idem, p.404.

282 Idem, p.405.

283 O. QUIRICO, op.cit., p.241.

284 AGO, R., « Le délit international », loc.cit., p.143.

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§2, le châtiment des agents de l'Etat responsable pour violation grave, ou criminelle, d'une obligation internationale.

La seule raison de nier la responsabilité pénale de l'Etat et d'introduire, au niveau collectif une forme différente de culpabilité par rapport à celle de l'individu-organe, réside dans des considérations d'ordre politique, puisqu'il pourrait paraître trop grave de responsabiliser un Etat du point de vue criminel, de sorte qu'un amoindrissement de la responsabilité serait souhaitable285. Cette observation, cependant, échappe à la logique du droit et rentre dans l'ordre des considération tout à fait politiciennes que, du reste, nous ne pouvons pas partager en tant que juriste.

285 PELLET, A., «Can a State commit a crime? Definitely, yes!», loc. cit., pp.425.

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CONCLUSION

Dans l'ordre juridique international, aucune norme obligatoire ne reconnait la responsabilité pénale étatique. Toutefois, l'évolution du droit international notamment la doctrine reconnait la responsabilité étatique majeure, plus grave que le régime de la responsabilité ordinaire et le qualifie parfois de criminel. Au niveau du droit international général, le projet de la C.D.I. sur la responsabilité des Etats adopté en 1996, en première lecture, prévoit à l'article 19, la responsabilité de l'Etat pour crime qui est différente de la responsabilité pour délit, tandis que le projet final adopté en 2001 et soumis à l'attention de l'Assemblée Générale des Nations Unies, consacre la distinction plus ou moins assouplie entre la responsabilité de l'Etat pour violation du jus cogens et la responsabilité pour les violations ordinaires. Et donc, il est clair qu'actuellement en droit international il n' ya plus un régime unique de responsabilité mais deux régimes distincts, l'un pour la violation des normes impératives qualifié de crime et l'autre pour la violation des normes ordinaires. Et au niveau du droit international relatif, cela se traduit par la reconnaissance par la charte des N.U. de cette distinction et confie la gestion de violations majeures au C.d.s.

L'article 19 du projet sur la responsabilité des Etats de 1996 qui a été remplacé dans son contenu par l'article 40 du projet final, met en place au paragraphe 2 ce qu'il faut considérer comme une théorie générale de l'infraction étatique alors que le paragraphe 3 esquisse une partie spéciale de la responsabilité étatique. Du point de vue de la théorie générale, la responsabilité majeure, voire criminelle de l'Etat consiste dans la violation du point de vue de la forme d'une obligation erga omnes indivisible qui protège, du point de vue de son contenu, les intérêts les plus fondamentaux de la communauté internationale. Du point de vue de la partie spéciale, le projet de 1996 établit quels sont les intérêts dignes d'une tutelle pénale internationale notamment la violation d'une obligation essentielle pour le maintien de la paix, pour la sauvegarde du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, pour la sauvegarde de l'être humain ainsi que pour la sauvegarde de l'environnement, mais il est clair que toute la définition de la partie spéciale de la responsabilité pénale étatique demeure, à certains égards, discutable, mais constitue un pas extrêmement ambitieux dans le l'établissement de la responsabilité de l'Etat, dans l'ordre juridique international, d'un type pénal. Au niveau du droit international général, l'encadrement de la responsabilité aggravée de l'Etat ou criminelle implique la réaction collective mais décentralisée des Etats en contre mesure. Tout Etat peut ,de façon « décentralisée », évoquer la responsabilité criminelle de l'Etat et la juger lui-même.

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La sanction qui sera imposée au bout de ce jugement aura bel et bien une gravité supérieure par rapport à d'autres sanctions ordinaires, donc sera effectivement afflictive. On constate malheureusement, suite à l'absence de la hiérarchie et de l'intégration en droit international, des risques des dérives anarchiques notamment dans la conduite de la procédure et dans la prise des sanctions. Du point de vue relatif, la Charte des N.U. Confient la réaction aux infractions majeures au Cds, par l'entremise du Chapitre VII.

Du point de vue subjectif l'imputation à l'Etat de l'infraction internationale se fait par le biais du principe de l'imputation organique : l'infraction de l'individu est l'infraction de l'Etat lui-même. Malgré que l'Etat constitue une personne morale, il faut considérer aussi les principes d'imputations classiques notamment le dol, la faute et la responsabilité objective.

En définitive, on constate malgré toute les imperfections, et ce ne sont que là la conséquence d'un droit international peu intégré, on ne saurait pas nier que le droit international met en place un régime aggravé qui pourrait s'apparenté à système pénal typique d'un droit international d'essence intersubjective; et on ne peut pas refuser d'appliquer le principe de la pénalisation de l'Etat sous prétexte que le droit international serait incapable de lui soumettre à un tel régime, parce qu'une telle idée confirmerait non seulement la thèse selon la quelle, si l'on veut rester cohérent, qu'aucune responsabilité-même ordinaire n'existe pas en droit international, mais aussi et surtout que la règle sur la scène internationale c'est tout est permis, qui consacrerait dangereusement l'impunité des Etats, surtout lorsque celui-ci a violé les droits les plus fondamentaux de la communauté internationale. Aussi on ne pourrait pas tolérer, sur le plan de la dialectique, que les individus qui ont une subjectivité internationale moindre et qui déploient peu d'activités sur la scène internationale, soient eux seuls accablés par le droit international pénal alors que les Etats qui sont les principaux acteurs dans cet ordre agissent en toute impunité. Certes, le droit international ne connait pas, comme le droit interne, d'autorité supérieure pour non seulement édicter les lois pénales afin de déterminer quels sont les valeurs communautaires qui sont susceptibles d'une tutelle pénale mais aussi pour pouvoir sanctionner les manquements à ces valeurs, mais une réforme courageuse dans l'ordre juridique international pourrait permettre, et cela tout en tenant compte des spécificités d'un droit international horizontal et intersubjectif, de responsabiliser les Etats lorsqu'ils auraient violé les obligations qui sont dues à toute la communauté internationale, à la quelle ils appartiennent d'ailleurs. En effet une révision du Statut de la C.I.J. qui aurait pour but d'élargir son champ de compétence en ce sens qu'elle pourra se

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prononcer, et cela à la demande soit d'un Etat ou d'un groupe d' Etat, s'il y a eu ou non violation d'une obligation du jus cogens et dans l'hypothèse de la réponse affirmative, confier au C.d.s. de pouvoir déclencher les sanctions prévues au Chapitre VII de la Charte des N.U.

Ainsi nous n'estimons pas avoir épuisé toutes les questions dans une branche aussi ondoyante et dynamique qu'est le droit international pénal, ainsi souhaitons à d'autres chercheurs la possibilité de pouvoir s'appesantir sur des questions analogues comme celles de la responsabilité pénale d'autres personnes morales comme les Organisations internationale ou les autres entités , comme les sociétés transnationales.

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+ LEBEN, C., Les sanctions privatives de droit ou de qualité dans les organisations internationales spécialisées, Bruxelles Bruylant, 1979 ;

+ LUDOVIC, H., et HELENE. T, le particularisme interaméricain des droit de l'homme : en l'honneur du 40eme anniversaire de la convention américaine des droits de l'homme, Pédone, Paris, 2009 ;

+ MWENE SONGA, N., Droit pénal Zaïrois, Kin, Editions Droit et Société «DES», 1989 ;

[84]

+ PRADEL, J., Procédure pénale, 10ème éd. Paris, cujas, 2000, p.1207 ;

+ PRADEL, J., Traité de droit pénal et de science criminelle comparée, 12ème, Paris, Cujas, 1999.

II Contributions

· BEAUDOUIN, J., « le maintien par la force d'une domination coloniale », in ANSCENSIO, H., PELLET, A., DECAUX, E., Droit international pénal, Paris, Pédone, 2000 ;

· GAJA, G., « Obligations erga omnes, international crimes and jus cogens. A tentative Analysis of the related concepts », in WELLER, J.H.H., CASSESSE, A., SPINEDI, M., (dir.), International crimes of State a Article 19 on State Responsibility, E.J.IL., 2000;

· PELLET, A., « La codification du droit de la responsabilité internationale : Tâtonnements et affrontement »s, in L. BOISSON, L., DES CHAZOURNES et GOWLLAND-DEBBAS, V., (dir),L'ordre juridique international, un critical analysis of I.L.C.'s Draft système en quête d'équité et d'universalité, Liber Amicorum Georges Abi-saad, la Haye, 2001 ;

· PELLET, A., « la responsabilité de l'Etat pour la commission d'une infraction internationale », in H. ASCENSIO, H., E. DECAUX, E., et PELLET, A., (dir.), Droit international pénal, Pédone, Paris, 2012 ;

· SPINEDI, M., « La Responsabilité de l'Etat pour « crime », une responsabilité pénale » in E. DECAUX, E., ASENGO, H., et PELLET, A., Droit international pénal, Pédone, Paris, 2000.

III Articles

+ ABII- SAAB, G.,« the uses of Article 19 »in E.J.I.L.;

+ AGO, R., Le délit international, inR.C.A.D.I, 1939.II, vol. 68, pp.415-554(reproduit dans Roberto Ago, scritti Sulla responsabilita internationale deli stati, Jovene, Publicazioni delle Facoltà di Giurisprudenza, della università di Camerino, 1979, vol. I ;

+ BISSONNETTE, P.A., « la satisfaction comme mode de réparation en droit international », Annemasse, 1925, p.27 ;

[85]

+ BOWET, D., « crimes of states and the 1996 report of the international Law commission on state Responsability », in E.J.I.L., 1998 No1;

+ BOWETT, D. W., «Crimes of States and the 1999 Report of the I.L.C. on State Responsibility», in E.T.I.C, 1998, Vol. 9;

+ CAMBACAU, J., « Le droit international, bric à brac ou système » ? in A.P.D., 1986 ; + CASSESSE, A.,» The Statute of the I.C.C. : some preliminary reflexions», in E.J.I.L., 2000;

+ CRAWFORD, J., BODEAU, P., et PEEL, J., « La seconde lecture du projet d'articles sur

la responsabilité des Etats de la commission du Droit International » in R.G.D.P., 2000 ; + CRWAWFORD, J., «The Re-reading the Draft Articles on State Responsibility», in

E.S.I.L.1999, Vol. 10;

+ DEHEMSS, J., «Chronique», in A.F.D.I., 1985;

+ DELMAS-MARTY, M., « La difficile naissance du droit de demain », in Le monde, n°17669, Horizons-Débat vendredi 16 Novembre 2001 ;

+ DOMINICE, C., «The international Responsability of States for Branches of multilateral obligations», in R.S.D.I.E;,

+ DUPUY, P-M., « Observations sur la pratique récente des sanctions de l'illicite », R.G.D.I.P, 1983 ;

+ GATTINI, A., «Smoking/ No Smoking: some Remarks on the curent place of Faculty in the I.L.C Draft Article on State Responsibility», in E.J.I.L. 1999, BOC, 10, n°2;

+ GILIBERT, G., « The criminal responsibility of States » in I.C.L.Q., 1990;

+ GOLDIE, A.,» A general view of international environnemental law. A survey of capabilities, trends and limits», in Hague colloquium, The Hague, 1973;

+ JACOWIDES, A., « State Responsibility: Réflexions on the international law commission's Draft Articles » in Proc.A.S.I.L. 2000;

+ KEARNEY, D., DALTON, R., « The treaty on treaties », in A.J.I.L.,1970, Vol.64, n°3; + KELSEN, H., « La confrontation du droit international en droit interne », in R.G.D.P.193 ; + LAUTERPACHT, H., « Règles générales du droit de la paria » in R.C.A.D.I., 1973-IV ; + MAREK, K., «Criminalizing State Responsibility», in R.B.D.I, 1978-1979;

+ PASSCA, A., « Democrazia et diriti umani nell'era dell'interdipendeza globale », in pace, diritti dell'uomo, dirittidei popoli, 1991 ;

+ PELLET, A., « vive le crime ! Remarques sur les degrés de l'illicite en droit

international », in C.D.I., le droit international à l'aube du 19e siècle-Réflexions des codificateurs, Nations Unies, New York, 1997 ;

[86]

+ PELLET, A., « le crime international de l'Etat-un phoenix juridique », in the New

international criminal Law-thesaures Acroasium, 2011.International Law session ; + PELLET, A., « Remarques sur une révolution inachevée, le projet de la C.D.I. sur la

responsabilité des Etats », in A.F.D., 1996 ;

+ PELLET, A., « can a state comit a crime ?Definitely yes» in EJIL No 10, 199;

+ PUPUY, P-M.,» Attribution issue in state Responsibilty.commentary», in Prol, A.SI.L, 1990;

+ REUTEUR, P., « trois observations sur la codification de la responsabilité internationale des Etats pour fait illicite », in le droit international au service de la paix, de la justice et du développement, Mélanges Michel virally, Paris, Pédone, 1991 ;

+ RONSENSTOCK, R., « An international criminal Responsability of states? » in E.J.I.L., 1998 No 1;

+ STATRACE, V., « La responsabilité résultant de la violation des obligations à l'égard de la communauté internationale », in R.C.A.D.I, 1976, Vol.153 ;

+ YAHI, A., « La violation d'un traité, l'articulation du droit des traités et du droit de la responsabilité internationale », in P.B.P.L, 1993.

IV Thèses

1. GINOS, C., Contribution à l'étude de rapport du droit pénal et de la morale, Thèse sous la direction G-R de Bombe Toulouse, 1991 ;

2. QUIRICO, O., Réflexions sur le système du droit international pénal : la

responsabilité « pénale »des Etats et des autres personnes morales par rapport à celle des personnes physiques en droit international, Thèse, Toulouse1, 2005.

[87]

TABLE DES MATIERES

EPIGRAPHE i

DEDICACE II

REMERCIEMENTS iii

SIGLES ET

ABREVIATIONs iv

INTRODUCTION GENERALE 1

CHAPITRE 1 : LE CRIME DE L'ETAT DANS LE PROJET DE LA C.D.I. : une consécration de la

responsabilité internationale pénale de l'Etat? 8

SECTION 1 : LA RESPONSABILITE INTERNATIONALE DE L'ETAT POURCRIME DANS LE PROJET DE LA

C.D.I. 8

§ 1 Nouvelle approche définitionnelle de la responsabilité international de l'Etat : la perspective

pénaliste 9

§1.1 L'évacuation du dommage du champ de la responsabilité internationale de l'Etat 9

§1.2. Les conditions d'engagement de la responsabilité internationale : Eléments constitutifs du

fait internationalement illicite 12

§2 Différents degrés de responsabilité en droit international, crime ou responsabilité aggravée et

délit ou responsabilité ordinaire 14

§2.1. Crime et délit, une distinction qualitative 15

§2. 2. Crimes internationaux et responsabilité pour violation d'une norme impérative du droit

international : une même réalité juridique 18

SECTION II : LES CONSEQUENCES D'UNE VIOLATION GRAVE D'UNE NORME DU JUS COGENS 23

§1. Les conséquences lacunaires et étriquées dans le Projet de la C.D.I. 23

§1.1 Les conséquences étriquées dans le Projet de la C.D.I. 24

§1.2. Les conséquences lacunaires dans le Projet de la C.D.I. 25

§2. Les conséquences du crime hors Projet de la C.D.I. : Le communautarisme et la transparence de

l'Etat 27

§2.1. Le communautarisme : vers une solidarisation de la répression du « crime

international de l'Etat » 27

§2.2. La transparence de l'Etat ; la responsabilité pénale individuelle n'exclut pas celle de

l'Etat 29

CHAPII : LE REGIME JURIDIQUE DE LA RESPONSABILITE INTERNATIONALE PENALE DE L'ETAT

PARTANT DE LA THEORIE DU CRIME ETATIQUE 32

[88]

SECTION. I. LA CONDITION OBJECTIVE DE LA RESPONSABILITE PENALE DE L'ETAT : l'infraction

internationale de l'Etat existe effectivement 33

§1 Théorie générale et partie spéciale de la délinquance étatique 34

§1.1. La théorie générale de l'infraction étatique 35

§1.2. La partie spéciale de responsabilité pénale étatique 40

§2. La procédure et la sanction sont collectives mais décentralisées 49

§2.1. L'absence de la verticalité et la collectivisation de la procédure 50

§.2.2. La sanction pénale contre l'Etat existe effectivement 54

SECTION II. ARGUMENT SUBJECTIF DE LA RESPONSABILTE PENALE DE L'ETAT : L'Etat comme centre

d'imputation pénale 61

§1. Les mécanismes d'imputation de la conduite infractionnelle à l'Etat : le principe de l'individu

organe 62

§1.1. La reconnaissance de l'Etat comme sujet de droit international comme condition

indispensable de l'imputation 62

§1.2. Le mécanisme d'imputation de la conduite criminelle de l'Etat 63

§2. La nécessité d'un degré de culpabilité dans l'imputation du crime à l'Etat 66

§2.1. Notion et évolution de la doctrine sur la question de la culpabilité de l'Etat 66

§2.2. Les limites de la théorie de l'imputation objective et la nécessité d'une mens rea

subjective pour l'imputation du crime à l'Etat. 69

CONCLUSION 78

BIBLIOGRAPHIE Erreur ! Signet non défini.






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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius