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Associations paysannes et développement durable: entre discours et réalités. Etude de cas: projet de l'ONG Propetén en partenariat avec 3 associations maya Q'eqchi' du nord du Guatemala.

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par Sandra Benotti
Université Aix Marseille  - Anthropologie et Métiers du Développement durable 2013
  

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2-1-4 Le développement communautaire : une notion à clarifier

L'intérêt pour la dimension communautaire du développement insiste sur les microprocessus de changement et sur la valorisation des ressources endogènes. C'est un type de développement qui prône la recherche de solutions adaptées aux problèmes particuliers dans une zone spécifique. Il tient compte des données écologiques et culturelles et des nécessités immédiates et à long terme. Cette démarche requiert donc une approche anthropologique et une vision holiste des problèmes.

Cependant, ce qui est communément appelé « communauté », « développement communautaire », ou encore « action communautaire » dans le discours du développement regroupe un grand nombre de contextes et de besoins variés. Dans le cadre de notre étude, le terme « communauté » permet de définir à la fois un lieu commun et un groupe de personnes qui partagent un certain nombre d'éléments tels que la langue, les traditions, ou les valeurs. En revanche, dans les « communautés » que j'ai étudiées, il y avait une séparation claire entre deux groupes qui sont les indigènes q'eqchi' et les ladinos. La proximité des personnes n'implique donc pas leur ressemblance. Par contre, leur identité communautaire était clairement exprimée : lorsque je demandais à un q'eqchi' ou à un ladino d'où il venait et à quel endroit il se sentait plutôt identifié entre petenero (habitant du Petén), San Luis/Poptun (les municipalités) ou leur communauté, aucun n'hésitait dans sa réponse. Ils répondaient tous qu'ils se sentaient d'abord appartenir à la communauté et ensuite à la région. Leur

18 In JACOB J?P., 1992, « Quelques réflexions sur la multiplicité des intervenants externes et la multiplication des organisations paysannes (op) au Burkina Faso.», Bulletin de l'APAD, n°3, Revue Apad (ed.) : 5 p.

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appartenance à un même groupe uni pouvait aussi se remarquer à certaines occasions de confrontation avec d'autres groupes. Par exemple, lors des matchs de football intercommunautaires, j'ai retrouvé cette identité de groupe et cette unité face aux autres.

Il serait alors, contenu de ces différences et hétérogénéités, peut-être plus adapté d'utiliser l'expression de développement local pour exprimer l'idée de taille qui est finalement la plus commune aux projets de développement dits « communautaires ».

Certains auteurs (Chauveau, 199119 ; Bernardi, 1987) ont vivement critiqué le développement communautaire, en lui attribuant une fonction de « stimulation de besoins ». Par exemple, Bernardi, dans Le développement participatif, a évoqué que « l'importance attribuée au thème du développement communautaire reflétait l'intérêt des administrations coloniales à l'égard des populations locales, qui se traduisait par une action visant à susciter au sein des communautés autochtones « la conscience et le besoin de développement ». Le principe du développement communautaire se fondait sur une « perception erronée de sentiment communautaire local. ». (Bernardi, 1987 : 348-9)20.

Pourtant, je ne suis pas de cet avis pour le cas du Guatemala. Effectivement, je peux comprendre, dans des cas rares où les communautés sont isolées du reste de la société et qui sont établies depuis des générations, sur des terres suffisamment fertiles et de taille suffisante pour la subsistance de ses membres, que cela soit possible. C'était peut-être le cas à l'époque où l'auteur a écrit cette critique. Mais au jour d'aujourd'hui, au Guatemala, même les communautés les plus isolées ont forcément un contact avec l'extérieur. De plus, la pression agraire est telle qu'on ne peut pas dire que le développement communautaire soit une volonté de provocation d'un besoin inexistant et même si c'était le cas, la volonté de stimuler un tel sentiment ou besoin ne revient pas à dire qu'il n'existe pas.

2-2-5 Le Développement durable : élément intrinsèque de la culture Maya Q'eqchi' ? Les maya q'eqchi' sont reconnus pour être le groupe maya du territoire ethnique le plus étendu, ayant des croyances spirituelles qui se rapportent essentiellement aux éléments naturels, et une connaissance de centaines d'années antérieures sur la gestion des ressources naturelles dans les tropiques humides. Ils ont depuis toujours cultivé une riche agriculture de type mésoaméricain, basée sur une culture communautaire ritualisée, qui leur facilite

19CHAUVEAU J-P., 1991, Enquête sur la récurrence du thème de la « participation paysanne » dans le discours et les pratiques de développement rural depuis la colonisation (Afrique de l'Ouest). In Bonnefond Philippe (ed.). Modèles de développement et économies réelles. Chroniques du Sud, IRD, Montpellier : p. 129-150.

20 Cité p.51 In TOMMASOLI M., 2001, Le développement participatif. Analyse sociale et logique de planification. Karthala, Paris : 265 p.

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l'application de stratégies au service du bien commun : depuis la colonisation, ils sont en situation défavorable et victimes de discrimination ethnique.

Dans la cosmologie maya, une des représentations les plus importantes, et utilisée dans presque chaque cérémonie est le symbole des quatre points cardinaux :

Ce schéma, symbolisé par des bougies et/ou fleurs de couleur pendant les cérémonies, est

une représentation physique de l'énergie
spirituelle maya. Le cercle est divisé en quatre parties qui représentent les quatre points cardinaux. Chaque couleur représente à la fois : Un élément naturel (Feu, Eau, Terre, et Air), les quatre niveaux de l'existence (Spirituel, Emotionnel, Physique, et Mental), un élément du corps humain (le blanc : dents ; le rouge : sang ; le jaune : peau ; le noir : cheveux) et une variété de maïs (maïs blanc, maïs rouge, maïs jaune et maïs noir). A l'intérieur du cercle, le bleu correspond au ciel et le vert à la végétation.

Dans cette représentation du monde du point de vue des Maya, chaque partie du corps humain est reliée aux autres éléments de la nature. Toutes les parties de cette représentation holistique sont reliées entre elles et interdépendantes. Cette conception pousse à construire et maintenir le « tuqtukilal », qui signifie « vivre en paix », ou « vivre en équilibre » en q'eqchi'. Ces valeurs et représentations sont toujours présentes aujourd'hui dans les villages q'eqchi'.

Nous pouvons nous rapporter à l'analyse de Mary Douglas sur la notion de pollution, dans son ouvrage Purity and danger: An analysis of concept of pollution and taboo (1966) :

« Les notions de pollution s'insèrent dans la vie sociale sur deux plans, l'un fonctionnel, l'autre expressif. Dans le premier cas, qui est aussi le plus évident, des individus cherchent à influencer le comportement de leurs semblables. Les croyances renforcent les contraintes sociales. [...] quand on étudie de près ces croyances, on découvre que les contacts considérés comme dangereux portent aussi leur charge de symboles. C'est sur plan, plus intéressant, que les notions de pollution sont liées à la vie sociale. Je crois que certaines pollutions servent d'analogies pour exprimer une idée générale de l'ordre social. [...] Il vaudrait mieux les interpréter comme l'expression symbolique des relations entre différents éléments de la

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société, comme le reflet d'une organisation hiérarchique ou symétrique qui vaut pour l'ensemble de la société » (Douglas, 1966, p.25).

Ces dernières décennies, l'idéal harmonieux de l'homme lié à la nature de la cosmologie maya a été lourdement perturbé par de nouvelles réalités, soumises aux d'obligations matérielles, aux pressions diverses des autres groupes sociaux et à l'arrivée de nouvelles religions.

De plus, cette population q'eqchi' a vécu différents niveaux de changements, parfois radicaux, comme la période de travail dans les grandes fermes dans les années 1960, puis la migration vers ces nouvelles terres comme évoqué précédemment. Ces bouleversements dans l'histoire des q'eqchi' ont rajouté des difficultés, comme la perte de quelques connaissances et savoirs locaux pour cultiver les terres de manière durable, ou pour se soigner grâce aux plantes. Selon l'analyse de M. Douglas, ce serait alors non pas seulement une perturbation de la croyance symbolique liée à la nature, mais l'organisation sociale dans son ensemble qui serait ébranlée.

Par rapport au phénomène migratoire, une étude d'un groupe de chercheurs ayant travaillé sur la région du Petén est très intéressante. Elle montre que l'attitude de conservation des ressources naturelles n'est pas seulement liée à la culture et à la cosmologie des groupes, mais aussi au temps de résidence dans un endroit. En effet, cette analyse démontre que plus le temps de résidence des populations dans un même endroit est long, plus il y a de possibilités qu'elles adopteront des pratiques et attitudes compatibles avec la conservation des ressources naturelles (Grandia L., Schwartz N., Obando O., 2001 : 921 ; Obando Samos O., Grandia L. & Schwartz N., 201022). Même si cette hypothèse n'a pas tenu compte des différences générationnelles, elle n'en est pas moins significative. L'attachement à la terre serait donc un des points les plus importants pour une bonne gestion des ressources. En cela, l'insécurité foncière est un obstacle majeur au développement durable de la région, car comme nous le verrons dans les résultats obtenus des diagnostics, c'est un des problèmes les plus cruciaux aujourd'hui pour ces communautés.

2-2 Les résultats obtenus des diagnostics et des plans de développement

A la fin de la collecte de données sur le terrain, j'ai pu écrire les documents de diagnostics et plans de développement.

21 OBANDO S., GRANDIA L. & SCHWARTZ N., 2001, Salud, Migración y Recursos Naturales en Petén. INE (Instituto Nacional de Estadistica), Guatemala: 170 p.

22 Obando Samos O., Grandia L. & Schwartz N., 2010, Tierra, Migración y Vida en Petén, 1999-2009. Instituto de Estudios Agrarios y Rurales, Guatemala: 106 p.

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Les diagnostics se composent d'une partie concernant les données générales sur les aspects géographiques, socioculturels (histoire, population, culture, accès aux services, activités, ressources, activités et disponibilités par genre), institutionnels et politiques des communautés. La deuxième partie des diagnostics concerne l'analyse des principaux problèmes ressentis, les faiblesses, obstacles, forces et opportunités des communautés, ainsi que la priorisation des problèmes et la formulation de recommandations.

Nous allons examiner quelques-uns de ces résultats pour mieux comprendre le rôle des associations dans des contextes comme celui-ci.

Premièrement nous allons présenter quelques données générales qui aident à comprendre les difficultés et atouts des communautés, puis nous présenterons les solutions envisagées lors des diagnostics.

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"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein