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Le rituel sambaani chez les Baatombu de N'Dali

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par Gnon Chantal DARA
Université d'Abomey Calavi - Maîtrise en sociologie 2010
  

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2-2-3-Les difficultés rencontrées

La conduite de l'étude ne s'est pas faite sans obstacle. Plusieurs difficultés ont jalonné le cours de l'enquête, depuis l'élaboration, jusqu'à la collecte des données en passant par les entretiens exploratoires. Ces différents obstacles se répartissent en deux catégories à savoir celle méthodologique et celle de terrain.

Les difficultés méthodologiques se ramènent à la rareté de la documentation sur l'objet étudié. Quant aux obstacles de terrain, ils se résument en l'influence des conflits internes entre catégories sociales en présence, conflits qui ont influencé la tenue régulière des entretiens. Il a été également noté, comme un obstacle déterminant, les barrières du secret dans l'accès à l'information. Aussi, faudrait-il noter la méfiance ou la réticence de certains chefs de cultes traditionnels à aborder la transe dans le rituel. Ces différents obstacles ont pu être levés ou contournés, ce qui a permis de mener la recherche comme en attestent les résultats.

PREMIERE PARTIE : Aspects généraux sur le Sambaani

Chapitre 1 : Genèse du rituel Sambaani

1- Origine du rituel Sambaani

L'origine du rituel Sambaanin'est pas connue des peuples baatombu. Ce rituel aurait commencé avec l'histoire de la culture baatonu. Ainsi, il regroupe tous les autres rituels traditionnels. Le Sambaani est entré dans la pratique des Baatombu par SOUNONTOTOGUI, KIGABA, leur soeur KIDAGUI.

En effet, SOUNON TOTOGUI était un grand chasseur. Un jour, il tua un gros gibier et son frère KIGABA, très content, arracha une petite branche d'un arbre et commença à chanter en louant son grand frère SOUNON TOTOGUI (roi Totogui). Il chantait notamment : « Sa gberudua sa ya dii ; sansiankpaaro, kurubu bukagomnabekurudewe » : "Nous sommes allés en brousse et nous avons tué du gibier ; si nous rentrons à la maison, les femmes porteront leur pagne en se servant de leurs coudes car leurs mains seraient chargées de viandes". C'est donc une chanson de joie, de fierté, tendant à louer le courage, la puissance et la dextérité du chasseur.

Comme KIGABA chantait les louanges de son frère en rentrant, ils rencontrèrent sur la voie les génies appelés "WEREKUNU" (génies en langue baatonu) qui cherchaient du bois. Au passage des chasseurs, ces génies se disaient entre eux : "Ah ! Il faudrait qu'on suivent ces gens". Ainsi ces génies abandonnèrent leur bois et suivirent les chasseurs jusqu'à leur domicile. KIGABAdevient alors le premier SASAGU (griot) et en même temps le griot des génies qui s'incarnent dans certains sujets du sexe masculin ou féminin.

La première incarnation du génie s'opéra avec un peulh nommé WONKORU(le noir) qui avait été saisi au moment où il trayait sa vache. Les wèrèkunuavaient donc suivi les Baatombu chasseurs pour arriver dans le village, mais ils s'étaient incarnés dans un Peulh avant de se généraliser au niveau des Baatombu. Mais on constate que les cérémonies du Sambaani se déroulent toujours avec les adeptes Fulbé ou Peulh.

Après le PeulhWONKORU, il y a eu l'incarnation du génie wèrèkudans une femme baatonu du nom de BANA ou BONA. C'est par elle que wèrèkuentra dans la vie religieuse des Baatombu.

Le phénomène devenu décisif, il y eut établissement d'une hiérarchie au niveau des génies incarnés. Cette hiérarchie se manifeste à travers les adeptes des différentes catégories de génies. Au sommet on a BONAet non WONKORU. En principe, ce dernier devait être le premier ; mais en fait, le Baatonu reléguant le Peulh au second plan, on a privilégié la première femme.

Ainsi, lors des cérémonies, BANAest la première. Ensuite vient le MARE ou Peulh en souvenir de WONKORU. Dans les chansons, on parle du Maré biigobigii(un petit peulh bourgeois). Après Maré viennent KOTIO, a " yaana bu waa" (montre le derrière ou baisse qu'on voit), gariboko (génie niais) ; SIINI BUGO (génie d'un démon de la brousse) ; TANTAN MON (génie serveur de boisson) ; KARA KARA (génie pressé) ; BIO (génie singe) ; KPIRERU (génie hippopotame), s'incarnent et se manifestent par des transes. Alors, il serait normal de chercher à savoir ce qu'est le Sambaani.

2- Rituel Sambaani

Le Sambaani n'est pas un rituel diabolique comme le pense certains notamment les musulmans. Le Sambaani est un rituel exécuté par les hommes ou les femmes ; mais les femmes sont majoritaires, et fait du bien à ceux qui ont recours au rituel.  L'esprit qu'incarne le Sambaani ne demande pas à l'individu d'apporter le sang humain ou une partie du corps humain pour se faire guérir en cas de maladie, comme le font d'autres religions. Le Sambaanivient en aide à celui qui est dans le besoin. Même le bûnkosso (le prêtre du Sambaani) s'il ne demande pas d'aide, l'esprit ne s'aura pas. LeSambaani n'aime le pécheur tout comme Dieu ; ce qui veut dire qu'il existe une entente entre Dieu et leSambaani. Partout où on entend parler de Sambaani, c'est qu'il y a un adepte qui est entré en transe, ou on donne à manger au Bûn(fétiche).

Le Sambaanine se pratique pas par hasard. On le pratique lorsqu'il y a dans le village des difficultés comme une épidémie, la rareté des pluies ou pour éradiquer un mauvais sort. C'est le sorokoro qui est un rite expiatoire. Pour cela, des cérémonies sont organisées. Souvent cela se passe au bord d'un fleuve. Au cours de ces cérémonies rituelles sont effectués des incantations, des offrandes et des sacrifices, notamment de volailles et de l'igname pilé. Les participants invoquent les géniesen jouant les bwanu (gourde pleine de grains de sable jouée par les bwanku ; joueur des gourdes), en dansant et en chantant. Les adeptes cherchent ainsi à provoquer la manifestation des esprits. Ceux-ci prennent ensuite possession des danseurs, qui atteignent la transe. On dit alors qu'ils sont « chevauchés par les esprits ». Plongés dans cet état second, les participants adoptent les attitudes caractéristiques des esprits qui les possèdent.Une fois invoqués au cours des rituels, les esprits ont la capacité de guérir les malades, de faire tomber la pluie. Ils transmettent également conseils et recommandations de toute sorte aux adeptes et leur donnent des informations sur leur avenir. Le Sambaaniest aussi le théâtre de nombreuses pratiques mystérieuses et magiques réservées aux seuls initiés.

3- Acteurs du rituel Sambaani

3-1- Prêtres ou « bûnkosso »

Les bûnkosso(gardien des bûnu ou fétiches) ou prêtres sont des intermédiaires socialement reconnus entre la communauté et le monde invisible. Ces prêtres, de façon plus pratique, vouent au bûn un culte déterminé. Les bûnkosso reçoivent un appel, une consécration qui les distinguent et les amènent souvent à rejoindre des associations, à fonder ou à diriger des couvents, dont les adeptes s'adonnent entièrement à la vie religieuse. Ils se reconnaissent entre eux à travers leurs accoutrements et ils peuvent parfois s'opposer durement aux décisions prises par les adeptes sans leurs consentements. Il faut donc souligner que leur caractère sacerdotal leur permet aussi d'établir entre eux des dialogues d'une grande profondeur. Les bûnkosso remplissent les fonctions telles que rendre la justice, l'éducation ou initiation des jeunes, la surveillance de l'équilibre politique ou le maintien de l'égalité au sein de la société. La communauté attend du bûnkosso qu'il soit en même temps un dé-sorceleur ou médecin, un devin, un gardien des éléments, de la fécondité humaine et animale, de la fertilité agricole. Le prêtre est donc par excellence manipulateur du sacré. Maître de la liturgie, il connaît et prononce les paroles rituelles secrètes ou non qui alertent les puissances numineuses ; il transforme de la sorte la victime profane en médiat privilégié pour inciter génies, ancêtres ou dieux, à écouter les supplications humaines ou à recevoir les actions de grâce ; il devient ainsi l'intermédiaire nécessaire entre le fidèle et les divinités, voire l'Etre suprême.  (THOMAS et LUNEAU, 1975). Aussi, importe t-il de souligner que n'est pas prêtre qui veut. Il est désigné par les ancêtres et est intronisé.

3-2- Korokuru ou Griot du Sambaani

La société Baatonu a besoin de nombreuses castes de griots pour chanter ses louanges, ses hauts faits et perpétuer les vertus et les nombreuses richesses culturelles qui ont fait écho dans l'histoire.

Parmi ses griots on a les Korokuba (griots). Quel que soit le type de génie incarné par l'adepte Sambaani, ce sont les mêmes griots qui sont concernés, les Korokuba. Le korokuru (c'est la musique que les griots chantent lors des manifestations du rituel Sambaani. Et celui qui l'exécute est appelé koroku ou korokuba) est d'origine baatonu et a pour fonction première de manifester la joie d'une chasse fructueuse.Avec le temps, le korokuruest destiné à louer la puissance et la bravoure des chasseurs. Il est devenu un culte pour rendre hommage aux ancêtres qui ont fait leur preuve dans les activités cynégétiques.

Par le biais de la chasse, le korokuruprit autre forme avec le phénomène d'incarnation des génies wèrèkunu (génie); ce qui a donné naissance à une danse religieuse, une musique sacrée réservée aux adeptes du Sambaani. Cette autre forme de korokuruest l'un des aspects fondamentaux de la vie religieuse des Baatombu. C'est le koroku qui joue cette musique aux adeptes et joue le rôle de Muézin du bûn à l'aide des bwanu (gourdes pleines de grains de sable) qui sont des instruments de musique. Les adeptes de Sambaani lui doivent de respect et doivent se prosternant dés qu'on le voit.

Le korokuru existe encore aujourd'hui sous les deux formes et solidement ancré même si les jeunes ont de plus en plus tendance à le négliger. Il contribue au maintien de l'équilibre social.

3-3- Adeptes du Sambaani (Biokurobu)

Photo N°1 : les biokurobu tenant en leur main le gama et le centarisur la tête à Sirarou.

Source : cliché Dara, octobre 2008

Devenir adepte deSambaanine se fait pas au hasard. L'individu tombe malade pendant plusieurs jours et ne mange pas. C'est après consultation que les parents se rendent compte qu'il s'agit du bûn. Si c'est le Sambaani, la personne entre en transe au son des bwanu(gourde). Ils sont des femmes et des hommes qui sont désignés par le rituel pour le couvent pendant un certain nombre de jours, voire des mois, et qui sont initiés aux pratiques du Sambaani. Ils sont fortement impliqués dans l'exécution du rituel Sambaani qui est pour eux une occasion de confession et de demande de pardon au bûn pour les différentes fautes commises.

Chaque biokuro est en relation avec l'animal qu'il incarne ou la race peulh et en imite les gestes et les cris. On parle d'animal parce que les génies incarnés par les adeptes sont pour la plus part des animaux et vivent dans la brousse. C'est pour cela lors du rituel, les adeptes vont en brousse où vivent les animaux et les Peulh. Peut être ces animaux ont rendu services aux ancêtres autrefois.

Les adeptes du Sambaanise distinguent des autres individus par leur habillement. Rarement ils portent des habits. Ils nouent le pagne à la poitrine avec une banderole garni de cauris appelé "centari", et ne se tressent jamais. Mais de nos jours, les adeptes se tressent et s'habillent. Ils ne doivent pas mangent la perdrix, salamandre, cabri, viande de l'animal totem ; tout cela participe à l'initiation de l'adepte. Lorsque nous prenons le cabri par exemple, il permet de faire de déposséder un adepte défunt du bûn. Le biokuro a deux esprits. Son mari ou quiconque ne doit pas le battre ni le gifler, surtout sur la tête. Car si cela se passe il disparait pendant des jours, des mois ou des années. Il peut se retrouver dans la brousse ou au fond du fleuve. Il faut des cérémonies avant qu'il ne sorte de là et celui qui commit la faute, devrait s'excuser. Les autres lui doivent un grand respect par ceux de l'autre sexe. Certains n'aiment pas qu'on les touche (diminution de leur puissance spirituelle). Les biokurobu ont un don exceptionnels : prévoir l'avenir, même annoncer la guérison ou la mort  d'un individu; retrouver un objet perdu, au son des bwanu ; prévoir la cause, les remèdes et les moyens d'éradiquer une maladie ou une épidémie; mort subite : il dira si elle est naturelle ou non et dénoncera l'auteur ; en cas de querelle, il interviendra pour régler le différend. Lors de leur initiation ils ont un langage différent des non initiés. Et pour comprendre leur langage, il faudrait prendre le sens contraire des mots ou expressions qu'ils utilisent. Par exemple, lorsqu'un adepte vous dit "blanc", entendez par là "noir" ; "je m'en vais" signifie pour lui "j'arrive", etc. mais dès qu'il revient à son état normal, il se comporte comme tout individu ordinaire, en respectant cependant leurs interdits.

La pratique du rituel de Sambaanimet souvent en oeuvre des objets auxquels est accordée une dimension sacrée tels des totems. Parmi les formes adoptées par le Sambaani, on peut citer le gama, le centari, le koro, les bwanu qui participent à la pratique du Sambaani.

Chapitre 2 : Les objets religieux du Sambaani

Au cours de l'exécution du rituel Sambaani à N'Dali, les biokuro utilisent de nombreux objets tels que :

1- Gama

Photo N°2 : les formes de gamaà Gbégourou

Source : cliché Dara, octobre 2008

Le Gaman'est pas un gris- gris mais un pouvoir qui donne à son possesseur une force. Souvent il est en forme de bâton ou en forme de canari orné de cauris. Le gama en forme de canari n'est pas déplaçable à cause de sa forme. Par contre, le gamaen forme de bâton est mouvant. Il est considéré comme l'éclaireur de tout adepte et lui sert de guide. Il est une propriété individuelle et il faut atteindre un niveau supérieur dans le rituel Sambaani pour l'avoir. Avant de l'obtenir un rite est organisé. Il s'agit de se rendre dans la nuit profonde (2h du matin) en brousse dans un marigot réservé pour cela. Il faut être adepte et pur pour s'y rendre. L'adepte disparait dans le marigot pour la recherche du gamaet peut passer des heures ou des jours et en ressort avec un bâton ou canari. Ensuite le bûnkosso (prêtre) prend le bâton ou le canari qu'il dépose auprès du bûn (fétiche). C'est là qu'on le décor avec les cauris suivi des prières. Après ce rituel, le gamarevient à l'adepte qui devient sa propriété. Il le garde chez lui et ne le sort que lorsqu'il y a un événement .C'est pour cela qu'on ne gifle pas un adepte de Sambaaniou l'insulté. Si cela se passait, il disparaît. Et c'est le gamaqui indique là où on peut le trouver ; même s'il est au fond de l'eau.

Le gama joue aussi le rôle de protecteur lorsqu'on l'implore. C'est le cas d'une dame X qui a fait des offrandes aux gamis de sa tante. Un jour, elle a été attaquée par les bandits du retour du marché. Mais elle n'a rien eu. Pour elle, c'est les gamis de sa tante qui l'ont sauvé. Il guérit les maladies et donne satisfaction aux femmes stériles.

2- Bwanu(gourdes)

Photo 3 : les bwanku jouant les bwanu à Sirarou

Source : cliché Dara, octobre 2008

Les bwanusont des gourdes qui servent d'instrument de musique au bwanku lors des cérémonies du rituel du Sambaani. Contrairement au gama, les bwanu ne sont pas une propriété individuelle. Il faut être de la lignée des koroku pour jouer les bwanu (gourdes). Ceux qui jouent ces gourdes, sont appelés les bwanku. Ils se mettent en cercle, assis par terre le pied légèrement tendu pour jouer au bwanu. Cette position leur permet de jouer les gourdes au talon de leurs pieds. C'est pendant les cérémonies telles que le mariage d'un adepte ou lorsque le Sambaani saisit quelqu'un. Le son deces gourdes est accompagné de chansons incomprises par le monde profane. Ces gourdes restent chez le koroku qui en prend soin.

3- Centari

Photo 4 : le centari à Gbégourou

Source : cliché Dara, novembre 2008

Le centari n'est pas un gris-gris. C'est une banderole garnie de cauris que porte le biokuro lors des cérémonies. Il fait partie des objets que l'adepte reçoit dès qu'il est possédé par le Sambaani. Chaque adepte du Sambaani doit l'avoir parce qu'il protège contre le mal celui qui le possède. C'est donc une propriété individuelle et il est gardé dans un lieu où personne ne le verra. Lorsque l'adepte meurt, c'est le centari qu'il faut amener auprès du bûn(fétiche) pour que ce dernier sache que son fidèle ne vit plus. Sans cela, le biokuroest toujours vivant aux yeux du bûn et de bûnkosso. Pour déposséder un adepte défunt du bûn, on lui porte le centari. Il représente le pouvoir des adeptes du Sambaani.

4- Koro

Photo N°5 : le koroà Gbégourou

Source : cliché Dara, novembre 2008

Le koroest une guitare qui se joue lors du rituel Sambaani. C'est un instrument sacré qui ne se joue que par une famille spécifique appelée "koroboseru" (famille koro). On l'utilise pour implorer les esprits ou lors des offrandes ou encore au cours d'une prière. C'est une calebasse couverte d'une peau d'animaux muni d'une tige avec deux cordes qui donnent le son. Ce n'est une propriété privée mais reste chez le korosounon (chef du koro) qui est désigné dans la lignée des koro. Le koro joue également le rôle de protection.

Chapitre 3 : Processus de manifestation du Sambaani

1- Manifestation du rituel Sambaani

a- Enterrement d'un adepte de Sambaani

Pour comprendre comment le rituel se passe, il faudrait partir du décès d'un adepte de Sambaani.

Il existe toute une cérémonie autour de la mort d'un adepte de Sambaani. Plusieurs pratiques lui sont réservées. Mais comment annonce-t-on le décès d'un bionkuro (adepte) ? Il existe un mystère autour de la mort d'un adepte. On ne dit pas aux autres qu'il est mort, mais qu'il est allé au champ ou à la "Mecque" ou encore au marché pour faire des emplettes (surtout la viande). Viande ; parce que les biokuroaiment la viande. Ils aiment la viande à cause des génies qu'ils incarnent. C'est pourquoi on ne dispute jamais la viande avec un adepte de Sambaani surtout les os. En ce moment, il y a toujours un autre adepte qui est toujours assit devant la porte du défunt en attendant son retour. Le retour ici c'est celui qui va incarner l'esprit du défunt. Il faut retourner tous les objets (il s'agit du gama, des centaris, le pagne blanc et la calebasse qui a servi à laver le corps, l'éponge) qu'il utilisait au près du bûn qu'il incarne. Si cela n'est pas fait, pour la famille leur parent est mort mais pour le bûn,il vit encore. C'est surtout le centari qui montre réellement que le biokuroest mort avant que les adeptes ne se mettent à pleurer le mort. Après cela on peut procéder au rite qui leur est réservé avant l'enterrement. Donc c'est l'homme qui meurt mais le bûn lui ne meurt jamais.

Ø Comment déposséder le défunt du bûn ?

En premier lieu, il faut libérer le bûn du défunt en jouant des bwanu (gourdes) et par des danses en utilisant le coq et le cabri. Le cadavre assis sur un tabouret, le Koroku prend le coq et le passe de la tête à la plante des pieds ; de la tête à la hanche. Avant la fin de ce rituel, le coq meurt. Après ce rite on étale le cadavre sur une natte en lui passant de noix de palme sur tout le corps.

Lorsque les kosikobu (fossoyeur, dans la société baatonu, il existe un clan qui est destiné à l'enterrement) finissent de creuser la tombe, on habille le cadavre et on le fait asseoir en chantant. Dès que le Koroku (griot) récite les panégyriques du défunt, le cadavre bouge et on le rase. Lors du rasage, les parents du défunt doivent dépenser énormément. Après le rasage, le défunt n'incarne plus le génie et devient un simple individu qui peut être enterré. La calebasse qui a servi à laver le cadavre et le pagne qui lui est noué lors du bain sont envoyé au bûnkosso. Les autres adeptes quittent les lieux pour ne pas pleurer car pour eux, il n'est pas mort.

Ø Les cérémonies après l'enterrement d'un adepte

Trois semaines après l'enterrement, une grande cérémonie est organisée. Au cours de cette cérémonie, les adeptes vont au "taxo" (chasse). C'est un rite qui consiste à aller dans la brousse pour chasser. Ils reviennent avec les branchages à la main (symbole de leur victoire). Après la chasse, un autre rituel consiste à laver les effets du défunt à la rivière. Tout ceci se passe dans le silence.

Pour clore les cérémonies, on prépare de la pâte ou de l'igname pilée ; cela dépend de la période. La marmite au feu, une ou trois adeptes, en silence, se servent de leur main pour servir le mangé dans des assiettes qui sont déposées sur la tombe du défunt. C'est là que tout le monde va manger. Ainsi se termine les cérémonies d'enterrement.

Après l'enterrement, il faut chercher l'individu qui va incarner le bûn du défunt. Ainsi s'observe les différentes phases du rituel Sambaani.

b- Les différentes phases de la manifestation du rituel Sambaani

Ø La phase d'incorporation

Une semaine après l'enterrement, il est organisé tous les soirs des danses aux bwanu autour du feu. Les profanes dansent autour des bwanku assis en cercle. Au cours de ces danses si un individu tombe, on le transporte sur la tombe du défunt. Tous les adeptes présents sont contents et le prennent pour le mettre dans une chambre qui devient le couvent. Ils disent  "bèsèméromaka dihouma" (notre mère est de retour de la Mecque ou du marché) et tous les adeptes sont joyeux de ce retour. Le novice peut être une femme ou un homme.

Au cas où après la semaine, personne ne tombe, on choisit une personne sur qui on met une petite canari. Cette personne tourne autour du cercle. Si elle tombe, on le prend. Au cas contraire, on change de personne. Parfois, l'individu n'incarne pas le bûn d'un défunt. Cela peut être son destin et généralement c'est pendant la récolte des nouvelles ignames ou au cours d'une offrande.

Saisie en dehors des funérailles, elle restera chez la mère supérieure.si l'individu est saisie en brousse, elle roule à terre au son des bwanu agitées par les bwankuet ce sont les bûgibu ou biokourobuqui vont la relever. Ils lui passent les mains sur la figure et la poitrine. Après ce geste, elle reprend ses esprits et revienten elle-même et une cérémonie initiale est organisée.

Si les parents du novice sont des musulmans, ils refusent parce que c'est diabolique et va contre les prescriptions d'Allah et bloquent parfois l'initiation de l'individu. Lorsque ces cas se présentent, soit l'individu tombe malade, soit présent des comportements bizarres qui ne sont pas compris par la société. Tant que les cérémonies ne sont pas faites, rien ne marchera pour lui.

Ainsi commence la phase initiatique pour le novice.

Ø La phase initiatique

Dès que l'individu tombe sur la tombe du défunt, les adeptes le prennent pour l'amener dans une chambre. Il sera entouré des adeptes qui sont avancés dans le Sambaani. Il ou elle se roule à terre. On le prend et le porte au sud du village, au croissement de sentiers pour le laver, puis on le met dans une case d'où il ne sortira que sept (07) jours plus tard. Le novice ne reconnait plus personne et ne parle pas. Il devient un bébé qui ne connait rien du monde dans lequel il est venu. On le met au dos lorsqu'il veut faire ses besoins et on lui donne à manger. Le novice doit rester au couvent pendant sept (07) jours. Le sixième jours, c'est-à-dire la veille, les adeptes réclament un boeuf entier à la famille et une petite cérémonie est organisée. Cette cérémonie consiste à voir si le défunt à accepter le choix du novice. Devant le boeuf, les adeptes se mettent à genoux et font des prières en présence du novice. Ensuite on demande au novice de toucher le boeuf ; s'il se met en transe c'est que le défunt à accepter l'offrande. Si c'est le contraire, il faut chercher la cause du refus.

Le lendemain, c'est-à-dire le septième jour, une petite cérémonie est organisée qui consiste à voler. Très tôt le matin ; à cinq heure du matin, les adeptes, possédés des esprits, rentrent dans les maisons pour voler tout ce qu'ils trouvent à la portée des mains. Vers dix heures, ils s'apprêtent à aller dans la brousse à la rencontre des génies ou esprits. Le koroku met de l'huile de noix de palme sur le front et les pieds des adeptes qui sont possédés. L'un parmi eux va chercher le novice. Ils vont en brousse où les génies ou les esprits leurs donnent des instructions sur la conduite du novice et ne reviennent deux (02) ou trois (03) heures après. Dès que les adeptes sont dépossédés, ils ne se souviennent de rien. Donc ils ne sont pas en mesure de nous dire exactement ce qui se passe en brousse. A seize (16) heures, tous les biokuro (adeptes), pagnes noués à la poitrine viennent sur la place et se mettent en cercle, (ce sont les pagnes tissés traditionnellement par les tisserands). C'est en ce moment qu'on amène le novice au milieu du cercle pour lui apprendre à danser le rythme du Sambaani. La phase de l'intégration du novice commence.

Ø La phase d'intégration

Cette phase commence souvent après le lendemain de la phase initiatique. Généralement, c'est le dimanche que cette cérémonie est organisée. Vers quatorze (14) heures, tout le monde s'installe et se met en cercle. Le novice est assis parmi les autres adeptes. Avant la cérémonie initiale, le novice est placé au centre des bwanku (joueurs des bwanu ou gourdes) tam-tams et autres participants. Assis au milieu des biokurobu, on lui rase la tête et les parents viennent donner des offrandes (pièces de monnaie). Ensuite, on le retourne dans la chambre pour une toilette et on l'habille (le pagne noué à la poitrine, un tissu rouge attaché à la hanche et des colliers). Encore, On lui apprend à danser le rythme Sambaani  et c'est à ce moment là que ses parents dépensent de l'argent. Si le novice est marié une cérémonie est faite là. Elle consiste à donner la dot qui est constitué d'un coq, une natte et de l'argent (le coq parce qu'elle doit préparer la suce à son mari si c'est une femme. S'il s'agit d'un homme, lui doit l'apporter à la maison à sa femme. La natte, parce qu'il ou elle doit dormir sur la natte et l'argent c'est selon la capacité du mari ou de la femme). Si non il ou elle ne reconnaitra pas son compagnon. On lui remet le coq qu'il doit remettre au koroku. S'il entre en transe cela veut dire que le bûna accepté la dot.

Lors de cette phase, on partage des pagnes aux participants. C'est aussi le moment de manger le dernier plat de l'igname pilée appelé « sokourougbinrou » (bol d'igname pilée). Mais il faut être pur ou propre avant de s'approcher du plat.

Le bûnkossoporte le candidat au dos jusqu'à une fourmilière sur laquelle on le fait assoir, avec deux coussins posés sur le bord de la fourmilière. Ainsi accroupi, on le lave avec un poulet noir qu'on jette ensuite dans la brousse, vers l'ouest. Ensuite le novice doit chercher une clochette cachée, on l'enveloppe d'un pagne blanc, puis sa famille prépare des nourritures variées. Il doit gouter du miel à quatre reprises. Alors, il est initié aux fonctions réservées aux adeptes du Sambaani. Ainsi prend fin les cérémonies.

Dès le lendemain, les adeptes venus d'ailleurs, rentrent chez eux. L'adepte sur qui le novice tombe lors de sa possession, devient son maitre spirituel. Il reste chez lui pendant des mois : trois (03) mois pour les hommes et quatre (04) mois pour les femmes. Il appelle tout le monde "baba" (père) lorsqu'il s'agit d'un homme et "nana" si c'est une femme. Le novice parle un langage qui n'est pas compris par les profanes.

Il arrive des fois où les parents n'ont pas les moyens pour organiser les cérémonies. Il faut comprendre que les cérémonies du rituel de Sambaani sont couteuses. C'est pourquoi on rejette parfois les cérémonies à une date non connue. L'attente peut durer un (01) à deux (02) ans. Si la date est connue, le même scenario commence.

2- Fonctions du Sambaani

Le rituel Sambaani joue le rôle d'intégration dans la société baatonu. Ce rituel transforme la situation de la société tout en renforçant la solidarité dans la communauté de N'Dali. Le Sambaani a pour fonction première de rassembler et de consolider l'union et la fraternité sur la base de l'appartenance à une même culture, aux mêmes cultes et aux mêmes ancêtres. Il favorise le maintien de la cohésion sociale et l'entente entre les membres de la société baatonu de N'Dali.

DURKHEIM(1930, 149-159) dans Le suicide, avance que le suicide anomique se lit dans la société où la cohésion est faible. Il explique l'anomie comme la situation angoissante née du non respect des normes et valeurs sociales. Cela laisse à comprendre que l'observance des normes et valeurs sociales suscite la cohésion des membres d'un groupe. Dans la même logique, nous dirons que, au plan collectif, la cohésion sociale, c'est la mentalité, l'esprit d'une société qui n'individualise l'acteur qu'au plan biologique. Sambaani régularise la société à travers le respect, l'entente et la peur de l'autre.

Aussi dans le Sambaani, la parole prime sur tout. Elle est une convoyeuse d'énergie. En effet, que ce soit sous forme d'incarnation, de prière, d'ordre ou de serment, cette parole possède le pouvoir à la fois créateur et destructeur qui opère dans le corps de l'individu. Au delàde l'aspect mécanique de la parole, il y a l'aspect hermétique. En effet, à un degré moins que l'incarnation, la prière joue un grand rôle et pourrait être désignée comme parole de puissance.

3- Avantages et inconvénients duSambaani

Ø Avantages du Sambaani

A croire les enquêtés, le Sambaani est un rituel que l'être suprême à créer pour porter secours aux individus qui sont en danger ou les protéger. Le Sambaani ne fait pas du mal et n'a rien de diabolique comme le pense les religions importées surtout l'islam. Il est la clairvoyance.

Ainsi, le Sambaani protège l'individu, lui donne une longue vie, donne des enfants aux femmes qui sont dans le besoin ; et si la femme est stérile, elle aura d'enfants par la supplication : « Tonunbarukawatonu ra di » (c'est par l'autre qu'on peut avoir ce que l'on veut). Le Sambaani ne finit par les vielles habitudes de l'homme mais protège son âme jusqu'à la fin de sa vie. Il protège aussi le commerçant qui rencontre de difficulté dans son commerce.

Ø Inconvénients du Sambaani

Mi piiwàmiàyàmàawà (là où il y a le bonheur, il y aussi le malheur). Selon les enquêtés, tout comme Dieu, le Sambaani n'aime pas le pécheur. Il faut aimer ce que le bûn aime. L'adepte du Sambaanidoit chercher le Tim (médicament ou gris-gris) ; ce qui pose parfois de difficultés. Même le bûnkosso(prêtre) s'il est malade et ne dit rien à son bûn, il ne sera pas guérit. Le bûn ne le protège pas et peut le laisser mourir. Mais lorsqu'il le dit, il sera protégé.

Deuxième partie : Sambaani dans l'arène socio-religieuse à N'Dali

Chapitre 4: Sambaani à la croisée des chemins

1- Evolution du rituel Sambaani

L'exécution du Sambaani à Gbégourou, Sirarou et N'Dali a connu une évolution dans le temps et dans l'espace. Avant l'avènement des religions révélées, le peuple baatonu de N'Dali était animiste et pratiquait le rituel Sambaani. C'est pendant la saison sèche que les cérémonies s'organisent, parce que c'est en ce moment que tout le monde revient des champs après les récoltes et il y a de l'argent et cela se passe au village sur une place publique. L'adepte devait du respect à ses supérieurs et à son tour la communauté dans laquelle il se trouve lui doit ce même respect. Surtout quand il incarne le bûn d'un défunt, les enfants de ce dernier le considèrent comme le défunt. En voyant venir le koroku, le biokuro doit se coucher pour le saluer et pour lui parler. Il n'était pas permis aux biokurobu de se tresser, ni de porter des habits. Ils doivent toujours avoir le centari sur la tête. N'importe qui ne devenait adepte s'il n'est pas choisi par le bûn. La durée des cérémonies dépendait de la famille ; si la récolte a été bonne chez certain, les cérémonies peuvent durer une semaine voir un mois. Le rituel était fait dans le respect des règles. Les enfants qui allaient à l'école ne sont pas pris en compte. Pour eux (génies ou esprits), l'élève ne peut pas respecter correctement les règles du rituel. C'était une joie pour la famille dont l'enfant est choisit par le bûn, car il n'était pas donné à tout le monde cette occasion. Le rituel Sambaani a pour fonction d'intégration et de cohésion sociale et protège celui qui a recours à lui. En somme, le Baatonu attache un intérêt particulier au rituel Sambaani.

En effet, en dépit de l'attachement et de l'intérêt particulier accordé au Sambaani par les populations de ces localités, son exécution n'a pas échappé aux influences de la modernisation. Aujourd'hui, tout a changé dans les comportements des adeptes, des bûnkosso et des koroku. Les règles du rituel ne sont plus respectées comme avant. L'argent a pris le dessus de toute chose. Quand on va demander de l'aide de nos jours chez un bûnkosso, la première chose qu'il vous demande c'est l'argent. Le korokune joue plus son rôle de muézin et n'est plus respecté par ses adeptes. Les adeptes se tressent et portent des habits aujourd'hui. Ils ne sont plus propres. Les différentes modifications intervenues dans l'exécution de rituel affaiblissent la pratique du rituel Sambaani. Le non respect de ces règles entraine parfois la folie lorsque l'esprit n'est plus en lui ou la mort subite de l'individu.

2- Impacts des religions révélées sur le Sambaani à N'Dali

Malgré la relative stabilité dans les institutions du Borgou, des changements rapides ont eu lieu avec l'arrivée de l'islam et du christianisme dans la commune de N'Dali. Néanmoins, il existe encore des poches de résistance à ces changements.

En effet, dans toute société, il se retrouve dans la population des conservateurs tels que des vieux qui demeurent encore dans la pratique du rituel pendant que d'autres s'adaptent aux changements qui s'opèrent.

L'avènement et l'acceptation de l'islam et du christianisme à N'Dali ont eu des impacts sur la population. Ces impacts se situent aux plans religieux, éducationnel, et socio-culturel.

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery