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La production littéraire tchadienne écrite d'expression française : essai d'analyse sociologique.

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par Robert MAMADI
Université de Ngaoundéré - Master ès Letrres 2010
  

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2. La situation économique

Par « situation économique » nous entendons faire l'analyse du champ économique tchadien, ses actions et son évolution. Pierre Fandio traitant les conséquences de la crise économique sur la littérature camerounaise déclare :

La situation économique du Cameroun, à l'image de celle des autres pays de l'Afrique francophone en ces années 90, est marquée par une grande crise économique [...] la crise structurelle est aggravée par une crise conjoncturelle [...] qui a fini par sinistrer (sic) une économie déjà mal en point. L'impact de la nouvelle parité entre le Franc CFA et le Franc français est loin de combler les attentes des opérateurs économiques dont ceux du secteur du livre littéraire» (Fandio, 2006 :182).

Il nous échoit de dire que la situation de crise dont fait allusion Fandio est comparable à celle qui avait sévi au Tchad avant l'ère pétrolière. Nous analysons ici l'économie du pays en rapport avec la production littéraire avant, pendant et après la crise des années 90.

2.1 Le contexte économique et la production littéraire

L'économie est l'ensemble des activités d'un groupe humain, évaluables en termes de production et de consommation des richesses. Par analogie, « économie » renvoie à la richesse ou aux sources de richesses. Au Tchad, les piliers de l'économie sont l'agriculture et l'élevage. La mise en exploitation du pétrole depuis 2003 au sud du pays est une autre source d'entrée pour l'économie du pays. Le pétrole représente 80%16 des exportations nationales. Le Tchad consacre 70% de son budget total aux programmes prioritaires de réduction de la pauvreté.

Notre préoccupation, loin de traiter un sujet d'économie, est de mesurer l'enjeu de l'économie tchadienne sur la production littéraire. La littérature tchadienne connaît quelques problèmes liés notamment à la production et à l'édition. En 48 ans de production, il est surprenant de voir que le champ littéraire compte une vingtaine d'auteurs qui ont rarement plus de 02 oeuvres à leur actif en moyenne, avec une fréquence de 02 oeuvres par an pour

16 Source : groupe Guy-vérité Je connais mon pays : le Tchad, fascicule de connaissance générale.

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l'ensemble d'écrivains. Ce calcul est la résultante de l'analyse des ouvrages critiques sur la littérature tchadienne.

Le problème de la production affilié à l'économie est celui de manque de moyens financiers pour la production, l'édition et la publication. Nous avons dit que les piliers de l'économie tchadienne sont l'agriculture et l'élevage, or ces activités sont vulgarisées dans les zones rurales où 83.3 % de la population active réside. Dans ces zones, l'analphabétisme et l'illettrisme sont à plus de 3/4 de la population. L'écriture devient une activité élitiste.

Vu le faible taux de la scolarisation de la population tchadienne, les difficultés ne font que s'agrandir. Elles s'appellent chômage, pauvreté, absence des maisons d'édition indépendantes, etc.

La Fonction Publique recrute peu de jeunes et, la corruption et le tribalisme rendent l'accès « sacré » pour ceux qui n'ont pas de moyens financiers et des personnes influentes au sein du ministère concerné. Il n'est pas rare de voir un titulaire d'une licence passer dix ans en instance d'intégration. Quelques privilégiés se disputent les 30, 50 ou 100 places réservées à l'intégration dans tel ou tel ministère par an.

Les jeunes citadins instruits s'adonnent à la débrouillardise, la seule issue possible pour garantir le pain quotidien. Ceci réduit la volonté de se lancer en plein temps dans le métier de l'écriture. Actuellement à N'Djaména, une page de texte est saisie à 500 F CFA dans les « secrétariats publics », ce coût est le budget journalier garanti en moyenne pour la ration alimentaire. Ceci dit, finaliser la rédaction d'une oeuvre de plus de 100 pages n'est pas aisé pour beaucoup de ces écrivains potentiels.

Plusieurs éditeurs attestent que les jeunes ont de difficultés en français à l'écrit et leur redressement par la commission de lecture est la cause principale du silence ou du désistement des jeunes écrivains. Aussi, dans un pays où la culture du livre n'est pas développée, s'installer comme éditeur indépendant est un pari risqué. La responsable du centre Al-Mouna, lors de notre interview avoue que sans l'assistance financière extérieure aléatoire, l'édition à compte d'éditeur, qui est prisée au Tchad se fait toujours à perte. La seule occasion de spéculation du livre est le jour de la dédicace. Un autre aspect à relever du côté des éditeurs est l'insuffisance de biens propres et de financement pour s'installer à son propre compte. Au Tchad, seules les éditions Sao sont indépendantes et multidisciplinaires. Pour le seul prétexte que « les livres ne se vendent pas au Tchad », les entrepreneurs et opérateurs économiques refusent d'envahir ce domaine. La vérité est que se doter d'une telle institution nécessite de fonds qui ne sont pas à la portée des Tchadiens moyens.

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La situation économique désastreuse du pays a un effet sur l'émergence de la littérature. Il faudra peut-être aider les jeunes à produire des oeuvres de fiction. Le pouvoir public peut créer une maison d'édition publique et accorder de crédits ou de résidence d'écriture aux lauréats des concours annuels de littérature. Ces propositions, matérialisées peuvent améliorer les talents des jeunes écrivains.

En aval la scolarisation et l'alphabétisation fonctionnelle doivent être vivement encouragées. L'un des moyens pour crédibiliser la littérature tchadienne est la lutte pour l'enseignement et l'insertion des oeuvres d'auteurs tchadiens aux programmes d'enseignement : défi de l'ASET depuis le premier colloque des écrivains tchadiens. En économie, la loi du marché est impitoyable. Quand la demande est faible ou timide, l'offre est limitée. Le ministère en charge de la culture manque de techniques de communication pour l'essor de la littérature et la prolifération des instances de production. Il n'est plus question de se plaindre ad nauseam qu'il manque de talents, de volonté et de financement.

En amont, les Tchadiens peuvent cultiver la lecture. La bibliothèque ne doit pas continuer par être un objet de luxe. Si malgré la pauvreté, les Tchadiens équipent leurs maisons de conforts matériels onéreux, les livres ne coûtent pas si chers. D'ailleurs la fréquence de parution, nous l'avons signalée très haut est faible. Brigitte Masson lance cet appel : « Intellectuels, artistes, enseignants, décideurs, arrêtons de geindre et proposons d'urgence à notre société nouvellement industrialisée un système efficace de garde-fou et de contrepoids ! » (Masson, in Notre Libraire n° 114, 1993 : 159). Une prise de conscience collective (chez les producteurs, éditeurs, diffuseurs, consommateurs) permettra de revigorer l'image de la littérature tchadienne.

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