FACULTE DE DROIT CIVIL
ANNEE ACADEMIQUE
2013-2014
MEMOIRE EN VUE DE L'OBTENTION DU DIPLÔME DE
MASTER
OPTION : DROIT PUBLIC RECHERCHE
THEME
L'application de la Charte Africaine des Droits de
l'Homme et des Peuples dans les Etats d'Afrique noire francophone
Présenté par :
Sous la
direction de :
ZAKRI Blé Eddie
Dr Adama YEO
Enseignant chercheur à l'UFR SJAG de
L'Université Alassane Ouattara de Bouaké
Enseignant
associé à l'UCAO-UUA
Abidjan, Novembre 2014
DEDICACES
Je dédie ce modeste travail à M. Bernard
Sahiri ZAKRI, mon grand-père et Mme Georgette TAHA née Sahiri
ZAKRI, ma tante. Que le Seigneur, dans sa miséricorde, dispense à
leurs âmes, paix et repos.
REMERCIEMENTS
D'entrée de jeu, je tiens à remercier mon
Directeur de mémoire, Docteur Adama YEO, pour sa disponibilité
jamais prise en défaut qui a su me guider tout le long de ce travail en
m'éclairant de ses remarques avisées. Qu'il trouve par ces
quelques mots l'expression de ma profonde reconnaissance et de ma
sincère gratitude.
Par ailleurs, il m'est agréable d'exprimer ma
profonde gratitude à Monsieur Rémy-Ange Zakri SAHIRI, mon
père, un homme de science et d'esprit dont les encouragements et
l'inestimable soutien m'ont permis de franchir bien d'obstacles qui jonchaient
mon chemin. Il connaît le prix que j'attache à son opinion et
à sa participation au présent mémoire.
Je remercie également tous mes frères,
soeurs, cousins et amis qui, de près ou de loin, m'ont apporté
leur soutien.
AVERTISSEMENT
La Faculté de Droit Civil de l'Université
Catholique de l'Afrique de l'Ouest, Unité Universitaire d'Abidjan
(UCAO-UUA) n'entend donner aucune approbation, ni improbation aux opinions
émises dans ce mémoire. Elles doivent être
considérées comme propres à leur auteur.
ABBREVIATIONS
ACP-UE : Afrique, Caraïbe et
Pacifique-Union Européenne
CADHP : Charte
Africaine des Droits de l'Homme et des
Peuples
CADH : Convention
américaine relative aux des droits de
l'homme
CERAP : Centre de Recherche et d'Action
pour la Paix
CEDH : Convention
européenne des droits de l'homme
Commission ADHP: Commission Africaine des
Droits de l'Homme et
des Peuples
Cour ADHP : Cour Africaine
des Droits de l'Homme et des Peuples
CNDH : Commission nationale des droits
de l'homme
CNDHCI : Commission Nationale des Droits
de l'Homme de
Cote d'ivoire
J.O. : Journal Officiel
NEA :
Nouvelle Edition Africaine
ONG: Organisation Non Gouvernementale
ONU: Organisation des Nations Unies
OUA : Organisation de l'Unité
Africaine
PIDCP :Pacte International relatif aux
Droits Civils et
Politiques
PIDESC : Pacte International relatif aux
Droits Economiques,
Sociaux et
Culturels
Protocole CADHP: Protocole additionnel
à la Charte africaine des
Droits de l'Homme et des Peuples portant création
d'une CourAfricaine
PUF :
Presses Universitaires de France
RTDH : Revue
Trimestrielle des Droits de l'Homme
UA : Union Africaine
SOMMAIRE
INTRODUCTION....................................................................................1
PREMIERE PARTIE : LA FAIBLE APPLICATION DE LA
CHARTE
AFRICAINE............................................................................................8
CHAPITRE 1 : AU REGARD DE L'ACTIVITE LEGISLATIVE ET
REGLEMENTAIRE DES
ETATS...............................................................................................11
Section 1 : Une insuffisance de mesures dans
l'application de la Charte.........12
Section 2 : Une application de la Charte compromise par
de graves violations...22
CHAPITRE 2 : A LA LUMIERE DE LA JURISPRUDENCE
NATIONALE..................26
Section 1 : Une jurisprudence marginalisant le
système africain de protection des droits de
l'homme...............................................................................27
Section 2 : Tentative d'explication de la
marginalisation du système africain.34
DEUXIEME PARTIE : LES FACTEURS EXPLICATIFS DE LA
FAIBLE APPLICATION DE LA CHARTE
AFRICAINE......................................40
CHAPITRE 1 : DES CONDITIONS GENERALES DEFAVORABLES
A LA CHARTE...42
Section 1 : La Charte africaine, prisonnière
du contexte socio-politique...........43
Section 2 : Le sous-développement des Etats, un
facteur peu prometteur pour l'application de la
Charte.........................................................................47
CHAPITRE 2 : LA FAIBLESSE DU MECANISME DE
SAUVERGARDE..................54
Section 1 : Les insuffisances du mécanisme
instauré par la Charte................54
Section 2 : L'efficacité relative de la Cour africaine
des droits de l'homme et des
peuples.............................................................................................................................62
INTRODUCTION
« A tous les niveaux, il est indispensable de
faire vivre les droits de l'homme au quotidien, de les protéger, mais
aussi de les mettre en oeuvre, à travers des politiques volontaristes,
des programmes d'action »1(*).
Cet appel saisissant du professeur Emmanuel DECAUX
témoigne s'il en était encore besoin de l'intérêt
à accorder aux droits de l'homme. Dans ce sens, il faut saluer
l'adoption par les pays africains de la Charte Africaine des Droits de l'Homme
et des Peuples (CADHP) ou ``Charte de Banjul''2(*) à laquelle tous les Etats membres de l'Union
Africaine (UA)sont actuellement parties, et qui est entrée en vigueur le
21 octobre 1986.
En le faisant, l'Afrique emboîtait ainsi le pas aux
continents européen et américain3(*). Certes, elle a attendu longtemps, mais nous devons
reconnaître que ce fut un grand pas pour le continent4(*). Et si le mot surprise fut
lâché lorsque les Etats africains adoptèrent cet
instrument5(*), c'est parce
qu' « ils étaient, dans leur grande majorité,
caractérisés par des régimes dits présidentialistes
et par des dirigeants politiques autoritaires ou peu soucieux des principes
démocratiques et du respect des droits de l'homme »6(*). Edem KODJO ne dit pas autre
choselorsqu'il affirme que « l'indépendance n'est pas
allée de pair avec l'émergence de régimes politiques
réellement respectueux des droits de l'homme »7(*).
L'adoption de cette Charte est alors un réel
progrès face à l'exigence attachée de nos jours au respect
des droits de l'homme. La place centrale qu'occupent ainsi ces droits, tant en
droit interne qu'en droit international8(*), commandait qu'il ne soit longtemps
toléré le déni des droits fondamentaux de l'homme comme le
continent africain nous en a donné l'exemple avec les
« régimes totalitaires, à tout le moins terroristes de
l'Ougandais Idi Amin DADA (1971-1979), du Centrafricain Jean-Bedel BOKASSA
(1966-1979) ou de l'Equato-Guinéen Macias NGUEMA (1966-1979) pour ne
citer que les violations des droits humains les plus
criardes »9(*).
A l'analyse, la CADHP fut élaborée
après un long processus révélant un travail de longue
haleine. En effet, l'idée de doter les africains de droits
définis par une convention et bénéficiant d'une protection
internationale ne date pas d'aujourd'hui. Les propos suivants d'Alioune Badara
FALL en sont édifiants : « La préoccupation des
Africains au sujet des droits de l'homme à l'époque
contemporaine, et en référence au droit moderne occidental,
remonte à la proposition que Léopold Sédar SENGHOR avait
faite au moment où fut adoptée, par le Conseil de l'Europe en
1950, la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales. »10(*) L'ancien président du Sénégal
émit en effet le voeu de voir ce texte appliqué automatiquement
aux territoires dont les États parties à la convention les
représentaient dans les relations internationales11(*). Mais cette proposition ne
rencontra pas d'écho favorable et l'idée d'appliquer ces
dispositions européennes relatives aux droits de l'homme dans les
colonies françaises fut rejetée. La solution qui fut plutôt
retenue est la subordination de l'application de cette convention aux
territoires colonisés à la déclaration expresse de l'Etat
colonial12(*).
Sur le plan des idées, des voix
s'élevèrent immédiatement après les
indépendances des années 60 en faveur de la mise sur pied d'une
convention africaine des droits de l'homme. Dans un discours prononcé
à Londres le 12 août 1961 sur le panafricanisme, le docteur Nuambi
AZIKIWE, alors gouverneur général du Nigéria, allait dans
ce sens lorsqu'il invita le Conseil des Etats africains à «
promulguer une convention africaine des droits de l'homme comme gage de leur
foi dans le gouvernement du droit, de la démocratie comme mode de vie,
de la liberté individuelle et du respect de la dignité
humaine»13(*). Cette
idée, qui circulera chez les juristes, et aussi chez les hommes
politiques, va progressivement mûrir, notamment avec l'appui de
l'Organisation des Nations Unies (ONU) et de l'Organisation de l'Unité
Africaine (OUA), devenue l'UA, après l'indépendance des pays
africains, pour finalement porter ses fruits au début des années
1980.
Sur le plan doctrinal, la CADHP a suscité un
réel intérêt en raison de l'originalité qui la
caractérise14(*).
Mais à y voir de près, cet instrument reprend en grande partie
les libertés et droits de l'homme et des peuples énoncés
notamment dans le cadre des Nations Unies et des autres systèmes
régionaux15(*).
Toutefois, si l'on croyait jusque-là que tout a
été dit sur cette Charte tant les études sur celle-ci
foisonnent, force est de reconnaître que cette dernière n'est que
très peu abordée dans la dimension nationale de sa mise en
oeuvre. Car pendant longtemps, la littérature juridique n'y a
prêté qu'une attention toute relative, pour ne pas dire
très accessoire16(*). Ce fait a été indubitablement
l'élément catalyseur dans le choix de ce sujet. Cette
curiosité sera davantage renforcée par une actualité
marquée par l'abondance des violations des droits de l'homme sur le
continent africain, cela environ trois décennies après
l'entrée en vigueur de la Charte africaine.
De plus, selon Olivier DELAS et Eugène N'TAGANDA,
les africanistes n'ont pas manqué parfois de relever « les
difficultés d'application du droit positif » des textes
relatifs aux droits de l'homme en Afrique17(*). Cette assertion des auteurs préfigure-t-elle
l'inapplication de la CADHP au sein des Etats ? Il est plus prudent de ne
pas apporter une réponse rapide à cette interrogation et d'aller
pas à pas pour y répondre. Cette démarche sera davantage
justifiée par la difficulté observée dans l'accès
aux documents et informations sur les pratiques nationales.
Cette difficulté a été
indéniablement l'obstacle majeur à une appréciation
objective de l'application de la CADHP dans les Etats africains. C'est
manifestement tout l'enjeu qu'il y a à traiter de ce thème. Car
il revêt un intérêt à situer à divers ordres
de considération : notamment sur le plan pratique et sur le plan social.
Du point de vue pratique, cette étude permet de s'intéresser aux
obligations réellement imposées aux Etats et leur
exécution par ces derniers. Au plan social, elle permet de
révéler, à tout le moins, de porter à la
connaissance des Africains l'existence d'une Charte africaine des droits de
l'homme et des peuples, se proposant d'être ainsi une contribution
à l'oeuvre de promotion et de vulgarisation du mécanisme africain
de protection des droits de l'homme.
Cependant, faute d'envisager tous les États du
continent, au risque de la superficialité, on s'enfermera modestement
dans l'Afrique noire francophone18(*).
Cela dit, pour bien mener notre étude, nous avons
jugé important de clarifier les notions tels ``droits de l'homme'' et
``application''.
S'agissant de la notion de droits de l'homme, relevons
qu'aucun texte ne la définit, les instruments de protection des droits
de l'homme procédant tous par énumération. Quant à
la doctrine, elle semble ne pas s'en préoccuper. Par contre, les auteurs
s'attachent à définir les libertés publiques lorsqu'ils
traitent de celles-ci. Pis encore, lorsqu'ils traitent des libertés
publiques et des droits de l'homme, ils ne définissent que les
premières19(*).
Cette attitude peut s'expliquer par le fait qu'il n'est point aisé de
définir les droits de l'homme. Yves MADIOT ne disait-il pas que
« dans un tableau des notions les plus vagues et les plus floues,
celle des droits de l'homme occupe certainement une excellente place. Elle est
constamment utilisée et fait partie du vocabulaire courant : mais
sur le plan scientifique, il est très difficile de la cerner et d'en
définir le contour »20(*). Le professeur LEBRETON expliquera cette
discrimination de la doctrine par ce que les deux notions ne relèvent
pas du même ordre : les premières reposent sur le droit
positif, tandis que les secondes, sur des considérations philosophiques.
Et pour faire ressortir le lien entre les deux, il
écrit : « Les droits de l'homme sont le sous
bassement philosophique des règles juridiques que sont les
libertés publiques »21(*).
Ainsi, les deux notions, bien qu'elles soient distinctes,
se trouvent être complémentaires. Le Doyen René DEGNI-SEGUI
est assez proche de cette conception. Lui qui définit sommairement les
droits de l'homme comme un « ensemble de droits et de libertés
que l'Etat reconnaît dans son ordre juridique et dans l'ordre juridique
international aux individus, et qu'il protège »22(*).
C'est donc une conception subjectiviste ou volontariste
du droit, qui veut que celui-ci soit fondé sur la volonté de
l'Etat, que l'auteur adopte ici. Dans un tel cas, les droits de l'homme
résulteraient de la volonté étatique qui les attribuerait
à l'individu. Mais, l'autre conception, celle objectiviste qui fait
reposer le droit sur les nécessités sociales n'est pas
délaissé par DEGNI-SEGUI. Dans cette hypothèse, les droits
de l'homme ne dériveraient pas de la volonté de l'Etat, mais
seraient consubstantiels à l'homme. L'auteur le dira plus loin et fera
reposer les droits de l'homme sur le postulat de la dignité humaine.
Lequel postulat fait des droits de l'homme, des droits fondamentaux, des
droits premiers qui s'imposent à l'Etat23(*).
Quant au vocable ``application'', Selon Gérard
CORNU, il recouvre l'idée d'une mise en oeuvre ou mise en
pratique24(*). Plus
vaguement, ce mot renvoi à l'observation, au respect d'une chose et aura
pour antinomie le terme violation. Parler donc de l'application de la Charte,
c'est vérifier si les dispositions de celle-ci sont observées ou
respectées par les Etats.
Pour mieux apprécier donc la problématique
de la mise en oeuvre de la CADHP au sein des Etats, nous avons utilisé
la méthode juridique, soutenue par une approche sociologique, lesquelles
ont été complétées par une technique documentaire.
La méthode juridique qui suppose « ce qui doit
être » nous a permis d'essayer d'analyser la CADHP et d'en
tirer sens et portée. L'approche sociologique nous a amené
à porter notre regard sur les pratiques des Etats en vue d'y
déceler les traces d'une application de la CADHP à partir d'une
analyse documentaire et nous rendre compte que l'existence de violations
flagrantes des droits humains en Afrique est source d'un profond scepticisme
par rapport à l'enracinement de la Charte dans les Etats.
Cette situation a donc ouvert la voie à la
question centrale suivante : la CADHP
est-elle réellement appliquée dans les Etats d'Afrique noire
francophone ?En d'autres termes, quel est l'état de conformité
des ordres juridiques des Etats avec la CADHP ?
Cette interrogation nous a conduits à l'examen de la
CADHP, l'instrument objet de notre étude. Ce faisant, elle nous a
poussés par la même occasion à faire un recensement des
mesures prises par les autorités nationales de l'Afrique noire
francophone afin de juger d'une part de l'incidence de l'instrument africain de
protection des droits de la personne dans l'ordonnancement juridique des Etats
et de jeter d'autre part un regard critique sur les faits sociaux
défavorisant son effectivité dans les Etats. Car le fossé
entre « ce qui devrait être » et « ce qui
est » apparaît évident à en juger de par la
triste célébrité du continent en matière de
violation des droits de l'homme. Et les rapports des organismes internationaux
recensant chaque jour ces violations démontrent si besoin en
était encore que la CADHP ne fait pas l'objet d'une application
effective de la part des Etats25(*).
C'est donc au regard de ce qui précède que
nous avons envisagé notre réflexion en deux parties. Nous
montrerons dans la première articulation de notre travail que la Charte
africaine souffre d'une faible application au sein des Etats
(Première partie). Notre seconde articulation
s'étendra, quant à elle, sur les facteurs explicatifs de cette
faible application (Deuxième partie).
PREMIERE PARTIE :
LA FAIBLE APPLICATION DE LA CHARTE
AFRICAINE
Pour Claudia SCIOTTI-LAM, « Les traités de
droits de l'homme ont non seulement vocation à s'appliquer en droit
interne mais c'est également leur véritable raison d'être
et leur efficacité dépend essentiellement de cette application en
droit interne. »26(*) En effet, le mécanisme international mis en
place par un traité de droit de l'homme ne joue qu'un rôle
subsidiaire dans l'application de celui-ci. C'est ce qui a fait dire à
Maurice KAMTO que « dans ce domaine, l'Etat demeure le maillon
essentiel pour la protection effective des droits de
l'homme »27(*).
C'est dire le rôle prépondérant de
l'Etat dans la mise en oeuvre des traités internationaux, surtout ceux
relatifs aux droits de l'homme. Or, l'Etat est un être artificiel et
abstrait : on ne peut le voir, moins encore le toucher, car il n'a ni
chair ni os. Cependant, pour être invisible et intouchable, il n'en est
pas moins reconnaissable. Quotidiennement et fortement, on le sent et on le
ressent : c'est une personne morale, qui agit au travers de ses agents qui
la représentent.
Au fond, « si nécessairement, la
puissance d'Etat est une, elle s'exprime par plusieurs bouches, ou par divers
organes »28(*).
Ces organes, prévus par la plupart des constitutions modernes, sont dits
« pouvoirs constitués », ou « pouvoirs
publics », et s'analysent principalement en l'organe exécutif,
l'organe législatif et l'organe juridictionnel. L'application de la
CADHP incombe donc à ces pouvoirs publics, qui doivent, dans leurs
différentes fonctions, prendre des dispositions afin de donner vie
à celle-ci.
Mais, dans la pratique, les Etats d'Afrique noire
francophone, à travers ces divers organes, n'appliqueront que
faiblement la CADHP. L'objectif de cette première partie est de mettre
en exergue cette insatisfaisante application de la Charte, d'abord au regard de
l'activité législative et réglementaire (Chapitre
1), ensuite à la lumière de la jurisprudence nationale
(Chapitre 2) des Etats.
CHAPITRE 1 : AU REGARD DE L'ACTIVITE LEGISLATIVE
ET REGLEMENTAIRE DES ETATS
Les Etats d'Afrique noire francophone, étant tous
de tradition juridique de droit civil, adoptent une approche de style moniste.
Or, le monisme soutient que le droit international s'applique
immédiatement dans l'ordre juridique interne des Etats29(*). Dès lors, dès
qu'elle est ratifiée par ces Etats, la CADHP fait partie de leur droit
national.
Pour autant, comme la majorité des conventions
principales de droits de l'homme, la CADHP oblige les Etats parties à
l'introduire en substance dans leur droit interne, c'est-à-dire que les
droits et libertés reconnus par la Charte doivent pénétrer
l'ordre juridique interne des Etats parties30(*).
En réalité, « l'Etat est tenu de
se donner la Constitution et les lois permettant d'assurer l'exécution
des traités et cela quelle que soit sa structure interne et la situation
respective des organes compétents. Chacun d'eux est tenu d'assurer
l'application du traité »31(*).
Ce faisant, au pied de l'article premier de la CADHP,
« les Etats membres de l'Organisation de l'Unité africaine,
parties à la présente Charte, reconnaissent les droits, devoirs
et libertés énoncés dans cette Charte et s'engagent
à adopter des mesures législatives ou autres pour les appliquer
». Et l'article 62 de cette mêmeCharte prévoit l'obligation
pour les Etats parties de faire des rapports sur les mesures
législatives ou autres prises pour appliquer la Charte. Selon Oji
UMOZURIKE, la combinaison de l'article premier et de l'article 62 de la CADHP
rend obligatoire son introduction en substance en droit interne32(*).
Mais, nonobstant ces mesures, l'on note, avec regret, le
manque d'enthousiasme des autorités législatives et
réglementaires qui se traduit non seulement par une insuffisance de
mesures dans l'application de la Charte (Section 1), mais pis
encore, par sa violation dans la pratique(Section 2).
Section 1 : Une insuffisance de mesures dans
l'application de la Charte
Relativement aux dispositions prises par les
autorités législatives et réglementaires pour mettre en
oeuvre la CADHP, un constat s'impose : les Etats dans leur ensemble ont mis
l'accent sur certaines catégories de mesures. Ces mesures, il faut le
noter, sont louables (Paragraphe 1), mais ne sauraient
cependant suffire à donner une effectivité à la Charte.
Dès lors, il devient impérieux de les renforcer
(Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Des mesures louables
Les mesures adoptées par les Etats sont
jugées louables dans la mesure où elles demeurent
nécessaires, essentielles, voire indispensables. En effet, la
constitutionnalisation de la Charte (A), la mise en place de
structures des droits de l'homme (B) et aussi la ratification
des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme
(C) constituent inévitablement les premiers pas d'une
implémentation celle-ci.
A- La constitutionnalisation de la Charte
Il n'existe presque pas d'Etat en Afrique noire
francophone où les droits de l'homme ne figurent pas dans la
Constitution. La lecture des constitutions de ces Etats dégage en effet
un constat : les droits de l'homme y sont suffisamment prévus,
allant jusqu'à la réaffirmation solennelle de l'adhésion
et de l'attachement à des instruments internationaux et régionaux
de protection des droits de la personne. Ainsi donc, la consécration
constitutionnelle de la Charte s'est faite selon deux techniques : le
renvoi à la Charte par la constitution et l'exposé ou
l'énoncé des dispositions de la Charte dans la constitution.
Le renvoi de la constitution à la Charte est
généralement l'affaire du préambule dans lequel les Etats
proclament leur attachement ou leur adhésion à la Charte. Il en
est ainsi,par exemple, du préambule de la constitution du Burkina Faso
qui affirme : « Nous, peuple du Burkina Faso [...]
réaffirmant solennellement notre engagement vis-à-vis de la
Charte Africaine », et celui de la Côte d'Ivoire selon
lequel « Le peuple de Côte d'Ivoire [...] proclame son
adhésion aux droits et libertés tels que définis [...]
dans la Charte africaine des Droits de l'Homme et des Peuples de 1981» ou
encore de ceux de la République Démocratique du Congo et de la
Centrafrique qui réaffirment eux aussi leur attachement à la
Charte.
Par ce renvoi, le préambule de la constitution consacre
les trois générations de droits à la fois : tout
d'abord, les droits civils et politiques qui forment la première
génération de droits ; ensuite, les droits
économiques, sociaux et culturels qui constituent la seconde
génération de droits ; et enfin, les droits de la
solidarité appelés droits de la troisième
génération. Tous ces droits étant contenus dans la
CADHP.
Cette garantie constitutionnelle ressort aussi bien au
niveau du corpus même de la constitution. En effet, les constitutions
consacrent des titres entiers à l'énoncé des droits et
libertés des citoyens. C'est par exemple le cas de la constitution
béninoise du 11 décembre 1990 dont le Titre II s'intitule
« Des droits et des devoirs de la personnes humaines » et
dispose en son article 7 que : « Les droits et les devoirs
proclamés et garantis par la Charte Africaine des Droits de l'Homme et
des Peuples adoptée en 1981 par l'Organisation de l'Unité
Africaine, et ratifiée par le Bénin le 20 janvier 1986, font
partie intégrante de la présente Constitution et du droit
béninois ». Il y a également la constitution burundaise
du 9 mars 1992 qui a pour Titre II « De la charte des droits et des
devoirs fondamentaux, de l'individu et du citoyen » et qui reprend
certaines dispositions de la Charte, tout comme celle congolaise du 15 mars
1992 qui prévoie à son Titre II « Des droits humains, des
libertés fondamentales et des devoirs du citoyen et de
l'Etat », la constitution guinéenne du 23
décembre 1990 ou encore celle tchadienne du 14 avril 1996 dont les
Titres II s'intitulent respectivement « Des libertés, devoirs
et droits fondamentaux » et « Des libertés, des
droits fondamentaux et devoirs des citoyens »33(*) pour ne citer que
celles-là.
La constitutionnalisation de la CADHP est une mesure
fort salutaire ; elle présente des avantages importants en ce sens
que ces droits constitutionnalisés seront immuables, stables et
inviolables. Telle semble la position du professeur Jacques Yvan MORIN qui
affirme que « les principes protecteurs de l'individu
n'acquièrent leur pleine signification que dans la mesure où ils
sont énoncés et garantis dans les normes qui occupent le rang le
plus élevé dans l'ordre juridique interne, prenant ainsi le pas
sur toutes les autres règles de droit (lois, décrets, actes et
décisions des organes de l'Etat).34(*)»
Au regard de ce qui précède, il convient
d'affirmer que la CADHP occupe une place de choix dans les textes fondamentaux
des Etats d'Afrique noire francophone. Outre cette consécration
constitutionnelle de la CADHP, les Etats ont aussi créé des
structures de promotion et de protection des droits de l'homme.
B- La mise en place de structures de promotion et de
protection des droits de l'homme
Dans la perspective de l'implémentation de la
CADHP, les Etats, dans leur ensemble, n'ont pas omis de créer des
instances spécialisées en droits de l'homme, répondant
ainsi à l'article 26 de celle-ci35(*). Ces structures se répartissent en deux
catégories : les unes étant rattachéesà l'une
des institutions nationales classiques, en l'occurrence le pouvoir
exécutif, les autres possédant une indépendance
vis-à-vis des institutions classiques.
En ce qui concerne les structures gouvernementales, il
faut dire que de plus en plus dans les Etats africains, on assiste au sein du
gouvernement à la création d'un département chargé
de la question des droits de l'homme. Ainsi parle-t-on le plus souvent de
ministres ou ministres délégués, de secrétaires
d'Etat chargés des droits de l'homme. Au Burkina Faso, par exemple, un
Ministère des droits humains et de la Promotion civique a
été créé le 4 janvier 2013. La Côte d'Ivoire,
elle, prévoit au sein de son gouvernement du 22 novembre 2012 un
Ministère de la justice et des droits de l'homme36(*). Au Togo, depuis le 17
septembre 2013, c'est le Ministère des droits de l'homme et de la
Consolidation de la démocratie et de la Formation civique qui s'occupe
des droits de l'homme, alors qu'en Guinée, il s'agit du Ministère
des droits de l'homme et des libertés Publiques.
Quant aux structures indépendantes,
c'est-à-dire les institutions nationales des droits de l'homme,instances
nationales spécialisées et indépendantes dans le domaine
de la protection et de la promotion des droits de l'Homme, on cite les
commissions nationales des droits de l'homme (CNDH) et les ombudsmans dont
l'essor est aussi remarquable en Afrique noire francophone.
L'institution de Médiateur de la République
a été mise en place par la quasi-totalité des Etats. On
citera par exemple le décret tchadien N°340 du 12 août 1997,
la loi béninoise N°2009-22 du 11 août 2009 ou encore la loi
ivoirienne N°2000-513 du 1er août portant Constitution qui
instituent le Médiateur de la République. Le Médiateurde
la République, ou encore, l'« ombudsman » a pour
fonction majeure de veiller au respect de l'équité et de la
légalité dans l'administration publique. Plus
précisément, il protège les droits des individus victimes
d'actes injustes de la part de l'administration. Aussi, joue-t-il souvent le
rôle de conciliateur impartial entre les individus et les pouvoirs
publics.
Les CNDH, institutions chargées de veiller
à la bonne application des lois et des règlements sur la
protection des droits de l'homme, telle la Commission Nationale des Droits de
l'Homme de Côte d'Ivoire (CNDHCI)37(*) ou encore la Commission Nationale des Droits de la
Personne au Rwanda38(*),
ont également vu le jour dans beaucoup de pays.
Toutes ces structures ou instances intervenant dans le domaine
des droits de l'homme contribuent chacune selon ses compétences et
attributions à la mise en oeuvre des droits de l'homme, donc de la
Charte africaine. Une mise en oeuvre qui peut également être
facilitée par la ratification d'autres traités de droits de
l'homme.
C- La ratification des traités de droits de
l'homme
Les Etats d'Afrique noire francophone sont aujourd'hui
parties à plus d'un traité relatif aux droits de l'homme. Sans
qu'il ne soit question d'être exhaustif, on relèvera
respectivement les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme
en général et ceux qui concernent les catégories
particulières de droits ou de personnes.
Comme textes de portée générale, il
convient de citer les deux pactes du 16 décembre 1966 : le Pacte
international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et le Pacte
international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels
(PIDESC). Les deux instruments ont été adoptés le
même jour afin de mettre en évidence leur
complémentarité et l'indivisibilité des droits de l'homme.
Ils ont été tous deux ratifiés par les Etats dans leur
ensemble. La dernière ratification en date a été celle de
la Mauritanie survenue le 17 janvier 2004, bien après celles par exemple
du Burkina Faso (4 janvier 1999) et du Bénin (12 mars 1992).
S'agissant des textes de portée spécifique,
contrairement aux textes de portée générale qui
procèdent d'une démarche globale et systématique, ils
relèvent d'une démarche analytique qui traduit une tendance
à un morcellement de l'homme : ce sont des droits particuliers ou
des catégories particulières d'individus qui sont ainsi
protégés39(*). On peut ainsi citer à titre d'exemple la
Convention sur l'abolition de la traite des êtres humains et de la
prostitution de 1950, les Conventions de 1953 et 1956 sur l'abolition de
l'esclavage, la Convention sur l'élimination de toutes les formes de
discrimination à l'égard des femmes de 1979, la Convention contre
la torture et les autres peines et traitements cruels, dégradants et
inhumains de 1984 et la Convention sur les droits des enfants de 1989
auxquelles font partie la majorité des Etats d'Afrique noire
francophone.
L'un des apports essentiels de toutes ces conventions
réside dans le renforcement des obligations de l'Etat dès lors
qu'elles contiennent parfois des dispositions communes à la CADHP. Ainsi
donc, mettre en oeuvre ces conventions, c'est aussi appliquer, de façon
incidente, la CADHP. C'est par exemple le cas de la Côte d'Ivoire qui a
récemment modifié sa loi sur le mariage par la loi n°2013-33
du 25 janvier 201340(*).
S'il est vrai, selon la ministre de la communication, Madame Affoussiata
BAMBA-LAMINE, que cette nouvelle loi a été adoptée pour
respecter la Convention sur l'élimination de toutes les formes de
discrimination à l'égard de la femme de 197941(*), l'on note quecelle-ci met
également en oeuvre les articles 2 et 3 de la CADHP dès lors
qu'elle apporte plus d'égalité entre l'homme et la femme42(*).
Il suit, de ce qui précède que les Etats
ont adopté des mesures indispensables, voire nécessaires à
la mise en oeuvre de la Charte africaine. Pour autant, ces mesures ne suffisent
pas à elles seules. Il faut donc les renforcer.
Paragraphe 2 : Des mesures à renforcer
S'il y a eu un effort de la part des Etats dans
l'application de la CADHP, il ne reste pas moins qu'il y a encore beaucoup
à faire pour que l'insertion de la Charte dans les ordres juridiques
internes soit complète et satisfaisante. A ce titre, les Etats doivent
combler les lacunes au niveau des lois (A) et adopter des
mesures spécifiques ou concrètes (B).
A- La nécessité de combler les lacunes
textuelles
Combler les lacunes textuelles reviendra pour les Etats
à corriger les textes existants afin que ceux-ci soient en harmonie
parfaite avec la CADHP. Cette exigence d'harmonisation implique la modification
des lois déjà existantes et également l'adoption de
nouvelles lois où le besoin s'en fait sentir. Reconnaître cela,
c'est dire qu'il existe autant d'imperfections au niveau des textes qu'une
absence de dispositions capables de faire vivre la Charte au quotidien dans les
Etats.
A titre d'illustration, il sera utile de rappeler ici
quelques passages des rapports périodiques faits par les Etats,
conformément à l'article 62 de la CADHP et les observations de la
Commission africaine des droits de l'homme et des peuples (Commission ADHP)sur
ceux-ci.
Ainsi dans le cas de la Côte d'ivoire, la CommissionADHP
a recommandé à cet Etat de faire adopter des « mesures
législatives appropriées pour assurer la protection des
défenseurs des droits de l'homme »43(*), et d'adopter une
législation spécifique portant définition et
répression de la torture44(*). Il en est de même du Togo qui a admis devant
cette commission qu'aucune disposition de son droit interne n'interdit la
torture45(*). Au Burundi,
la Commission ADHP a noté l'absence d'un système étatique
d'assistance juridique et judiciaire au profit des plus démunis et des
populations vulnérables46(*). En ce qui concerne le Cameroun, il a essuyé
plusieurs reproches de la part de cette même commission. Entre autres, le
fait de n'avoir pas adopté« sans délai une
législation appropriée en matière de protection des droits
des populations autochtones 47(*)» ainsi que de s'être abstenu
d' « harmoniser la loi foncière et adopter des mesures
permettant aux populations autochtones de jouir entièrement de tous
leurs droits, notamment le droit à la propriété
foncière »48(*).
Ces lacunes dans la législation des Etats
constituent de véritables obstructions à la recherche d'une mise
en oeuvre complète des dispositions de la CADHP dans l'ordre interne.
Cette difficulté sera exacerbée par le manque de mesures
concrètes d'application.
B- L'exigence de mesures concrètes
En ratifiant la CADHP ou en y adhérant, les Etats
s'obligent à respecter les droits énoncés, à les
protéger et à leur donner effet. L'obligation de donner effet
à la CADHP, c'est l'obligation pour l'Etat de prendre des mesures
positives ou concrètes pour assurer l'exercice effectif des droits de
l'homme ou leur pleine réalisation.Pour ce faire, ils doivent user de la
réglementation, élaborer et mettre en oeuvre des politiques
sectorielles, des politiques fiscales, des fournitures de services publics,
etc. Les mesures concrètes sont donc celles qui touchent aux faits,
à la réalité. Cette définition peut-elle
s'étendre dans notre cas aux mesures jusqu'alors adoptées par les
Etats ?
Il est difficile de répondre par l'affirmative
tant des mesures comme la consécration constitutionnelle des droits de
l'homme, ou encore la ratification des traités de droits de l'homme,
bien qu'estimables, nécessitent encore des actions de la part des
gouvernants pour avoir un impact réel49(*). A ce sujet, Bakary TRAORE soulignait avec justesse
qu'il ne suffit pas, pour connaître la réalité des droits
de l'homme dans un pays africain, de se référer à sa
constitution et aux conventions internationales auxquelles il a
adhéré. Pour lui, il faut plutôt se tourner vers les lois
pénales. Ce sont ces lois, ajoute-t-il, qui indiquent la vraie politique
des droits de l'homme de l'Etat en question. Ce sont elles qui peuvent montrer
les atteintes aux droits de la défense, et d'une façon
générale, les violations des droits et libertés relatifs
à l'opinion, l'expression, la circulation50(*). Malheureusement c'est
à niveau que les Etats ont péché. Car après la
constitutionnalisation de la CADHP, les mesures concrètes n'ont pas
suivi.
Tel n'est-il pas le cas du Cameroun qui, reproché
de n'avoir pas adopté « sans délai une
législation appropriée en matière de protection des droits
des populations autochtones »51(*), répondit dans son troisième rapport
périodique que sa Constitution du 18 janvier 1996 reconnaît
l'égalité de tous les citoyens en droits et en
devoirs ?52(*)
Cet échange entre la Commission ADHP et l'Etat
camerounais illustre bien l'observation suivant laquelle la
constitutionnalisation de la Charte ne préjuge en rien son
effectivité53(*).
En effet, n'est-ce pas malgré les dispositions de sa constitution que la
Commission recommande à cet Etat d'édicter une loi
spécifique qui pourra protéger les populations autochtones ?
Pour notre part, nous sommes loin de penser que la Commission ADHP ignorait ces
dispositions constitutionnelles. En tout cas, celle-ci a adopté la
même attitude avec le Niger en recommandant à cet Etat de
« prendre des mesures concrètes pour protéger les
droits des minorités vivant au Niger »54(*), bien que sa loi fondamentale
exprime l'égalité de tous les citoyens nigériens55(*).
A la réflexion, l'application de la CADHP par les
autorités législatives, réglementaires et administratives
est toujours à ses premiers pas, environ trois décennies
après son entrée en vigueur. Ce qui est
désespérant, voire écoeurant. Mais, que ces
autorités violent elles-mêmes la CADHP est encore choquant, voire
inadmissible. On comprend alors que l'application de cette Charte est
compromise par des textes contraires.
Section 2 : Une application de la Charte
compromise par des textes contraires
D'après le Doyen Francis
WODIE, « Obligatoire, la loi doit pouvoir s'appliquer, car la
loi n'a, vraiment, d'intérêt, pour la société que
par son effectivité, c'est-à-dire par son aptitude à
régir, réellement, les situations de fait qu'elle prétend
ordonner (...). Une loi qui ne peut s'appliquer ou qui n'est pas
appliquée finit par ne plus en être, en s'éteignant et en
perdant tout intérêt pour la société, en n'ayant
aucune prise sur le réel qu'elle aura échoué à
appréhender. »56(*)
Ces propos, d'une véracité incontournable
que nous célébrons en l'espèce, peuvent s'étendre
aussi aux droits de l'homme. En effet, proclamer des droits, c'est certes
nécessaire, mais ce n'est pas suffisant ; car, ceux-ci n'ont
d'intérêt véritable que s'ils bénéficient
d'une effectivité, c'est-à-dire s'ils sont effectivement
respectés et protégés. Or, la réalité dans
les Etats d'Afrique noire francophone ne répond guère à
une telle attente, puisque la CADHP souffre de graves violations tant de la
part des pouvoirs publics que par le fait des particuliers.
Cependant, il ne sera question ici que des violations
faites par les pouvoirs publics, « premiers ennemis des droits de
l'homme »57(*),
dont les textes législatifs (Paragraphe 1) et
réglementaires (Paragraphe 2)vont
systématiquement à l'encontre de la Charte africaine.
Paragraphe 1 : Les textes de nature
législative contraires à la Charte
Sélectives et exclusives, les réflexions
qui vont suivre écartent délibérément l'acception
large du mot « loi »58(*). On ne retiendra ici que le sens formel ou restreint,
c'est-à-dire la loi comme « règle écrite,
générale et permanente élaborée par le
Parlement »59(*).
De manière générale, la loi
édictée par le législateur dans les Etats n'énonce
point, à l'état initial, les droits de l'homme. Elle ne fait que
développer et préciser les droits fondamentaux déjà
consacrés par la Constitution et les conventions conclues par les Etats.
Paradoxalement, certaines lois, au lieu de se borner à les
réglementer, violent les droits de l'homme qui ont été
constitutionnellement ou conventionnellement consacrés.
A preuve, la loi togolaise N°94-4 du 22
décembre 1994 portant amnistie dispose, en son article
premier : « Sont amnistiés tous les actes
d'assassinat, tentatives d'assassinats, groupements de malfaiteurs,
complicités de destruction par explosifs d'édifices et notamment
publics, détention d'armes, munitions et matériels de guerre,
homicide volontaire, destruction de véhicules publics et privés
et blessures volontaires perpétrés à l'occasion des
agressions du 25 mars 1993, et des 5 et 6 janvier 1994. » Cette
disposition légale tendant à « absoudre les auteurs des
violations graves et massives des droits de l'homme » 60(*) est, on n'en peut douter,
attentatoire au droit de toute personne de voir sa cause entendue61(*). Cette impunité de
droit n'est pas le fait seulement du Togo ; d'autres Etats l'ont
déjà expérimentée62(*).
Pareillement la loi congolaise N°30/96 du 2
juillet 1996 sur la liberté de la presse porte atteinte aux droits de
l'homme. Dans cette loi, interdiction est en effet faite aux journalistes de
couvrir les procès en diffamation sous peine d'amende allant de 300.000
à un million de F.CFA, peine dont peuvent être aussi passibles les
imprimeurs et les distributeurs de journaux. Or, dans sa communication
n°218/98 du 7 mai 200163(*), la Commission ADHPaffirme qu' « une
audience doit être ouverte au public en général, y compris
les membres de la presse, et ne doit, par exemple se limiter uniquement
à une catégorie donnée de personnes » et que
« S'il existe des circonstances où un procès peut se
tenir à huis clos, par exemple, lorsque l'identité de
l'accusé ou la sécurité des témoins
nécessite d'être protégées,ceci ne devient pas un
droit mais relève du pouvoir discrétionnaire du fonctionnaire
judiciaire. » La même loi autorise également la Force
publique à confisquer ou détruire le matériel de presse
taxé « d'atteinte à d'ordre public »64(*). Il est ainsi clair que cette
loi constitue une réelle et grave violation aux droits de l'homme,
notamment au droit à l'information65(*).
A l'instar de la loi, le règlement émis par
les pouvoirs publics en Afrique noire francophone n'est pas non plus
respectueux des dispositions la Charte africaine.
Paragraphe 2 : Les textes de nature
réglementaire hostiles à la Charte
« Acte de portée générale
et impersonnelle édicté par les autorités
exécutives compétentes »66(*), le règlement se divise
en trois catégories : les décrets67(*), les arrêtés68(*) et les ordonnances69(*). Généralement,
le règlement pris par les autorités publiques en Afrique noire
francophone ne reconnaît pas, de manière initiale, les droits de
l'homme. Il se borne, à l'instar de la loi, à interpréter
les droits préalablement consacrés par les textes
constitutionnels, conventionnels, ou législatifs, ou à assurer
leur application.
Cependant, certains actes réglementaires violent,
de façon flagrante et délibérée, les normes
prescrites par la Charte africaine. Les exemples ne manquent pas en la
matière. Faute de les citer tous, on se bornera à en rapporter
quelques exemples.
Le premier est fourni par la Côte d'Ivoire
qui, lors des élections générales de 1995, interdira,
par le décret n°95-721 du 20 septembre 1995, les marches et autres
manifestations « sur la voie et dans les lieux publics...sur
l'ensemble du territoire national pendant une période de trois mois
»70(*).
Le second exemple est donné par la Guinée,
à propos de laquelle Amnesty International rapporte, parlant de
l'année 1995, que « Les réunions publiques de
l'opposition ont été interdites durant pratiquement toute
l'année »71(*).
Ces textes portent atteinte incontestablement à un
principe non moins fondamental, celui de la liberté de manifestation.
La démonstration ainsi faite est le signe que les
autorités législatives et réglementaires ne semblent pas
s'être beaucoup préoccupées de la CADHP. Quid des
autorités judiciaires ?
CHAPITRE 2 : A LA LUMIERE DE LA JURISPRUDENCE
NATIONALE
La protection des droits se conçoit difficilement
sans la protection judiciaire. En effet, « N'a-t-on pas coutume de
dire que la justice est le dernier rempart ou le dernier recours de
l'individu ? »72(*) , Sans attendre de réponse à cette
question, le Professeur Filiga Michel SAWADOGO affirmera que « sans
elle, les droits subjectifs accordés aux particuliers resteraient lettre
morte » et que « les droits les plus sacrés seraient
constamment violés »73(*). Tout est donc dit pour reconnaître au juge son
rôle de gardien des libertés74(*). Cette mission protectrice des droits par le juge
permet de reconnaître à la jurisprudence une importance
particulière dans l'application de la CADHP. Mais qu'entend-ton par
jurisprudence ?
Le mot « jurisprudence » revêt
deux acceptions : l'une large et l'autre restreinte. Lato sensu, il
s'entend de l'ensemble des décisions des tribunaux ; stricto sensu,
il désigne la solution générale donnée par les
tribunaux à une question de droit. Les réflexions qui vont suivre
ne pouvant être enfermées dans le sens strict, il convient de
retenir la définition large.
Il est naturel qu'en présence de violations de la
CADHP de la part des autorités législatives et
réglementaires, le regard soit tourné vers les autorités
judiciaires. Cependant, à l'image des autorités
législatives et administratives, les cours et tribunaux internes
n'appliqueront que faiblement la CADHP. Par conséquent, un survol de la
jurisprudence nationale des Etats ne fait qu'apparaître une
marginalisation du système africain de protection des droits de l'homme
(Section 1) pour plusieurs raisons que nous tenterons de
découvrir (Section 2).
Section 1 : Une jurisprudence nationale marginalisant
le système africain de protection des droits de l'homme
En raison de la constitutionnalisation de la CADHP, la
garantie juridictionnelle repose en grande partie sur la juridiction
constitutionnelle. Mais le juge constitutionnel n'intervient pas seul puisque
l'application de la Charte revient aussi au juge ordinaire. On le voit bien,
les garanties se font par le biais du contrôle de
constitutionalité75(*) et de celui de légalité76(*) lorsque le juge administratif
contrôle l'action de l'exécutif et de l'administration.
Malheureusement, tandis que la CADHPdemeure quasi absente des décisions
de justice (Paragraphe 1), la jurisprudence des organes de
contrôle est totalement ignorée par le juge interne
(Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Une Charte africaine quasi absente
des décisions de justice
S'étant vu confiée par la constitution un
rôle tout aussi important, celui non seulement de veiller
généralement à l'application de la loi, y compris la loi
fondamentale, mais aussi de veiller au respect des libertés
individuelles, l'autorité judiciaire était attendu au carrefour
dans l'application de la CADHP. Mais, celle-ci ne sera pas au rendez-vous. En
témoignent la faible prise en compte de la Charte par le juge
constitutionnel (A) et l'ignorance de celle-ci par le juge
ordinaire (B).
A- La faible prise en compte de la Charte par le juge
constitutionnel
En ce qui concerne les instances constitutionnelles,
force est de noter que celles-ci prennent insuffisamment en compte la CADHP.
Car dans les Etats de référence, seul le juge constitutionnel
béninois, semble avoir fréquemment utilisé la Charte dans
ses décisions.
En effet, la Cour constitutionnelle béninoise
s'est référée à la Charte dans une multitude de
décisions. A titre d'illustration, nous citerons quelques-unes.
La première décision est la décision
DCC 96-046 du 6 août 1996, Fanou, Tonon, Accrombessi,
Hountondji77(*). Dans
cette décision, alors qu'elle fut saisie de quatre requêtes lui
demandant de déclarer inconstitutionnel un arrêté
ministériel portant suspension des fonctions des plaignants parce qu'il
violait certains articles de la constitution béninoise ainsi que
l'article 7 de la CADHP prévoyant le droit à un procès
équitable. Bien qu'elle se fût déclarée
incompétente pour connaître de la légalité de
l'arrêté en question, elle n'en avait moins pas mentionné
la CADHP dans l'un de ses considérants de sa décision :«
Considérant que l'article 7 de la Charte africaine des droits de l'homme
et des peuples consacre le droit à la défense ; que dans les
matières relevant du droit de la fonction publique, ce droit, en ce qui
concerne les agents permanents de l'Etat, ne s'exerce pas que dans le cadre
d'une procédure disciplinaire ; [...] qu'il ne résulte pas des
pièces du dossier la mesure prise à l'encontre [du demandeur]
présente un caractère disciplinaire ait été
engagé, que, dès lors, il n'y a pas eu violation du droit
à la défense ».
Il y a aussi la décision DCC 96-049 du 12
août 1996, Hounnougbo et Consorts78(*).Dans cette autre décision, alors qu'elle
était appelée à prononcer l'inconstitutionnalité
d'un arrêté ministériel portant fixation des
modalités et des programmes du test de sélection des
préposés des douanes, la Cour constitutionnelle béninoise
avait considéré que « les dispositions de l'article 8
alinéa 2 de la Constitution et de l'article 13-2 de la Charte africaine
des droits de l'homme et des peuples proclament le principe de l'égal
accès des citoyens aux fonctions publiques ; que ce principe emporte
lui-même une conséquence, celle de l'égalité dans le
déroulement de la carrière [...] qu'en faisant ainsi une
distinction entre les fonctionnaires du ministère des Finances et ceux
des autres départements ministériels, ledit arrêté
crée une mesure discriminatoire non conforme à la Constitution
».
Comme autres décisions, l'on peut citer les
décisions DCC 96-060 du 26 septembre 1996, Melo Gomez, épouse
Bertran79(*) et celle
DCC 96-055 du 29 août 1996, Etablissements Bénin Brillant
Equipement80(*). Loin
d'être exhaustive, cette liste d'arrêts de la Cour
constitutionnelle béninoise se référant à la Charte
ne cesse de s'allonger, démontrant ainsi l'attitude favorable du juge
constitutionnel béninois à la CADHP81(*).
A part le Bénin, dans les autres Etats, les
décisions constitutionnelles se fondant sur la Charte sont rares ou
n'existent pas. C'est par exemple le cas du Sénégal et de la
Côte d'Ivoire où le juge constitutionnel s'est rarement
référé à la Charte. Au Sénégal, nous
pouvons citer la décision intervenue dans l'affaire n°10-C-98 du 9
octobre 199882(*). Dans
cette affaire, dix-neuf députés avaient saisi le Conseil
constitutionnel sénégalais d'un recours en
inconstitutionnalité contre une loi portant révision de l'article
196 du code électoral du 27 août 1998. Les requérants
avançaient que cette loi en son « article L.196 viole des
disposition de l'article premier, de l'article 2 alinéa 3, de l'article
7 de la Constitution qui posent le principe de l'égalité de tous
les citoyens devant la loi, de l'article 6 de la Déclaration des droits
de l'homme et du citoyen de 1789, de l'article 7 de la Déclaration
universelle des droits de l'homme de 1948 et de l'article 3 de la Charte
africaine des droits de l'homme et des peuples de 1981 ».
Le juge constitutionnel sénégalais,
après avoir rappelé que dans l'une de ses décisions, en
l'occurrence celle n°3-C-98 du 3 mars 1998, il avait reconnu
l'inconstitutionnalité de certaines dispositions de la loi
complétant le Code électoral et relative à
l'élection des sénateurs, estima alors que « ces
dispositions violaient le principes constitutionnels de l'égalité
de suffrage (article 2, alinéa 3 de la Constitution), de
l'égalité devant la loi (article premier et 7 de la Constitution,
article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789,
article 3 de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples)
».
En Côte d'Ivoire, on peut citer la décision
N°CI-2009-EP-026/28-10/CC/SG83(*) par laquelle le conseil constitutionnel ivoirien
invitait les candidats à l'élection présidentielle du 29
novembre 2010 à compléter leurs dossiers de candidature et dans
laquelle il affirmait dans l'un de ses considérants que «...
l'article 29 point 6 de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des
Peuples du 28 juin 1981, à laquelle se réfère
solennellement le préambule de la Constitution ivoirienne du 1er
août 2000, impose à chaque individu de s'acquitter des
contributions fixéespar la loi pour la sauvegarde des
intérêts fondamentaux de la société ».
Comme nous pouvons le constater, hormis le Bénin, la
CADHP ne connaît pas un réel succès auprès des
juridictions constitutionnelles d'Afrique noire francophone. Cela est encore
plus vrai s'agissant du juge ordinaire. Celui n'a apparemment jamais fait
référence à la CADHP.
B- L'ignorance de la Charte par le juge
ordinaire
Le juge ordinaire s'entend de tout juge, à l'exception
du juge constitutionnel. Et si la justice constitutionnelle permet avant tout
de limiter les abus, ce sont les tribunaux ordinaires qui demeurent protecteurs
des droits et libertés de la personne. Leurs actions favorisent en effet
la protection et l'enracinement de l'Etat de droit au quotidien. Le juge
ordinaire, dans sa fonction administrative, assure le contrôle de
l'exécutif et de l'administration, ceux-ci étant
traditionnellement ceux que l'on soupçonne de porter fréquemment
atteinte aux droits de l'homme.
Par ce contrôle, il oblige donc l'administration
à se conformer à la légalité en censurant tous les
actes portant atteinte aux droits de l'homme. Lorsqu'un acte administratif
viole ainsi les libertés et droits fondamentaux, pour y remédier,
des recours sont organisés. Il s'agit en premier lieu du recours en
annulation et en second lieu de l'exception d'illégalité.
Mais dans l'Afrique en général, il est
difficile de dénombrer les décisions des tribunaux ordinaires
ayant faire appel à la Charte. Contrairement au juge constitutionnel qui
s'est souvent référé à la CADHP dans certains
Etats, le juge ordinaire, lui, ignore presque l'instrument africain de
protection des droits humains. A part quelques Etats, tels le Botswana84(*), le Malawi85(*), la Namibie, ou encore le
Zimbabwe dont les juridictions ordinaires ont, une ou deux fois, cité la
Charte dans leurs jugements, aucune trace de l'instrument africain de
protection des droits humains ne peut être relevée dans les
décisions judiciaires des tribunaux ordinaires africains86(*).
Déjà, Jean Didier BOUKONGOU relevait que
dans l'Afrique centrale toute entière, aucune décision de justice
interne ne s'est fondée sur la Charte pour dire le droit. Aussi, le
représentant tunisien, lors de la présentation devant la
Commission ADHP, du premier rapport périodique de la Tunisie, affirmait
n'avoir pas connaissance de jurisprudence nationale faisant application de la
Charte.
Cette triste réalité s'étend
malheureusement à tous les Etats d'Afrique noire d'obédience
francophone où le juge ordinaire semble avoir oublié l'existence
de la CADHP; de sorte que les tentatives visant à inventorier les
décisions mentionnant la Charte se terminent très souvent par la
déception ou encore la résignation. Le juge ordinaire, dans les
Etats de référence, n'ayant jamais motivé ses
décisions sur la base de la CADHP. Ilparaît malheureusement ainsi
peu conscient ou non averti du parti qu'il pourrait tirer de la Charte. On le
voit bien, la Charte souffre d'un grand déficit d'application dans les
cours et tribunaux ordinaires.
L'indignation que peut créer cette situation est
encore plus accrue face à l'inexistence de référence
à la jurisprudence des organes de sauvegarde du système africain
de protection des droits de la personne.
Paragraphe 2 : L'inexistence de
référence à la jurisprudence des organes de
sauvegarde
Au titre des mesures de sauvegarde, le système
africain de protection a institué deux organes chargés de
surveiller l'application de la Charte dans les Etats. Ce sont la Commission
ADHP et la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples (Cour
ADHP)87(*). Si la
jurisprudence de la seconde n'est pas très développée en
raison de sa jeune expérience, celle de la première est par
contre fournie. En effet, la Commission ADHP, dans l'exercice de ses missions
qui lui sont dévolues, a développé une ``jurisprudence''
conséquente susceptible d'inspirer les juges nationaux.
Pour illustrer nos propos, nous exposerons la
communication n°231/99, Avocat sans frontière c/ Burundi,
dans laquelle la Commission ADHP rappelle que le droit à un
procès équitable nécessite certains critères
objectifs, dont le droit à l'égalité de traitementainsi
que le droit à la défense par un avocat, particulièrement
lorsque l'intérêt de la justice le dicte.
En l'espèce, le sieur Gaëtan BWAMPAMYE
était accusé en tant qu'auteur, co-auteur ou complice, d'avoir
incité la population à commettre des crimes et d'avoir, dans les
mêmes circonstances de lieu, organisé un attentat tendant à
provoquer des massacres, fait ériger des barricades en vue d'entraver
l'exercice de la force publique, toutes infractions prévues et punies
par le code pénal88(*).
Le 13 juin 1997, la chambre criminelle de la Cour d'Appel
avait clôturé l'audition des témoins et, eu égard au
volume du dossier, elle avait décidé du renvoi de l'affaire
opposant le sieur BWAMPAMYE au ministère public au 20 août
1997.
Au cours de l'audience du 20 août 1997, le
ministère public avait refusé de prononcer son
réquisitoire, arguant du fait qu'il lui fallait du temps afin
d'étudier le contenu de la note de plaidoirie du conseil de
l'accusé. La chambre criminelle avait alors décidé de
reporter l'affaire au 25 septembre 1997. Ce jour-là, le conseil de
l'accusé n'avait pas pu se présenter devant la chambre, pour
cause de maladie. Malgré la demande insistante du sieur BWAMPAMYE pour
que la chambre renvoie l'affaire à une date ultérieure, celle-ci
a décidé d'entendre le ministère public et, contraignit le
prévenu à plaider seul, sans l'assistance de son avocat. Le
verdict le condamnant à mort a été rendu ce même
jour au terme des plaidoiries.
Selon la CommissionADHP, « le juge aurait
dû accéder à la demande du prévenu étant
donné le caractère irréversible de la peine encourue. Ceci
est d'autant plus impératif qu'au cours de l'audience du 20 août
1997, il a accepté les arguments du procureur de la République
qui a refusé de prononcer son réquisitoire réclamant plus
de temps pour étudier la note de plaidoirie écrite
présentée par l'avocat du prévenu. La Cour Criminelle
avait alors décidé de reporter le procès au 25 septembre
1997. » Pour cette raison, la Commission « considère
qu'en refusant d'accéder à la requête de report, la Cour
d'Appel a violé le droit à l'égalité de traitement,
l'un des principes fondamentaux du droit à un procès
équitable. »
Pareillement, la Commission ADHP a vivement
rappelé que le droit à une assistance judiciaire est un
élément fondamental du droit à un procès
équitable. Ceci est d'autant plus vrai lorsque l'intérêt de
la justice le dicte. Elle considère que dans le cas
considéré, étant donné la gravité des
allégations prononcées contre le prévenu et la nature de
la peine à laquelle il a été condamné, il
était dans l'intérêt de la justice de le faire
bénéficier de l'assistance d'un avocat à chaque
étape de son procès.
Malheureusement, comme la CADHPqui est rarement
invoquée par les juges nationaux, la jurisprudence de la Commission
ADHPn'a jamais inspiré ceux-ci. Au regard de tout ce que le
système africain de protection des droits de l'homme peut apporter aux
Etats en termes de protection de la personne humaine, c'est une situation
déplorable. Une situation déplorable que nous tenterons
d'expliquer.
Section 2 : Tentatives d'explication de la
marginalisation du système africain de protection des droits de
l'homme
Deux raisons principales peuvent expliquer le fait que la
CADHP et la jurisprudence des organes de sauvegarde se retrouvent rarement
invoquées ou ignorées par le juge dans les affaires à lui
soumises. Il s'agit d'une part de la méconnaissance de la Charte
(Paragraphe 1) et d'autre part, de l'inclination des juges
nationaux à invoquer les instruments internes (Paragraphe
2).
Paragraphe 1 : Une faible référence
à la Charte africaine en raison de sa méconnaissance
Aux termes de l'article 25 de la CADHP, les Etats parties
doivent promouvoir et assurer, par l'enseignement, l'éducation et la
diffusion, le respect des droits et libertés contenus dans la Charte, et
de prendre des mesures en vue de veiller à ce que ces libertés et
droits soient compris de même que les obligations et devoirs
correspondants. Révélant un souci de socialisation de la Charte,
cette disposition salutaire a pour but d'éviter que celle-ci ne reste
que « le droit du J.O »89(*). Malheureusement, elle semble rester lettre morte.
Car, la Charte reste méconnue non seulement par la population
(A), mais chose encore plus grave, par les praticiens du droit
(B).
A- La méconnaissance de la Charte par la
population
L'obligation faite aux Etats de promouvoir la Charte
semble rester lettre morte, tant l'on ne peut actuellement soutenir que la
Charte a une grande réputation dans les Etats. Il est en effet «
fréquent de constater, qu'en dépit des garanties offertes par les
lois aux citoyens, la plupart d'entre eux ignorent les différents textes
et mécanismes »90(*). Ce jugement d'Auguste René Ali YERIMA n'est
certainement pas révocable lorsque l'on sait que la population est
à majorité analphabète ou très peu
scolarisée.
L'on conviendra alors avec nous qu'il y a une absence
d'appropriation de cette Charte par la population. Cette absence
d'appropriation pourrait également s'expliquer par le manque
d'interaction entre les promoteurs et les destinataires de l'éducation
aux droits de l'homme. C'est alors le développement d'une promotion de
type élitiste ou verticale qui fait des populations
bénéficiaires des acteurs passifs91(*). La Charte africaine reste en effet « peu
connue au-delà des cercles minoritaires des thuriféraires du
droit international des droits de l'homme et des activistes des Organisations
Non Gouvernementales (ONG) de défense des droits de
l'homme »92(*).
En outre, les problèmes de communication dans la
socialisation de la CADHP peuvent être également relevés.
L'on sait que c'est le droit écrit qui gouverne les droits de l'homme
tels que consacrés au plan international, y compris par la CADHP. Ce qui
apparaît comme opposé à la culture de l'oralité
dominant en Afrique. Malgré les actions de certaines associations des
droits de l'homme relativement à la vulgarisation de la Charte, les
moyens de diffusion utilisés jusqu'à maintenant font la part
belle aux livres et aux langues importées, c'est-à-dire le
français et l'anglais.
Par conséquent, la communication qui devrait contribuer
à l'instauration d'une culture des droits de l'homme, donc à la
connaissance de la Charte se trouve déficitaire. Ce qui entraîne
irrémédiablement une méconnaissance de la Charte par la
population. Cependant, plus étonnant est encore la méconnaissance
de la Charte par les praticiens du droit.
B- La méconnaissance de la Charte par les
praticiens du droit
Il peut être surprenant de l'affirmer, mais les
praticiens du droit, c'est-à-dire les professionnels, ceux qui sont dans
la sphère du monde juridique, ne maîtrisent pas toujours les lois
applicables. Tel est souvent le cas du droit international des droits de
l'homme qui souffre d'une méconnaissance en Afrique. C'est un fait
indéniable et récurent tant la pénurie du matériel
entraîne chez les magistrats une faiblesse de connaissance de
l'évolution du droit en constant développement à cause des
flux internationaux93(*).
Cette méconnaissance se trouve aggravée
d'autant plus que les juges et avocats font preuve d'une insuffisance de
formation et d'information relative aux instruments de protection des droits de
l'homme, y compris la CADHP. Certainement, cette situation ne peut être
inévitable lorsqu'il existe plusieurs sources de droit comme dans les
pays d'Afrique centrale. Ces Etats ont en effet de multiples sources du droit,
tel le droit français et le droit anglo-saxon, pour le Cameroun en
particulier, et le droit coutumier et le droit musulman pour le Tchad
notamment94(*).
Cette méconnaissance dont souffre la CADHP
entraîne indéniablement sa rare invocation dans les
décisions de justice. Mais une autre explication réside dans
l'argument selon lequel la Charte est victime de l'inclination des juges
nationaux à invoquer les instruments internes.
Paragraphe 2 : Une faible référence
à la Charte due à l'inclination des juges nationaux à
invoquer les instruments internes
Selon Jean Didier BOUKONGOU, « l'invocation de
la Charte africaine dans les procédures judiciaires n'est pas une
préoccupation des acteurs de la justice : les juges, les avocats et
les justiciables préfèrent faire confiance aux instruments
internes plus connus et certainement plus précis »95(*).
Cette réflexion faite à propos de l'Afrique
centrale peut être étendue au continent tout entier. Au reste,
cette attitude paraît justifiée tant le monde de la justice est
très incertain en Afrique au regard des pratiques de corruption, de
vénalité et de méconnaissance des règles «
modernes » à côté des pratiques « traditionnelles
»96(*). Et les
justiciables préfèrent faire confiance à des textes plus
familiers qu'à une catégorie d'instruments, certes plus
protecteurs.
L'autre raison est que le droit interne a très souvent
l'avantage d'offrir dans pratiquement tous ses aspects, une
réglementation claire et précise dont les modalités de
mise en oeuvre sont très souvent mieux maîtrisées par les
juges.
Par ailleurs, la plupart des questions abordées
par le droit international sont parallèlement traitées par le
droit interne. Ce qui met très souvent les normes de droit international
en concurrence avec celles du droit interne. Cette concurrence est
défavorable au droit international qui, à la différence du
droit interne, brille très souvent par son imprécision et sa
vacuité.Dans ce contexte, le droit international est perçu par
certains juges comme un droit ésotérique et abstrait
invoqué uniquement par des plaideurs n'ayant pas trouvé
d'éléments probants dans le droit interne.
Même dans des matières dans lesquelles les
juges se doivent d'invoquer d'office l'application des dispositions du droit
international, tout est mis en oeuvre pour l'éviter.Formés le
plus souvent aux techniques du droit interne et plus familiarisés
à ce droit, ils ont une plus forte tendance à rechercher dans le
droit interne les solutions aux litiges auxquelles aux ils font face.
Conclusion de la première partie
Il est utile à la fin de cette première
partie de refixer le contenu de ce qui vient d'être
présenté. Nous retiendrons donc à propos de l'application
de la CADHP qu'aussi bien dans l'internalisation et la mise en oeuvre des
droits reconnus dans la CADHP, les Etats africains n'ont pas tenus leurs
engagements. En effet, cette Charte censée être un outil de
premier plan dans la réduction, voire la cessation des violations
massives des droits humains qui ont en partie motivé son adoption, se
trouve inscrite dans les constitutions des Etats sans grande conviction. Cette
situation a certainement fait de la CADHP un instrument destiné
uniquement à donner de la prestance aux Etats Africains dans le concert
des nations, ouvrant ainsi la voie à une persistance du non-respect des
libertés et droits fondamentaux de la personne en Afrique dont les
facteurs explicatifs méritent qu'on s'y attarde.
DEUXIEME PARTIE :
LES FACTEURS EXPLICATIFS DE LA FAIBLE APPLICATION DE
LA CHARTE AFRICAINE
Lorsque l'on parle de facteurs explicatifs de la faible
application de la CADHP, l'on a en vue les hypothèques pesant sur
l'application de cette convention, ou du moins les raisons expliquant le
défaut d'une application effective de celle-ci dans les Etats. Dans
cette perspective d'explication, il est aisé de constater que les
éléments défavorables à l'application de la Charte
dans les Etats sont tout aussi nombreux que diversifiés97(*).
En effet, les Etats de référence font
tous face aux mêmes difficultés qui empêchent la Charte de
connaître une entière application. Celles-ci sont d'ordre
socio-politique et économique98(*) ; qu'il suffise de rappeler les violences
auxquelles ces Etats sont confrontés et les dettes extérieures
sous lesquelles ils croupissent. L'on aura compris, la CADHP est victime des
conditions générales défavorables aux droits de
l'homme99(*)(Chapitre 1). Cette première
difficulté ajoutée au défaut majeur du mécanisme
africain de protection des droits de l'homme et des peuples,
c'est-à-dire la faiblesse du système de contrôle
(Chapitre 2), conduisent indéniablement à
l'ineffectivité de la CADHP dans les Etats.
CHAPITRE 1 : DES CONDITIONS GENERALES DEFAVORABLES AUX
DROITS DE L'HOMME
La mise en oeuvre des droits de l'homme est tributaire
d'un environnement favorable comportant des garanties suffisantes de respect de
ceux-ci. Ces droits ne peuvent en effet jouir d'une effectivité dans
des climats ou situations qui ne tendraient pas à leur total respect.
Un tel constat incline à penser qu'il est impossible d'examiner
l'application de la CADHP et faire fi du contextegénéral de
l'Etat dans lequel elle est censée s'appliquer100(*). Dès lors, il
convient en toute logique de jeter un regard interrogateur sur l'environnement
qu'offrent les Etats pour une application effective de la CADHP.
Et s'il s'avère que les autorités
gouvernementales ne peuvent valablement se fonder sur leur situation interne
pour justifier l'inapplication de cette Charte101(*), force est néanmoins
de constater que l'instrument régional africain de protection des droits
de l'homme ne bénéficie pas d'une ambiance propice à sa
mise en oeuvre.
En effet, un regard, même cursif, de la
situation des Etats laisse apparaître un environnement socio-politique
rédhibitoire à l'application de la CADHP (Section
1). Lequel sera aidé en cela par le sous-développement,
obstacle d'une prise en compte réelle des droits de l'homme dans les
pays africains (Section 2).
Section 1 : La Charte africaine, prisonnière du
contexte socio-politique
C'est incontestable, les droits de l'homme supposent un
certain climat politique et social pour s'épanouir102(*). Et si un traité de
droits de l'homme est mieux reçu et appliqué dans un Etat
démocratique103(*), cela signifie que la CADHP est, dès le
départ, mal partie pour connaître une application effective dans
les Etats d'Afrique noire francophone. Cela, non seulement à cause de la
persistance des dictatures que connaissent ces Etats (Paragraphe
1), mais également du fait qu'ils sont
caractérisés par un environnement politique instable
(Paragraphe 2)104(*).
Paragraphe 1 : La persistance des dictatures
africaines, un frein considérable à l'application de la
Charte
Le lien entre démocratie et droits de l'homme
n'est plus à établir. Et si nul aujourd'hui ne doute de cette
vérité105(*), c'est sûrement parce que la protection des
droits de l'homme exige des institutions politiques indépendantes et
impartiales. Il devient alors exact d'écrire, comme le fait Karel
VASAK, que « les droits de l'homme procèdent directement de
l'aménagement des institutions politiques (...) Ils se trouvent donc
dans une dépendance étroite par rapport au régime
juridique de la société prise comme tout »106(*). C'est peu de dire en effet
que de telles institutions sont nécessaires pour une application
effective des instruments internationaux de droits de l'homme, dont la
CADHP107(*).
Et si les Etats de référence se
réclament tous de la démocratie108(*), force est de noter cependant des déviances
dans la pratique de celle-ci. La démocratie connaît en effet des
fortunes diverses sur le continent africain. Après les lueurs et espoirs
suscités par le mouvement général de
démocratisation des années 90, « très peu de
pays de l'Afrique noire ont fait exception à la règle du
régime autocratique et autoritaire »109(*). Voilà qui souligne
fort bien que les Etats africains, dans leur grande majorité, n'ont pas
véritablement épousé la culture démocratique et que
celle-ci prend beaucoup de temps pour s'implanter dans nos pays110(*).
Cela se vérifie dans la plupart de ces pays
caractérisés encore par « la persistance de
systèmes politiques autoritaires »111(*) se manifestant notamment
dans des formes autoritaires de gouvernance, les politiques exclusionnistes, le
non-respect de la diversité, le tripatouillage des textes juridiques au
gré des humeurs, aspirations personnelles et caprices des gouvernants.
Dans ces conditions, l'Etat qui devait assurer une démocratie de
protection et d'expression des libertés, de participation à la
vie publique et de répartition des ressources nationales voit ses
missions dévoyées.
Mais, toutes ces pratiques, au-delà du fait
qu'elles constituent des violations manifestes aux dispositions de la CADHP,
laissent croire que les changements intervenus depuis le début des
années 90 s'inscrivent davantage dans une logique de
réaménagement du monopartisme que dans une alternance
réelle au pouvoir. Pour Pierre Ayoun N'DAH, les Etats africains n'ont
fait que proclamer une démocratie formelle112(*).
Il est évident que dans un tel contexte, il est peu
sûr que les droits proclamés dans la Charte africaine trouvent
leur épanouissement. L'espoir de cet épanouissement sera
d'ailleurs balayé par l'instabilité politique qui règne
dans la plupart des Etats.
Paragraphe 2 : L'instabilité politique, cause de
la faible application de la Charte africaine
«Un pays en proie à des coups d'Etats
répétés ne peut qu'avoir des difficultés à
respecter et à faire respecter les droits de
l'homme. »113(*) Ces propos profonds et édifiants
décrivent la réalité patente des Etats africains en proie
aux soubresauts et états de guerre incessants qui anéantissent
toute possibilité d'une application effective de la Charte africaine.
En réalité, il n'est pas exagérer
de dire que rares sont les Etats d'Afrique noire francophone qui n'ont pas
connu de troubles ou tensions armés114(*). Face à ce triste constat, il est crucial
d'envisager la problématique du respect des droits de l'homme dans une
aire géographique caractérisée par des coups d'Etat et des
conflits armés. En effet, si en temps de paix, de nombreuses
imperfections se constatent dans l'application de la CADHP, il va sans dire
qu'en période de conflits armés, les droits de la personne
humaine ne connaîtront pas de mal à être bafoués. Car
le contexte d'un conflit armé ne peut en aucun cas être propice
à l'application des droits de l'homme115(*).Significative est à cet égard la
déclaration de la Conférence ministérielle de l'UA sur les
droits de l'homme du 16 avril 1999 dans laquelle elle cite comme cause de
violation des droits de l'homme en Afrique, les conflits, les remous sociaux et
les changements inconstitutionnels de régime116(*).
Tout récemment, n'est-ce pas notre pays la Côte
d'ivoire qui faisait face à une violence postélectorale
inouïe à la suite de laquelle les organismes tant internes
qu'internationaux ne manqueront pas de rapporter des violations graves et
massives des droits de l'homme ? En effet, la Commission Nationale
d'Enquête créée à la fin de cette crise
postélectorale117(*) comptait 3000 morts118(*). Mais bien avant cette
crise, des tensions armées depuis 2002 ont été elles aussi
source de violations des droits de la personne humaine.
Mais l'une des dernières crises en date est sans doute
celle que connaît actuellement la République Centrafricaine. Les
deux pays ne sont cependant pas les seuls à connaître des
convulsions sociopolitiques préjudiciables aux droits de l'homme. Il
suffit de regarder les pays aux alentours pour constater que la liste est
longue et continue de s'allonger. Le Mali, la Guinée, le Congo, le
Burundi, le Rwanda, le Niger pour ne citer que ceux-là connaissent ou
ont connu des situations de guerre et de violence dont l'actualité
abonde.
Toutes ces crises, on ne le dira pas assez, ont un
impact négatif sur l'application de la Charte africaine. Car, non
seulement elles entraînent une ineffectivité institutionnelle de
l'appareil étatique, dès lors que celui-ci est dans
l'incapacité d'avoir un contrôle total sur son territoire dont une
partie peut se retrouver sous la main mise des groupes armés, mais elles
peuvent également instaurer des régimes divorçant avec
toute institution ou législation démocratique. Ce faisant, les
violations des droits humains deviennent la règle tant au niveau des
groupes incontrôlés que par les détenteurs de la force
publique119(*).
Au demeurant, si l'on s'accorde sur la réflexion
de Jean Didier BOUKONGOU que « la récurrence des conflits,
ouverts ou larvés, témoigne de la difficulté à
assurer une effectivité minimale aux dispositions pertinentes de la
Charte africaine »120(*), on ne devrait guère s'étonner que les
Etats d'Afrique noire francophone, Etats où règnent coups d'Etat,
rébellions armées et guerres civiles, n'aient pu assurer une
application effective de la CADHP. Cela d'autant plus que le facteur
pauvreté vient se greffer aux obstacles d'un respect total des droits de
l'homme dans ces Etats.
Section 2 : Le sous-développement des Etats, un
facteur peu prometteur pour l'application de la charte
Le sous-développement peut être
perçu comme un facteur peu prometteur pour l'application de la CADHP
pour essentiellement deux raisons. La première est relative au discours
des Etats selon lequel les efforts faits en faveur du développement
empêchent le respect des droits de l'homme (Paragraphe
1). La deuxième, elle, a trait à l'attitude des
populations qui se désintéressent des droits de l'homme à
cause de la pauvreté (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : La quête du développement,
une justification pour s'exonérer de l'obligation de respecter les
droits de l'homme
Il convient d'entrée de jeu de faire une
remarque. La plupart des pays développés, même s'ils ne
sont pas exempts de reproches, sont souvent perçus comme les Etats les
plus respectueux des droits de l'homme, où règne l'Etat de droit
alors que les Etats sous-développés sont considérés
comme ne respectant pas les droits de l'homme121(*). C'est le cas de la quasi-totalité des pays
africains dont le niveau de vie est particulièrement bas122(*).
Faut-il en déduire qu'il existe une interaction
entre développement économique et droits de l'homme ? La
réponse positive ne semble pas faire de doute123(*), dans la mesure où
respecter et faire respecter certains droits tels les droits
économiques, sociaux et culturels, exige de l'Etat des moyens
financiers.
Par rapport à ce constat, il est riche
d'enseignement de se focaliser sur l'attitude des dirigeants africains qui ne
vont pas tarder à soutenir que leur situation économique est un
facteur défavorable à l'effectivité des droits de l'homme.
« Beaucoup de nos compatriotes souffrent d'une malnutrition
permanente et de toutes les maladies mentales et physiques qui l'accompagnent.
La pauvreté et leur ignorance rendent dérisoire tout discours sur
la liberté humaine »124(*). Ces propos de Julius NYERERE, président de
la République de Tanzanie, traduisent parfaitement « l'alibi
socio-économique »125(*) longtemps avancé par les Etats africains pour
justifier les insuffisances constatées dans la mise en oeuvre des droits
de l'homme. Dans cette logique, l'état de nécessité et les
efforts des Etats en faveur de la croissance économique auraient un
impact négatif sur le respect des droits humains ; ils conduiraient
au rejet ou à la diminution de l'exigence des droits de
l'homme126(*). La
modernisation économique, la quête du développement
devenant alors l'objectif prioritaire de ces Etats fascinés par
l'Occident127(*).
Sur la base de cette thèse
développementaliste, les droits de l'homme ont pu être
relativisés ; dans les pays africains, pays en lutte contre le
sous-développement, ces droits ont été mis au rang des
obstacles au développement128(*). En clair, la jouissance des droits civils et
politiques, des droits économiques, sociaux et culturels apparaît
comme un luxe réservé aux Etats
développés129(*).
Cette vision suivant laquelle la réalisation de
ces droits devrait céder le pas aux impératifs du
développement économique et social n'est pourtant pas
fondée130(*). En
témoigne les discours contraires131(*). Ceux-ci ont vraisemblablement aidé au rejet
de cette thèse, en sorte qu'il demeure aujourd'hui constant pour tous
que le manque de développement ne saurait être invoqué
comme justification pour limiter les droits internationalement
reconnus132(*). Dans
cette optique, nous suivons plus volontiers Cyprien TIESSE lorsqu'il
écrit : « Or l'extrême pauvreté dans
laquelle vivent les populations des pays en développement est la plus
flagrante, la plus abjecte, la plus grave des violations des droits de l'homme
aujourd'hui »133(*).
Aujourd'hui, il est remarquable que les pouvoirs publics
africains, se rendant compte que le développement économique tant
recherché ne peut être atteint sans le respect des droits de
l'homme, aient adopté une attitude nouvelle. Mais cette attitude
nouvelle est loin d'être innocente dès lors que le non-respect des
droits l'homme conduit à la prise de sanction134(*). A cet égard, il
n'est pas rare de constater la conclusion d'accords accordant une place
particulière, ou privilégiée, aux droits de l'homme.
Parmi ceux-ci, l'on cite la Convention de Lomé
IV135(*) qui fait des
droits de la personne humaine une clause essentielle de la relation Europe -
ACP. La révision de cet accord a donné naissance à un
nouveau dénommé Convention de Lomé IV bis136(*) et fondé lui aussi
sur le respect des droits de l'homme et dont la violation pouvait
désormais entraîner une sanction, en l'occurrence, la suspension
partielle ou totale de la coopération. Il convient d'ajouter à
cette liste l'Accord de partenariat ACP-UE du 23 juin 2000, Accord dit Accord
de Cotonou137(*), qui
comme ses devanciers va prôner le respect des droits de l'homme dans la
mesure où il «... soutient activement la promotion des droits de
l'homme... » .
L'on comprend dès lors que les Etats soient de
plus en plus enclins à reconnaître l'importance des conventions
internationales portant sur les droits de l'homme. Mais, au fond, l'on ne peut
négliger l'alibi économique qui a longtemps mis à mal la
prise en considération des droits de l'homme par les dirigeants
africains, retardant ainsi l'effectivité de la CADHP. Il faut
espérer qu'il ne subsiste pas dans les esprits des gouvernants
africains, amenés à être plus respectueux des droits
humains, sous la pression un tant soit peu de forces externes, qui ont
vraisemblablement aidé les populations africaines que la pauvreté
détourne des droits de l'homme.
Paragraphe 2 : La pauvreté, cause de
détournement de la population des droits de l'homme
La question du rapport entre les droits de l'homme et le
développement économique est encore plus perceptible au regard de
l'attitude des populations démunies vis-à-vis de ces droits. Il
n'est pas en effet excessif de dire que la pauvreté de la population
africaine n'a cessé de prendre de l'ampleur jusqu'à atteindre le
stade de la paupérisation138(*). Or cette situation d'extrême pauvreté
des populations africaines entraîne des conséquences
fâcheuses. La première, selon le Doyen DEGNI-SEGUI, c'est de les
détourner de leurs droits les plus élémentaires, et tout
particulièrement des droits politiques139(*). Ainsi, au lieu d'être concernées par
les discours protecteurs des droits de l'homme et revendiquer ceux-ci, ces
populationssont plutôt préoccupées par les questions
intéressant leurs moyens de subsistance140(*).
En effet, « comment un paysan de la brousse peut-il
apprécier la liberté d'expression, alors que la
possibilité de disposer d'engrais modernes aurait été pour
lui beaucoup plus précieuse ?»141(*) Cette question que se posait Karel VASAK traduit
l'éloignement des populations des questions des droits de l'homme. On ne
peut cependant les en vouloir. Car « Primumvivere,
deindephilosophari », disaient les anciens142(*). Et quand on sait que ces
populations ne sont pratiquement pas touchées par les activités
de promotions des droits de l'homme initiées par les organismes s'y
intéressant, cet éloignement ne fait qu'alors prendre de graves
proportions.
Dans ces conditions, les dirigeants africains ont le
devoir d'accorder aux droits économiques, sociaux et culturels, la
même valeur qu'aux droits civils et politiques143(*).En cela, le préambule
de la CADHP est très intéressant lorsqu'il affirme que la
satisfaction des droits économiques, sociaux et culturels garantit la
jouissance des droits civils et politiques. En fait, la population africaine ne
peut revendiquer ces droits civils et politiques alors qu'elle éprouve
des difficultés à satisfaire ses besoins vitaux144(*). La personne qui n'a en
effet pas accès à une bonne alimentation, une bonne
éducation et aux soins médicaux va plutôt chercher à
satisfaire ces besoins avant, par exemple, de chercher ses droits politiques,
sa liberté d'expression. Et l'adage est bien
connu : « il faut du pain avant les roses ».
Eu égard à tout ce qui
précède, il s'impose l'observation suivant laquelle la CADHP n'a
indéniablement pas bénéficié de conditions
généreuses à même de lui garantir un
épanouissement dans les Etats. Par conséquent, l'espoir d'une
application effective de la Charte de Banjul méritait d'être
tourné vers le mécanisme de contrôle prévu. Mais, il
ne s'est pas écoulé un long temps pour se rendre compte que
celui-ci souffre de lacunes l'empêchant d'être efficace.
CHAPITRE 2 : LA FAIBLESSE DU MECANISME DE
SAUVEGARDE
Les systèmes de défense de droits l'homme
européen et interaméricain donnent l'impression qu'une cour de
droits de l'homme est une composante essentielle, voire indispensable d'un
régime de protection effective des droits de l'homme. L'idée ici
est que les normes prescrivant la conduite des Etats ne sont
véritablement significatives que si leur application fait l'objet d'un
contrôle par des institutions contraignantes et effectives.
Dans le cas du système africain, ce truisme
mérite une attention spéciale car le mécanisme de
contrôle prévu par la CADHP est perçu comme étant
faible et ineffectif145(*). D'où la nécessité de mettre en
place une cour de droits de l'homme, une institution destinée à
corriger les énormes failles du système africain. En effet,
« que sont les droits de l'homme s'ils ne bénéficient
pas de mécanismes et de structures aptes à en assurer
l'effectivité, tant sur le plan interne que sur le plan
international ? » Cette interrogation de l'ancien
secrétaire général des Nations unies, Boutros Boutros
GHALI146(*) a
sûrement été entendue par les Etats africains.
Mais la question se pose de savoir si le nouveau
système permettra de combler les lacunes tant décriées
(Section 2). Avant de nous y appesantir, il convient de
relever les insuffisances du mécanisme instauré par la CADHP
(Section 1).
Section 1 : Les insuffisances du mécanisme
instauré par la Charte
A la différence des systèmes
européen et américain, le système africain de protection
des droits de l'homme opte au travers de la CADHP pour un seul mécanisme
de contrôle basé sur un règlement amiable des
différends portant sur les violations des droits de l'homme147(*). La Charte africaine en
effet ne prévoit qu'une commission comme seul organe chargé au
titre des « mesures de sauvegarde » de promouvoir et de
protéger les droits de l'homme148(*) (Paragraphe 1). Cette commission
n'a cependant pas pu remplir sa mission, vu les faiblesses dont elle fait
preuve (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Le choix initial d'une Commission
C'est l'article 35 de la CADHP qui instaure une
Commission des droits de l'homme et des peuples dont il convient de voir
l'architecture (B). Mais avant de nous y pencher, il n'est pas
sans intérêt de dire quelques mots sur les raisons ayant
guidé ce choix (A).
A- Les raisons du choix d'une Commission
La Commission ADHP restera jusqu'à
l'entrée en vigueur du protocole de 1998, le premier et l'unique organe
du système africain. Pourtant, il y a bien eu des propositions tendant
à la création d'une cour africaine des droits de l'homme. La
première fois, elle fut le fait de la commission international des
juristes réunie au congrès de Lagos en janvier 1961149(*). Cette proposition sera
encore reprise au moment de la conférence de Banjul lors de l'adoption
de la Charte africaine. La Cour africaine des droits de l'homme devait avoir
pour mission non seulement de sanctionner les violations des droits de l'homme
et des peuples, mais aussi de juger les coupables de crimes contre
l'humanité.
Malheureusement, les efforts pour sa création n'ont pas
été fournis par les Etats africains. Deux raisons concurrentes
ont été avancées pour justifier l'option et le maintien,
pendant 18 années, de la conciliation, du compromis ou du
règlement politique comme modes de règlement des conflits
résultant d'une violation de droit en Afrique.
D'une part, il est manifeste que les Etats africains
rechignaient à l'idée de création d'une cour des droits de
l'homme150(*). Car
ceux-ci percevaient l'avènement d'une cour comme une menace à
leur souveraineté. En effet, il semble que ce soit l'obstination des
leaders politiques africains d'alors à n'accepter aucune autre
autorité qui soit supérieure aux leurs, parce que très
accrochés à la souveraineté de l'État, qui les ont
déterminés à récuser toute idée
d'institution d'une Cour qui aurait vocation à les soumettre au
droit150(*). Car,
contrairement à une simple commission ou un comité des droits de
l'homme, une juridiction internationale aurait pour mission de sanctionner, par
des décisions ayant force obligatoire, les violations des droits de
l'homme. Ce qui était loin d'être accepté par ces
Etats151(*) quifaisaient
notamment prévaloir que la question des droits de l'homme relevait des
affaires intérieures.
D'autre part, il convient d'ajouter également
que le choix d'une commission des droits de l'homme en lieu et place d'une
cour procède d'une idéalisation des valeurs de la
négociation, d'une volonté de rechercher à tout prix la
solution ou la sanction d'une violation des droits de l'homme dans la
négociation et dans le règlement amiable du
différend152(*).
Il faut noter en effet que la justice africaine est traditionnellement une
justice basée sur les modes alternatifs de règlement des
différends tel la médiation et la conciliation. L'important
étant d'aboutir à une paix perpétuelle et la
quiétude du village. Par conséquent les problèmes sont
réglés dans la communauté et l'on pouvait se passer d'une
instance juridictionnelle pour trancher153(*).Ne dit-on pas d'ailleurs à ce sujet que
l'Afrique n'a pas la tradition judiciaire reposant sur les Cours et Tribunaux
à l'instar de l'Occident ?
Transactionnelle, cette justice ne fait donc pas
intervenir nécessairement les règles juridiques
pertinentes154(*). La
décision à intervenir est généralement un
consensus155(*). Il
convient de noter d'ailleurs que tous les traités initiés par
l'OUA sont imprégnés de cette philosophie du droit156(*). Après avoir
donné les raisons du choix d'une commission, il est temps de voir
comment elle se compose et quelles sont ses fonctions.
B- La composition et les fonctions de la
Commission
C'est la deuxième partie de la CADHP qui traite de
la CommissionADHP. Cette partie composée de 33 articles s'étend
sur sa composition et ses compétences.
En ce qui concerne sa composition, il faut relever que la
CommissionADHP est composée de 11 membres157(*). Selon l'article 31,
ceux-ci « doivent être choisis parmi les personnalités
africaines jouissant de la plus haute considération, connues pour leur
haute moralité, leur intégrité et leur
impartialité, et possédant une compétence en
matière de droits de l'homme et des peuples, un intérêt
particulier devant être donné à la participation de
personnes ayant une expérience en matière de
droit »158(*).
Les candidats à l'élection des membres de la commission sont
présentés par les Etats parties et doivent avoir la
nationalité d'un des Etats. La commission ne peut comprendre plus d'un
ressortissant du même Etat159(*). Les commissaires sont élus au scrutin secret
par la conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement de l'UA pour une
durée de six renouvelable.
Relativement à ses fonctions, la Commission ADHP
est chargée par l'article 30 de promouvoir les droits de l'homme et des
peuples et d'assurer leur protection en Afrique.
Mais c'est l'article 45 qui précisera amplement sa
mission. Comme mentionné par l'article 30, il s'agit de promouvoir les
droits de l'homme et des peuples dans les pays africains. Pour cela, la
Commission rassemble la documentation, fait des études et recherches
sur les problèmes africains dans le domaine des droits de l'homme et des
peuples, organise des séminaires, colloques et conférences,
coopère avec les autres institutions s'intéressant aux droits de
l'homme. Elle donne également des avis et fait des recommandations aux
gouvernements. Dans ce cadre toujours, la Commission peut « formuler et
élaborer, en vue de servir de base à l'adoption de textes
législatifs par les gouvernements africains, des principes et
règles qui permettent de résoudre les problèmes juridiques
relatifs à la jouissance des droits de l'homme et des peuples et des
libertés fondamentales ».
Il s'agit également d'assurer la protection des
droits de l'homme dans les conditions prévues par la CADHP. A cette fin,
elle peut être saisie par les Etats parties, les individus mais aussi les
organisations internationales et non gouvernementales. A cet égard, elle
est saisie par des « communications». Ces communications sont soit
étatiques soit individuelles. Les communications étatiques sont
mises à la charge des Etats parties à la Charte pour mettre en
cause la responsabilité des autres Etats parties pour manquement aux
droits de l'Homme et des peuples reconnus dans la CADHP mais aussi pour
violations des autres droits découlant d'autres sources conventionnelles
ou non et s'imposant à l'Etat concerné160(*).
A côté de ces principales missions,
s'ajoutent d'autres fonctions. La Commission interprète toute
disposition de la CADHP à la demande d'un Etat partie, d'une institution
de l'UA ou d'une organisation africaine reconnue par l'UA161(*) et exécute toutes
autres tâches qui lui seront confiées par la conférence des
chefs d'Etat et de gouvernement162(*). Cependant, la Commission ADHP, au-delà de
ses mérites, est en proie à un certain nombre de faiblesses et
déficiences qui amenuisent son rendement.
Paragraphe 2 : Les limites de la Commission
Au titre des limites de la Commission ADHP, l'on peut
indiquer, à maints égards, la portée limitée de sa
compétence matérielle dès lors qu'elle est
dépourvue de pouvoir décisionnel (B), ainsi
qu'une compétence personnelle qui n'est pas moins étendue qu'elle
paraît dans la mesure où sa saisine est le privilège des
Etats (A).
A- La saisine de la Commission, privilège des
Etats
S'il est en aucun cas difficile de reconnaitre qu'un
organisme du genre de celui qui a été créé par la
CADHP puisse être mis en mouvement par un Etat, l'on ne peut en dire
autant en ce qui concerne les pétitions individuelles. En effet, en
dehors des Etats, la Charte prévoie les « communications
autres que celles des Etats parties à la présente
Charte ». S'il est vrai que cette expression, du fait qu'elle est
suffisamment vague, permet de prendre en compte toutes les pétitions
émanant de simples particuliers, d'organisations privées ou de
représentants de collectivités très diverses, le
libéralisme de la Charte est pourtant tempéré de
différentes façons.
Premièrement, au pied de l'article 55, la
Commission ne peut être saisie de ces communications que si la
majorité absolue de ses membres en décide ainsi.
Deuxièmement, ces communications sont soumises
à un certain nombre de conditions qui sont au nombre de sept
(7)163(*). L'une d'entre
elle, l'obligation d'indiquer l'identité de l'auteur de la communication
revêt un caractère dissuasif164(*). Et le défaut d'une seule de ces conditions
rend la communication irrecevable.
Troisièmement, pour que la Commission examine
l'affaire au fond, il faut que soit la Conférence des chefs d'Etat et de
gouvernement en décide ainsi, soit son président en décide
ainsi lorsqu'il y a urgence165(*). Ce qui voudrait dire que même s'il y a
« violations graves ou massives des droits de l'homme et des
peuples », la Commission ne pourra intervenir au fond que si la
majorité absolue le veuille bien.
Quid de la compétence personnelle ?
B- Une absence de pouvoir décisionnel de la
Commission préjudiciable aux droits de l'homme
Juridiquement, il appert que, dans l'accomplissement de sa
mission, la Commission ADHP est tenue en état par la Conférence
des chefs d'Etat et de gouvernement de l'UA, s'il faut considérer les
pouvoirs exorbitants reconnus à cette structure par la Charte. Cette
dépendance de la Commission à la Conférence des chefs
d'Etat et de gouvernement de l'UA se perçoit à plusieurs
égards.
Dans un premier temps, peut-on considérer que la
Conférence des chefs d'Etat et de gouvernement joue un grand rôle
dans la désignation des membres de la Commission en ce sens qu'ils en
sont au début et à la fin. D'une part, ce sont les Etats membres,
c'est-à-dire les chefs d'Etats qui présentent les candidats, qui
doivent posséder la nationalité d'un des Etats membres. Cette
présentation des candidats, on peut le présumer, tiendra compte
des considérations politiques. D'autre part, c'est la même
Conférence des chefs d'Etat et de gouvernement qui élisent les
membres de la Commission. Ici encore, des tractations préalables au vote
en vue de réaliser des dosages politiques pourront être
actionnées.
Même si la Charte a voulu assurer aux membres de la
Commission une certaine indépendance par rapport aux Etats166(*), force est de dire que
ceux-ci dépendent directement ou indirectement des Etats167(*). Encore que l'autonomie
reconnue à la Commission se trouve limitée par la
dépendance financière de celle-ci à la Conférence
des chefs d'Etat et de gouvernement ; puisque « son personnel,
ses moyens et ses services nécessaires lui sont fournis par le
Secrétaire Général de l'OUA, dans les limites du budget de
l'organisation, adopté par la conférence des chefs d'Etat et de
gouvernement »168(*).
Dans un second temps, les pouvoirs de la Commission se
trouvent amoindris par l'intervention de la Conférence des chefs d'Etat
et de gouvernement dans la procédure de règlement des
différends. En effet, lorsqu'elle est saisie au fond, que peut faire la
Commission ?
Elle a en premier le pouvoir d'être
informée grâce aux renseignements fournis oralement ou par
écrit par les Etats169(*) ou à l'aide d'autres
« sources »170(*). Si elle obtient les renseignements demandés,
elle tente alors « par tous les moyens
appropriés » de régler le différend à
l'amiable dans le cadre du respect des droits de l'homme et des peuples. En cas
d'échec, elle rédige un rapport relatant les faits, les
conclusions et éventuellement ses recommandations qu'elle transmet
à la Conférence des chefs d'Etat et de gouvernement171(*).
Aussi, au terme de l'article 58, la Commission ne prend
de mesures que si « une plusieurs communications relatent des
situations particulières qui semblent révéler l'existence
d'un ensemble de violations graves ou massives des droits de l'homme et des
peuples ». Dans ce cas, elle « attire l'attention de la
Conférence des chefs d'Etat et de gouvernement sur ces
situations ». Il appartient alors à cette Conférence de
lui demander de procéder à une étude approfondie et de lui
rendre compte dans un rapport circonstancié, accompagné de ses
conclusions et recommandations. Et en cas d'urgence dûment
constatée par la Commission, celle-ci saisit le Président de la
Conférence des chefs d'Etat et de gouvernement qui pourra lui demander
une étude approfondie.
Une telle procédure met en exergue un processus
négocié ou ultimement seule la Conférence des chefs d'Etat
et de gouvernement dispose d'un réel pouvoir décisionnel. La
CommissionADHP ne dispose pas de pouvoir de sanction. Elle n'a même
aucune possibilité de faire jouer la sanction de l'opinion publique.
Toutes les mesures prises dans ce cadre demeurant confidentielles jusqu'au
moment où la Conférence des chefs d'Etat et de gouvernement en
décidera autrement172(*). Même le rapport de la commission ne peut
être publié après examen par la Conférence.
Le constat qui se dégage de la description du
mécanisme prévu par la CADHP est qu'il comporte des lacunes dont
les conséquences sur les droits de l'homme en Afrique ne sont pas
moindres. Ceci a conduit les Etats à mettre en place la Cour ADHP. Un
nouvel organe dont l'efficacité est à relativiser.
Section 2 : L'efficacité relative de la Cour
africaine des droits de l'homme et des peuples
Face aux nombreuses critiques dont la CommissionADHP
faisait face, notamment l'absence de prérogatives nécessaires
à la réalisation de son mandat de protection des droits de
l'homme173(*), et eu
égard à la persistance d'un climat de violation massive et
systématique des droits de l'homme sur le continent africain, l'exigence
d'une réaction des Etats africains se faisait de plus en plus sentir.
S'est alors peu à peu imposé l'idée d'une Cour pour
« combler une lacune qui paralysait de facto l'action de protection
des droits de l'homme telle que prévue par la Charte
africaine »174(*).
Mais si la création de la Cour
ADHPentraîne, à n'en point douter,des avancées dans le
mécanisme de sauvegarde de la Charte (Paragraphe 1),
des interrogations sur l'efficacité du nouveau système n'en
existent pas moins (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Les avancées avec la Cour
africaine des droits de l'homme et des peuples
C'est précisément le 9 juin 1998 au cours
de la 34ème session ordinaire de l'OUA tenue à
Ouagadougou (Burkina Faso) que les Etats africains prirent la décision
de signer un pacte devant mieux garantir la protection et la sauvegarde des
droits de l'homme sur le continent175(*) : le Protocole additionnel à la Charte
africaine des droits de l'homme instituant une Cour africaine (Protocole CADHP)
. Mais celui-ci n'entrera en vigueur que le 25 janvier 2004176(*).
Avec la mise en place de la Cour ADHP, le système
africain de protection des droits de l'homme fait sans aucun doute un saut
qualitatif177(*), en ce
sens qu'il connaîtra un renforcement178(*). C'est alors d'une avancée importante dans le
système africain qu'il s'agit avec cette nouvelle institution179(*), qui présente de
réelles garanties organiques (A) et fonctionnelles
(B).
A- Des garanties organiques
Avec l'avènement de la Cour africaine, le
mécanisme africain de protection des droits de l'homme passe de
l'unité à la dualité organique180(*). Bénéficiant
désormais d'une garantie juridictionnelle à l'instar des
systèmes américain et européen, il connaît un
renforcement. Car la garantie juridictionnelle est perçue comme
étant le meilleur gage de protection des droits de l'homme.
Relativement à sa composition, cette
véritable juridiction internationale instituée pour rendre plus
efficace le mécanisme de sauvegarde de la Charte est formée de
onze (11) juges181(*).
Ceux-ci, tous ressortissants des Etats membres de l'OUA, sont élus,
selon la formule consacrée, « à titre personnel parmi
des juristes jouissant d'une très haute autorité morale, d'une
compétence et d'une expérience juridique, judiciaire ou
académique reconnue dans le domaine des Droits de l'Homme et des
Peuples »182(*). Cependant, ne peuvent proposer des candidats que
les Etats parties au Protocole de la Charte africaine183(*). Cette option, selon
Fabienne MAQUILLERE-MAJZOUB, permet d'éviter les risques de tension
entre les Etats parties et ceux non parties à la Charte africaine et
à son Protocole184(*).
Il ressort qu'en exigeant des juges ces qualités
intrinsèques, les Etats africains ont voulu garanti à la Cour un
minimum d'autonomie ou d'indépendance. L'article 17 § 1 du
Protocole CADHP confirme cette idée en
énonçant : « L'indépendance des juge
est pleinement assurée conformément au Droit
international ». Et l'article 18 du même Protocole d'ajouter
que « Les fonctions de juge à la Cour sont incompatibles
avec toutes autres activités de nature à porter atteinte aux
exigences d'indépendance ou d'impartialité liées à
la fonction ». Le protocole ne s'arrête pas là ; la
recherche d'une indépendance de la Cour est aussi perceptible à
l'article 17 § 2 qui va interdire aux juges de « siéger
dans une affaire dans laquelle ils sont antérieurement intervenus comme
agents, conseils, ou avocats de l'une des parties, membre d'un tribunal
national ou international, d'une Commission d'enquête, ou à tout
autre titre. »
Aussi, selon l'article 17 § 3 du Protocole CADHP,
les juges, dès leur élection et pendant toute la durée de
leur mandat jouissent des privilèges et immunités reconnus en
Droit international au personnel diplomatique. Qui plus est, à aucun
moment, même après l'expiration de leur mandat, ils ne peuvent
être poursuivis en raison des votes ou des opinions émis dans
l'exercice de leurs fonctions185(*).
Eu égard à tout ce qui
précède, les garanties organiques de la Cour africaine ne fait
point de doute. Mais à côté de celles-ci, existent aussi
des garanties fonctionnelles, le tout offrant aux juges de la Cour d'exercer,
dans la quiétude, leur mandat.
B- Des garanties fonctionnelles
Dans l'exercice de ses fonctions, certaines garanties
destinées à rendre plus efficace la Cour ADHPlui sont
octroyées.
Premièrement, la Cour à la
compétence de sa compétence. A la lecture de l'article 3 § 2
du Protocole CADHP, on s'aperçoit en effet que: « En cas
de contestation sur le point de savoir si la Cour est compétente, la
Cour décide. » Ainsi, étant juge de sa propre
compétence, si la Cour est saisie, par voie d'exception
préliminaire, elle doit y statuer in liminelitis, avant
d'examiner le fond de l'affaire. Toutefois, elle pourra, dans
l'intérêt d'une bonne administration de la justice,
procéder à la jonction de l'exception au fond pour y statuer par
une seule et même décision.
Deuxièmement, des mesures réparatrices et
conservatoires pourront être ordonnées par la Cour. En effet, aux
termes de l'article 27 § 1 du Protocole CADHP, « Lorsqu'elle
estime qu'il y a eu violation d'un droit de l'homme ou des peuples, la Cour
ordonne toutes les mesures appropriées afin de remédier à
la situation, y compris le paiement d'une juste compensation ou l'octroi d'une
réparation ».
Troisièmement, contrairement à la
Commission ADHPqui ne peut faire que des recommandations confidentielles, la
Cour ADHP se voit dotée d'un pouvoir de décision ;
dès lors qu'elle rend des arrêts motivés, publics,
obligatoires et exécutoires.
L'arrêt de la Cour étant
motivé186(*),
celui-ci a inévitablement un fondement juridique excluant toute
considération politique. Et étant public, à
l'opposé des mesures de la Commission qui sont confidentielles,
l'arrêt est connu de tous et de toutes. Car, non seulement il est
prononcé en audience publique187(*), mais il est également signifié aux
parties188(*) en cause
et transmis aux Etats membres de l'UA, ainsi qu'à la
Commission189(*). Aussi,
il est notifié au Conseil des Ministres190(*).
L'arrêt de la Cour étant obligatoire, il se voit
revêtu de l'autorité de la chose jugée. En outre, il est
définitif, s'impose aux parties et ne peut faire l'objet d'appel.
Enfin, l'arrêt de la Cour étant
exécutoire, le Conseil des ministres veille à son
exécution au nom de la Conférence, et son exécution doit
être assurée par les parties dans le délai fixé par
la Cour.
Cependant si la Cour, munie de toutes ces garanties
organiques et fonctionnelles, pourra se révéler plus efficace que
la Commission dans la protection des droits de l'homme et des peuples, la
réforme du mécanisme de sauvegarde entreprise n'en laisse pas
moins un goût d'inachevé, dès lors que celui-ci
recèle des limites ou lacunes.
Paragraphe 2 : La Cour africaine : une
réforme institutionnelle laissant un goût
d'inachevé
La réforme entreprise par le Protocole CADHP laisse
un gout d'inachevé dans la mesure où au-delà de
l'avancée observée dans le nouveau système africain,
celui-ci recèle encore quelques limites qui pourraient être
préjudiciables à son action. Il suffit, pour s'en convaincre, de
jeter un regard sur l'accès de la Cour ADHP qui s'avère quasi
fermé (A) et la relation ambigüe qu'entretient la
Cour avec la Commission ADHP (B).
A- L'accès quasi fermé de la Cour
africaine
D'après le doyen DEGNI-SEGUI, il faut que l'Etat
accepte d'être effectivement attrait, poursuivi sans entrave devant les
instances internationales de droits de l'homme191(*). Or, une grave lacune de la
Cour ADHP a trait à la limitation de l'accès des individus par
le Protocole CADHP. La Cour a en effet deux types d'accès, l'un
automatique, l'autre conditionnel.
La Commission ADHP, les Etats parties, les organisations
intergouvernementales africaines bénéficient de l'accès
sans entrave ou ``automatique'' à la Cour une fois que l'Etat ratifie le
Protocole CADHP192(*). A
l'opposé, les individus et les organisations non gouvernementales ne
pourront saisir la Cour qu'à la réunion de deux
conditions193(*).
Premièrement, l'Etat mis en cause doit avoir
« fait une déclaration acceptant la compétence de la
Cour »194(*).
Or à ce niveau, l'absence de promptitude de la part des Etats africains,
encore réticents à abdiquer une partie de leur
souveraineté en se soumettant à un contrôle international,
dans l'accomplissement de cette formalité ne surprend guère. A ce
jour, le Burkina Faso, la Côte d'ivoire, le Mali et le Rwanda demeurent
les seul Etats parmi les Etats de référence ayant fait cette
déclaration.
Ensuite, la clause d'option renfermant l'accord de
l'Etat n'entraîne pas ipso facto la compétence de la Cour,
c'est-à-dire le droit de recours individuel ; une autre condition
est ainsi libellée par l'article 5 § 3 du
Protocole : « La Cour peut permettre aux individus ainsi
qu'aux organisations non gouvernementales dotées dotée du statut
d'observateurs auprès de la Commission d'introduire des
requêtes... » La Cour se voit donc reconnaître un
pouvoir discrétionnaire pour permettre ou non les individus de la
saisir195(*).
Par conséquent, il est pour l'instant impossible
à un individu de saisir directement la Cour, à moins que son pays
n'ait signé une déclaration de reconnaissance de la
compétence de la Cour à examiner les requêtes des
particuliers. Il y a donc de facto comme de jure une restriction quant à
l'accès à la fonction juridictionnelle du mécanisme
africain de défense des droits de l'homme.
Ce fait a pour effet de relativiser l'avancée qu'a
pu connaître le système africain avec l'avènement de la
Cour ADHP. Encore que cette dernière entretient une relation
ambigüe avec sa devancière, c'est-à-dire la Commission
ADHP.
B- La relation ambiguë entre la Cour
et la Commission
La Commission ADHP a été
créée à défaut de pouvoir instituer à
l'époque une véritable cour des droits de l'homme196(*). Etant le seul organe de
contrôle d'alors, la Commission s'est vue investie à la fois des
fonctions de promotion et de protection197(*). L'on aurait pu penser qu'avec le Protocole CADHP,
l'on assisterait à une division claire entre les tâches de la
Commission et celles de la Cour. Cette division des tâches devait alors
impliquer la sortie de la fonction de protection du champ de compétence
de la Commission en faveur de l'exclusive intervention de la Cour. Mais ce ne
fut pas le cas ; la Commission garde toujours les prérogatives
accordées à elle par la CADHP.
Loin de refondre alors le mécanisme de sauvegarde en
plaçant au sommet la Cour ADHP, le Protocole n'a fait qu'ajouter une
voie judiciaire parallèle obligée de tenir compte des
prérogatives du système de conciliation préexistant. En
témoigne l'article 2 du Protocole CADHP au terme duquel
« la Cour [...] complète les fonctions de protection que
la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples a
conférées à la Commission [...] »198(*). PourOlivier DELAS et
Eugène NTAGANDA, la principale limite de cette réforme
institutionnelle intervenue dans le système africain des droits de
l'homme est son absence de réorganisation de tout le
système199(*).
Cette observation prend toute sa valeur à la lecture du Protocole CADHP.
Car, dans aucune de ses dispositions, rien n'est réellement prévu
quant à une répartition des compétences entre la
Commission et la Cour autorisant à affirmer que celle-ci serait au
sommet d'un système désormais judiciaire200(*).
Cette réalité s'illustre par le fait
qu'aucun critère n'a été prévu pour savoir dans
quels cas la Commission peut saisir la Cour201(*). De même, les conditions dans lesquelles la
Cour saisie d'une requête devra choisir de la renvoyer à la
Commission ne sont nullement précisées202(*). Le Protocole renvoie
plutôt au Règlement intérieur de la Cour africaine, afin
pour elle de régler sa relation avec la Commission203(*).
Or la Cour ADHP, qui devait faire preuve de
témérité204(*), est restée trop prudente ou semble
timorée par l'ampleur d'une telle tâche. Elle n'a pas
définitivement résolu ce problème même si son
règlement intérimaire consacre un article à cette
question. En effet, selon l'article 29 § 3 de celui-ci,
« conformément au Protocole, article 33, la Cour consulte la
Commission chaque fois que de besoin, sur toute question de procédure
touchant aux rapports entre les deux institutions. »
Ce clair-obscur entretenu dans les rapports entre les
deux institutions fait dire à certains auteurs que la Cour africaine
n'est pas l'organe principal, mais bien un complément, voire un
accessoire de la Commission ADHP205(*). Ce fait, si avéré, constituerait
indubitablement un bémol à la volonté de judiciariser le
système africain des droits de l'homme, donc à
l'efficacité tant recherché de ce dernier.
Conclusion de la deuxième partie
En guise de conclusion à cette deuxième
partie, nous pouvons dire que l'existence d'éléments non
favorables à la CADHP ont rendu dès le départ son
application difficile, voire hypothétique. Au-delà des obstacles
d'ordre socio-politiques, la longue absence d'un mécanisme contraignant
susceptible d'imposer aux autorités nationales le respect effectif de la
CADHP, qui a constitué à n'en point douter une infirmité
congénitale du système africain, a contribué à
l'ineffectivité de la CADHP206(*). Aujourd'hui, une Cour des droits de l'homme est
née. Si celle-ci suscite des espoirs pour un respect scrupuleux des
droits humains sur le continent, il faut dire d'ores et déjà que
cette Cour semble handicapée dès lors qu'elle ne peut être
considérée comme l'organe suprême du mécanisme de
sauvegarde.
Conclusion générale
Au terme de cette étude dont nous n'avons pas
certainement épuisé les ressorts, force est de constater que la
CADHP ne jouit pas d'une application effective dans les Etats d'Afrique noire
francophone. Les mesures prises par les autorités nationales se sont
avérées largement insuffisantes. En plus, les droits de l'homme
ont été bafoués et violés systématiquement
et continuent à l'être jusqu'à présent.
La dignité, l'honneur de la personne humaine ont connu
une transgression sans pareil à travers les actes tant juridiques que
matériels des pouvoirs publics. Si ce n'est pas en effet des lois ou
règlements qui violent la Charte, ce sont des répressions,
arrestations et détentions arbitraires et sauvagement
opérées qui donnent le coup de grâce à la
quête d'un Etat de droit, respectueux des droits humains.
Aussi, le juge, gardien des libertés, sur qui pesait
l'espoir d'une application minimale de la Charte africaine, face aux
violationsfaites par les gouvernants africains, n'a pas été
réellement actif en termes de sanction. Mais le juge national africain
a-t-il réellement la capacité de jouer son rôle
éminent de protecteur quand on sait sa soumission aux pressions
politiques ?
Cet état de chose qui demeure toujours
d'actualité en Afrique laisse apercevoir malheureusement une confusion
de pouvoir affectant les droits de l'homme. En effet, comme nous l'avions
relevé, il existe des obstacles empêchant la mise en oeuvre
effective de la Charte africaine. Ces obstacles d'ordre socio-politique et
également économique ont indéniablement renforcé
l'attitude réfractaire des Etats face aux obligations imposées
par le système africain de protection des droits humains.
Cette attitude réfractaire ne pouvait cependant
être brisée par le mécanisme de sauvegarde instauré
initialement par la Charte en raison de son caractère non contraignant.
Ceci a incité les Etats parties à la Charte africaine à
créer une Cour de droits de l'homme qui, si elle est susceptible
d'amener les Etats à revoir leur copie, n'est pas également
exempte de carences, de hiatus dès lors qu'elle n'est pas assez ouverte
aux individus, premiers bénéficiaires de la Charte.
Ce triste état des lieux des droits humains en Afrique
noire francophone impose quelques pistes de solutions susceptibles de conduire
à une amélioration dans l'application de la Charte africaine.
La première piste consisterait pour les Etats à
faire des efforts pour compléter et améliorer leur arsenal
juridique. Ceci doit se faire par l'abrogation des textes attentatoires aux
droits de l'homme et l'adoption de mesures plus protectrices de ces droits.
Tendant à l'abrogation, ou simplement à la modification, ces
réformes toucheront essentiellement les textes liberticides, et aussi
les textes discriminatoires à l'encontre des femmes, des
minorités ethniques ou religieuses ou d'autres catégories de
personnes, dont les opposants politiques.
Mieux, au niveau de la garantie des droits, les Etats
doivent faire d'avantage tant au plan national qu'international. Au plan
national, ils doivent garantir aux organismes consultatifs, telles les
commissions nationales des droits de l'homme, les commissions nationales de la
communication et de l'audio-visuel ou encore les commissions de
médiation et de conciliation une réelle autonomie. Au plan
international, la reconnaissance de la juridiction des organes habilités
à contrôler l'application des droits de l'homme, notamment, en
faisant la déclaration acceptant la compétence de la Cour
africaine et la soumission des rapports périodiques à la
Commission africaine contribueraient à une meilleure prise en compte des
droits de l'homme sur le continent.
La deuxième piste qui est la conséquence de la
première, devrait consister pour les Etats à l'adoption d'un
comportement conséquent. En effet, les Etats devront instaurer l'Etat de
droit, c'est-à-dire, un Etat où gouvernants et gouvernés
se soumettent et appliquent, tous, humblement et strictement le droit en
vigueur. Pour relever ce défi, ils se doivent de donner le gage de leur
bonne foi et de leur bonne volonté en instaurant les conditions de
réalisation des droits de l'homme et en offrant les garanties de leur
respect effectif. Les actions en ce sens devraient se ramener par exemple par
la possibilité d'alternance politique réelle, l'adoption d'une
plate-forme minimale consistant dans l'appui aux ONG de défense des
droits de l'homme et de la démocratie et la sensibilisation ou
l'éducation aux droits de l'homme.
Il est en effet primordial,pour mettre fin à la
maltraitance des droits humains sur le continent africain, de
généraliser l'enseignement des droits de l'homme, en
l'introduisant dans tous les programmes de formation scolaire, universitaire,
professionnel et technique, afin que les administrateurs et administrés,
actuels ou potentiels, des Etats d'Afrique noire francophone aient, constamment
et clairement à l'esprit les droits élémentaires de la
personne humaine qu'ils se doivent de respecter, en tout temps et en tout
lieu ; car, « les droits de l'homme, on le sait maintenant,ne
sont pas un «déjà-là», mais plutôt un
«devoir-être» ou, plus radicalement encore, une
espérance, c'est-à-dire une action pour aujourd'hui mais surtout,
un geste pour l'à-venir. »207(*)
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Côte d'Ivoire, Décret n°2005-08/PR du 15
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l'Homme de Côte d'Ivoire.
Côte d'Ivoire, décret n°2002-398 du 5
août 2002 portant création du Ministère du Ministère
des droits de l'homme.
Côte d'Ivoire, Loi portant abrogation de l'article 53 et
modifiant les articles 58, 59, 60 et 67 de la loi n° 64-375 du 7 octobre
1964 relative au mariage telle que modifiée par la loi n° 83-800
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Rwanda, Loi n°04/99 du 12 mars 1999 portant
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Tchad, décret n°340 du 12 août 1997,
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Cour Constitutionnelle du Bénin, Décision DCC
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Cour Constitutionnelle du Bénin, Décision DCC
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ANNEXES
ANNEXE 1 :
CHARTE AFRICAINE DES DROITS DE L'HOMME ET DES
PEUPLES
PREAMBULE
Les Etats africains membres de L'OUA, parties à la
présente Charte qui porte le titre de "Charte Africaine des Droits de
l'Homme et des Peuples";
Rappelant la décision 115 (XVI) de la Conférence
des Chefs d'Etat et de Gouvernement, en sa Seizième Session Ordinaire
tenue à MONROVIA (Liberia) du 17 au 20 Juillet 1979, relative à
l'élaboration d'un avant-projet de Charte Africaine des Droits de
l'Homme et des Peuples, prévoyant notamment l'institution d'organes de
promotion et de protection des Droits de l'Homme et des Peuples;
Considérant la Charte de l'Organisation de
l'Unité Africaine, aux termes de laquelle, "la liberté,
l'égalité, la justice et la dignité sont des objectifs
essentiels à la réalisation des aspirations légitimes des
peuples africains";
Réaffirmant l'engagement qu'ils ont solennellement pris
à l'Article 2 de ladite Charte, d'éliminer sous toutes ses formes
le colonialisme de l'Afrique, de coordonner et d'intensifier leur
coopération et leurs efforts pour offrir de meilleures conditions
d'existence aux peuples d'Afrique, de favoriser la coopération
internationale en tenant dûment compte de la Charte des Nations Unies et
de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme;
Tenant compte des vertus de leurs traditions historiques et
des valeurs de civilisation africaine qui doivent inspirer et
caractériser leurs réflexions sur la conception des droits de
l'homme et des peuples;
Reconnaissant que d'une part, les droits fondamentaux de
l'être humain sont fondés sur les attributs de la personne
humaine, ce qui justifie leur protection internationale et que d'autre part, la
réalité et le respect des droits du peuple doivent
nécessairement garantir les droits de l'homme;
Considérant que la jouissance des droits et
libertés implique l'accomplissement des devoirs de chacun;
Convaincus qu'il est essentiel d'accorder désormais une
attention particulière au droit au développement; que les droits
civils et politiques sont indissociables des droits économiques, sociaux
et culturels, tant dans leur conception que dans leur universalité, et
que la satisfaction des droits économiques, sociaux et culturels
garantit la jouissance des droits civils et politiques;
Conscients de leur devoir de libérer totalement
l'Afrique dont les peuples continuent à lutter pour leur
indépendance véritable et leur dignité et s'engageant
à éliminer le colonialisme, le néocolonialisme,
l'apartheid, le sionisme, les bases militaires étrangères
d'agression et toutes formes de discrimination, notamment celles fondées
sur la race, l'ethnie, la couleur, le sexe, la langue, la religion ou l'opinion
politique;
Réaffirmant leur attachement aux libertés et aux
droits de l'homme et des peuples contenus dans les déclarations,
conventions et autres instruments adoptés dans le cadre de
l'Organisation de l'Unité Africaine, du Mouvement des Pays
Non-Alignés et de l'Organisation des Nations-Unies;
Fermement convaincus de leur devoir d'assurer la promotion et
la protection des droits et libertés de l'homme et des peuples, compte
dûment tenu de l'importance primordiale traditionnellement
attachée en Afrique à ces droits et libertés,
Sont convenus ce qui suit:
PREMIERE PARTIE: DES DROITS ET DES DEVOIRS
CHAPITRE 1:DES DROITS DE L'HOMME ET DES
PEUPLES
ARTICLE 1
Les Etats membres de l'Organisation de l'Unité
Africaine, parties à la présente Charte, reconnaissent les
droits, devoirs et libertés énoncés dans cette Charte et
s'engagent à adopter des mesures législatives ou autres pour les
appliquer.
ARTICLE 2
Toute personne a droit à la jouissance des droits et
libertés reconnus et garantis dans la présente Charte sans
distinction aucune, notamment de race, d'ethnie, de couleur, de sexe, de
langue, de religion, d'opinion politique ou de toute autre opinion, d'origine
nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation.
ARTICLE 3
1. Toutes les personnes bénéficient d'une totale
égalité devant la loi.
2. Toutes les personnes ont droit à une égale
protection de la loi.
ARTICLE 4
La personne humaine est inviolable. Tout être humain a
droit au respect de sa vie et à l'intégrité physique et
morale de sa personne: Nul ne peut être privé arbitrairement de ce
droit.
ARTICLE 5
Tout individu a droit au respect de la dignité
inhérente à la personne humaine et à la reconnaissance de
sa personnalité juridique. Toutes formes d'exploitation et
d'avilissement de l'homme notamment l'esclavage, la traite des personnes, la
torture physique ou morale, et les peines ou les traitements cruels inhumains
ou dégradants sont interdites.
ARTICLE 6
Tout individu a droit à la liberté et à
la sécurité de sa personne. Nul ne peut être privé
de sa liberté sauf pour des motifs et dans des conditions
préalablement déterminés par la loi; en particulier nul ne
peut être arrêté ou détenu arbitrairement.
ARTICLE 7
1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit
entendue. Ce droit comprend:
a. le droit de saisir les juridictions nationales
compétentes de tout acte violant les droits fondamentaux qui lui sont
reconnus et garantis par les conventions, les lois, règlements et
coutumes en vigueur;
b. le droit à la présomption d'innocence,
jusqu'à ce que sa culpabilité soit établie par une
juridiction compétente;
c. le droit à la défense, y compris celui de se
faire assister par un défenseur de son choix;
d. le droit d'être jugé dans un délai
raisonnable par une juridiction impartiale.
2. Nul ne peut être condamné pour une action ou
une omission qui ne constituait pas, au moment où elle a eu lieu, une
infraction légalement punissable. Aucune peine ne peut être
infligée si elle n'a pas été prévue au moment
où l'infraction a été commise. La peine est personnelle et
ne peut frapper que le délinquant.
ARTICLE 8
La liberté de conscience, la profession et la pratique
libre de la religion, sont garanties. Sous réserve de l'ordre public,
nul ne peut être l'objet de mesures de contrainte visant à
restreindre la manifestation de ces libertés.
ARTICLE 9
1. Toute personne a droit à l'information.
2. Toute personne a le droit d'exprimer et de diffuser ses
opinions dans le cadre des lois et règlements.
ARTICLE 10
1. Toute personne a le droit de constituer librement des
associations avec d'autres, sous réserve de se conformer aux
règles édictées par la loi.
2. Nul ne peut être obligé de faire partie d'une
association sous réserve de l'obligation de solidarité
prévue à l'article 29.
ARTICLE 11
Toute personne a le droit de se réunir librement avec
d'autres. Ce droit s'exerce sous la seule réserve des restrictions
nécessaires édictées par les lois et règlements,
notamment dans l'intérêt de la sécurité nationale,
de la sûreté d'autrui, de la santé, de la morale ou des
droits et libertés des personnes.
ARTICLE 12
1. Toute personne a le droit de circuler librement et de
choisir sa résidence à l'intérieur d'un Etat, sous
réserve de se conformer aux règles édictées par la
loi.
2. Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris
le sien, et de revenir dans son pays. Ce droit ne peut faire l'objet de
restrictions que si celles-ci sont prévues par la loi,
nécessaires pour protéger la sécurité nationale,
l'ordre public, la santé ou la moralité publiques.
3. Toute personne a le droit, en cas de persécution, de
rechercher et de recevoir asile en territoire étranger,
conformément à la loi de chaque pays et aux conventions
internationales.
4. L'étranger légalement admis sur le territoire
d'un Etat partie à la présente Charte ne pourra en être
expulsé qu'en vertu d'une décision conforme à la loi.
5. L'expulsion collective d'étrangers est interdite.
L'expulsion collective est celle qui vise globalement des groupes nationaux,
raciaux, ethniques ou religieux.
ARTICLE 13
1. Tous les citoyens ont le droit de participer librement
à la direction des affaires publiques de leur pays, soit directement,
soit par l'intermédiaire de représentants librement choisis, ce,
conformément aux règles édictées par la loi.
2. Tous les citoyens ont également le droit
d'accéder aux fonctions publiques de leurs pays.
3. Toute personne a le droit d'user des biens et services
publics dans la stricte égalité de tous devant la loi.
ARTICLE 14
Le droit de propriété est garanti. Il ne peut y
être porté atteinte que par nécessité publique ou
dans l'intérêt général de la collectivité,
ce, conformément aux dispositions des lois appropriées.
ARTICLE 15
Toute personne a le droit de travailler dans des conditions
équitables et satisfaisantes et de percevoir un salaire égal pour
un travail égal.
ARTICLE 16
1. Toute personne a le droit de jouir du meilleur état
de santé physique et mentale qu'elle soit capable d'atteindre.
2. Les Etats parties à la présente Charte
s'engagent à prendre les mesures nécessaires en vue de
protéger la santé de leurs populations et de leur assurer
l'assistance médicale en cas de maladie.
ARTICLE 17
1. Toute personne a droit à l'éducation.
2. Toute personne peut prendre part librement à la vie
culturelle de la Communauté.
3. La promotion et la protection de la morale et des valeurs
traditionnelles reconnues par la Communauté constituent un devoir de
l'Etat dans le cadre de la sauvegarde des droits de l'homme.
ARTICLE 18
1. La famille est l'élément naturel et la base
de la société. Elle doit être protégée par
l'Etat qui doit veiller à sa santé physique et morale.
2. L'Etat a l'obligation d'assister la famille dans sa mission
de gardienne de la morale et des valeurs traditionnelles reconnues par la
Communauté.
3. L'Etat a le devoir de veiller à l'élimination
de toute discrimination contre la femme et d'assurer la protection des droits
de la femme et de l'enfant tels que stipulés dans les
déclarations et conventions internationales.
4. Les personnes âgées ou handicapées ont
également droit à des mesures spécifiques de protection en
rapport avec leurs besoins physiques ou moraux.
ARTICLE 19
Tous les peuples sont égaux ; ils jouissent de la
même dignité et ont les mêmes droits. Rien ne peut justifier
la domination d'un peuple par un autre.
ARTICLE 20
1. Tout peuple a droit à l'existence. Tout peuple a un
droit imprescriptible et inaliénable à
l'autodétermination. ll détermine librement son statut politique
et assure son développement économique et social selon la voie
qu'il a librement choisie.
2. Les peuples colonisés ou opprimés ont le
droit de se libérer de leur état de domination en recourant
à tous moyens reconnus par la Communauté internationale.
3. Tous les peuples ont droit à l'assistance des Etats
parties à la présente Charte, dans leur lutte de
libération contre la domination étrangère, qu'elle soit
d'ordre politique, économique ou culturel.
ARTICLE 21
1. Les peuples ont la libre disposition de leurs richesses et
de leurs ressources naturelles. Ce droit s'exerce dans l'intérêt
exclusif des populations. En aucun cas, un peuple ne peut en être
privé.
2. En cas de spoliation, le peuple spolié a droit
à la légitime récupération de ses biens ainsi
qu'à une indemnisation adéquate.
3. La libre disposition des richesses et des ressources
naturelles s'exerce sans préjudice de l'obligation de promouvoir une
coopération économique internationale fondée sur le
respect mutuel, l'échange équitable, et les principes du droit
international.
4. Les Etats parties à la présente Charte
s'engagent, tant individuellement que collectivement, à exercer le droit
de libre disposition de leurs richesses et de leurs ressources naturelles, en
vue de renforcer l'unité et la solidarité africaines.
5. Les Etats, parties à la présente Charte,
s'engagent à éliminer toutes les formes d'exploitation
économique étrangère, notamment celle qui est
pratiquée par des monopoles internationaux, afin de permettre à
la population de chaque pays de bénéficier pleinement des
avantages provenant de ses ressources nationales.
ARTICLE 22
1. Tous les peuples ont droit à leur
développement économique, social et culturel, dans le respect
strict de leur liberté et de leur identité, et à la
jouissance égale du patrimoine commun de l'humanité.
2. Les Etats ont le devoir, séparément ou en
coopération, d'assurer l'exercice du droit au développement.
ARTICLE 23
1. Les peuples ont droit à la paix et à la
sécurité tant sur le plan national que sur le plan international.
Le principe de solidarité et de relations amicales affirmé
implicitement par la Charte de l'Organisation des Nations Unies et
réaffirmé par celle de l'Organisation de l'Unité Africaine
est applicable aux rapports entre les Etats.
2. Dans le but de renforcer la paix, la solidarité et
les relations amicales, les Etats, parties à la présente Charte,
s'engagent à interdire:
i. qu'une personne jouissant du droit d'asile aux termes de
l'article 12 de la présente Charte entreprenne une activité
subversive dirigée contre son pays d'origine ou contre tout autre pays,
parties à la présente Charte;
ii. que leurs territoires soient utilisés comme base de
départ d'activités subversives ou terroristes dirigées
contre le peuple de tout autre Etat, partie à la présente
Charte.
ARTICLE 24
Tous les peuples ont droit à un environnement
satisfaisant et global, propice à leur développement.
ARTICLE 25
Les Etats parties à la présente Charte ont le
devoir de promouvoir et d'assurer, par l'enseignement, l'éducation et la
diffusion, le respect des droits et des libertés contenus dans la
présente Charte, et de prendre des mesures en vue de veiller à ce
que ces libertés et droits soient compris de même que les
obligations et devoirs correspondants.
ARTICLE 26
Les Etats parties à la présente Charte ont le
devoir de garantir l'indépendance des Tribunaux et de permettre
l'établissement et le perfectionnement d'institutions nationales
appropriées chargées de la promotion et de la protection des
droits et libertés garantis par la présente Charte.
CHAPITRE II DES DEVOIRS
ARTICLE 27
1. Chaque individu a des devoirs envers la famille et la
société, envers l'Etat et les autres collectivités
légalement reconnues et envers la Communauté Internationale.
2. Les droits et les libertés de chaque personne
s'exercent dans le respect du droit d'autrui, de la sécurité
collective, de la morale et de l'intérêt commun.
ARTICLE 28
Chaque individu a le devoir de respecter et de
considérer ses semblables sans discrimination aucune, et d'entretenir
avec eux des relations qui permettent de promouvoir, de sauvegarder et de
renforcer le respect et la tolérance réciproques.
ARTICLE 29
L'individu a en outre le devoir:
1. De préserver le développement harmonieux de
la famille et d'oeuvrer en faveur de la cohésion et du respect de cette
famille ; de respecter à tout moment ses parents, de les nourrir, et de
les assister en cas de nécessité;
2. De servir sa communauté nationale en mettant ses
capacités physiques et intellectuelles à son service;
3. De ne pas compromettre la sécurité de l'Etat
dont il est national ou résident;
4. De ne pas compromettre la sécurité de l'Etat
dont il est national ou résident;
5. De préserver et de renforcer l'indépendance
nationale et l'intégrité territoriale de la patrie et, d'une
façon générale, de contribuer à la défense
de son pays, dans les conditions fixées par la loi;
6. De travailler, dans la mesure de ses capacités et de
ses possibilités, et de s'acquitter des contributions fixées par
la loi pour la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la
société;
7. De veiller, dans ses relations avec la
société, à la préservation et au renforcement des
valeurs culturelles africaines positives, dans un esprit de tolérance,
de dialogue et de concertation et d'une façon générale de
contribuer à la promotion de la santé morale de la
société;
8. De contribuer au mieux de ses capacités, à
tout moment et à tous les niveaux, à la promotion et à la
réalisation de l'unité africaine.
DEUXIEME PARTIE: DES MESURES DE SAUVEGARDE
CHAPITRE I : DE LA COMPOSITION ET DE L'ORGANISATION DE
LA COMMISSION AFRICAINE DES DROITS DE L'HOMME ET DES PEUPLES
ARTICLE 30
Il est créé auprès de l'Organisation de
l'Unité Africaine une Commission Africaine des Droits de l'Homme et des
Peuples ci-dessous dénommée "la Commission", chargée de
promouvoir les droits de l'homme et des peuples et d'assurer leur protection en
Afrique.
ARTICLE 31
1. La Commission se compose de onze membres qui doivent
être choisis parmi les personnalités africaines jouissant de la
plus haute considération, connues pour leur haute moralité, leur
intégrité et leur impartialité, et possédant une
compétence en matière de droits de l'homme et des peuples, un
intérêt particulier devant être donné à la
participation de personnes ayant une expérience en matière de
droit.
2. Les membres de la Commission siègent à titre
personnel.
ARTICLE 32
La Commission ne peut comprendre plus d'un ressortissant du
même Etat.
ARTICLE 33
Les membres de la Commission sont élus au scrutin
secret par la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement, sur une
liste de personnes présentées à cet effet, par les Etats
parties à la présente Charte.
ARTICLE 34
Chaque Etat partie à la présente Charte peut
présenter deux candidats au plus. Les candidats doivent avoir la
nationalité d'un des Etats parties à la présente Charte.
Quand deux candidats sont présentés par un Etat, l'un des deux ne
peut être national de cet Etat.
ARTICLE 35
1. Le Secrétaire Général de
l'Organisation de l'Unité Africaine invite les Etats parties à la
présente Charte à procéder, dans un délai d'au
moins quatre mois, avant les élections, à la présentation
des candidats à la Commission.
2. Le Secrétaire Général de
l'Organisation de l'Unité Africaine dresse la liste alphabétique
des personnes ainsi présentées et la communique un mois au moins
avant les élections, aux Chefs d'Etat et de Gouvernement.
ARTICLE 36
Les membres de la Commission sont élus pour une
période de six ans renouvelable. Toutefois, le mandat de quatre des
membres élus lors de la première élection prend fin au
bout de deux ans, et le mandat de trois autres au bout de quatre ans.
ARTICLE 37
Immédiatement après la première
élection, les noms des membres visés à l'article 36 sont
tirés au sort par le Président de la Conférence des Chefs
d'Etat et de Gouvernement de l'OUA.
ARTICLE 38
Après leur élection, les membres de la
Commission font la déclaration solennelle de bien et fidèlement
remplir leurs fonctions en toute impartialité.
ARTICLE 39
1. En cas de décès ou de démission d'un
membre de la Commission, le Président de la Commission en informe
immédiatement le Secrétaire Général de l'OUA qui
déclare le siège vacant à partir de la date du
décès ou de celle à laquelle la démission prend
effet.
2. Si de l'avis unanime des autres membres de la Commission,
un membre a cessé de remplir ses fonctions pour toute autre cause qu'une
absence de caractère temporaire, ou se trouve dans l'incapacité
de continuer à les remplir, le Président de la Commission en
informe le Secrétaire Général de l'Organisation de
l'Unité Africaine qui déclare alors le siège vacant.
3. Dans chacun des cas prévus ci-dessus, la
Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement procède au
remplacement du membre dont le siège est devenu vacant pour la portion
du mandat restant à courir, sauf si cette portion est inférieure
à six mois.
ARTICLE 40
Tout membre de la Commission conserve son mandat
jusqu'à la date d'entrée en fonction de son successeur.
ARTICLE 41
Le Secrétaire Général de l'OUA
désigne un secrétaire de la Commission et fournit en outre le
personnel et les moyens et services nécessaires à l'exercice
effectif des fonctions attribuées à la Commission. L'OUA prend
à sa charge le coût de ce personnel et de ces moyens et
services.
ARTICLE 42
1. La Commission élit son Président et son
Vice-Président pour une période de deux ans renouvelable.
2. Elle établit son règlement
intérieur.
3. Le quorum est constitué par sept membres.
4. En cas de partage des voix au cours des votes, la voix du
Président est prépondérante.
5. Le Secrétaire Général de l'OUA peut
assister aux réunions de la Commission. Il ne participe ni aux
délibérations, ni aux votes. Il peut toutefois être
invité par le Président de la Commission à y prendre la
parole.
ARTICLE 43
Les membres de la Commission, dans l'exercice de leurs
fonctions, jouissent des privilèges et immunités diplomatiques
prévus par la Convention sur les privilèges et immunités
de l'Organisation de l'Unité Africaine.
ARTICLE 44
Les émoluments et allocations des membres de la
Commission sont prévus au budget régulier de l'Organisation de
l'Unité Africaine.
CHAPITRE II : DES COMPETENCES DE LA COMMISSION
ARTICLE 45
La Commission a pour mission de:
1. Promouvoir les droits de l'homme et des peuples et
notamment:
i. Rassembler de la documentation, faire des études et
des recherches sur les problèmes africains dans le domaine des droits de
l'homme et des peuples, organiser des séminaires, des colloques et des
conférences, diffuser des informations, encourager les organismes
nationaux et locaux s'occupant des droits de l'homme et des peuples et, le cas
échéant, donner des avis ou faire des recommandations aux
gouvernements;
ii. Formuler et élaborer, en vue de servir de base
à l'adoption de textes législatifs par les gouvernements
africains, des principes et règles qui permettent de résoudre les
problèmes juridiques relatifs à la jouissance des droits de
l'homme et des peuples et des libertés fondamentales;
iii. Coopérer avec les autres institutions africaines
ou internationales qui s'intéressent à la promotion et à
la protection des droits de l'homme et des peuples.
2. Assurer la protection des droits de l'homme et des peuples
dans les conditions fixées par la présente Charte.
3. Interpréter toute disposition de la présente
Charte à la demande d'un Etat partie, d'une Institution de l'OUA ou
d'une Organisation africaine reconnue par l'OUA.
4. Exécuter toutes autres tâches qui lui seront
éventuellement confiées par la Conférence des Chefs d'Etat
et de Gouvernement.
CHAPITRE III : DE LA PROCEDURE DE LA COMMISSION
ARTICLE 46
La Commission peut recourir à toute méthode
d'investigation appropriée; elle peut notamment entendre le
Secrétaire Général de l'OUA et toute personne susceptible
de l'éclairer.
ARTICLE 47
Si un Etat partie à la présente Charte a de
bonnes raisons de croire qu'un autre Etat également partie à
cette Charte a violé les dispositions de celle-ci, il peut appeler, par
communication écrite, l'attention de cet Etat sur la question. Cette
communication sera également adressée au Secrétaire
Général de l'OUA et au Président de la Commission. Dans un
délai de trois mois à compter de la réception de la
communication, l'Etat destinataire fera tenir à l'Etat qui a
adressé la communication, des explications ou déclarations
écrites élucidant la question, qui devront comprendre dans toute
la mesure du possible, des indications sur les lois et règlements de
procédure applicables ou appliqués et sur les moyens de recours,
soit déjà utilisés, soit en instance, soit encore
ouverts.
ARTICLE 48
Si dans un délai de 3 (trois) mois à compter de
la date de réception de la communication originale par l'Etat
destinataire, la question n'est pas réglée à la
satisfaction des deux Etats intéressés, par voie de
négociation bilatérale ou par toute autre procédure
pacifique, l'un comme l'autre auront le droit de la soumettre à la
Commission par une notification adressée à son Président,
à l'autre Etat intéressé et au Secrétaire
Général de l'OUA.
ARTICLE 49
Nonobstant les dispositions de l'article 47, si un Etat partie
à la présente Charte estime qu'un autre Etat également
partie à cette Charte a violé les dispositions de celle-ci, il
peut saisir directement la Commission par une communication adressée
à son Président, au Secrétaire Général de
l'OUA et à l'Etat intéressé.
ARTICLE 50
La Commission ne peut connaitre d'une affaire qui lui est
soumise qu'après s'être assurée que tous les recours
internes, s'ils existent, ont été épuisés, à
moins qu'il ne soit manifeste pour la Commission que la procédure de ces
recours se prolonge d'une façon anormale.
ARTICLE 51
1. La Commission peut demander aux Etats parties
intéressés de lui fournir toute information pertinente.
2. Au moment de l'examen de l'affaire, des Etats parties
intéressés peuvent se faire représenter devant la
Commission et présenter des observations écrites ou orales.
ARTICLE 52
Après avoir obtenu, tant des Etats parties
intéressés que d'autres sources, toutes les informations qu'elle
estime nécessaires et après avoir essayé par tous les
moyens appropriés de parvenir à une solution amiable
fondée sur le respect des droits de l'homme et des peuples, la
Commission établit, dans un délai raisonnable à partir de
la notification visée à l'article 48, un rapport relatant les
faits et les conclusions auxquelles elle a abouti. Ce rapport est envoyé
aux Etats concernés et communiqué à la Conférence
des Chefs d'Etat et de Gouvernement.
ARTICLE 53
Au moment de la transmission de son rapport, la Commission
peut faire à la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement,
telle recommandation qu'elle jugera utile.
ARTICLE 54
La Commission soumet à chacune des sessions ordinaires
de la conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement un rapport sur ses
activités.
ARTICLE 55
1. Avant chaque session, le Secrétaire de la Commission
dresse la liste des communications autres que celles des Etats parties à
la présente Charte et les communique aux membres de la Commission qui
peuvent demander à en prendre connaissance et en saisir la
Commission.
2. La Commission en sera saisie, sur la demande de la
majorité absolue de ses membres.
ARTICLE 56
Les communications visées à l'article 55
reçues à la Commission et relatives aux droits de l'homme et des
peuples doivent nécessairement, pour être examinées,
remplir les conditions ci-après:
1. Indiquer l'identité de leur auteur même si
celui-ci demande à la Commission de garder l'anonymat;
2. Etre compatibles avec la Charte de l'Organisation de
l'Unité Africaine ou avec la présente Charte;
3. Ne pas contenir des termes outrageants ou insultants
à l'égard de l'Etat mis en cause, de ses institutions ou de
l'OUA;
4. Ne pas se limiter à rassembler exclusivement des
nouvelles diffusées par des moyens de communication de masse;
5. Etre postérieures à l'épuisement des
recours internes s'ils existent, à moins qu'il ne soit manifeste
à la Commission que la procédure de ces recours se prolonge d'une
façon anormale;
6. Etre introduites dans un délai raisonnable courant
depuis l'épuisement des recours internes ou depuis la date retenue par
la Commission comme faisant commencer à courir le délai de sa
propre saisine;
7. Ne pas concerner des cas qui ont été
réglés conformément soit aux principes de la Charte des
Nations Unies, soit de la Charte de l'Organisation de l'Unité Africaine
et soit des dispositions de la présente Charte.
ARTICLE 57
Avant tout examen au fond, toute communication doit être
portée à la connaissance de l'Etat intéressé par
les soins du Président de la Commission.
ARTICLE 58
1. Lorsqu'il apparaît à la suite d'une
délibération de la Commission qu'une ou plusieurs communications
relatent des situations particulières qui semblent révéler
l'existence d'un ensemble de violations graves ou massives des droits de
l'homme et des peuples, la Commission attire l'attention de la
Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement sur ces situations.
2. La Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement
peut alors demander à la Commission de procéder sur ces
situations, à une étude approfondie, et de lui rendre compte dans
un rapport circonstancié, accompagné de ses conclusions et
recommandations.
3. En cas d'urgence dûment constatée par la
Commission, celle-ci saisit le Président de la Conférence des
Chefs d'Etat et de Gouvernement qui pourra demander une étude
approfondie.
ARTICLE 59
1. Toutes les mesures prises dans le cadre du présent
chapitre resteront confidentielles jusqu'au moment où la
Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement en décidera
autrement.
2. Toutefois, le rapport est publié par le
Président de la Commission sur décision de la Conférence
des Chefs d'Etat et de Gouvernement.
3. Le rapport d'activités de la Commission est
publié par son Président après son examen par la
Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement.
CHAPITRE IV: DES PRINCIPES APPLICABLES
ARTICLE 60
La Commission s'inspire du droit international relatif aux
droits de l'homme et des peuples, notamment des dispositions des divers
instruments africains relatifs aux droits de l'homme et des peuples, des
dispositions de la Charte des Nations Unies, de la Charte de l'Organisation de
l'Unité Africaine, de la Déclaration Universelle des Droits de
l'Homme, des dispositions des autres instruments adoptés par les Nations
Unies et par les pays africains dans le domaine des droits de l'homme et des
peuples ainsi que des dispositions de divers instruments adoptés au sein
d'institutions spécialisées des Nations Unies dont sont membres
les parties à la présente Charte.
ARTICLE 61
La Commission prend aussi en considération, comme
moyens auxiliaires de détermination des règles de droit, les
autres conventions internationales, soit générales, soit
spéciales, établissant des règles expressément
reconnues par les Etats membres de l'Organisation de l'Unité Africaine,
les pratiques africaines conformes aux normes internationales relatives aux
droits de l'homme et des peuples, les coutumes généralement
acceptées comme étant le droit, les principes
généraux de droit reconnus par les nations africaines ainsi que
la jurisprudence et la doctrine.
ARTICLE 62
Chaque Etat partie s'engage à présenter tous les
deux ans, à compter de la date d'entrée en vigueur de la
présente Charte, un rapport sur les mesures d'ordre législatif ou
autre, prises en vue de donner effet aux droits et libertés reconnus et
garantis dans la présente Charte.
ARTICLE 63
1. La présente Charte sera ouverte à la
signature, à la ratification ou à l'adhésion des Etats
membres de l'Organisation de l'Unité Africaine
2. Les instruments de ratification ou d'adhésion de la
présente Charte seront déposés auprès du
Secrétaire Général de l'Organisation de l'Unité
Africaine.
3. La présente Charte entrera en vigueur trois mois
après la réception par le Secrétaire
Général, des instruments de ratification ou d'adhésion de
la majorité absolue des Etats membres de l'Organisation de
l'Unité Africaine.
TROISIEME PARTIE: DISPOSITIONS DIVERSES
ARTICLE 64
1. Dès l'entrée en vigueur de la présente
Charte, il sera procédé à l'élection des membres de
la Commission dans les conditions fixées par les dispositions des
articles pertinents de la présente Charte.
2. Le Secrétaire Général de
l'Organisation de l'Unité Africaine convoquera la première
réunion de la Commission au siège de l'Organisation. Par la
suite, la Commission sera convoquée chaque fois qu'il sera
nécessaire et au moins une fois par an par son Président.
ARTICLE 65
Pour chacun des Etats qui ratifieront la présente
Charte ou y adhéreront après son entrée en vigueur, ladite
Charte prendra effet trois mois après la date du dépôt par
cet Etat, de son instrument de ratification ou d'adhésion.
ARTICLE 66
Des protocoles ou accords particuliers pourront, en cas de
besoin, compléter les dispositions de la présente Charte.
ARTICLE 67
Le Secrétaire Général de l'Organisation
de l'Unité Africaine informera les Etats membres de l'Organisation de
l'Unité Africaine du dépôt de chaque instrument de
ratification ou d'adhésion.
ARTICLE 68
La présente Charte peut être amendée ou
révisée si un Etat partie envoie à cet effet une demande
écrite au Secrétaire Général de l'Organisation de
l'Unité Africaine. La conférence des Chefs d'Etat et de
Gouvernement n'est saisie du projet d'amendement que lorsque tous les Etats
parties en auront été dûment avisés et que la
Commission aura donné son avis à la diligence de l'Etat
demandeur. L'amendement doit être approuvé par la majorité
absolue des Etats parties. II entre en vigueur pour chaque Etat qui l'aura
accepté conformément à ses règles
constitutionnelles trois mois après la notification de cette acceptation
au Secrétaire Général de l'Organisation de l'Unité
Africaine.
Adoptée par la
dix-huitième Conférence des Chefs d'état et de
Gouvernement
Juin 1981 Nairobi,
Kenya
ANNEXE 2 :
PROTOCOLE RELATIF A LA CHARTE AFRICAINE DES DROITS DE
L'HOMME ET DES PEUPLES PORTANT CREATION D'UNE COUR AFRICAINE DES DROITS DE
L'HOMME ET DES PEUPLES
PREAMBULE
Les Etats membres de l'Organisation de l'Unité
Africaine (ci-après dénommée « OUA »), Etats
parties à la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples,
Considérant la Charte de l'Organisation de
l'Unité Africaine, aux termes de laquelle la liberté,
l'égalité, la justice, la paix et la dignité sont des
objectifs essentiels à la réalisation des aspirations
légitimes des peuples africains ;
Notant que la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des
Peuples réaffirme l'attachement aux principes des droits de l'Homme et
des Peuples, aux libertés ainsi qu'aux devoirs contenus dans les
déclarations, conventions et autres instruments adoptés par
l'Organisation de l'Unité Africaine et d'autres organisations
internationales ;
Reconnaissant le double objectif de la Charte Africaine des
Droits de l'Homme et des Peuples qui est de garantir, d'une part, la promotion,
d'autre part, la protection des droits de l'Homme et des Peuples, des
libertés et des devoirs ;
Reconnaissant en outre les progrès accomplis par la
Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples, depuis sa
création en 1987, en matière de promotion et de protection des
droits de l'Homme et des Peuples ;
Rappelant la résolution AHG/Res.230(XXX) par laquelle
la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement réunie en juin
1994 à Tunis (Tunisie) a demandé au Secrétaire
Général de convoquer une réunion d'experts
gouvernementaux, pour procéder, en consultation avec la Commission
Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples, à l'examen des
possibilités de renforcer l'efficacité de la Commission et
notamment de la question de création d'une Cour Africaine des Droits de
l'Homme et des Peuples ;
Notant les 1ère et 2ème réunions
d'experts juristes gouvernementaux tenues respectivement au Cap, Afrique du Sud
(septembre 1995), à Nouakchott, Mauritanie (avril 1997) et la
3ème réunion élargie aux diplomates, tenue à
AddisAbéba, Ethiopie (décembre 1997) ;
Fermement convaincus que la réalisation des objectifs
de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples nécessite la
création d'une Cour Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples pour
compléter et renforcer la mission de la Commission Africaine des Droits
de l'Homme et des Peuples ;
SONT CONVENUS DE CE QUI SUIT :
ARTICLE 1 : CREATION DE LA COUR
Il est créé, au sein de l'Organisation de
l'Unité Africaine, une Cour Africaine des Droits de l'Homme et des
Peuples (ci-après dénommée « la Cour »), dont
l'organisation, la compétence et le fonctionnement sont régis par
le présent Protocole.
ARTICLE 2 : RELATIONS ENTRE LA COUR ET LA
COMMISSION
La Cour, tenant dûment compte des dispositions du
présent Protocole, complète les fonctions de protection que la
Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples (ci-après
dénommée « la Charte ») a conférées
à la Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples
(ci-après dénommée « la Commission »).
ARTICLE 3 : COMPETENCE DE LA COUR
1. La Cour a compétence pour connaître de toutes
les affaires et de tous les différends dont elle est saisie concernant
l'interprétation et l'application de la Charte, du présent
Protocole, et de tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l'homme
et ratifié par les Etats concernés.
2. En cas de contestation sur le point de savoir si la Cour
est compétente, la Cour décide.
ARTICLE 4 : AVIS CONSULTATIFS
1. A la demande d'un Etat membre de l'OUA, de l'OUA, de tout
organe de l'OUA ou d'une organisation africaine reconnue par l'OUA, la Cour
peut donner un avis sur toute question juridique concernant la Charte ou tout
autre instrument pertinent relatif aux droits de l'homme, à condition
que l'objet de l'avis consultatif ne se rapporte pas à une requête
pendante devant la Commission.
2. Les avis consultatifs de la Cour sont motivés. Un
juge peut y joindre une opinion individuelle ou dissidente.
ARTICLE 5 : SAISINE DE LA COUR
1. Ont qualité pour saisir la Cour :
a) la Commission ;
b) l'Etat partie qui a saisi la Commission ;
c) l'Etat partie contre lequel une plainte a été
introduite ;
d) l'Etat partie dont le ressortissant est victime d'une
violation des droits de l'homme ;
e) les organisations inter-gouvernementales africaines.
2. Lorsqu'un Etat partie estime avoir un intérêt
dans une affaire, il peut adresser à la Cour une requête aux fins
d'intervention.
3. La Cour peut permettre aux individus ainsi qu'aux
organisations non gouvernementales (ONG) dotées du statut d'observateur
auprès de la Commission d'introduire des requêtes directement
devant elle conformément à l'article 34(6) de ce Protocole.
ARTICLE 6 : RECEVABILITE DES REQUETES
1. La Cour, avant de statuer sur la recevabilité d'une
requête introduite en application de l'article 5(3) du présent
Protocole, peut solliciter l'avis de la Commission qui doit le donner dans les
meilleurs délais.
2. La Cour statue sur la recevabilité des
requêtes en tenant compte des dispositions énoncées
à l'article 56 de la Charte.
3. La Cour peut connaître des requêtes ou les
renvoyer devant la Commission.
ARTICLE 7 : DROIT APPLICABLE
La Cour applique les dispositions de la Charte ainsi que tout
autre instrument pertinent relatif aux droits de l'homme et ratifié par
l'Etat concerné.
ARTICLE 8 : EXAMEN DES REQUETES
La Cour fixe dans son Règlement Intérieur les
conditions d'examen des requêtes dont elle est saisie en tenant compte de
la complémentarité entre elle et la Commission.
ARTICLE 9 : REGLEMENT A L'AMIABLE
La Cour peut tenter de régler à l'amiable les
cas qui lui sont soumis conformément aux dispositions de la Charte.
ARTICLE 10 : AUDIENCES DE LA COUR ET
REPRESENTATION
1. Les audiences de la Cour sont publiques. La Cour peut
cependant tenir ses audiences à huis clos, dans les conditions
prévues par le Règlement Intérieur.
2. Toute partie à une affaire a le droit de se faire
représenter par le conseil juridique de son choix. Une
représentation ou une assistance judiciaire peut être gratuitement
assurée dans les cas où l'intérêt de la justice
l'exige.
3. Toutes personnes, témoins ou représentants
des parties appelés à comparaître devant la Cour jouissent
de la protection et des facilités reconnues par le Droit International
et nécessaires à l'accomplissement de leurs fonctions, de leurs
devoirs et de leurs obligations en rapport avec la Cour.
ARTICLE 11 : COMPOSITION DE LA COUR
1. La Cour se compose de onze juges, ressortissants des Etats
Membres de l'OUA, élus à titre personnel parmi des juristes
jouissant d'une très haute autorité morale, d'une
compétence et expérience juridique, judiciaire ou
académique reconnue dans le domaine des Droits de l'Homme et des
Peuples.
2. La Cour ne peut comprendre plus d'un juge de la même
nationalité.
ARTICLE 12 : CANDIDATURES
1. Chaque Etat partie au Protocole peut présenter
jusqu'à trois candidats dont au moins deux doivent être
ressortissants de l'Etat qui les présente.
2. Lors de la présentation des candidatures, il sera
dûment tenu compte de la représentation adéquate des deux
sexes.
ARTICLE 13 : LISTE DES CANDIDATS
1. Dès l'entrée en vigueur du présent
Protocole, le Secrétaire Général de l'OUA invite les Etats
parties au Protocole à procéder, dans un délai de
quatre-vingt-dix (90) jours, à la présentation des candidatures
au poste de juge à la Cour.
2. Le Secrétaire Général de l'OUA dresse
la liste alphabétique des candidats présentés et la
communique aux Etats membres de l'OUA, au moins trente (30) jours avant la
session suivante de la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement de
l'OUA (ci-après dénommée «la
Conférence»).
ARTICLE 14 : ELECTIONS
1. Les juges à la Cour sont élus au scrutin
secret par la Conférence sur la liste visée à l'article
13(2) du présent Protocole.
2. La Conférence veille à ce que la composition
de la Cour reflète une répartition géographique
équitable ainsi que les grands systèmes juridiques.
3. Lors des élections, la Conférence veille
à ce que la représentation adéquate des deux sexes soit
assurée.
ARTICLE 15 : MANDAT DES JUGES
1. Les juges à la Cour sont élus pour une
période de six ans et sont rééligibles une seule fois.
Toutefois, le mandat de quatre juges élus lors de la première
élection prend fin au bout de deux ans et le mandat de quatre autres
prend fin au bout de quatre ans.
2. Les juges dont le mandat prend fin au terme des
périodes initiales de deux et quatre ans sont tirés au sort par
le Secrétaire Général de l'OUA, immédiatement
après la première élection.
3. Le juge élu pour remplacer un autre juge dont le
mandat n'est pas arrivé à terme achève la portion du
mandat de son prédécesseur qui reste à courir.
4. Tous les juges, à l'exception du Président,
exercent leurs fonctions à temps partiel. Cependant, la
Conférence peut modifier cette décision si elle le juge
nécessaire.
ARTICLE 16 : SERMENT
Après leur élection, les juges prêtent
serment d'exercer leurs fonctions en toute impartialité et
loyauté.
ARTICLE 17 : INDEPENDANCE DES JUGES
1. L'indépendance des juges est pleinement
assurée conformément au Droit International.
2. Les juges ne peuvent siéger dans une affaire dans
laquelle ils sont antérieurement intervenus comme agents, conseils, ou
avocats de l'une des parties, membre d'un tribunal national ou international,
d'une commission d'enquête, ou à tout autre titre. En cas de doute
sur la réalité de cette intervention, la Cour tranche.
3. Dès leur élection et pendant toute la
durée de leur mandat, les juges à la Cour jouissent des
privilèges et immunités reconnus en Droit International au
personnel diplomatique.
4. Les juges à la Cour ne peuvent, à aucun
moment, même après l'expiration de leur mandat, être
poursuivis en raison des votes ou des opinions émis dans l'exercice de
leurs fonctions.
ARTICLE 18 : INCOMPATIBILITE
Les fonctions de juge à la Cour sont incompatibles avec
toutes autres activités de nature à porter atteinte aux exigences
d'indépendance ou d'impartialité liées à la
fonction et telles que stipulées dans le Règlement
Intérieur.
ARTICLE 19 : FIN DU MANDAT DU JUGE
1. Un juge ne peut être suspendu ou relevé de ses
fonctions que si, de l'avis unanime des autres juges à la Cour, il a
cessé de répondre aux conditions requises.
2. La décision de la Cour est définitive
à moins que la Conférence n'en décide autrement lors de sa
session suivante.
ARTICLE 20 : VACANCE DE SIEGE
1. En cas de décès ou de démission d'un
juge à la Cour, le Président de la Cour informe
immédiatement le Secrétaire Général de l'OUA qui
déclare le siège vacant à partir de la date du
décès ou de celle à laquelle la démission prend
effet.
2. La Conférence procède au remplacement du juge
dont le siège est devenu vacant à moins que le mandat restant
soit inférieur à cent quatre-vingt (180) jours.
3. La même procédure et les mêmes
considérations définies aux articles 12, 13 et 14 du
présent Protocole sont applicables pour pourvoir aux sièges
vacants.
ARTICLE 21 : PRESIDENCE DE LA COUR
1. La Cour élit son Président et son
Vice-Président pour une période de deux ans renouvelable une
seule fois.
2. Le Président exerce ses fonctions à plein
temps. Il réside au lieu du siège de la Cour.
3. Les fonctions du Président ainsi que celles du
Vice-Président sont déterminées dans le Règlement
Intérieur de la Cour.
ARTICLE 22 : RECUSATION
Au cas où un juge possède la nationalité
d'un Etat partie à une affaire, il se récuse.
ARTICLE 23 : QUORUM
Pour l'examen de chaque affaire portée devant elle, la
Cour siège avec un quorum d'au moins sept juges.
ARTICLE 24 : GREFFE DE LA COUR
1. La Cour désigne son Greffier et les autres
fonctionnaires du Greffe parmi les ressortissants des Etats membres de l'OUA,
conformément aux dispositions de son Règlement
Intérieur.
2. Le Greffier réside au lieu du siège de la
Cour.
ARTICLE 25 : SIEGE DE LA COUR
1. Le siège de la Cour est établi dans un Etat
partie au Protocole par la Conférence. La Cour peut toutefois
siéger sur le territoire de tout Etat membre de l'OUA sur
décision de la majorité de ses membres et avec l'agrément
préalable de l'Etat concerné.
2. La Conférence peut décider, après avis
de la Cour, de changer le siège de celle-ci.
ARTICLE 26 : PREUVES
1. La Cour procède à l'examen contradictoire des
requêtes qui lui sont soumises et, s'il y a lieu, à une
enquête. Les Etats intéressés fournissent toutes les
facilités nécessaires à la conduite efficace de
l'affaire.
2. La Cour reçoit tous moyens de preuves
(écrites ou orales) qu'elle juge appropriées et sur lesquelles
elle fonde ses décisions.
ARTICLE 27 : DECISIONS DE LA COUR
1. Lorsqu'elle estime qu'il y a eu violation d'un droit de
l'homme ou des peuples, la Cour ordonne toutes les mesures appropriées
afin de remédier à la situation, y compris le paiement d'une
juste compensation ou l'octroi d'une réparation.
2. Dans les cas d'extrême gravité ou d'urgence et
lorsqu'il s'avère nécessaire d'éviter des dommages
irréparables à des personnes, la Cour ordonne les mesures
provisoires qu'elle juge pertinentes.
ARTICLE 28 : ARRET DE LA COUR
1. La Cour rend son arrêt dans les quatre-vingt (90)
jours qui suivent la clôture de l'instruction de l'affaire.
2. L'arrêt de la Cour est pris à la
majorité ; il est définitif et ne peut faire l'objet d'appel.
3. La Cour peut, sans préjudice des dispositions de
l'alinéa (2) qui précède, réviser son arrêt,
en cas de survenance de preuves dont elle n'avait pas connaissance au moment de
sa décision et dans les conditions déterminées dans le
Règlement Intérieur.
4. La Cour peut interpréter son arrêt.
5. L'arrêt de la Cour est prononcé en audience
publique, les parties étant dûment prévenues.
6. L'arrêt de la Cour est motivé.
7. Si l'arrêt de la Cour n'exprime pas, en tout ou en
partie, l'opinion unanime des juges, tout juge a le droit d'y joindre une
opinion individuelle ou dissidente.
ARTICLE 29 : SIGNIFICATION DE L'ARRET
1. L'arrêt de la Cour est signifié aux parties en
cause et transmis aux Etats membres de l'OUA ainsi qu'à la
Commission.
2. Les arrêts de la Cour sont aussi notifiés au
Conseil des Ministres qui veille à leur exécution au nom de la
Conférence.
ARTICLE 30 : EXECUTION DES ARRETS DE LA
COUR
Les Etats parties au présent Protocole s'engagent
à se conformer aux décisions rendues par la Cour dans tout litige
où ils sont en cause et à en assurer l'exécution dans le
délai fixé par la Cour.
ARTICLE 31 : RAPPORT
La Cour soumet à chaque session ordinaire de la
Conférence un rapport annuel sur ses activités. Ce rapport fait
état en particulier des cas où un Etat n'aura pas
exécuté les décisions de la Cour.
ARTICLE 32 : BUDGET
Les dépenses de la Cour, les émoluments et les
indemnités des juges, y compris les dépenses du Greffe sont
fixés et pris en charge par l'OUA, conformément aux
critères arrêtés par celle-ci en consultation avec la
Cour.
ARTICLE 33 : REGLEMENT INTERIEUR
La Cour établit son Règlement Intérieur
et détermine sa propre procédure. La Cour consulte la Commission
chaque fois que de besoin.
ARTICLE 34 : RATIFICATION
1. Le présent Protocole est ouvert à la
signature, à la ratification ou à l'adhésion des Etats
parties à la Charte.
2. Les instruments de ratification ou d'adhésion au
présent Protocole sont déposés auprès du
Secrétaire Général de l'OUA.
3. Le présent Protocole entre en vigueur trente (30)
jours après le dépôt de quinze instruments de ratification
ou d'adhésion.
4. Pour chacun des Etats parties qui le ratifient ou y
adhèrent ultérieurement, le présent Protocole prend effet
à la date du dépôt de l'instrument de ratification ou
d'adhésion.
5. Le Secrétaire Général de l'OUA informe
les Etats membres de l'entrée en vigueur du présent Protocole.
6. A tout moment à partir de la ratification du
présent Protocole, l'Etat doit faire une déclaration acceptant la
compétence de la Cour pour recevoir les requêtes
énoncées à l'article 5(3) du présent Protocole. La
Cour ne reçoit aucune requête en application de l'article 5(3)
intéressant un Etat partie qui n'a pas fait une telle
déclaration.
7. Les déclarations faites en application de
l'alinéa (6) ci-dessus sont déposées auprès du
Secrétaire Général de l'OUA qui transmet une copie aux
Etats parties.
ARTICLE 35 : AMENDEMENTS
1. Le présent Protocole peut être amendé
si un Etat partie adresse à cet effet une demande écrite au
Secrétaire Général de l'OUA. La Conférence peut
approuver, à la majorité absolue, le projet d'amendement lorsque
tous les Etats parties au présent Protocole en auront été
dûment avisés et après avis de la Cour.
2. La Cour peut également, si elle juge
nécessaire, par l'intermédiaire du Secrétaire
Général de l'OUA, proposer des amendements au présent
Protocole.
3. L'amendement entre en vigueur pour chaque Etat qui l'aura
accepté trente (30) jours après la notification de cette
acceptation au Secrétaire Général de l'OUA.
Adopté par la 34ème Session Ordinaire de
l'Assemblée des Chefs d'Etats et de Gouvernement réunit à
Ouagadougou, Burkina Faso du 8 au 10 juin 1998 au cours de laquelle, trente
Etats membres ont signé le Protocole.
TABLE DES MATIERES
DEDICACES..........................................................................................................................................I
REMERCIEMENTS..............................................................................................................................II
AVERTISSEMENT..............................................................................................................................III
ABBREVIATIONS...............................................................................................................................V
SOMMAIRE.......................................................................................................................................IV
INTRODUCTION 1
PREMIERE PARTIE : LA FAIBLE APPLICATION
DE LA CHARTE AFRICAINE 8
CHAPITRE 1 : AU REGARD DE L'ACTIVITE LEGISLATIVE
ET REGLEMENTAIRE DES ETATS 11
Section 1 : Une insuffisance de mesures dans
l'application de la Charte 12
Paragraphe 1 : Des mesures louables 12
A. La constitutionnalisation de la Charte 12
B. La mise en place de structures de droits de l'homme
15
C. La ratification de traités de droits de
l'homme....................................................................16
Paragraphe 2 : Des mesures à renforcer
18
A. La nécessité de combler les lacunes
textuelles..................................................................18
B. L'exigence de mesures
concrètes..........................................................................................20
Section 2 : Une application de la Charte
compromise par des textes contraires 22
Paragraphe 1 : Les textes de nature
législative contraires à la Charte 22
Paragraphe 2 : Les textes de nature
réglementaire hostiles à la Charte 24
CHAPITRE 2 : A LA LUMIERE DE LA JURISPRUDENCE
NATIONALE 26
Section 1 : Une jurisprudence marginalisant le
système africain de protection des droits de l'homme
27
Paragraphe 1 : La quasi absence de la Charte des
décisions de justice 27
A. La faible prise en compte de la Charte par le juge
constitutionnel 27
B. L'ignorance de la Charte par le juge
ordinaire.....................................................................31
Paragrahe 2: L'inexistence de référence à
la jurisprudence des organes de sauvegarde.......32
Section 2 : Tentative d'explication de la
marginalisation du système africain de protection des droits de l'homme
34
Paragraphe 1 : Une faible référence
à la Charte en raison de sa méconnaissance 35
A. La méconnaissance de la Charte par la
population 35
B. La méconnaissance de la Charte par les
praticiens du droit 36
Paragraphe 2 : Une faible
référence à la Charte due à l'inclination des juges
nationaux à invoquer les instruments internes 37
Conclusion de la première
partie....................................................................................................................38
DEUXIEME PARTIE : LES FACTEURS
EXPLICATIFS DE LA FAIBLE APPLICATION DE LA CHARTE AFRICAINE
40
CHAPITRE 1 : DES CONDITIONS GENERALES
DEFAVORABLES A L'APPLICATION DE LA CHARTE. 42
Section 1 : La Charte africaine,
prisonnière du contexte socio-politique 43
Paragraphe 1 : La persistance des dictatures, un
frein considérable à l'application de la Charte 43
Paragraphe 2 : L'instabilité politique,
cause de la faible application de la Charte 45
Section 2 : Le sous-développement,
facteur peu prometteur de l'application de la Charte 47
Paragraphe 1 :La quête du
développement, une justification pour s'exonérer de l'obligation
de respecter les droits de l'homme 47
Paragraphe 2 : La pauvreté, cause de
désintéressement de la population aux droits de l'homme 51
CHAPITRE 2 : LA FAIBLESSE DU MÉCANISME DE
SAUVEGARDE 54
Section 1 : Les insuffisances du
mécanisme instauré par la Charte 54
Paragraphe 1 : Le choix initial d'une
Commission............................................................................55
A. Les raisons du choix d'une
Commission............................................................................55
B. La composition et les fonctions de la
Commission..........................................................57
Paragraphe 2 : Les limites de la Commission
59
A- La saisine de la Commission, privilège
des Etats .............................................................59
B- Une absence de pouvoir décisionnel de la
Commission préjudiciable aux droits de l'homme
................................................................................................................................................60
Section 2 : L'efficacité relative de
la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples 62
Paragraphe 1 : Les avancées avec la Cour
africaine des droits de l'homme et des peuples 63
A- Des garanties
organiques...................................................................................................64
B- Des garanties
fonctionnelles..............................................................................................65
Paragraphe 2 :La Cour africaine : une
réforme institutionnelle laissant un goût d'inachevé
67
A- L'accès quasi fermé de la Cour
africaine..........................................................................67
B- La relation ambiguë entre la Cour et la
Commission....................................................69
Conclusion de la deuxième
partie...................................................................................................................70
CONCLUSION GENERALE
72
BIBLIOGRAPHIE...............................................................................................................................75
ANNEXES 82
TABLE DES
MATIERES...................................................................................................................102
* 1 DECAUX (E.), Paroles
et textes choisis, 2ème Forum mondial des Droits de
l'Homme, Nantes, 2006, p.7.
* 2 La CADHP a
été adoptée en juin 1981.
* 3 Créant ainsi,
chronologiquement, le troisième système régional de
protection des droits de l'homme après celui européen avec la
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme (CEDH) de 1950
et celui américain avec la Convention américaine relative aux
droits de l'homme (CADH) de 1969.
* 4 Il n'est pas sans
intérêt de relever que l'Assemblée générale
des Nations Unies adressa le 16 décembre 1981, par la résolution
A/Res/36/154, ses vives félicitations à l'OUA pour l'adoption de
la Charte africaine.
* 5 Pour Jean Claude MAVILA,
« le fait de créer un système régional de
protection des droits de l'homme est une révolution »,
in MAVILA (J.-C.), « Plaidoyer pour le respect des droits
de l'homme et des peuples », in MAUGENEST (D.) et POUGOUE
(P. G.), (dir.),Les droits de l'homme en Afrique centrale, Colloque
régional de Yaoundé, UCAC-KARTHALA, 1994, p.116.
* 6 FALL (A.
B.),« La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples :
entre universalisme et régionalisme », Pouvoirs,
2009/2 n° 129, p.80.
* 7Edem KODJO cité par
SAHIRI (R.), L'analyse de la jurisprudence de la Commission africaine des
droits de l'homme et des peuples (CADHP), Mémoire de fin de
formation continue en Droits de l'homme, Droits de l'homme, Genève,
Université de Genève, 2002, p.5.
* 8 KAMARA (M.),
« La promotion et la protection des droits fondamentaux dans le cadre
de la charte africaine des droits de l'homme et des peuples et du protocole
facultatif additionnel de juin 1998 »,RTDH, n° 63,
2005, p.710 ; GALLEY (K. J.-B.), « La mondialisation
économique saisie par les droits de l'homme », RTDH,
n° 66, 2006, p.423.
* 9SAHIRI (R.), L'analyse de
la jurisprudence de la Commission africaine des droits de l'homme et des
peuples (CADHP), op.cit. p.5.
* 10 FALL (A. B.),
« La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples :
entre universalisme et régionalisme », op.cit.,
p.79.
* 11GONIDEC (P. F.),
« Les droits de l'homme », Encyclopédie
juridique de l'Afrique, Tome 2, NEA, Abidjan, 1982, p.368.
* 12 SUDRE (F.), Droit
international et européen des droits de l'homme, PUF, Paris, 2001,
p.111.
* 13 FALL (A. B.),
« La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples : entre
universalisme et régionalisme », Pouvoirs, n°
129, Avril 2009, p.79.
* 14 Sur
l'originalité de la Charte, lire les travaux suivants : OUGUERGOUZ
(F.), La Charte africaine des droits de l'Homme et des peuples, une
approche juridique des droits de l'Homme entre tradition et
modernité,PUF, Paris, 1993, MBAYE (K.), Les droits de l'homme
en Afrique, Pedone, Paris 2004.
* 15 MBORANTSUO (M. M.),
La contribution des cours constitutionnelles à l'état de
droit en Afrique, Economica, Paris, 2007, p.276.
* 16 La preuve en est que
hormis des analyses ponctuelles ou sectorielles, le seul ouvrage traitant du
versant national de la mise oeuvre de la Charte africaine semble être
celui réalisé sous la direction de Jean-François FLAUSS et
Elisabeth LAMBERT-ABDELGAWAD et intitulé L'application
nationale de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples. Cet
ouvrage, réunion d'articles d'auteurs différents, combinant une
approche géographique et thématique, inévitablement,
inspirera cette étude.
* 17 DELAS (O.), N'TAGANDA
(E.), « La création de la Cour africaine des droits de l'homme
et des peuples : mécanisme efficace de protection des droits de
l'homme »,
http://www.rs.sqdi.org/volumes/12.2_-_delas-ntaganda.pdf,
page consultée le 16/07/14 ; Voir également
BénoîtSaaliu N'GOM qui affirme : « En Afrique, il
est important de le souligner, la réalité fait de la violation
des droits une règle, et de son respect l'exception. »,
in N'GOM (B. S.) Les droits de l'homme et l'Afrique,
Edition Silex, Paris, 1984, p.9.
* 18 A l'intérieur de
cette zone, on ne s'intéressera qu'à 18 États. Ce sont le
Bénin, le Burkina Faso, le Burundi, le Cameroun, le Congo, la Côte
d'Ivoire, le Gabon, la Guinée, le Madagascar, le Mali, la Mauritanie, le
Niger, la République Centrafricaine, le Rwanda, le
Sénégal, le Tchad, le Togo et le Zaïre (devenu
République démocratique du Congo).
* 19 Voir sur ce point
notamment Gilles LEBRETON, Libertés publiques et droits de
l'homme, Edition Armand Colin, Paris, 1995 ; Arlette HEYMANN-DOAT,
LGDJ, Paris 1997 ; Claude Albert COLLIARD, Dalloz, Paris 1972 ; Yves
MADIOT, Droits de l'homme et libertés publiques, Edition
Masson, Paris 1976.
* 20 MADIOT (Y.), Droits
de l'homme et libertés publiques, op.cit., p.13 ;
Voir également en ce sens, Kéba MBAYE qui écrit
: « Il n'existe pas, à proprement parlé, une
définition satisfaisante des droits de l'homme. La difficulté
d'en dégager une répondant aux attentes de tous tient
probablement à la variabilité même de la notion de l'homme
et à l'importance relative qui lui est accordée compte tenu des
civilisations, des régions concernées et des
circonstances », in MBAYE (K.), Les droits de l'homme en
Afrique, Pédone, Paris, p.34.
* 21 LEBRETON (G.),
Libertés publiques et droits de l'homme, op.cit.,
p.9.
* 22 DEGNI-SEGUI (R.), Les
droits de l'homme en Afrique noire francophone : Théories et
réalités, CEDA, 2ème édition,
Abidjan, 2001, p.13.
* 23 AGUIE (A. L.), Le
système ivoirien de protection des droits de l'homme,
Mémoire DESS, droits de l'Homme, Abidjan, Université de Cocody,
2002, p.6.
* 24 CORNU
(G.),Vocabulaire juridique, PUF, 4ème Edition,
Paris, 2009, p.65.
* 25 DELAS (O.), NTAGANDA
(E.), « La création de la Cour africaine des droits de l'homme
et des peuples : mécanisme efficace de protection des droits de
l'homme ? », op.cit., p.100.
* 26 SCIOTTI-LAM (C.),
L'applicabilité des traités internationaux relatifs aux
droits de l'homme en droit interne, Bruylant, Bruxelles, 2004, p.47.
* 27 KAMTO (M.),
« Charte africaine, instruments internationaux de protection des
droits de l'homme, constitutions nationales : articulations
respectives », in FLAUSS (J.-F.), LAMBERT-ABDELGAWAD (E.) (dir.),
L'application nationale de la Charte africaine des droits de l'homme et des
peuples, Bruylant, Bruxelles, 2004, p.31.
* 28 GICQUEL (J.), Droit
constitutionnel et institutions politiques, Montchrestien, Paris, 1995,
p.113.
* 29 NGUYEN (Q. D.), DAILLIER
(P.) et PELLET (A.), Droit international public,
6ème édition, L.G.D.J., Paris, 1999, p.94.
* 30 SCIOTTI-LAM (C.),
L'applicabilité des traités internationaux relatifs aux
droits de l'homme en droit interne, op.cit., p.53.
* 31 BASTID (S.), Les
traités dans la vie internationale, conclusion et effets, coll. de
Droit International, Economica, Paris, 1985, p.123.
* 32 UMOZURIKE (O.), The
African Charter, of Human and Peoples' Rights, NijhoffPublishers, La Haye,
1997, p.108.
* 33 Sur ce point, consulter
l'ouvrage de Jacques Yvan MORIN, Libertés et droits fondamentaux
dans les constitutions des Etats ayants le français en partage,
Bruylant, Bruxelles 1999.
* 34 MORIN (J.-Y.),
Libertés et droits fondamentaux dans les constitutions des Etats
ayants le français en partage, op.cit., p.12.
* 35 Article 26 de la
CADHP : « Les Etats parties à la présente
Charte ont le devoir de [...] permettre l'établissement et le
perfectionnement d'institutions nationales appropriées chargées
de la promotion et de la protection des droits et libertés garantis par
la Charte. »
* 36 Ce Ministère des
Droits de l'Homme a été institué par le décret
n°2002-398 du 5 août 2002 portant création du
Ministère.
* 37 Voir loi
n°2004-202 du 3 mai 2004 et décret n°2005-08/PR du 15 juillet
2008 portant création de la Commission Nationale des Droits de l'Homme
de Côte d'Ivoire.
* 38 Voir loi n°04/99
du 12 mars 1999 portant création de la Commission Nationale des Droits
de la Personne du Rwanda.
* 39 SUDRE (F.), Droit
international et européen des droits de l'homme, op.cit.,
Paris, 2001, p.96.
* 40 Loi portant abrogation
de l'article 53 et modifiant les articles 58, 59, 60 et 67 de la loi n°
64-375 du 7 octobre 1964 relative au mariage telle que modifiée par la
loi n° 83-800 du 2 août 1983.
* 41GLOVER (D.),
« Nouvelles dispositions législatives relatives à la
loi sur le mariage en Côte d'ivoire : Mme Affoussiata BAMBA-LAMINE
apporte des clarifications »,
http://www.notreheure.info/news/detail/26/1509,
Consulté le 01/12/13 à 11h30. Voir également GRODA-BADA
(M.), « Côte d'Ivoire : qu'est-ce qui change dans le code de la
famille ? »,
http://www.jeuneafrique.com/Article/ARTJAWEB20121204131651/.
Consulté le 20/01/14 à 10h58.
* 42 L'article 58 nouveau de
cette loi dispose que La famille est gérée conjointement par les
époux dans l'intérêt du ménage et des enfants. Et
alors que l'article 59 nouveau affirme que Les époux contribuent
aux charges du mariage à proportion de leurs facultés
respectives, l'article 60 nouveau, lui, veut que Le domicile de la famille soit
choisi d'un commun accord par les époux. Enfin, l'article 67 nouveau
autorise chacun des époux à exercer la profession de son choix,
à moins qu'il ne soit judiciairement établi que l'exercice de
cette profession est contraire à l'intérêt de la
famille.
* 43Cf.
« Observations finales sur le rapport périodique initial et
cumulé de la République de Côte d'ivoire »
présenté en 2012. Disponible sur le site
http://www.achpr.org/files/sessions/52nd/conc-obs/1-1994-2012/cbservations_conclusives_cote_divoire.pdf.
Consulté le 23/11/13 à 21h24.
* 44Ibidem, p.9.
* 45 OUGUERGOUZ (F.),
« L'application de la Charte africaine des droits de l'homme et des
peuples par les autorités nationales en Afrique
Occidentale », inFLAUSS (J.-F.), LAMBERT-ABDELGAWAD (E.)
(dir.), L'application nationale de la Charte africaine des droits de
l'homme et des peuples, op.cit., p.204.
* 46Cf.
« Observations Finales et Recommandations relatives au Rapport
Périodique cumulé de la République du Burundi »
du 19 février 2013.
* 47Cf.«
Concluding Observations and Recommendations on the Second Periodic Report of
the Republic of Cameroon» du 26 mai 2010,
http://www.achpr.org/files/sessions/47th/conc-obs/2nd-2003-2005/achpr47_conc_staterep2_cameroon_2010_eng.pdf.
Consulté le 29/11/13 à 9h02.
* 48Idem.
* 49 D'après Alain
Didier OLINGA, « dans les constitutions des Etats,
l'énumération est effectuée de manière relativement
abstraite ; on énonce des droits et des principes de manière
générale, fondamentale, l'aménagement concret de leur
exercice étant laissé à la loi. La loi dispose ainsi de ce
qu'il n'est pas excessif d'appeler une véritable réserve
constitutionnellede perfection des droits proclamés, elle participe de
l'oeuvre constituante qu'elle parachève. Ce faisant, les prescriptions
constitutionnelles ne sont toujours immédiatement opératoires,
leur opérationnalité étant subordonnée à
l'adoption de la loi pertinente », in OLINGA (A. D.),
« L'Afrique face à la globalisation des techniques de
protection des droits fondamentaux », Revue juridique et
politique : Indépendance et Coopération, Vol.53,
N°1, 1999, p.73.
* 50 MBAYE (K.), Les
droits de l'homme en Afrique, op.cit., p.
* 51Cf.«
Concluding Observations and Recommendations on the Second Periodic Report of
the Republic of Cameroon» du 26 mai 2010,
http://www.achpr.org/files/sessions/47th/conc-obs/2nd-2003-2005/achpr47_conc_staterep2_cameroon_2010_eng.pdf.
Consulté le 29/11/13 à 9h02.
* 52Le préambule et
l'article 64 de la constitution camerounaise dispose que « l'Etat assure
la protection des minorités, et préserve les droits des
Populations Autochtones conformément à la loi ».
* 53 WILLYBIRO-SAKO (J.),
« Des principes à une véritable protection juridique en
Afrique », inMAUGENEST (D.) et POUGOUE (P. G.), (dir.),
Les droits de l'homme en Afrique centrale, Colloque régional de
Yaoundé, UCAC-KARTHALA, 1994p.101.
*
54Cf.« Concluding Observations and
Recommendations on the Initial Report of the Republic of Niger ».
http://www.achpr.org/files/sessions/35th/state-reports/1st-7th-1988-2002/staterep1to7_niger_2002_fra.pdf,
Consulté le 24/11/13 à 19h51.
* 55 L'article 10 de la
Constitution nigérienne stipule que tous les Nigériens naissent
et demeurent libres et égaux en droits et en devoirs.
* 56 Francis
WODIEcité par Elisée Konan KOFFI, Les droits de l'homme dans
l'Etat de Côte d'Ivoire, Tome 2, Thèse de doctorat, Droit
public, Abidjan, Université de Cocody, 2008, p.5.
* 57 KOFFI (K. E.),Les
droits de l'homme dans l'Etat de Côte d'Ivoire, op.cit., p.8.
* 58 Lato sensu, la loi est
appréhendée comme règle de droit : c'est toute
règle présentant un caractère obligatoire et permanent,
général et impersonnel. Suivant une pensée profonde et
élégante du Professeur Martin BLEOU, « La loi ainsi
entendu comprend la constitution, les traités ou accords internationaux,
les actes édictés par l'organe législatif, les actes du
pouvoir exécutif, les principes généraux du droit et
même les contrats ».
* 59 GUILLIEN (R.) et autres,
Lexique des termes juridiques, Dalloz, Paris, 4ème
édition, 1978, p.238.
* 60 DEGNI-SEGUI (R.), Les
droits de l'homme en Afrique noire francophone : Théories et
réalités,op.cit. p.294.
* 61Cf. Article 7 de
la Charte.
* 62 On peut citer à
cet égard le Benin où l'ancien KEREKOU a reçu de la part
de la conférence nationale une amnistie couvrant dix-neuf années
de règne (Voir loi n°91-013 du 12 avril 1991), le Congo, où
bien que la conférence nationale de février 1991 ait eu vent des
3 000 assassinats perpétrés sous l'ancien régime, elle n'a
ouvert aucune enquête officielle pour élucider ces crimes. Elle a
plutôt accordé une amnistie générale pour les
auteurs des crimes commis. Il y a également la Mauritanie où les
forces de sécurité se sont vues amnistiées pour les crimes
et violations graves des droits de l'homme commis entre 1989 et 1992 par la loi
de mai 1994.
* 63 Voir Civil
Liberties Organisation, LegalDefence Centre, LegalDefence and Assistance
Project c/ Nigeria, Commission Africaine des Droits de l'Homme et des
Peuples, Communication 218/98, 29e Session Ordinaire, Tripoli, Libye, 7 mai
2001.
* 64 BOUKONGOU (J. D.),
« L'application de la charte africaine des droits de l'homme et des
peuples par les autorités nationales en Afrique centrale »,
in FLAUSS (J.-F.), LAMBERT-ABDELGAWAD (E.) (dir.), L'application
nationale de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples,
op.cit., p.142.
* 65 Selon l'article 9
§ 1 de la Charte africaine, « Toute personne a droit à
l'information ».
* 66 Voir GUILLIEN (R.) et
autres, Lexique de termes juridiques, op.cit., p.331.
* 67 Les décrets sont
pris par le Président de la République soit en conseil des
ministres, soit en dehors du conseil des ministres (décrets simples).
* 68 Les
arrêtés sont pris par les ministres ou d'autres autorités
administratives (Préfets, sous-préfets...) dans les limites de
leur compétence. Néanmoins, le Président de la
République peut prendre des arrêtés, notamment en
matière d'organisation et de fonctionnement des services publics de la
présidence.
* 69 Les ordonnances sont
prises par le Président de la République. Elles interviennent
dans les matières qui sont normalement réservées à
la loi mais avec l'autorisation de l'Assemblée nationale. Il faut donc
une loi d'habilitation pour que le Président de la République
prenne l'ordonnance. Seules les ordonnances non ratifiées ont un
caractère réglementaire.
* 70Cf. DEGNI SEGUI
(R.), Les droits de l'homme en Afrique noire francophone :
Théories et réalités, op.cit., p.271.
* 71Idem.
* 72SAWADOGO Filiga Michel,
« L'accès à la justice en Afrique
francophone : Problèmes et perspectives. Le cas du Burkina
Faso », Revue juridique et politique : Indépendance
et Coopération, Vol 49, n°2, 1995, p.167.
* 73Idem.
* 74 Rôle qui lui est
reconnu par la Constitution.
* 75 Technique juridique
visant à assurer la conformité à la fois formelle et
matérielle des règles de droit à la constitution
considérée comme la norme supérieure. Il porte ainsi sur
l'ensemble des normes internes, à savoir les lois émises par le
Parlement et les règlements pris par le pouvoir exécutif.
* 76 Par ce contrôle,
le juge administratif oblige l'administration à se conformer à la
légalité en censurant tous les actes portant atteinte aux droits
de l'homme.
* 77Décision DCC
96-046 du 6 août 1996, Fanou, Tonon, Accrombessi, Hountondji,
http://www.cour-constitutionnelle-benin.org/doss_decisions/960846.pdf,
page consultée le 19/12/13 à 10h49.
* 78Décision DCC
96-049 du 12 août 1996, Hounnougbo et Consorts,
http://www.cour-constitutionnelle-benin.org/doss_decisions/960849.pdf,
page consultée le 19/12/13 à 11h07.
* 79Décision DCC
96-060 du 26 septembre 1996, Melo Gomez, épouse Bertran,
http://www.cour-constitutionnelle-benin.org/doss_decisions/960860.pdf,
page consultée le 19/12/13 à 10h59.
Dans cette espèce, le juge constitutionnel
béninois avait considéré que la rétention du
passeport de la demanderesse, sans intervention de l'autorité
judiciaire, est arbitraire et prive l'intéressé d'un droit
fondamental, celui d'aller et venir, reconnu par l'article 25 de la
Constitution béninoise et par l'article 12 alinéa 2 de la Charte
africaine
* 80 Décision DCC
96-055 du 29 août 1996, Etablissements Bénin Brillant
Equipement,
http://www.cour-constitutionnelle-benin.org/doss_decisions/960855.pdf,page
consultée le19/12/13 à 10h57.
Dans cette décision, le juge constitutionnel
béninois affirmait que le respect des dispositions de l'article 15 de la
Constitution béninoise et de l'article 6 de la Charte africaine, relatif
au droit à la liberté et sécurité, s'impose
à tout détenteur de la force publique dans l'exercice de ses
prérogatives.
* 81 Il s'agit notamment des
décisions DCC 96-089 du 16 décembre 1996 Degla , DCC
96-065 du 26 septembre 1996, Gouhouede, DCC 96-082 du 13 novembre
1996, Prince Agbodjan, DCC 96-084 du 13 novembre 1996,
Hounkanrin, DCC 97-025 du 14 mai 1997, Maître Atita et
DCC 97-025 du 13 août 1997, Pederson , toutes citées par
Fatsah OUGUERGOUZ, « L'application de la Charte africaine des droits de
l'homme été des peuples par les autorités nationales en
Afrique occidentale », op.cit., p.186.
* 82 Affaire n°10-C-98 du
9 octobre 1998 cité par Fatsah OUGUERGOUZ, « L'application de
la Charte africaine des droits de l'homme été des peuples par les
autorités nationales en Afrique occidentale »,
op.cit., p.201.
* 83Décision N°
CI-2009-EP-026/28-10/CC/SG,
http://www.conseil-constitutionnel.ci/decision/13626543841.pdf,
page consultée le 25/07/14.
* 84 Premièrement
dans l'affaire Attorney-General of Botswana v. UnityDowp où le
juge botswanais a affirmé que la discrimination fondée sur le
sexe instaurée par la Loi sur la ctoyenneté de 1982 était
inconstitutionnelle. La seconde affaire est l'affaire S. v. Petrus
où la Cour d'appel déclare inconstitutionnels les
châtiments corporels infligés à intervalles
réguliers ou espacés.
* 85 Au Malawi, il s'agit de
l'affaire ChafukwaChikana v. The Republic dans laquelle l'appelant
avait été condamné après avoir mis en examen pour
importation et recel de documents séditieux.
* 86 Pour une vue d'ensemble
des décisions de justice des cours et tribunaux internes, voir VILJOEN
(F.), « The application of the African Charter ou Human and
People'Rights by domestic Courts in Africa », Journal of African
Law, n°1, Vol.3, 1999, p.8.
* 87 A propos des deux organes,
voir Chapitre 2 de la deuxième partie.
* 88 Voir les articles 212, 417
et 425 du code pénal burundais.
* 89 Expression
empruntée à SAWADOGO Filiga Michel, « L'accès
à la justice en Afrique francophone : Problèmes et perspectives.
Le cas du Burkina Faso », op.cit., p.198
* 90 YERIMA (A. A.
R.), « La lutte contre l'impunité : réflexion
sur l'expérience du Bénin », Afrique
Démocratie et Développement, n°11, Septembre, 1996.
* 91 MUBIALA (M.),
« L'éducation aux droits de l'homme en Afrique centrale :
du mimétisme à l'inculturation »,
Congo-Afrique, n°355, Janvier 2001, pp.279-280.
* 92 BOUKONGOU (J. D.),
« L'application de la Charte africaine des droits de l'homme et des
peuples par les autorités nationales en Afrique
centrale », in FLAUSS (J-F), LAMBERT-ABDELGAWAD (E.) (dir.),
L'application nationale de la Charte africaine des droits de l'homme et des
peuples, op.cit., p. 126.
* 93Ibidem,
p.150.
* 94BOUKONGOU (J.
D.),« L'application de la Charte africaine des droits de l'homme et
des peuples par les autorités nationales en Afrique
centrale »,op.cit., p.150..
* 95Ibidem,
p.123.
* 96 BOUKONGOU (J.D),
« L'attractivité du système africain de protection des
droits de l'homme »,
http://www.chr.up.ac.za/chr_old/centre_publications/ahrlj/docs/BOUKONGOUfr.062.doc,
consulté le 18/07/14.
* 97 DEGNI-SEGUI (R.),
Les droits de l'homme en Afrique noire francophone: théories et
réalités, Abidjan, CEDA, 2001, p.280.
* 98Idem.
* 99 LAMBERT-ABDELGAWAD
(E.), « L'application de la Charte africaine des droits de l'homme et
des peuples par les autorités nationales en Afrique du nord »
in FLAUSS (J.-F.), LAMBERT-ABDELGAWAD (dir.), L'application
nationale de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples,
Bruxelles, Bruylant, 2004, op.cit, p.102.
* 100LAMBERT-ABDELGAWAD
(E.), « L'application de la Charte africaine des droits de l'homme et
des peuples par les autorités nationales en Afrique du nord »
in FLAUSS (J.-F.), LAMBERT-ABDELGAWAD (dir.), L'application
nationale de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples,
op.cit, p.102.
* 101 Contrairement aux
instruments de droits de l'homme, la Charte africaine ne contient pas de Clause
dérogatoire. Par conséquent, les restrictions des droits et des
libertés contenues dans la Charte ne peuvent être
justifiées par les situations d'urgence ou les circonstances
exceptionnelles. Cette solution a prévalu dans l'affaire Commission
nationale des droits de l'homme et des libertés c/Tchad d'octobre
1995.
* 102 BECET (J. M.), COLARD
(D.), Les droits de l'homme : dimensions nationales et
internationales, Economica, Paris, 1982 p.167.
* 103 LAMBERT-ABDELGAWAD
(E.), « L'application de la Charte africaine des droits de l'homme et
des peuples par les autorités nationales en Afrique du nord »
in FLAUSS (J.-F.), LAMBERT-ABDELGAWAD (dir.), L'application
nationale de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples,
Bruxelles, Bruylant, 2004, op.cit, p.102.
* 104 DUSSEY (R.),
L'Afrique malade de ses hommes politiques, p.20.
* 105 Voir respectivement
BECET (J. M.), COLARD (D.), Les droits de l'homme : dimensions
nationales et internationales, op.cit., p.167 ;
N'GUOIN-CLAIH (L.M.), L'actualité des droits de l'homme en Afrique
de l'ouest , Edition du CERAP,Abidjan p.3 ; et DEGNI-SEGUI (R.),
« État de droit, droit de l'Homme : bilan de dix
années »,
http://democratie.francophonie.org/article.php3?id_article=1311&id_rubrique=752,
page consultée le 17/05/2014.
* 106 VASAK (K.), Les
dimensions internationales des droits de l'homme, Bernan Associates, 1978,
p.3
* 107 Voir Alioune Badara
FALL pour qui les institutions démocratiques constituent « la
garantie sine qua non pour leur survie. A ce titre, la Charte a besoin
d'un cadre démocratique pour s'épanouir », FALL (A.B.),
« La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples :
entre universalisme et régionalisme », op.cit.,
p.92.
* 108 GUEYE (B.),
« La démocratie en Afrique : succès et
résistance », Pouvoirs, n° 129, Avril 2009,
p.3.
* 109 KOUASSI (S.N.),
« Violences politiques et impunité : quelles
contributions du constitutionnalisme au respect des droits humains en Afrique
subsaharienne », in MAUGENEST (D.), HOLO (T.), (dir.),
L'Afrique de l'ouest et la tradition universelle des droits de
l'homme, Edition du CERAP, Abidjan, 2006, p.213.
* 110 DJEDJRO (F.M.),
« Le contentieux électoral en Afrique »,
Pouvoirs, n°129, Avril 2009, p.140 ; FLAUSS (J.-F),
« Propos conclusifs. L'effectivité de la Charte africaine des
droits de l'homme et des peuples dans l'ordre juridique des Etats parties
contractantes : bilan et perspectives », op.cit.,
p.252.
* 111 LOWE (P.J.),
« Janus ou le double visage des droits de l'homme et de la
démocratie en Afrique »», in MAUGENEST (D.),
HOLO (T.), (dir.), L'Afrique de l'ouest et la tradition universelle des
droits de l'homme, op.cit., p.137.
* 112 N'DAH (P.A.),
« La crise de l'Etat et ses conséquences sur les droits de
l'homme en Afrique de l'ouest » », in MAUGENEST (D.),
HOLO (T.), (dir.), L'Afrique de l'ouest et la tradition universelle des
droits de l'homme, op.cit., p.154.
* 113BOUTROS ABDEL-NOUR
(M.), La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples,
élaboration et inspiration, op.cit., p. 22.
* 114 Selon Louisa Aït
HAMADOUCHE, entre 1960 et 2008, l'Afrique a connu 74 coups d'Etat dont 45 en
Afrique francophone et 35 conflits armés, dont 12 en Afrique
francophone, HAMADOUCHE (A. L.), « Afrique: La démocratie se
cherche, les coups d'Etat se comptent »,
http://juliette.abandokwe.over-blog.com/article-afrique-a-defaut-de-disparaitre-les-put,
page consultée le 17/05/2014.
* 115 TALL (S. N.),
« La problématique du respect des droits de l'homme en
période de conflit armé » in MAUGENEST (D.),
HOLO (T.), (dir.), L'Afrique de l'ouest et la tradition universelle des
droits de l'homme, p.67.
* 116 Voir la
Déclaration et Plan d'Action de Grand Baie (Maurice) du 16 avril
1999.
* 117 Voir décret
N° 2011- 176 en date du 20 juillet 2011 instituant la Commission Nationale
d'Enquête.
* 118Cf.
« Rapport d'enquête sur les violations des droits de l'homme et
du droit international humanitaire survenues dans la période du 31
octobre 2010 au 15 mai 2011 » de la Commission Nationale
d'Enquête.
* 119 N'DAH (P.A),
« La crise de l'Etat et ses conséquences sur les droits de
l'homme en Afrique de l'Ouest », op.cit., p.155.
* 120 BOUKONGOU (J.D),
« L'application de la Charte africaine des droits de l'homme et des
peuples par les autorités nationales en Afrique centrale »,
op.cit, p.138.
* 121 BOUTROS ABDEL-NOUR
(M.), La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples,
élaboration et inspiration, op.cit., p.15.
* 122 A ce propos,
René DEGNI-SEGUI émet une formule très
évocatrice selon laquelle « le
sous-développement est la chose la mieux partagée en Afrique
noire », Les droits de l'homme en Afrique noire
francophone : Théories et réalités, Abidjan,
CEDA, 2001, p.297 ; Voir également Robert DUSSEY pour
qui « L'Afrique noire est le continent le plus pauvre de la
planète », L'Afrique malade de ses hommes politiques,
Picollec, Paris, 2008, p.67.
* 123 Voir sur ce point
BOUTROS ABDEL-NOUR (M.), La charte africaine des droits de l'homme et des
peuples, élaboration et inspiration, op.cit., p.15.
* 124 Propos cités
par Kéba MBAYE, Les droits de l'homme en Afrique,
op.cit., p.299.
* 125 Selon l'expression de
Mutoy MBIALA, in MBIALA (M.),Le système régional africain de
protection des droits de l'homme, op.cit., p.114.
* 126 RAULIN (A.),
« Ombres et lumières sur l'intégration des droits
fondamentaux dans l'ordre juridique africain », op.cit,
p.347.
* 127 Voir respectivement
BECET (J.M.), COLARD (D.), Les droits de l'homme : dimensions
nationales et internationales, op.cit., p.165 ; et KOUASSI
(N.S.), « Violences politiques et impunité : quelles
contributions du constitutionnalisme au respect des droits humains en Afrique
subsaharienne ? », op.cit., p.213.
* 128 KOMOIN (F.),
« Droits humains et développement durable : une solution
salutaire », Fraternité Matin, n°10365, 11 mai
1999, p.3.
* 129 BECET (J.M.), COLARD
(D.), Les droits de l'homme : dimensions nationales et
internationales, op.cit., p.110 ;KOFFI (K. E.), Les
droits de l'homme dans l'Etat de Côte d'Ivoire,op.cit., p.324.
* 130 MUBIALA (M.), Le
système régional africain de protection des droits de
l'homme ,op.cit. p.114.
* 131 L'ancien
Secrétaire des Nations Unies, M. Kofi ANNAN, au sommet annuel des chefs
d'Etat et de gouvernement de l'OUA à Harare (Zimbabwe), le 2 juin 1997,
affirmait : « Les conflits qui ont défiguré notre
continent ont eu trop souvent pour cortège de massives violations des
droits de l'homme. Je sais que certains voient dans cette préoccupation
(les droits de l'homme) un luxe des pays riches que l'Afrique ne peut pas
encore s'offrir et que pour d'autres, il ne s'agirait là que d'une
sujétion - sinon d'un complot - imaginée par l'Occident
industrialisée. A mon sens, ce sont là des réflexions
parfaitement déshonorantes envers l'aspiration à la
dignité qui habite tous les Africains » ; Selon
Kéba MBAYE, « il y a là sans nul doute une fausse
conception du droit au développement », MBAYE (K.), Les
droits de l'homme en Afrique, op.cit., p.299 ; voir
également Ervé DABONNE qui affirme
que : « l'état de pauvreté constitue pour
notre part, une situation de déni des droits fondamentaux des personnes
de cette situation.», DABONNE (E.), Droits de l'homme et lutte contre
la pauvreté au Burkina Faso, Thèse de doctorat, Droit
public, Nantes, Université de Nantes, 2007 , p.22,
http://archive.bu.univ-nantes.fr/pollux/get.action;jsessionid=A5AAD220BB31F8E219ED87846A3E40CC?id=1af7f4ac-401e-4331-a78e-fb6c8712fae1,
page consultée le 02/03/14.
* 132 KOMOIN (F.),
« Droits humains et développement durable : une
orientation salutaire », Fraternité-Matin,
n°10365, 11 mai 1999, op.cit., p.3. MBAYE (K.), Les droits de
l'homme en Afrique, op.cit., p.299.
* 133 TIESSE (C.),
« Droits humains et développement durable : la
pauvreté, le plus gros obstacle »,
Fraternité-Matin, n°10365, 11 mai 1999, p.3.
* 134 Ce peut être
des mesures d'embargo, le refus d'accorder des prêts ou aide, ou encore
le gel des relations diplomatiques.
* 135 Notons que bien avant
cet accord, d'autres ont été signés. Il s'agit des
Conventions de Yaoundé I (signée en 1963, entre 18 Etats ACP et 6
Etats européens) et de Yaoundé II (signée en 1969, entre
46 Etats ACP et 6 Etats européens) qui n'étaient centrés
que sur le commerce et la coopération financière et technique.
Après, il y a eu les Conventions de Lomé I (signée le 28
février 1975, entre 46 pays ACP et les 9 pays européens) et de
Lomé II (signée le 31 octobre 1979, entre 58 pays 9 pays
européens) qui, fondé sur le partenariat, la solidarité et
la coopération économique, ont complètement ignoré
les droits de l'homme. Quant à la Convention de Lomé III
(signée le 8 décembre 1984, entre 65 pays ACP et 10 pays
européens), elle ne mentionnera la dignité humaine et les droits
économiques, sociaux et culturels que de façon brève.
C'est donc la Convention de Lomé (signée le 15 décembre
1990, entre 68 Etats ACP et 12 pays européens) qui va accorder
expressément une place aux droits de l'homme.
A ce propos, Stéphane BOLLE note que
« l'idée de fonder la coopération sur les droits de
l'homme » apparaît avec les Conventions de Lomé III et
Lomé IV, BOLLE (S.), « La conditionnalité
démocratique dans la politique africaine en de la France »,
http://afrilex.u-bordeaux4.fr/sites/afrilex/IMG/pdf/2dos3bolle.pdf,
page consultée le 26/05/14.
* 136 Convention signée
en 1995 entre 70 Etats ACP et 15 Etats européens.
* 137 Accord regroupant 77
Etats ACP et 15 Etats de la Communauté européenne et signé
à Cotonou, au Bénin.
* 138 Ainsi que l'indique
le professeur Jean GICQUEL, « le monde sous-développé
est le monde de la faim. », GICQUEL (J.), Droit constitutionnel
et institutions politiques,op.cit., p.398.
* 139DEGNI-SEGUI (R.), Les
droits de l'homme en Afrique noire francophone : théories et
réalités, op.cit., p.302.
* 140 Pour Patrick Juvet
LOWE, « la lutte menée par les populations dans la plupart des
cas est un combat pour la survie et non la vie. », LOWE (P. J.),
« Janus ou le double visage des droits de l'homme et de la
démocratie en Afrique », op.cit.,p.138 ; alors
que le professeur René DEGNI-SEGUI constate que « cette
absence de préoccupation de ses droits va conduire l'individu à
rechercher le gain facile, et partant à devenir un militant actif de la
corruption généralisée et du clientélisme qui
règnent en Afrique et qui constituent de véritables obstacles
à l'Etat de droit et aux droits de l'homme », DEGNI-SEGUI
(R.), Les droits de l'homme en Afrique noire francophone :
théories et réalités, op.cit., p.302.
* 141 VASAK (K.),
« Les Droits de l'homme et l'Afrique »,
http://rbdi.bruylant.be/public/modele/rbdi/content/files/RBDI%201967/RBDI%201967-2/Etudes/RBDI%201967.2%20-%20pp.%20459%20%C3%A0%20478%20-%20Karel%20Vasak.pdf
, consulté le 26/05/14.
* 142 BECET (J.M.), COLARD
(D.), Les droits de l'homme : dimensions nationales et
internationales, op.cit., p.165 ;
Et le proverbe est bien connu : ``Ventre
affamé n'a point d'oreilles''.
* 143Voir à ce
propos la Déclaration et Plan d'Action de Grand Baie (Maurice) du 16
avril 1999 dans laquelle la Conférence ministérielle affirme dans
l'un de ses considérants le principe que les droits de l'homme sont
universels, indivisibles, interdépendants et étroitement
liés, et exhorte les gouvernements, dans leurs politiques, à
accorder aux droits économiques, sociaux et culturels, la même
valeur qu'aux droits civils et politiques.
* 144 Selon Roland
GIALDINO, en raison du principe aujourd'hui consolidé de
l'indivisibilité et de l'interdépendance de tous les droits de
l'homme, il apparaît clairement que, la jouissance des droits civils et
politiques demeure purement illusoire si la jouissance des droits
économiques, sociaux et culturels n'est pas assurée dans le
même temps, GIALDINO (R.), « Droits de l'homme et dette
extérieure », p.93,
http://afrilex.u-bordeaux4.fr/sites/afrilex/IMG/pdf/2dos3bolle.pdf,
page consultée le22/05/14.
* 145 Voir Fabienne
MAQUILLERE-MAJZOUB qui qualifie de « fantôme » le
système de contrôle mis en place par la Charte africaine,
MAQUILLERE-MAJZOUB (F.), « L'option juridictionnelle de la protection
des droits de l'homme en Afrique », RTDH, N°44, octobre
2000, p.730.
* 146 Cité par
Alain Didier OLINGA, « L'Afrique face à la globalisation des
techniques de protection des droits fondamentaux »,op.cit.,
p.68.
* 147Avant l'entrée
en vigueur du Protocole N°11, le système européen instaurait
deux mécanismes destinés à assurer le respect des droits
de l'homme : la Commission européenne des droits de l'homme et la
Cour européenne des droits de l'homme. Il en est de même dans le
système interaméricain qui lui aussi a créé une
Commission et une Cour.
* 148 Cette solution
retenue s'inspire des solutions déjà appliquées dans le
cadre des Nations unies.
* 149 Au terme dudit
congrès sera adoptée la « loi de Lagos »
tendant à « la création d'un tribunal approprié
et de voies de recours ouvertes à toutes les personnes relevant de la
juridiction des Etats ».
* 150 DELAS (O.) et
NTAGANDA (E.), « La création de la Cour africaine des droits
de l'homme et des peuples : mécanisme efficace de protection des
droits de l'homme ? » op.cit., p.120 ; MBAYE (K.),
Les droits de l'homme en Afrique, op.cit., p.307.
* 151 GONIDEC (P.-F.),
« Les droits de l'homme », op.cit., p.373.
* 152 KOWOUVIH (S.),
« La cour africaine des droits de l'homme et des peuples : une
rectification institutionnelle du concept de « spécificité
africaine » en matière de droits de l'homme »,
RTDH, n°59, 2004, p.761.
* 153 BOUTROS ABDEL-NOUR
(M.), La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples,
élaboration et inspiration, op.cit., p.34.
* 154BOUTROS ABDEL-NOUR (M.),
La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, élaboration et
inspiration, op.cit., p.34.
* 155 MBAYE (K), Les
droits de l'homme en Afrique, op.cit., p.189.
* 156Idem.
* 157 Selon Valère
Eteka YEMET, la composition de la Commission ressemble à celles des
organes onusiens et américains en ce sens qu'ils ne se composent pas
d'un nombre de sièges égal à celui des Etats membres. Ce
fait les amènerait à échapper mieux à l'emprise
des Etats parties que des organes européens, YEMET (V. E.), La
Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, L'Harmattan,
Paris, 1996, p.255.
* 158 Ces qualifications
coïncident à bien d'égards avec celles posées par le
Protocole international des droits civils et politiques (art.28. 2), la
Convention européenne des droits de l'homme (art.21, 3 et 39. 3) et la
convention américaine des droits de l'homme (art.34 et 52).
* 159 Il est cependant
autorisé à chaque Etat de présenter deux candidats, dont
un peut être de nationalité d'un autre Etat partie. Voir en ce
sens l'article 34 de la CADHP.
* 160 Cette extension du
bloc de légalité de la Commission ressort des articles 60 et 61
de la Charte prévoyant la possibilité pour la commission de
s'inspirer du droit international des droits de l'Homme.
* 161 Article 45 (3) de la
CADHP.
* 162Article 45 (4) de la
CADHP.
* 163 Article 56 de la
Charte africaine.
* 164 GONIDEC (P-F)
« Les droits de l'homme », op.cit., p.374
* 165 Article 58 de la
Charte africaine.
* 166 Selon les articles 31
(2) et 43 de la CADHP, les membres de la Commission siège à titre
personnel et bénéficient des privilèges et
immunités prévues par la convention sur les privilèges et
immunités de l'OUA.
* 167 GONIDEC (P.-F.),
« Les droits de l'homme », op.cit., p.373.
* 168 Ibidem, p.374.
* 169 Article 51 de la
CADHP.
* 170 Article 52 de la
CADHP.
* 171 Voir les articles 52, 53
et 58 de la CADHP.
* 172 Article 59 de la Charte
africaine.
* 173DELAS (O.), NTAGANDA
(E.), « La création de la Cour africaine des droits de l'homme
et des peuples : mécanisme efficace de protection des droits de
l'homme ? », op.cit., p.102.
* 174 QUILLERE-MAJZOUB
(F.), « L'option juridictionnelle de la protection des droits de
l'homme en Afrique », op.cit., p.731.
* 175 Mais bien avant
ça, les étapes dans la marche du continent africain vers
l'institution de cette juridiction peuvent se résumer ainsi. Au cours de
sa session ordinaire tenue du 13 au 15 juin 1994 à Tunis, la
conférence des chefs d'Etat et de gouvernement de l'OUA invite le
Secrétaire Général à convoquer une réunion
d'experts gouvernementaux chargés de réfléchir sur les
mesures destinées à renforcer l'efficacité du
système africain en examinant en particulier de création d'une
Cour africaine. Un « projet de protocole relatif à la Charte
africaine des droits de l'homme et des peuples » est alors
élaboré par les experts gouvernementaux du 6 au 12 septembre 1995
au Cap (Afrique du Sud). Il sera revu et corrigé du 11 au 14 avril 1997
à Nouakchott (Mauritanie).
* 176 Après le
dépôt du quinzième instrument de ratification du Protocole
le 26 décembre 2003 par les Iles Comores. Cette ratification survient
suite à celles de l'Algérie, du Rwanda, du Togo, du Burkina Faso,
du Burundi, de la Côte d'Ivoire, de la Gambie, du Mali, de l'Ile Maurice,
du Sénégal, de l'Afrique du Sud, de l'Ouganda, de la Libye et du
Lesotho.
* 177 Se plaçant du
coup au même niveau que les autres systèmes régionaux des
droits de l'homme.
* 178 ATANGANA AMOUGOU
(J.-L.), « Avancées et limites dans le système africain
de protection des droits l'homme : la naissance de la Cour africaine des
droits de l'homme et des peuples », p.175,
http://www.droits-fondamentaux.org/IMG/pdf/df3jasapdh.pdf,
page consultée le 30/06/13.
* 179Ibidem,
p.178.
* 180 Rejoignant ainsi le
système américain, alors que le système européen,
lui, est passé de la dualité à l'unité organique
avec l'entrée en vigueur du Protocole N°11 le 1er
novembre 1998.
* 181 Ce choix identique
entre les deux organes tranche avec les pratiques européennes et
américaines.
* 182 Article 11 § 1
Protocole CADHP
* 183 Article du 12 du
Protocole CADHP
* 184 QUILLERE-MAJZOUB
(F.), « L'option juridictionnelle de la protection des droits de
l'homme en Afrique », op.cit., p.733.
* 185 Article 17 § 4
Protocole C.A.D.H.P.
* 186 Article 28. Protocole
C.A.D.H.P.
* 187 Article 28 § 5.
Protocole C.A.D.H.P.
* 188Idem.
* 189 Article 29 §1.
Protocole C.A.D.H.P.
* 190 Article 29 § 2.
Protocole C.A.D.H.P.
* 191 DEGNI-SEGUI (R.),
Les Droits de l'homme en Afrique noire francophone : Théories
et réalités, op.cit., p.165.
* 192 Article 5 § 1 du
Protocole CADHP.
* 193 Article 5 § 3 du
Protocole CADHP.
* 194 Voir article 34
§ 6 du Protocole CADHP. Cette clause constitue une atteinte grave au
droit d'accès à la justice des particuliers.
* 195 DEGNI-SEGUI (R.),
Les droits de l'homme en Afrique noire francophone : théories
et réalités, op.cit., p.193.
* 196 ATANGANA-AMOUGOU
(J.L.), « La Commission africaine des droits de l'homme et des
peuples », Droits fondamentaux, N° 1, juillet -
décembre 2001, p.91.
* 197 Article 45 de la
Charte africaine.
* 198 Très suggestif
est également le préambule du Protocole C.A.D.H.P. qui affirme
que la Cour est créée pour « compléter et
renforcer la mission de la Commission africaine des droits de l'homme et des
peuples ».
* 199 DELAS (O.), NTAGANDA
(E.), « La création de la Cour africaine des droits de l'homme
et des peuples : mécanisme efficace de protection des droits de
l'homme ? » op.cit., p.117
* 200Idem.
* 201 Article 5 § 1 du
Protocole CADHP.
* 202 Article 6 § 1 du
Protocole CADHP.
* 203 Article 33 Protocole
CADHP.
* 204 MBAYE (K.), Les
droits de l'homme en Afrique, op.cit., p.307.
* 205 Sur cette question,
voir KOWOUVIH (S.), « La Cour africaine des droits de l'homme et des
peuples : une rectification institutionnelle du concept de
« spécificité africaine en matière de droits de
l'homme », op.cit., p.766 ; et DELAS (O.) et NTAGANDA
(E.), « La création de la Cour africaine des droits de l'homme
et des peuples : mécanisme efficace de protection des droits de
l'homme ? », op.cit., p.118.
* 206 FLAUSS (J.-F.),
« Propos conclusifs. L'effectivité de la Charte africaine des
droits de l'homme et des peuples dans l'ordre juridique des Etats parties
contractantes : bilan et perspectives », op.cit.,
p.249.
* 207 KOUDE (R.M.K),
« Peut-on, à bon droit, parler d'une conception africaine des
droits de l'homme? », RTDH, n°62, 2005, p.561.
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