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Crowdsourcing le graphisme peut-il se faire uberiser ?

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par Damien Henry
CELSA Paris Sorbonne - M2 Communication et Technologie Numérique 2015
  

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VI. Annexes

1) Entretiens

Yannig Roth (entretien N°1)

Responsable marketing d'Eyeka, le 8 avril 2015 dans les locaux d'Eyeka (Paris)

Les présentations se font en présence d'Éric Favreau et Yannig Roth, qui me montrent rapidement les locaux d'Eyeka et les différents pôles de travail. Le cadre ressemble à une agence de communication de taille moyenne sur un seul niveau dont le coeur est une salle de réunion aux parois de verre autour de laquelle gravite un open-space à taille humaine. Je conserve le souvenir d'une ambiance calme et studieuse sans faux-semblant « fun » comme cela m'avait frappé chez Creads. Pendant la première partie avec Yannig puis avec Éric, il y avait une visio-conférence dans l'aquarium central pour présenter probablement un concept avec un client, des méthodes de travail qui cadrent avec l'activité ancrée dans le digital. La majorité des employés semblaient rassemblés dans cette pièce, durant les entretiens on pouvait parfois entendre des applaudissements.

Damien Henry : Le sujet de mon étude est de comprendre comment le crowdsourcing (CS) créatif peut s'inscrire dans le paysage de la création graphique. Nous allons commencer simplement en parlant d'Eyeka : avec de nombreux modèles présent sur le web, comment votre plate-forme se différencie-t-elle des autres ?

Yannig Roth : Pour commencer, Eyeka a commencé en 2006, comme quelque chose qui ressemblerait à ce qu'est aujourd'hui peut-être iStockphoto ou Shutterstock. Le principe était de faire ça aussi pour de la vidéo - alors peut-être qu'aujourd'hui ces sites proposent aussi de la vidéo285 - c'était encore un peu tôt à ce moment. Une manière d'alimenter la plate-forme en contenus était d'organiser des concours, au départ non-brandés (sans être assimilé à une marque) : « la meilleure photo de paris », des photos ou vidéos sur un thème, ce genre de choses... Ensuite des marques sont venues ou ont été approchées par des propositions de concours sur des thématiques particulières, et c'est à partir de 2008/2009 que les concours ont commencé de manière régulière sur Eyeka.

Aujourd'hui c'est une plate-forme de concours qui, il y a encore 2 ou 3 ans se définissait elle-même comme une plate-forme de co-création. On parle maintenant de CS parce que c'est plutôt une description plus objective et transparente de ce que c'est, plutôt que de parler de co-création, qui est quand même un peu une grande idée sur laquelle on ne peut pas mettre grand chose derrière...

Donc aujourd'hui on fait du CS, quasiment exclusivement des concours. Le chiffre d'affaire et les revenus d'Eyeka ne viennent que de là, pas d'autre chose ; ou alors de choses liées aux concours comme des workshops, que l'on décrira après. Le principe d'Eyeka est de faire des concours d'innovation, de

285 En effet les plates-formes comme Pond5 ou istock proposent depuis quelques années des vidéo ou des templates Aftereffect.

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design, de packaging, d'expériences - donc d'idées globalement - ou alors de contenus : print ou vidéo, pour des grandes marques.

Je m'occupe ici de la veille concurrentielle et du marketing, en terme de veille je regarde ce que font les autres plates-formes. Le positionnement d'Eyeka est différent des autres plates-formes de 2 manières : C'est premièrement d'être la vraiment la seule plate-forme à être présente sur tout le continuum marketing, de l'idée jusqu'au contenu : de l'idée du design, du pack, du graphique, de l'inspiration créative pour des études de marché ou de la production vidéo par étapes - Eyeka est la seule à proposer ce panel de différents types de concours, alors que les autres plates-formes sont plus spécialisées sur le design graphique, l'identité, la vidéo... - on a pas mal de concurrents sur ce secteur - Nous sommes les seuls à proposer cet ensemble.

Le second point de différenciation, c'est qu'Eyeka est une des seules - pas la seule cette fois mais bien une des seules - à travailler exclusivement avec des grandes marques et des grandes entreprises. Non pas par snobisme ou par facilité - parce que ce n'est pas forcément plus simple - mais tout simplement parce que stratégiquement, c'est quelque chose de plus intéressant que d'avoir comme par exemple 99design (c'est une plates-formes ouverte). Nous la manière dont on fonctionne : c'est d'avoir des gens qui viennent voir les marques ou bien à l'inverse des marques qui viennent nous voir- (on a les 2) qui disent : « Il y a des concours, vous pouvez en faire, voilà comment vous pouvez utiliser Eyeka. Est-ce que pour votre marque, votre stratégie digitale ou votre stratégie d'innovation, vous avez besoin de créativité nouvelle qui en plus ne vient pas d'une agence, mais de vrais gens, de consommateurs, de designers, de graphistes, etc... »

On travaille donc exclusivement avec ces grandes marques tout d'abord car cela représente un certain coût de travailler avec Eyeka - on pourra en parler après - mais aussi parce qu'on s'est rendu compte qu'il était bien plus intéressant de se concentrer sur un certain nombre de marques. On doit avoir à l'année 20 à 30 clients, ce qui n'est pas énorme. Mais certains font plusieurs concours (ex : Unilever, P&G...), ce qui est plus intéressant car ces entreprises ont besoin de beaucoup d'idées et de créativité pour leur marketing. On peut ainsi travailler avec eux plus régulièrement. C'est pour cette raison que le second point de différenciation est de se concentrer sur ces entreprises là, et non sur des start-up ou des entrepreneurs, qui ont aussi un besoin, et sont plus ciblées par d'autres plates-formes.

DH : On peut citer l'exemple de Creads, assez orienté sur de la création d'identité pour des petites structures qui se lancent. Ce qui est frappant chez vous, c'est effectivement la présence de grands comptes et une certaine récurrence dans les concours - je pense à Mc Donald's notamment - On peut donc se demander, ce que ces marques viennent chercher de différent par rapport à une agence classique : ce que pensent leurs consommateurs, la diversité ?

YR : C'est un peu ces deux choses à la fois. Le seul type de concours pour lesquels ce que fait Eyeka est quasiment frontalement parallèle à l'existant c'est plutôt pour la production de contenu. Un concours va dans ce cas concurrencer certaines agences - bien évidement pas celle qui font des choses pour Cannes - mais certaines agences et des maisons de production.

DH : Pas les agences conseils donc ?

YR : C'est ça, les agences conseils on a un autre boulot qu'eux, on ne va pas les concurrencer directement pour des raisons évidentes. Alors que des agences de production ou créatives, dans

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certains pays surtout, on sera concurrent sur le contenu. [Partie confidentielle de l'entretien qui concerne une démarche client] Une des raisons pour lesquelles on fait ces projets avec eux, c'est qu'ils ont pas d'agence de qualité ou bien meilleure que ce nous pourrions donner. [Non publiable].

Mais pour quasiment tous les autres projets, même en France, il n'y a pas de concurrence directe ou frontale entre ce que fait Eyeka et les autres. Et même : les budgets que l'on prend dans les marques, permettent à celles-ci d'avoir davantage d'idées, de la fraîcheur et de la nouveauté. Ce qu'elles ne faisaient pas avant et n'allaient pas chercher.

En terme d'étude de marché c'est comme avoir un méga-brainstorming créatif au début d'un processus exploratoire où les idées sont ensuite validées par différentes méthodologies existantes (Nielsen286, ...). Idem pour la communication, si une marque se demande comment communiquer sur son yaourt ou sa boisson... le CS est devenu une nouvelle manière d'avoir des idées créatives et fraîches venant directement de consommateurs - avec un petit c : un groupe de gens de manière générale, qui n'agit pas en tant que professionnel mais en tant que consommateur, c'est comme ça que je définirais ici ce terme de consommateur - d'avoir des idées de leur part de manière globale, très rapides et non-biaisées. C'est à dire : souvent quand vous faites travailler une agence, vous pouvez en avoir une pour l'implémentation, ce qui est toujours indispensable aujourd'hui, nous on ne va rien implémenter derrière, les marques vont toujours travailler avec leur agence.

Par contre en amont, durant la phase très exploratoire d'idéation, c'est là qu'aujourd'hui les marques voient le plus de valeur pour avoir une foule d'idées dans laquelle ils peuvent choisir. C'est là qu'on intervient parfois pour certains cas, où l'analyse est faite en interne ou plus souvent en externe par des sémiologues, sémioticiens, directeurs créatifs ou planners en freelance, des personnes, quel que soit leur terme, qui ont une expérience de planning et de stratégie de marque. Ces personnes font une analyse des entrées pour donner des grandes tendances, des concepts :

Par exemple, McCaan-Chine, qui lançait un concours pour Coca-cola, son client, cherchait de nouvelles idées pour communiquer le goût de la boisson. Ils ont eu, je ne sais pas combien, mais des centaines d'idées qu'ils ont clusterisées en grandes tendances, et de choisir ensuite ce qui, d'après la marque et les personnes qui travaillent sur ce compte au sein de l'agence, leur paraît le plus prometteur. Évidement c'est aussi testé avec des instituts d'études en parallèle.

Une bonne partie de la valeur d'Eyeka aujourd'hui pour les marques est donc d'ajouter un gros shot de créativité où avant ce n'était pas vraiment possible... où on avait un brainstorm287 ou un benchmark288. Et donc c'est ça la valeur. Ce qui fait que du coup, parfois, c'est plus cher, plutôt que moins cher.

Mais c'est aussi plus efficace car ça va plus vite, pas toujours, mais souvent ça va plus vite dans le sens où on a des idées : et on trouve la bonne. D'ailleurs, cette approche là est risquée parce que parfois des clients qui lancent des concours sur Eyeka qui disent : « C'est pas mal, mais j'ai pas trouvé la bonne idée ». Ce qui fait parti du jeu.

286 http://www.nielsen.com/fr/fr/about-us.html est un important cabinet d'audit de consommateurs

287 Terme souvent utilisé en agence pour désigner un processus collectif de recherche d'idée.

288 Le benchmark est un terme marketing pour désigner une démarche d'observation et d'analyse des performances atteintes et des pratiques utilisées par la concurrence ou par des secteurs d'activité pouvant avoir des modes de fonctionnement réutilisables par l'entreprise commanditaire du benchmark. «Une pêche aux bonnes idées» http://www.definitions-marketing.com/Definition-Benchmark

C'est aujourd'hui là qu'est la plus grande valeur d'Eyeka. On va ressortir aujourd'hui ou demain un rapport sur l'évolution du CS289 dans le temps et on s'aperçoit que le CS d'idées est toujours minoritaire en comparaison avec celui de contenu, mais que cela commence à prendre de plus en plus de place.

À Eyeka, nous voyons donc stratégiquement un avenir plus important dans ce type de CS d'idéation, ce brainstorming créatif global, rapide et visuel. Nous voyons plus un avenir dans cette forme, que dans l'externalisation globalisée et souvent low-cost de la production (vidéo ou print).

On ne dit pas que la production n'est pas un métier noble, mais plutôt que l'on voit plus de valeur dans une étape comme le story-board ou l'idéation qu'ensuite dans l'implémentation. On s'est aussi rendu compte que les marques avaient bien plus envie de contrôle que ce qu'une foule leur permet d'avoir et préfèrent donc travailler avec leur agence. Si demain Eyeka, on l'est déjà, veut être plus structurel dans l'écosystème créatif, c'est d'avoir une vision à terme où le brainstorm créatif est global, rapide et systématique : parce que ça permet d'avoir plein d'idées. Bien sûr, rien ne garantie que l'on trouve LA bonne idée, jamais. On ne pourra donc jamais garantir nos résultats.

La vision c'est ça : plus d'idéation, pour permettre aux marketers et aux agences d'être plus créatives plutôt que d'être dans la production où on va remplacer des personnes existantes parce qu'on est moins chers. Parfois on le fait, parce que des clients le demandent, et qu'on ne leur dit pas non - Parfois on dit non d'ailleurs - Mais ce n'est pas là fondamentalement qu'est l'avenir du CS. L'avenir du CS, pour nous c'est proposer de l'inspiration créative venant de consommateurs et d'individus du monde entier, pour des problématiques de marque, de manière systématique et relativement peu cher. Ce n'est pas dans la production ou dans le remplacement de ce font déjà des gens très bien, et bien mieux que nous.

DH : C'est pour cette raison que vous ne divulguez pas toujours les résultats produits qui font partie d'un projet à plus long terme. Il y a un passage de relais je suppose ?

YR : D'ailleurs, il peut y avoir des difficultés, lors de ce passage de relais. Il arrive que des agences ou les personnes qui ont initié le projet au sein des entreprises finissent pas ne rien utiliser ou que cela se perde dans les différentes arcanes de la validation, de la R&D... des nombreux autres projets qu'ils ont en tête. C'est donc quelque chose qui peut se perdre. Soit parfois si d'autres personnes reprennent le projets - le successeur du gars qui a lancé le projet au niveau de la marque ou alors l'agence qui travaille pour l'initiateur du projet... - il y a aussi un risque de perte à ce niveau là.

C'est un des problèmes fondamentaux du marketing, pour lequel Il n'y a pas encore beaucoup de solutions aujourd'hui, le fameux syndrome not invented here. Personne en interne ne va challenger le projet, il n'y a pas quelqu'un qui est là en permanence, ce n'est pas notre job en tout cas, ou bien il faudrait que l'on change de positionnement et qu'on soit vraiment comme une agence en accompagnant la suite du projet, ce que l'on ne fait pas pour le moment. De ce fait, les idées ou des choses se finissent parfois par ne pas être utilisées et se perdent. C'est un gâchis d'argent pour la

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289 http://eyeka.pr.co/99215-eyeka-releases-the-state-of-crowdsourcing-in-2015-trend-report

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marque, à nuancer bien sûr, puisque c'est une expérience, il y a de l'apprentissage et ils ont eu des idées...

C'est une des difficultés du CS. En prenant cette posture là, on ne contrôle pas la mise en place, l'implémentation. In fine, ça n'appartient qu'à l'entreprise de savoir si elle utilise ou non ces idées ou ces créations. Notre positionnement aujourd'hui fait que c'est une chose que l'on accepte, comme un problème fondamental de ce que l'on fait. On essaye surtout de faire au mieux pour savoir ce qu'il se passe après. Mais plus le temps avance et plus le client utilise les idées ou les vidéos à la suite d'un concours.

DH : J'ai déjà une bonne partie de la réponse, mais comment faites-vous pour accompagner le client entre le moment où il vient frapper chez vous et celui où vous livrez le projet ?

YR : En guise d'introduction je dirais que notre travail ici c'est à mon avis deux coeurs de métier : Le premier étant de connaître les clients et de savoir leur parler, comme une agence finalement. Le second est de gérer les projet de CS sur une plate-forme : la gestion de projet, l'activation d'une communauté, représente une bonne partie du coeur du métier.

Mais il n'y pas que ça : il y a plein de gens capable de construire des plates-formes, plein de gens qui ont des communautés, théoriques - ne serait-ce une marque sur Facebook.

Mais de pouvoir aller transformer la valeur de la communauté, de dire aux marques comment on peut ou non les aider - premier point important - et ensuite de transformer ce business brief (décrit plus bas), cette problématique, en quelque chose de cohérent sur une plate-forme : là c'est une autre compétence, car derrière il y a tout le project-managment. Donc pour résumer comment ça se passe :

Au départ un client vient voir Eyeka et dit : « j'ai telle problématique d'innovation, de communication... ». On commence par lui dire si on peut ou non répondre à sa demande.

Il y a des choses que l'on ne peut pas faire comme : « vendre plus d'alcool en France » (on ne peut pas demander des idées sur ce thème en France). On s'interdit également de faire des concours pour le tabac par exemple - mais on n'a pas empêché Gleeden (Site de rencontres extra-conjugales), il n'y a pas longtemps, ma copine me le rappelle assez souvent ! - Donc on a des barrières éthiques mais ce n'est pas le motif de refus principal. La frontière principale, c'est : peut-on externaliser ça via un concours à une foule ou pas ?

Il y a des choses que l'on ne peut pas externaliser par exemple des clients demandent une stratégie 360° digitale (activation, pub tv, expérience retail, etc...), et on dit toujours : on ne demande qu'une chose à la fois par concours. Tout d'abord car les personnes ne sont pas payées pour, il faut donc que ça les intéresse et qu'ils puissent identifier la tâche à faire et non faire 360°...

DH : Ils ne sont pas pro pour la plupart...

YR : C'est surtout qu'ils n'agissent pas en tant que pro. On considère que les personnes qui ont des idées qui veulent s'engager dans un projet, n'ont envie de développer qu'une seule idée, mais pas une campagne entière. Ils savent d'ailleurs très bien que c'est le job d'une agence. Dans ce cas, on dit au client, lorsqu'ils ont des demandes très larges comme celle-ci, que l'on ne peut pas le faire, à moins de lancer 15 concours... Un concours correspond à une problématique. C'est donc assez rare qu'un client lance de nombreux concours différents, simplement parce qu'il se rend compte qu'ils n'ont pas besoin

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de tout ça, juste d'une idée peut-être ou d'une idée d'activation et tout le reste sera fait avec son agence. Donc la première étape c'est : le client vient nous voir et on étudie la faisabilité.

Si on continue ensemble, qu'Eyeka peut les aider et que cela peut intéresser la communauté. On écrit alors un business brief, comme en agence, qui est une description de la problématique : quels sont les concurrents, les contraintes, les résultats attendus...

Une fois ce business brief validé et signé, on passe ici du côté de nos planners internes, à l'écriture du brief communautaire : c'est donc transformé et adapté au format standard, ce que vous voyez sur le site, mais c'est toujours un teaser, une explication, des guidelines spécifiques lorsqu'il y en a, des contraintes, etc... On le montre au client, si celui-ci comprend : très bien. S'il demande des choses plus spécifiques, on lui précise qu'il faut surtout rester dans un langage rigolo et créatif, pour les personnes qui ont envie de s'amuser sur le projet... que ça ne soit pas trop marketing, ce ne sont pas des agences. Il ne faut pas oublier que c'est un appel à participation. Les personnes doivent avoir envie de participer. Parfois, il faut donc expliquer que ce community brief doit être un peu plus relâché qu'un brief d'agence plus serré. C'est notre expertise.

Une fois cette étape validée, on lance ce brief, après l'avoir traduit en différentes langues, rarement moins de 6 (les standards Eyeka : Russe, Indonésien, Chinois, Français, Anglais, Espagnol) et jusqu'à 12... Il est assez rare de ne faire que deux langues, même si cela arrive de plus en plus.

Ensuite, on lance le concours et on modère les entrées. On dit aux participants qui soumettent les idées c'est bien ou c'est pas bien, c'est accepté ou non. On explique pourquoi. On ne juge jamais sur la qualité, mais uniquement sur la conformité au brief. Donc si quelqu'un a une très mauvaise idée, mais que ça reste conforme au brief : on prend. Si au contraire l'idée est excellente, magnifique ou avec un potentiel énorme, mais hors-brief : on rejette. On explique pourquoi et on dit ce qu'il faut revoir.

DH : Il y a donc ce rôle de conseil, comme intermédiaire concepteur-client. YR : On est totalement intermédiaire.

DH : Comme lorsqu'une agence sous-traite à un graphiste indépendant ?

YR : Oui ces petits allers-retours ont pour objectif de rester dans les cordes, d'où l'importance primordiale d'un bon brief de départ. Notre modération intervient surtout pour cette adéquation, ou alors pour des choses plus techniques qui sont fondamentales, comme des aspects juridiques - que vous verrez avec Eric Favreau - sur le respect du droit d'auteur. Si on trouve que certaines choses ne sont pas respectées ou que le participant a pompé sa proposition ailleurs, on va demander.

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Lorsque l'on clôt la modération, on ne donne pas encore accès au client aux entrées, on leur montre les idées souvent dans une restitution faite par les planners, parfois avec l'analyse, si on a une personne en free-lance, celle-ci informe le client sur ce qu'il a vu et analysé. Une fois que l'on a restitué notre analyse. On donne accès au client à toutes les entrées. Notre rôle est surtout de donner au départ une grille de lecture au client, si on lui livre de manière brute les données, par expérience on sait que cela est pas très bon, le client se dit « qu'est-ce que c'est que toutes ces idées qui vont dans tous les sens ?... ».

Dans notre façon de pratiquer le CS, c'est fondamental, car c'est difficile d'encaisser de manière brute les idées venant de l'extérieur. Digérées et analysées : ça passe mieux.

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À la fin, on donne au client la clé des plates-formes : ils ont un backoffice qui leur ai dédié. Et on leur laisse la main. Il valident eux-mêmes les gagnants, font des short-lists, en discutent en interne... et valident les gagnants.

Et enfin (Éric va savoir ça) nous nous occupons de tout ce qui est transfert de propriété intellectuelle... et c'est fini pour nous. En terme d'implémentation, si c'est utilisé ou non. On a géré les droits et ensuite on passe le bébé à l'agence ou à la personne qui va continuer le projet.

DH : Parlons à présent de l'aspect communautaire : on se demande, en arrivant sur le site, avec un mur qui génère de manière aléatoire des profils de créateurs, ce que représente pour vous cette communauté, de personnes finalement en concurrence mais qui sont présentées tous ensemble comme une grande famille. Pourquoi ce terme ?

YR : Depuis le début, Eyeka a toujours parlé de communauté, et je ne vois pas trop quel autre terme on pourrait utiliser. Foule ? Je trouve ça réducteur, je n'aime trop pas ce terme. Pour ma thèse on m'a demandé dans ma pré-soutenance si l'on pouvait effectivement parler de communauté, comment on la définit, etc... Et c'est indispensable de définir cette notion. Les médias, les clients, et même les gens de la communauté souvent prennent pour argent comptant ce terme : 300 000 Créatifs : c'est une communauté.

Si l'on prend ce terme au niveau sociologique comme un ensemble d'individus qui partagent des lieux, des initiatives, des moments d'échanges ou un objectif commun : alors Eyeka n'est pas une communauté. En effet ils sont en concurrence, il n'y a pas de possibilité d'interaction, sauf par les réseaux sociaux - Auparavant il y avait un espace d'interaction sur lequel ils pouvaient envoyer des messages mais on l'a supprimé car cela nous apportait peu : cela nous coûtait beaucoup d'argent pour finalement peu d'utilité pour nous. On se disait « autant que les gens puissent se mettre en relation entre eux via leurs réseaux plutôt que via Eyeka », puisqu'au fond cela n'avait pas d'utilité.

Finalement on pourrait presque dire qu'Eyeka n'est pas une communauté au sens sociologique. Si par contre, on élargit le terme à un ensemble de personnes qui partagent une pratique ou une passion, comme pour airB&B, Balablacar, ou autres - car tout le monde utilise ce terme en fait - Alors la compréhension populaire du mot communauté devient ce qu'elle est : on peut parler de communauté pour un mur de gens qui sont en concurrence... Cela dépend en fait de la manière dont on définit le terme. À ce niveau on peut parler de communauté, et on continue donc à le faire.

Il y a peu d'interactions entre les gens. Ils venaient au début sur Eyeka pour le feedback qu'il était possible d'avoir sur ses créations, mais on a enlevé ces fonctionnalités parce qu'on se rendait compte qu'il y avait beaucoup de bashing, des gens qui disaient « ça c'est nul... ».

Ce système n'existe plus aujourd'hui, tel quel. Cela frustrait des gens qui voulaient avoir la possibilité de voir ce que faisaient les autres parce que ça fait parti du processus créatif de pouvoir un peu regarder ce qu'il se fait, surtout pour un concours avec une problématique donnée. On a ajouté une fonctionnalité qu'on appelle le Feedback circle qui consiste à pouvoir à la fin d'un concours, seulement, de voir ce que font les autres, et uniquement si votre création a été acceptée.

DH : Pas comme wilogo où il est possible de voir ce qui se fait ...

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YR : Ha oui ? Parce qu'il y a aussi plein de créatifs - plutôt des participants - qui disent « je ne veux surtout pas qu'on voit se que je fais et qu'on me vole des idées », le vieux reflex est toujours là puisque 90% des soumissions se font dans les dernières 6 heures à peu près. Ce qui inquiète aussi nos clients ! Mais systématiquement c'est ce qui se passe. Bien sûr il y a aussi l'aspect procrastination mais je ne peux affirmer si c'est aussi parce que les gens s'y prennent au dernier moment.

Le côté communauté est ambiguë c'est vrai : pour certains voulus pour d'autres participants non-nécessaire. On peut en effet se demander s'il s'agit d'une communauté : nous on essaye de parler au maximum de communauté et de favoriser la connaissance des autres via « le créateur du mois » mais quand on y pense vraiment, ce n'est pas comme une communauté familiale, open source qui co-crée le même produit ensemble.

DH : Au final, le fait de pouvoir se noter n'a de toute façon aucune influence sur le résultat du concours ?

YR : Non, on ne s'en sert pas, cela permet aux créatifs de se juger entre eux. Avant ce système là, certains gagnaient des concours et lorsque cela devenait ouvert (quand tout le monde peut voir les créations) tous les participants critiquaient le gagnant : « c'est de la merde ! Pourquoi il a gagné le premier prix ? » et l'inverse était vrai aussi : des personnes faisaient des boulots absolument superbes qui ne gagnaient pas... Le principe même du concours génère une frustration. Avec ou sans ce système d'interaction des participants, cette frustration existera toujours.

Les personnes de mauvaise foi ne comprennent pas, ou alors ils sont juste un peu naïfs, que tout choix créatif est basé sur un historique précédent et une subjectivité : le client n'aime pas forcément une chose que toute la foule aime bien. Le client peut être ringard si on veut dire ça comme ça ! Ils peuvent donc aimer une idée qui n'est pas du goût de tous et surtout : les entreprises ont leur propre historique créatif, des expériences sur ce qui fonctionne ou pas et savent très bien ce qu'il y a dans leur département R&D ou dans les tiroirs, si parfois l'idée est super bien notée parce qu'elle est géniale mais que le client l'a déjà eue et qu'il a vu que cela n'avait pas marché, ce que la communauté ne sait pas, il peut y avoir des frustrations ; mais là il s'agit plus d'asymétrie de l'information. Notre rôle c'est justement de lever ces mauvaises compréhensions mais on ne peut jamais les faire disparaître totalement.

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Le feedback circle, comme mécanisme, est toujours une manière pour nous de faire en sorte que la communauté puisse avoir un mot à dire, ça fera peut-être réfléchir le client. Mais même sur des shortlists effectuée en interne par Eyeka, très souvent le client choisi d'autres gagnants. Parfois ils regardent les notes du feedback circle, par curiosité, mais très souvent ils choisissent leurs propres gagnants. Heureusement d'ailleurs. C'est finalement plus une manière de faire interagir les gens une façon d'aider le client ou même Eyeka à sélectionner les gagnants. Le client fait sa sélection de

manière assez isolée.

DH : Dernière question, vous imaginez le modèle d'Eyeka évoluer vers de la création d'idées. Il est souvent reproché aux plates-formes de CS d'être une façon d'externaliser à moindre coût. Le terme de travail spéculatif a fait son apparition et il est aussi associé à un dumping social. Quand on vous accuse de faire du perverted CS, quels sont vos arguments face à ce type de remarques ?

YR : On y pense souvent, et donc on sait répondre sur le côté légal (avec Éric) ou éthique.

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Effectivement, si l'ensemble, voir 10% du travail créatif, se fait par l'intermédiaire de concours et non en collaboration directe avec des agences ou des personnes en freelance qui ont un rôle de conseil et d'accompagnement. Si une part significative devient crowdsourcé dans les concours, c'est certainement néfaste pour une profession ou peut-être même pour une société. Je n'ai aucun doute là dessus, avec mon recul et parce que cela paraît assez évidemment aussi. Aujourd'hui, il n'y a pas de travaux parus sur les dommages. J'aimerai beaucoup avoir ce genre de retours chiffrés de l'influence du CS sur une profession créative par exemple ou sur la société, notamment le manque à gagner en terme de taxe, etc... Aujourd'hui rien n'est prouvé, tout simplement aussi parce que c'est peut-être un trop petit problème pour la société et qu'il n'y a pas encore de gros cabinets ou de gros ministère qui s'est penché sur la question.

Si cela devient systématique, pour tout travail effectué, c'est une mauvaise chose.

Même si on a pas encore prouvé le côté négatif par des chiffres c'est mon ressenti. On peut parler de perverted CS, de choses néfastes, etc... la seule chose c'est : tant que l'on se situe, en tant qu'entreprise ou marque, dans une proposition et pas dans une imposition, toujours à la condition que cela ne devienne pas systématique - je pense que cela ne fait de mal à personne. Parce que ça ne force personne. Cela fait plus de bien à beaucoup de gens qui enrichissent leur book et tout ce que l'on dit sur le CS et les motivations - qui sont toutes vraies - ça fait plus de bien pris pour argent comptant que de mal, qui aujourd'hui n'est pas prouvé.

Tant qu'on est dans un rôle de proposition et d'offre parce que ça reste gratuit un concours, c'est idiot à rappeler mais cela reste gratuit pour les participants et cela a un coût pour une plate-forme d'acquérir un concours, même si on le vend comme une prestation, cela a quand même un coût. C'est une proposition de valeur gratuite qui reste individuellement positive pour les créatifs mais peut devenir négative pour la profession si elle devient systématique. Cela revient à mettre en compétition des choses qui pourraient être beaucoup plus normalisées avec des taxes, alors que pour le moment cela sort du cadre réglementaire.

ce n'

On a vu (avec éric) d'un aspect légal que tant que l'information proposée est transparente et qu'on ne trompe personne sur la manière dont sont sélectionnés les créations où sur le transfert d'idées. On juge que les règles qu'on met en place sont justes : c'est à dire que toutes les personnes qui participent à un concours ne cèdent pas leurs droits, il ne cèdent qu'un droit d'être inspiré des idées, etc... on juge que est pas abusif comme clauses. Même à ce niveau, je me demande si c'est bien du perverted CS

dans le sens où on informe au départ, et encore une fois : que personne n'est obligé.

Finalement, le point le plus important : étant donné que tout le monde est dans l'autonomie, dans la liberté la plus totale de participer. J'ai des difficultés à voir ce que gagnent les personnes qui veulent faire interdire activement le CS. Je ne pense pas qu'ils se rendent compte qu'en interdisant les plates-formes cela généra bien plus de déception du côté des créatifs, que cela faisait bien marrer ou qui gagnaient des concours - ou même des profs ou des étudiants - qui trouveraient ça dommage, que de personne qui diraient « ha enfin on a enlevé ça ».

C'est une réponse qui est débattable, j'aimerai beaucoup en débattre plus que l'on ne le fait aujourd'hui. Légalement on « est dans le droit ». On n'est pas Uber sur uberpop. Après si quelqu'un veut nous attaquer... c'est une proposition pas une imposition. Ce n'est pas encore structurel et ça ne le

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deviendra certainement jamais je pense. Le CS va être utilisé de plus en plus, mais ça ne remplacera jamais les agences ou les free-lances. Ce qu'on fait nous c'est mettre en compétition.

qu'

En plus cela mène les personnes créatives à se poser une question sur le vrai rôle du créatif c'est à dire : d'augmenter la valorisation de leur travail d'accompagnement. Évidement les personnes opposées au CS ne se rendent pas compte des difficultés qu'il y a parfois dans les concours en terme d'incertitude et de qualité du travail à délivrer pour produire de bons projets (autrement dit : tout ne fonctionne pas). Ils sont face à notre communication positive, mais tout ne marche pas, et nous on sait très bien au fond ça ne peut remplacer le bon travail créatif d'une agence ou de quelqu'un. Bien sûr, on ne le

dit pas comme ça. On est dans un discours positif : ça marche, les résultats sont excellents... Cela fait peut-être peur aux gens qui trouvent que c'est perverted, et ils ont le droit d'avoir cet avis. Mais, au fond, je ne pense pas que cela devienne menaçant à l'échelle d'un Uber pour les taxis par exemple. Parce qu'on sait que les clients aiment travailler avec leur agences. Mais cela est surtout valable dans le cas d'Eyeka : pour un Creads ou autre cela peut être différent.

Fin de l'entretien

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Éric Favreau (entretien n°2)

Responsable juridique d'Eyeka, le 8 avril 2015 dans les locaux d'Eyeka (Paris)

Les présentations se font en présence d'Éric Favreau et Yannig Roth, qui me montrent rapidement l'agence et les différents pôles de travail. Le cadre ressemble à une agence de communication de taille moyenne sur un seul niveau dont le coeur est une salle de réunion aux parois de verre autour de laquelle gravite un open-space à taille humaine. Je conserve le souvenir d'une ambiance calme et studieuse sans faux-semblant « fun » comme cela m'avait frappé chez Creads. Pendant la première partie avec Yannig puis avec Éric, il y avait une visio-conférence dans l'aquarium central pour présenter probablement un concept avec un client, des méthodes de travail qui cadrent avec l'activité ancrée dans le digital. La majorité des employés semblaient rassemblés dans cette pièce, durant les entretiens on pouvait parfois entendre des applaudissements.

Damien Henry : En guise d'introduction je vais vous demander de m'expliquer sur quel type de concours Eyeka se positionne de manière générale, vous parlez de concours ouverts, participations confidentielles ou concours confidentiels où vous situez-vous aujourd'hui ?

Éric Favreau : Il y a deux axes en fait : La liberté de participer, la restriction quant à la participation. Ensuite il y a la liberté de la diffusion ou la restriction en ce qui concerne la communication des contributions. Ces deux axes peuvent se rejoindre mais peuvent être différents sur la notion d'ouverture ou de fermeture. En ce qui concerne la participation des appels à création, la plupart sont ouverts sans restriction. L'idée étant pour le client d'obtenir un maximum de participations.

Le principe c'est de mettre en ligne l'appel à la création, et réponde qui veut. À partir du moment où on est intéressé et on a créé un compte d'utilisateur sur le site, la participation est conditionnée à la création d'un compte. Il peut y avoir des restrictions liées au client qui demande un focus sur un public particulier, ce qui induira des restrictions : « je ne veux que des gens qui sont dans tel pays ou telle zone géographique », cela peut aussi faire partie des habitudes du client de ne contracter qu'avec des gens de certains pays ou d'exclure les pays qui le mettent mal à l'aise. Le cas de clients américains qui, on le voit souvent, ont pour habitude dans les opérations en ligne d'exclure de la participation des ressortissants de pays avec lesquels il n'est pas possible contracter librement, comme Cuba...

Il y a aussi des restrictions liées au produit. Par exemple, si l'on fait un appel à la création sur des produits alcoolisés, forcément on ne nous permet pas tout.

DH : Ou le tabac ?

ÉF : Le tabac on ne fait pas. Mais par contre les produits alcoolisés on en fait, avec une restriction de participation liée à l'âge. En ce qui concerne la communication autour des contributions. Aujourd'hui en effet il y a un principe de non-diffusion des contributions. Ce qui n'a pas toujours été le cas à Eyeka. Aujourd'hui, si vous allez sur le site, vous n'avez pas accès à l'ensemble des contributions qui ont été mise en ligne par les participants. Ce qui permet au client de conserver une sorte de fraîcheur et de confidentialité sur les contributions. Il n'y a pas diffusion ouverte sur celle-ci aujourd'hui.

DH : Même après la diffusion des résultats c'est bien ça ?

n'

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ÉF : Oui. Après cela dépend des appels à création, mais la règle c'est que, comme vous le disiez290 on est souvent en amont par rapport à ce que le client fera au final, le résultat précis de l'appel à création est pas forcément pertinent tout de suite pour le client. Pour celui-ci c'est peut-être parfois trop tôt

aussi, car il a besoin d'affiner et retravailler cette contribution.

Il y a tout de même une petite exception à ce principe : pour les participants, il sera possible dans une durée limitée d'accéder à l'ensemble des contributions soumises et validées à la fin de l'appel à la création. Dans un esprit d'émulation.291

DH : Yannig m'en a parlé en effet, si vous voulez on peut aborder les droits de la PI, c'est vrai que pour un créatif c'est un peu obscur, dans votre article « Travail ou pas ?...292 » Vous avez bien défini des cadres d'autonomie en précisant les notions d'interaction qui entrent en jeu et pouvant s'inscrire dans un cadre de travail. Toutes ces notions juridiques font qu'il y a des frontières assez fines entre le travail et un concours. Sur votre site vous essayez d'être assez transparent vis à vis de tout ça. Mais la proximité entre l'activité professionnelle, le temps passé et la cession des droits semble brouiller la perception que l'on a de ces concours. Quelle est votre position sur ces sujets ?

ÉF : Il y a en effet la notion sur le temps passé, vous le disiez, il y a une limite un peu ténue et parfois en fonction de la façon dont ça s'organise au quotidien. Le risque ou la tentation de qualifier cela de travail est plus importante et n'est pas forcément la même en fonction des appels à création ou de la nature de la plate-forme. Vous parliez tout à l'heure de Creads, eux ont vécu de plein fouet cette problématique qui ne portait pas forcément que le travail salarié ou pas mais aussi du « comment récompenser cet acte de création, ce travail, à l'issu duquel seul une ou deux personnes seront récompensées ? ». C'est un constat de déséquilibre entre un travail effectué et une récompense. Comme Creads, est sur un public plus sensible - les graphistes - cela crée une grogne particulière au delà des considérations juridiques. Voilà pour le contexte.

Au quotidien, Eyeka insiste sur la liberté de création. On est sur une logique d'appel à la création ouvert où on agit vraiment comme un intermédiaire entre les marques et les créateurs, ce qui fait que ces derniers ont une totale liberté, une totale autonomie, il n'y a pas de contrôle, ou alors un minimum de contrôle imposé par la plate-forme, qui n'induira pas sur la qualité de la création. La personne n'a pas à rendre de compte et reste libre du temps, du budget ou de l'énergie qu'elle consacre à un concours. On a uniquement un contrôle en ce qui concerne l'upload, pour constater la conformité du brief qui doit être respecté. Mais en ce qui concerne le processus d'élaboration de la création, là on n'intervient absolument pas et on ne veut pas intervenir pour bénéficier de cette créativité diffuse. Alors c'est sûr : cette créativité n'est pas toujours exprimée de manière professionnelle. Mais ça on le sait, et nos marques aussi. D'où une étape ultérieure de redéfinition et re-travail peut-être. Mais en tout cas, en ce qui concerne la relation entre nous et les contributeurs, il n'y a rien qui puisse être assimilé à une relation de travail en terme de sanction, de contrôle ou de discipline.

DH : Tout à l'heure Yannig me disait qu'avant le dépôt officiel, il pouvait y avoir des ajustements demandés aux créateurs. Ces premiers échanges peuvent être considérés comme une démarche

290 Lors de nos premiers échanges en amont de l'entretien.

291 Il y a tout de même des exceptions pour illustrer certains articles sur le blog.

292 Favreau Eric, Lemoine Jean-François et ROTH Yannig, « Travail ou pas? L'autonomie des participants au crowdsourcing et ses implications juridiques ». 2014

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d'accompagnement mais paradoxalement, alors qu'on vous reproche un manque d'échange dans le processus de création diminuant la pertinence des créations. Cela pourrait-il être considéré aussi comme une forme de relation professionnelle ?

ÉF : Il y a deux choses : le fait d'induire un travail dirigé peut avoir des conséquences qui n'est pas forcément d'y voir un contrat de travail. En effet, pour obtenir une contribution qui corresponde un peu plus aux attentes du client, on va interagir avec certains contributeurs dans la durée de l'appel à la création pour affiner le projet avant la soumission. On est en effet plus proche du contributeur. Le simple fait de parler à quelqu'un et d'organiser à deux une réalisation de contribution, ça ne vaut pas la création d'un contrat de travail. C'est la distinction que l'on fait entre un prestataire et un contrat de travail : tout prestataire amené à travailler pour une entreprise, à partir du moment où il apporte à celle-ci une compétence qui n'est pas en interne et qu'il agit librement, il reste un consultant, un externe, même s'il est payé. Il ne faut pas fantasmer sur la notion de requalification en contrat de travail, c'est un risque qui existe pour toute entreprise qui fait appel à des consultants extérieurs, quel que soit la nature de la prestation.

DH : On le voit avec les auto-entrepreneurs...

ÉF : Exactement, c'est la même logique. On souhaite lever le drapeau en disant : «attention, contrairement à une entreprise classique qui va avoir 3 consultants, là avec le CS potentiellement vous en avez 500 ». La plate-forme prend le risque, pas le client. Comment analyse-t-on cette relation qui est nouvelle ? Il y a 15 ans, ce n'était pas envisageable pour une entreprise d'être confrontée d'un coup à autant de personnes... Donc le risque de contrat de travail est, à mon avis très limité, par contre le risque d'avoir une grogne sur le fait de dire « on me fait travailler et je suis pas payé » existe. C'était ce point dans le litige avec Creads, la notion de travail gratuit : je travaille = je ne suis pas payé. Ça peut se résoudre de différentes manière : « J'estime que dans le cadre de mes relations, j'ai une prestation qui est réalisée et à ce titre je devrais être rémunéré ». Ce n'est pas forcément un contrat de travail. C'est pour cela que dans ces appels à création où on sélectionne certaines personnes avec qui on travaille dans la durée, on est amené à rémunérer celles-ci au titre de la prestation. En plus de la rémunération au titre de la session des droits. Puisque ici les gagnants qui sont sélectionnés cèdent leurs droits. La récompense qu'ils récupèrent est la contrepartie de la cession des droits.

DH : Ce sont bien des droits d'exploitation ?

ÉF : Oui le droit moral est lui toujours est inaliénable et incessible.

DH : Il y a aussi un caractère d'exclusivité ?

ÉF : Oui, dans le cadre classique des appels à la création on distingue les gagnants et les non-gagnants. (Sélectionnés ou non). Les personnes sélectionnées sont amenées à transférer leurs droits d'exploitation au profit du client, ils cèdent directement au client. En contrepartie on part sur une rémunération forfaitaire. Puisqu'ils transfèrent leurs droits de manière exclusive, ils n'en sont plus titulaires : c'est comme une vente. Les personnes sélectionnées ne peuvent plus ensuite transférer leurs droits à une autre personne ou entité.

Ensuite en addition de ça, il y a en effet une notion de confidentialité. Les contributeurs ne peuvent pas diffuser leur publication ou contribution. Nous sommes dans une logique où le client devra refaire,

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retravailler ou s'inspirer de la création. Une mise en ligne directe peut être dommageable pour le client, donc ce qui est fait en général, si on constate 6 mois ou 1 an après qu'il y a une mise en ligne par le client, les contributeurs peuvent l'utiliser.

DH : Ce qui arrive aussi en agence, dans le cadre d'un projet. Mais si un créateur se dit « je vais faire ça pour mon book » qu'est-ce qui est possible ?

ÉF : Pour les non-gagnants, c'est un peu différent car ils sont toujours titulaires de leurs droits d'exploitation. Ils peuvent donc utiliser leurs créations, ce qui reste dans une démarche logique d'équilibre entre leurs droits leurs obligations. Par contre, on organise et on essaye d'induire la façon dont ils vont pouvoir utiliser leurs contributions. Toute contribution qu'ils auront soumise à un appel à la création pour lequel ils auront utilisé des éléments de la marque, comme des logos, ou un nom de produit. Tout cela doit être retiré lors de la mise en ligne.

On a en effet constaté que parfois des non-gagnants, mettaient en ligne sans aucune mention (disclaimer), ce qui pouvait paraître comme une publicité officielle de la marque.

Maintenant on indique vraiment et on insiste sur ce point : ils ne peuvent faire référence à la marque et ne pas indiquer que cela a été validé par celle-ci.

DH : En école, on est aussi dans cette logique, sur des projets fictifs cependant, mais avec souvent des cas concrets de véritables marques. Souvent les étudiants mettent ces travaux dans leurs books, faute de référence. Sur une page de votre site, vous indiquez qu'il faut cotiser soit à la MDA ou l'AGESSA, si l'on gagne un concours, en France en tout cas, qu'est-ce que cela veut dire pour le créateur ?

ÉF : Oui concrètement, cela concerne le contexte français. Les rémunérations perçues par les contributeurs, le sont au titre de la cession des droits. Ce type de rémunération en France est liée à des charges sociales, qui sont gérées par ces organismes. Nous intervenons comme des intermédiaires, on paye au nom du client, mais par contre on indique aux contributeurs que toute la partie sociale est organisée par ces organismes. On le dit à ceux qui ne le savent pas. Par contre le paiement des cotisations, c'est le client qui le fait, ce n'est pas à nous de le faire.

DH : De nombreuses personnes doivent découvrir les arcanes de la MDA, le précompte, le 1% diffuseur...vous les aidez un peu quand même ? Pour un graphiste indépendant c'est déjà compliqué, mais pour un amateur qui ne connaît pas même l'existence de la MDA, il doit se sentir perdu.

c'

ÉF : Notre rôle c'est surtout de les informer, après on ne peut contrôler, c'est quelque chose que l'on a validé avec les Agessa, puisqu'on est en contact avec eux. On a vraiment fait en sorte de valider notre rôle. Les agessa, c'est un peu binaire, ils connaissent soit les diffuseurs, soit les auteurs. Le diffuseur est celui qui achète les droits et qui le diffuse. L'auteur, apporte ces droits. Nous sommes entre les

deux. On joue ce rôle d'intermédiaire. On a donc rencontré les Agessa et on a validé le fait que l'on était ni un diffuseur, ni un auteur bien évidement. Ce n'est donc pas à Eyeka de s'acquitter du précompte, ni du paiement des charges sociales. Cela reste à la charge du client en tant qu'acquéreur des droits. On ne peut donc, en tant qu'intermédiaire, qu'informer nos parties.

DH : Bon, c'est un système qui reste toutefois assez obscur, même les graphistes grognent contre la MDA, et en ce moment ils font d'ailleurs pression pour une simplification des démarches. On sait à quel point c'est compliqué aussi bien pour atteindre le statut (comme pour les intermittents) que pour

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informer le client de ses obligations. C'est donc un minimum de service après vente d'aiguiller les créatifs amateurs à faire leurs premiers pas vers ces organismes...

En dessous de 15000€, on a souvent une mise en concurrence qui est proposé en guise de concours dans la profession. En quoi ce type de pratique est-il différent de vos concours ?

À quel moment peut-on trouver cette rupture entre les appels d'offres ou les mise en concurrence et vos concours ? Qui au final ont la même finalité, même si chez vous il s'agit plus de concept d'idées.

ÉF : La principale différence vient de la dimension d'ouverture. On est dans une logique totale d'ouverture, ce qui fait que les personnes qui vont contribuer ne sont pas des professionnels. On pourrait aussi le faire : il n'y aurait pas de grande différence dans le processus. « Pour tel appel à projet j'ai besoin d'un niveau de qualité important, je vais travailler avec des clients dont l'attente en terme de qualité est forte, donc je ne fais appel qu'à des professionnels.»

amateurs...

DH : Vous savez qui sont vos créateurs, ceux qui sont vraiment pro, ceux qui ne se considèrent qu'

ÉF : Si c'est bien rempli oui... La principale différence est donc là : à partir du moment où l'on part dans une totale ouverture d'accès à des consommateurs. En terme de gestion des données, recueil du consentement, mise en place de l'information : c'est un peu plus contraignant.

DH : Vous pourriez en effet ouvrir vos concours avec une sélection sur book, comme cela se fait chez les professionnels.

ÉF : Oui. Pardon mais quand vous dites appels d'offres, mise en concurrence, c'est quoi en fait ?

DH : Des collègues graphistes m'ont parlé de ça, je ne connaissais pas la différence, mais il y a une notion de prix, je ne sais pas s'il s'agit d'un terme officiel. On m'a donné l'exemple de 15 graphistes, ce qui sous-entend que le risque de travailler pour rien est grand et que le client ne sait peut-être pas vraiment ce qu'il veut. Parfois les idées sont bonnes mais le devis est trop élevé... Sur les appels d'offres classiques souvent on demande d'abord des références, puis une sélection se fait sur devis et seulement à la fin une maquette peut être demandée pour un concept. Mais il y a aussi des règles plus strictes qui encadrent ces appels d'offres, et souvent les limites sont franchies.

J'aurai pour continuer des questions plus générales, comme pour Yannig, sur votre positionnement lorsque l'on vous qualifie, cette fois au niveau juridique, de générer du travail gratuit ou d'être accusé de faire du perverted crowdsourcing, Tout est certainement dans le discours, dans une communication astucieuse et une très bonne connaissance du cadre juridique. Comment réagissez-vous dans ces situations ?

ÉF : Ce n'est pas une critique que nous avons régulièrement, on sait que ça fait parti de l'écosystème, on en est conscient, c'est quelque chose qu'on lit, qu'on prend en considération. Après, la réponse est également contractuelle et juridique en effet. À partir du moment où on fait appel à des consommateurs, on fait appel à des auteurs, il y a aussi un ensemble de dispositions qui protègent les gens. Il y a un soucis de clarté de l'information, de lisibilité des contrats : un contrat d'auteur doit répondre à un certain nombre de dispositions pour qu'il soit valide. On a vraiment conscience de ça. On ne peut bien sûr pas empêcher certaines personnes de ne pas être contentes. On parlait aussi de la

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différence entre les gagnants et non-gagnants, focalisé sur des contributeurs pour lesquels il y a une rémunération: cela fait parti des choses que l'on défend aussi et parfois même vis à vis des clients. Les clients pourraient très bien dire : « je veux tout, je donne 50€ et voilà... » Vouloir organiser un cadre que l'on estime être juste pour les contributeurs, une justice (équilibre) entre les gagnants et les non-gagnants, ça fait parti du coeur de notre activité. On est très attaché à organiser les choses de manière équilibrée vis à vis des contributeurs.

En ce qui concerne le travail spéculatif, c'est vrai que pour beaucoup d'appels à création on est sur une logique d'idée, d'innovation assez ouverte, ce qui fait que le ticket d'entrée, en terme d'exigence créative ou professionnelle ou technique n'est pas toujours très élevé. Néanmoins, il peut y avoir quelque chose de pertinent derrière ces idées. Mais les contributions brutes ne sont pas utilisables (dans la plupart des cas). D'où l'intérêt pour nous d'avoir internalisé une logique d'analyse des contenus. Donc le travail sera perdu par le contributeur au moment de la participation. On le met aussi au regard de ça : on ne demande pas aux personnes de venir avec des contributions parfaites, qui peuvent être utilisées dès le lendemain par le client. Il y a souvent un effort nécessaire qui va être fait par le client pour affiner ces contributions. Cela serait peut-être différent si l'on était dans une logique d'apporter des contributions parfaites qui demande du temps, du travail en conséquence, une expertise acquise avec l'expérience...

DH : Comme ce que recherchent d'autres plates-formes ÉF : C'est ça.

DH : Voilà une chose qui vous est reprochée : « vous avez peut-être parmi vos créations des choses qui ont déjà été produites sur le net ». On sait qu'il n'y pas trop de plagiat au sein des concours puisque vous ne diffusez pas les uploads avant la clôture des soumissions mais comment parvenez-vous à garantir l'authenticité des créations ?

ÉF : En terme de positionnement, lié au fait que l'on a un intermédiaire, nous ne sommes pas une agence, on ne vend pas des contenus. Notre métier n'est pas d'acheter des contenus, ou d'organiser la production de contenus pour les vendre. On est vraiment dans une logique d'intermédiation. Les contrats par exemple sont faits directement entre les auteurs et les clients, les droits sont cédés entre eux, nous ne participons pas à cette étape de transferts des droits. La conséquence c'est que les auteurs sont les garants de l'exploitation des idées. Ils garantissent qu'ils n'ont pas inséré d'éléments contrefaisants et que la diffusion de la contribution ou l'utilisation de la contribution par le client ne sera pas source de litige et de violation des droits d'auteurs. Par contre on a quand même accès aux contributions avant de les soumettre au client, et on organise une modération: un contrôle pour retirer le manifestement illicite qui inclut le manifestement contrefaisant, les choses pour lesquelles on sait que les contributeurs n'ont pas les droits. Ensuite on organise aussi un recueil d'informations de la part des contributeurs pour qu'au moment de l'upload ils fournissent une information précise sur le contexte de création : est-ce qu'ils se présentent comme les propriétaires de tout, est-ce qu'il ont inclus des éléments extérieurs, est-ce qu'ils ont les droits ou non dessus. Ensuite l'idée c'est de permettre au client de lui donner une bonne information sur le contexte de création et lui fournir si nécessaire, en plus du contrat de cession, des éléments de preuve du recueil de consentement des personnes dont l'image est utilisée ou une licence pour une musique... C'est ce qui compte pour le client est d'avoir une bonne information. Lorsqu'il voit un visuel, il dit : « ok ça je sais que je dois le remplacer, ça je peux le

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garder ». Ce qu'il a recherché, c'est plutôt toute la démarche créative qui peut être illustrée avec un élément externe.

DH : C'est une raison pour laquelle les contenus ne sont pas visibles ?

ÉF : Si une vidéo avec une bande son se retrouve en ligne, sans que les droits sonores aient été payés, contrairement à You Tube qui est un hébergeur, nous on est plus que ça : on est responsable de tout ce qui est affiché sur notre site.

Remerciements. Fin de l'entretien.

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Baptiste Fluzin (entretien n°3)

Directeur de création de l'agence SPINTANK, le 8 avril 2015 au Tank (Paris)

Les présentations se font autour d'une bière bio et un petit tour de l'agence Spintank qui héberge également des créatifs sous la forme de co-working au sein du Tank. C'est une forme très intéressante de ce que peut être la pratique du design graphique : à la fois solitaire et collective. Avec 35 personnes travaillant pour l'agence et de nombreux espaces pour accueillir à plus ou moins long terme des créatifs de tous horizons, cherchant à la fois un cadre épanouissant et stimulant. Il s'agit là bien plus qu'un simple espace-bureau : mais bien un lieu d'échange permettant également de recevoir les clients. En arrivant dans cette petite ruche où chacun butine à sa façon, en groupe, assis dans un canapé, sur une chaise au bar... tous les ingrédients semblent là pour stimuler la créativité et encourager le graphiste dans son travail.

Damien Henry : Tu as participé aux discussions autour du CS qui ont eu lieu au ministère de l'économie en présence d'Axelle Lemaire293, quels ont été les principaux points abordés lors de ces échanges ?

Baptiste Fluzin : Au-delà de la bourde en terme de communication de la part d'Axelle Lemaire (qu'elle a reconnu en OFF elle-même) nous avons évoqué la raison de la grogne, ce sur quoi elle reposait : un travail de rapport a été fait par la communauté, qui a été crowdsourcé et remis à la secrétaire d'État ce soir là.

Ce qui m'a marqué vraiment dans la discussion, c'est l'aspect économique et la position d'Axelle Lemaire - déléguée à l'économie numérique. On pense numérique et on pense peu à économie. Elle avait un regard vraiment centré sur l'économie : insertion professionnelle, création d'emploi, exode des talents à l'étranger... Elle a mis l'emphase là-dessus dans son discours : « quand je rencontre des jeunes à Londres, ils me disent qu'en France c'est compliqué pour s'insérer, etc. ». Elle était vraiment sur cette thématique de l'emploi qui est également celle du gouvernement de manière plus large. Toute la difficulté était donc de lui faire comprendre que les personnes qu'elle avait en face n'étaient pas des « affreux coco » contre le salaria, la concurrence ou ce genre de choses... mais au contraire, quand on est free-lance, la concurrence : on vit avec, on l'embrasse parce qu'elle est stimulante. Lorsque l'on voit un voisin qui fait un truc mieux que nous, on a envie de faire encore mieux. Mais que dans cette situation, il s'agit vraiment de travail dissimulé - de notre point de vue - et donc des questions légales se posaient.

Les experts de la commission légale de Bercy étaient là, et nous espérions un éclairage concernant la possibilité d'une concurrence déloyale ou d'un travail dissimulé. Comment qualifier cet acte de faire travailler un très grand nombre de personnes en n'en rémunérant qu'un petit nombre ?

À plusieurs reprises, un des intervenants, un peu virulent, a posé la question à Axelle Lemaire : « J'aimerai sortir de cette réunion en ayant une réponse de votre part à la question : Est-ce que demain, j'ai le

293 Des échanges à la suite de l'affaire «creads» ont été programmé avec La secrétaire d'État chargée du numérique le 21 juillet puis le 26 novembre avec les conseillers juridiques.

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droit ou pas de faire travailler des gens gratuitement pour mon compte ? En tant que jeune chef d'entreprise, si vous me dites oui, cela change beaucoup de choses. »

Et c'est là que se situait le malaise. La réponse des experts légaux était de dire : « Pour le moment il n'y a pas de jurisprudence. »

Évidemment, les boîtes qui se montent sur ce modèle sont très prudentes aux termes qu'elles emploient dans les contrats, qui sont très rapidement corrigés au moindre doute pour ne pas se faire tomber dessus. En l'état, un responsable politique ne peut pas dire de manière publique que ce n'est pas légal puisqu'il n'y a pas de précédent.

C'est donc sur ce point que portait l'essentiel de la discussion. Il faut savoir qu'il y avait aussi l'AFD294 ce jour là, et il y a des petites tensions entre l'approche de cet organisme et celle des personnes, dont je fais parti, et qui venaient plutôt de Twitter et qui n'appartiennent pas à une véritable structure. Nous étions juste des professionnels. L'aspect représentatif a joué dans le débat qui était globalement très intéressant avec une discussion franche et riche.

Côté Axelle Lemaire, c'est donc vraiment la dimension économique qui revenait. Certes l'aspect juridique a été soulevé - par son directeur de cabinet et les experts - mais pour la secrétaire d'état, ce qui comptait, c'était de savoir si en interdisant ce type de plate-forme en France, on allait voir ou non une migration des utilisateurs vers les sites étrangers. Il y avait cette crainte sous-jacente pendant toute la discussion.

DH : Ces plates-formes sont autorisées à l'étranger ?

BF : Oui ça reste autorisé, et internet est sans frontière. Ces plates-formes se développent partout et sont également critiquées à l'étranger. En anglais on parle de spec-work (Speculative work) qui est un terme encore plus employé que celui de perverted crowdsourcing, et ça Axelle Lemaire ne le savait pas. Ayant vécu longtemps en Angleterre, elle voit surtout le côté toujours positif et enthousiaste de « ça me permet de remplir mon portfolio »... mais on lui a expliqué qu'à l'étranger aussi, chaque plate-forme de spec-work est décriée par la communauté de créatifs locale.

C'est un mode de travail qui se développe à l'international et qui est aussi critiqué à l'international. Ce

n'

est pas nous franco-français-râleurs qui sommes les seuls à nous élever contre ce type de pratique.

DH : En dehors des aspects juridiques qui visent à encadrer la pratique du CS et à minima en définir les règles et limites, de quelle manière a été abordée la légitimité du designer, la qualité du travail ?

BF : On en a bien évidement parlé, un des intervenants présent : Jean-Louis Fréchin295 portait ce discours justement : « C'est par la qualité que l'on arrivera à combattre ces plates-formes. » En définitive, elles attirent vers elles des gens qui ont peu d'expérience (a priori ou en tout cas) et qui trouvent un

294 L'Alliance Française des Designers dont est président François Capsar.

295 Pionnier du design numérique en France, il dirige l'agence multi-primée Nodesign et enseigne notamment à l'Ensci.

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intérêt ou qui ont besoin de ces plates-formes pour travailler ou gagner un peu d'argent. Alors que, lorsque l'on fait un travail de qualité, la logique veut que l'on se fasse repérer et solliciter par des clients sérieux qui mettent de l'argent derrière... on roule sa bosse, on se fait de l'expérience, et un jour on finit par refuser du boulot parce qu'on en a trop.

Donc ça c'était la position de JL Fréchin, avec laquelle on était pas tout à fait d'accord : si en effet il faut porter un discours de qualité, je ne suis pas d'accord pour le laisser-faire. On peut faire les deux en même temps : taper sur les plateformes de CS et les encadrer, tout en cherchant à promouvoir un design de qualité français.

Il y eu donc cette inquiétude qui a été verbalisée envers A. Lemaire :

« Habituer les clients potentiels à avoir autant pour si peu cher, in fine en effet, c'est donner l'impression que l'on exerce un travail-passion - plus passion que travail d'ailleurs - qui du coup, n'a pas vraiment de valeur. Ce qui est vraiment problématique... »

DH : On touche à l'identité même du designer ?

BF : Oui l'identité mais aussi celui d'un secteur d'activité en France. La France n'a pas forcément - ou moins aujourd'hui qu'à une époque - une culture visuelle hyper forte comparée à d'autres pays. Et c'est justement un point sur lequel il faut se battre. L'AFD bataille pas mal en ce sens.

Nous avons aussi abordé la question de la commande publique. Mais surtout en fil rouge dans les discussions, il y a avait la notion de la valeur du travail. Il est important que cette valeur soit reconnue, que les personnes qui font du bon design soient valorisés afin d'obtenir de la visibilité à l'étranger, ça éduque les personnes exposées à des choses jolies. J'y pense, parce que l'on bosse dessus en ce moment, mais quand on voit les affiches de la fête de la musique des années précédentes : c'est un désastre ! C'est triste qu'un truc aussi populaire et vu pas autant de monde soit aussi moche ! Alors - bonheur ! - cette année, l'affiche est faite par un studio parisien, composé de graphistes de métier, qui s'appelle Building Paris ( http://www.buildingparis.fr/). Mais c'est un combat permanent finalement. Un effort continu d'éducation et beaucoup de pédagogie à faire.

Tout graphiste indépendant ou en agence dira que quasiment la moitié du succès final de ce qui est produit, c'est de la pédagogie face au client : lui expliquer pourquoi on part sur telle typo, pourquoi telle structure, pourquoi ne pas avoir peur du blanc, pourquoi limiter le contenu... et ça c'est une chose que le graphiste doit apprendre à faire.

Il faut être dans une relation avec le client pour faire cette pédagogie. Si un intermédiaire se met au milieu et que l'on fait croire que la production graphique n'est que de l'exécution et qu'il suffit de poster sa demande dans la machine et que - PLOUP !! -, une semaine après on a 50 propositions... on ampute le travail du créatif de 50% de ce qui fait son intérêt.

DH : Ce qui est reproché à ces plateformes, est donc un manque de pratique discursive ou de médiation entre le créatif et le client permettant d'affiner le brief...

BF : Faire évoluer le brief en effet et s'imprégner de qui est le client. Certaines plates-formes comme Creads disent : « les participants posaient des questions et le client peut y répondre... ». Mais il y quand

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même une différence entre un simili-forum où on demande au client, en public - et donc à la vue de tous - si on peut faire ou non certaines choses ; et la démarche d'aller voir le client chez lui, dans son espace de travail, et écouter la personne parler de son métier. Les clients sont souvent passionnés. J'aime beaucoup les rencontrer, voir à quoi ils ressemblent, ils me disent : « Tiens, ce que je vous raconte ça me fait penser à telle plaquette...[ils la sortent] ça a 3 ans mais on aimait bien ça... »

On effectue du coup un petit travail de collecte visuelle et d'ambiance quand on est face au client qui est hyper salutaire. J'ai vraiment du mal à bosser sans source, sans contrainte et sans information de la part du client. J'ai de l'expérience donc je vais faire un truc joli mais ça sera un truc joli générique. Le graphiste qui est passionné par son métier n'aime pas faire des trucs génériques : il aime faire du sur-mesure. Il aime se dire : « Ce logo ou cette maquette que j'ai produite, elle ne sied bien qu'à ce client là. Même pour un concurrent qui est sur le même secteur, je n'aurais pas fait la même chose, parce que chacun a son histoire, son message et sa personnalité. »

DH : On parle d'uniformisation des visuels, ou du paysage graphique. Produire du bon design semble vraiment préoccuper les graphistes tout comme la volonté d'être au plus proche de la bonne réponse. Il existe de nombreux modèles de CS, nous parlions de Creads à l'instant mais par exemple chez Eyeka, le principe est de sourcer des idées puis de les réintégrer au circuit classique de la commande. Les clients transmettent aux agences et à leurs designers le travail effectué en amont sur les plates-formes. Souvent la sélection est faite par des free-lances ou les DC296 des ces agences...il s'agit de cas de l'antichambre de la commande, un benchmark...

Si l'on met de côté la question du statut, existe t-il justement une forme de CS avec une approche plus qualitative, un modèle plus respectueux processus du design ?

BF : Creads sont en train de muter justement face à la grogne et aux demandes clients. Ils font signer un ticket d'entrée pour avoir les X propositions, puis derrière tentent de pérenniser la relation client en disant : « Il vous faut des déclinaisons sur différents supports, et ça on le fait directement via notre agence-Creads. »

On peut discuter du modèle longtemps mais il y a 2 choses qui me semblent fondamentales pour faire de la qualité : la dimension d'échange et sans limite avec le client et l'idée de dire que si je suis sur une plate-forme ou je travaille sans avoir la certitude d'être rémunéré, et que je compte en vivre, je suis obligé d'augmenter mon volume de production, car seul un faible pourcentage de mon travail sera peut-être retenu, et c'est cet aspect qui génère de l'uniformité.

Pour les plates-formes, à partir du moment où il s'agit de CS et dès lors des gens participent sans être rémunéré - qu'elle le veulent ou non - les participants eux-mêmes vont recycler ce qu'ils ont envoyé : « Y'a deux mois j'avais proposé un truc pour une agence de voyage, mais là c'est une chaîne aérienne low-cost, c'est à peu près la même thématique, je recase le même boulot... »

Ça c'est dans le meilleur des cas... dans le pire ils vont aller voler des boulots.

296 Directeur de création : la personne en charge des choix artistiques dans une agence. Parfois assimilé au directeur artistique mais souvent avec un rôle plus important au niveau managérial.

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Il y a aussi ce vrai risque pour le client que l'on a essayé de faire comprendre à Axelle Lemaire. Ces plates-formes ne fournissent aucune garantie d'authenticité et de recherche d'antériorité à leurs clients. Ils ne peuvent leur assurer qu'il ne s'agit pas d'un travail pompé. Quand on passe par une agence, c'est elle qui est responsable si elle n'a pas effectué les recherches ou si elle revend du picto. En théorie, elle fait du sur-mesure... ou alors au moins l'entente est claire avec le client. Nous on a des demandes d'infographies sur des délais hyper short, on précise bien évidement au client que l'on va taper dans des banques picto, parce que sinon c'est impossible - Dessiner un picto demande beaucoup plus de temps que ce que l'on croit - C'est posé clairement. Là, ce concept de : « Pour X€, vous avez N logos », ils ne vérifient absolument pas d'où viennent les logos...

DH : Sur l'histoire du plagiat, on m'a dit chez Eyeka qu'ils font signer des clauses d'engagement aux créatifs et préviennent les clients du risque de pompage.

BF : Ils se blindent eux en fait...

DH : Oui mais quand le client n'utilise pas directement le travail...

BF : On pose la question d'utilisation du travail, qui a été produit...il suffit de transposer ce truc du CS à n'importe quelle autre profession pour se rendre compte de l'absurdité.

DH : L'exemple des restaurants...

BF : Je vais voir un boulanger, et je lui demande un gâteau d'anniversaire personnalisé, et si ça ne me plaît pas, je ne l'utilise pas. Vous pourrez le vendre à quelqu'un d'autre seulement il y aura écrit « joyeux 30 ans Baptiste »... Il va avoir du mal à le revendre à une autre personne. Ou alors il fait un travail impersonnel, en essayant de le refiler à quelqu'un d'autre dans le moment où il l'a produit. Mais le travail existe et a été produit. Ce qui est encore plus vicelard. C'est la question que l'on posait et une des obligations que l'on souhaite : que ces boîtes aient l'obligation de s'assurer que tous les gens qui participent, par nécessairement qui gagnent, aient un statut. Le fait que dans l'offre de valeur qu'elle apporte à leurs clients, ce n'est pas uniquement ce qui est retenu à la fin, c'est le choix de voir comment ils sont perçus par X dizaines ou centaines de personnes. Ce qu'achètent les clients c'est cette valeur liée à la masse, sauf que dans la quantité, ils ne s'assurent absolument pas du statut des participants, sont-ils déclarés ou non ?

Ils les font travailler, mais ce n'est pas vraiment du travail parce qu'ils ne sont pas rémunérés et lorsqu'ils le font, ils demandent « au fait t'as bien un statut ? », la personne répond « non » et j'imagine qu'ils s'organisent rapidement...mais le travail a déjà été produit.

On a des communautés de milliers de personnes qui bossent, les plates-formes ne se préoccupent pas de savoir si elles ont un statut avant qu'elles ne gagnent. Mais en attendant, c'est ce que payent les clients : cette offre de foisonnement.

DH : Souvent les plates-formes disent qu'elles rémunèrent la cession de droits d'exploitation...

BF : Parce que c'est bien pratique pour eux, c'est ce que eux rémunèrent mais ce n'est pas ce vraiment ce qu'achètent leurs clients.

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DH : Lorsque l'on est professionnel, on sait que passer par des organismes tels que l'Agessa ou la MDA relève parfois du parcours du combattant. On peut imaginer qu'un amateur soit vite dérouté en découvrant ces démarches (précompte, 1% diffuseur, etc..) on peut se demander s'il jouera le jeu...

BF : Ça dans la pratique, je ne sais même pas comment ils font. Quelqu'un qui gagne un concours, mais qui n'a pas de statut... Qu'est-ce qu'ils font ? Ils payent au black ? Ils délaient le paiement ? Ils ne paient pas et c'est tout bénéf pour eux ? Ils disent à la personne « Il faut mieux lire les conditions d'utilisation... » ? Je ne sais pas.

n'

DH : Ce matin, Eyeka me disait qu'ils essayaient d'accompagner les créatifs et échangent régulièrement avec la MDA et l'Agessa, et en effet la plupart des amateurs sont sensibilisés. Mais ont pas forcément les moyens de vérifier si les démarches sont effectuées ensuite. C'est un peu un

entre-deux assez flou. Proposer un droit d'entrée "pas de statut / pas de concours" serait-il une solution ?

n'

BF : Eh oui ! Mais s'ils font ça, ils se tirent une balle dans le pied... Ils sont obligés d'avoir des pros pour cette démarche qui sont plus à même de se rendre qu'ils se font un peu pigeonner, du coup, ils ont plus du tout cette masse qu'ils mettent tous en avant : « 300 000 créatifs » par ci, « tant de

propositions » par là... quand tu regardes la homepage et que tu t'amuses à faire ressortir les chiffres, c'est vraiment l'argument de vente n°1. Si tu les obliges à s'assurer du statut de chacun des participants, ces chiffres fondraient comme neige au soleil !

DH : Ces chiffres sont là pour attirer les clients mais aussi pour renforcer cet esprit de communauté omniprésent dans le discours. C'est aussi un moyen d'attirer les créatifs par un sentiment d'appartenance à cette communauté, qui paradoxalement regroupe des personnes en situation de concurrence !

BF : Pour moi c'est une usurpation du terme ! J'ai commencé à bosser il y a 10 ans, et à faire du design en autodidacte il y a plus ou moins 15 ans... J'étais au collège, j'y connaissais rien, et j'allais sur des communautés, sur des forums où les gens m'aidaient mais n'avaient aucun intérêt à le faire. Ils le faisaient par amusement, on se donnaient des avis sur nos créas et puis ensuite, lorsque toi-même tu avais appris des choses, tu aidais les plus jeunes qui débutaient... ça c'était une communauté !

Là ce n'est pas une communauté ! C'est du poulailler ! De l'élevage en batterie ! Alors bien sûr tu as des gens qui se lâchent des commentaires du style « Ha franchement bravo pour ton logo, il a gagné il est vraiment très chouette ! » mais c'est pas une communauté ça, c'est plus « j'aurai aimé gagné »...

DH : Même les plates-formes admettent que le terme est galvaudé, et que le fameux mur avec tous les profils de créatifs, utilise les codes communautaires sans forcément en avoir toute la dimension. Il

s'

agit d'un terme marketing, et il est d'ailleurs aujourd'hui difficile de définir une communauté...

BF : Elle n'est pas captive cette communauté...

DH : Si l'on prend l'exemple de Wikipédia, on est dans du CS, et la communauté est bien présente, tout cela indique que la frontière est assez floue et le terme largement utilisé.

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BF : Cette communauté ne bénéficie qu'au gérant de celle-ci.

DH : Ils n'aiment pas parler de foule mais c'est bien de ça qu'il s'agit. BF : Si on traduit littéralement oui...

DH : Le terme gagnant-gagnant est souvent également utilisé, on a vu que qu'elle que soit la situation, soit la plate-forme se tire une balle dans le pied, soit les créatifs travaillent à blanc... Il sera certainement difficile de trouver un modèle qui réponde à ce terme. Il existe probablement un modèle équitable ?

BF : ...

DH : Si l'on se place au niveau d'une marque qui souhaite faire appel aux services d'une plate-forme. L'intérêt marketing est évident, il permet à celles-ci de sourcer les consommateurs de la marque plus que d'avoir réellement des propositions finies. Qu'est-ce que ça implique en terme d'image ? Est-ce nuisible ou sans incidence ? Des boulots sont-ils plus adaptés que d'autres dans une pratique de CS ?

BF : Il y a plusieurs choses, il y a en effet des marques qui passent par ces plates-formes en considérant ça comme une des cordes à leur arc de communication : quand je suis Citroën, mon budget de communication à l'année est colossal. Donc un petit concours à 10k€ : c'est peanuts ! Elles ne considèrent pas ça nécessairement comme une démarche qui va leur donner des idées mais plutôt comme un moyen de faire connaître à 50 gugusses le fait qu'ils sortent leur nouvelle C3. Et 10k€ pour ça, ça vaut presque le coup pour eux finalement, c'est une opération marketing.

Après, je pense que ça peut être nuisible à plusieurs aspects, d'une part la grogne ne concerne pas uniquement les plates-formes de CS, il y a aussi des marques qui ont voulu organiser des concours en leur noms en disant "faites notre affiche et le gagnant aura 500€" et se font tomber dessus par la communauté des graphistes comme les pour les plates-formes.

DH : Tu penses à la fête de l'huma récemment ?

BF : En fait il y en a tellement, que je ne pourrai même pas te citer le dernier exemple...

Mais c'est vraiment le cas d'école, mainte et mainte fois expliqué avec des billets de blogs, des discussions de forum où l'on démontre par A+B en quoi c'est une mauvaise idée, et il y a des marques qui se prennent encore les pieds dans le tapis toutes seules comme des grandes... Donc il faut bien rétablir l'idée qu'il ne s'agit pas d'un phénomène propre aux plates-formes de CS. C'est cette idée que tu peux solliciter ta communauté pour te faire un truc gratos, en n'en rémunérant qu'une micro-partie.

C'est aussi nuisible pour l'image de marque parce qu'il y a une espèce de contrat tacite passé entre la marque et la communauté (encore plus vrai quand la marque passe en direct mais également valable lorsque celle-ci passe par une plate-forme). On met tous le monde en concurrence et ne retient qu'une ou deux personnes. Ces personnes retenues, on va utiliser leur travail. Chez les jeunes graphistes, il y a un peu cette dimension fame : « J'ai envie que mon travail soit vu, si je participe au concours Citroën et que je gagne les 1000€ c'est bien, mais si je me dit que toutes les Citroën de France auront le pelliculage avec mon motif proposé en concession... ça me satisfait presque encore plus. »

Le problème c'est que souvent, les marques se retrouvent avec des productions au niveau insuffisant pour être édité, et il n'y a finalement aucune sélection... Il y a donc des marques qui bottent en touche, qui disent aux participants : « merci à tous, cela va être retravaillé par nos équipes internes » et au final le produit mis sur la marché est loin de ressembler à l'illustration faite lors du concours ; ou alors ils font bosser en direct des vrais artistes parce que les propositions qu'ils ont eu au départ étaient juste trop pourries !

Sauf avoir un vrai coup de chance, et tomber sur un mec ou nana vraiment talentueux qui produisent une réponse de qualité et pour qui tu te demandes ce qu'ils font là... Là t'as soulevé le bon caillou et il y avait quelque chose dessous.

Pour la marque c'est pas du win-win : c'est du loose-loose ! Elle prend le risque de se faire tomber dessus par la communauté, et même si cela n'arrive pas, elle prend aussi le risque d'avoir à choisir parmi des propositions qui ne l'enchante pas...

Quand tu passes par un graphiste en direct, un free-lance ou une agence, si tu trouves que c'est pas top : tu le dis !

« Là je suis pas super à l'aise », « ok on se revoie et on en discute, qu'est-ce qui ne vous plaît pas ? Est-ce que vous pouvez me montrer des choses que vous aimez bien ?... »

Là on retrouve ce que disais : la relation, l'échange. On rattrape le coup, on s'est mal compris alors on retravaille, et au final on arrive à trouver ce que le client souhaite avoir.

Dans une démarche de CS, comme on est quasiment toujours sur du one-shot, autant se bander les yeux et désigner une proposition au hasard !

DH : Maintenant, je vais aborder une pratique qui existe depuis longtemps dans le monde du graphisme et qui concerne la mise en concurrence, une forme d'appel d'offre qui est sous les 15k€ et donc qui n'est pas régie par autant de règles. Une amie graphiste297 m'a parlé de l'exemple d'un théâtre qui demande à une quinzaine de graphistes de leur envoyer une proposition pour un logo, et en définitive elle me disait avec ces termes que c'était du temps perdu pour tout le monde... Connais-tu ce type de pratique, qui est un peu l'ancêtre du CS et peux-tu me donner ton avis là-dessus ?

BF : Oui en effet, il y a la mise en concurrence en dessous de 15k pour tout ce qui est dépense publique, au dessus tu es obligé de passer par un marché public. À Spintank on est confronté souvent par nos clients à ce type de marché, je connais donc bien tout ça... et je sais comment ils s'arrangent parfois, pour saucissonner des commandes en plusieurs petites fragments de commandes afin qu'elles ne dépassent pas les fameux 15K€.

c'

Alors pourquoi est-ce du temps perdu pour tout le monde ? 15 graphistes c'est trop en effet. Parce que est impossible quand tu es un théâtre (ici on parle de ce type de structure) de trouver 15 styles qui

correspondent à ce que tu recherches. Ça veut dire que tu ne sais pas ce que tu veux à ce niveau là. Il y a forcément des personnes dans le lot qui vont travailler pour rien, de manière certaine. Une des

137

297 Élodie Cavel : je vous invite à découvrir son travail.

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questions que l'on pose souvent lors d'un appel d'offre, ce n'est pas de savoir qui est en face (ce que les clients disent rarement), mais plutôt combien de personnes sont sollicitées. Dans notre agence, on demande systématiquement le nombre de participants sur le coup. Il nous arrive de refuser quand on nous dit : « On sollicite 8 agences, on fait un premier round et on en garde plus que 4 et à la fin on n'en garde plus que 2... ». Là désolé, c'est pas pour nous.

Ces appels d'offres, qui a les reins pour y répondre ? Uniquement les très grosses agences, qui possèdent des usines de stagiaires et des personnes qui ne font que ça. S'ils perdent, ce n'est pas grave, le temps-homme passé dessus ne représente pas une grosse masse salariale. Plus l'agence est petite - et pire encore pour les freelances - plus la réponse à un appel d'offre représente du temps passé à l'échelle de la structure. C'est parfois 100% du temps qui est joué.

C'est aussi pour ça que l'on expliquait à Axelle Lemaire : en quoi l'appel d'offre n'est pas comparable. Si je suis une agence, je prends parfois le risque de répondre à un appel d'offre, mais en parallèle j'ai des contrats qui sont certains et je suis sûr de payer mon loyer à la fin du mois et de me verser un salaire ! Quand la norme, c'est uniquement de l'appel d'offre, c'est impossible. On ne peut vivre de cette manière. Il y a un moment où on met la clé sous la porte parce qu'il y a un mois où on perd tout.

Il y a de vraies dérives vis à vis des appels d'offres. À une époque, mais c'est rare aujourd'hui, les participations étaient dédommagées : tous les perdants touchaient un petit cachet souvent bien inférieur au temps passé mais qui montrait un certain sérieux du commanditaire. Lorsque l'on dédommage tout le monde, on les choisit un peu mieux forcément et on en prend moins. C'est une chose qui se faisait, mais maintenant il y a carrément des agences qui ont communiqué pour dire : « on arrête de faire des appels d'offres ». Il y a une agence notamment (je crois qu'il s'agit de LEG, ils ont fait pas mal de buzz), qui avait décrété qu'elle avait suffisamment de travaux et de référence pour dire :

« Si notre travail et notre approche vous intéresse, pas besoin de nous mettre en compétition, vous venez nous demander et on sera heureux de travailler avec vous... »

Tant que ce n'est pas de l'argent public, une société n'est pas obligée de passer par une mise en concurrence, bien sûr, à partir d'un certain montant, cela peut poser des soucis de trafic d'intérêt ou ce genre de truc mais dans l'absolu c'est à ça que sert le portfolio.

Si je suis client et que je cherche un graphiste, en théorie, son portfolio, sa vitrine, doit me donner suffisamment d'informations pour me dire « lui il va me plaire ». En fait petit à petit, cet aspect là a complètement disparu du milieu de la commande graphique alors que pour toutes les autres professions (on en parlait tout à l'heure), ça fonctionne comme ça !

T'as plein de boulangeries, il y en a une où tu vois qu'ils ont l'air de faire de la meilleure pâtisserie, tu rentres, tu ne demandes pas à goûter... tu rentres parce que ce qu'ils montrent te laisse penser que

c'

est ce que tu cherches. Tu leur fais confiance, et tu pars avec eux.

Une des choses aussi lorsque tu es graphiste, tu n'achète pas de pub. Ce n'est que la qualité de ton travail qui te ramène des affaires. On ne dit peut-être pas assez mais il m'arrive de l'expliquer à nos clients : « Nous aimons le travail bien fait, mais c'est la seule manière que l'on a pour toucher de nouveaux clients. »

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On a pas de 4 par 3 [les panneaux d'affichage type JC Decaux, ndlr], les grosses agences achètent peut-être des encarts dans la presse spécialisée, mais pas les petites et encore moins les free-lances298. Le portfolio et l'engagement à faire du bon taff, c'est une évidence qui est parfois oubliée.

Il y a des agences qui demandent aux gens de faire des tests lors des candidatures. Je ne demande pas de faire des tests, par contre je regarde le portfolio. Je me dit : lui c'est un bon graphiste, mais il fait rien dans le style de ce que je recherche. On ne perd pas de temps, je ne vais pas le faire travailler gratuitement même s'il fait du bon boulot, il ne montre rien du style que je recherche parce que moi je suis dans l'institutionnel, dans le culturel... et donc ça ne va pas le faire... c'est sain finalement. En montrant ce que tu aimes faire, tu t'attires des clients qui viennent chercher ton style, c'est vertueux.

DH : J'aime assez ta théorie du portfolio... Comment le graphiste va pouvoir trouver sa place dans cette économie numérique en perpétuel mouvement et vers quelle forme sa pratique peut-elle évoluer ? (Question reformulée, car un peu ambiguë lors de l'entretien)

BF : Je vois un peu l'angle de ta question, le graphiste qui veut faire son métier encore dans 10 ou 20 ans est obligé d'évoluer. C'est à dire que les outils techniques qu'on utilise évoluent : photoshop que j'utilise aujourd'hui n'a rien à voir avec le photoshop d'il y a 10 ans. Je faisais du flash quand j'ai débuté, et plus du tout aujourd'hui. Un graphiste, qui fait du digital de surcroît, s'il n'évolue pas, dans 5 ans : il est mort. Après il y a évoluer et accepter comme une fatalité l'endroit où va la barque mais cette façon de dire : « Le CS est là et que vous le vouliez ou non, c'est là pour durer, alors essayons d'imaginer un vivre ensemble plutôt que de dire qu'il faut fermer toute les plateformes... ». Bien sûr en étant à leur place, je dirais la même chose...

Il y a 10 ans lorsque j'ai commencé, il y a avait déjà des graphistes qui faisaient des designs de thèmes pour les blogs (dotclear, wordpress...) qu'ils mettaient en ligne sur des banques de thèmes pour se faire de l'argent. J'avais un collègue qui avait développé sur flash un script pour générer de la neige... Il a vendu sa neige à Hermes et aux galeries Lafayette et il se faisait en moyenne 1000$/mois en vendant son petit script qui faisait de la neige. La démarche venait de lui - ce qui est très différent du CS - il n'y avait pas une notion de commanditaire, qui dit « fais-moi ça pour mon produit et avec un peu de chance tu sera payé ». Il y 'avait l'idée de dire : « Je fais un truc bien qui m'intéresse et si ça intéresse des gens, je leur vends sans exclusivité - tu pourra avoir la même neige qu'Hermes - tu pourra customiser la taille des flocons mais basta... »

Ça pour moi c'est du collaboratif vertueux, qui stimule le graphiste à faire et tester des choses. Tu as un site d'icônes très connu qui s'appelle nounproject ( https://thenounproject.com/) sur lequel tu peux trouver des icônes qui sont en domaine public et d'autres en licence CC où il faut payer 1 à 2$ l'icône. En tant que graphiste, rien ne m'oblige à envoyer des icônes à nounproject et ce n'est pas parce que ce site propose des icônes gratuites que l'on n'arrive pas à expliquer à certains clients qu'il faudrait parfois payer des icônes parce que l'on va faire quelque chose qui corresponde plus à leur style.

298 (NDLR : je me souviens d'un certains Denis Truchi qui avait son encart dans étapes, pas forcément géniale d'ailleurs, je me demande si cela avait un impact sur son activité.

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Dans la rhétorique c'est aussi une méthode de ces plates-formes de dire « si vous n'aimez pas, personne ne vous oblige à participer », oui sauf que pour toutes les raisons que j'ai reprise auparavant, et l'emprunte durable que ça génère dans les mentalités des clients, c'est laisser penser que tu peux avoir du sur-mesure pour le prix d'une barquette surgelée...

DH : Je vais finir, de manière anecdotique, je ne sais pas si tu as vu récemment, l'apparition de ce site qui génère ton logo via un algorithme ( http://www.tailorbrands.com), on se retrouve alors dans la situation où l'on a même plus besoin de graphiste... C'est l'étape suivante ?

BF : Oui j'ai vu passer - ça existait déjà - un peu comme vistaprint. Le mec qui est avocat, qui a besoin d'un logo (je trouve que c'est une bêtise parce que son logo tout le monde s'en fout, il peut mettre juste son nom avec une typo adaptée et sa carte sera suffisante) Il veut faire son logo lui-même sur une plate-forme, il ne tue pas le graphiste, c'est un mec qui n'aurait pas eu le budget pour faire appel à lui ou qui pense que ça ne vaut pas le coup. Il se fait son logo : pas de soucis. C'est vraiment différent de : « je fais bosser 50 graphistes gratos en n'en rémunérant un seul ».

DH : Et il faut prouver que ce ne sont que des graphistes sur les 50...

BF : Oui, la notion d'amateur est forcément présente. Jusqu'où l'amateurisme existe avant de se professionnaliser ? La discussion on l'a également eu avec Axelle Lemaire, les amateurs n'ont jamais été une menace pour les professionnels, sauf que tu fais bosser un amateur, tu as du boulot d'amateur. Si tu t'en satisfais, soit. Mais quel est l'engagement du professionnel ? L'amateur, fait un truc nul ou te plantes en cours de projet, quels sont les recours ? À part aller faire le plantin devant sa porte et aller essayer de t'expliquer avec lui tu ne peux pas faire grand chose. Le pro, il a sa réputation à tenir ! Le bouche à oreille joue beaucoup pour ou contre lui. Avec une communauté de graphistes qui est tout de même relativement restreinte, et une cible de clients comme les PME : le mec qui en plante une n'a plus qu'à changer de région.

Tant que le choix est fait de manière éclairée et qu'il n'y a pas des gens qui bossent gratuitement, ça ne me pose aucun problème.

DH : Merci pour ton éclairage et ton point de vue très intéressant. BF : Pas de quoi.

Note de l'auteur : la bière bio était très bonne...

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François Caspar (entretien n°4)

Designer et responsable de l'Alliance Française des Designers (AFD), le 10 Avril 2015 par Skype

Spécialiste de l'affiche depuis 1989, François Caspar est un designer basé à Paris. Il conçoit la communication visuelle d'organismes européens et français, d'entreprises et de théâtres. Ses affiches, ont été récompensées et présentées dans plus de 140 expositions internationales et figurent dans des collections publiques et privées, comme à Paris, Hambourg ou New-York. Ses travaux ont également été publiés dans des magazines ou des livres comme Art and design, Etapes, Experimenta, Idea, Pixel Creation, Signes et New Masters of Poster Design de John Foster. Son enseignement est présenté dans le livre Design School Confidential de Steven Heller et Lita Talarico. Il est également membre de jurys de compétitions internationales. L'objectif de François Casper est d'unifier autour des meilleures pratiques. Cofondateur de l'Alliance française des designers, il en est le président de 2003 à2005. L'AFD est devenue en quelques années la première organisation professionnelle pluridisciplinaire de designers en France. François Caspar est également en charge des relations européennes et des questions juridiques, il donne à ce titre des conférences sur les droits et les devoirs des designers. Il est notamment l'auteur de Profession graphiste indépendant, publié par le ministère de la Culture. Et a effectué en 2014 la traduction française de l'ouvrage de Blair Enns Blair Gagner sans idées gratuites. François Caspar est aussi fondateur et chercheur de Moneydesign.org qui édite le guide de tarification du design CalKulator.com. (Source : http://www.francoiscaspar.fr/)

Damien Henry : Merci beaucoup pour votre disponibilité. Ça risque d'être un peu formel et scolaire,

c'

est le quatrième entretien, deux personnes chez Eyeka, la plate-forme de CS, vous connaissez ?

François Caspar : Oui

DH : Je suis donc allé les voir, ils m'ont appris pas mal de choses, j'aimerai bien revenir avec vous sur certains points. Sans tomber dans le tout pour ou tout contre, je vais essayer de rester dans une démarche de recherche en me détachant de mon statut de graphiste, ce qui ne va pas être facile. Je souhaite plutôt trouver des pistes qui permettraient de voir comment le CS peut s'intégrer à l'économie du design, sa place au niveau de la qualité et son positionnement vis à vis des professionnels du design. C'est souvent difficile de trouver des points positifs lorsque l'on écoute le discours des graphistes professionnels, le rapport à sens unique, la législation sont souvent critiqués.

Je vais d'abord aborder l'épisode des débats auxquels vous avez participé au ministère, j'ai rencontré également Baptiste Fluzin qui m'en a déjà pas mal parlé. Mais j'aurai tout de même aimé avoir votre point de vue, car il semblerait que les opinions différaient selon les participants.

FC : Je ne pense pas qu'elle soit tout à fait identique : l'analyse est la même, on parle de CS perverti, parce qu'au départ c'est une belle idée, qui repose sur ce que peut apporter internet en terme de partage de compétences, dans un but qui peut être humanitaire par exemple ou des associations qui sont en recherche de moyens. Ce dont on parle : c'est des agences, qui utilisent le CS comme moyen. Ça pose ici des problèmes parce le métier d'agent artistique est un métier légiféré, afin de protéger les auteurs. Les auteurs sont finalement des personnes qui, parce qu'elles sont auteurs ne sont pas forcément businessman : il s'agit d'une population plutôt fragile.

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Le CS marche parce que ça attire énormément de gens fragiles sur des compétences pourtant nécessaires quand on est indépendant. Quand on est graphiste salarié à mi-temps, ça peut apparaître comme une source de revenus complémentaires, et quand on est indépendant et est en difficulté pour trouver des missions ou des clients, ça peut être une sirène intéressante pour trouver des clients. Mais il y a un intermédiaire, ce n'est pas en soi un problème : il y en a des bons, qui sont des agents exerçant bien leur travail, mais là le soucis, c'est que ce sont des intermédiaires qui font un travail incomplet, et qui tiennent à distance le système en se récupérant sur le nombre. Ils sont de toute façon rémunérés. Le graphiste, lui n'est rémunéré que s'il obtient la commande.

DH : L'idée du pitch comme vous le développez dans le livre de Enns ?

FC : Il y a deux choses importantes qui découlent de ça :

Un aspect déontologique vu sous l'angle du professionnel et puis un aspect purement d'efficacité commerciale : ça ne fonctionne pas. Le fait de faire un grand nombre de projets et d'en perdre une majorité pour finalement en gagner peu n'est pas rentable. Donc cette technique ne sert à rien et déontologiquement on produit du dumping, on produit une idée qui ne vaut pas grand chose en comparaison avec l'expertise de départ.

Ça va à l'encontre de tout ce que l'on préconise, c'est à dire, dans une relation entre un designer et un client, c'est le dialogue. Le système du CS ne produit pas de dialogue.

DH : C'est un peu la notion d'un brief qui reste figé, qui ne peu évoluer dans le temps, comme ça se voit dans une relation classique. La demande évolue parce que on voit le diagnostic initial se préciser. En général le client arrive avec un premier brief qui est le sien, un second brief est formulé et ensuite, à mesure que le projet avance.

FC : C'est tout à fait ça, on est forcément dans une situation d'autodiagnostic de la part du client et pour le designer dans une situation de ne faire qu'une partie de son travail : la partie émergée de l'iceberg. Ce que l'on voit au premier abord, l'aspect visuel. Cela peut être réussi : on a des choses qui sont visuellement réussies, mais il n'est pas possible de traiter l'ensemble des signes, par exemple pour un logo, l'ensemble des déclinaisons, la manière dont il va vivre sur tel ou tel support, comment il va être véhiculé. Une identité visuelle, ce n'est pas juste une carte de visite ou un en-tête de lettre ! Ce n'est pas uniquement un logo : c'est tout un ensemble.

La prestation est donc forcément incomplète de la part du designer, on pourrait considérer que c'est frustrant pour le designer mais c'est surtout une piètre affaire pour le client qui n'en a pas pour son argent mais qui achète une faible somme uniquement une partie d'un travail, il n'aura pas une prestation complète. Il n'aura pas un service qui sera complet. Il sera auto-satisfait par l'autodiagnostic, parfois c'est pire. On ne peut mettre sur un pied d'égalité toutes les problématiques de design. Une identité visuelle, d'une petite structure ou d'un commerçant n'a pas les mêmes enjeux que l'identité d'une société européenne ou du CAC40... On peut considérer que ça va satisfaire un certain nombre de clients qui recherchent avant tout un prix, mais les clients qui sont à la recherche d'une qualité d'expertise, ne peuvent pas être satisfaits par ce système là. C'est pour cette raison d'ailleurs que quand on prend l'enseignement de Blair Enns, on comprend finalement, ce qui est un peu provocateur, que le CS : ce n'est pas grave. Si on est en capacité en tant que designer de comprendre ça et de mettre en oeuvre un certain nombre de choses décrites par Blair Enns pour montrer la qualité et la valeur de l'expertise, que l'on a des prix potentiels on a fait une bonne partie du travail.

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11:48 perte de signal

DH : On reprend. Vous disiez que l'on pouvait facilement se passer du CS en utilisant la méthode de Blair Enns...

FC : Voilà. Il dit clairement que le CS ça oriente un certain nombre de personnes vers ces sites, un certain nombre de designer qui n'ont soit pas une bonne expertise, soit ne savent pas la communiquer et un certain nombre de mauvais clients, et dans ce cas là : tant mieux, parce que tous ces mauvais clients, pendant qu'il sont occupés à travailler avec les plateformes, ça vous permet d'aller chercher les bons. C'est le fameux : sélectivité299.

DH : C'est un design à deux vitesses ?

FC : Oui mais il faut admettre que dans l'immense population des designers, tous ne sont pas au même niveau. Mais ça se retrouve dans toutes les professions. Il y a des bons boulangers et mauvais boulangers... Le niveau de formation n'est pas le même, le niveau d'expertise n'est pas non plus le même. Le CS, non pas qu'il s'agisse d'un faux problème. Sous l'angle de la déontologie, c'est un vrai problème. Sous l'angle de la stratégie commerciale : c'est un faux problème.

DH : Certains accusent la plateforme de tuer le métier, c'est nuancé on imagine plutôt un tri du métier ?

FC : Oui tout à fait.

DH : C'est à présent la notion des participants que l'on va aborder, j'ai eu l'occasion de discuter avec un graphiste300 qui travaille en agence, et qui m'a dit "moi j'aime bien aller faire un concours de temps en temps", ce n'est pas forcément l'aspect financier mais plus une recherche de liberté d'action. Je me demandais s'il lui arrivait d'être bloqué dans la réponse faute d'information, mais apparemment ça ne posait pas de soucis... Je ne m'attendais pas à ce type de témoignage de la part d'un pro.

FC : C'est tout à fait recevable, c'est une petite différence de positionnement de l'AFD qui a réfléchi à la question dès 2007, et a émis des réponses : si il y a un problème juridique, on voit comment on peut le résoudre de façon juridique.

15:45 de nouveau un souci technique

FC : L'AFD pense que ce n'est pas la peine de dépenser de l'énergie à combattre ce phénomène. Cela serait perdu d'avance. Juridiquement en tout cas, on n'ira pas vers le procès, en tout cas pour le

299 selon B.Enns, être sélectif : il s'agit de pousser la démarche d'adéquation, de trouver les clients pour lesquels nous pouvons trouver des solution et savoir dire non aux clients qui seraient mieux servi par d'autres. "En disant non nous gardons la crédibilité de notre oui " BLAIR Enns et CASPAR François, 2014, Gagner sans idées gratuites, Money design.org.

300 Il s'agit d'un enseignant du master CTN qui intervient pour les cours d'infographie, il est «intégrateur front, designer qui a de la bouteille, mais dont j'ignore le «talent» et dont les méthodes sont plutôt bizarres (création de logo dans Photoshop par exemple)

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moment, parce que il faudrait dépenser l'argent des membres pour une cause finalement où des gens ont signé en connaissance de cause un contrat avec ces sites de CS. Comme vous dites, il y a des gens qui ont envie de le faire. Quelle que soit la raison, ils ont envie de tenter leur chance... et on peut leur reconnaître le droit de choisir ça. Pourquoi devrait-on combattre ça ? On préfère finalement essayer de convaincre ceux qui veulent bien être convaincu : ceux qui veulent bien apprendre à se passer du CS, leur expliquer comment faire. Le livre de B.Enns est une façon de le faire. C'est une littérature Nord-Américaine très pragmatique qui n'existe pas en France. Ici on écrit beaucoup sur des idéaux, etc.... mais à un moment c'est limité. On pourrait passer des années à combattre le CS, à dépenser énormément d'argent pour pas grand chose. Pourquoi interdire le CS ? Si certains veulent participer : laissons-les faire. Et si on a une démarche commerciale construite issue d'une stratégie, pour faire des affaires. On peut comprendre, comment se passer du CS et on peut aussi comprendre que cela n'a pas d'importance.

DH : C'est finalement un peu la méthode "ça existe mais on y va pas". On se rend compte que les personnes qui vont sur ces plateformes sont d'horizons variés, pas uniquement des professionnels et même une bonne part d'amateurs qui ont envie de faire ces concours pour différentes raisons. Est-ce que ce mix ou cette frontière entre les amateurs et les pro, qu'on retrouve aussi depuis longtemps : les amateurs ont toujours existé, l'affiche associative301... Maintenant la frontière et les outils de plus en plus accessibles parfois même des formations qui fabriquent un infographiste en 3 mois. La notion d'amateur bouscule un peu plus les pros aujourd'hui, est-ce que le CS pourrait catalyser ce phénomène ? Et donner de mauvaises habitudes côté client ?

c'

FC : Ça va forcément changer les choses, et le monde change, les professions évoluent. ça pose donc la question : c'est quoi aujourd'hui être professionnel ? C'est plus uniquement utiliser une souris et avoir un ordinateur, il y a 20 ans, c'était : avoir un ordinateur plus gros que l'autre. Aujourd'hui l'amateur peut se payer les mêmes outils en effet. Donc être professionnel c'est ailleurs, la question est comment donner de la visibilité à un acte professionnel ? Nous préférons nous concentrer sur

cette question là. C'est quoi être designer ? C'est quoi un designer professionnel comparé à un designer amateur ? Parfois, c'est vrai, des amateurs très talentueux peuvent faire des choses esthétiquement très réussies mais il s'agit d'une partie seulement du travail de designer. Il y a aussi des autodidactes qui sont absolument extraordinaires. C'est une question complexe. La réponse doit venir des professionnels mais surtout des clients, qui savent très bien faire la différence entre les amateurs et les professionnels. Les bons en tout cas. C'est d'ailleurs la théorie de B.ENNS, il dit même qu'un bon client quand il a compris, peut payer beaucoup plus cher que ce qu'il avait prévu parce qu'il a compris ce qu'il avait acheté. C'est comme en cuisine : depuis quelques années c'est la modes des chefs, des repas les uns chez les autres...

DH : Je vient en effet de lire un mémoire sur ce sujet302 : les blogs de cuisines ont chamboulé ce secteur, ce qui a eu un effet positif pour les professionnel. La pratique de la cuisine est de nouveau

301 Excellente référence sur le sujet de BERTRANDY Yohann, 2009, Tout le monde est graphiste - le livre.,

302 LAURE BLANCHARD, 2011, Triomphe de l'amateurisme en cuisine ? De la relation entre les imaginaires du web social e de la gastronomie au service de l'expression du désir amateur., TRAVAUX ETUDIANT, travail qui étudie la gastronomie sur le web à travers les blogs de cuisine et la foodsphère, comment les amateurs ont fait évoluer le monde de la gastronomie sur le web (discours, services nouveaux, pratiques). Les motivations des participants leur influence sur les professionnels.

considérée comme quelque chose de noble. On peut imaginer en effet une pratique du graphisme de haute couture aux côtés du graphisme tout venant qui sera finalement proche d'une pratique quotidienne amateur. Ce n'est pas la manière de faire, ni les outils mais la démarche qui distingue le pro de l'amateur. La pratique discursive, l'approche que l'on a avec le client, la façon dont on argumente les créations.

26:23 de nouveau un problème technique, on change de technologie...

DH : (Reprise) On en était au fait que le CS pourrait, comme pour la cuisine permettre de valoriser une certaine idée du design, de mettre en avant les bons designers. Les amateurs ayant accès aux métiers pourraient en effet se rendre compte qu'il s'agit d'un métier, pas d'un loisir.

Dans certaines écoles de design, j'ai des exemples303, proposent à des étudiants de participer à ces concours. J'ai été bien entendu surpris par cette démarche. Pourquoi est-ce aussi difficile pour un étudiant qui sort d'école, qui est encore un peu amateur par son manque d'expérience, destiné à devenir pro - et parce qu'il ne connaît pas B. ENNS ;-) il va être tenté par ces plateformes ? Ne serait-ce pour alimenter son portfolio. On a l'impression qu'il est tellement difficile pour un jeune graphiste de débuter son activité, qu'il s'agit d'une solution de repli. Pourquoi est-ce aussi difficile ? Pourquoi même les très bons qui sortent avec les félicitations se retrouvent parfois à bosser au Macdo 5 mois plus tard ?

FC : Il y a pas mal de raisons, les emplois sont déjà moins nombreux que les demandes, les agences ne peuvent absorber tous les jeunes diplômés et le marché non plus, on est dans une situation aujourd'hui avec un bon enseignement généraliste dans pas mal d'écoles, mais on manque d'enseignement spécialisé. Ce qui du coup révèle à la fois un problème de formation, et de pédagogie aussi : les écoles qui envoient leurs étudiants dans ce type de concours, là c'est vraiment un défaut de pédagogie. Ça ne m'étonne pas, il y a des écoles très mauvaises là-dessus, et heureusement il y en a d'autres très bien. Ensuite il n'y a que les mauvaises rencontres, il y a des gens talentueux qui ne font pas les bonnes rencontres malheureusement, d'autres qui ont un sens un peu inné du commerce, qui s'en sortent plus vite, plus tôt. Tout le monde n'a pas le sens de l'entreprise et aujourd'hui il y a un mouvement clair : si on ne trouve pas de travail salarié, on s'installe en indépendant mais on manque de compétences commerciales, c'est le gros soucis. Être indépendant, c'est comprendre certaines règles du commerce. Si on monte un commerce d'achat-vente on a affaire à des personnes qui ont un profil commercial, mais quand on monte un business dans le design, on a affaire à des créatifs et qui sont les moins préparés à cette vie là.

Donc a alors énormément de gens qui restent sur le bas-côté, parce que, malgré le talent, on ne leur a pas expliqué comment faire commerce de leurs idées, comment se protéger, etc... À l'AFD, ce que l'on constate c'est qu'il y a quelques années, on avait peu de visibilité, les gens ne nous connaissaient pas, maintenant ils savent que l'on existe, ils n'ont cependant pas compris l'intérêt de nous rencontrer avant d'avoir des problèmes. On a donc énormément de gens qui adhèrent à l'AFD quand ils sont déjà en litige. On a bien du mal à les aider. En France on a des droits très forts et protecteurs, comme le droit de la PI, qui sont très intéressants. Mais ils sont difficiles à appliquer. Pour faire appliquer les

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303 Une collègue de promo CTN, qui a fait un BTS communication visuelle je ne citerais pas l'école.

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droits, c'est beaucoup moins romantique que l'énoncé de la loi, ça nécessite de préparer en amont une relation professionnelle en ayant une stratégie de la relation professionnelle. Là, quand on a pas ça, je ne voit pas comment l'avoir si on ne l'apprend pas. On se fait avoir, et on apprend en se faisant avoir.

Je me suis fait avoir aussi, quand j'ai commencé

DH : Tout le monde en fait : c'est la fatalité du graphiste. J'attends aussi toujours certaines factures d'il y a 8 ans...

FC : À un moment on comprend qu'il faut échafauder une stratégie DH : Le positionnement ?

c'

FC : Non ça c'est encore autre chose, il s'agit de la stratégie commerciale, ce dont je parle à l'instant est une stratégie de défense, une stratégie juridique : blinder juridiquement sa stratégie commerciale.

Il faut un certain nombre de pièces juridiques, ce que B.Enns appelle le contrat : Une fois que l'on a dialogué sur les choses essentielles, là on va passer à la rédaction d'un contrat.

DH : Un cahier des charges ?

FC : Oui un cahier des charges, contrat et signature de ce contrat. Une fois que l'on a ça, on est en position de faire valoir son droit. Sans ça, il faut vraiment que le client ait fait un certain nombre d'erreurs grossières pour avoir gain de cause. Il faut pouvoir se dire : investir dans des frais d'avocats, voir dans des frais de procédures, c'est toujours un investissement rentable à terme. Le problème dans la plupart des cas, c'est que ça ne l'est pas. Donc quand on pèse le montant d'une affaire, et celui que l'on pourrait recouvrer auprès de l'adversaire, en général, en dessous de 5K € ça ne vaut pas le coup. Ça commence à avoir un intérêt autour de 8-10K€.

DH : L'AFD propose donc de bien accompagner en amont sur des questions de forme. Un enseignement de ces notions à l'école serait une piste pour que ce métier soit moins précaire ?

FC : Oui en effet, on pourrait se dire qu'il faut un apprentissage à ces questions là, à l'école, le problème, c'est qu'en master, très peu d'étudiants enregistrent les choses et s'intéressent parce qu'ils sont encore un peu jeunes pour ça et focalisés sur le diplôme, je l'ai vécu à la fois comme étudiant et comme enseignant : je retiens qu'il y a une énorme déperdition d'information, peu être un ou deux sur vingt qui enregistrent bien les choses. C'est encore un peu trop tôt finalement. Ce qu'il faut c'est qu'ils aient conscience qu'il faut se faire accompagner par un certain nombre de gens compétents : un comptable, un fiscaliste, et l'AFD (un syndicat) pour apprendre- ce n'est pas grand chose, c'est vite appris - mais il faut se faire accompagner par un organisme professionnel qui peut, par des retours d'expériences proposer une méthode.

DH : C'est évident qu'en sortant même d'une école assez bonne, je n'ai pas eu cette préparation. On part la fleur au fusil en se disant "c'est bon je sais faire du graphisme : je vais m'en sortir" c'est en fait un aspect du métier que l'on découvre après l'école, on se retrouve dans une situation où a besoin d'être bon dans ce que l'on produit, mais aussi savoir le dire et se vendre tout en restant armé pour affronter les situations difficiles avec certains clients dont l'attitude est contestable. Ce métier compliqué, comme vous le dites, la notion d'argent est souvent la dernière roue du carrosse, il y a

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presque une certaine pudeur que l'on retrouve dans ce milieu, qui empêche le designer d'aborder le sujet. C'est un peu le mal du designer non ?

FC : Absolument, il y a une pudeur, très nuisible pour le chiffre d'affaire. Quand on est bon et que l'on veut trouver un travail dans une entreprise. être bon peu suffire, il faut être opiniâtre, il faut chercher mais on finira pas trouver. Sauf si on est au milieu de nul part bien sûr, il y des déserts économiques encore en France. Il suffit de regarder l'implémentation des personnes inscrits à l'annuaire des designers en France, on voit très bien les zones où c'est le désert total. Si on fait le choix d'exercer une activité indépendante, il faut absolument compléter sa formation par un minimum de gestion des aspects commerciaux.

DH : C'est pas toujours évident lorsque l'on voit les cursus assez chargé, qui répondent parfois de manière très large à la demande du marché de l'emploi, on peut imaginer que cet aspect aura du mal à trouver une place dans les emploi du temps soit les financements dans une école qui doit déjà assurer en priorité les matières essentielles avec peu de moyen souvent.

On a abordé les principaux aspects de l'entretien, la qualité, les participants... On sait que l'AFD est plutôt un farouche opposant au CS, disons plutôt au travail gratuit. En comparant les différentes plateformes de CS, je me suis rendu compte que positionnement était différent, certains proposent des concours de logo, alors que d'autres font des concours d'idées... J'aurai aimé que vous me donniez votre avis sur les formes que peut prendre le CS à l'avenir, si ce modèle peut perdurer ou non...si certaines formes sont plus vertueuses que d'autres. Je me suis en effet rendu compte en étudiant les plateformes qu'Eyeka par exemple n'était pas du tout positionné comme Creads. Pour ce dernier, je me suis tout de suite dit qu'un logo ne pouvait être adapté, sans un minimum de recherche et d'échange avec le client, et que la quantité ne garantirait pas la qualité. Par contre chez Eyeka, l'approche semble différente, puisqu'ils ont une démarche marketing : les marques n'utilisent pas la production des participants pour avoir un produit fini comme un logo, mais plutôt comme un élément de benchmark amélioré pour un projet à plus grande échelle, ce sont surtout des gros client là-bas. Ils ont peut-être un budget CS qui représente une faible proportion dans leur enveloppe marketing, on se retrouve avec un CS créatif complètement différent de ce qui est critiqué, avec Creads en première ligne. (J'admets que ça ne ressemble pas vraiment à une question...)

c'

FC : On ne peut empêcher les gens de concourir, le concours en soi peut être motivant, la question est les termes du concours, quels sont les termes pour concourir. Est-ce que la compétition est saine

? Si elle n'est pas saine, la première chose à faire, c'est de ne pas y aller, être en capacité" de comprendre qu'il ne faut pas y aller, c'est de trouver des sources d'éducation aux problématiques que ça pose. Encore une fois, ça fait un tri entre un certain nombre de pro qui vont à la facilité, ils savent répondre avec des idées basiques, ils savent faire. Il y a aussi le débat sur les photographes, ce n'est pas tout à fait la même chose, que les banques d'images, par exemple, ou les capacités de rémunérer les auteurs sont très importantes. Il s'agit dans ce cas d'un problème de répartition des sommes collectées qui soit en accord avec le travail du designer. Le CS est un mot foutu dans le monde, désormais associé à l'idée que l'on va travailler pour rien. Cela joue quand même sur la naïveté des créatifs, on a en effet une chance sur 100...

DH : J'aimerai bien voir en effet, sur l'ensemble des participants, et le nombre de concours, si on arrive en étant un professionnel (encore une fois, on peut se prétendre pro sans en avoir l'étoffe ni la

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démarche) la part des pro qui gagne est plus importante ou non, à savoir : a-t-on plus de chance de gagner si on est pro ? Simplement pour comprendre si l'expertise reste là, quelque soit le brief : le professionnel s'en sortira-t-il mieux qu'un amateur ? Je pense (c'est une supposition pour le moment) que lorsque l'on sort d'une école de design, on a plutôt une chance sur 40 de gagner... ce qui reste élevé.

FC : Si on regarde la page d'accueil d'Eyeka, tout est dit : on voit plus de 5 millions €, 87000 idées soumises, ça va nous faire un prix moyen de 57€ l'idée...

DH : On voit en effet que les concours ne sont pas rémunérés selon la grille classique du marché, on est bien en dessous. Ils jouent en effet sur cet effet de masse, ce qui peut au contraire faire un peu peur quand on analyse les chiffres.

FC : Oui c'est statistiquement bas. On continue : " Les réalisations des créateurs d'Eyeka nous ont souvent surpris et ont directement alimenté notre travail interne pour l'enrichir et stimuler nos équipes." (Citation du responsable de la ligne DS chez Citroën) c'est un truc qui alimente le travail interne : le travail de design n'est pas là.

DH : C'est du benchmark, Eyeka l'admet, ils ne font qu'un travail en amont des créations. Je me suis posé la question pour les vidéos : les créateurs passent une semaine à produire quelque chose, si derrière, une semaine de travail, les gens mobilisés...ils n'ont rien : on peut comprendre une certaines déception. Ils ne participent qu'une fois mais pas deux...

FC : Oui mais bon en fait l'objet caché du CS, il n'est pas dans le fait que les gens qui gagnent. Il est dans la création de fichiers, ce qui fait la valeur de ces entreprises, ce sont ces fichiers. Quand ils disent "on a X créateurs"...les gens s'inscrivent une fois, ils comprennent et en attendant ils ne suppriment pas leur compte (si c'est toutefois possible) ça alimente une base de données, qui est utilisée derrière. Il ne faut pas être naïf, le but reste d'appâter des gens pour créer une base de donnée qui va servir à des grands groupes de marketing direct, ou des éditeur de logiciels. Le but d'Adobe, quand ils ont racheté l'annuaire Behance, les portfolio en ligne, c'était de créer un fichier de client potentiels permettant d'alimenter un ensemble.

DH : Le CS, je partage aussi le même point de vue : ce n'est pas une menace directe pour le design et les professionnels, mais c'est effectivement, une forme de marketing, poussée à son extrême pour les marques. Elles impliquent les consommateurs dans une forme de "méga-enquête" permettant la sortie d'une campagne bien ciblée. Les marques vont savoir ce qu'attendent les clients, quelle vision ils ont de celles-ci. Le Cs façon Eyeka, c'est plus du marketing que le CS façon Creads, qui est plus proche de la "foire au design Lidl". C'est peu être ce qui gène, ce n'est pas vraiment une agence, mais ils s'en donnent l'image, derrière c'est même retouché en interne après sélection (pour les logos), c'est là où au niveau métier on se retrouve dans une limite "éthique", il n'y a pas de respect pour le travail de création, qui peut être déconstruit ou réapproprié. La sacro-sainte règle du créatif est violée, le créatif est alors dépossédé de son travail. Je ne suis pas à l'aise avec cette forme là, alors qu'Eyeka, c'est du marketing, Décathlon le fait, Mado le fait pour fabriquer leurs burgers, c'est une forme d'implication de la clientèle, maintenant si des graphistes tombent dans ce circuit, ça ressemble plus à du dommage collatéral...ils ne recherchent pas la qualité mais plutôt des idées intéressantes et différentes de leur service com. ou de leur agence habituelle, qui va penser de manière professionnelle et peut-être un peu moins de manière intuitive (ou naïve).

s'

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Pour conclure on a abordé pas mal d'aspects, peut-être un peu moins sur les appels d'offres, qui finalement concernent plus l'AFD, et il y a pas mal de choses là-dessus. Juste une dernière question une amie graphiste304 indépendante qui travaille aussi au sein de collectifs m'a parlé d'un concept qui appelle "la mise en concurrence" elle m'a donné l'exemple d'une salle de théâtre qui a fait la demande à

une quinzaine de graphiste, malgré son intérêt pour le sujet, elle a décliné l'offre. Tu connais cette pratique ?

FC : Si c'est un théâtre privé, il n'est pas soumis à la législation des marchés publics. Sinon, effectivement il rentre dans ce cadre. Pour ça la charte des marchés publics de l'AFD explique bien la différence. Les grands principes y sont. Un tableau avec les feuilles de marché indique ce qui est obligatoire, ce qui ne l'est pas et ce que l'on préconise.

DH : Ce qui n'est pas cohérents dans cette histoire : ils demandent des références et une proposition mais il suffit que le devis ou le book ne conviennent pas et ils se retrouvent avec une réponse qui ne leur convient pas. La démarche habituelle consiste plutôt à faire une première sélection sur book, pour trouver un style qui convienne et ensuite de demander un devis et pourquoi pas une proposition qui sera rémunérée. Le pitch gratuit en tout cas, je ne sais pas si c'est encore plus pervers que le CS, car on bosse vraiment avec des pros, et on ne les rémunère que si un ensemble de facteur convient.

FC : Hélas il y en a plein comme ça... DH : J'ai vu la liste noire sur votre site.305

FC : Notre charte a été validée par le ministère de la culture, suite à ça on a fait avec le centre des arts plastiques un PDF que l'on peut trouver facilement en ligne306

DH : Très bien fait en effet, présenté par Aurélie Filipétti.

...fin de l'entretien.

Geoffrey Dorne (entretien n°5)

Designer et gérant de l'agence Design&Human et bloggeur sur Graphism.fr, le 13 Avril par téléphone.

Né en 1985, Geoffrey Dorne est designer indépendant depuis 2005 et fondateur de Design & Human, une agence de design éthique, sociale et radicale. Diplômé de l'École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs de Paris (Ensad) en 2009. Il travaille à la fois le numérique et l'imprimé sur des

304 http://www.elodiecavel.fr/

305 AFD | Liste noire des appels d'offres de design, http://www.alliance-francaise-des-designers.org/blog/2010/12/15/liste-noire-des-appels-d-offres-de-design-et-de-communication-1.html, consulté le 7 décembre 2014.

306 ADEBIAYE F., 2014, Guide : « La commande de design graphique », s.l., Centre national des arts plastiques.

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projets pour de prestigieux clients comme la Croix Rouge, la fondation Mozilla, le Commissariat à l'Énergie Atomique, EDF, La Recherche sur le SIDA, la CNIL, Orange... Son travail orienté utilisateur (UX) est subtil, conceptuel et métaphorique. Responsable pédagogique au sein de la Webschool Factory, il dispense également des cours et des workshops dans plusieurs écoles en France (la Sorbonne, l'ENSCI, les Gobelins, l'école des Arènes de Toulouse, la Webschool Factory...).

En parallèle Bloggeur sur l'influant http://graphism.fr/ et suivi par 19,5K followers sur Twitter (@GeoffreyDorne) , Geoffrey fut également invité en 16 Juillet 2014 au ministère par Axelle Lemaire, Secrétaire d'État chargée du Numérique afin de rencontrer autour d'une table les responsables de Creads.

Son blog : http://graphism.fr/

Son profil Linkedin : http://fr.linkedin.com/in/geoffreydorne Le site de Design & Human : http://designandhuman.com/

Damien Henry : Tout d'abord, merci de m'accorder un peu de ton temps. J'aimerai donc profiter de ton expertise et ton retour sur les débats qui ont eu lieu au ministère avec Axelle Lemaire. Avant toi j'ai déjà recueilli les témoignages de B. Fluzin et François Caspar ainsi qu'un retour à chaud par téléphone de Sébastien Drouin. Toutes ces personnes sont assez singulières, avec leur approche. De vrais professionnels, exerçant chacun de façon différente ; indépendant, responsable d'agence, directeur de création...

Geoffrey Dorne : Nous n'avons pas la même façon de voir les choses en effet.

DH : Ton blog est très populaire et ton point de vue est certainement plus nuancé sur certains points vis à vis du CS, le fait que tu enseignes est également ce qui m'a attiré.

Tout d'abord une question autour de la qualité. Les Clients des plates-formes admettent eux-mêmes que les idées sont parfois inadaptées à la demande ou que certaines campagnes ne sont jamais dévoilées. (Suite à l'entretien avec Eyeka). Es-tu étonné que l'on se retrouve avec des « coups d'épée dans l'eau », des essais de CS qui ne fonctionnent pas ? Les clients se retrouvent devant les propositions et aucune ne colle avec leurs attentes.

GD : Qui leur correspond... Ça ne m'étonne pas d'un premier abord. Je ne sais pas s'il y a une obligation de résultat sur ces plates-formes de Perverted CS comme Creads et celle dont tu parlais tout à l'heure, que je ne connais pas encore. Je ne sais pas si par exemple il y a un obligation du type : « vous aurez forcément un logo qui vous plaira avec lequel vous pourrez repartir ». Je ne pense pas que ça soit le cas. Parfois, cela doit sûrement se faire au moins pire.

DH : En effet ce n'est pas le cas chez Eyeka, ils préviennent bien leurs clients au départ que le projet peut ne pas aboutir, surtout si au départ le client formule une demande complexe. Ils tentent donc au maximum de ne faire qu'une demande par concours. Il y a même des campagnes qu'ils refusent de faire « ça n'est pas fait pour le CS ». Je pense que cela varie selon les politiques des plates-formes.

GD : Cela ne m'étonne pas. D'un autre côté, le fait de ne pas aller jusqu'au bout c'est sans doute lié au fait que le designer, amateur ou non, ne rencontre jamais le client. Chez Creads, apparemment, c'est comme ça. Le brief émis par le client est remâché par l'entreprise au milieu et donné ensuite aux créatifs qui participent (notez bien le mot de créatif et non de designer volontairement employé par l'entreprise).Ainsi, pour faire un bon projet de design, selon moi, il faut rencontrer les personnes avec

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qui on travaille et pour qui l'on travaille. Il faut aussi rencontrer les utilisateurs, comprendre le contexte et s'imprégner de la culture du projet. Cela prend du temps, et cela fait parti du contrat moral et professionnel. Si une partie de ce contrat n'est pas accomplie, les projets peuvent en subir les conséquences et être annulés en plein milieu. Dans ce cas de figure avec le CS, le client peut aussi dire qu'il va sortir du projet, parce qu'il ne trouve pas ce qu'il cherche et le créatif peut aussi dire qu'il part en vacances...

DH : Ça rejoint beaucoup ce que disais Fluzin, qui m'expliquait que tout le processus créatif à mettre en place, dont ce brief qui d'ailleurs peut être amené à évoluer et un contrat qui précise bien les choses et les limites du projet.

GD : C'est comme ça que je l'explique à mes étudiants et aux gens avec qui je travaille régulièrement : un brief c'est un outil, qui est conçu avec un créatif, avec parfois les développeurs qui vont devoir intégrer, qui est conçu avec le directeur... avec les parties prenantes du brief finalement. Et ça c'est assez rare de voir cette situation en entreprise. Créer un brief, selon moi ça doit se faire ensemble. Une fois que l'on a créé ce brief, on est d'accord pour travailler sur ces modalités, sur un axe précis. C'est un peu comme un pacte, un point de départ ou un contrat moral entre les gens... Mais en tout cas c'est quelque chose qui doit se créer ensemble.

Le brief pyramidal top-down dans lequel on donne de façon autoritaire à quelqu'un des directives créatives, ça marche évidemment beaucoup moins bien que ci cela a été conçu tous ensemble.

DH : Il y a des agences tout de même où le brief se faire avec le client, en interne le brief est donné aux créatifs. Il y a tout de même un dialogue, même si le créatif ne voit pas le client directement.

GD : Ça repose sur la notion du dialogue, la création en général et le design plus précisément. Si le dialogue n'existe pas, ça ne m'étonne pas que ça n'aboutisse pas.

DH : Si l'on compare avec une commande classique passé à une agence ou un freelance, Compte tenu du fait que le créatif soit mis en dehors de la formulation du brief. Que peut-on dire de la qualité du résultat sur les plates-formes de CS ?

GD : La qualité est terriblement diminuée avec ce genre de commande par plusieurs facteurs :

La première raison, la personne qui crée n'est pas forcément un professionnel, ça peut être un amateur, ça peut être un étudiant, n'importe qui... un enfant, peu importe. Le résultat peut être totalement aléatoire.

Le second point, c'est question de brief et de dialogue qui n'est pas forcément intéressant dans une relation de Perverted CS comme Creads. Le fait qu'il y ait un intermédiaire, qui va servir d'interlocuteur principal, la plate-forme en l'occurrence diminue les échanges.

Enfin le manque de qualité financière du projet, où les tarifs sont terriblement bas, et faire un excellent travail avec un tarif en dessous des grilles classiques cela veut dire qu'au milieu quelqu'un se fait avoir. Quelque chose de qualité ne coûte pas forcément des fortunes, mais ça a un certain prix quand même (pas forcément un coût financier, mais un échange de valeur doit être opéré) et ça je pense que c'est un facteur non négligeable.

Les tarifs sont vraiment au dessous de ce que l'on peut trouver sur le marché classique du design ?

152

GD : Je suis en ce moment sur Creads, je viens de voir les projets, les tarifs sont ridicules : création de logo pour un parti politique à 400€

DH : Pour un parti politique, il y a une certaine visibilité, des enjeux plus grands que pour le petit commerce local. Est-ce que la qualité du design a un impact sur la communication des entreprises ?

GD : Oui tout à fait, au niveau du tarif, ça fait miroiter la valeur du travail est faible, en tout cas elle est drôlement amoindrie par rapport aux tarifs professionnels, et ensuite, on table plus sur la quantité que la qualité, au final on a un résultat toujours moindre.

DH : Dans le cadre d'une identité par exemple, selon l'avis de plusieurs designers, ce n'est pas la meilleure manière d'obtenir un résultat qui puisse être pertinent, au contraire, cela nuirait à la PME ou à l'entreprise faisant appel à ce service. Le risque que la commande ne corresponde pas aux besoins de la structure est énorme et peut-être sous-estimé. Mais peut-on trouver des avantages à passer par ce système en dehors de l'aspect financier attractif au premier abord ?

qu'

GD : Je réfléchi... honnêtement je me dis que si j'étais à la place d'une entreprise, peut-être que j'utiliserais le CS pour savoir comment les gens me perçoivent. C'est à dire que je pourrais dire par exemple « je suis une start-up qui réalise une nouvelle façon de s'alimenter par des boissons révolutionnaires... créez-moi un logo. » Tout à coup je me retrouve avec 100 propositions de logos, et je vois dans quel imaginaire les créatifs ou les gens en général perçoivent mon concept innovant. Sauf que cela n'a une valeur consultative : quand je parle de boisson innovante, et de nutrition les gens imaginent

une canette, ou plutôt une bouteille...Cela permettrait de défricher le terrain de façon visuelle. Et bien entendu, lorsque j'ai besoin de faire mon vrai logo, je ne peux plus passer par cet axe là car il faut choisir et trancher et avoir une vision graphique en plus de la vision entrepreneuriale.

DH : C'est justement la principale différence entre les deux plate-forme que je suis en train d'étudier : Eyeka a plus ce rôle d'audit auprès de grands comptes qui utilisent vraiment le CS comme un outil marketing plus que dans le but de produire un résultat fini. La logique d'interroger des amateurs prend-elle du sens dans ce cas ?

GD : Dans ce cas, ce n'est plus une plat-forme de création, mais plutôt une plate-forme de consulting où l'on interroge les gens, leur façon de voir les choses... Il y a déjà des entreprises qui le font, pour des marques, comment les personnes perçoivent l'univers de la marque etc... Et ça pour que cela soit bien fait, d'un point de vue qualitatif, des panels sont constitués à partir de personnes soit très différentes, soit au contraire au profil similaire. On est presque sur du sondage ou du focus-group, qui ont une meilleure représentation de la cible.

DH : On jette un peu une bouteille à la mer, et on attend de voir si elle va arriver sur un rivage... Dans le cas d'Eyeka on est sur de grosses structures qui peuvent se permettre de prendre ce risque et qui consacrent une partie infime de leur budget marketing à ces campagnes de CS. Celles-ci font appels aux consommateurs pour savoir comment elles sont perçues visuellement ou sur des slogans ou des accroches. S'ils souhaitent lancer une campagne cela peut être intéressant d'avoir ce retour de personnes qui sont intéressés pour travailler sur cette marque. Ma question c'est : est-ce dans cette stratégie marketing implique les consommateurs et renforce le lien avec la marque d'une manière plus créative et active ? Être à la base du d'un futur concept génère une notion de fierté, peut-être un

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besoin de reconnaissance « je serai peut-être le concepteur du futur packaging des pâtes Lustucru... Ma création sera dans un rayon. »

c'

GD : Ça je le comprends quand c'est un concours pour une ONG, type WWF307 {quoiqu'ils n'ont plus vraiment besoin d'être valorisés}, le plus beau dessin sera affiché en 4/3 dans le métro : ça fait briller les yeux, ça donne envie. Il n'y a cependant pas de relation directement financière dessus. Les marques le font aussi via Facebook ou Twitter : « Que pensez-vous de notre nouveau logo ? De notre produit... ? ». Dans le contexte du CS on demande une prestation aux fans de la marque ou aux consommateurs, est plus proche du travail. Je trouve que demander à ses clients de travailler pour soi pour une

rémunération utopique, parce que dans la plupart des cas il n'y en a pas du tout. C'est ce qu'on appelle le perverted CS : on perverti la mécanique du concours. Je veux bien un concours de dessin ou d'affiche, je trouve ça intéressant, mais il faut que ça respecte beaucoup de valeurs.

DH : Pour toi il y a tout de même, une différence entre le crowdsourcing et une plate-forme qui fait du perverted CS. À quel moment on bascule de l'un à l'autre ?

c'

GD : On bascule là dedans quand on en fait une plate-forme justement. Une plate-forme qui ne fait que ça. Une marque qui fait un concours, ça arrive. Ils se font épingler par l'AFD sur la question du concours illégal parce que c'est un appel d'offre déguisé, ou les droits de PI sont « réquisitionnés » après une faible rémunération. Si le concours est un acte gratuit, qui n'est pas indispensable à l'entreprise : est en général assez sain. Faire un concours pour faire le meilleur logo, ou la meilleure interface pour

le futur logiciel de l'entreprise : là c'est du travail déguisé sous forme de concours. C'est notamment là

qu' on bascule.

DH : Les marques le font, on le voit dans tous les secteurs, c'est donc assez difficile de faire la différence. Un site dédié comme celui de décathlon308 qui fait appel aux pratiquants pour concevoir les produits sportifs du futur et invite ensuite les gagnants dans l'entreprise pour participer avec les designers-maison à élaborer le produit avant production. Tu le classes à quel endroit ?

GD : Il faut lire les « petites lignes » pour savoir ce qu'ils font ensuite avec le produit du futur.

Il y a une zone grise, ce n'est pas noir ou blanc. Il y a forcément du flou entre les deux. Décathlon ne fait pas son beurre là-dessus. Ils ne vivent pas de ça. Creads le fait uniquement. Bien sûr c'est une opération marketing pour impliquer le consommateur dans la conception du produit. C'est très intéressant de faire ça, et je suis totalement partisan d'intégrer l'utilisateur dans la phase de conception, on l'invite à échanger, on lui offre des produits pour qu'il nous donne son avis sur le design, l'ergonomie, etc... Mais il faut voir jusqu'à quel point on l'implique, ce qu'on lui demande et les conséquences de son implication. Il faut bien laisser la personne à sa place : celle d'un non-professionnel qui a des idées neutres ou alors utopiques sur le sujet, et on va bien demander à un sociologue d'intervenir sur cette question là autour de la table ronde.

DH : Les participants, pro ou amateurs, ont des motivations souvent différentes. Concernant les professionnels, qu'est-ce qui les attirent d'après toi sur ces plates-formes ?

307 Creative Awards by SAXOPRINT, http://www.saxoprint.fr/creativeawards, consulté le 6 juillet 2015.

308 Open Oxylane - Sports co-creation platform, https://www.openoxylane.com, consulté le 19 novembre 2014.

154

GD : C'est une bonne question, j'en discute souvent avec mes étudiants, pour savoir s'ils connaissent Creads, s'ils ont déjà entendu parlé de cette pratique, pourquoi ils seraient tentés...Le premier critère de motivations c'est tout simplement l'argent. Potentiellement ils peuvent gagner 300-400€ en une soirée en faisant un logo sur Photoshop. C'est cet aspect financier qui motive ceux qui savent un minimum faire ce métier : de l'agent facile, vite fait bien fait. Une fois qu'ils comprennent un peu la mécanique le discours change. Je leur dis « dans 3 ans vous êtes diplômés, et vous ne pourrez plus faire ça, si vous le faites maintenant, vous tuez votre propre boulot à la sortie de l'école ». Ils pensent alors à plus long terme. Cet argent facile, de l'agent pourtant utopique puisque très peu réussissent finalement.

La seconde raison, c'est le fait que cela soit international : quelqu'un qui vit dans un pays où le SMIC [lorsqu'il y en a un] est 200€/mois, tout à coup, gagner le double en faisant un logo, cela devient une fortune. Le fait de désintermédier et de rendre la relation créatif-client internationale, cela ajoute encore de l'ampleur aux motivations.

Dernier point : avoir des client qu'on ne peut se permettre.

Le professionnel se dit donc « de toute façon, je serai meilleur que les autres, puisqu'ils sont tous amateurs, et je vais faire un super projet » sauf que la création choisie, n'est pas toujours la plus professionnelle, mais celle qui plaira le plus au commanditaire, qui décide. Il n'y aura pas de grille de lecture basée sur le design, mais plus sur le « j'aime, j'aime pas ». Le fait ensuite de se dit même si je ne gagne que 300€, ça ne représente rien dans mon budget professionnel, mais je vais peut-être pouvoir approcher cette marque pour un futur projet. Tout ça reste dans le conditionnel, car on ne peut jamais être sûr de gagner.

DH : On sait aussi que le book peut être très important lors d'un recrutement par exemple, surtout lorsque l'on débute. Pour ceux qui sortent de l'école, quelles sont les pistes pour démarrer et se faire des références qui ne soient pas des boulots d'étudiants ? C'est compliqué de démarcher au départ sans référence non ?

GD : En général c'est assez traditionnel, y'a trois façon de faire :

Les étudiants qui sortent d'école ont fait des stages, donc ils peuvent parfois, et en général ils le font, présenter des projets réalisés pendant ces périodes en agences, ça leur permet d'avoir des références professionnelles et montrer leur intervention, parfois c'est juste sur un petit logo, ou une plaquette, un site... mais c'est déjà ça.

Les projets qui sont parfois réalisés en cours, sont très variés et souvent de qualité professionnelle. On travaille avec de véritables entreprises, qui proposent un cahiers des charges aux étudiants et un projet pédagogique et de vraies contraintes. Dernière voie possible : démarcher en faisant des petits projets, lorsque l'on est encore étudiant, je l'ai déjà fait pour des associations, pour des petites structures, même si ce n'est pas très cher, ce n'est pas très grave. Ou alors faire des projets fictifs, et beaucoup d'étudiants font des projets pour lesquels ils sont leur propre commanditaire : il refondent des logos, des sites web, etc. ...Même si ce n'est pas rémunérateur, cela reste porteur de leur réflexion. [Pour ces projets fictifs, il faut se fixer les contraintes et on reste dans une réponse idéale non ?]

DH : Pour revenir au fait que des entreprises fassent appel aux écoles, s'agit-il de projets déjà réalisés qui donnent juste un cadre de réalisation identique à la demande réelle, pour avoir un cas d'école ? Ou bien est-ce un arrangement entre l'école et l'entreprise si ce projet est une première ? On serait dans une forme de crowdsourcing miniature, ou plutôt un mini appel d'offre à l'échelle d'une classe.

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GD : Je suis tout à fait d'accord avec toi, ça dépend évidemment des écoles, sans citer aucun nom, certaines récupèrent des briefs de projets déjà réalisés par une agence ou un studio. On travaille en conditions réelles. Ensuite il y a des entreprises qui exploitent leurs étudiants, pour les faire travailler gracieusement et les entreprises payent très cher les écoles qui gagnent donc de l'argent sur le dos des étudiants. Ce qui arrive aussi hélas.

Ensuite, il y a une zone grise aussi entre les deux, car l'entreprise ne va pas interagir avec l'école sur des projets à court terme (genre site web ou faire un livre), mais plutôt sur des projets à long terme et visionnaire comme sur les transports à Paris en 2030 et là les étudiants peuvent travailler et utiliser les contraintes dans lequel l'entreprise a des connaissances mais aussi sur une vision pédagogique : « j'imagine que le transport se fera de tel ou tel façon, ou l'interface du mobile sera plutôt comme ça... » C'est moins court-termiste qu'un projet qui serait financé directement. Et c'est évidemment encadré par un travail pédagogique derrière. Moi qui m'occupe un poste de responsable pédagogique dans une école [laquelle ?] je fais hyper attention et j'essaye de prévenir toutes les entreprises qu'on ne travaille pas pour elles mais plutôt elles qui travaillent pour les étudiants en leur donnant un maximum d'informations, le maximum de contexte, et tout ce qu'elles peuvent pour faite en sorte que les étudiants puissent imaginer les choses, créer, concevoir et qu'il y ai une relation inversée de ce que l'on pourrait croire habituellement.

DH : C'est rassurant d'entendre ça, puisque cette année j'ai découvert que des écoles incitaient leurs étudiants à aller sur Creads (EPMC La Ruche)

GD : ... [Silence qui en dit long] Ah ouais !

Il est possible que certaines personnes au niveau pédagogique ne réalisent pas les enjeux qui se cachent derrière le CS. Il n'y a aucune étude qui prouve vraiment si le CS met en danger la filière du design, d'un point de vue économique en tout cas. Personnellement je n'y crois pas trop. Par conte en quoi cela peut nuire au niveau professionnel. Peut-on trouver des points sur lesquels le CS, cet acteur un peu nouveau de la « place graphique », pouvant être nocifs pour les professionnels dans leur pratique quotidienne du design ?

GD : À court terme, les designers ne vont pas gagner moins d'argent. Parce qu'il y a moins de projet, ce n' est pas vraiment un souci économique. Les jeunes designers par contre seront en difficulté, parce qu'ils sont déjà à des prix très faibles et entre un client qui a 100 propositions de logo, pour 400€ et un client qui a 3 propositions de logo pour 400€, il risque d'aller vers la quantité. Ça peut nuire à mon avis à ceux qui démarrent, dans le métier. J'espère que ça ne sera pas comme ça, mais j'ai l'impression que ça en prend le chemin.

À plus long terme, c'est surtout un dévalorisation du savoir-faire du métier du design, car évidement ce métier n'est pas uniquement le résultat visuel final, mais c'est un processus, une réflexion, des recherches, de l'ethnographie, de la socio, un dialogue avec les utilisateurs de la marque, c'est faire des tests ergonomiques, faire énormément de choses qui ne sont pas juste un logo ou un graphisme, et résumer le métier du designer à la simple création graphique final, c'est amoindrir l'expertise. C'est un peu comme si je disais qu'un garagiste fait uniquement des vidanges, ou qu'un boulanger ne fait que des baguettes. Il y a tout un savoir-faire derrière, une démarche.

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Et c'est ça qui m'ennuie le plus, ça dévalorise le travail, pas uniquement au niveau des professionnels, mais aussi du grand public ou entrepreneurial, ça dévalorise l'image que l'on a du design, l'image que l'on a du designer, son savoir-faire, son sérieux la qualité et le prix que ça coûte aussi. C'est cet aspect le plus gênant, j'essaie de me battre contre ça justement en disant que le design n'est pas juste la couche visible de l'iceberg mais tout ce qui se trouve en dessous aussi.

DH : Pour toi le paysage graphique pourrait être chamboulé par la présence de cet acteur, mais aussi l'apparition de boulots faits par des amateurs ?

GD : Oui et surtout la qualité qui sort de ce type de plate-forme est pitoyable. J'ai juste vu des éléments, car de temps en temps je vais faire un tour sur Creads, pour aller voir ce qui a été réalisé,

c'

est vraiment de la très mauvaise qualité.

Ça m'ennuie profondément, je suis un peu utopiste, j'ai tendance à croire qu'on peut tirer les choses vers le haut, sortir des meilleurs designs... Mais en fait ce genre de plate-forme arrive à prouver que des gens font l'inverse en tirant la qualité vers les bas. C'est vraiment dommage car ce n'est l'intérêt de personne. C'est chercher au moins cher, au moins intéressant, et donc : au moins qualitatif.

DH : Avec François Caspar nous avons abordé aussi cet aspect, et on parlait d'un graphisme à deux vitesses qui pouvait apparaître. On le voit déjà avec des formations de graphiste-express où tu deviens en 5 mois un infographiste prêt à servir, capable uniquement d'utiliser des outils. On voit du coup apparaître un marché saturé de graphistes en tout genre, souvent difficile même de déterminer qui est réellement professionnel et qui ne l'est pas. On a vu à l'instant que le métier ne tenait pas uniquement à une expertise technique, finalement ce graphisme à deux vitesses peut-il s'accentuer dans les prochaines années ?

GD : C'est intéressant cette notion de graphisme à deux vitesses, je ne l'avais jamais envisagé sous cet angle là. Les gens qui ont du boulot, les stars ou les gens qui sont juste très bons (les amateurs). Je me fais pas de soucis pour eux, les gens qui sortent d'ESAG, qui font de la typo de façon nickel, sur du court terme ils n'ont pas de raison de se faire du souci, les gens qui ont des réseaux professionnels étendus n'ont pas besoin de ça. Ça ne va pas les atteindre je pense. Mais les salaires sont aussi à deux vitesses, ceux qui démarrent dans la profession, ou ceux qui ne sont pas dans les réseaux parisiens centrés mais plutôt en province, et qui font des petits boulots pour des associations, pour des petites boutiques, etc. Eux seront probablement les premiers atteints, ça m'ennuie vraiment, les plus faible seront touchés en premier.

c'

DH : Le statut d'indépendant, en ce moment on constate d'ailleurs une certaine remise en cause du système MDA, j'ai un avis là dessus qui peut être erroné mais ce fonctionnement est tellement compliqué (comme celui des intermittents) que peut-être, par facilité on peut aller se tourner vers ces plates-formes qui proposent un gain simple. Que l'on doit de toute façon déclarer, à la MDA, mais ça est écrit en petit et rien ne contrôle le devenir des gains. Qu'est-ce qui est remis en cause sur ce

système ?

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GD : La MDA va apparemment fusionner avec l'URSSAF, ou les Agessa je ne sais plus. La maison des artistes, une enquête a été faite par l'AFD309 et François t'en a peut-être parlé, qui fait que la MDA refuse de plus en plus les designers au sein de leurs cotisants, ce qui serait illégal de sélectionner des gens qui entrent dans les cases mais sous prétexte qu'ils sont designers, ils ne les acceptent pas. Alors pas étonnant qu'ils soient un peu effrayés par ça : c'est compliqué, c'est très mal géré, ils sont en sous-effectifs et parfois pas très compétents. Car ils n'ont pas toujours les connaissances sur les métiers de la création et les métiers du graphisme ou de la photographie, donc forcément les étudiants vont vers les plates-formes. Je ne sais pas si on peut être payé via Paypal, mais si c'est possible, cela reste en circuit fermé, il n'y a pas de déclaration... Le créatif se dit qu'il est tranquille. C'est une vision très court-termiste et un peu infantile mais j'ai été ravis le jour où j'ai pu quitter la MDA pour créer une société, je gagne bien moins avec les charges, mais je cotise pour ma retraite, j'ai un interlocuteur fiable, un comptable : c'est bien plus carré, et c'est plus solide que d'être à la MDA avec toutes les surprises qui vont avec.

DH : J'y ai fait un court passage aussi, mais cela m'a donné suffisamment envie de devenir salarié et poursuivi quelques années pour justifier des choses qui n'avaient même pas été correctement payées par le commanditaire, au final je pense avoir plus cotisé que réellement gagné.

GD : Ça m'étonnes pas, rien que le précompte, le 1%...

DH :...Rien que l'expliquer au client, c'est anti-commercial au possible !

GD : Je connais un peu les rouages de tout ça et en effet, il faudrait revoir ce statut et le faire vraiment plus simplement. En Belgique ils font ça très bien je crois, en Suède aussi ils ont des statuts très intéressants, les bons modèles ne manquent pas en Europe, mais en France on est pas toujours gâtés.

DH : Il faudrait créer une maison des graphistes !

GD : Oui la maison des graphistes ou la maison des designers...? En profiter pour appeler ça autrement que « maison » ça rappellerait trop de mauvais souvenirs (MDA)!

DH : La caverne des graphistes...

GD : Pas mal. Ça fait donc aussi parti des raisons pour lesquelles j'ai décidé de créer mon entreprise, pour sortir de ça, avec d'autres contraintes qui ne sont pas non plus évidentes mais c'est une autre aventure !

DH : En tout cas ça m'a encore apporté des petites choses, un point de vue aussi singulier sur l'enseignement, ce n'était pas évident puisque tu es le troisième professionnel du design avec qui je

m'

entretiens. Si tu souhaites ajouter des choses n'hésite pas.

309 Réforme du régime de sécurité sociale des artistes auteurs Illustration: Erick Duhamel, http://petitions.upp-auteurs.fr/appel.php?petition=445, consulté le 6 juillet 2015.

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GD : Oui justement j'avais noté quelques petits points : je ne sais pas si tu avais lu mon article sur Axelle Lemaire et les graphistes310...

DH : J'ai lu plusieurs comptes rendus, peu être pas tous

GD : C'est quelque chose que j'ai remarqué par rapport à Creads notamment, c'est qu'en fait au départ ils se présentaient comme la plus grande agence participative, et petit à petit, dans le vocabulaire, ils ont commencé à faire une translation, en ne parlant plus uniquement que de concours et de créatifs. C'est intéressant car on ne s'adresse plus à des professionnels, mais d'un coup « tout le monde est créatif » en terme de langage, ça a évolué. On ne fait plus des projets, mais des concours. Cette translation de vocabulaire est assez intéressante pour être soulignée. Et ensuite Creads, révèlent les talents de jeunes artistes, et non plus graphistes... ce mot disparaît. Ensuite le fait qu'ils prennent 50% de marge sur tous les prix, ça ils ne le mettent pas du tout en avant... Et 50% pour un intermédiaire c'est vraiment beaucoup. Parfois même ils sont amenés à refaire les créations graphiques des gagnants.

J'avais discuté pas mal avec eux, pour comprendre leur fonctionnement, ils ont un studio interne, qui retouche parfois les fichiers de logos faits dans Photoshop de mauvaise qualité, et décline le projet, redessine, etc. Ce sont des choses en interne que l'on connaît moins. Ce temps que j'avais d'ailleurs pris avant la rencontre avec A Lemaire, m'a valu quelques critiques de la part de quelques graphistes un peu « trolls » sous prétexte d'avoir rencontré l'ennemi.

DH : Au moins tu es légitime dans ton analyse.

Il faut en effet bien montrer qu'il y aune zone grise, c'est là où ton mémoire sera le plus intéressant. Dire comment ça se passait avant, les concours, etc. Voilà comment ça se passe aujourd'hui à l'extrême et l'industrialisation de la création pas chère, et au milieu, les choses qui peuvent être intéressantes. Des personnes comme Marie Julien, par manque de connaissance de la plate-forme dans les détails, ont tenu des propos extrêmement déplacés vis à vis d'Axelle Lemaire : « Si Creads emploie des graphistes gratuitement, est-ce que moi aussi je peux le faire ? » Cette réunion était très peu constructive car trustée par deux ou trois personnes monopolisant la parole autour de la table. Ces personnes étaient juste là pour dire « le CS c'est mal et nous on fait des trucs bien et c'est tout ». Il faut un dialogue plus riche car le CS risque d'exister encore longtemps.

DH : Des initiatives comme l'ANEC de Sébastien Drouin, le guide de la commande graphique ou le livre de B Enns traduit par F Caspar est des formes de réponses.

Le CS ne peut pas être interdit sous prétexte qu'il gêne une profession. Bien que c'est ce qui se passe avec les taxi et Uber pop.

qu'

GD : Apparemment, on ne peut interdire ces plates-formes, une fois qu'elles existent... qu'est-ce on fait ? Une fois qu'on déconstruit leur mécanique, comment on agit pour transformer ça à notre

avantage ?

310 Dorne Geoffrey, Graphisme & interactivité blog de design par Geoffrey Dorne » J'ai rencontré Axelle Lemaire, Creads et des graphistes. http://graphism.fr/resume-jai-rencontr-axelle-lemaire-creads-des-graphistes/,

consulté le 16 novembre 2014.

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DH : Ma théorie c'est que ces plates-formes vont finir par être désertée par les professionnels, au bout de 2 ou 3 concours, auront-ils toujours la motivation de participer, en découvrant qu'ils ne peuvent mettre le logo de la marque dans leur book alors que c'est exactement ça qui les a poussé à participer. Pour le moment ces plates-formes sont jeunes, on manque de recul, certaines n'ont d'ailleurs pas encore fini de trouver leur modèle et pourraient encore évoluer. Mais Comme pour Uber, on ne peut réagir sans comprendre ce qui nous permet de tirer notre épingle du jeu.

GD : On est encore dans l'émotion... avec ton mémoire on commencera à avoir des réponses analytiques. On a besoin de ça :)

2) Sources et références Creads

Témoignages et citations sur Creads Fabienne Chabus (@freesylo)

Conceptrice rédactrice freelance ( www.fabiennechabus.fr) et créatif sur Creads (@freesylo), Le 28 Juillet 2015, par mail.

Bonjour Damien,

Je viens d'envoyer mes réponses à votre formulaire d'enquête. J'espère que d'autres créatifs en feront autant pour étoffer votre étude. En premier lieu, j'ai été surprise par votre chiffre de 544 gagnants !!! Seulement !!! Depuis 2008, année de lancement de la plateforme.

Les chiffres sont implacables et ils ont toujours raison. Après, je dirais qu'il faut vivre de l'intérieur le crowdsourcing pour savoir exactement de quoi il en retourne. Mais effectivement, si on épluche un peu les résultats, ça saute aux yeux que plus le nombre de victoires est important, plus le suivi de participation et le professionnalisme d'une poignée de créatifs devient évident.

Pour compléter le questionnaire de votre enquête, je vous apporte volontiers quelques précisions :

> Concernant les Elite, en effet, je suis très souvent sollicitée et ai remporté d'ailleurs plusieurs concours de ce type, dont celui pour Boulanger avec le naming « SOLVAREA ». Il s'agissait d'un appel d'offres avec mise en concurrence entre plusieurs agences. Creads l'a ainsi remporté et il figure dans les « Références » en vitrine du site. Toutefois, vous noterez, qu'il n'y est cité que la mention du logo réalisé à la suite.

> « De quelle façon abordez-vous une commande classique en freelance (échanges client), cela est-il sensiblement différent sur Creads ? »

Comme énoncé en réponse à votre questionnaire, j'estime en effet que les briefs postés sur Creads manquent souvent de précisions. De plus, sans lien direct avec l'annonceur, il faut se débrouiller avec, ou plutôt sans, avec simplement un brief « stéréotypé ».

Seule l'expérience Agence et freelance, permet dans ce cas de savoir à peu près comment orienter une demande, ou tout du moins de savoir quel est le territoire de communication ou le ton à rechercher. Le manque de « dialogue » direct avec le client, par rapport à une commande exercée en freelance est flagrant. Quand j'ai une demande de naming en direct, je prolonge toujours le brief par un entretien où je peux sonder plus facilement les attendus, être à l'écoute de la sensibilité de mon interlocuteur pour répondre plus facilement aux besoins et viser juste.

Si vous avez d'autres questions, je reste bien volontiers à votre disposition.

Bien cordialement, Fabienne

160

PS : Merci d'avance de bien vouloir me communiquer le résultat de votre étude à publication.

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@Mistizouk

Créatif sur Creads (@Mistizouk), par messages depuis la plate-forme Creads, Juin 2015.

C'est noël

J'espère que mes réponses t'aideront même si je ne suis pas la meilleure dans le classement de la communauté ! Fais-tu parti toi aussi de Creads ? Pour ma part, j'ai répondu à beaucoup de projets avant même d'avoir 1 victoire, alors pourquoi y revenir tu me diras... et bien quand tu gagnes, c'est comment dire, noël avant noël ! Tu as l'impression d'être Di Caprio à l'avant du Titanic en train de crier, je suis le roi du monde. Gagner face à des centaines d'autres candidats cela te rebooste forcément et te pousse à croire que tu as bien fait d'aller dans cette voie !

Bonne journée Damien H

Se libérer de l'agence :

Me mettre en freelance c'était une délivrance effectivement, en agence on est tenu par la hiérarchie qui le plus souvent reste très administrative et ne laisse que peu de temps à la créa ! On nous prend pour des divas ! Moi je vais répondre au projet de la talonnette, si cela te tente... qui sait, je voterai peut-être pour toi sans le savoir !

Méconnaissance du métier :

« Sinon une autre difficulté c'est de faire comprendre à certains clients que c'est un métier et qu'il y a un réel travail de recherche derrière, de création, de veille. J'aime certaines réflexions que peut dire un client.311 » (@Wilko87)

Les participants regrettent l'ancien forum :

« Dommage, dommage qu'il n'y ait plus de forum pour s'exprimer publiquement. Bonne journée. » (@sifflodoc 2 juillet 2015)

Commentaires autour des échanges entre membres :

« Oui, je pense que commenter objectivement est une chose très importante » (@Freestylo)312

« Pour moi l'esprit de partage est plus important que celui de compétition » (@Mandine44 sur le blog Creads).

Parfois cela peut même donner lieu à des collaborations entre un créatif et un rédacteur :

« Sur ce projet, j'ai travaillé en team avec une jeune et talentueuse rédactrice également inscrite depuis peu sur Creads. Je tenais donc à la remercier et à l'associer à ce travail. » (@Ezpeletar !) 313

311 Paroles de Créa : Découvrez l'interview de Wilko87 [En ligne]. Creads. Disponible sur : <

http://www.creads.fr/blog/graphiste-freelance2/paroles-de-crea-decouvrez-linterview-de-wilko87 > (consulté le 25 juillet 2015)

312 http://www.creads.fr/blog/graphiste-freelance2/paroles-de-crea-freestylo#sthash.x93kX4lr.dpuf

313 Paroles de Créa - Découvrez l'interview de @Ezpeletar ! [En ligne]. Creads. Disponible sur : < http://www.creads.fr/blog/graphiste-freelance2/paroles-de-crea-ezpeletar > (consulté le 25 juillet 2015)

162

Un moyen de progresser

« L'expérience Creads m'a clairement permis de m'améliorer, voire de démarrer d'une page quasi blanche. Avant j'avais seulement fait un ou deux logos de base et Creads m'a vraiment permis de progresser sur le plan technique, et de me confronter à des graphistes de talent et à des clients pas toujours faciles à comprendre. Je ne pense pas que j'aurais pu avancer de cette manière sur le plan professionnel sans cette corde très utile à mon arc. » (@RDCom !)314

Méconnaissance du métier

« Sinon une autre difficulté c'est de faire comprendre à certains clients que c'est un métier et qu'il y a un réel travail de recherche derrière, de création, de veille. J'aime certaines réflexions que peut dire un client.315 » (@Wilko87)

Les Conditions générales d'utilisation Creads (CGU)

« Creads est une agence de communication qui assure un haut niveau de service à ses Clients, que ce soit dans le cadre de Projets Internes, d'Appels à la Création ou d'un mix entre ces deux processus de création. Dans ce cadre, elle a pris l'initiative et la responsabilité de développer le Site, à partir duquel les Créatifs peuvent librement contribuer aux Appels à la Création. » (CGU creads)

Creads et le community management

« Bonjour, damienhenry !

Je suis Aurélien, Community Manager chez Creads.

Je suis ravi de vous accueillir au sein de notre communauté :)

Pour bien commencer sur Creads, je vous suggère de remplir votre profil. Cette étape sera nécessaire

pour que nous puissions vous contacter et que vous empochiez vos gains lors de victoires de projets. »

Vos premiers pas dans l'agence Creads :

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314 Paroles de Créa - Découvrez l'interview de @RDCom ! [En ligne]. Disponible sur : < http://www.creads.fr/blog/graphiste-freelance2/paroles-de-crea-rdcom > (consulté le 25 juillet 2015)

315 Paroles de Créa : Découvrez l'interview de Wilko87 [En ligne]. We are a design tribe - CREADS. Disponible sur : < http://www.creads.fr/blog/graphiste-freelance2/paroles-de-crea-decouvrez-linterview-de-wilko87 > (consulté le 25 juillet 2015)

Le concours Segasel

La page du projet Segasel sur Creads : http://www.creads.fr/creation-logo-entreprise/garage-reparation-poids-lourds/gallery

 
 

163

 

164

Le Brief du concours Segasel

Disponible sur : http://www.creads.fr/creation-logo-entreprise/garage-reparation-poids-lourds/brief Brief créatif par Aurelien - Chef de projet :

Contexte Du Projet :

Bonjour à tous,

Nous vous sollicitons pour la refonte de l'identité visuelle de SEGASEL, garage de réparations poids lourds. Il s'agit de moderniser fortement le logo SEGASEL (disponible en pièce-jointe). Vous pouvez modifier de nombreux éléments mais l'idéal serait de conserver une suite logique afin que nous puissions sensiblement reconnaître l'ancien logo.

Obligations :

· reprendre l'idée du camion tout en le modernisant.

· Ne pas représenter un modèle en particulier. Le camion doit être intemporel et peu figuratif et éviter le format vertical, peu pratique.

· couleur dominante bleue

· Baseline : Segasel s'occupe de tout, Segasel s'occupe de vous

· Mots clés : sérieux, moderne, innovation, dynamisme.

Bonne créa :)

Stratégie de marque Nom de logo : Segasel

Baseline : Segasel s'occupe de tout, Segasel s'occupe de vous

Objet du logo : Segasel est un garage de réparations poids lourds. Segasel représente la marque DAF mais répare toutes les marques de camion ainsi que les remorques et semi remorque. Segasel vend des camions neufs DAF et des poids lourds occasion toutes marques (même si Segasel préfère vendre des occasions en Daf) Segasel vend des pièces détachées pour poids lourds et remorques. DAF et toutes marques. Le logo actuel représente un camion en vertical ( certains y voient une clé a molette)avec le coeur vendéen au milieu il a le défaut d'être statique et vertical.il a la qualité d'être connu. Il faut le dynamiser et le moderniser

Renseignements sur Segasel : www.segasel.fr

Cibles : Tout propriétaire de camion. Clientèle exclusivement professionnelle clientèle locale en camions neufs et internationale en camions d'occasion. Pour les réparations clientèle locale et clientèle de passage.

Concurrents : Les garages qui représentent d'autres marques poids lourds sur le secteur SDVI pour la marque IVECO, BERNIS pour la marque Renault Trucks, Seguin Trucks pour la marque VOLVO,DIAN pour la marque Scania, SAGA pour la marque Mercedes, Man France pour la marque MAN ou des garages qui représentent la même marque : Sidan à la Roche sur Yon pour DAF Ou des garages indépendants (Savarieau TVI, Rondeau Frères, Chiron Eds, G Trucks...)

Valeurs à véhiculer : Sérieux, service, professionnalisme, disponibilité, professionnel, formation continue du personnel, innovation dans le service

Supports D'application : Carte de visite, entête facture, web, bâtiment, véhicules Direction créative

Type de logo recherché Pictural / illustratif :

Abstrait :

165

Contrainte typographique : /

Obligations et recommandations : /

Interdits : politique, religion, sexe

Logos appréciés par le client : Total

Logos non-appréciés par le client : Facebook car le f ne fait pas rêver

166

Capture du site Segasel

Capture de la page d'accueil du Site www.segasel.fr du 24 Juillet 2015.

Quelques lignes pour défendre son travail

Démarche créative

J'ai tout d'abord crayonné plusieurs formes de camion en essayant de conserver l'essentiel sans pour autant donner l'impression d'avoir affaire à un transporteur. J'ai ensuite ajusté les pleins et déliés afin de garder un équilibre entre la typographie Eurostile légèrement compacte et la forme du camion plus élancée. Pour finir la couleur est choisi en fonction des codes du secteur (IVECO, Michelin), mais le Rouge n'a pas été conservé car jugé trop agressif et cela pourrait rappeler IDlogistics.

Pertinence : en quoi votre création répond aux besoins du client ?

Pour rester dans l'univers existant de la marque, j'ai choisi de conserver la typographie Eurostile utilisée sur le site Segasel, et d'illustrer par un pico stylisé de camion à la fois la dynamique, le mouvement souhaité par le client mais aussi pour être clairement identifié comme acteur du secteur. En ce qui concerne la Baseline, la répétition Segasel, couplée au logo, rend l'ensemble un peu trop redondant. Je propose une approche plus légère, bien que le brief exige la répétition du mot.

167

Captures du site Creads

Home page de Creads 2015

http://www.creads.fr/

Le blog Creads

http://www.creads.fr/blog/

168

 

La page projets de Creads
http://www.creads.fr/projets

169

Les avatars des membres sur Creads

SPCK
L) 3171V

.101..44,01.14

041114. PriPlara

L.

G

1~

B. ['i

lid

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4

170

171

Le mur communautaire

http://www.creads.fr/community/search/creatif

172

Le site Creads : 2014 en chiffres

Le Blog de Creads, http://www.creads.fr/blog/concours-creation/creads-2014-chiffres

Les offres disponibles sur Creads (partie dédiée aux entreprises)

173

174

Études des gagnants sur Creads

Proportions des gagnants sur la communauté Creads

544 Gagnants 2%

23706

Non-gagnants

98%

 

77

Les gagnants par concours

350

322

Nombre de gagnants

300 250 200 150 100

38 27 14 12 2 7 6 4 6 2 8 2 1 2 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1

50

0

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 19 20 21 22 25 28 29 31 33 35 39 54 58 127 Nombre de concours remportés

9

3

1

7

10

8

page

5

4

2

% des victoires

% de gagnants

6

% des membres

total victoires

total global

nbre de gagnants 322

>10 137

Nombres de victoires

1814

59,1 14,1

1,32 0,31

17,7 8,49

322

26

25

35

27

30

14

18

4

6

1

victoires

154

17

19

10

4

4

2

8

8

3

1

1

77

2

6,98 4,96

6,28 5,95

0,15 0,11

114

13

12

8

3

1

1

38

3

108

15

2

2

7

1

27

4

0,05 0,04

2,57 2,20

3,86 3,97

11

2

1

70

14

5

2

3

7

72

12

6

0,00 0,02

0,36 1,28

0,77 3,09

2

14

2

7

2425

4

2

1

56

7

8

Membres de la communauté

2,98 2,21

0,02 0,01

1,10 0,73

5

1

54

6

9

Les gagnants référencés par page sur Creads

4

40

10

4

0,02 0,00

3,64 1,32

1,10 0,36

5

1

66

11

6

2

24

12

2

0,03 0,00

5,73 1,54

1,47 0,36

104

7

1

13

8

2,24

544

1

1

28

14

2

% des membres

nombre de gagnants

0,00 0,00

0,18 0,36

0,83 1,76

1

15

15

1

2

32

16

2

0,00 0,00

0,18 0,18

1,05 1,10

1

19

19

1

1

20

20

1

0,00 0,00

0,18 0,18

1,16 1,21

1

21

21

1

3,33

1

22

22

1

moyenne des victoires générales

0,00 0,00

0,18 0,18

1,38 1,54

1

25

25

1

1

28

28

1

0,00 0,00

0,18 0,18

1,60 1,71

1

29

29

1

3,80

1

31

31

1

0,00 0,00

0,18 0,18

1,82 1,93

1

33

33

1

1

35

35

1

2,15 2,98

0,00 0,00

0,18 0,18

1

39

39

1

1

54

54

1

0,00 0,00

0,18 0,18

3,20

1

58

58

1

127

127

7,0

1

1

175

176

Les gagnants sur Creads et Eyeka

Étude et analyse du site

identifiables selon CREADS

Membres de la communauté

Selon étude des profils affichés

en 2013

2014

en 2015

24 250

53 666

50000 +

50000 +

Gagnants (qui ont gagnés au moins un concours)

total

part de la

communauté (selon creads)

part de la communauté (affichés)

total

544

1,01%

2,24%

NC

victoires (nbre concours)

total projets identifiés

Nombre de victoire moyenne par gagnant

global en 2013

nombre de projets en 2014

global en 2015

1814

3,33

1512

343

1807

Gains indiqués (Euros reversés)

impossiblité de parcourir les archives des concours

global en 2013

pour l'année 2014

global

NC

658 727€

NC

NC

Créations déposées

affichage ne permettant pas de faire une estimation

global en 2013

pour l'année 2014

global

NC

284 554

29 567

300 000

Gains moyens par création

NC

2€

NC

NC

Gains moyens par concours

NC

global en 2013

pour l'année 2014

global

436€

NC

NC

propositions moyenne par concours

affichage ne permettant pas de faire une estimation

global en 2013

pour l'année 2014

global

 

NC

188,20

86,20

166,02

Données du sondage

total

identifiables

Selon Creads

Selon Membres de la communauté

total membres

% de la communauté

% de la communauté base 2013

43 0,18% 0,08%

Selon les gagnants

total gagnants

% gagnants

% gagnants

43

7,90%

NC

selon les victoires (nbre concours)

total victoires

% victoires

% victoires 2015

305

16,81%

16,88%

selon les Créations déposées

créations déposées

% créations déposées

% créations déposées base 300 000

 

19 143

NC

6,38%

177

Résultats bruts de l'enquête

Avant de trier les données, Google form permet de visualiser les réponses de manière « brutes ». Nous les avons ensuite croisées pour obtenir des résultats par catégories de profil.

Pour des raisons financières [Quelles sont les raisons qui vous poussent à participer ?]

Motivation prin...

Motivation sec...

Peu intéressé...

Motivation principale

20

46.5 %

Motivation secondaire

21

48.8 %

Peu intéressé par cet aspect

2

4.7 %

Par passion pour la création [Quelles sont les raisons qui vous poussent à participer ?]

Motivation prin...

Motivation sec...

Peu intéressé...

Motivation principale

35

81.4 %

Motivation secondaire

7

16.3 %

Peu intéressé par cet aspect

1

2.3 %

Pour "changer" de l'agence [Quelles sont les raisons qui vous poussent à participer ?]

Motivation prin...

Motivation sec...

Peu intéressé...

Motivation principale

6

14 %

Motivation secondaire

5

11.6 %

Peu intéressé par cet aspect

32

74.4 %

Se mesurer aux autres créatifs [Quelles sont les raisons qui vous poussent à participer ?]

Motivation prin...

Motivation sec...

Mot

Peu intéressé...

Comme tremplin professionnel [Quelles sont les raisons qui vous poussent à participer ?]

Motivation prin...

Motivation sec...

Peu intéressé...

178

Motivation principale

 

7

16.3 %

Motivation secondaire

16

37.2 %

Peu intéressé par cet aspect

20

46.5 %

Avez-vous utilisé certaines de vos créations soumises pour votre book (portfolio) ?

oui 22 52.4 % non 20 47.6 %

47.6%

52.4%

Après avoir gagné un concours, avez-vous échangé avec le client ?

76.7%

23.3%

oui j'ai échangé avec lui 10 23.3 % non jamais 33 76.7 %

Le brief est-il suffisament complet pour fournir une réponse pertinente ?

51.2%

30.2%

18.6%

Toujours

 

13

30.2 %

Il manque parfois des éléments pour avancer

22

51.2 %

C'est souvent compliqué de cerner la demande

8

18.6 %

Estimez-vous avoir un bon taux de réussite ?

16

12

8

4

0

1 2 3 4 5

179

Moins de réussiste : 1

 

7

16.3 %

2

15

34.9 %

3

18

41.9 %

4

2

4.7 %

Très bon taux de réussite : 5

1

2.3 %

180

Taux de réussite des participants à l'enquête sur Creads

Taux de réussite des participants à l'enquête profils

 

Nombre de concours gagnés moyen

créations
déposées
(moyenne)

nombre de création pour 1 victoire

taux de réussite - moyenne

sensation / estimation

nombre de personnes

% profils des sondés

moyenne globale

7,09

445,19

69,22

3,34%

2,42

 
 

total

305

19 143

 
 
 

43

 

par statut

 
 
 
 
 
 
 

Professionnels

6,88

395,29

61,06

4,45%

2,54

24

55,81%

Créatif en Agence (ou studio)

4,75

33,75

9,88

14,01%

3,00

4

9,30%

créatif en agence et freelance

15,00

589,00

39,27

2,55%

3,00

1

2,33%

Freelance

6,82

448,88

72,90

2,67%

2,47

17

39,53%

independant qui paie ses cotisations

33,00

1750,00

53,03

1,89%

1,00

1

2,33%

Créatif en service communication

6,00

389,00

64,83

1,54%

3,00

1

2,33%

presque pro...

3,50

344,50

110,01

1,01%

1,50

4

9,30%

freelance à la recherche d'une opportunité

9,00

743,00

82,56

1,21%

1,00

1

2,33%

À la recherche d'une opportunité en agence

1,67

211,67

119,17

0,94%

1,67

3

6,98%

Amateur

6,80

484,73

73,37

2,13%

2,47

15

34,88%

Employé dans un autre secteur

7,92

577,00

80,42

1,54%

2,33

12

27,91%

particulier

3,00

168,50

62,75

1,77%

3,00

2

4,65%

etudiant management

1,00

10,00

10,00

10,00%

3,00

1

2,33%

par parcours

 
 
 
 
 
 
 

J'ai fait des études supérieures d'art

6,08

361,58

70,47

3,67%

2,50

12

27,91%

À la recherche d'une opportunité en agence

1

80

80

1,25%

2

1

2,33%

Freelance

7,14

506,86

91,77

2,70%

2,71

7

16,28%

Créatif en Agence (ou studio)

3

30,5

11,5

9,89%

2,5

2

4,65%

créatif en agence et free

15

589

39,27

2,55%

3

1

2,33%

Employé dans un autre secteur

1

61

61

1,64%

1

1

2,33%

J'ai suivi une formation en infographie

4,25

322

81,06

2,88%

1,75

4

9,30%

À la recherche d'une opportunité en agence

2

360

180

0,56%

1

1

2,33%

Créatif en Agence (ou studio)

3

39

13

7,69%

3

1

2,33%

Freelance

3

146

48,67

2,05%

2

1

2,33%

freelance à la recherche d'une opportunité

9

743

82,56

1,21%

1

1

2,33%

Je suis autodidacte

8,74

544,70

65,67

3,54%

2,39

23

53,49%

À la recherche d'une opportunité en agence

2

195

97,5

1,03%

2

1

2,33%

Créatif en Agence (ou studio)

10

35

3,5

28,57%

4

1

2,33%

Créatif en service communication

6

389

64,83

1,54%

3

1

2,33%

Employé dans un autre secteur

10,25

755

86,30

1,45%

2,375

8

18,60%

etudiant management

1

10

10

10,00%

3

1

2,33%

Freelance

7

437,44

60,91

2,73%

2,33

9

20,93%

independant qui paie ses cotisations

33

1750

53,03

1,89%

1

1

2,33%

particulier

4

172

43

2,33%

2

1

2,33%

la réponse D (ces personnes ont de l'humour)

3,5

247

74,03

1,61%

3

4

9,30%

Employé dans un autre secteur

4

274,33

71,21

1,74%

2,67

3

6,98%

particulier

2

165

82,5

1,21%

4

1

2,33%

181

Profils des participants à l'enquête sur Creads

Les résultats on été obtenus après un tri des données brutes issues du questionnaire réalisé auprès d'un panel de 43 gagnants.

 
 
 
 
 
 
 

Avez-vous utilisé certaines de vos créations soumises pour votre book (portfolio) ?

 
 
 

taux

échange client

brief

book

profils

 

taux de
réussite -
moyenne

oui j'ai échangé avec lui

Non jamais

toujours
complet

C'est souvent compliqué de

cerner la

demande

Il manque
parfois des
éléments pour
avancer

Oui

Non

nombre de personnes

% profils des sondés

 

3%

23%

77%

30%

19%

51%

53%

47%

 
 
 
 

10

33

13

8

22

23

20

43

 

par statut

Professionnels 4%

14%

42%

9%

12%

35%

40%

16%

24

55,81%

Créatif en Agence (ou studio)

14%

0%

9%

2%

0%

7%

7%

2%

4

9,30%

créatif en agence et freelance

3%

2%

0%

2%

0%

0%

2%

0%

1

2,33%

Freelance

3%

12%

28%

5%

12%

23%

28%

12%

17

39,53%

independant qui paie ses cotisations

2%

0%

2%

0%

0%

2%

2%

0%

1

2,33%

Créatif en service communication

2%

0%

2%

0%

0%

2%

0%

2%

1

2,33%

presque pro...

1%

5%

5%

5%

2%

2%

9%

0%

4

9,30%

freelance à la recherche d'une opportunité

1%

0%

2%

2%

0%

0%

2%

0%

1

2,33%

À la recherche d'une opportunité en agence

1%

200%

2%

2%

2%

2%

7%

0%

3

6,98%

Amateur

2%

5%

30%

16%

5%

14%

5%

30%

15

34,88%

Employé dans un autre secteur

2%

5%

23%

16%

2%

9%

5%

23%

12

27,91%

particulier

2%

0%

5%

0%

2%

2%

0%

5%

2

4,65%

etudiant management

10%

0%

2%

0%

0%

2%

0%

2%

1

2,33%

par parcours

J'ai fait des études supérieures d'art 3,67%

9%

19%

9%

5%

14%

23%

5%

12

27,91%

À la recherche d'une opportunité en agence

1,25%

0%

2%

2%

0%

0%

2%

0%

1

2,33%

Freelance

2,70%

7%

9%

2%

200%

9%

14%

2%

7

16,28%

Créatif en Agence (ou studio)

9,89%

2%

2%

0%

0%

5%

5%

0%

2

4,65%

créatif en agence et free

2,55%

0%

2%

2%

0%

0%

2%

0%

1

2,33%

Employé dans un autre secteur

1,64%

0%

2%

2%

0%

0%

0%

2%

1

2,33%

J'ai suivi une formation en infographie

2,88%

2%

7%

2%

2%

5%

7%

2%

4

9,30%

À la recherche d'une opportunité en agence

0,56%

2%

0%

0%

2%

0%

2%

0%

1

2,33%

Créatif en Agence (ou studio)

7,69%

0%

2%

0%

0%

2%

0%

2%

1

2,33%

Freelance

2,05%

0%

2%

0%

0%

2%

2%

0%

1

2,33%

freelance à la recherche d'une opportunité

1,21%

0%

2%

2%

0%

0%

2%

0%

1

2,33%

Je suis autodidacte

3,54%

12%

42%

12%

12%

30%

23%

30%

23

53,49%

À la recherche d'une opportunité en agence

1,03%

2%

0%

0%

0%

2%

2%

0%

1

2,33%

Créatif en Agence (ou studio)

28,57%

0%

2%

2%

0%

0%

2%

0%

1

2,33%

Créatif en service communication

1,54%

0%

2%

0%

0%

2%

0%

2%

1

2,33%

Employé dans un autre secteur

1,45%

5%

14%

7%

2%

9%

5%

14%

8

18,60%

etudiant management

10,00%

0%

2%

0%

0%

2%

0%

2%

1

2,33%

Freelance

2,73%

4,65%

16%

2%

7%

12%

12%

9%

9

20,93%

independant qui paie ses cotisations

1,89%

0%

2%

0%

0%

2%

2%

0%

1

2,33%

particulier

2,33%

0%

2%

0%

2%

0%

0%

2%

1

2,33%

la réponse D (ces personnes ont de l'humour)

1,61%

0%

9%

7%

0%

2%

0%

9%

4

9,30%

Employé dans un autre secteur

1,74%

0%

7%

7%

0%

0%

0%

7%

3

6,98%

particulier

1,21%

0%

2%

0%

0%

2%

0%

2%

1

2,33%

3) Sources et références Eyeka

Captures du site Eyeka

Homepage Eyeka https://fr.eyeka.com

 

182

183

La page des concours Eyeka https://fr.eyeka.com/contests

La page dédiée aux « créateurs » d'Eyeka (1/3) https://fr.eyeka.com/creators

184

185

La page dédiée aux « créateurs » d'Eyeka (2/3) https://fr.eyeka.com/creators

186

La page dédiée aux « créateurs » d'Eyeka (3/3) https://fr.eyeka.com/creators

Le mur communautaire Eyeka https://fr.eyeka.com/users

187

188

Eyeka. « The state of Crowdsourcing in 2015 ».

Présenté sur la nouvelle page dédiée au CS d'Eyeka, Roth Y., Petavy F., Céré J. Avril 2015. Disponible sur : < https://fr.Eyeka.com/resources/analyst-reports#CSreport2015 >

Évolution de la proportion des grandes marques (selon Best Global Brands) qui ont fait appel aux CS pour une campagne marketing ces dix dernières années.

Usage du CS par marque et par nombre de concours en 2013 et 2014.

189

4) Références citations (hors plates--formes)

Barbara Dennys

Directrice de l'école supérieure de design d'Amiens (ESAD), par mail le 28 juin 2015. Damien, bonjour

Je ne peux parler que pour les personnes sorties de l'Esad d'Amiens.

Les jeunes diplômés en design graphique ont davantage de difficulté à trouver du travail car le ralentissement économique a un impact sur cette profession. Ils se mettent davantage en indépendant pour pouvoir avec des rétrocessions de mission d'agences de graphisme qui embauchent peu actuellement. Les diplômés de moins de quatre ans ne gagnent pas énormément.

Les jeunes diplômés en design numérique n'ont pas de problème pour entrer sur le marché.

Les jeunes diplômés en images animées (Waide Somme) sont recrutés après le DNAP alors qu'on voudrait les garder pour aller jusqu'au DNSEP.

Nous avons renforcé le dispositif autour de François Caspar. Une représentante du Conseil Régional de Picardie donne également des conseils aux jeunes diplômés. D'une manière générale, ce sont les étudiants qui ont fait le plus de stage avant la fin de leurs études qui sont le plus à l'aise dans le début de vie professionnelle. Nous ne parlons pas de l'aspect commercial à l'Esad. Il y a toujours un grand hiatus sur cet aspect là. Il est très difficile pour une tête en train d'apprendre de se confronter simultanément à la réalité d'un marché et au développement de ses capacités créatives. L'intervention de François Caspar est déjà une exception en école d'art, et je l'ai pratiquement imposée.

Si j'avais du budget pour améliorer l'offre pédagogique, je renforcerai en priorité l'apprentissage de l'anglais. Le niveau des bacheliers est toujours aussi mauvais, et c'est essentiel pour l'avenir. Et si j'avais encore davantage de budget, je ferais une sixième année bien pragmatique : anglais, print, développement de sites web, gestion financière et administrative, marketing...

Je ne me souviens plus du nom des chercheurs, mais leur ouvrage était sorti à la Documentation Française. Attention, l'ouvrage rassemble tout type de graphiste, infographiste, etc. sans faire de distinction entre les types de formation.

Tenez moi au courant de votre mémoire de recherche

A bientôt

Barbara

190

Ludivine Vinot sur son blog Graphisteries316

« Quel graphiste n'a jamais été confronté à cette remarque au sein de son entourage : - Ce n'est pas vraiment un boulot pour toi, tu t'amuses ! ? Et bien malheureusement de plus en plus de clients potentiels ont cette vision des choses. » (Vinot, 2012)

Thomas Pacaud sur son blog317

« Mais c'est un signe de réactivité et de savoir-faire, pas une arnaque. J'ai passé des années à apprendre à faire certaines choses en 5 minutes. Et si nous sommes payés, c'est avant tout pour notre savoir-faire et non pour le temps passé derrière l'écran. » (Pascaud, 2014)

Destruction créatrice de Joseph Schumpeter318

« L'impulsion fondamentale qui met et maintient en mouvement la machine capitaliste est imprimée par les nouveaux objets de consommation, les nouvelles méthodes de production et de transport, les nouveaux marchés, les nouveaux types d'organisation industrielle - tous éléments créés par l'initiative capitaliste. [...] L'histoire de l'équipement productif d'énergie, depuis la roue hydraulique jusqu'à la turbine moderne, ou l'histoire des transports, depuis la diligence jusqu'à l'avion. L'ouverture de nouveaux marchés nationaux ou extérieurs et le développement des organisations productives, depuis l'atelier artisanal et la manufacture jusqu'aux entreprises amalgamées telles que l'U.S. Steel, constituent d'autres exemples du même processus de mutation industrielle - si l'on me passe cette expression biologique - qui révolutionne incessamment de l'intérieur la structure économique, en détruisant continuellement ses éléments vieillis et en créant continuellement des éléments neufs. Ce processus de Destruction Créatrice constitue la donnée fondamentale du capitalisme : c'est en elle que consiste, en dernière analyse, le capitalisme et toute entreprise capitaliste doit, bon gré mal gré, s'y adapter. » (Schumpeter, 1943)

316 Vinot L., 2012, Wilogo, Creads & co: la gangrène du créatif par le crowdsourcing,

http://www.lesgraphisteries.com/2012/10/15/wilogo-creads-co-la-gangrene-du-creatif-par-le-crowdsourcing/ , octobre 2012, consulté le 15 novembre 2014.

317 Pascaud T., 2014, Vraies et fausses idées reçues sur les graphistes indépendants, http://thomaspascaud.com/vraies-et-fausses-idees-recues-sur-les-graphistes-independants/ , 16 octobre 2014, consulté le 12 novembre 2014.

318 Schumpeter J., 1943 Traduction française 1951 Capitalisme, socialisme et démocratie, Paris, Payot, p.106 et 107.

191

Les tarifs des designers

parus dans la revue Création numérique au début des années 2000

192

5) La zone de confort et la prise de risque

On utilise en ce moment l'expression ou l'obscur terme de disruption319 que l'on entend souvent de la bouche des publicitaires (Jean-Marie Dru). Il s'agit de sortir de la zone de confort, des idées reçues. Il est évidemment plus facile pour un designer de reprendre des formules qui fonctionnent, d'aller directement vers ce qu'attend le client. Mais non, quelque chose de plus fort nous pousse à proposer autre chose, à surprendre. Bien entendu, les designers vont parfois à l'encontre de leurs chefs de projets, ou ont parfois du mal à être compris dans leur processus de création. Il est d'ailleurs plus difficile de convaincre le client avec une idée audacieuse.

Souvent le brainstorming et le dessin permettent d'exprimer rapidement un concept et de partager cette vision globale. Le designer utilise régulièrement des cartographies mentales (mind maps). Pour avoir cette vue d'ensemble, qu'il est en général le seul à comprendre.

S'aventurer dans les sables mouvants peu être payant. Il est radical parfois, de changer l'ordre établi et les conventions ; je le vois d'ailleurs en ce moment en stage chez Saint-Gobain, une entreprise de 350 ans, qui souhaite d'effectuer sa transformation digitale, mais qui a encore du mal à passer sur des outils collaboratifs performants. Si on laisse sa frilosité au vestiaire, il sera plus facile ensuite de faire naviguer la marque (son produit, sa communication) sur des océans bleus où le potentiel de développement est plus important que sur un marché saturé par la concurrence (océan rouge). En orientant la conception vers l'usage et l'innovation utile (W. Chan Kim et Renée Mauborgne), les designers proposent à leurs commanditaires de repenser leurs services ou produits.

La disruption consiste pour une organisation à sortir de sa zone de confort, des idées reçues changer l'ordre établi et les conventions. Certaines grandes firmes de la Silicon Valley ont bien compris le « design thinking », cette méthode centrée sur l'humain reprend la démarche des designers pour la résolution de problèmes complexes. Jonathan Ive, Directeur général du design Apple, est presque considéré comme un messie à Cupertino. Je ne suis pas certain que cela puisse être enseigné, mais l'intuition du designer est probablement aussi facteur de vocation professionnelle, on ira naturellement vers ce type de secteur plutôt que vers la banque ou la comptabilité. La curiosité, l'observation et l'écoute sont sans doute les plus importantes qualité du designer. Je trouve le terme « créatif » souvent utilisé à outrance, dès que l'on a une idée qui n'est pas courante. Alors qu'un créatif sera quelqu'un qui arrivera à placer la bonne idée au bon moment, au bon endroit. Une certaine justesse dans l'acte de création.

Prototypage

Chez Saint-Gobain, je constate dans le centre de R&D je suis en stage, que le prototypage rapide et les échanges sont très encouragés pour trouver de nouvelles technologies ou procédés d'analyse. Mais ce n'est pas naturel pour tout le monde. Je travaille actuellement sur l'aménagement d'une « salle de créativité » nommée Eureka! qui a pour but de favoriser les relations entre les chercheurs et les techniciens des laboratoires qui effectuent les analyses pour ces derniers. Sortir des salles classiques de

319 Dauchez Charlotte, « L'innovation utile : à vos marques, prêts, disruptez ! » http://siecledigital.fr/2015/02/innovation-utile-a-vos-marques-prets-disruptez consulté le 10 juillet 2015.

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réunions devrait permettre d'améliorer l'agilité des projets. L'aspect forcé où « on fait comme google » m'a frappé lorsque l'on m'a parlé du concept de cette salle, cette façon de travailler est pourtant naturelle pour un designer. C'est quand j'ai commencé à effectuer mon audit pour la refonte de l'intranet en essayant de comprendre chaque usage et en rencontrant directement le personnel que j'ai découvert que des personnes séparées par deux cloisons ne communiquaient presque pas sur leur travail. Repenser le contexte social, en rapprochant les gens est sans doute ce que l'on retrouve dans la co-création, celle des Fablabs aux antipodes des plateformes de crowdsourcing où le créatif sera seul face à son brief.

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe