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La production littéraire tchadienne écrite d'expression française : essai d'analyse sociologique.

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par Robert MAMADI
Université de Ngaoundéré - Master ès Letrres 2010
  

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Chapitre 2 : Le contexte socio-économique et culturel

Situer l'oeuvre littéraire dans le milieu qui l'a produite est une ancienne préoccupation de la sociologie de la littérature. Les éléments sociaux, économiques et culturels sont des pistes de recherche dans ce domaine. Dubois (1978) analysait la littérature en tant qu'institution culturelle qui a des mécanismes et des effets mesurables. Les sphères de production, pour lui, subissent le poids des institutions politiques et économiques. Nous voulons démontrer l'influence de ce contexte sur la production, comme processus de fabrication des oeuvres littéraires. La guerre, l'analphabétisme, l'illettrisme et la corruption sont traités dans la première partie, la situation économique dans la deuxième et les réalités culturelles dans la dernière partie de ce chapitre. Cette étude est non négligeable pour justifier la lenteur dans la mise sur pied des instances de production et la volonté croissante de consigner les pensées sur des supports modernes de conservation et de vulgarisation des idées.

1. Les crises sociales

La guerre, l'analphabétisme, l'illettrisme et la corruption sont des faits qui dégradent la société et la rend infertile au marché du « donner et de recevoir » senghorièn. Ils sont des crises sociales et de ce fait affectent la littérature qui est aussi une pratique sociale.

1.1 La guerre et ses conséquences

La guerre est le recours à la force armée pour dénouer une situation problématique entre deux ou plusieurs groupes organisés. Au niveau étatique, elle est la violence d'un groupe d'individus qui entrent en rébellion contre le régime en place. Plus souvent, les considérations religieuses, idéologiques et ethniques sous-tendent la volonté de libération nationale entreprise par les mécontents. Ces genres de conflits fratricides mettent l'économie de l'État en faillite, déstabilisent la société, rendent le pouvoir fragile et alimentent le débat littéraire, tout en démolissant les instances de production littéraire locales.

La guerre au Tchad est intimement liée à la prise du pouvoir. Il nous est important de faire le synopsis de toutes les guerres qui ont eu un tel objectif. Mais, il faut reconnaître que depuis 1965, il y a toujours une ligne de violences, de sang qui relie les quatre républiques successives. En 1993, un rapport d'Amnesty International-Tchad intitulé « Le Cauchemar continu », décrit ce phénomène en ces termes : « Depuis 1965, le Tchad ne parvient pas à rompre avec la violence, parce que la force armée y est considérée comme le seul moyen de résoudre les différends politiques et que jamais les responsables d'atrocités n'ont été traduits

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en justice» (Varsia, 1994 :141). Le traitement de la guerre est ainsi lié à l'histoire politique. Trente ans d'indépendance, six présidents. En dehors de Tombalbaye et de Lol qui sont venus, l'un par les urnes et l'autre par le consensus, Herdeï Doboubou confirme le fait que les autres sont venus par la violence. Malloum Ngakoutou Béhindi, dirige le pays après le coup d'État du 13 avril 1975, mettant terme au règne de F. Tombalbaye qui a fait face, depuis 1960, à la rébellion du FROLINAT. Le 12 février 1979, une guerre civile « la plus meurtrière et la plus mémorable que les Tchadiens ont connu, éclate à N'djamena entre les éléments fidèles à Habré et les forces loyalistes du général Malloum » (Hérdeï, in Notre Temps n° 328, 2008 : 5). L'insécurité politique a poussé Malloum à démissionner après quatre années de règne. Les pourparlers de Kano I, pour finir la négociation entre une dizaine de groupes armés cède la magistrature suprême à Lol Mahamat Choua et 8 mois plus tard à Goukouni Weddeye (août 1979), un des chefs rebelles du Nord. Le 21 mars 1980, la guerre éclate, à nouveau, à N'Djaména entre les éléments de Habré et ceux de Goukouni. En 1982, sous la menace habrèenne, Goukouni quitte N'Djaména, après quatre ans de règne, en pirogue en direction du Cameroun, cédant place à Habré. Huit ans après l'arrivée de celui-ci au contrôle, Déby entre à la capitale le 1er décembre 1990. Habré se réfugie au Sénégal en passant par le Cameroun.

Loin de faire une histoire politique, nous avons gardé l'ossature de la succession au pouvoir au Tchad pour démontrer qu'elle s'est toujours faite dans le sang. Chacun de ces dirigeants, entre son arrivée et sa sortie par les armes, a dû faire face à de nombreuses factions rebelles qui ont pour objectif la marche sur la capitale. Les écrivains ont saisi l'occasion pour écrire des oeuvres qui ont pour seul but, selon Oumar Nadji, d'« inviter le lecteur à haïr la guerre, ce monstre qui déstabilise notre terre et augmente le nombre des orphelins, des veufs, des veuves» (Oumar, 2009 : 7). Cette instabilité politique a trois causes plausibles intimement liées : l'influence de la colonisation française sur la culture arabo-islamique en place, la division Nord-Sud et la volonté égoïste des dirigeants. En effet, les conflits religieux et linguistiques représentés par l'opposition Christianisme-Islam et arabe-français ont une origine politique. Les populations du Sud, chrétiennes se tournent vers la culture occidentale et se forment en français, celles du Nord, musulmanes ont une culture islamique et se forment en arabe. En voulant imposer le français à l'arabe, le colonisateur a épuisé la vigilance des musulmans qui ont une base éducationnelle traditionnelle et coranique. Abazène, juriste tchadien arabisant pense que c'est la formation d'une élite francophone qui a fait de l'administration un adversaire de l'élite ancienne qui s'est rebellée. Il déclare à cet effet que « Depuis lors le débat sur l'officialisation de l'arabe n'a pas cessé d'alimenter les

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divergences entre l'élite francophone à prédominance sudiste et chrétienne et l'élite arabophone à prédominance nordiste et musulmane» (Abazène, in Collectif, 2002 : 38). Cette division Nord-Sud est exploitée par les opposants aux régimes de Tombalbaye et de Malloum pour recruter leurs militants « marxistes-islamistes ». Le FROLINAT d'Idriss Abatcha, formé au Caire, les FAP de Goukouni Weddeye et Les FAN de Habré, ces forces auxquelles il faut adjoindre le MPS de Déby, se sont distinguées par la volonté de prendre le pouvoir par tous les moyens.

Les conséquences de ces agissements sont toujours les moins attendues et les plus dévastatrices. L'économie du pays a souvent été détruite et dilapidée par et pour la guerre, des millions de Tchadiens ont quitté le pays et la guerre a favorisé un type d'écriture : l'écriture de la guerre ou écriture en temps de guerre. Cette problématique a fait l'objet d'études littéraires. Nous reconnaissons, d'une part, que les conflits armés ont détruit les bases de la jeune littérature nationale initiée par Joseph Brahim Seid, Palou Bebnoné et Baba Moustapha, etc. et ont poussé les jeunes « plumistes » et « écrivants » en exil et d'autre part que la guerre est un facteur émergent pour la littérature tchadienne. A cause de la guerre, de l'insécurité politique, il n'y a pas eu au Tchad, un demi-siècle après l'indépendance, une institution littéraire dynamique. Heureusement, les Tchadiens exilés, volontaires ou contraints, parce qu'ils n'admettaient pas la guerre et souffraient du manque de liberté, ont produit des textes inspirés de ces guerres à répétition. Nimrod, Mougnan, Nébardoum et Koulsy, les figures représentatives de la poésie tchadienne, ont connu la guerre civile et l'exil, « leurs Chants expriment, selon Bourdette-Donon, des tensions et des situations conflictuelles, se nourrissent de ces souffrances et puisent leur force dans cette exclusion» (Bourdette-Donon, 2000 : 16). Kotoko, Bangui, Kosnaye, Zakaria et Mahamat Abakar, les autobiographes ont décrit les effets de ces troubles sur leur personnalité et leur entourage. Ceux-ci ont séjourné à l'extérieur du pays, alors qu'ils produisaient leurs oeuvres. Les romanciers N'Djékéry, Moustapha, Nimrod, Koundja, Haggar, Ouaga, etc. ont réécrit les conséquences des guerres, comme l'ont fait les nouvellistes à l'instar de N'Djékéry (La Descente aux enfers). Les essayistes : Joël Rim-Assbé Oulatar (Tchad, le poison et l'antidote), Pierre Toura Gaba (Non à Tombalbaye), Masra et Béral (Tchad, Eloges des lumières obscures), etc., n'ont pas, de par les titres de leurs essais, tardé à nommer les auteurs et les causes de ces guerres.

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"Tu supportes des injustices; Consoles-toi, le vrai malheur est d'en faire"   Démocrite