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La responsabilité internationale pénale de l'état

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par Henry MIKITI M'PANDA
Université de Goma - Licence 2013
  

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UNIVERSITE DE GOMA

UNIGOM

B.P : 204 GOMA
FACULTE DE DROIT

ANALYSE DE LA RESPONSABILITE INTERNATIONALE PENALE DE L'ETAT

Mémoire rédigé et défendu en vue de l'obtention du diplôme de licence en Droit

Par : MIKITI M'PANDA henry

Option : Droit Public

Département

: Droit International et relations

Internationales

Directeur : Prof. IVON MINGASHANG Encadreur: C.T. KASAY DALMOND

Année académique : 2012- 2013

[j]

EPIGRAPHE

Etre responsable c'est subir soi même les conséquences des ses actes. Tour savoir dans quelle mesure on crée des dommages à autrui, il faut préalablement que le droit des uns et des autres ait été défini. C'est pourquoi la responsabilité ne peut se définir indépendamment de la propriété.

T. SALIN, Libre-échange et protectionnisme, Taris, T.U.F., 1991, T.13.

[ii]

A toute la famille M'panda ainsi qu'à toute celle des scientifiques du
monde, nous dédions ce travail.

[iii]

REMERCIEMENTS

Nous tenons à adresser nos remerciements à tous ceux qui, directement ou indirectement, nous ont aidés à accomplir ce travail. Nous remercions toute l''université de Goma ainsi que tout son corps académique qui ont mis à notre disposition un enseignement de qualité tout au long de notre formation. Nos remerciements particuliers s'adressent au Professeur Ivon Mingashang qui a accepté de diriger ce mémoire ; aussi, nous remercions le Chef des travaux Xasay Dalmond qui nous a encadré tout au long de l'élaboration de ce travail. Nos remerciements particuliers s'adressent également à nos parents qui ont consenti d'énormes sacrifices pour que nous puissions étudier dans des meuilleures conditions, notre père, M'panda Ngoy, notre mère, Xahambu Maximila, nos chers soeurs et frères ; Xyalu M'panda, Xisumbule Xamango syntyche, Xyomba M'panda, Fatuma M'panda. Nous remercions également nos oncles paternels, Joachin M'panda Mwimba et Albert Munganga ainsi que leurs femmes respectives, Joséphine M'panda et Fatuma Munganga. Nous adressons également nos sincères remerciements à nos deux beaux frères, Bandu Mirimo et Fataki Séverin, qui nous ont particulièrement assistés tout au long de l'élaboration de ce travail. Nous remercions également notre oncle maternel, Cosmas Xamango, qui nous a également assisté dans l'accomplissement de cette oeuvre.

Nous ne saurons pas ne pas remercier et rendre un hommage à tous nos amis et camarades de lutte, notamment Xakule Bembeleza, Erick Xapakasi, Akwipato Bazakwena, Benjamin Musemakweli, Mulamba Lubungu, Mema Cimanuka, Ange Mulirirwa, Alain Musavuli ainsi que tous ceux qui, à un titre ou un autre, ont contribué à la réalisation de cet oeuvre.

MIXITI M'PANDA henry

[iv]

SIGLES ET ABREVIATION

A.F.D.I. : Annuaire Français de Droit International

A.G.N.U.: Assemblée Générale des Nations-Unies

A.J.I.L.: American Journal International Law

A.P.D. : Archives de Philosophie du Droit

Add. : Addenda

Aff. : Affaire

B.P. : Boite Postale

C.D.I. : Commission du Droit International

C.d.s. : Conseil de sécurité

C.I.J. : Cour Internationale de Justice

C.P.I. : Cour Pénale Internationale

C.P.J.I. : Cour Permanente de Justice Internationale

C.T. : Chef des Travaux

E.J.I.L.: European Journal of International Law

I.C.L.Q. : International and Comparative Law Quarterly

I.D.I.: Institut de Droit International

L.G.D.J. : Librairie Générale de Droit et des Jurisprudences

Loc.cit : Article déjà cité

N.I.C.L.A.: New International Criminal Law-thesaures Acroasium

N° : Numéro

O.N.U. : Organisation des Nations Unies

Op.cit. : Ouvragé déjà cité

P. : Page

Prof. : Professeur

R.B.D.I. : Revue Belge de Droit International

R.C.A.D.I. : Recueil des Cours de l'Académie de Droit International de la Haye

[v]

R.G.D.I.P. : Revue générale de droit international public

R.S.D.I.E. : Revue Suisse de Droit International et de Droit européen

Réc. : Recueil

S.D.N. : Société des Nations

T.P.I.Y. : Tribunal International Pénal pour l'ex-Yougoslavie

U.L.B.: Université Libre de Bruxelles

Vol. : Volume

[1]

INTRODUCTION

La question de la responsabilité est au coeur de tout système juridique. En droit international, elle constitue un des thèmes les plus importants et les plus débattus1. Une question dans une autre est celle de l'existence, en droit international, d'une responsabilité pénale des Etats. En effet, en droit international, on a toujours débattu sur l'existence des faits illicites des Etats qui seraient à classer dans une catégorie différente de celle où sont classés tous les autres faits internationalement illicites, faits qui ont été dénommés « crimes internationaux des Etats »2.

Voilà qui nous amène à nous interroger aussi, en partant de cette notion de crime de l'Etat, sur la pénalisation de la responsabilité de l'Etat dans l'ordre juridique international.

L'analyse que nous entreprenons sur la responsabilité internationale des Etats particulièrement sur la responsabilité pénale n'est pas première, des nombreux développements ont été réalisés tant dans la doctrine que dans la jurisprudence mais aussi dans l'oeuvre de la codification de la C.D.I.

En effet la C.D.I. a eu, dans le cadre des ses travaux sur la responsabilité internationale d'un Etat pour fait illicite, à développer la question des crimes internationaux de l'Etat3 et de la responsabilité de l'Etat pour violation des règles du jus cogens4. La question de la responsabilité internationale pénale, en ce qui concerne l'imputabilité des faits illicites à l'Etat, a également déjà fait l'objet des développements importants, dans la jurisprudence, notamment par la Cour Internationale de Justice et a amené à des divergences avec le Tribunal International Pénal pour l'ex Yougoslavie, preuve de la fragmentation du droit international à ce sujet5. Par ailleurs, une importante doctrine s'est, depuis l'adoption du fameux article 19 qui introduit la notion des crimes internationaux de l'Etat dans le Projet en première lecture et de l'article 40 qui introduit celle de responsabilité pour violation d'une règle de jus cogens

1 O. QUIRICO, Réflexions sur le système du droit international pénal : la responsabilité « pénale »des Etats et des autres personnes morales par rapport à celle des personnes physiques en droit international, Thèse, Toulouse1, 2005, p1.

2PELLET, A., « vive le crime ! Remarques sur les degrés de l'illicite en droit international », in C.D.I., le droit international à l'aube du 19e siècle-Réflexions des codificateurs, Nations Unies, New York, 1997, pp. 287-315

3 Art. 19 du projet d'article sur la responsabilité des Etats adopté en première et deuxième lecture in Ann. C.D.I 1976, p306.

4 J. CRAWFORD, Les articles de la C.D.I.sur la responsabilité de l'Etat, Pédone, Paris, 2003, p.83.

5 CONFORTI, B., « unité et fragmentation du droit international : glissez, mortels, n'appuyez pas ! »in R.G.D.I.P., 2007, pp.5-18.

[2]

dans le projet final, s'est développée, opposant farouchement les tenants de la pénalisation du droit international à ceux qui contestent cette thèse.6

En fait tout système juridique suppose que ses sujets engagent leur responsabilité lorsqu'ils commettent des actes répréhensibles ou qui portent atteinte aux intérêts des autres membres du groupe. En effet comme l'a observé le professeur P. REUTEUR « la responsabilité est au coeur du droit »7. Dans le système international elle constitue une partie essentielle de ce que l'on pourrait considérer comme constitution de la communauté internationale8. En fait comme l'a bien dit la C.I.J., la responsabilité est le « corolaire important du droit »9. Dans l'ordre juridique international caractérisé par l'égalité souveraine des Etats, elle apparait comme le mécanisme régulateur essentiel et nécessaire des rapports mutuels des sujets du droit international. Le principe selon lequel tout comportement d'un Etat contraire au droit international entraine sa responsabilité n'a pas besoin d'être justifié ou déduit des autres principes, car « il est expressément reconnu ou du moins clairement présupposé par une pratique unanime ».10Elle est une conséquence de l'existence d'un droit international et constitue la matrice de ce qu'il convient d'appeler la « communauté internationale ».

Comme on l'a déjà évoqué, la responsabilité est l'un des thèmes les plus importants et ayant été à l'origine des vives polémiques entre la doctrine du droit international ; celle-ci a emmené la C.D.I. à se pencher sur la question dans le cadre de ses travaux à partir des années 50 et cela pour essayer de réaliser une théorie générale du droit de la responsabilité internationale. Un débat dans un autre, comme le dit QUIRICO, est celle de la responsabilité internationale pénale de l'Etat11A l'origine de ce grand débat, qualifié de saga juridique par A. PELLET12, il y a l'adoption en 1976 par la C.D.I.,dans le cadre de ses travaux sur l'élaboration d'un projet d'articles sur la responsabilité des Etats, du projet

6 Parmi les grands tenant de la pénalisation nous avons notamment A. PELLET, « la responsabilité de l'Etat pour la commission d'une infraction internationale », in H. ASCENSIO, E. DECAUX et A. PELLET « dir. », Droit international pénal, Pédone, Paris, 2012, pp. 607-630.Parmi les anti pénalistes nous avons RONSENSTOCK, R., « An international criminal Responsability of states ? » in EJIL, 1998 No 1,pp. 265-385, nous avons aussi BOWET, D., « crimes of states and the 1996 report of the international Law commission on state Responsibility »,in E.J.I.L.,1998 No1, pp. 163-173.

7REUTEUR, P., « trois observations sur la codification de la responsabilité internationale des Etats pour fait illicite », in le droit international au service de la paix, de la justice et du développement, Mélanges Michel virally, Paris, Pédone, 1991, p. 390.

8 Idem, p.391.

99 C.I.J., Affaire de la Barcelona traction, light and power company, limited (Belgique c. Espagne), deuxième phase, arrêt du 5 Février 1970, Rec.1970, p.34.

10 .R. AGO, Troisième rapport sur la responsabilité des Etats, C.D.I., 1971, Vol2, 1ère partie, p 216.

11 O. QUIRICO, op. cit., p.17.

12 PELLET, A., loc. cit. , note 2, p3.

[3]

d'article 19 établissant une distinction entre deux catégories de faits illicites des Etats eu égard à l'objet de l'obligation violée13. Cet article qui sera au coeur des vives polémiques va disparaitre dans la version finale adoptée en 2001, du moins dans ses énoncées, car toute sa substance va être malignement conservée notamment par l'article 40 de la version finale qui institue la responsabilité pour violation des règles du jus cogens14. Ainsi comme l'a bien dit le professeur A. PELLET « Vive le crime, l'existence de feu crime international de l'Etat, qui, tel le phoenix, est né à nouveau des cendres où l'on voulait l'enterrer »15. Et donc le Projet, en particulier, et le droit international, en général, continuent d'être hantés par le fantôme du crime. Il n'est donc pas juridiquement admissible, il s'avère même logiquement inacceptable, partant moralement insoutenable qu'on insinue qu'un débat sur la responsabilité pénale de l'Etat dans l'ordre juridique international est soit sans effet soit déjà tranché.

En effet l'article 19 consacré dans le projet de 1976, reconduit en 1996 en première lecture lors de l'adoption de l'ensemble du projet, et son succédant l'article 40, retenu dans le projet final de 2001, vont principalement focaliser nos analyses pour essayer de répondre à la question de l'établissement ou non du principe de la responsabilité pénale des Etats dans l'ordre juridique international.

En fait, calé sur l'adage « societas delinquere non potest », le droit international considérait que la responsabilité de l'Etat ne saurait être engagée que pour réparer un préjudice, cette vision, qu'on qualifierait de civiliste16, n'est plus en vigueur depuis la fameuse « révolution agoenne ou agoiste »17- c'est-à-dire la mutation fondamentale que la commission a fait subir à la notion traditionelle de la responsabilité de l'Etat sous l'impulsion de R. AGO. En effet avant cette révolution le dommage constitué le point focal de la responsabilité en droit international. Tel n'est plus le cas depuis la nomination de R. AGO comme rapporteur spécial de la C.D.I.en 1961 sur la question de la responsabilité. Du coup en écartant le préjudice comme fait générateur de la responsabilité de l'Etat, R. AGO et la C.D.I. ont ouvert des brèches pour une responsabilité des Etats du type pénal dans l'ordre juridique international. Cependant cette innovation, qualifiée par L. HENNEBEL et H. TIGROUDJA

13 PELLET, A., loc. cit. , note 2, p4.

14 J. CRAWFORD, op. Cit. p.83.

15 PELLET, A., « le crime international de l'Etat-un phoenix juridique », in the New international criminal Law-thesaures Acroasium, 2011.International Law session.

16 A. PELLET, op. Cit. , note6, p1.

17 Idem, p. 2.

[4]

de la criminalisation du droit international de la responsabilité des Etats18,bien qu'ayant des tendances à la pénalisation du droit international, éprouverait beaucoup des difficultés pour s'affirmer comme telle dans le droit international suite à l'absence d'une hiérarchie structurée. Toutefois l'émergence du concept de jus cogens c'est-à-dire d'obligations erga omnes absolue- indivisibles-impliquant la constitution d'un ordre public international, pourrait permettre l'évolution du droit international de la responsabilité dans le sens pénal19. En effet, Selon QUIRICO, «si en raison de la nature volontariste et horizontale du droit international, on ne saurait parler d'un droit pénal de l'ordre juridique international, alors, plus radicalement, on ne pourrait même pas parler d'un droit international public étant donné que le droit public nait, de façon unilatérale, de l'autorité supérieure »20. Il est donc clair que si en raison du volontarisme qui caractérise le droit international on ne saurait parler d'un droit pénal de responsabilité internationale, en raison de l'objectivisme, par contre, on tenterait d'envisager une telle hypothèse; en effet la notion de crime international de l'Etat ou son succédant, la responsabilité pour violation du jus cogens consacrant la notion de communauté internationale pourraient emmener celle-ci à sévir, au nom de toute la communauté, ses membres fautifs , comme le ferait, dans l'ordre juridique interne, l'Etat au nom de la communauté nationale.

Notre point essentiel est l'analyse du sens que renferment le mot crime et son succédant, la responsabilité pour violation des règles impératives du droit international ; pourraient- ils induire une quelconque pénalisation du droit international ? Cependant nous devons maintenir à l'esprit que criminalisation ne signifie pas forcément pénalisation, car pour passer de la première à la seconde il faut l'existence d'un système plus ou moins cohérent, c'est-à-dire qu'il faut des crimes bien établis d'avance comme le fait l'article 19 bien que maladroitement, nullum crimen sine lege21, des peines bien définies préalablement, nulla poena sine lege et l'existence d'une procédure claire, connue d'avance et équitable, nulla judicium sine lege.

On remarquera, eu égard à ce qui précède, qu'une notion de la responsabilité internationale pénale de l'Etat, dans l'hypothèse où elle serait envisageable, serait en elle-même contentieuse et devrait répondre à des importantes questions systémiques qui se

18 L. HENNEBEL et H. TIGROUDJA, le particularisme interaméricain des droit de l'homme : en l'honneur du 40eme anniversaire de la convention américaine des droits de l'homme, Pédone, Paris, 2009, P.22.

19 O. QUIRICO, op. cit., p.17.

20 Idem, p.18.

21 A., PELLET, op. cit., note6, p7.

[5]

poseraient autour de son éventuelle consécration. Notons que, tout au long de ce travail, nous essayerons de répondre à quelques unes d'entre elles, notamment :

A) Quel est le sens de la criminalisation de la responsabilité de l'Etat ou de la responsabilité pour violation des règles du jus cogens par l'Etat consacrée par la C.D.I. dans l'avant projet de 1976 repris dans celui de 1996 et synthétisé dans le projet final de 2001?

B) Quel serait le régime juridique de la responsabilité internationale pénale de l'Etat, dans l'hypothèse où elle serait envisageable, partant de la notion de crime international de l'Etat ou de la violation d'une règle du jus cogens ?

Voilà les grandes problématiques, bien sur avec d'autres sous questions, qui retiendrons notre attention tout au long de cette analyse.

Répondre provisoirement à des questions, aussi fondamentales, dans une problématique de la responsabilité pénale de l'Etat sur le plan international, que celles que nous nous sommes ci-haut posées nous parait particulièrement périlleux compte tenu, comme on l'a dit, du caractère décentralisé et intersubjectif du droit international, ne permettant pas d'envisager une quelconque responsabilité internationale des Etats sur le plan pénal. Toutefois, suite à l'émergence du concept de jus cogens, une évolution dans ce sens serait possible. Ainsi pour répondre à la première question de savoir quel est le sens du mot crime retenu dans le projet de 1976, repris dans celui de 1996 et celui de la responsabilité pour violation des règles du jus cogens dans le projet final de 2001 de la C.D.I. ; on peut dire d'entrée de jeu que le terme crime international tirerait sa matrice de l'émergence de la théorie du jus cogens. En effet ces deux institutions seraient la consécration d'un autre degré, plus grave ou lourde, de responsabilité internationale, degré consacré notamment par les paragraphes 2 et 4 de l'article 19 de l'avant projet de 1976, repris dans le Projet de 1996 et par l'article 40 adopté dans le projet final, en dehors de la responsabilité minime pour délit ; selon une certaine doctrine il ne s'agirait pas d'une différence de degré mais bien d'une différence de nature22. Par leur nature même, les délits mettraient en cause les seuls intérêts des Etats concernés, alors que les crimes toucheraient l'ensemble de la communauté internationale. A la question de savoir quel est le régime juridique de la responsabilité internationale pénale de l'Etat partant de la notion de crime international étatique ; pour répondre à cette question, on tentera d'étudier la structure tant matérielle que formelle de la notion du crime international

22PELLET, A., «can a state comit a crime ?Definitely yes» in E.J.I.L. n° 10, 1999,P.427.

[6]

de l'Etat ou de son succédant, violation de l'obligation du jus cogens. En effet du point de vue matériel l'Etat engagerait sa responsabilité internationale pour crimes c'est-à-dire pour violation d'une obligation lui incombant envers toute la communauté internationale dans son ensemble notamment pour agression, atteinte à l'environnement, etc., obligations retenus par le projet d'article 19 que la notion d'obligation du jus cogens synthétise dans l'article 40 du projet final. Du point de vue formel, l'Etat encourait des sanctions suis generis notamment les contre mesures sur base d'une procédure bien établie et encadrée dans le projet de la C.D.I.

Notre analyse s'appui sur une assise méthodologique bien définie. En effet dans le cadre de ce travail nous allons nous servir de la théorie analytique du droit23 couplée à une approche objective du droit international24 .La théorie du droit nous permettra de déterminer la place du principe de responsabilité internationale pénale étatique dans l'ordre juridique international, nous nous focaliserons pour ce faire sur la notion du crime international et celle de la violation des règles du jus cogens. L'approche objective quant à elle, nous permettra de comprendre la notion du jus cogens et celle de communauté internationale, matrice de la notion du crime international de l'Etat, dans un droit international dominé par des tendances volontaristes.

L'analyse que nous entreprenons sur la question de responsabilité

internationale pénale des Etats n'est pas sans intérêt, en effet elle comporte un double intérêt, un intérêt pratique et intérêt scientifique. Sur le plan scientifique, la question de la responsabilisation de l'Etat, sujet principal du droit international, surtout sur le plan pénal est d'un intérêt scientifique, pédagogique crucial car, depuis très longtemps, elle a fait couler beaucoup d'encres et des salives, déchirant les internationalistes entre les pro et les anti pénalistes du droit international ; et donc aussi petite que soit la pierre apportée par cette analyse à l'édifice-droit international de la responsabilité internationale pénale de l'Etat-elle constitue une base des données importante pour tout chercheur, tout étudiant ou praticien du droit s'intéressant à la question de la pénalisation de la responsabilité des Etats. Sur le plan pratique cette analyse n'en demeure pas moins intéressante. En effet la scène internationale connait des grandes turbulences, des graves violations des droits de l'homme se commettent à large échelle à la charge des Etats ; donc il est important de pouvoir clarifier une telle notion pour emmener chaque Etat à être conséquent par rapport à ses agissements sur la scène international, de sorte que lorsque des violations se commettrons que l'on sache en quoi s'en

23 O. CORTEN, Méthodologie du droit international public, Bruxelles, Ed. De U.L.B, 2009, p28.

24 Idem, p.48.

[7]

tenir tant pour indemniser les éventuelles victimes que pour tirer toute les conséquences sur le plan juridictionnel d'une telle responsabilité.

Néanmoins, on ne saurait pas au cours d'une étude comme celle-ci, prétendre appréhender toutes les thématiques relatives à la question de la pénalisation du droit international. C'est ainsi que notre travail sera focalisé exclusivement sur la responsabilité internationale pénale de l'Etat pour fait illicite tout en ne négligeant pas les interactions possibles que ce type de responsabilité pourrait avoir avec d'autres types de responsabilité notamment la responsabilité internationale pénale individuelle et la responsabilité internationale pénale des Organisations internationales. Notre analyse, par contre, s'appuie sur les règles primaires et les règles secondaires du droit international, Nos matériaux ce sont les travaux de la C.D.I. notamment l'avant projet de 1996 et le projet final de 2001 mais aussi les différents rapports publié dans l'Annuaire de la C.D.I. par les rapporteurs qui se sont succédés sur cette question.

Ainsi notre analyse sera articulée autour de deux grands chapitres, subdivisés chacun en deux sections. En effet le premier chapitre, intitulé le crime de l'Etat dans le Projet de la C.D.I. : une consécration de la responsabilité internationale pénale de l'Etat ?, essaye de dégager le sens que la C.D.I. attendait accorder au mot crime ou à la violation de l'obligation de règles de jus cogens et voir, en analysant les conséquences du crime, si une telle signification pourrait induire une quelconque responsabilité pénale. Dans le second chapitre, intitulé le régime juridique de la responsabilité internationale pénale de l'Etat partant de la théorie du crime international, nous essayons, en analysant la structure de l'infraction de l'Etat c'est-à-dire le crime ou la violation d'une règle du jus cogens, de répondre à la question des faits infractionnels qu'on peut imputer à l'Etat et cela en partant de l'article 19, nous analysons aussi la question de la procédure et de la sanction dans le cadre de la responsabilité internationale.

[8]

CHAPITRE I : LE CRIME DE L'ETAT DANS LE PROJET DE LA C.D.I. : une consécration de la responsabilité internationale pénale de l'Etat?

La responsabilité internationale est l'un des chapitres les plus importants et les plus débattus en droit international. Elle a notamment fait l'objet des développements importants par la C.D.I. dans le cadre de ses travaux sur l'élaboration d'un projet d'articles sur la responsabilité internationale de l'Etat. Celle-ci a, dans le cadre de son projet adopté en première lecture en 1976 et sous l'impulsion de son rapporteur spécial sur la question de la responsabilité- R. AGO, consacré à travers son projet d'article 19 la « responsabilité internationale de l'Etat pour crime »(SECTION1), article qui a, du reste, été maintenu jusque dans l'adoption du projet complet en première lecture en 1996. Ayant été à la base d'une vive polémique non seulement entre les Etats mais aussi dans la doctrine internationale, la C.D.I. a jugé mieux d'abandonner cet article au nom de la cohésion internationale, du moins dans sa terminologie, car sa substance avait été malignement conservée notamment par l'article 40 du projet final. Il est évident que cette consécration du crime international ; bien que n'ayant pas été retenue, du moins dans sa terminologie parce que la réalité qu'elle désignait est bel et bien là, établit une importante distinction en droit international entre les catégories des faits internationalement illicites et par ricochet deux régimes juridiques distincts de responsabilité en droit international et qui engendrent chacun des conséquences propres(SECTION2), l'une qualifiée de mineur ou d'ordinaire et l'autre pour crime, qualifié d'aggravée par l'article 40 du projet final.

SECTION I : LA RESPONSABILITE INTERNATIONALE DE L'ETAT POUR CRIME DANS LE PROJET DE LA C.D.I.

Nommé comme rapporteur spécial de la C.D.I. sur la question de la responsabilité des Etats après le cubain F. V. GARCIA AMADOR qui montrait déjà ses limites dans la direction d'un projet aussi ambitieux comme celui sur la responsabilité internationale de l'Etat, l'italien R. AGO qui était un esprit supérieurement subtil va complètement bouleverser toute l'approche du droit de la responsabilité internationale surtout en innovant avec un nouveau paradigme de la définition de la responsabilité internationale(§1), celui-ci va être à la base des premières tendances pénalistes dans un droit qui était, jusque là, d'essence civiliste25 et qui aboutira à la consécration d'un double degré de

25 PELLET, A., loc.cit., note15, p. 322.

[9]

responsabilité en droit international( §2) l'un qualifié de grave ou criminelle, et l'autre de mineur ou d'ordinaire.

§ 1 Nouvelle approche définitionnelle de la responsabilité international de l'Etat : la perspective pénaliste

Il nous parait particulièrement important que pour comprendre la notion même

de crime international de l'Etat ou celle équivalent- le changement n'est que de nom-de « violations graves d'une obligation découlant d'une norme impérative du droit international général »26, il faut se faire une idée plus ou moins claire du système général de la responsabilité internationale c'est-à-dire de sa définition. Or celle-ci est sortie transformée de fond en comble des travaux de la C.D.I. à la suite de ce qu'il n'est sans doute pas exagéré d'appeler « révolution agoiste »27.

Monsieur AGO et la C.D.I. ne fondent plus la question de la responsabilité sur la réparation d'un quelconque dommage, autrefois élément fondamental de la responsabilité, mais plutôt sur un manquement à une obligation internationale.

§1.1 L'évacuation du dommage du champ de la responsabilité internationale de l'Etat

Dans une conception classique du droit international, la responsabilité consiste

dans une obligation de réparer le dommage28. Ce dernier y tient une place importante. Il est l'une des conditions d'engagement de la responsabilité à coté de la violation par l'Etat d'une obligation lui incombant en vertu du droit international et du lien de causalité entre le fait illicite et le préjudice29. Sans le dommage il serrait, dans une conception classique, impensable d'envisager une quelconque responsabilité de l'Etat. Ceci n'est plus la réalité avec R. AGO qui révolutionne fondamentalement la conception de la responsabilité internationale toue entière. Désormais la responsabilité ne saurait être réduite seulement à la réparation. Pour Ago la conception traditionelle, qu'il récuse d'ailleurs s'oppose à deux autres conceptions. L'une qu'il attribue à KELSEN et qui consisterait à réduire la responsabilité non plus à la réparation mais à la sanction, et l'autre, la sienne, qu'il qualifie de médiane et qui consiste à additionner les conséquences réparatrices et punitives de la responsabilité30. Cette inclusion

26 PELLET, A., loc. cit. , note 15, p9.

27 Ibidem.

28 J. CAMBACAU in J. CAMBACAU et S. SUK, Droit international public, Domat-Monthchrétien, Paris, 1999, p.521.

29 DEHEMSS, J., « Chronique», in A.F.D.I., 1985, p. 604.

30 AGO, R., « Le délit international », inR.C.A.D.I, 1939.II, vol. 68, pp.415-554(reproduit dans Roberto Ago, scritti Sulla responsabilita internationale deli stati, Jovene, Publicazioni delle Facoltà di Giurisprudenza, della università di Camerino, 1979, vol. I, pp.141-269).

[10]

de la punition dans le droit de la responsabilité de l'Etat constitue une grande innovation et va permettre les développements qui conduiront à la consécration du crime international.

En effet la révolution conceptuelle proposée par AGO apparait dès le célèbre article premier du projet en première lecture de 1976, article qui a été maintenu jusque dans la version finale. Cet article dispose que : « tout fait internationalement illicite de l'Etat engage sa responsabilité internationale ».31Tout est clair, le dommage qui était au coeur de l'analyse traditionelle de la responsabilité est complètement évacué comme fait générateur. Du coup, à travers cette nouvelle approche, se trouve consacrée l'idée selon laquelle le droit international n'est guère un réseau des normes intersubjectives destinées d'abord, sinon exclusivement, à protéger la coexistence des Etats dans leurs intérêt communs.32 On peut envisager que cette idée est dans l'optique de l'établissement d'une communauté internationale qui contrairement à l'approche traditionelle, exclusivement, comme le dit le professeur PELLET, « souverainiste », elle tient compte des affleurements du « communautarisme » dans la sphère du droit international, aussi modestes et timides que ceux-ci demeurent33. On ne saurait douter qu'une telle approche contient des germes d'une pénalisation dans l'ordre juridique international. Désormais, comme sur le plan interne où l'Etat réprime toutes les infractions au nom de la communauté, la communauté internationale peut, à son tour aussi, sanctionner des manquements qu'elle considère comme touchant à ses intérêts les plus fondamentaux.

Bien que contestée par certains Etats et par une certaine doctrine qui continuaient à soutenir la thèse du dommage comme fait générateur de la responsabilité et qui comptaient rédiger un contre projet, la C.D.I. a tenu contre vents et marées à l'exclusion du dommage dans le champ d'engagement de la responsabilité, ce qui constituait sa grande innovation, si non celle de tout le droit international.

Pour justifier l'exclusion du dommage, la C.D.I. donne l'exemple des traités relatifs aux droits de l'homme et des conventions internationales du travail en faisant valoir non sans raison que leur violation n'entrainaient en général aucun préjudice économique ni même moral pour les autres Etats parties mais n'engageaient pas moins la responsabilité de

31 C.D.I., Comptes rendus analytiques de la Vingt huitième session Ann. C.D.I. 1971, Vol II, 1ère Partie, P. 213, par.19.

32 CAMBACAU, J., « Le droit international, bric à brac ou système ? » in A.P.D., 1986, pp.85-105.

33 A. PELLET., La codification du droit de la responsabilité internationale : Tâtonnements et affrontements, in L. BOISSON DES CHAZOURNES et V. GOWLLAND-DEBBAS « dir », L'ordre juridique international, un système en quête d'équité et d'universalité, Liber Amicorum Georges Abi-saad, la Haye, 2001, p. 287.

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leurs auteurs34. Désormais seul le fait internationalement illicite peut engager la responsabilité de l'Etat. On retrouve le même écho sur le plan jurisprudentiel ; en l'occurrence la C.P.J.I. a, dans plusieurs affaires, eu à appliquer le principe énoncé à l'article premier du Projet de la C.D.I. sur la responsabilité des Etats35. La C.I.J. a elle aussi, à diverses reprises, fait application du même principe, dans l'affaire du détroit de Corfou36 , celle des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci37, et dans celle du projet Gabcikovo-Nagymaros38. Par ailleurs, la C.I.J. a également fait mention de ce principe dans plusieurs de ses avis consultatifs, notamment celui sur la réparation des dommages subis aux services des Nations Unies39 et celui sur l'interprétation des traités de paix conclus avec la Bulgarie, Hongrie et la Roumanie(deuxième phase)40. Dans plusieurs affaires, des tribunaux arbitraux ont, eux aussi, appliqué le principe de la responsabilité objective en exclusion du dommage41.

Bref il ressort clairement de la pratique des Etats et de la jurisprudence internationale que le dommage ne pourrait plus être pris en compte dans l'établissement de la responsabilité sur le plan international. Seul le fait internationalement illicite et seulement lui peut engendrer une responsabilité de l'Etat qui en est l'auteur. Il reste maintenant qu'il faut déterminer quels sont les éléments constitutifs d'un fait internationalement illicite de l'Etat c'est-à-dire les conditions qui sont nécessaires pour l'engagement de la responsabilité de l'Etat.

34C.D.I., Rapport aux vingt- cinquième sessions, A/CN.4/480/Add. 4, pp. 8-11, pars. 116-121.

35C.P.J.I., Aff. Des phosphates du Maroc, Italie/France, exceptions préliminaires, 1938, Série A/B n° 74, p.28, V. aussi C.PJ.I., Aff. Vapeur Wimbledon, Grande Brétagne, France, Italie, Japon/ Pologne/ Pologne, 1923, Série A n° 1, p. 30 ; v aussi C.P.J.I., Aff. Usine de Chorzów, Allemagne/Pologne, compétence, 1928, Série A n°9, p.21.

36 C.IJ. Détroit de Corfou, fond, (Royaume uni c. Albanie)., Recueil 1949,p.23.

37 C.I.J., Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats unis d'Amérique), fond, Recueil 1986, p.142, par.283 ; p149, par.292.

38 C.I.J., Projet Gabcikovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie),. Recueil 1997, p.38, par.47.

39 C.I.J., Réparation des dommages subis aux services des Nations Unies, avis consultatif, Recueil 1949, p.184. 40C.I.J., Interprétation des traités de paix conclus avec la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie, deuxième phase, avis consultatif, Recueil 1950, p.221.

41Nations Unies, Rainbow Warrior (Nouvelle-Zélande/France), Recueil des sentences arbitrales, Vol. xx, p.217(1990).

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§1.2. Les conditions d'engagement de la responsabilité internationale : Eléments constitutifs du fait internationalement illicite

L'article 2 du Projet de la C.D.I. sur la responsabilité des Etats est assez clair quant à ce qui concerne les conditions requises pour engager la responsabilité de l'Etat sur le plan international. Cet article énonce deux éléments constitutifs du fait internationalement illicite, celui-ci étant considéré comme seule condition pour engager la responsabilité de l'Etat sur le plan international, il s'agit : premièrement, le comportement en question doit être attribuable à l'Etat d'après le droit international, deuxièmement , pour qu'une responsabilité naisse du fait de l'Etat, ce comportement doit constituer une violation d'une obligation juridique internationale qui était alors à charge de l'Etat42. On a que deux conditions et seulement deux et qui sont cumulatives pour pouvoir engager la responsabilité de l'Etat dans l'ordre juridique international. La C.P.J.I. a, notamment dans l'affaire des phosphates du Maroc, estimé que « la naissance d'une responsabilité internationale est conditionnée à l'existence d'un acte imputable à l'Etat et décrit comme contraire aux droits conventionnels d'un autre Etat »43 . Pour la C.I.J., qui s'est également référée plusieurs fois à ces deux éléments pour établir la responsabilité, notamment dans l'affaire relative au personnel diplomatique et consulaire des Etats Unis à Téhéran où elle souligne « que pour établir la responsabilité de l'Iran tout d'abord elle doit déterminer dans quelle mesure les comportements en question peuvent être considérés comme juridiquement imputables à l'Etat. Ensuite, elle doit rechercher s'ils sont compatibles ou non avec les obligations incombant à l'Iran en vertu des traités en vigueur ou de toute autre règle de droit international éventuellement applicable ». Dans l'affaire du génocide, la Cour constate dans un premier temps que « les massacres commis dans la région de Srebrenica étaient constitutifs du crime de génocide au sens de la convention de 1948 puis, en vue de rechercher si la responsabilité internationale de la Serbie était susceptible d'être engagée en liaison avec ces faits, elle s'est demandé en outre « si les actes de génocide commis pourraient être attribués au défendeur en application des règles du droit international coutumier de la responsabilité internationale des Etats, en précisant que cela revient à se demander si ces actes ont été commis par des personnes ou des organes dont le comportement est attribuable à l'Etat défendeur »44. Dans

42 J. CRAWFORD, op. cit., p.75.

43 C.P.J.I., Aff. Phosphates du Maroc, op.cit., p.10.

44 C.I.J., arrêt, 26 Février 2007, Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), Fond, Rec., 2007, par.414.

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l'affaire des activités armées sur le territoire de la République Démocratique du Congo, la C.I.J. met aussi en exergue ces deux éléments.45

Il faut noter que l'élément de l'attribution a parfois été qualifié de subjectif et celui de la violation d'objectif, mais il est clair que cette terminologie n'a pas été retenue dans les articles de la C.D.I.46 Le fait qu'il y ait ou non manquement à une règle peut dépendre de l'intention des organes ou agents habilités de l'Etat ou de la connaissance qu'ils ont ; en ce sens, déterminé l'existence ou l'inexistence d'une violation peut être subjectif.

Le comportement attribuable à l'Etat peut consister en une action ou une omission. Les cas dans lesquels la responsabilité internationale d'un Etat a été invoquée sur la base d'une omission sont aussi nombreux que ceux qui se fondent sur des faits positifs47.

En effet pour qu'un comportement déterminé puisse être qualifié de fait internationalement illicite, il doit avant tout être un comportement attribuable à l'Etat. L'Etat est une entité organisé réelle, une personne juridique ayant pleine qualité pour agir d'après le droit international. Mais le reconnaitre ne veut pas dire nier la vérité élémentaire que l'Etat comme tel n'est pas capable d'agir. Un fait de l'Etat met nécessairement en jeu une action ou une omission d'un être humain ou d'un groupe : les Etats ne peuvent agir qu'au moyen et par l'entremise de la personne de leurs agents et représentants48. Donc il est important de déterminer par quels organes les Etats engagent leur responsabilité sur le plan international ; il faut noter que cette question ferra l'objet d'un examen plus approfondi dans le second chapitre. Toutefois, nous devons signaler que lorsqu'on parle de l'attribution d'un comportement à l'Etat, il s'agit d'un Etat sujet de droit international.

La deuxième condition pour qu'il y ait fait internationalement illicite de l'Etat est que le comportement attribuable à l'Etat constitue une violation par cet Etat d'une obligation internationale existant à sa charge, l'expression « violation par l'Etat d'une obligation internationale existant à sa charge »est établie depuis de longue date et s'applique aux obligations tant conventionnelles que non conventionnelles.49

45 C.I.J., arrêt, 19 Décembre 2005, Activités armées sur le territoire du Congo (République Démocratique du Congo c. Ouganda), Rec. 2005, p.226, par.160.

46 J. CRAWFORD, op. cit., p. 98.

47 Ibidem.

48 Ibidem.

49 Ibidem.

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Partant, il n'y a pas d'exception au principe énoncé à l'article 2 selon lequel deux conditions doivent être réunies pour qu'il y ait fait internationalement illicite- la présence d'un comportement, attribuable à l'Etat d'après le droit international et la violation, par ce comportement d'une obligation internationale à sa charge. La question est de savoir si ces deux conditions nécessaires sont aussi suffisantes. On a parfois dit que la responsabilité internationale ne peut être engagée par le comportement d'un Etat qui manque à ses obligations que s'il existe un autre élément, en particulier celui du dommage causé à un autre Etat.50 Mais la nécessité de tenir compte de tels éléments dépend du contenu de l'obligation primaire, et il n'y a pas de règle générale à cet égard. Ainsi, l'obligation contractée par traité d'adopter une loi uniforme est violée si cette loi n'est pas adoptée, et il n'est pas nécessaire qu'un autre Etat partie argue d'un dommage spécifique qu'il aurait subi par ce manquement. Pour être en mesure de déterminer si une obligation particulière est violée du seul fait que l'Etat responsable n'a pas agi ou pour qu'elle le soit quelque autre événement doit se produire, il faut partir du contenu et de l'interprétation de l'obligation primaire, et l'on ne peut le faire dans l'abstrait.51

§2 Différents degrés de responsabilité en droit international, crime ou responsabilité aggravée et délit ou responsabilité ordinaire

Comme nous l'avons dit, en évacuant le dommage dans le champs de la définition de la responsabilité internationale, AGO rendait possible une distinction entre, d'une part, les violations « ordinaires » du droit international qualifiées de délits, celles qui, pour regrettables qu'elles soient, ne concernent que l'Etat ou les Etats lésés de l'autre l'Etat ou les Etats responsables, et, d'autre part, celles qui mettent en cause les intérêts majeurs , fondamentaux de la communauté internationale dans son ensemble, quand bien même aucun Etat particulier n'est lésé.52

Cette dernière catégorie de responsabilité introduit une dose de pénalité dans l'ordre juridique international. En effet comme en droit interne l'Etat incrimine les violations aux intérêts les plus fondamentaux de la communauté nationale, même si il n'y a pas ou plus de victime, ceci est désormais possible en droit international. Mais cela paraitrait simpliste de pouvoir réduire un régime pénal à une simple distinction de régime de responsabilité en droit international, car un système pénal cohérent doit faire plus que cela c'est-à-dire mettre en place un système clairement défini. Toutefois cette distinction a le grand mérite d'affirmer

50 J. CRAWFORD, op. cit., p99.

51 Ibidem.

52 PELLET, A., loc. cit, note 15, p.26.

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haut et fort que le droit international n'est pas, comme on l'a toujours envisagé, un réseau d'intérêts subjectifs des Etats mais qu'il tient compte d'un degré de solidarité pour protéger les intérêts les plus fondamentaux de ce qu'il faut qualifier de « communauté internationale ».

En fait la distinction entre délits et crimes apparait dans le projet de 1976 jusque à celui de 199653, mais cette terminologie, ayant été à l'objet d'une vive polémique de la part de certains Etats et d'une certaine doctrine, va être écartée tout en conservant intelligemment la substance qu'elle représentait.54 On devra donc toujours garder à l'esprit que ce qu'on appelait jadis « crime » international de l'Etat dans le projet de 1976 et 1996 renvoi à la même réalité juridique que ce que l'article 40 du projet final désigne par responsabilité découlant de la violation grave d'une norme impérative du droit international général.55

§2.1. Crime et délit, une distinction qualitative

C'est le 6 Juillet 1976 que la C.D.I. a adopté, à l'unanimité, conformément à la proposition de AGO, le texte de l'article 19 de la première partie de son Projet d'articles sur la responsabilité des Etats.56 Il y est demeuré inchangé en 1996 lorsque la commission a approuvé, sans opposition, l'ensemble du Projet en première lecture. Cet article qui a fait couler beaucoup d'encres et de salives et suscité des débats passionnés entre Etats et doctrinaires internationalistes n'a pas été retenu dans le projet final mais a été jalousement conservé, notamment sa substance, par l'article 40 du Projet final adopté en 2001.

En effet les paragraphes 2 et 4 de l'article 19 disposent ce qui suit :

« 2 le fait illicite qi résulte d'une violation par un Etat d'une obligation si essentielle pour la sauvegarde d'intérêts fondamentaux de la communauté internationale que sa violation est reconnue comme un crime par cette communauté dans son ensemble constitue un crime international »

« 4 Tout fait internationalement illicite qui n'est pas un crime international conformément au paragraphe 2 constitue un délit international ».57

53 R. AGO, Cinquième rapport sur la responsabilité des Etats, in C.D.I., Annuaire 1976, Vol. II, 1ere partie, pp.26-57, pars.72-155.

54 PELLET, A., loc.cit., note 15, p.26.

55 Ibidem.

56 C.D.I. Comptes rendus analytiques des vingt huitième sessions, op.cit., P.256.

57 Le projet d'articles sur la responsabilité des Etats adoptés en première lecture par la C.D.I. est reproduit dans le rapport de la commission sur les travaux de sa 48ème session, Ann. C.D.I. 1996, Vol. II, 2ème partie, A/51/10, pp.148-172.

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On constate donc la différence nette de deux degrés de responsabilité qu'établit cette disposition dans l'ordre juridique international, mais comme constate le Professeur PELLET, il n'y a pas la qu'une simple différence de degrés, comme le soutenait une certaine doctrine, mais bel et bien une différence de nature c'set à dire de qualité : par leur qualité, les délits mettent en cause les seuls intérêts des Etats concernés, alors que les crimes atteignent la société internationale des Etats dans son ensemble. Il est clair qu'entre la violation « banale » d'une clause de traité de commerce et le génocide il n'y a pas commune mesure.58Pour CRAWFORD, la différence qualitative entre ces différents degrés des violations en droit international ne saurait être remise en cause59.

L'article 19 du Projet de 1996 et l'article 40 du Projet final semblent dégager deux critères de différenciation entre ces deux catégories de faits internationalement illicites. En effet le crime international de l'Etat ou la responsabilité aggravée doit s'agir des violations d'obligations découlant des normes impératives du droit international général ; et deuxièmement, les violations visées doivent avoir un caractère grave, de par leur échelle ou leur nature.60Dans ce sens il faut dire que la C.I.J. a eu, dans l'affaire de la Barcelona traction, à indiquer « qu'une distinction essentielle doit en particulier être établie entre les obligations des Etats envers la communauté internationale dans son ensemble et celles qui naissent vis-à-vis d'un autre Etat dans le cadre de la protection diplomatique. Par leur nature même, les premiers concernent tous les Etats. Vu l'importance des droits en cause, tous les Etats peuvent être considérés comme ayant un intérêt juridique à ce que ces droits soient protégés ; les obligations dont il s'agit sont des obligations erga omnes ».61 La Cour entendait ainsi confronter la situation de l'Etat lésé dans le contexte de la protection diplomatique avec celle de tous les Etats en cas de violation d'une obligation envers la communauté internationale dans son ensemble. Il est clairement établit qu'il y a de par leur qualité les obligations qui sont dû à toute la communauté internationale dans son ensemble et que tous les Etats ont un intérêt juridique à ce que ces droits soient protégés et celles qui ne sont dues qu'à un ou plusieurs Etats.62

La difficulté qui demeure cependant est celle de savoir si le crime international de l'Etat ou la responsabilité pour violation d'une règle impérative du droit international

58 PELLET, A., loc. cit. , note 15, p.27.

59 J. CRAWFORD, op. cit., p. 200.

60 Ibidem.

6161C.I.J., Barcelona Traction, op.cit., p.32, par.33. 62 J. CRAWFORD, op. cit., p.201.

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constituent des obligations erga omnes. A cette question, nous constatons tout d'abord qu'il y existerait une étroite relation entre ces deux notions. En effet, la doctrine a toujours soutenu que, la responsabilité pour crime telle qu'elle ressort de l'article 19 du Projet de la C.D.I. sur la responsabilité internationale des Etats et la responsabilité pour violation d'une norme impérative du droit international général tel qu'il ressort de l'article 40 du Projet final de 2001, constituent bel et bien des violations d'obligations erga omnes63. Il faut toutefois noter que la réciproque n'est pas forcément exacte c'est-à-dire que toute violation d'une obligation erga omnes n'est pas forcément une responsabilité pour crime. On donne généralement pour exemple que les Etats riverains sont tenus d'accorder à tous les navires le droit de passage en transit dans les détroits servant à la navigation internationale ; il s'agit là, assurément, d'une obligation erga omnes, mais son-non respect n'est pas un type de responsabilité aggravée, elle n'est pas dû envers la communauté internationale dans son ensemble.64

Dans plusieurs affaires, la C.I.J. a réaffirmé la notion d'obligation envers la communauté internationale, bien qu'elle se soit montrée prudente dans son application. Dans l'affaire du Timor oriental, elle a considéré « qu'il n' y avait rien à redire à l'affirmation du Portugal selon laquelle le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, tel qu'il s'est développé à partir de la Charte et de la pratique de l'organisation des Nations Unies, est un droit opposable erga omnes.65Elle prend la même position dans l'affaire de l'application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, en déclarant que « les droits et les obligations consacrés dans la convention sont erga omnes ».66 Par ailleurs, la notion d'obligation erga omnes ne saurait être dissociée de celle de la reconnaissance de la notion de norme impérative du droit international aux articles 53 et 64 de la convention de Vienne sur le droit des traités entre Etats.67 Ces dispositions reconnaissent l'existence des règles de fond si essentielles qu'aucune dérogation n'y est possible, même au moyen d'un traité.

63 J. CRAWFORD, op.cit., p.202.

64 PELLET, A., loc.cit., p23.

65 C.I.J., Timor oriental (Portugal c. Australie), Recueil 1995, p. 102, par. 29.

66C.I.J., Application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie Herzégovine c. Serbie et Monténégro), exceptions préliminaires, Recueil, 1996, p. 616, par. 31.

67 Conventions de Vienne sur le droit des traités, Nations Unies, Recueil des traités, Vol.1155, p.331.

[18]

§2. 2. Crimes internationaux et responsabilité pour violation d'une norme impérative du droit international : une même réalité juridique

Ayant été à la base d'une vive polémique, la terminologie pénaliste adoptait par la C.D.I. sous l'influence de AGO était finalement abandonné dans le Projet final de 2001. On pourra lire et relire le Projet final, des centaines des fois, nulle part on ne retrouvera plus le terme crime international. Cependant on ne devrait pas se laisser abattre par cet état des choses parce que lorsqu'on analyse bien les choses on se rend bien compte que la réalité juridique que représentait le terme crime est plus que jamais présente dans le Projet de la C.D.I. de 2001. On dirait même que la terminologie pénaliste en sort plutôt très renforcée.

D'après le dernier rapporteur de la C.D.I. sur la question de la responsabilité internationale des Etats, le professeur australien J. CRAWFORD, l'un des farouches opposant à la pénalisation du droit international, « la première partie du projet de la C.D.I. procède de l'idée que les faits internationalement illicites d'un Etat forment une seule et même catégorie et que les critères qui s'appliquent à ces faits(en ce qui concerne notamment l'attribution et les circonstances excluant l'illicéité) sont indifférents à toute distinction entre responsabilité délictuelle et pénale ».68 Le dernier rapporteur de la C.D.I. sur la question de la responsabilité se montre donc hostile à toute intrusion d'une quelconque terminologie pénaliste. Le professeur PELLET, l' un des fervents pénalistes du droit international, constate que « cette attitude de CRAWFORD témoigne de l'incompréhension- ou de refus de compréhension- du dernier rapporteur spécial de la C.D.I. de la portée réelle qu'AGO et les rédacteurs du Projet adopté en première lecture donnait au mot crime qui n'avait, dans leur esprit, aucune connotation pénale ».69 La C.D.I. n'avait, selon le professeur PELLET, aucune idée d'attacher à la distinction entre crimes et délits des formes des responsabilités qui s'apparenteraient à celles établies dans le système pénal classique.

Malgré les indications très claires en ce sens données par la C.D.I. dans le commentaire du Projet d'article 19 de 1976, le professeur CRAWFORD n'en a pas moins maintenu fermement son opposition au mot « crime » en se fondant, des fois à tort sur des analogies avec le droit interne alors même qu'il reconnaissait expressément que « l'idée qu'en

68CRAWFORD, J., BODEAU, P., PEEL, J., « La seconde lecture du projet d'articles sur la responsabilité des Etats de la commission du Droit International » in R.G.D.P., 2000, p.931.

69 PELLET, A., loc. cit. , note 15, p. 34.

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droit international la responsabilité n'est ni civile ni pénale mais simplement internationale n'est guère contestée ».70

Eu égard à ce qui précède, il était difficile que la commission n'adhère pas à l'opposition de son rapporteur à l'insertion du crime dans le Projet, fut- elle fondée sur un argument discutable.

On ne saurait ne pas reconnaitre le mérite de l'article 19, en tout cas de la substance qu'elle représentait. Cet article établit une importante distinction entre deux catégories des faits internationalement illicites et donc nier une telle existence équivaudrait presque à nier l'existence d'un ordre juridique international.

Comme est dit dans les commentaires de l'ancien article 19, plusieurs conventions utilisent le mot « crime » pour désigner les atteintes les plus graves à l'ordre juridique international : le génocide, l'apartheid, l'agression, le crime contre l'humanité, etc.71Et, aussi critiqué qu'il ait pu être, le mot est devenu d'usage courant dans la littérature internationale. Par ailleurs l'article 19 avait pour mérite de stigmatiser les comportements qu'il désignait, ceux qui portaient, en effet, les atteintes les plus graves « aux intérêts de la communauté internationale dans son ensemble.72

Cependant plusieurs critiques avaient été adressées à la formulation de l'article 19, la première est que, selon certains auteurs, cet article introduit dangereusement un concept pénaliste en droit international. La deuxième avait été adressée au paragraphe 4 de l'article 19 du Projet sur la responsabilité des Etats qui introduisait en droit international le concept de délit, un concept qui dans certains ordres juridiques internes a des connotations pénales alors que la C.D.I., dans son entendement, la considérer comme une sorte de responsabilité intersubjective .Pour résoudre ce problème on a proposé de renoncer au mot délit(en supprimant le paragraphe 4 de l'ancien article 19) tout en conservant le terme « crime » qui était intrinsèquement moins critiquable.73 Mais la C.D.I. sous l'influence de son rapporteur spécial, J. CRAWFORD, a du adopter la solution la plus radicale : on ne parlera ni de crime ni de délit.

70J CRAWFORD, Premier rapport sur la responsabilité des Etats, in A/CN.4/490 Add.3, par.81. 71 C.D.I., Ann. 1976, Vol. II, 2ème partie, p. 110, par. 59.

72PELLET, A., loc. cit. , note 15, p. 36 .

73 Ibidem.

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Mais faut- il pour autant dire que la réalité juridique que représentait l'article

19 a disparue ? ou que le droit international de la responsabilité est redevenu un corps des règles formant un régime unique qui serait de nature civile que pénale ? Nous ne pensons pas, car on a fait que remplacer les mots par leur définition à partir du Projet de 1996 jusqu'à celui final de 2001. Comme le dit le professeur PELLET, « la C.D.I., dans sa solution, a banni les le crime mais conservée la chose qu'il représentait ».74

Il faut cependant signaler que certains membres de la C.D.I. qui étaient hostiles à la pénalisation du droit international voulait purement et simplement bannir la distinction traditionelle, chose qui, pour les tenants de la criminalisation, et même pour le droit international lui-même, était inacceptable, ces derniers, comme nous d'ailleurs estimant que s'était inacceptable de mettre dans un même sac la violation d'un traité bilatérale de commerce et un génocide ou un crime contre l'humanité. Il fallait donc un consensus au sein de la C.D.I., ce à quoi n'arrivait guère les membres de la C.D.I., celle-ci décidait alors que :

a)sans préjudice des vues de quiconque parmi les membres de la commission, le projet d'article 19 serait laissé de coté pour le moment pendant que la commission poursuivait l'examen d'autres aspects de la première partie du Projet ;

b) il faudrait examiner si les questions soulevées par le Projet d'article 19 ne pourraient être résolus par un développement systématique, dans le Projet d'articles, de notions telles que les obligations erga omnes, les normes impératives (jus cogens) et une éventuelle catégorie regroupant les violations les plus graves d'obligations internationales » .75 En remettant à plus tard l'examen de la notion de « crime », la C.D.I. avait commis, selon notre avis, une grande erreur parce que créant un déséquilibre dans la première partie du Projet par rapport à la deuxième qui traitait des conséquences. Ce n'est que la dernière année de son mandat que le rapporteur spécial abordait encore à nouveau, dans son quatrième rapport, la question des crimes internationaux de l'Etat. Entre temps, la commission avait adopté l'essentiel de son projet sans se préoccuper d'une quelconque influence d'un régime de responsabilité propre aux violations graves du droit international sur la cohérence de tout le Projet. Il est vrai qu'en

74 PELLET, A., loc. cit. , note 15, p36.

75C.D.I., Rapport de la C.D.I. sur les travaux de sa cinquantième session, 1998, Assemblée générale, Documents officiel.

75 C.D.I., Ann. 1976, Vol. II, 2ème partie, p. 110, par. 59.

75 PELLET, A., loc. cit. , note 15, p. 36.

75 Ibidem.

75 Ibidem.

75C.D.I., Rapport de la 55ème Session, supplément n°10(A/53/10), par.331.

[21]

2000, le Professeur CRAWFORD a ouvert la voie à une solution, en s'interrogeant sur la question de savoir si « des conséquences supplémentaires à celles s'attachant normalement à un fait internationalement illicite peuvent être rattachées à la catégorie des violations graves, flagrantes et systématique des obligations dues à la communauté internationale dans son ensemble ».A cette question, il répondait par l'affirmative en considérant que ,«si on laisse de coté la terminologie controversée des crimes, les conséquences tirées des crimes par les articles 52 et 53 du Projet adopté en première lecture sont généralement acceptable »76. Cette position de CRAWFORD était une conversion partielle et déguisée du concept « crime », le mot excepté, et, sur cette base, le comité de rédaction a adopté en 2000, à titre provisoire, les projets d'articles 41 et 42, formant le chapitre III de la deuxième partie du projet sur le « contenu de la responsabilité internationale des Etats » et se substituant aux anciens articles 51 et 53 du Projet de 1996.77

Le mot crime y était soigneusement évité. Mais ce chapitre devait s'appliquer « à la responsabilité internationale découlant d'un fait internationalement illicite qui constitue une violation grave par un Etat d'une obligation envers la communauté internationale dans son ensemble et qui appelle des réactions spécifiques de la part de tous les membres de celle-ci ». Et la mention expresse des normes impératives du droit international général dans la nouvelle rédaction du chapitre III de la deuxième partie du Projet n'est pas sans avantages. Aussi discuté qu'elle ait pu être dans le passé, la notion du jus cogens est, maintenant, très généralement acceptée.78 Cependant il y a un problème qui subsiste parce que le Projet d'articles définitivement adopté par la C.D.I. ne définit pas ce qu'il faut entendre par « norme impérative du droit international ».79

Du coup on se rabat implicitement sur la définition figurant à l'article 53 de la convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités entre Etats, mais ceci avec beaucoup des risques et des fluctuations car, il faut le rappeler, les règles du jus cogens étaient conçues pour s'appliquer dans le domaine relatif uniquement.80

Mais quoi qu'il en soit, le Projet de 2001 va certainement dans la bonne direction, en se débarrassant du mot crime il prive d'arguments ceux qui s'appuyaient sur lui

76 J. CRAWFORD, Troisième rapport sur la responsabilité des Etats, A/CN.4/507/Add.4,par.407.

77 C.D.I., Rapport sur les travaux de sa 52ème Session, l'Assemblée générale, Documents officiels, 55ème Session, supplément n°10(A/55/10), pp.110-126.

78 PELLET, A., loc.cit., note 15, p.41.

79 Ibidem.

80 Ibidem.

[22]

pour nier la dualité, indispensable en droit international, de régimes de responsabilité, selon que le fait internationalement illicite atteint ou non les intérêts de toute la communauté internationale dans son ensemble ; et préserve la révolution de AGO, qui fait admettre que la responsabilité internationale ne saurait être la résultante d'un préjudice causé par un fait internationalement illicite, mais bien de ce fait lui-même, objectivisant, par là même, le système de la responsabilité internationale.

On devra noter par ailleurs, que le projet de 2001, tout en prenant note de l'existence de deux catégories de violations, encadre, celles découlant des normes impératives du droit international général dans les limites étroites qui doivent être approuvées : elles découlent du degré d'intégration et de solidarité, fort timide, qui caractérise la société internationale.81C'est pour cette raison que la C.D.I. n'a pas soumis à un régime « aggravé » de responsabilité toutes les violations d'obligations découlant de règles du jus cogens. Seuls tombent sous le coup du chapitre III de la deuxième partie les violations graves de ces obligations et au paragraphe 2 de l'article 41 de préciser que : « La violation d'une telle obligation est grave si elle dénote que l'Etat responsable s'est abstenu de manière flagrante et systématique d'exécuter l'obligation ». En effet il est clair que tout acte de torture est moralement et juridiquement condamnable et constitue la violation d'une norme impérative comme l'a reconnu le Tribunal Pénal International pour l'ex-Yougoslavie dans l'affaire Furndziza bien qu'il soit susceptible d'engager la responsabilité pénale de l'individu 82 ; il reste qu'un acte isolé de torture ne menace en rien l'ordre juridique international, contrairement à l'utilisation systématique et massive de la torture. Ainsi on ne saurait tenir pour criminel un Etat qui, par l'entremise de son commissariat de police, commet un acte isolé de torture aussi regrettable que celui-ci demeure.

Bref comme celle de « crime international de l'Etat, dont elle ne se distingue que par le nom(ou l'absence d'une dénomination particulière), la notion de violation grave d'une obligation découlant d'une norme impérative du droit international général, reflète l'idée qu'il existe des intérêts fondamentaux de la communauté » qu'il faut sauvegarder de manière spéciale. C'est ce que tentaient de faire les articles 19 et 51 à 53 du Projet de la C.D.I. de 1996, c'est aussi l'objectif poursuivi par les articles 40 et 41 de celui de 2001.83Les uns

81 PELLET, A., loc. cit. , note 15, P.41.

82 T.PI.Y., Le jugement de la chambre de première instance du T.P.I.Y. du 10 Décembre 1998, IT-95-17/1-T, pars 151-157, cité par PELLET, A., loc.cit., note 15, p.45.

83PELLET, A., loc. cit. note 15, p. 44.

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comme les autres consacrent de manière très prudente les avancées limitées mais réconfortantes du sentiment « communautaire et de solidarité internationale ».

Avec ou sans nom, décidément, « vive le crime ! »84Comme le dit le professeur PELLET, on croyait enterrer le crime mais il est ressorti de ses cendres, tel un phoenix juridique !85

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