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La production littéraire tchadienne écrite d'expression française : essai d'analyse sociologique.

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par Robert MAMADI
Université de Ngaoundéré - Master ès Letrres 2010
  

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1.3 La corruption

La corruption est l'action d'agir contre son devoir, le résultat de cette action. Pour R. Toriaïra, sociologue tchadien, elle est « le fait de solliciter, de payer ou d'accepter des dessus de table, de pots de vin, dans le but d'obtenir des avantages et pour des fins privées» (Toriaïra, 2000 : 1). La corruption est toujours assimilée au "don", la volonté bienfaisante d'aider ou de remercier quelqu'un par l'octroi d'un bien. Le don n'a rien de prohibé. Il vient

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après une amitié, un service rendu. Du point de vue de la législation, la corruption est une atteinte commise à l'administration publique par les fonctionnaires ou par les particuliers. La loi n° 004 qualifie de corrompu : « quiconque pour obtenir soit, l'accomplissement, l'ajustement ou obtention d'un acte, soit une faveur ou un avantage, fait des promesses, offre don, présents ou cède à des sollicitations tendant à la corruption» (Loi n° 004/PR/2000 du 16 février 2000, Article 915). Ainsi, la corruption touche tous les domaines.

Au Tchad, la gestion du pays est rendue dure par la corruption. Les principes de dignité et de rigueur sont abandonnés au profit des biens acceptés ou exigés pour rendre service. Il se pose un problème d'honneur et d'éthique. Le pouvoir public est abusé à des fins personnelles. Cependant les populations sont restées indifférentes ou complices soit parce qu'elles ne sont pas prêtes à réclamer leur droit, soit parce qu'elles y trouvent leur compte. La situation de guerres a légitimé le prélèvement massif dans les caisses de l'État et des sociétés parapubliques. La justice ne fait presque pas son travail en matière de prévention et de répression à en croire les responsables des associations de droits de l'Homme. L'analyse de la situation sociopolitique faite par les différentes forces politiques atteste que la corruption ruine le système administratif. Mais les décisions d'assainissement, à l'exemple de celles initiées sous Idriss Déby Itno, n'ont pas mis fin au phénomène. Le bilan du règne de Tombalbaye, selon Toriaïra, fait par le CSM après le coup d'État de 1975, révèle la pratique de la corruption existante dans l'administration des finances. Le conseil estime que : « La corruption est un danger qu'il faut circonscrire dès maintenant sous peine de la voir prendre des proportions alarmantes» (Toriaïra, 2000 : 197). Quinze ans plus tard, l'enquête sur le règne de l'ex-président Hissein Habré montre que la pratique s'est empirée : « La gabegie, la corruption, la confusion totale des biens de l'État à ceux des tenants du pouvoir [...] étaient les principales caractéristiques de ce régime» (Collectif, 1992 : 33). Toriaïra fait allusion à un blanchissement d'argent et de corruption sous le régime de Déby et déclare qu'« au début de l'année 2000, la COFACE [...] a non sans raison classé le Tchad au rang des pays où les difficultés de payement et les retours sur l'investissement sont difficiles» (Toriaïra, 2000 : 198). Depuis quarante ans, ces pratiques qui justifient la prise du pouvoir se reproduisent.

Parmi les causes de la corruption, nous citons les conséquences économiques de la guerre civile. Pour survivre, les agents de l'État sont obligés d'accepter ou de réclamer de pots

15 Loi portant répression des détournements des biens publics, de la corruption, de la concussion, des trafics d'influences et des infractions assimilées.

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de vins. Au temps de Habré, l'effort de guerre et les retards de salaires ont favorisé la corruption. La dévaluation du Franc CFA, la flambée des prix et le freinage du recrutement à la Fonction Publique ne sont pas en reste. Les agents de l'État, qui prétendent gagner peu d'argent, mettent en place des pratiques illicites, pour « joindre les deux bouts ». Dans un tel contexte, l'oeuvre de l'esprit n'est pas une nécessité. Il faut reconnaître que hormis le premier président, les dirigeants venus au contrôle par la grâce des frères armés sont obligés d'attribuer des postes aux rescapés de la guerre, même les bergers analphabètes au détriment des diplômés. Dans l'histoire du Tchad, il était possible de voir des directeurs ou des chefs de service ne sachant ni lire, ni écrire. Impunité, injustice sociale, pillage, vols, viols ne peuvent être sanctionnés quand le neveu, ancien guérillero en est l'auteur. Les critères de sélections, le mérite et l'ancienneté sont foulés aux pieds. La corruption devient un obstacle grave quand presque tout le monde la pratique, l'accepte.

La lutte anticorruption n'est pas seulement une affaire de droit. Les acteurs de la corruption se font entourer de décideurs de haut niveau (députés, directeurs, ministres, etc.) pour leur défense en cas de complication juridique. Rare sont ceux qui dans des pareilles postures passent 72 heures en geôle. Les agents du ministère de la moralisation ne peuvent pas mener des enquêtes n'importe où, de peur de laisser leur éthique et/ou leur peau quelque part. Seul le Tchadien lambda est exposé et réprimé. Il lui faut peut-être une éducation civique. La solution est d'en parler. Débattre de la corruption dans les lieux publics et éducatifs, la dénoncer, punir sans distinctions les personnes coupables et complices sont là des moyens envisageables. S'il existe au Tchad depuis 2000, une loi anticorruption, une justice assainie doit l'appliquer efficacement pour réduire le fléau. Malheureusement, la corruption ne fait pas souvent partie des procès rendus publics. La cause selon Djékodjimgogo est que « le recrutement à la magistrature tend de nos jours à obéir à aucun critère de compétence f...] les conséquences fâcheuses affectent non seulement la carrière mais toute la machine judiciaire» (Djékodjimgogo, in Tchad et Culture, n° 253, 2007 : 8). La corruption paraît, telle que décrite, une approche thématique à exploiter. Les écrivains sont à cet effet à l'oeuvre.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld