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Associations paysannes et développement durable: entre discours et réalités. Etude de cas: projet de l'ONG Propetén en partenariat avec 3 associations maya Q'eqchi' du nord du Guatemala.

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par Sandra Benotti
Université Aix Marseille  - Anthropologie et Métiers du Développement durable 2013
  

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3-3-4 Le pluralisme institutionnel : difficultés de différenciation pour les

associations paysannes

La visibilité et la communication que permettent les associations paysannes attirent toute sorte d'acteurs extérieurs. Nombre d'entre eux arrivent dans les communautés en proposant des « projets » (« proyectos ») ; privés ou publics, de taille plus ou moins grande. Ils ont tous des intérêts différents et invisibles, cachés sous leur apparence institutionnelle. En plus des ONG, il y a les politiques, les entreprises privées en tout genre, les institutions religieuses, etc. Pour les associations locales, il est très difficile de différencier ces acteurs institutionnels, qui ont pratiquement tous la même manière de se présenter. En effet, comme en fait part Yves Guillermou, « les groupes de base sont fréquemment en contact avec d'autres catégories d'interlocuteurs, notamment les « groupes de services » : mais qui fonctionnent en fait d'une manière similaire à celle des ONG locales. Ces groupes fournissent un appui multiforme aux producteurs, notamment en matière de vulgarisation et conseil technique, approvisionnement

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en intrants et commercialisation des produits - ce qui les place dans bien des cas en concurrence avec les unions paysannes et les ONG officielles.» (2003 : 9)

Cependant, certains de ces acteurs institutionnels n'apportent pas forcément des choses positives pour les communautés, et lorsque la population s'en rend compte, il est déjà souvent trop tard.

Comme nous l'avons vu dans la première partie, j'ai pu voir le comportement de deux de ces acteurs: Des représentants du Ministère de l'Agriculture, Elevage et Alimentation (MAGA) et une entreprise privée pharmaceutique. J'ai aussi pu remarquer quelques-uns des risques et effets négatifs dont m'ont fait part les populations par rapport à ces acteurs :

Le MAGA est venu dans les communautés pour un projet de microcrédit avec les agriculteurs de la même association qui travaillent pour le projet de cacao. La moitié des membres des associations de deux des trois communautés a signé le contrat avec le MAGA pour ce projet. En offrant aux membres du projet des crédits de 3000 quetzales/personne (environ 300 euros), cela a attiré beaucoup de personnes. Néanmoins, la dépense de cet argent est contrôlée par le MAGA : en effet, ces crédits doivent être dépensés en engrais et répulsifs chimiques d'une certaine marque, d'une entreprise avec qui le MAGA et la banque de crédit ont aussi des accords. Cette incitation à l'utilisation de produits chimiques donne lieu à des avis partagés dans la communauté. Certains agriculteurs pensent que cela peut les aider, mais d'autres sont réticents et craignent des répercutions. De plus, ces crédits doivent être remboursés un an après la signature du contrat. Les agriculteurs ayant signé se voient contraints d'utiliser ces produits pour parvenir au rendement demandé et être en mesure de rembourser. La communication des conditions du projet n'ayant apparemment pas été claire au départ, certains qui avaient signé le contrat n'avait pas compris cette condition et sont maintenant « pris au piège ». En plus d'être nocifs pour le développement durable des communautés, ces projets impliquant l'utilisation d'intrants chimiques représentent aussi un risque pour le projet cacao. Les récoltes de cacao se vendront en commerce équitable, de manière labellisée, et si elles comportent des traces de tels produits, elles deviendront invendables.

L'entreprise pharmaceutique, elle, est venue faire des diagnostics de santé gratuits avec du matériel médical. Nombreux se sont présentées, car il y a un réel besoin au niveau de la santé dans les trois communautés du fait de la perte des savoirs de médecine traditionnelle. A la fin des diagnostics, le médecin imprimait des feuilles avec le résultat des anomalies et maladies détectées chez les personnes. Puis, la prise en charge s'achevait ainsi. L'entreprise proposait

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ensuite un panel de médicaments bio (vitamines...) très chers, certains coûtant plus de 500 quetzales (50 euros) ; même les personnes ladinas de classe moyenne n'auraient pas pu se les procurer. Pour comprendre comment fonctionnaient le médecin et les « infirmières », j'ai moi-même passé ce diagnostic. Il s'agissait apparemment d'un appareil de haute technologie, qui prenait le pou de la main et qui retranscrivait à l'ordinateur tous les problèmes de santé. Ainsi, n'ayant pas de connaissances en médecine, j'ai obtenu un résultat très négatif (dans certains domaines alarmant) que le médecin m'a décrit : Des anomalies des mesures pour le foie, le sang, le cholestérol, ... Je me sentais pourtant en bonne santé. Arrivée en France, j'ai fait des analyses qui ont totalement démenti ces données. Je ne sais pas quels ont été les résultats pour les autres patients, mais en voyant certaines personnes angoissées, j'ai compris que beaucoup de résultats étaient annoncés comme mauvais. Le but de cette entreprise serait donc de vendre leurs produits en alarmant les personnes sur leur santé. En tant que française ayant l'habitude des structures de santé occidentales, j'ai pu m'inquiéter de ces résultats. Pour cette population qui est rarement à même d'être soignée par des structures de ce type, le fait de voir les médecins arriver avec l'uniforme et du matériel très moderne leur a donné confiance et crédibilité en ces diagnostics.

Les intentions sous-jacentes des acteurs extérieurs sont donc très difficiles à cerner pour les populations. Les communautés sont très souvent sollicitées par différentes institutions, mais par manque de moyens et de temps pour se renseigner réellement sur ces acteurs, elles choisissent souvent la solution la plus rentable à court terme.

Selon J-P Jacob, il convient de ce point de vue de nuancer l'affirmation de James Wunsch (1990 : 287), selon laquelle les paysans sont sélectifs et n'ont pas de peine à percevoir qu'ils ont de multiples besoins et savent jouer du pluralisme institutionnel (Jacob J-P, 1992 : 4)58. Selon les institutions, les objectifs de développement, les objectifs commerciaux, ou les objectifs politiques ne sont pas simples à détecter à première vue.

Cette difficulté est ressentie et reconnue par les associations avec lesquelles j'ai travaillé. N'ayant pas toujours les moyens à elles-seules de reconnaître les acteurs institutionnels, les agriculteurs ont développé une méfiance envers toutes les institutions venant de l'extérieur. Ne sachant pas quels sont leurs intérêts, ils se méfient des signatures, des contrats etc. Les villageois font souvent appel aux personnes reconnues comme étant les plus aptes à

58 JACOB J?P., 1992, « Quelques réflexions sur la multiplicité des intervenants externes et la multiplication des organisations paysannes (op) au Burkina Faso.», Bulletin de l'APAD, n°3, Revue Apad (ed.) : 5 p.

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comprendre le monde institutionnel pour étudier les situations. C'est pourquoi avant chaque projet, des réunions entre les anciens et les leaders sont organisées, afin de déterminer si les avantages à tirer des projets sont plus élevés que les risques qu'ils encourent. Selon Y. Guillermou, la méfiance des producteurs entraîne une généralisation de l'attribution de la logique commerciale et des visées hégémoniques à toutes les institutions extérieures (Y. Guillermou, 2002 : 9).

Cela entraîne des difficultés de communication pour les ONG qui sont assimilées ou confondues aux autres institutions avec lesquelles les agriculteurs ont eu de mauvaises expériences. C'est aussi la raison pour laquelle le changement fréquent de personnel dans les ONG est un obstacle majeur pour établir un climat de confiance.

Dans la communauté de la Compuerta par exemple, un agriculteur était très méfiant et sur la défensive face l'ONG ProPetén. Il m'a ensuite dit que ProPetén leur avait volé de l'argent il y avait trois ans de cela, lors d'un projet d'élevage bovin. Par la suite, j'ai su que ce projet n'avait pas été réalisé par ProPetén, mais par une entreprise de la région. Cette confusion entre les acteurs a augmenté sa méfiance.

A travers des réflexions telles que le plan de développement que nous avons élaboré avec les associations dans le cadre du stage, une meilleure sélection des institutions partenaires peut être faite. En effet, grâce à la diversification des partenariats, le choix réfléchi des activités et des acteurs, mais aussi et surtout le fait d'être émetteurs de demandes plutôt que récepteurs de propositions toute faites (comme les exemples ci-dessus), permet une meilleure visibilité et une meilleure confiance.

Cette dernière partie nous a permis de relativiser la marge de manoeuvre des associations paysannes et leur poids en tant qu'acteur dans le développement durable communautaire, dans la région du Petén. En effet, la mise en évidence des différents enjeux internes et externes des acteurs, les limites liées aux discours du développement, et le contexte économique et social dans lequel se trouvent les communautés, nous ont permis de comprendre que la situation qui est parfois hors de portée des associations. Le développement local dépend en fait de multiples relations de conflits, d'associations et de négociations dont le résultat dépend en grande partie des forces et du poids politique et économique des différents groupes. Le renforcement des capacités d'action des associations paysannes résident alors dans leurs capacités à s'approprier et à maîtriser la connaissance de ce contexte institutionnel qui les

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entoure, afin d'obtenir plus d'autonomie et de créer elles-mêmes les conditions de leur durabilité.

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway