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La production littéraire tchadienne écrite d'expression française : essai d'analyse sociologique.

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par Robert MAMADI
Université de Ngaoundéré - Master ès Letrres 2010
  

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3.3 La littérature au service de la nation

La littérature, quand elle est au service de la nation, joue un rôle très important. Le concept est actuellement vulgarisé puisque reconnu par les littéraires. Le terme « littérature nationale » désigne l' « ensemble des traits thématiques et linguistiques qui permettent de rattacher un corpus d'oeuvres et de pratiques à un groupe ou une communauté historiquement et politiquement constituée» (Aron et al., 2002 : 393).

Le Tchad, à la suite d'autres pays d'Afrique, utilise la littérature pour l'homogénéité culturelle, l'unification nationale. Les auteurs, par des oeuvres de fiction, affirment l'identité tchadienne. La colonisation, par l'école, a imposé la langue française comme véhicule des cultures. Les écrivains l'utilisent pour transmettre des valeurs nationales.

La littérature tchadienne existe sous la forme orale et écrite en langue française. La forme écrite invite les lecteurs à un sentiment de cohésion et de prise de conscience nationale. Antoine Bangui estime en écrivant Les Ombres de Kôh que l'histoire de son récit se passe à Bodo, mais peut être utile pour les voisins les plus proches et lointains. Il nomme expressément Béboto, Bédjondjo, Batha et le Tibesti. Ces lieux représentent les quatre coins du pays. Pour lui, il faut que la mémoire, qui renaît après les affres des guerres patriarcales, devienne « le miroir vivant de tous les enfants du Tchad » (Quatrième de couverture).

Cette volonté d'unification et de valorisation de la richesse culturelle tchadienne se lit à travers Au Tchad sous les étoiles (Paris, Présence Africaine, 1962.) de J. B. Seid. Dans la préface, l'auteur présente le Tchad avec ses saisons, sa géographie, son histoire. Ces histoires se déroulent dans les quatorze préfectures du Tchad. En quatrième de couverture, nous pouvons lire : « les innombrables enfants du Tchad, par la voix de l'un des leurs, vous invitent, cher lecteur, à venir vous asseoir parmi eux [...] Ils vous demandent une chose : c'est vouloir partager avec eux la joie de leur candeur et de leur innocence».

Après la guerre de 1979, plusieurs écrivains tchadiens réclament la paix, l'innocence à laquelle fait allusion J.B.Seid. Baba Moustapha, Marie Christine Koundja et N. Djédanoum (Illusions) présentent deux sociétés balkanisées en Nord-Sud, Chrétien-Musulman, jeune-vieux. Tous ces écrivains, en choisissant comme toile de fond l'amour entre les jeunes de ces deux camps séparés, ont réussi à proposer leur point de vue basé sur l'unité, les mariages interreligieux et interethniques. Pour eux, l'unité ne peut passer que par ce genre d'action.

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À travers Haroun et Ganda, B. Moustapha nous présente deux groupes de familles séparées par la religion, la culture et l'ethnie mais vivant sur un même territoire. C'est le destin qui a voulu que les deux personnages évoluent et réussissent toujours ensemble. Le père de Ganda vétérinaire et celui d'Haroun, éleveur. Une complémentarité, sauf que la famille de Ganda est chrétienne et celle de Haroun, musulmane. Le mariage a été impossible entre les deux familles. Pour renforcer les liens, ces jeunes organiseront des montages pour prendre leurs parents au dépourvu par un mariage clivé.

L'école est sans doute le lien de dialogue des différentes cultures. C'est dans ce cadre que les jeunes d'ethnies, de religions et de régions différentes se rencontrent pour bénéficier, filles et garçons, d'un système unique. L'unité, la solidarité et la concorde nationale y font objet de partage. L'homogénéité du programme éducatif est le support d'une homogénéité de culture. Cela veut dire que l'école est l'un des piliers sur lesquels les Tchadiens doivent s'appuyer pour l'édification d'une culture nationale. Les écrivains forgent un autre pilier aussi dynamique que l'école : l'écriture, la conséquence d'une éducation bien assumée. La famille, les lieux de culte (églises, mosquées, arbres à fétiches, etc.) constituent pour eux des terrains de mise en scène, de description des faits qui constituent des noyaux d'éducation et de formation dans une perspective unitaire et nationaliste.

Pour conclure, les oeuvres des expatriés produites au Tchad, les événements littéraires associatifs ont été des atouts pour la production littéraire. La diversité linguistique, religieuse et culturelle quant à elle, freine l'épanouissement de la littérature. Nous espérons qu'une littérature nationale au service d'une culture nationale constituée des diversités tant linguistique, religieuse et culturelle constitue un objectif à atteindre pour la cohésion sociale et la culture de la paix. Salaka ayant étudié la situation des écrivains, pris individuellement (biographie, bibliographie, lieu de résidence, niveau d'instruction, etc.) et collectivement (les différentes formes d'organisations qu'ils ont créées) pour avoir une idée de leur place dans la société, parvient à la conclusion selon laquelle ils participent à l'éducation. Pour lui, « la littérature existe parce qu'il y a au point de départ un créateur, une personne, une subjectivité qui décide de partager ses sentiments, son expérience, ses réflexions avec d'autres personnes : c'est l'écrivain» (Salaka, 2003 : 59). Celui-ci peut, dans le cas tchadien, lutter contre les antagonismes socioculturels. Les contextes et conditions de productions étant connus, les instances et les acteurs de la production peuvent faire l'objet d'étude.

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Dans cette deuxième partie du travail, nous avons démontré qu'il y a des facteurs favorables et d'autres défavorables pour la production de la littérature tchadienne.

Dans le domaine littéraire, l'apport des enseignants, prêtres, militaires, touristes et entrepreneurs français qui ont vécu au Tchad ; les rencontres, festivals, concours et prix ont inspiré des écrivains. Ceux-ci ont un niveau intellectuel satisfaisant et sont bradés des distinctions sociopolitiques et de renommée dans les différentes formes d'expression. Nous avons réservé une étude diachronique à ces atouts dans le premier chapitre de la partie.

Dans les domaines linguistique, religieux et culturel, il y a des difficultés qui gênent l'épanouissement de la littérature tchadienne écrite d'expression française. Le Tchad a plus d'une centaine de langues nationales qui ne sont pas vulgarisées et institutionnalisées. Le bilinguisme arabe-français, legs des civilisations arabo-musulmanes et européennes, est non équilibré. Autant le français n'est pas écrit et lu par une grande moitié de la population, autant l'écriture arabe souffre de visibilité et de traduction du point de vue littéraire. Par ailleurs, les deux religions révélées s'entremêlent difficilement et font l'objet de critique de la part des auteurs qui les trouvent non avantageux pour la production littéraire. Aussi, la multitude des cultures différemment gérées favorise les clivages.

Les obstacles à la libre consommation des textes littéraires produits dans une langue étrangère : le français sont ainsi connus. Nous avons jugé mieux de proposer la littérature comme outil au service de la culture nationale et de l'unité. Cela est réalisable grâce à la scolarisation massive et pérenne en arabe et en français, et à la vulgarisation de toutes les langues et les cultures nationales. Les contextes sociopolitiques, économiques ont influencé la production littéraire. Il y a eu cependant des facteurs favorables et défavorables qui n'ont pas manqué d'être passés en revue. Maintenant, il faut chercher à voir ce qui existe comme instances de production (éditions, imprimeries, centres culturels, etc.). Mais avant cela, il est nécessaire de connaître les producteurs. Un classement par genre sera fait à cet effet.

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TROISIÈME PARTIE : ACTEURS ET INSTANCES DE PRODUCTION
DE LA LITTÉRATURE TCHADIENNE ÉCRITE D'EXPRESSION

FRANÇAISE

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Pour comprendre la réelle signification d'une oeuvre littéraire ou philosophique, Goldmann affirme qu'« il faudrait la rattacher à l'ensemble de la vie sociale et économique de son temps» (Goldmann, 1959 : 55). Cette vie obéit à une logique. En sociologie de la littérature, comme le reconnaît Escarpit :

Tout fait de littérature suppose des écrivains, des livres et des lecteurs ou, pour parler d'une manière plus générale des créateurs, des oeuvres et un public. Il constitue un circuit d'échanges qui, au moyen d'un appareil de transmission extrêmement complexe, tenant à la fois de l'art, de la technologie et du commerce, unit les individus biens définis (sinon toujours nommément connus) à une collectivité plus ou moins anonyme (mais limitée). (Escarpit, 1968 : 32).

La présence des créateurs, la médiation des oeuvres et l'existence du public-lecteur pose des problèmes d'ordre sociopolitique, économique et culturel d'où la nécessité de consacrer à ces éléments une étude spécifique. L'histoire littéraire s'en est tenue à l'étude des hommes et oeuvres laissant de côté les perspectives sociologiques qui considèrent la littérature comme la branche production de l'industrie du livre, comme la lecture en est la branche consommation. L'invention de l'imprimerie, le développement de l'industrie du livre, le recul de l'analphabétisme font objet d'étude chez Escarpit.

La question de la naissance de l'auteur, du prix littéraire, du lieu de résidence, de profession et de décoration des producteurs a été traitée par Bourdieu. Cette étude vise, selon lui, à « constituer la population des auteurs reconnus par le grand public intellectuel» (Bourdieu, 1998 : 256-257). Il étudie également « les rapports entre les auteurs ou les artistes et les éditeurs ou les directeurs de galerie» (Bourdieu, 1998 : 354).

À leur suite, cette partie est consacrée aux écrivains et les formes d'expression, à l'étude de la situation professionnelle et des lieux de résidence des écrivains, d'une part ; à l'étude des instances techniques de réalisation d'oeuvres littéraires (édition, imprimerie) et à la connaissance de leurs acteurs d'autre part.

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"Nous voulons explorer la bonté contrée énorme où tout se tait"   Appolinaire