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La transition démocratique en Mauritanie à  travers la revision constitutionnelle de 2012

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par Mohamed Sarr
Université de Tunis El Manar - Mastère de recherche 2016
  

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Deuxième partie : De timides amendements pour de sérieux problèmes

Après avoir étayé l'interaction entre les différents acteurs politiques et le résultat de cette interrelation par rapport au processus de démocratisation, nous allons, dans cette seconde partie, traiter dans un premier chapitre les facteurs bloquant à la démocratisation et dans le second chapitre des institutions de démocratisations déjà existantes et qui sont à renforcer.

Chapitre I : Amendements et lois face aux tares sociales: les obstacles à la démocratisation

Après avoir discuté de la capacité des acteurs à trouver un consensus par rapport aux différents problèmes sociaux que rencontrent le pays, nous allons traiter ces questions qui se dressent face à toute volonté de changement vers un régime plus respectueux de l'État de droit, de la justice, de la responsabilité des autorités devant leurs actes, il s'agit du stateness problem.

Section I : Les problèmes sociaux premiers: quelle solution normative ?

Parmi ces questions ou problèmes de fond comme l'appellent certains politiques, y figure les questions telles que le règlement du passif humanitaire (I) et la question de « l'esclavage » (II), qui aujourd'hui, hantent encore le pays et revient de façon récurrente à tout débat d'envergure nationale

Paragraphe I : Génocide ou passif humanitaire : victimes versus bourreaux

Dès le lendemain de l'indépendance, « la Mauritanie, un complexe géopolitique » ou pays « trait-d'union »86(*), fait face au problème relatif au vivre ensemble de plusieurs communautés, culturellement différente, sur un même territoire. Entre la promotion d'un État plurielle par la reconnaissance de sa diversité culturelle (Halpoulareen, Hassanophones, soninké et wolof) et le forcing d'une hégémonie communautaire par l'assimilation, les premiers gouvernants choisissent la deuxième option. Ce choix fut le péché originel qui a plongé le pays dans ses moments les plus tristes et qui hante encore la cohésion sociale du pays.

La grève des élèves noirs en Janvier 1966 contre le décret d'application de la loi du 30 Janvier 1965 relative à l'obligation de l'enseignement de l'arabe dans le secondaire, se soldera par des émeutes qui feront 6 morts et 70 blessés. A la solidarité des fonctionnaires noirs qui publient le manifeste des 19, « premier manifeste politique négro-africain »87(*), qui brossa un tableau d'une hégémonie de « l'ethnie maure » sur les négro-africains par la fameuse mythe-règle du quart88(*). Vingt ans après, en Avril 86 les FLAM, union de plusieurs organisations des négro-mauritaniens, publient « Le manifeste du négro-mauritanien opprimé » qui qualifie « d'apartheid » « le système beïdane ». Début septembre la collaboration entre Djibril Ould Abdellahi, appelé communément Gabriel Cimper et très redouté ministre de l'intérieur, et Ely patron de la DGSN, permettra l'arrestation de plusieurs auteurs de la publication et de l'intelligentsia négro-africaine, c'est le départ d'une expédition judiciaire, une quarantaine de négro-africains seront jugés et condamnés à de lourdes peines. Le 22 Octobre 87, une tentative de putsch d'officiers négro-africains déjoués ouvre la chasse aux négro-africains dans l'armée89(*), elle se soldera par l'arrestation d'une cinquantaine d'entre eux dans les différents corps de l'armée, trois seront condamnés à mort et exécutés et les autres à de lourdes peines d'emprisonnement. Ils seront, et les activistes des FLAM condamnés un an plutôt, envoyés au fort de Oualata, un mouroir par excellence qui dévora trois de ces prisonniers dont l'écrivain-poète Tene Youssouf Gueye en 1988. En avril 1989 à partir d'une banale affaire de paysans soninkés du Sénégal et d'éleveurs peuls de la Mauritanie, se donnera le coup d'envoi d'une campagne d'élimination des négro-mauritaniens. Le régime de Taya en complicité avec les Nassériens et Baathistes mauritaniens vont « profité de l'occasion pour régler à leur façon la question nationale »90(*) par l'aide de leurs bras armés les Harratines. Ceci est auréolé entre 1990 et 1991, d'abord par la poursuite de l'élimination des mauritaniens négro-africains, et la destruction systématique de leurs villages et leurs pièces d'état-civil prouvant leur statut de mauritanien, et enfin par la pendaison, dans la nuit du 27 Novembre 1990, de vingt-huit militaires négro-africains pour fêter l'indépendance du 28 Novembre. Depuis lors les symboles de cet État sont souillés par le sang de ses citoyens qu'il a sacrifié. C'est cette période de tueries de centaines de civils et militaires négro-africains, ainsi que des expulsions de près de 120.000 parmi eux, essentiellement Halpoulareen, qui se réfugieront entre le Sénégal, le Mali et en occident, qu'est la page sombre de l'histoire du pays. Cela ressemble bien à un génocide que d'aucuns vont euphémiser en « passif humanitaire », cette période de 1986 à 1992 constitue les années de braise chez les négro-africains de Mauritanie91(*).

Aujourd'hui le règlement de ces pages noires de l'histoire du pays (passif humanitaire) est une variable dépendante à toute démocratisation et stabilité du pays. Cette question faisait partie de l'une des deux axes majeurs du programme de Sidi à son élection92(*). Ce qui lui fit confier ce brulant dossier à un comité interministériel réunissant quatre ministères et présidait par le secrétaire générale à la présidence93(*), qui a abouti à la signature en Novembre 2007 de l'accord tripartite entre la Mauritanie, le Sénégal et le HCR pour le rapatriement volontaire des mauritaniens établis au Sénégal. Le 29 Janvier 2008 le premier contingent débarquait à Rosso, ainsi s'en suivit jusqu'au retour de seulement de 7000 réfugiés du Sénégal par rapport au dernier recensement et estimations du HCR qui s'élevait entre 64.000 à 20.000 réfugiés94(*). La campagne de rapatriement se perpétuera après le putsch de 2008, cependant avec Aziz le dossier va prendre un autre tournant à l'amateurisme et à la légitimation du pouvoir arrivé de facto95(*). Le problème du passif humanitaire, jadis, engagé par le régime de Sidi, finira par une stratégie de leurre aux victimes en leur faisant signer un document secret à une partie des victimes, surtout les veuves, d'abandonner toute poursuite contre leurs bourreaux en contrepartie d'aides financières. Un an après, ces dernières se disent tromper car ils ne connaissaient pas exactement le contenu des documents qu'elles ont signée, dans tous les cas Aziz annonce la « fin de l'opération de retour »96(*) des réfugiés. Un militant des droits de l'homme nous confia même que les autorités, par la voix, du haut-commissaire des droits de l'homme, ont dit avoir « fourni tous les efforts et qu'à présent il faut clôturer le dossier du passif humanitaire »97(*). Alors que les réfugiés au Sénégal ne sont pas tous rapatriés dans leurs pays d'origine, ceux du Mali et notamment à Kayes ont été les oubliés du programme de rapatriement. Ce qu'il faut dans ce dossier complexe du pays, et dont l'ensemble des militants des droits de l'homme et quelques acteurs politiques qui font de la question leur cheval de bataille s'entendent, c'est une justice transitionnelle qui se fera à travers la résolution du problème par cinq étapes. 1- Le devoir de vérité (les ayants droits doivent savoir ce qui s'est réellement passé, qui a fait quoi à qui). 2- Le devoir de justice (traduire en justice les meurtriers coupables, et après voir s'ils seront pardonnés par les victimes). 3- Le devoir de réparation (indemniser les victimes et reconstruire intégralement la carrière des fonctionnaires publics victimes). 4- Le devoir de mémoire (sacraliser cette période sombre de l'histoire du pays afin que tous les mauritaniens aient à l'esprit qu'une telle chose ne puisse plus jamais se reproduire). Et enfin, 5- Le devoir de réconciliation pour enfin que la cohésion sociale se met en marche. La question du passif humanitaire est une question nationale, concernant l'ensemble des mauritaniens, ils doivent tous être impliqués à sa résolution définitive, cela constituerait même un soulagement aux maures, le groupe perçu, à tort ou à raison, par les victimes, d'être les responsables. Donc le fait de pointer du doigt les seuls coupables de ces tueries et expulsions enlèverait chez les victimes, la perception des maures comme une communauté de génocidaires et réconcilierait l'ensemble mauritanien. Sur ce, le premier obstacle à cette démarche est la loi 93-023 de Juin 1993 portant amnistie pleine et entière aux membres des forces armées et de sécurité auteurs des infractions commises entre le 1er Janvier 1989 et le 18 Avril 199298(*), faisant échapper à tout coupables d'être traduits en justice. Les accords politiques de 2011 n'ont fait qu'effleurer le sujet, raison pour laquelle lors de l'amendement de la constitution de 2012, hormis le préambule de la constitution qui reconnaissait la diversité culturelle, aucune loi constitutionnelle ou législative ne faisait référence à ce problème. En ce sens la question du passif humanitaire reste un obstacle majeur à toute normalisation du régime en plus des autres, à savoir la question de l'esclavage.

* 86 Les termes « complexe géopolitique » appartiennent à Ali Ben Saad et « trait d'union » à Philippe Marchesin, l'utilisation de ces adjectifs signifient que la Mauritanie dans sa position géographie et humaine est un carrefour entre le monde arabe ou le Maghreb et l'Afrique noire, ce qui fait d'elle une spécificité géopolitique et culturelle. Voir BEN SAAD A., « Mauritanie, territoire de larges et de liens », Dossier Mauritanie : le devenir d'un État charnière, Maghreb-Machrek, n°189, Automne 2006. p.8 et MARCHESIN P. Op.cit.

* 87 Pour les circonstances concomitantes qui ont emmené à ce premier révolte des « noirs » contre la gouvernance des Arabes (beïdanes/maures), Voir BADUEL, P. R, « Mauritanie 1945-1990 ou l'État face à la nation », RE.M.M.M. 54, 1989/4, p26-27

* 88 Ceci se lit dans le manifeste dit des 19 que les maures ont établi un mythe disant qu'ils font 80% de la population et que les négro-africains ne constituent que le reste. Donc pour toutes fonctions politiques ou administratives, les négro-africains représenteront le quart de l'effectif

* 89 S'agissant de l'histoire de ce putsch manqué des négro-africains et des conditions de détention des prisonniers ainsi que de ceux des FLAM, Voir BOYE A. H., J'étais à Oualata, le racisme d'État en Mauritanie, l'Harmattan, 1999.

* 90 MARCHESIN P., Op.cit. p213.

* 91 Pour avoir une idée plus détaillé de cette période sanglante du régime de Taya et des solutions à adopter, voir FONADH, Stratégie de règlement du passif humanitaire : Vers la mise en oeuvre d'une justice transitionnelle en Mauritanie, PDF sur http://www.archive.for-mauritania.org/fr/files/fonadh.pdf

* 92 Lors de son émission à la TVM affirme les deux axes de son programme dont l'un était l'édification d'un État de droit et la consolidation de l'unité nationale par le retour des réfugiés. Ould MEYMOUN M. L. Op.cit. p.172

* 93 Voir Ould MOHAMED LEMINE M. S., Mauritanie : l'Esperance déçue, 2006-2008: une démocratie sans lendemain, l'Harmattan, 2012 pp.161-169

* 94 FRESIA M., « les enjeux politiques du retour et identitaires du retour des réfugiés en Mauritanie, Vers une difficile réconciliation nationale ? », Politique Africaine, 2009/2, N° 114, p.12.

* 95Ibid. p.11

* 96 Contenu du discours du discours de Aziz lors de se visite en Mars 2012 à Rosso http://www.ami.mr/fr/index.php?page=Depeche&id_depeche=17123

* 97 Source entretien

* 98 Tel s'énonce en substance l'article 1er de la loi

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