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Les critères du procès administratif equitable en droit positif camerounais

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par Jean Duclos Ngon a moulong
Universités de Yaoundé 2 soa - Master 2 2012
  

Disponible en mode multipage

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    SOMMAIRE

    SOMMAIRE i

    AVERTISSEMENT ii

    DÉDICACE iii

    REMERCIEMENTS iv

    LISTE DES ABRÉVIATIONS v

    RÉSUMÉ vii

    ABSTRACT viii

    INTRODUCTION GENERALE 1

    PREMIERE PARTIE : L'INDEPENDANCE DES MEMBRES DE LA JURIDICTION AU PROCES 19

    CHAPITRE I : L'INDEPENDANCE DU JUGE 23

    SECTION I : L'AFFRANCHISSEMENT DU JUGE VIS-A-VIS DES AUTRES POUVOIRS PUBLICS 24

    SECTION II : LA MANIFESTATION DE L'INDEPENDENCE DU JUGE : L'IMPARTIALITE 48

    CHAPITRE II : L'INDEPENDANCE DU 68

    MINISTERE PUBLIC 68

    SECTION I : L'AFFRANCHISSEMENT DU MINISTERE PUBLIC A L'EGARD DE L'EXECUTIF 70

    SECTION II : LA MANIFESTATION DE L'INDEPENDANCE DU MINISTERE PUBLIC : L'IMPARTIALITE 87

    DEUXIEME PARTIE : L'EGALITE DES PARTIES AU PROCES 97

    CHAPITRE I : L'EGALITE D'ACCES AU JUGE 100

    SECTION I : L'AMENAGEMENT D'UN DISPOSITIF FAVORABLE A L'ACCES AU JUGE 103

    SECTION II : LES RESTRICTIONS A L'ACCES AU JUGE 120

    CHAPITRE II : L'EGALITE DES PARTIES AU DEROULEMENT ET A L'ISSUE DE LA PROCEDURE 134

    SECTION I : L'EGALITE DES PARTIES AU DEROULEMENT DE LA PROCEDURE 135

    SECTION II : L'EGALITE A L'ISSUE DE LA PROCEDURE: L'EXÉCUTION DES DÉCISIONS DE JUSTICE PROLONGEMENT NATUREL DU DROIT A UN PROCÈS ÉQUITABLE 186

    CONCLUSION GENERALE 204

    BIBLIOGRAPHIE 207

    TABLE DES MATIERES 212

    AVERTISSEMENT

    L'université de Yaoundé II - Soa n'entend donner aucune approbation ou improbation aux opinions émises dans ce mémoire. Elles doivent être considérées comme propres à leur auteur.

    DÉDICACE

    - A mes très chers parents MOULONG A BIDIAS Jean Duclos et AMBAGNE Thérèse, pour leur précieux soutien et leur amour inconditionnel ;

    - A ma grand-mère BIGNOE Sara ;

    - A mon grand-père RISSOUCK A MOULONG Martin ;

    - A mon regretté grand-père paternel M. le patriarche BIDIAS à GBARAM Vitus, et à ma regretté grand-mère maternelle AMAKEKE.

    Que leurs différentes âmes reposent en paix !

    REMERCIEMENTS

    Tout particulièrement, je tiens à adresser mes premiers et sincères remerciements et à exprimer ici ma profonde gratitude à mon directeur de mémoire le Docteur ABA'A OYONO Jean Calvin pour sa disponibilité, son objectivité, ses critiques, sa bonne compréhension et son extrême patience sans lesquels ce travail n'aurait pas vu le jour.

    Un grand merci également au Docteur GUESSELE ISSEME Lionel Pierre pour son inestimable aide à l'accomplissement de ce travail.

    Mes plus vifs remerciements vont également à ma très précieuse TANKEU MBIAMI JOSIANE, à l'ensemble de la grande famille BIDIAS A GBARAM VITUS en particulier à mes frères et soeur, OBIOYO Hermine Nicaise, BIDIAS Jean Georges, MOULONG Arnaud, BIGNOE Dona Murielle, ZANG Junior età mes oncles maternels et proches pour leur soutien moral et matériel durant l'exécution de ce mémoire.

    Enfin, je remercie l'ensemble de mes camarades de promotion, mes amis en particulier ANONG Ismaël, BENG A MOUMOKO Etienne Rostand, BEME LINGUINE AMABAYA Marcel, MEDJO Sandrine, NGON Jean marc, CHOUPO Landry, TSALA MAMA Thierry, EFFAGUE SING Diani.Et à tousceux qui, de près ou de loin, ont oeuvré à la réalisation de ce travail, trouvent ici l'expression de notre profonde gratitude.

    LISTE DES ABRÉVIATIONS

    AJDA  Actualité Juridique Droit Administratif

    Al  Alinéa

    AP  Assemblée Plénière

    Art  Article

    Ass  Assemblée

    CA  Chambre Administrative

    CAA  Chambre Administrative d'Appel

    C/  Contre

    CADH Cour africaine des droits de l'homme

    CAY  Chambre Administrative de Yaoundé

    CCA  Conseil du Contentieux Administratif

    CE  Conseil d'État

    CEDH Cour européenne des droits de l'homme

    Cf  Confère

    CFJ  Cour Fédérale de Justice

    CJA  Code de Justice Administrative

    Coll Collection

    Concl Conclusion

    CSM Conseil Supérieur de la magistrature

    CS Cour Suprême

    D Dalloz

    DA  Droit Administratif

    DEA Diplôme d'Études Approfondies

    Déc Décembre

    Dir Direction

    éd Édition

    Févr Février

    FSJP Faculté des Sciences Juridiques et politiques

    JCP Jurisclasseur Périodique

    LGDJ Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence

    M Monsieur

    Mme Madame

    N° Numéro

    N-R Nouveau Régime

    Obs Observations

    PUC Presse Universitaire du Cameroun

    PUF Presse Universitaire de France

    RCD Revue camerounaise de droit

    RDA Revue de Droit Administratif

    Rec Recueil des Décisions du Conseil d'État

    Req Requête

    RGP Recours Gracieux Préalable

    RJPIC La Revue Juridique et Politique Indépendance et Coopération

    Sept Septembre

    Sect Section

    SS Suivants

    T Tome

    TPI Tribunal de Première Instance

    V Voire

    Vol Volume

    RÉSUMÉ

    Les critères du procès administratif équitable découlent du souci universellement partagé d'appliquer les garanties d'une bonne administration de la justice au dit procès. Ils sont d'une manière générale consacrés dans la plupart des instruments internationaux et régionaux de protection des droits de l'homme. La lecture de ces textes auxquels le Cameroun à apporter son adhésion permet de relever deux catégories de critères : L'indépendance d'une part qui est le critère institutionnel touchant précisément les membres de la juridiction au procès, et d'autre part l'égalité qui est le critère procédural se rapportant aux parties au procès. Cependant, il convient de préciser que ces critères, déclinés sous forme de garanties, reçoivent dans leur mise en oeuvre une touche personnelle de la part du législateur et du juge administratif camerounais. Cette touche, qui vient exprimer la particularité de ces critères en droit positif camerounais, ne milite pas en faveur de l'application parfaite de ces garanties. De la sorte, ces critères demeurent le reflet du déséquilibre de nature qui a toujours existé entre les parties au dit procès c'est-à-dire l'administration et le particulier.

    ABSTRACT

    The criteria of the equitable administrative lawsuit rise from the concern universally shared to apply the guarantees of a good administration of justice to the known as lawsuit. They are generally devoted in the majority of the international and regional instruments of protection of the humans right. Reading of these texts to which Cameroun to bring its adhesion makes it possible to raise two categories of criteria: The independence on the one hand which is the institutional criterion concerning precisely the members of the jurisdiction to the lawsuit, and on the other hand the equality which is the procedural criterion referring to the parts with the lawsuit. However, it is advisable to specify that, these criteria declined in the form of guarantees receive in their implementation a personal key on behalf of the legislator and of the administrative Cameroonian judge. This key which comes expressed the characteristic from these criteria in substantive Cameroonian law does not militate in favour of the perfect application of these guarantees. This way, these criteria remain the reflection of the imbalance of nature which always existed between the parts with the known as lawsuit i.e. the administration and the private individual.

    INTRODUCTION GENERALE

    INTRODUCTION GENERALE

    Entendu comme garantie formelle de la régularité de la procédure1(*), la notion du droit à un procès équitable est d'origine anglo-saxonneet est aussi vieille que les civilisations elles-mêmes. En effet, on la trouve pour la première fois au début du XIIIème siècle dans ce qu'on appelle la Magna Carta2(*) du 15 juin 1215 qui est la « grande charte des libertés d'Angleterre ». Cet instrument, imposé par les féodaux afin d'être protégés contre l'arbitraire de la couronne, énumère un nombre considérable de garanties3(*) précises concernant les droits et les libertés individuelles des sujets. Abordé dans un tel contexte, la portée du droit se ressentait négativement d'un défaut de dimension universelle, ce qui en entamait la substance. Il a donc fallu attendre le développement du droit international des droits de l'homme par le truchement de la déclaration universelle des droits de l'homme de 19484(*), pour assister à la consécration des principes de la généralité et de l'universalité5(*). C'est d'ailleurs à ce texte que l'on doit l'apparition du droit à un procès équitable à travers toutes ses dimensions et l'acquisition de ses lettres de noblesse. La voie ainsi inaugurée à permis l'émergence d'un long processus qui n'a cessé d'évoluer ; se traduisant par sa consécration dans la quasi-totalité des textes internationaux6(*)et régionaux7(*) de protection des droits de l'homme.

    Véritable « ius commune » de la procédure8(*)intimement lié à la gouvernance démocratique, le droit à un procès équitable se situe au coeur de l'Etat de droit. Car sans lui, il ne peut y avoir une application correcte du droit, ni une confiance à la justice9(*). Enjeu qui touche tous les Etats et est particulièrement actuel en Afrique, le procès équitable se présente comme un horizon et un défi pour tous les systèmes juridiques du monde. D`abord appliqué en matière civile et pénale, il s'est peu à peu imposé dans les matières de droit public, en l'occurrence dans le procès administratif, au point de faire aujourd'hui figure de norme processuelle de référence pour tout contentieux10(*) de quelque nature qu'il soit, brouillant aussi bien la division classique entre le droit public et le droit privé que la distinction des procédures administratives et juridictionnelles, ignorant la dualité de nos ordres de juridiction, transcendant les clivages disciplinaires11(*).

    Le Cameroun n'est pas resté en marge de ce vaste mouvement de modernisation de son appareil judiciaire, et de sa procédure notamment administrative contentieuse. La constitution du 18 janvier 199612(*) et les textes de 200613(*) applicables au procès administratif témoignent d'ailleurs de cet état de chose. Ceci étant dit, il demeure que le droit positif camerounais épouse la logique qui se décline ainsi qu'il suit : « toute personne à droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal indépendant et impartial qui décidera, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale, dirigée contre elle, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil ». Ainsi libellé, la substance de cet énoncé prévoit des garanties qui laissent apparaître des critères qui en constituent le substrat et donc le présent travail se propose de présenter.

    I- LE CADRE ET L'INTERET DE L'ETUDE

    Une étude scientifique a vocation à être située14(*). La situation du cadre de l'étude permet de délimiter le sujet. La délimitation est cette exigence scientifique et méthodologique qui consiste à présenter les bornes au-dedans desquelles se meut toute oeuvre scientifique ou artistique. Il s'agit donc de la mise en branle du matériau didactique opté comme fil conducteur au traitement du sujet. Un tel matériau est relatif à l'espace et au temps. Il est tout aussi spécifique à la matière et au contexte. D'où la nécessité impérieuse d'aborder l'examen au fond du cadre spatio-temporel (A), du cadre matériel et le contexte (B), sans toutefois éluder les considérations portant sur l'intérêt de l'étude (C).

    A- Le cadre spatio-temporel

    Il est question d'apporter des précisions tant sur le cadre spatial (1) que sur le cadre temporel (2).

    1- Le cadre spatial

    Le cadre spatial ou géographique renvoie à l'espace territorial dans lequel sera conduite la présente étude. Si la présentation d'un tel cadre revêt une telle importance, c'est nécessairement parce que les sociétés, à la faveur du célèbre aphorisme latin « ubi societas ibi jus », sont productrices de normes qui leur sont spécifiques. La définition d'un tel cadre permettrait donc de mener une étude spécifique, parce que ancrée dans un espace juridique déterminé.

    Le contentieux administratif est in limine litis une oeuvre, une invention, au mieux une création de la France15(*). Nonobstant ce fait, il incombe cependant d'observer que par les phénomènes migratoires du droit16(*), ce dernier, dans les territoires jadis sous férule française, est irréversiblement considéré, de nos jours, comme étant un patrimoine culturel17(*).

    La République du Cameroun18(*) (territoire naguère sous emprise Franco-britannique)19(*), s'est incontestablement imprégnée des rouages et mécanismes du contentieux administratif. C'est donc cette République du Cameroun qui constitue le cadre spatial par excellence au-dedans duquel se meut la présente étude. Il s'agit, à la faveur du texte constitutionnel en vigueur d'un « État unitaire décentralisé »20(*). Le texte renchérit que le Cameroun est une République « indivisible, laïque, démocratique et social »21(*) . Tout porte donc à penser que l'étude des critères du procès administratif équitable en droit positif camerounais se fera dans un contexte libéral, démocratique et d'État de droit.

    Il ne pourrait en être autrement, puisque la République de France, « mamelle nourricière »22(*) du droit administratif, « laboratoire dans lequel sont conçues et expérimentées les idées »23(*) et berceau par excellence du droit administratif naissant24(*), est, à titre comparatif, considérée comme étant le cadre spatial de seconde zone.

    Il est donc un truisme que l'étude sur les critères du procès administratif équitable en droit positif camerounais sera menée au coeur du cadre spatial qui porte son nom. L'évocation de la France et l'exploration du contexte européen ne sera faite qu'à titre de droit comparé. Il en est ainsi car l'objectif poursuivi n'est pas de mener une analyse pâle des critères du procès administratif équitable en droit positif camerounais. Il est question de déceler tout au moins les points de convergence, de divergence, les avancées, les anachronismes qui pourraient exister entre ces différentes aires juridiques. Il s'agit donc d'une appréhension du procès administratif équitable qui se veut audacieuse parce que transcendant les aires de droit.

    Si l'analyse du cadre de l'étude s'est révélée cruciale, l'exploration de son champ temporel n'en est pas moins.

    2- Le cadre temporel

    L'examen du cadre temporel consiste à préciser la période qui encadre le sujet. Il est question d'inscrire ou de circonscrire l'étude de la thématique à un moment ou à un instant précis de l'histoire.

    De la sorte, il serait difficile de situer avec exactitude l'étude sur les critères du procès administratif équitable en droit positif dans le temps. La très grande connexité, qui existerait entre la jurisprudence ancienne et nouvelle en la matière, conduirait à penser qu'une analyse, qui se veut sérieuse du procès administratif équitable, ne saurait éluder les détails du passé. En plus, il est à mentionner le caractère épars des textes qui ne contribue pas nécessairement à rendre cette tâche aisée.

    Le droit positif25(*) a néanmoins résolu le problème de la détermination des textes en vigueur en matière de contentieux administratif au Cameroun. Il peut donc être mentionné et sans risque de se tromper que le 18 janvier 199626(*) est l'une des dates phares dans le cadre de ce travail. Cette date marque mutatis mutandis l'avènement de la constitution (aujourd'hui modifiée et complétée) démocratique et libérale de l'histoire du Cameroun. Il en est ainsi, car de cette constitution procèdent les deux textes législatifs27(*) qui servent de fil d'Ariane ou de soubassement à l'édification de cette oeuvre. D'où la nécessité de présenter 2006 (année de leur promulgation) comme cadre temporel de référence. En outre, bon nombre de textes28(*), antérieurs au 18 janvier 1996 et postérieurs à la même date, seront mobilisés tout au long de cette étude.

    Au demeurant, il est constant en contentieux administratif camerounais d'invoquer la jurisprudence29(*) et les textes anciens. Une telle invocation, en pareille circonstance, servirait de véritable baromètre aux différentes avancées normatives et jurisprudentielles. Toute chose qui contribuerait à bonifier une telle entreprise.

    L'analyse du cadre spatio-temporel a selon toute vraisemblance sa place dans une telle étude. L'exploration du cadre matériel et du contexte est tout aussi au coeur du présent ouvrage.

    B- Le cadre matériel et le contexte

    Il est question de s'appesantir sur l'analyse du cadre matériel (1) et sur la présentation du contexte d'étude (2).

    1- Le cadre matériel

    La détermination du cadre matériel consiste à dresser la discipline dans laquelle se meut la présente étude. Ainsi, le procès administratif équitable dont l'examen se pose ici avec acuité se déploie dans le cadre du contentieux administratif Camerounais à l'abordage duquel l'exploration des fondements juridiques et théoriques s'impose.

    Le contentieux administratif camerounais qui sert de soubassement à la présente étude désigne un ensemble de règles juridiques applicables au Cameroun ; c'est-à-dire opposables aux citoyens camerounais et invocables par eux au cours de procès contre l'administration camerounaise. Avant l'accession du Cameroun à l'indépendance, il fut juridiquement sous-tendu par le principe de la spécialité législative, qui subordonnait l'application directe du droit administratif français dans l'ancien empire colonial français, à sa promulgation par une disposition locale expresse. Depuis lors, la République du Cameroun s'est dotée d'un contentieux administratif qui, au nom des principes de souveraineté et de territorialité est désormais sécrété par les autorités camerounaises, et exclusivement applicable à l'intérieur du territoire national30(*).

    Par ailleurs, les idées qui expliquent, justifient et contribuent à la cohérence du cadre matériel de la présente étude ne sont pas de nature à privilégier la protection des libertés individuelles, conjuguée à l'épanouissement des citoyens. Elles procèdent, en réalité, d'un environnement dans lequel l'État est prioritairement investi d'une mission de développement de la société et d'atteinte des résultats économiques attendus. En d'autres termes, l'Etat développeur et surtout l'Etat promoteur de croissance sont les fondements théoriques du contentieux administratif camerounais dans le cadre duquel se meut la présente étude31(*).

    Au demeurant, la présentation d'un tel cadre ; par le biais de l'exploration de ses fondements juridiques et théoriques, témoigne à suffisance de l'autonomie de ses sources formelles conjuguée à l'originalité de ses solutions de fond32(*). Toute chose qui n'est pas sans lien avec le contexte de l'étude.

    2- Le contexte de l'étude

    La présentation du contexte de l'étude permet de définir l'environnement juridique qui a motivé le choix du sujet. Il est en quelque sorte question de formuler les différentes raisons pour lesquelles le choix s'est orienté sur une thématique bien précise.

    Le choix de l'étude des critères du procès administratif équitable en droit positif camerounais a retenu l'attention en raison du déséquilibre de nature qui existe entre l'administratif et le particulier au procès. L'administration poursuivant l'intérêt général et dotée des prérogatives de puissance publique et le particulier poursuivant l'intérêt personnel et bénéficiant des moyens réduits. Ce déséquilibre se ressent même au niveau de la procédure ce qui est malheureux pour la réalisation d'une bonne administration de la justice et partant de l'effectivité de l'état de droit. Car un procès qui privilégie une partie au procès crée non seulement une insécurité juridique au détriment de la partie qui a en principe subi un tort de l'activité de l'administration mais aussi suscite la défiance et le discrédit sur l'activité des juges.

    C- L'intérêt de l'étude

    L'étude des critères du procès administratif équitable en droit positif camerounais revêt un intérêt certain. Ceci en raison du fait qu'il se situe au « carrefour des droits » comme le disait Frédéric SUDRE, et qu'il est au coeur de l'Etat de droit et est fondamental pour le fonctionnement de la démocratie dont tous les pays se revendiquent la marque aujourd'hui. Sur cette base, il sera question de présenter succinctement l'intérêt théorique (1) que pratique (2).

    1- L'intérêt théorique

    L'étude des critères du procès administratif équitable en droit positif camerounais présente sans nul doute un intérêt capital et incontestable sur le plan théorique. Cette intérêt résulte de la particularité voir de la spécificité de la pratique du procès administratif au Cameroun. Particularité qui s'expliqued'ailleurs du fait« de l'originalité des droits africains »33(*).

    En effet, au plan scientifique, la perspective d'une application des critères du procès équitable au contentieux administratif ouvre une véritable boîte de Pandore.

    D'abord elle contribuerait à l'érosion des privilèges de l'administration par la remise en cause du principe même de ses prérogatives de puissance publique.

    Ensuite, elle ébranlerait indirectement les mythes fondateurs du droit administratif conçu à l'origine comme un droit de privilège, par l'égalité qu'elle impose entre le particulier et l'administration tel que cela est réalisé dans les procès civil et pénal.

    En effet, à l'origine, le droit administratif a été conçu sans nul doute comme un droit de privilège. Parce qu'il disposait de prérogatives de puissance publique, ce qui ne permettait pas que l'administration soit traitée comme les simples particuliers soumis au même droit qu'eux34(*)» d'où la séparation des autorités administratives et judiciaires, matérialisée par les lois du 16-24 août et le décret du 16 Fructidor au III.Cette acception initiale du droit administratif se trouve aujourd'hui remis en cause par les critères du procès équitable, qui s'applique à tout type de contentieux, y compris celui administratif.

    En Europe, cette remise en cause résulte des interprétations extensives des notions de « droits et obligations de caractère civil », et « d'accusation en matière pénale » développées par la cour européenne des droits de l'homme et le comité des droits de l'homme. Ces interprétations ont annexé les pans entiers de l'activité de l'administration et du contentieux qui en résulte de façon à ignorer la dualité des ordres des juridictions et en brouillant aussi bien la division entre droit public et droit privé que la distinction des procédures administratives et juridictionnelles.

    Au Cameroun, il résulte d'un défaut de statut propre à la juridiction administratif et à la pratique dudeux dans l'un juridictionnel35(*). Cet état de chose permet d'assisté à l'intrusion ou l'interférence des concepts, des notions et des règles employées dans les procès de droit commun c'est-à-dire les procès civil et pénal.

    En clair, le droit administratif et la juridiction administrative se trouvent frappés d'un coup qui affecte le principe d'autonomie du droit administratif au point d'amener la doctrine à se réinterroger sur les fondements du droit administratif.

    2- L'intérêt pratique

    Sur le plan pratique, l'intérêt du thème qui fait l'objet de notre analyse est capital, dans la mesure où, son étude permettra d'offrir un instrument de référence, une photographie, voire une radiologie de la justice administrative à partir duquel il sera possible de déceler ses malformations, ses disfonctionnements, mais aussi ses performances afin d'évaluer exactement son action, de prévenir ses dérapages, mais aussi de consolider ses acquis positifs. Toute chose qui permettra de moderniser l'administration de la justice, de réaliser au mieux l'Etat de droit par une application correcte du droit à travers un juge qui offre des garanties d'indépendance et à l'impartialité, et qui pourra rendre des décisions tout en cherchant un équilibre entre l'intérêt général et l'intérêt particulier. Cet instrument pourra permettre également au juge administratif d'appliquer correctement le droit, d'éradiquer les soupçons de partialité qui pèsent généralement sur son office de façon à susciter la défiance.

    La mise au point de l'intérêt ne saurait occulter les considérations tenant à l'objet et à la méthode de l'étude (II).

    II- OBJET ET METHODE DE L'ETUDE

    Le procès administratif équitable occupe une place de choix en contentieux administratif camerounais. Il s'agit d'une notion dont l'appréhension ne saurait être une sinécure. Pour y parvenir, des précisions doivent être faites sur ce qui est retenu comme l'objet de l'étude (précisions sémantiques, hypothèse...) et la méthode adéquate.

    A- Les précisions sémantiques

    Le présent thème, à savoirles critères du procès administratif équitable en droit positif camerounais, appelle préalablement à toute analyse dans le fond, qu'on lève l'hypothèse de la clarification conceptuelle, c'est à dire définir avec, plus ou moins de précision ce que l'on entend par « les critères du procès administratif équitable en droit positif Camerounais ». Assurément, la démarche tient à ce que l'on se fera au départ un compte exact sur ce qui sera développé par la suite. Car, comme le disait si bien en substance Charles EISENMANN, il faut nécessairement commencer par résoudre clairement le problème de fixation des concepts qui forment l'armature d'un thème, « sinon, poursuit-il, on discuterait dans l'obscurité en vain36(*)». Les « critères », « procès administratif équitable », et « droit positif camerounais » sont justement ces éléments à conceptualiser.

    1- Les critères

    Par essence, le vocable « critère » relève du littéraire. Il apparait de ce fait logique d'interroger sa racine latine qui indique que l'on est en présence d'un concept latin « criterium » emprunté du grec « kritèrion » qui est la faculté de juger, dérivé lui-même de « krinein » qui signifie cribler, séparer, distinguer, juger37(*). Le dictionnaire universel38(*) l'appréhende en ces termes : « principe, point de repère auquel on se réfère (pour énoncer une proposition, émettre un jugement, distinguer et classer des objets, des notions) ».

    De cette équivalence terminologique, on retiendra que les critères dans le cadre de cette analyse désignent un ensemble des principes, d'éléments auxquels on peut se référer pour distinguer, identifier ou reconnaitre le procès administratif équitable tel qu'il est consacré et pratiqué au Cameroun. Ceci étant dit, le terme critère doit être distingué de la définition. En effet, il ne s'agit pas ici de l'essence, mais plutôt de l'aspect extrinsèque du procès administratif équitable autrement dit, la question n'est pas de savoir ce qu'est ? Mais de savoir quels sont ?

    2- Le procès administratif équitable

    L'expression « procès administratif équitable » ne trouve encore sa place dans aucun dictionnaire. De même, elle ne se retrouve non seulement dans aucun ouvrage de droit processuel mais aussi, il ne figure non plus dans aucun texte relatif à la juridiction administrative au Cameroun. Il s'agit tout simplement d'une formule employée afin de mieux incorporer l'adjectif « équitable » à l'expression « procès administratif ». Ceci étant dit, procéder à sa définition dans son entièreté sans toutefois la décomposer au préalable ne pourra sans nul doute être une tâche aisée. C'est pourquoi pour mieux cerner sa substance, il sera préférable de définir dans un premier temps la notion de « procès », ensuite voir ce qu'on entend par « équitable » pour enfin tirer la conclusion sur ce que c'est qu'un « procès administratif équitable ».

    Relativement à la notion de « procès », étymologiquement, il vient du latin juridique « processus » qui dérive lui-même de « processum», supin de «procedere », signifiant « avancer ». Le Grand Robert de la langue française la définit comme « le litige soumis par les parties à une juridiction ». Cette définition est à titre principal également retenu dans le vocabulaire juridique publié sous la direction du doyen Gérard Cornu39(*): « Litige soumis à un tribunal ; contestation pendante devant une juridiction ». Si cette définition peut être qualifiée de correcte, il convient de préciser qu'elle n'est pas suffisamment explicite car, elle définit principalement le procès à travers sa matière, c'est-à-dire le litige qui y donne lieu. Or, le procès désigne non seulement le litige porté devant un juge, mais aussi la façon dont ce litige sera traité par la juridiction saisie, autrement dit la procédure. C'est à ce dernier aspect du procès que renvoie, pour sa part, le dictionnaire de la langue française de Paul- Emile Littré, en définissant le procès comme l' « instance devant un juge, sur un différend entre deux ou plusieurs parties (ainsi dite à cause de la marche, du développement qui suit une affaire devant un tribunal) ». C'est ce qu'évoque aussi, comme second sens le vocabulaire juridique du doyen Cornu : « Parfois synonyme de procédure, instance ». Appréhendée de la sorte, il en ressort clairement que la notion de procès revêt deux aspects à savoir : l'aspect matériel qui fait référence au litige et l'aspect formel qui est la procédure. Sous ce rapport, pour qu'il y ait procès ou contentieux, il faut que le litige soi d'ordre juridique et qu'il se déroule devant une juridiction suivant une procédure bien déterminée.

    Quant au qualificatif « équitable », il fait référence à ce qui est conforme à l'équité. L'équité ici est définie, dans une première acception, comme étant « la juste appréciation de ce qui est dû à chacun ». Ainsi conçue, la notion d'équité est étroitement liée à la sensibilité de chaque individu et corrige ce que l'application de la loi peut avoir d'injuste. C'est d'ailleurs au nom de cette conception de l'équité que le juge Magnaud40(*) rendit le 4 mars 1998, une décision de relaxe au profit d'une femme prévenue de vol de pain dans une boulangerie au motif bien singulier que « la faim est susceptible d'enlever à tout être humain son libre arbitre, et d'amoindrir en lui, dans une grande mesure, la notion de bien et de mal41(*) ». Cette définition de l'équité, qui revient à faire dépendre l'issue du procès de la sensibilité du juge, ne se prête à aucune prévisibilité et n'a donc pas sa place ici dans le procès administratif équitable, qui fait l'objet de notre étude.

    En effet, l'équité dont il s'agit ici renvoie donc non pas au sens de l'équité du juge, disposition d'esprit aussi variable qu'aléatoire, mais à l'équité du procès ou de la procédure, dérivé de la racine latine « equus » au sens d'équilibre. Autrement dit, le procès équitable est celui qui garantit l'égalité devant la justice par le respect de l'équilibre dans le traitement des parties au procès. L'idée d'équilibre rend d'ailleurs davantage compte de l'image de la justice que symbolisent les deux plateaux de la balance.

    Au demeurant, eu égard aux argumentations ci-dessus développées, il sera tout à fait logique de retenir que, le procès administratif équitable est un litige soumis au juge administratif et résolue suivant une procédure qui respecte l'égalité des parties en cause.

    3- droit positif

    Etymologiquement, le « Droit » vient du latin « directus » c'est-à-dire en ligne droite, direct. Quant au vocable positif, il vient du latin « positus » qui signifie posé, placé, fondé.Autrement dit, c'est le droit qui est posé. Par conséquent, l'expression « droit positif » désigne l'ensemble des règles de droit effectivement en vigueur dans un Etat ou un ensemble d'Etat42(*) à un moment donné quelles que soient leurs sources. Ceci étant dit, il convient alors de préciser que le droit positif dont il s'agit ici est l'ensemble des règles de droit applicables au procès administratif et en vigueur au Cameroun.

    Après avoir éclairci l'objet et la méthode d'étude, il sied d'aborder dès lors la problématique et l'hypothèse (B).

    B- La problématique et l'hypothèse

    La problématique s'entend d'après le Professeur BEAUD comme « l'ensemble construit autour d'une question principale, des hypothèses de recherche et les lignes qui permettront de traiter le sujet choisi »43(*). Il est donc important de préciser la problématique (1) et l'hypothèse (2) qui serviront de guide au traitement de ce sujet.

    1- la problématique

    Partant du constat quele procès équitable fait aujourd'hui figure de norme processuelle de référence pour tout contentieux, y compris celui administratif qui par nature met en état d'être jugé deux parties placées dans des positions de forces différentes, cette recherche se construira autour d'une question fondamentale : Quels sont les critères du procès administratif équitable en droit positif camerounais ?Cela ne pouvait aucunement être autrement eu égard du fait que, l'intitulé du thème l'avait déjà suffisamment indiqué.

    Bien qu'en apparence simple, il convient de préciser que, l'objectif ici n'est pas de présenter les critères du procès équitable dans leur conception lato sensu mais, il est question de les exposer en tenant compte non seulement de la spécificité du procès administratif mais également de la façon donc ce procès est pratiqué au Cameroun. Bref il s'agit ici de rendre compte de la réalité des choses.

    2- l'hypothèse

    L'hypothèse de recherche constitue quant à elle une réponse apportée à la problématique, et qui pourra être vérifiée tout au long des développements futurs.

    Relativement à la présente étude, envisager l'équité dans la pratique du procès administratif a pour but principal d'éradiquer l'inégalité de nature qui existe entre les parties au procès c'est-à-dire l'administration et le particulier. Ainsi, il est question de chercher à restaurer l'équilibre et partant l'égalité entre ces derniers de sorte que nul ne soit dans une situation de net désavantage par rapport a l'autre. Pour se faire, il est impérieux de reconnaître des garanties tant aux membres de la juridiction qu'aux parties au procès.

    Ceci étant dit, la présentation des critères du procès administratif équitable oscille autour de la détermination des garanties reconnues tant aux membres de la juridiction qu'aux parties au procès. Ces garanties sont respectivement l'indépendance et l'égalité.

    La mise en évidence de la problématique et l'évocation de l'hypothèse d'étude ne saurait faire litière des considérations d'ordre méthodologique.

    C- Méthodologie de l'étude

    Au sens étymologique, la méthode est un « cheminement »44(*). Elle est conçue comme un enchaînement raisonné de moyens en vue d'une fin, plus précisément comme la voie à suivre pour parvenir à un résultat45(*). Elle est déterminante dans le cadre de la recherche car, de la méthode choisie, dépend la fiabilité des résultats attendus46(*). Il s'agit en somme d'opter pour une technique insusceptible de falsifier la réalité et propre à garantir des résultats au moins relativement dignes d'intérêts47(*).

    Le choix d'une bonne méthode est donc primordial dans l'étude du droit, et le professeur Gaston JEZE l'avait déjà relevé : « Plus j'avance en âge,écrivait-il, je suis convaincu que la seule chose qui importe pour l'étude du droit, c'est une bonne méthode » et, poursuit l'illustre auteur « un ouvrage de droit doit contenir l'exposé des règles du législateur, l'opinion publique des juristes et en particulier l'opinion que les tribunaux déclarent, dans un pays donné à un moment, être juste et utile. Le rôle du théoricien est, avant tout, quelque soit son avis personnel, de dégager ces règles, de les classer, de leur donner une forme claire et précise ». Aussi, la méthode retenue sera juridique, elle s'impose à toute recherche scientifique relevant du domaine juridique. Elle permet l'exploration maximale du droit en vigueur, c'est-à-dire le droit applicable et le droit appliqué. Ainsi, adopter le positivisme c'est choisir une démarche exclusivement dogmatique et casuistique à la fois.

    La dogmatique « s'intéresse essentiellement au droit légiféré en tant qu'elle vise une systématisation de ce droit à partir de règles existantes pour faire comprendre la cohérence ou les incohérences de l'ordre juridique »48(*). Il est question de restituer le droit issu de la hiérarchie des normes. Pour cela, il est important de consulter tous les textes en relation directe ou indirecte avec la question à traiter. La méthode dogmatique s'appuie sur « une théorie générale, par référence aux diverses écoles de pensées à l'histoire du droit, au droit comparé, aux principes généraux du droit, aux catégories juridiques... elle s'inspire beaucoup de la doctrine »49(*). Il sera question, relativement à cette thématique, d'interpréter les textes camerounais portant sur le contentieux administratif, en les confrontant de temps à autres aux textes français.

    La casuistique quant à elle repose sur les décisions de justice : « elle s'intéresse davantage au droit positif, au droit réellement en vigueur »50(*). Elle impose une confrontation des solutions posées par la jurisprudence à celles initialement définies par le législateur. Le chercheur doit relever les concordances et les discordances entre la jurisprudence et le droit en vigueur tel que révélé par les textes. La casuistique suppose ici une « confrontation avec des situations comparables et l'examen des conséquences prévisibles de chacune des solutions possibles, pour choisir la plus adaptée »51(*). Il sera question, dans le cadre de la présente étude, de procéder à une interprétation de la jurisprudence administrative camerounaise et éventuellement à celle de la cour européenne des droits de l'homme.

    Eu égard de ce qui précède, les critères du procès administratif équitable en droit positif camerounais sont de deux ordres : l'indépendance qui est le critère institutionnel touchant les membres de la juridiction au procès(première partie) d'une part, et l'égalité qui est le critère procédural se rapportant aux parties au procès (seconde partie) d'autre part.

    PREMIERE PARTIE : L'INDEPENDANCE DES MEMBRES DE LA JURIDICTION AU PROCES

    L'indépendance de la magistrature est l'un des principes fondamentaux sur lequel se fonde aujourd'hui l'état de droit. Comme le prescrivait l'éminent professeur Gérard CONAC, l'« Etat de droit ne saurait trouver son épanouissement en Afrique francophone si l'indépendance du pouvoir judiciaire n'est pas respectée »52(*).Ce principe, indispensable voir incontournable pour une bonne administration de la justice,doit être entendu comme un corollaire de la théorie de la séparation des pouvoirs. Élaboré par Montesquieu au XVIIIe siècledans son ouvrage intitulé « De l'esprit des lois », ce postulat vise à empêcher toute possibilité de dérive despotique et d'assurer aux citoyens le plus haut degré possible de liberté car pour lui : « il n'y a point de liberté si la puissance de juger n'est pas séparée de la puissance législative et de l'exécutrice »53(*).

    Elle est consacrée non seulement dans la plupart des instruments internationaux54(*) et régionaux55(*) de protection des droits de l'homme dont la substance s'énonce ainsi qu'il suit : « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal indépendant et impartial », mais aussi dans la constitution camerounaise du 18 janvier 1996. Celle-ci dispose en son article 37 que le pouvoir judiciaire « est indépendant du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif ». Ainsi libellé, un constat est clair : « il n'existe pas de définition universellement admise de ce concept de l'indépendance de la justice, mais il s'agit d'un idéal auquel toutes les nations du monde aspirent »56(*).En effet, malgré cette apparente simplicité, ce principe recouvre une réalité complexe. Les tentatives de définitions dont elle a fait l'objet restent suffisamment générales et généreuses pour ne pas véritablement en saisir la substance.

    Dans sa plus simple expression, ce principe peut s'entendre comme étant le refus du pouvoir judiciaire de toute soumission à l'égard du politique. Toutefois, il convient de préciser que cette définition ayant un sens général n'épouse pas l'ensemble des éléments que recouvre ce principe aux contours imprécis. À ce propos, l'esprit de l'indépendance est pour autant fort justement restituer par Jean-Marc Varaut dans le dictionnaire de la justice : « L'indépendance est la situation d'une collectivité, d'une institution ou d'une personne qui n'est pas soumise à une autre collectivité, institution ou personne. Il faut que son titulaire n'ait rien à attendre ou à redouter de personne. [Appliquée à la justice], l'Indépendance se manifeste par la liberté du juge de rendre une décision non liée par une hiérarchie ou des normes préexistantes »57(*).Abondant dans le même sens, Philippe ARDANT affirme que : «Le juge ne doit avoir d'ordres à recevoir ni du parlement ni du gouvernement (...). Son indépendance est une garantie fondamentale pour les citoyens. Pour eux, dans leur vie quotidienne, c'est le plus important des trois pouvoirs.Ils sont les premiers intéressés à ce qu'il ne soit pas soumis aux deux autres. Son indépendance et son autorité sont plus essentielles encore dans les périodes où (...) le législatif et l'exécutif sont contrôlés par la même majorité (le « fait majoritaire »)»58(*).

    L'indépendance de la justice doit être une garantie réelle en ce qu'elle « [...] est la pierre angulaire, une constitution préalable de l'impartialité judiciaire59(*) ». Toutefois, elle revêt deux aspects ou une double dimension : une dimension institutionnelle qui touche l'ensemble du corps de la magistrature et une dimension individuelle qui touche les membres de la juridiction au procès. Cette ambivalence amène à se poser la question de savoir de quelle indépendance il convient de garantir ici ? L'indépendance entendue comme pouvoir ou alors l'indépendance des membres de la juridiction au procès ?

    Cette question vaut son pesant d'or juridique car dans les deux cas, la portée du principe d'indépendance n'est pas forcément la même, et la nature des garanties mises en place diffère mécaniquement. D'où la nécessité de préciser quesi la proclamation, puis la mise en oeuvre du principe de la séparation des pouvoirs suffisent formellement à assurer l'indépendance de la justice saisie collectivement, cela n'a de sens et d'effectivité que si des garanties statutaires sont aménagées pour assurer celles des membres de la juridiction pris individuellement. À juste titre, Dominique Rousseau affirmait quel'indépendance : « se mesure (...) véritablement à l'indépendance de ses membres»60(*). Ainsi, dans le cadre de cette étude, il s'agira de l'indépendance des membres de la juridiction administrative au procès pris individuellement. Ces membres sont d'après l'article 1er du statut de la magistrature : « les magistrats du siège et du parquet en service dans les juridictions ». L'étude de ces membres pris individuellement regorge un intérêt indéniable dans la mesure où, le juge et les membres du ministère public sont co-artisans de la décision de justice et de la réalisation du procès équitable. De plus : « le degré d'indépendance varie cependant selon que l'on relève de la magistrature assise ou de celle debout »61(*. Sous ce rapport, il conviendra de parler dans un (premier chapitre) de l'indépendance du juge afin de chuter dans un (deuxième chapitre) sur l'indépendance du ministère public.

    CHAPITRE I : L'INDEPENDANCE DU JUGE

    Le juge, encore appelé magistrat du siège, magistrat de jugement, désigne un ensemble de magistrats de carrière tous indépendants du ministère public chargés devant les juridictions administratives de rendre des jugements sur la base du droit.À ce titre, il est considéré non seulement comme la clé de voute de la décision de justice, mais aussi comme lepilier de la réalisation de l'équité du procès. Pour réaliser au mieux sa mission, le juge doit être indépendant non seulement vis-à-vis des autrespouvoirs publics mais aussi et surtout des parties au procès. Pour Franz MATSCHER, être indépendant signifie avant tout le fait de ne pas être soumis à des ordres ou à des instructions : telle l'obligation qu'aurait un juge de justifier devant une instance supérieure toutes les décisions qu'il a eu à prendre62(*). En effet, il s'agit d'une situation qui met le juge en état de prendre ses décisions uniquement sur la base du droit et suivant sa conscience.Cette indépendance se situe donc au fondement même de son office et doit être entendue comme le statut à lui conféré, lequel lui permet de rendre une décision impartiale, sans instructions ni pressions. De la sorte, elle garantit une bonne justice, une justice de qualité dans la mesure où on espère que la décision d'un juge libre ou affranchi sera impartiale. Ceci étant dit, il apparait que l'indépendance du juge n'est pas une fin en soi ; c'est plutôt un moyen pour atteindre une des finalités de la justice à savoir l'impartialité. De ce fait, l'indépendance sert à garantir l'impartialité du juge et même si cette dernière est plus large que la première63(*), l'indépendance est un préalable à l'impartialité64(*). Le juge Lamer le spécifiait déjà dans l'affaire Lippéen ces termes: « La garantie d'indépendance judiciaire vise dans l'ensemble à assurer une perception raisonnable d'impartialité; l'indépendance judiciairen'est qu'un «moyen » pour arriver à cette « fin ». Si les juges pouvaient être perçus comme impartiaux sans l'indépendance judiciaire, l'exigence d'indépendance serait inutile »65(*).

    Au Cameroun, le juge administratif n'a pas un statut qui lui est spécifiquement aménagé. De ce fait, il partage le même statut avec les magistrats de l'ordre judiciaire. C'est ce statutproclamé dans la constitution du 18 janvier 199666(*) qui assure son indépendance. En revanche en France, l'indépendance des magistrats de l'ordre administratif a été affirmée par une décision du conseil constitutionnel le 22 juillet 198067(*).

    Toutefois, il faut préciser que ce n'est pas tant la consécration du principe qui importe ici mais plutôt sa mise en oeuvre effective par la reconnaissance au juge d'un certain nombre de garanties statutaires aussi bien sur le plan personnel68(*) que sur le plan fonctionnel69(*). Ces garanties auront alors pour principal but d'affranchir le juge (section I)de toutes formes de pressions venant des autres pouvoirs publics afin de l'amener à rendre une justice impartiale(Section II).

    SECTION I : L'AFFRANCHISSEMENT DU JUGE VIS-A-VIS DES AUTRES POUVOIRS PUBLICS

    La constitution camerounaise du 18 janvier 1996 a donné un regain de vitalité à la magistrature70(*) en la faisant passée « de l'autorité judiciaire au pouvoir judiciaire ».Cette consécration est importante pour assurer l'indépendance de l'institution. Toutefois, il convient de préciser que si le pouvoir judiciaire peut se contenter d'une consécration constitutionnelle du principe d'indépendance, il apparaît qu'elle est raisonnablement assurée qu'à partir du moment où le magistrat concerné bénéficie d'un certain nombre de garanties statutairement aménagées afin de lui permettre de se défaire des pressions externes et de se déployer librement dans son office. En effet, de ces garanties dépendent l'opérationnalité du principe et partant sa sanction. Ainsi, les États doivent prendre des mesures garantissant expressément l'indépendance du pouvoir judiciaire afin de protéger les juges contre toutes formes d'ingérences politiques dans leurs décisions. En principe, cela doit être fait par l'aménagement d'un statut71(*) visible au travers de la constitution ou par l'adoption des lois qui fixent des procédures claires et des critères objectifs en ce quiconcerne la nomination, la rémunération, la durée du mandat, l'avancement, la suspension et la révocation des magistrats ainsi que les mesures disciplinaires dont ils peuvent faire l'objet72(*).

    En droit positif Camerounais, les garanties dont dispose le juge administratif pour l'affranchir des autres pouvoirs publics ont une variété de sources ou alorssont contenues dans des textes73(*)de nature différente.Ces sources partent de la constitution au règlement. Ainsi, pour mieux les repérer, il conviendra d'identifier tout d'abord celles qui sont contenus dans la constitution(paragraphe I) avant de voir ce qui est prévu dans les textes infra constitutionnels (paragraphe II).

    PARAGRAPHE I : LES GARANTIES STATUTAIRES EMANANT DE LA CONSTITUTION

    Le sacre de l'indépendance va bien souvent de pair avec le sacre de la constitution74(*)car il est difficilement concevable qu'une constitution à tonalité démocratique ne mentionne pas le principe d'indépendance tellequ'elle découle de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. De plus, la justice est entendue comme un véritable pouvoir constitutionnel75(*)qui joue un rôle très essentiel pour l'équilibre de la société. Comme le disait René FLORIOT : « nul ne peut dire qu'il n'aura pas à s'expliquer devant les juges de son pays, même le Président de la République ». Ainsi, rien ne doit lui faire perdre son rang éminent, conditions de son crédit et de son prestige. C'est pourquoi il est tout à fait légitime que les textes de haute portée dépassant le rang de simples lois soient garants de l'indépendance de la justice et de ceux qui la rendent. La constitution qui est considérée comme « la loi des lois » apparait alors comme le tout premier gage de l'indépendance de la magistrature dans presque tous les pays du monde. Il s'agit d'ailleurs là d'un vieux serpent de mer du droit constitutionnel.

    Au Cameroun, c'est le TITRE 5 de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996 qui traite du pouvoir judiciaire. Sa lecture permet d'identifier deux catégories de garanties : l'une qui touche l'ensemble du corps de la magistrature ou garantie institutionnelle76(*) et l'autre qui touche les juges pris individuellement77(*). Cette dernière laisse percevoir deux aspects : une garantie statutaire relative à la fonction du juge traduit par sa soumission expresse à la loi et à la conscience(A) et une garantie statutaire relative à la personne même du juge ou garantie personnelle qui est traduite par l'institution du (B)comme garant de l'indépendance de la magistrature assise.

    A- La soumission expresse du juge à la loi et à la conscience

    La soumission du juge à la loi et à la conscience est un critère de définition de ce dernier. Il en est ainsi parce que le juge, comme Saint Thomas d'Aquin l'a rappelé, est une duplex persona : personne publique et personne privée78(*). C'est que, si le juge est d'abord une personne publique dépositaire d'un pouvoir régalien qui s'exerce dans le cadre fixé par les lois, il n'en est pas moins une personne privée, c'est-à-dire un homme comme tous les autres semblables, avec ses convictions, ses sentiments, ses passions, ses croyances, etc. Cette double nature a pour conséquence que le juge soit engagé dans l'instance comme une personne publique tenue d'appliquer la loi mais aussi comme une personne privée rendant justice en conscience. De ce fait, Il apparait évident que dans l'exercice de sa fonction juridictionnelle, le juge se trouve aux prises avec la loi et sa conscience

    C'est cette réalité qui est traduite dans l'article 37 al. 2 de la constitution camerounaise du 18 janvier 1996 lorsqu'elle dispose que : « Les magistrats du siège ne relèvent dans leurs fonctions juridictionnelles que de la loi et de leur conscience ». Il est donc désormais de règle constitutionnelle que la loi (1) et la conscience (2) sont les seules bornes de l'office du juge79(*). Il s'agit, au-delà du souci évident de renforcer l'indépendance des magistrats du siège80(*), de rappeler que l'administration de la justice implique nécessairement le respect et l'application de la loi en conscience par le juge.

    1- La soumission du juge à la loi

    L'obligation du juge est de trancher les litiges en appliquant les règles de droit81(*). De ce fait, toute décision non conforme à la loi doit être censurée pour manque de base légale82(*).Tenu de statuer en droit, le juge satisfait à une obligation qui confirme l'emprise du juridique sur son office. Cette fonction implique une triple condition : d'abord le pouvoir d'arbitrer entre des intérêts ou prétentions divergents, ensuite l'obligation de statuer conformément à la loi (a), enfin l'exigence de connaître la loi(b). Ce sont ces deux dernières conditions qui intéressent notre analyse.

    a- La connaissance de la loi par le juge

    Le principe selon lequel le juge doit juger selon les lois l'oblige à avoir une connaissance parfaite du droit existant. « La justice, a-t-on écrit, est un pouvoir fondé sur le savoir »83(*). De ce fait il apparaît que, la maxime « nul n'est censé ignorer la loi » doit s'imposer prioritairement au juge qui est appelé à trancher le litige en disant le droit84(*). Cette exigence est traduite dans deux adages.

    Le premier, c'est l'adage « Jura novit curia » qui signifie « la cour connaît le droit » qu'elle a mission de dire85(*). Cette maxime énonce une présomption spéciale de qualification qui se justifie pleinement aujourd'hui par le statut de professionnel du magistrat de siège86(*). Un auteur rappelle à juste titre que, « le juge connaît les lois qu'il a apprises et qu'il pratique, comme tout technicien, mais l'interprétation de la loi impose une connaissance du droit, fondement même de la décision du juge »87(*). Il est donc censé connaître les lois existant au moment où il est saisi d'une situation litigieuse ; Il va de soi que l'on ne demande pas au juge que cette connaissance soit totale dans la mesure où, le droit qu'il doit connaitre est un droit composite divers et épars. Ce droit comprend d'abord les textes législatifs et réglementaires en vigueur88(*) et s'étend aussi à la coutume89(*). Par conséquent, ce qui lui est exigé c'est d'avoir un certain savoir juridique qui lui permette « de parvenir à la connaissance du droit de la situation litigieuse »90(*).

    La deuxième maxime est « Da mihi factum, dabo tibi jus » qui signifie littéralement « Donne- moi le fait, je te donnerai le droit »91(*), confirme également l'exigence de connaissance de la loi par lejuge. Elle procède à une répartition des charges : aux parties au procès, il appartient de rechercher la preuve des faits qui soutiennent leur demande ; au juge, il revient de rechercher la règle de droit qui doit s'appliquer à la cause92(*). Car Le juge est, comme le rappellent MM.Vincent et Guinchard93(*), « maître du droit ». Cette connaissance connait deux exceptions à savoir la coutume94(*) et la loi étrangère95(*).

    Au demeurant, le « bloc de légalité » qui s'impose à la connaissance du juge est donc immense. Mais, la question se pose de savoir si le juge est réduit à n'être que « l'esclave » ou le « serviteur » de la loi ? Ne dispose-t-il pas, dans l'application de la loi, d'une marge de liberté lui permettant d'échapper à leur emprise ?

    b- L'application de la loi par le juge

    Le juge ne peut arbitrer entre des intérêts divergents que sur la base de la loi. Toutefois, le juge ne doit pas être réduit à un simple « esclave » ou le « serviteur » de la loi car si la fonction de juger devrait réduire le magistrat du siège à n'être que la « bouche de la loi », elle perdrait toute sa dignité. À ce propos, Guillaume de Lamoignon a pu dire que :« sans la force de la loi, le magistrat n'est rien, sans la voix du magistrat, la loi ne dit rien, son pouvoir est languissant et ses plus saintes dispositions sont inutiles»96(*). Ainsi, dans l'acte de juger, le juge dit le droit par obligation mais en même temps, c'est lui qui le fixe afin d'en assurer l'efficacité.

    En principe, le magistrat du siège doit juger les causes dont il est saisi selon les lois. Ainsi, est lié par la loi au sens où, toute décision qu'il rend doit l'être sous le sceau de la loi. Le doyen Cornu97(*) écrit fort justement que : « La fonction juridictionnelle est une fonction d'application du droit, le juge un agent d'exécution de la règle de droit, le jugement une application de la loi (au sens le plus large du terme) ».Ce principe ou alors cette obligation appelle un certain nombre de précisions.

    Premièrement, le magistrat a le pouvoir et le devoir d'appliquer les règles juridiques produites par les autorités compétentes pour édicter des règles de portée générale, qu'elles soient nationales ou internationales et non de les créer. Cependant, il peut être amené à créer à titre exceptionnel le droit. Dans ce cas, sa participation à la création ne constituera qu'une part infime de son activité qui n'est véritablement favorisée que par les lacunes ou les silences de la loi. A ce propos, le doyen Gérard Cornu98(*) constate que : « la fécondité de la jurisprudence est inversement proportionnelle à celle de la loi. Ce sont au moins les carences de celles-ci (les lois) qui offrent au juge des occasions créatrices. Agent de comblement des lacunes légales, la création prétorienne est casuelle ».

    Ensuite, l'obligation de juger conformément à la loi s'accompagne de l'exigence, pour le magistrat du siège, de motiver sa décision99(*). L'article 54 alinéa 1b de la loi n° 2006/022 du 29 décembre 2006 portant organisation et fonctionnement des tribunaux administratif précise que, les jugements du tribunal administratif « sont motivés et datés ». L'atteinte portée à cette obligation entraine la nullité d'ordre public de la décision au travers de l'exercice par les parties des voies de recours pour manque de base légale ou violation de la loi100(*). Cette motivation obligatoire atteste de la soumission du juge à la loi. Tout compte fait, le juge est donc tenu de statuer en droit, telle est sa fonction et sa vocation. Mais, la soumission à la loi ne revient pas à faire du juge « l'otage » de la loi. Par la force des choses, le juge n'est pas un « automate »101(*). Aussi, sa fonction va bien au-delà d'une simple application de la loi car il a, seul, le pouvoir de fixer le droit.

    En effet, le juge se serait contenté d'être la « bouche de la loi » si celle-ci était claire, précise, complète102(*). Dans ce cas, le rôle du juge serait simple. Il pourrait alors se comporter dans l'application de la loi comme le ferait une machine. Or, il en est rarement ainsi. Nombreuses sont les règles de droit équivoques, confuses ou incomplètes de ce fait, il faut bien admettre que le juge se retrouve dans un rapport différent avec la loi. Dès lors, Il ne saurait plus s'arrêter à la seule « diction ». Il se voit investi d'une mission d'interprétation qui a pour but de fixer le droit103(*). Le juge intervient alors pour expliciter la règle, « pour la disséquer et lui faire dire ce qu'elle dit ou ce qu'on veut lui faire dire»104(*). L'interprétation n'est pas seulement nécessaire que pour les règles équivoques ou obscures. Force est d'affirmer que l'interprétation est aussi possible même en cas de règle claire, nonobstant la maxime « interpretatio cessat in claris »105(*). M. François Terré106(*)observe qu'il serait exagéré d'exclure toute interprétation en cas de termes clairs, « parce qu'il est souvent difficile de distinguer un terme clair d'un terme obscur et parce que le sens de certains termes, clair dans le langage courant, peut cesser de l'être dans le langage juridique ».

    Au demeurant, le juge à l'obligation de statuer conformément aux règles de droit. Cette exigence vise à garantir l'objectivité de la fonction juridictionnelle en faisant « barrage à des décisions qui ne seraient fondées que sur les valeurs personnelles de tel ou tel juge »107(*).Toutefois, L'acte de juger ne saurait se réduire à une simple « légidiction mécanique »108(*). Comme on l'a si bien relevé, « le juge ne tranche pas seulement le litige en disant le droit qui lui est applicable (...) il a le devoir de chercher (...) la décision la meilleure possible, voire la plus juste ». Or, c'est bien dans son for intérieur que se trouve l'idée qu'il se fait du juste et qu'il entend voir transparaître dans sa décision. Cela est d'autant plus vrai que la loi n'est pas toujours juste. D'où sa soumission à la conscience.

    2- La soumission du juge à sa conscience

    La conscience du juge ne saurait constituer une norme au même titre que la loi109(*).Elle est simplement cette lumière intérieure que le juge « projette » sur les éléments de faits et de droit du litige et qui éclaire le processus décisionnel110(*).Il s'agit, en d'autres termes, d'une lumière qui le guide sur le chemin d'une décision juridiquement conforme et moralement juste. Si l'on devait paraphraser le doyen Carbonnier, on dirait que la conscience du juge intervient dans l'administration de la justice, au côté de la loi, comme « un chant qui rythme la marche sans l'imposer »111(*). Le juge ne saurait donc avoir le même type de rapport avec la loi et sa conscience car, au-delà de leur différence de nature, elles procèdent d'exigences différentes112(*).

    Le juge en tant que personne a une double conscience. Mais, dans l'acte de juger, il est surtout confronté à sa conscience professionnelle113(*) (conscientiajudicialis) et à sa conscience individuelle ou morale (conscientia humana). De ce fait, il convient de relever que la conscience qui est visée par l'article 37 al. 2 de la constitution n'est pas la conscience professionnelle. Il s'agit plutôt de la conscience individuelle ou morale du juge, qui est, selon le doyen Gérard Cornu, cette voix intérieure qui, dans sa liberté, fait entendre un impératif autonome et dicte au juge, dans son for interne, son intime conviction114(*). C'est cette intime conviction qui lui permet comme l'observe Clara Tournier de décider en « prenant sa conscience à témoin »115(*). Celle-ci se manifeste par l'exercice d'un pouvoir souverain d'appréciation large dans le domaine de la preuve des faits (a) mais réduit en ce qui concerne le droit matériel (b).

    a- La manifestation de la conscience dans le domaine de la preuve

    Le juge est tenu de statuer en fait et en droit. S'agissant des faits, sa démarche s'articule en deux étapes : la constatation et l'appréciation des faits d'une part, la détermination de la valeur probante des moyens de preuve invoqués par les parties, d'autre part. Dans cette double opération, la conscience du juge est fortement interpellée. En effet, la mission du juge revient d'abord à constater la réalité des actes, faits ou situations invoqués par les parties et ensuite d'apprécier souverainement les faits. C'est cette liberté d'appréciation des faits de la cause qui met véritablement le juge aux prises avec sa conscience. De ce fait, Il se prononce selon son intime conviction, c'est-à-dire en fonction du sentiment profond qu'il se forge en conscience sur les éléments de preuve qui sont apportés par les parties. Celle-ci se manifeste clairement dans la liberté d'appréciation de la valeur probante des moyens de preuve qui lui est reconnue.

    b- La manifestation de la conscience dans l'application de la loi

    Le juge doit, autant que faire se peut, s'efforcer de rendre une décision juste. À ce propos,Mme Frison-Roche écrit « qu'un grand juge est celui qui juge bien, c'est-à-dire celui qui non seulement manie bien les règles de droit qui sont ses instruments mais encore trouve la solution particulière efficace pour éteindre le litige, mais encore arrive à rencontrer, voire à faire naître un sentiment de justice en la personne des parties (...) Le grand juge est habité par le sentiment de justice»116(*). C'est grâce aux lumières de sa conscience que cette rencontre entre le droit et la justice est possible. En effet, il arrive que le juge rende une décision conforme à la loi mais qui soit inéquitable ou trop rigoureuse pour l'une des parties. La conscience est cette « lumière » qui éclaire l'office du juge et lui permet de rechercher la solution de droit qui lui paraît la meilleure possible, voire la plus juste117(*). Elle se manifeste dans cette marge de liberté qui lui est reconnue dans le choix de la règle de droit applicable ou encore dans le choix de la décision finale Comme l'observent MM. Canivet et Molfessis :« Juger, c'est nécessairement effectuer un choix, guidé certes par un raisonnement et des règles, mais aussi et surtout par la décision. Juger n'est rien d'autre qu'imaginer la bonne solution du litige»118(*). Ainsi, c'est en ayant recours à sa conscience, que le juge entend trancher le litige aussi justement que la loi le lui permet. En quelque sorte, sa conscience lui permet d'orienter sa décision dans le « bon sens du droit »119(*).

    Au demeurant, Le juge reste et demeure soumis à la loi qu'il applique simplement « sous l'oeil de sa conscience ». Il ne saurait faire prévaloir la conscience sur la loi, c'est-à-dire suivre l'inspiration de sa conscience plutôt que les dispositions strictes de la loi. Ainsi, les parties qui portent leur litige à la connaissance du juge s'attendent à ce qu'il soit d'abord tranché conformément au droit en vigueur et subsidiairement en conscience.

    B- L'institution du CSM comme garant de l'indépendance du juge

    Le CSM désigne l'organe chargé par la constitution d'assister le chef de l'Etat dans sa fonction de garant de l'indépendance du pouvoir judiciaire. À ce titre, il est principalement chargé de donner son avis sur les propositions de nomination et sur les sanctions disciplinaires concernant les magistrats du siège comme le précise l'article 37 (3) de la constitution du 18 janvier 1996120(*).

    Il est présidé par le Président de la République. Le Ministre chargé de la Justice en assure la vice-présidence. Toutefois121(*), le Président de la République peut désigner une autre personnalité en qualité de vice-président.

    Le Conseil comprend en outre :

    ü trois députés pris sur une liste de vingt (20) membres, établie par l'Assemblée

    Nationale ; l'Assemblée Nationale désigne au scrutin secret et à la majorité des deux tiers (2/3) des membres les vingt (20) députés à proposer à la nomination.

    ü trois magistrats du siège, au moins du quatrième (4e) grade, en activité de service, pris sur une liste de dix (10) membres établie par la Cour Suprême ; la Cour Suprême désigne, en Assemblée plénière, les 10 Magistrats de la liste.

    ü une personnalité n'appartenant ni à l'Assemblée Nationale, ni au corps judiciaire et n'ayant pas la qualité d'auxiliaire de justice, désignée par le Président de la République en raison de sa compétence. Cette personnalité, prête serment devant le Président de la République lors de son installation et avant tout acte de sa fonction. Le serment est celui prescrit pour les magistrats.

    Les personnalités désignées pour composer le Conseil Supérieur de la Magistratures ont nommées membres titulaires par décret du Président de la République. Un membre suppléant est désigné dans les mêmes conditions que ci-dessus, à chaque membre titulaire, pour le cas ou celui-ci se trouverait empêché de siéger. Les suppléants ont aussi un mandat de cinq ans. En cas de vacance, le suppléant entre en fonction pour la durée restante du mandat.

    Les membres titulaires sont désignés pour un mandat de cinq (5) ans. Il est procédé à une nouvelle désignation des membres du Conseil Supérieur de la Magistrature un mois au moins avant l'expiration du mandat en cours. Le mandat des suppléants cesse à la date d'expiration du mandat des membres titulaires. Les membres dont le mandat s'achève conservent leurs fonctions jusqu'à la nomination de nouveaux membres.

    Le Président de la République peut inviter une ou plusieurs personnalités, en raison de leur compétence et de la nature du problème à l'ordre du jour, à participer sans voie délibérative aux travaux du Conseil Supérieur de la Magistrature.

    Pour l'exercice de leur mandat, les membres du Conseil Supérieur de la Magistrature perçoivent des indemnités et des remboursements des frais. Les dépenses y afférentes sont supportées par le budget de la Présidence de la République.

    Le Conseil Supérieur de la Magistrature n'est pas une institution qui fonctionne de façon permanente. Il se réunit à la Présidence de la République sur convocation du Président de la République et sur un ordre du jour déterminé par lui. Ses travaux se déroulent à huis clos.

    Dans tous les cas où le Conseil Supérieur de la Magistrature est appelé à formuler des avis et propositions, le Président de la République désigne un rapporteur parmi les membres dudit conseil. Le rapporteur peut demander communication de tout dossier et tous renseignements utiles à l'accomplissement de sa mission.

    Pour délibérer valablement, le Conseil Supérieur de la Magistrature doit comprendre au moins six membres, dont le Président. Les avis et propositions du Conseil Supérieur de la Magistrature sont formulés à la majorité des voix.En cas de partage, la voix du Président est prépondérante.

    Pour mieux l'appréhender dans le sens de l'indépendance de la magistrature assise, il conviendra de l'analyser non seulement en tant que organe de nomination(1) mais aussi en tant que organe disciplinaire(2).

    1- Le CSM : organe de nomination des magistrats du siège

    Parmi les attributions du Conseil supérieur de la magistrature, celle relative à la nomination des magistrats constituent la part prépondérante de son activité. Il assiste le Président de la République en tant que garant de l'indépendance du pouvoir judiciaire dans son rôle d'autorité de nomination.Les termes utilisés par la constitution sont d'ailleurs clairs là-dessus lorsqu'elle dispose en son article 37 alinéa 3 que : « Le Président de la République est garant de l'indépendance du pouvoir judiciaire. Il nomme les magistrats. Il est assisté dans cette mission par le CSM qui lui donne son avis sur les propositions de nomination(...) concernant les magistrats du siège(...) ».Cet article est réitéré dans la loi n°82-014 du 26 novembre 1982 Fixant l'organisation et le fonctionnement du Conseil Supérieur de la Magistrature précisément àl'article 11 alinéa 2(b)122(*).Ainsi libellées, ces dispositions textuelles semblent être assez claires sur la consistance de l'intervention du CSM dans la nomination des juges, ce qui n'est pas le cas. Dans la mesure où, elles indiquent tout simplement que ce dernier donne son avis sur la nomination des juges sans préciserexpressément le procédé par lequel il joue ce rôle. C'est alors après une lecture minutieuse qu'on arrive à cerner son rôle.

    La nomination d'un magistrat du siège est l'aboutissement d'une longue procédure. En effet, l'activité et la valeur de chaque magistrat à l'exception du président de la Cour Suprême donnent lieu, chaque année, avant le 1er mars à une appréciation générale qui résume et le cas échéant discute les autres éléments de notation. En même temps que se fait cette appréciation générale, l'autorité compétente peut proposer tout magistrat qu'elle est habilitée à noter et qui justifie de l'ancienneté requise à une promotion de grade. La proposition d'avancement est notifiée au magistrat concerné. Celui qui n'a pas été proposé peut avant le 15 avril adresser par voie hiérarchique au ministre de la Justice une demande personnelle d'inscription au tableau d'avancement. Cette demande est transmise d'urgence, avec son avis motivé, par le supérieur hiérarchique du magistrat ne l'ayant pas proposé. Tout magistrat peut expressément demander à être proposé à une inscription au tableau d'avancement soit du siège ou du parquet soit aux deux à la fois.

    Le ministre de la justice transmet avec son avis, au secrétaire du Conseil Supérieur de la Magistrature, les propositions d'inscription, les demandes personnelles d'inscription au tableau d'avancement ainsi que les dossiers des magistrats intéressés comportant les bulletins de notes des quatre dernières années et éventuellement les sanctions prononcées contre eux et non effacées. Les inscriptionssont décidées par vote sur la base de l'ancienneté et des bulletins de notes contenus dans le dossier du candidat proposé. Elles sont réservées aux magistrats dont les candidatures ont obtenu au moins la majorité des voix et ne doivent avoir lieu que dans les limites de places arrêtées par le Ministre de la Justice pour chaque grade en fonction des crédits budgétaires et des besoins prévisibles. La préférence va de droit à celles qui ont obtenus le plus grand nombre de voix jusqu'à concurrence du nombre de places fixé pour chaque grade. L'inscription au tableau d'avancement se fait par ordre alphabétique. Elle est constatée par arrêté du ministre de la Justice et affichée au palais de justice et au ministère de la justice.

    Le magistrat inscrit au tableau d'avancement doit en principe être promu. Cependant, s'il ne l'a pas été avant expiration de l'année budgétaire, il est réinscrit de droit et ne peut être radié que par mesure disciplinaire et, à l'issue de la troisième année, il bénéficie d'une promotion de grade s'il n'a pas fait l'objet d'une sanction depuis la première année de son inscription.

    L'élévation à la hors hiérarchie ou la promotion de groupe à l'intérieur de la hors hiérarchie a lieu sans inscription préalable à un tableau d'avancement.

    L'élévation à la hors hiérarchie, la promotion de groupe et de grade emportent pour compter de sa date de prise d'effet, attribution du premier échelon de rémunération de la hors-hiérarchie, du groupe ou du grade. La promotion du deuxième grade au troisième grade emporte de sa prise d'effet, attribution de l'échelon de rémunération immédiatement supérieur à celui dont le magistrat promu était bénéficiaire au deuxième grade.

    Aucun magistrat ne peut être élevé à la hors hiérarchie ou promu sans nomination à un emploi correspondant au groupe ou grade auquel il est élevé ou promu.

    La procédure telle que ci-dessus décrite permet de réaliser que le CSM intervient dans la nomination des juges qu'au travers des avis qu'il donne relativement à l'inscription au tableau d'avancement des magistrats proposés. À ce titre, il apparait alors comme un acteur tampon ou central de la nomination dans la mesure où, c'est cette décision d'inscription qui représente une sorte d'avis donné au président de la république et qui conduit automatiquement à la promotion et à la nomination des juges. Toutefois, le texte portant sur le CSM ne donne pas des précisions non seulement sur le moment de la transmission de son avis au Président de la République mais aussi en ce qui concerne la nature de l'avis. Or,tout laisse croire qu'il s'agit d'un avis conforme parce que, l'inscription au tableau d'avancement tel qu'il est décidé par le CSM constitue une voie sûre pour la promotion et partant de la nomination des jugespuisque la loi énonce que le magistrat inscrit au tableau d'avancement doit être promu. Dans le cas où il ne l'est pas avant la fin de la première année, il l'est automatiquement la troisième année s'il n'a pas fait l'objet d'une sanction depuis la première année de son inscription au tableau. Cette promotion doit automatiquement être suivie de la nomination du juge concerné. Car comme le précise l'article 25 : « Aucun magistrat ne peut être élevé à la hors hiérarchie ou promu sans nomination à un emploi correspondant au groupe ou grade auquel il est élevé ou promu ». Ceci place le CSM au centre de la nomination des juges, le Président de la République n'étant là que pour constater cette nomination dans la mesure où, après l'inscription au tableau d'avancement le juge concerné doit automatiquement être promu et nommé à un emploi qui correspondà son grade. Qu'en est-il de leur discipline ?

    2- Le CSM : organe disciplinaire des juges

    Le CSM, outre le fait qu'il intervienne dans la nomination des juges, est l'organe de gestion de la discipline de la magistrature assise. Dans ce cas, il lui appartient d'apprécier suivant une procédure bien déterminée le comportement fautif susceptible de justifier une sanction à l'encontre du mis en cause.

    En effet, lorsque le Ministre de la Justice est saisi d'une plainte ou est informé d'un fait susceptible d'entraîner une sanction disciplinaire contre un magistrat du siège, il procède à une vérification des faits. À cet effet, le magistrat en cause reçoit une demande d'explications de son chef hiérarchique sur instruction du Ministre de la justice. Une fois la vérification terminée, l'ensemble des pièces du dossier est transmis au Président de la République avec les observations du Ministre. Ce dernier peut, si la nature des faits l'exige, suspendre par arrêté le magistrat en cause de l'exercice de ses fonctions. Cette suspension dure au maximum six (6) mois123(*). Lorsqu'il est saisi, le Président de la République peut mettre en mouvement l'action disciplinaire. Dans ce cas, il peut, par arrêté, infliger un avertissement ou une réprimande au magistrat concerné. Si avant sa réhabilitation ce magistrat commet une nouvelle faute disciplinaire, le Président de la République en saisit le Conseil Supérieur de la Magistrature.Dans cette hypothèse, le Président de la République désigne trois membres du conseil pour constituer la commission chargée de l'instruction des poursuites disciplinaires. Au cours de l'instruction, la Commission disciplinaire entend le magistrat incriminé ainsi que les témoins. La Commission accomplit tous les actes nécessaires à la manifestation de la vérité. Elle reçoit éventuellement du Ministre chargé de la justice, à la diligence du secrétaire du conseil, le dossier personnel du magistrat poursuivi. Elle peut demander communication de tous autres renseignements utiles à l'accomplissement de sa mission.Au terme de l'instruction, la Commission disciplinaire établit un rapport qu'elle dépose au secrétariat du Conseil Supérieur de la Magistrature, en même temps que l'ensemble des pièces de l'instruction.

    En vue de permettre au magistrat poursuivi de préparer sa défense, le secrétaire du

    Conseil Supérieur de la Magistrature transmet à l'intéressé le rapport établi par la Commission disciplinaire avec les pièces de l'instruction ainsi que son dossier personnel. Cette communication doit être faite avant la convocation à comparaître devant le Conseil Supérieur de la Magistrature. De ce fait, la convocation à comparaître est servie dix jours au moins avant la date de comparution. Le magistrat poursuivi est tenu de se présenter personnellement, sauf cas de force majeure. Si le magistrat dûment convoqué ne se présente pas sans excuse jugée valable par le Conseil, il est passé outre.

    Le magistrat poursuivi peut être assisté par un de ses pairs ou par un avocat de son choix, lequel est admis à plaider.

    Après lecture du rapport de la commission disciplinaire, le Conseil Supérieur de la

    Magistrature entend les explications du magistrat, ses moyens de défense et éventuellement la plaidoirie de son conseil.Le conseil délibère hors la présence du magistrat poursuivi et éventuellement de son conseil. Cette délibération ne porte que sur un avis à émettre. Cet avis est ensuite transmis auPrésident de la République. Celui-ci statue sur les faits, et prononce éventuellement une sanction disciplinaire contre le magistrat poursuivi. Les sanctions encourues dans cette hypothèse sont celles spécifiquement retenues par le statut de la magistrature124(*) avec des incidences variables sur la carrière du juge.La décision du Président de la République est notifiée au magistrat concerné ; elle est exécutée et classée dans le dossier personnel du magistrat en cause à la diligence du Ministre de la justice.

    Les décrets infligeant une sanction disciplinaire font l'objet d'une publication auJournal Officiel. En cas de révocation, la sanction est également publiée par d'autres organes de presse à la diligence du Ministre de la Justice.

    La procédure disciplinaire telle que décrite et suivie devant le CSM garantit dans une large mesure le respect des droits de la défense au magistrat mis en cause. Il s'agit d'une exigence donc le respect est imposé aussi bien par les textes que par la jurisprudence administrative afin de préserver le juge poursuivi des sanctions arbitraires de l'autorité disciplinaire.Par conséquent, son non-respect entraine au travers d'un recours pour excès de pouvoir la nullité de la procédure et partant du décret portant sanction du magistrat concerné. Cependant, il convient de préciser que l'avis donné par le CSM n'est pas un avis conforme125(*), il s'agit d'un simpleacte préparatoirede la décision du président du CSM. De ce fait, il n'est donc pas considéré comme un acte pouvant faire grief. Il n'est alors là que pour aider le pouvoir réglementaire du Président de la République, Président du Conseil Supérieur de la Magistrature à prendre un acte juridique, tel un décret ou un arrêté. De même,la procédure se déroule à huis clos.

    Au demeurant, si la constitution institue un Conseil Supérieur de la Magistrature qui assiste le Président de la République pour garantir l'indépendance de la magistrature assise, il faut noter que ce Conseil est dominé par l'exécutif. Ainsi donc, qu'il s'agisse de la nomination, de l'avancement dans la carrière, de la promotion à quelque poste de responsabilité, des mutations, de la révocation,etc., tout est entre les mains de l'exécutif qui peut tantôt miroiter l'appât d'une récompense pour fidélité tantôt brandir la menace d'une sanction en cas d'insubordination du juge. Par conséquent, cette mainmise de l'exécutif sur la carrière et la discipline des magistrats vient altérer considérablement les garanties accordées aux jugescontrede possibles mesures administratives de l'exécutif, tombant comme une riposte à des décisions qu'il n'apprécie pas.

    PARAGRAPHE II : LES GARANTIES STATUTAIRES INFRACONSTITUTIONNELLES

    Il sera question ici d'identifier les garanties statutaires infra constitutionnelles aménagées par le législateur dans le but d'affranchir les juges dans l'exercice de leurs activités juridictionnelles contredes pressions externes. Ces garanties sont contenues précisément dans deux décrets. L'un portant statut général de la fonction publique(A) et l'autre portant sur le statut de la magistrature (B).

    A- Les garanties découlant du SGFP

    D'après l'article 11 alinéa 1 du décret portant statut de la magistrature, « Nul ne peut être nommé magistrat s'il ne justifie outre des conditions requises par le statut généralde la Fonction Publique ». Cet article fait percevoir à suffisance la qualité de fonctionnaire qui est reconnue au juge. Sur cette base, il est tout à fait légitime de recenser les garanties qui lui sont reconnues en tant que fonctionnaire.

    En effet, l'éminence de la fonction juridictionnelle et la gravité des décisions qui peuvent être prises par les juges impliquent qu'ils leurs soient reconnus des droits ou imposées des obligations afin d'être mis à l'abri d'un certain nombre de pressions de nature à faire planer des soupçons de partialité dans l'exercice de leur mission.Ces droits et obligations revêtentalors une valeur très particulière contrairement à lorsqu'ils sont appliqués à des fonctionnaires ordinaires. Ces droits et devoirs particuliersdoivent leur raison d'être du fait de la nécessité de sauvegarder leur indépendance, leur objectivité et un esprit de détachement absolu qui caractérise l'exercice de la fonction judiciaire. Ils sont variés et divers. Ainsi pour les besoins de cette analyse, il sera question de présenter tout d'abord les interdictions qui découlent de l'obligation de servir et de se consacrer au service et l'obligation de réserve et de discrétion professionnelle (1)avant de présenter le droit à la protection reconnu aux magistrats dans l'exercice de leurs fonctions(2).

    1- Les interdictions et l'obligation de discrétion et de réserve

    Le SGFP impose des devoirs très variés aux fonctionnaires dans l'exercice de leurs attributions afin de garder leur indépendance. Mais pour des raisons liées à la spécificité de la fonction juridictionnelle, il sera abordé iciles interdictions(a) et l'obligation de discrétion et de réserve(b)

    a- Les interdictions

    L'article 37 alinéas 1b du SGFP pose l'interdiction : d' « exercer, à titre personnel, une activité privée lucrative, sauf dérogation spéciale par un texte ». Cependant cette même disposition prévoit certaines exceptions liées à la nature des fonctions exercées. En effet, cette interdiction ne s'applique pas à la production rurale ;à la production d'oeuvre scientifique, littéraire ou artistique ; aux enseignements donnés à titre complémentaire ou de vacataire.

    C'est dans ce sens que l'alinéa 2b et 2c autorise un magistrat à s'adonner sans autorisation préalable à la prise de participation dans les activités liées à la production rurale, d'oeuvre scientifique, littéraire ou artistique et aux enseignements donnés à titre complémentaire ou vacataire.Ces interdictions sont destinées à permettre aux juges de rendre une justice impartiale, neutre et indépendante. Ceci en les permettant de conserver la crédibilité auprès des justiciables.

    b- L'obligation de discrétion et de réserve

    La discrétion, affirmait Honoré de Balzac, «est la première vertu des hommes qui se destinent à des fonctions publiques ». Elle empêche le juge de commenter publiquement une décision. En outre, il ne doit pas s'exposer aux polémiques incompatibles avec sa fonction. Par ailleurs, il doit se départir des manifestations d'un militantisme actif et débordant incompatible avec l'image d'impartialité qu'il doit refléter au sein de la société. C'est dans ce sens que la cour européenne des droits de l'homme a jugé qu'« en militant dans un parti politique, quelle qu'en soit l'orientation, un magistrat met en péril l'image d'impartialité et d'indépendance que la justice se doit toujours et invariablement de donner ». L'article 41 alinéa 1 dispose que : «Tout fonctionnaire doit faire preuve de discrétion professionnelle pour tout ce qui concerne les faits, informations ou documents dont il a eu connaissance dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions. En dehors des cas expressément prévus par les textes en vigueur, le fonctionnaire ne peut être délié de cette obligation que par une décision expresse de l'autorité dont il relève ». L'alinéa 2 renchérit que : « Tout détournement, toute soustraction de pièces ou de documents de service sont formellement interdits. Il en est de même de leur communication ou de leur production, à moins qu'elles ne soient exécutées pour raison de service et dans les formes prescrites par les textes en vigueur ».

    Quant au devoir de réserve, il est décrit par la cour européenne des droits de l'homme comme « le présage de la capacité à assumer sa neutralité ».Le magistrat, mieux que tout autre fonctionnaire, est astreint au devoir de réserve. Il réside dans l'abstention ou la retenue par le magistrat de toute manifestation d'opinion ostentatoire susceptible d'installer le doute sur son impartialité de la part du justiciable, voire d'exprimer une certaine violence dans le comportement. Ainsi, l'article 40 du SGFP dispose que en son alinéa 1 que : « Tout fonctionnaire est tenu à l'obligation de réserve dans l'exercice de ses fonctions ». L'alinéa 2 poursuit que : « L'obligation de réserve consiste pour le fonctionnaire, à s'abstenir d'exprimer publiquement ses opinions politiques, philosophiques, religieuses, ou de servir en fonction de celle-ci ».

    Outre les devoirs de discrétion et de réserve qui incombent aux hauts fonctionnaires, le statut général de la fonction publique prévoit de nombreux autres droits à l'instar du droit pour le magistrat de se voir protégépar l'administration dans son activité juridictionnelle.

    2- Les protections des magistrats du siège

    Les justiciables perdants ou non satisfaits du contenu des décisions de justice sont enclins à mettre nommément ou collectivement les juges en cause. Et le doute est dès lors vite permis tant la réputation du magistrat est facile à défaire. En pareille circonstance, l'administration est tenue de faire montre de solidarité active quand le choc de la diffamation directe affecte le juge, ceci en le protégeant qu'il soit victime ou auteur d'un fait dommageable parce qu'en protégeant le magistrat, la collectivité se protège elle-même. L'autorité de la justice et parfois même son existence passant nécessairement par des magistrats respectés.

    La protection du magistrat a pour fondement les dispositions du SGFP. En effet, l'article 25 dans son alinéa 1 dispose que : « l'Etat est tenu d'assurer au fonctionnaire la protection contre les menaces, outrages, violences, voies de fait, injures ou diffamations dont il peut être victime, en raison ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ». L'alinéa 2 du même article poursuit en disposant qu' « il est tenu, après qu'il a fait procéder à l'évaluation des dommages, de réparer le préjudice subi par le fonctionnaire du fait de ses actes .Dans ce cas, l'Etat est d'office subrogé aux droits de la victime pour obtenir les auteurs des faits incriminés, la restitution des sommes versées par lui au fonctionnaire intéressé à titre de dédommagement, et de tous autre frais engagés ». Par ailleurs, l'alinéa 3 poursuit également en précisant qu' « il peut également engager les poursuites pénales contre lesdits auteurs et dispose, aux mêmes fins, d'une action directe qu'il peut exercer par voie de constitution civile devant la juridiction ». Par conséquent, le refus de la protection est une illégalité lorsqu'il n'est pas justifié par un motif d'intérêt général tel que la bonne marche des services judiciaires. Pareille illégalité est constitutive de faute de l'administration qui est tenue d'indemniser l'agent. Toutefois, la protection est légalement refusée uniquement en cas de faute personnelle pour les faits à l'origine des poursuites.

    Outre l'existence de ces articles, L'administration peut en outre assurer la protection du magistrat par une décision de promotion, de nomination ou par toute autre marque publique de solidarité constituant une réponse à la situation qui prévaut. Cette protection est limitée aux actes accomplis dans l'exercice des fonctions et ne s'applique pas aux actes ayant entrainés de telles menaces et atteintes accomplies en tant que tel mais inspirés par un mobile personnel.

    B- Les garanties émanant du statut de la magistrature

    Le décret portant statut de la magistrature a prévu également des garanties au juge. Ces garanties sont pour l'essentiel : les incompatibilités et les incapacités(1), la rémunération et les honneurs(2)

    1- Les incompatibilités et les incapacités

    L'accomplissement d'un parcours professionnel intégral au sein de l'ordre judiciaire paraît trouver un corollaire nécessaire dans l'obligation pour ceux-ci de ne pas exercer concomitamment : « certaines activités qui, sans être interdites aux magistrats, paraissent incompatibles avec l'exercice simultané d'une fonction judiciaire »126(*). De ce fait,Il résulte l'énoncé dans le Statut de la magistrature d'un certain nombre d'incompatibilités(a) et d'incapacités(b) portant sur l'exercice d'activités professionnelles.

    a- Les incompatibilités

    La soumission des magistrats de l'ordre judiciaire à des incompatibilités en ce qui concerne l'exercice de certaines activités professionnelles extérieures, repose sur une double justification. Il s'agit à la fois d'assurer leur pleine disponibilité au service des fonctions judiciaires et d'éviter : « toute subordination extérieure qui risquerait d'entraver leur indépendance d'esprit et de compromettre leur liberté de jugement »127(*). Ces deux exigences se retrouvent, certes, dans une certaine mesure vis-à-vis des autres membres de la fonction publique, dont la grande majorité constitue un vecteur essentiel dans la mise en oeuvre de la « politique de la Nation ». Elles revêtent cependant une dimension supplémentaire dans leur application à la magistrature, s'agissant d'un corps dont les membres du siège apparaissent comme les premiers dépositaires d'une justice impartiale. Il en résulte en conséquence l'énoncé précis par le statut organique, de plusieurs cas d'incompatibilités, dont la survenance peut contraindre le magistrat à faire un choix quant à la suite à donner à son parcours professionnel.

    L'article 15 alinéa 1er du décret n°95/048 du 8 mars 1995 portant statut de la magistrature pose en principe que, l'exercice des fonctions de magistrat est incompatible avec a) « l'exercice de tout commerce ou industrie et tout emploi dans une entreprise commerciale ou industrielle»; b) « la qualité d'auxiliaire de justice notamment celle d'avocat ou d'huissier ».Cependant, cette même disposition en son alinéa 2 prévoit que : « Nonobstant les dispositions du paragraphe précédent, le Président de la République peut nommer ou autoriser la nomination d'un magistrat dans une société nationale ou dans une entreprise commercialeou industrielle dans laquelle l'Etat détient une part du capital ». Qu'en est-il des incapacités ?

    b- Les incapacités

    Les magistrats doivent rendre impartialement la justice ceci sans considération de personne ni d'intérêt. Ainsi, àcôté des règles sur les incompatibilités, il existe des incapacités prévues à l'article 16 du statut de la magistrature. Cet article prévoit que les conjoints parents et alliés jusqu'au degré et devenu inclusivement ne peuvent être  :a) « être simultanément membres d'un même tribunal ou d'une même cour »  ;b) « appartenir simultanément l'un au siège, l'autre au parquet d'une même juridiction »  ;c) « connaître à un titre quelconque, des voies de recours intentées contre une décision à laquelle a participé soit leur conjoint, soit un parent ou allié, à un degré prohibé ».

    Ces dispositions sont importantes car elles posent le problème du rôle de l'appartenance religieuse, confrérique ou ethnique et des relations sociales et parentales dans les atteintes à l'indépendance.

    2- La rémunération et les honneurs

    Il sera d'abord abordé la rémunération (a) des juges avant d'appréhender les honneurs(b).

    a- La rémunération des juges

    L'exercice à titre professionnel des fonctions judiciaires donne droit à une rémunération au profit du juge. Il s'agit là, de sa situation financière et matérielle nécessaire pour le mettre à l'abri d'éventuelles pressions dans l'exercice de ses fonctions. Car, un juge placé matériellement dans la pauvreté ou dans la gêne, sera difficilement indépendant et partant impartial. De ce point de vue, la rémunération des juges apparait alors ici dans notre contexte comme un moyen de lutte contre la corruption. Le niveau de celle-ci doit être fixé de façon à les affranchir des pressions visant à influer le sens de leurs décisions et plus généralement sur leur comportement juridictionnel en altérant leur indépendance et leur impartialité. Il est d'autant plus important dans la mesure où, la faible rémunération des magistrats est susceptible de les mettre dans une situation de précarité telle qu'ils jouissent de moins en moins de la « notabilité »auprès de ceux qui les saisiraient éventuellement pour rendre la justice ou de ceux qu'ils auraient condamnés. Peut-on vraiment concevoir qu'un juge vienne partager le même autobus avec un prévenu qu'il vient de condamner, même d'une peine légère ?

    Au Cameroun, les magistrats tirent l'essentiel de leurs revenus de l'exercice de leur fonction. C'est le décret qui porte qui porte sur le statut de la magistrature qui donne les références quant à leur rémunération ou alors leur salaire. Sa lecture permet de se rendre compte qu'elle est composée d'une part d'un traitement mensuel qui évolue en fonction du grade128(*) du magistrat, par échelon indiciaire à l'ancienneté au sein du même grade, par changement de grade en cas d'avancement au mérite. D'autre part, par des indemnités et avantages de fonction129(*).

    Au demeurant, La sécurité financière est censée protéger les magistrats contre les tentations de la corruption, mais en général, les salaires sont jugés insuffisants et suscitent l'insatisfaction de beaucoup de juges. Qu'en n'est-il des honneurs ?

    b- Les honneurs

    Le décret portant statut de la magistrature prévoit un véritable droit aux honneurs. Les honneurs civils et militaires sont rendus aux membres du corps judiciaire dans les conditions fixées par des textes particuliers130(*). En effet, lorsque les juridictions marchent en corps, les magistrats qui les composent prennent rang suivant l'ordre prévu dans l'article 21 du statut de la magistrature.

    En définitive, comme il a été susdit, l'affranchissement du juge de pressions extérieures est important pour une bonne administration de la justice. Il tient sa raison d'être du souci de le rendre impartial lorsqu'il statue sur un litige.

    SECTION II : LA MANIFESTATION DE L'INDEPENDENCE DU JUGE : L'IMPARTIALITE

    À l'occasion du procès du surintendant Fouquet, Louis 14 qui souhaitait que ce dernier soit condamné à mort, s'est vu répondre par Olivier D'Ormesson, rapporteur dans l'affaire : « sire, la cour rend des arrêts, non des services ».Cette anecdote témoigne de l'historicité de la nécessité d'avoir au sein des juridictions un juge impartial. En effet, ses origines sont très anciennes : l'obligation d'impartialité étant fréquemment citée dans les textes bibliques131(*). Au plan juridique, cette obligation est présente dans de nombreux textes internationaux et régionaux de protection des droits de l'homme et la substance qu'ils partagent se décline ainsi qu'il suit : « toute personne à droit à ce que sa cause soit entendue(...) par un tribunal indépendant et impartial ». De tout temps, l'impartialité a toujours été considérée comme consubstantielle à la qualité de juge132(*).Ainsi que le dit le professeur René Chapus «l'évidence de cette idée naturelle et simple qu'on ne conçoit pas qu'un juge puisse être légitimement partial (...) »133(*) . Ainsi, « L'impartialité est l'âme du juge »134(*).Il s'agit d'une qualité dont il doit faire montre de ce que doit ou devrait être le « bon juge » : c'est le fondement du bon fonctionnement de la justice. Sous ce rapport, le juge, autorité investie du pouvoir d'arbitrer et de départager sans parti pris, est appelé à trancher les conflits qui lui sont soumis, « en s'efforçant de tenir la balance au milieu sans privilégier une partie au détriment de l'autre »135(*). Ainsi, le juge est impartial lorsqu'il réussit à considérer l'affaire d'une manière anonyme et à remettre toute idée préconçue.

    Selon Gérard CORNU, l'impartialité désigne une « absence de parti pris, de préjugé, de préférence, d'idée préconçue, exigence consubstantielle à la fonction juridictionnelle donc le propre est de départager des adversaires en toute justice et équité »136(*). Pour le doyen PRADEL, l'impartialité se définit comme un principe conduisant « à éviter que le juge succombe aux pressions ou invitations des tiers, d'une part, qu'il ne fasse pas intervenir ses préjugés, convictions ou pressions, d'autre part ». De ce fait, le juge doit être seulement « une machine à juger »137(*). Définie de la sorte, l'impartialité doit être distinguée des notions qui lui sont très proches telles que la neutralité138(*), l'équité139(*) et l'indépendance140(*).

    Pour mieux cerner la consistance et les contours de ce droit, il conviendra de s'interroger tout d'abord sur les dimensions de partialité (paragraphe I) susceptiblesd'entacher l'activité du juge afin de présenter les garanties ouvertes contre la partialité du juge, (paragraphe II) permettant de rendre effectif le principe d'impartialité.

    PARAGRAPHE I :LES DIMENSIONS DE PARTIALITE DU JUGE

    Le principe de l'impartialité n'a jamais été réellement consacré explicitement par les textes au Cameroun ni même par le juge administratif, comme dans certains pays d'Afrique notamment le Burkina Faso, le Benin ce qui ne rend pas évident la tache de l'identification des dimensions de partialité du juge. Cependant, à titre de droit comparé, la cour européenne nous donne une première approche de résolution du problème en donnant une signification à la fois originale et très riche. En effet, dans l'affaire Piersack c. Belgique, La Cour a considéré que : « Si l'impartialité se définit d'ordinaire par l'absence de préjugésou de parti pris, elle peut, notamment sous l'angle de l'article 6 paragraphe 1 de la Convention, s'apprécier de diverses manières. On peutdistinguer sous ce rapport entre une démarche subjective,essayant de déterminer ce que tel juge pensait dans son for intérieuren telle circonstance, et une démarche objective amenantà rechercher s'il offrait des garanties suffisantes pour exclure àcet égard tout doute légitime »141(*).De la sorte, cette jurisprudence nous permet alors de dégager deux conceptions de la partialité du juge à savoir : l'impartialité objective et l'impartialité subjective.Toutefois, il faut reconnaître l'insuffisance que recèlent les termes utilisés par la cour car c'est bien à partir d'éléments eux-mêmes objectifs, que la CEDH décèle la partialité subjective du juge. Cette situation a conduit une partie de la doctrine inspirée par le professeur Serge Guinchard à proposer de distinguer entre une impartialité « personnelle »d'une part, et d'impartialité « fonctionnelle »d'autre part, afin de pallier une terminologie européenne peu claire142(*).Dans le premier cas, la question de l'impartialité du juge se pose à raison de l'exercice même de ses fonctions indépendamment de ses convictions personnelles. Alors que dans le second cas, c'est indépendamment des fonctions exercés et en raison de ses traits propres que l'impartialité du juge doit être appréciée. Eu égard à cette argumentation, il s'agira pour nous d'adopter la démarche classique comparable à celle du juge de Strasbourg en analysant d'une part la partialité personnelle (A) et d'autre part la partialité fonctionnel du juge(B).

    A- La partialité personnelle

    Selon une jurisprudence constante de la commission européenne des droits de l'homme et de la cour de Strasbourg, l'impartialité subjective ou personnelle désigne une absence de parti pris chez le juge et elle doit être présumée faute de preuve contraire. Elle correspond à ce que peut penser le juge dans son for intérieur en telle circonstance.Par conséquent, elle doit être mesurée à l'aune d'un élément psychologique et personnel. En effet, elle touche les convictions ou le comportement du juge indépendamment de ses fonctions. Le juge doit être subjectivement impartial en ce sens qu'il ne doit avoir aucun parti pris en faveur, ou à l'encontre de l'une ou l'autre des parties dans l'affaire dont il est saisi. Cependant, cette conception de l'impartialité porte un paradoxe. En effet il n'est pas facile d'apporter la preuve de la partialité subjective car prouver le parti pris du juge reviendrait à «sonder les coeurs et les reins »143(*). Néanmoins, la preuve est souvent facilitée par le comportement même du juge. L'exemple le plus fréquemment cité est celui d'un juré d'assises tenant des propos xénophobes144(*).

    Le législateur camerounais a prévu dans l'article 591 du code de procédure pénale différentes hypothèses sur la base desquelles il sera tout à fait légitime qu'une partie au procès soupçonne la partialité du juge dans une affaire donnée : Il s'agit des cas de récusation. La lecture de cette listepermet de distinguer d'une part les cas où le juge entretient une relation intime ou hostile avec une partie(1) au procès et d'autre part le cas de l'existence d'un lien processuel ou la connaissance antérieure du procès(2).

    1- Relation intime ou hostile avec une partie au litige

    La relation intime ou hostile traduit le rapport éventuel que le juge peut avoir avec une partie au procès. En effet, le juge est comme n'importe quel homme ayant des liens de diverses natures avec ses semblables. Ainsi, il peut être lié par des affinités de nature à faire obstacle à son impartialité. Ces affinités peuvent être familiales où économiques. Dans la première hypothèse, l'article 591 du code de procédure pénale interdit au juge de siéger : « si lui-même ou son conjoint est parent tuteur ou allié de l'une des parties jusqu'au degré d'oncle, neveu, cousin germain et cousin issu du cousin germain ». Dans la deuxième cette affinité est établie « si le juge lui-même ou son conjoint est employeur, employé de l'une des parties, héritier présomptif, donataire, créancier, délateur ou une personne qui mange habituellement à la même table que l'une des parties, administrateur de quelque établissement ou société dans la cause ». Par ailleurs, le juge peut être soupçonné de partialité « s'il y a eu entre lui-même ou son conjoint et l'une des parties, toute manifestation d'amitié ou d'hostilité pouvant faire douter de son impartialité ».

    2- L'existence d'un lien processuel ou la connaissance antérieure du procès

    Le lien entre le juge et une partie au litige peut être processuel de nature à remettre en cause son impartialité. C'est le cas si le juge lui-même ou son conjoint a un procès devant être jugé par l'une des parties. En outre, le même article prévoit également l'hypothèse d'une connaissance antérieure de la procédure par le juge de céans. Ceci est possible précisément si le juge adéjà connu de la procédure ou s'il a été arbitre, conseil ou témoin.

    Ces différents éléments tels qu'ils sont énumérés permettent de vérifier de manière objective la partialité subjective du juge. De ce fait, on glisse alors insensiblement vers l'impartialité objective ou fonctionnelle du juge (B).

    B- La partialité fonctionnelle

    La CEDH retient que l'impartialité objective revient « à se demander si, indépendamment de la conduite personnelle du juge, certains faits vérifiables autorisent à suspecter l'impartialité de ce dernier »145(*). Elle implique en effet que soit pris en compte non pas les convictions ou les sentiments du juge exprimés ou non, mais seul l'exercice de ses fonctions. Il n'est plus question ici de parti pris personnel, mais plutôt de soupçon lié à un « environnement juridictionnel ».Dans ce cadre : « ce qui compte, c'est moins la réalité que l'apparence, susceptible d'alimenter le soupçon de partialité »146(*) comme l'exprime le célèbre aphorisme du droit anglais prononcé par Lord Chief Justice Hewart, dans un arrêt de la chambre des lords de 1924 : « It is not merely of some importance, but of fundamentalimportance, that justice must not only be done, but be manifestly seen to be done »147(*).

    Deux types de situations peuvent faire craindre un défaut d'impartialité objective du juge : le cas où un juge exerce des fonctions différentes dans une même affaire(1)et le cas où un juge cumul des fonctions similaires mais à des degrés différents(2).

    1- Le cumul de différentes fonctions dans une même cause

    Le procès administratif peut être vu comme étant une suite d'actes divers accomplis par des autorités distinctes et visant à tirer au litige soumis à leur appréciation les conséquences qu'elles comportent. Exception faite de l'exécution du jugement. Contrairement au procès pénal où il existe une distinction classique entre trois fonctions à savoir : la poursuite confiée au Ministère Public148(*), l'instruction qui est menée par le Juge d'Instruction149(*)et le jugement confié au juge de jugement ou à une collégialité selon les cas150(*).Le procès administratif quant à lui, en raison de sa spécificité connait une distinction entre deux fonctions : la fonction d'instruction bien que menée sous l'autorité du président du tribunal et la fonction de jugement. Cette distinction tient à minimiser le risque de pré-jugement dont serait animé un magistrat qui statue à des différents stades de la procédure. En effet, un magistrat qui intervient dans la première phase d'une procédure se forge toujours de quelques manières que ce soitpar la connaissance qu'il a du dossier, une idée personnelle sur l'issue éventuelle de la procédure.De ce fait, s'il venait à conduire à nouveau une autre mission dans la même affaire, il serait susceptible de donner à sa décision le contenu qu'il a arrêté depuis ses interventions antérieuresce qui est nocif pour une bonne administration de la justice car le juge en question sera animé dans ce cas d'un pré-jugement151(*).Il faut donc que l'exercice des fonctions juridictionnelles dans une même cause soit aménagé ou organisé de telle sorte qu'un même juge ne soit pas présent au début et à la fin de la procédure, d'où l'interdiction de cumuler les fonctions d'instruction et de jugement dans une même cause. Ceci est d'autant plus important dans la mesure où, de cette conception « séparatiste »,des fonctions exercées au sein d'une juridiction, dépendraient le respect absolu de l'exigence d'impartialité objective. Chaque étape de la procédure juridictionnelle doit être gérée par ses responsables propres ; la qualité de la justice étant intimement liée au partage respectueux des tâches ainsi définies. Cependant, ce « taylorisme juridictionnel » serait quelque peu à nuancer car la réalité est parfois bien différente. C'est le cas avec la pratique du Président - rapporteur.

    Cette pratique se rencontre généralement dans les cas d'urgence et l'argument qui est souvent avancé pour la justifier est la recherche de la célérité. À ce propos, O. Dugrip estime que le juge peut apporter à ses méthodes de travail des modifications, « quelles que soient la nature des affaires et la juridictionsaisie »152(*). Il soutient que«la possibilité reconnue au président - de la juridictionsaisie - d'être lui-même rapporteur, allégeant l'étude du dossier, permet d'accélérer laphase préliminaire au jugement et de statuer plus rapidement ». De ce fait, « lePrésident ne se contente plus de superviser l'instruction, il assume personnellementla charge de celle-ci » (...) ; ce qui permet, d'après cet auteur : « une accélérationnotable, de l'instruction justifiant son utilisation pour les affaires urgentes »153(*). Dès lors, instruire une affaire qui doit être jugée en urgence peut parfois être incompatible avec l'exigence d'impartialité objective.

    En France, il est souvent possible d'évoquer l'hypothèse de l'exercice successif des fonctions de juge des référés et de juge du fond. Dans cette hypothèse, le Conseil d'Etat a considéré que le principe d'impartialité ne faisait pas obstacle, eu égard à la nature de l'office du juge des référés, à ce qu'un magistrat se prononce successivement sur une demande de référé suspension et sur le litige au principal154(*). De même, un exercice successif de fonctions juridictionnelles différenciées a donné principalement matière à une importante discussion sur la participation de l'ancien Commissaire du gouvernement155(*) au délibéré du Conseil d'Etat.

    2- Le cumul des fonctions similaires à des degrés différents

    En principe, un même juge ne doit pas connaître deux fois d'une même affaire. Autrement dit, un même juge ne peut se prononcer sur le recours qui frappe la décision qu'il avait lui-même rendue, à moins qu'il ne soit saisi d'une voie de rétraction ou d'une demande de rectification à la suite d'une erreur matérielle156(*). S'il vient à le faire, le justiciable aura« des raisons objectives et sérieuses, voir « légitimes » selon les termes même de la cour européenne des droits de l'homme, de craindre qu'il ne se répugne à se déjuger et que, le débat une nouvelle fois introduit devant lui ne soit, pour cette raison, faussé »157(*).

    Au Cameroun, le législateur fait cette interdiction dans l'article 119 alinéas 2 de la loi n°2006/022 du 29 décembre 2006 fixant l'organisation et fonctionnement des tribunaux administratifs. En effet, il dispose que : « En attendant la mise en place des juridictions prévues par la présente loi, la Chambre Administrative de la Cour Suprême exerce provisoirement leurs attributions. A cet effet, les sections de ladite chambre statuent par jugement, en premier ressort et à charge d'appel ou de pourvoi devant les sections réunies. Toutefois, les magistrats ayant participé au jugement d'une affaire en premier ressort ne peuvent le faire en appel ou en cas de pourvoi ». Cet article laisse apparaître l'importance d'éviter qu'un même juge connaisse deux fois d'une même affaire en instance et en appel voir en cassation.

    PARAGRAPHEII : LES GARANTIES OUVERTES CONTRE LA PARTIALITE DU JUGE

    Les garanties d'impartialité du juge peuvent être entendues comme étant un ensemble des règles qui tendent à empêcher, par des interdictions et des limitations, qu'un juge ne rendeune décision in favorem ou in defavorem à une des parties au procès, soit à cause des relations qu'il entretient avecelle ou alors à cause de son intervention à plusieurs stades de la procédure. Ces garanties sont de deux ordres.Les unes existent à l'effet de prévenir les risques de partialité du juge(A) alors que les autres constituent des sanctions(B) contre le juge qui s'est montré partial dans la prise de décision dans l'affaire dont il est saisi.

    A- Les moyens de prévention de la partialité du juge

    Le plaideur, en revendiquant son droit à l'impartialité, peut si le besoin se fait ressentir élever contre la juridiction saisie de son litige un incident.Cet incident peut être orienté directement contre un pré-jugement explicite que porte le juge. Il peut aussi être porté contre un autre type de pré-jugement, mais sans que cela soit la mission première qui lui a été assignée : il s'agit d'un pré-jugement implicite. L'incident est appelé à prendre la forme dans le premier cas, d'une récusation et dans le second cas, d'un renvoi. C'est au regard de cette classification qu'il convient de se pencher dans un premier temps sur la garantie contre le pré-jugement explicite : la récusation (1) puis, sur la garantie contre un pré-jugement implicite : le renvoi (2).

    1- La prévention contre le pré-jugement explicite : la récusation

    Le juge n'est pas un extra-terrestre ; il a une famille, des amis, des relations, des anciens camarades d'école et pourquoi pas des ennemis. Le professeur Roger Perrot le relevait déjà en ces termes : « le juge n'est pas un être abstrait. Comme tout citoyen, il vit au sein d'une société dont il partage les espoirs et les craintes, les enthousiasmes et les pulsions.la justice n'est pas une boule aseptisée imperméable au mouvement d'opinion ».Ainsi, il peut être appelé à trancher un litige dans lequel l'une des parties au procès entretient avec lui certaines affinités, accointances ou liens particuliers de diverses natures. Dans une telle posture, son devoir d'impartialité serait atteint, non pas en fonction d'un préjugé, mais d'un parti pris en qualité de partie au procès. Dès lors, il sera tout à fait légitime pour le justiciable de soupçonner sa partialité sur le litige qu'il est appelé à arbitrer et requérir alors qu'il soit placé en « quarantaine »158(*).

    Le législateur n'est pas resté de marbre face à une telle situation ; dans la mesure où, il a prévu la récusation comme un moyen de prévention de la partialité du juge aux articles 104, 105,106 de la loi n°2006/022 du 29 décembre 2006 fixant organisation et fonctionnement des tribunaux administratifs. Cette loi, du fait qu'elle soit laconique sur la question, peut nous amener à se référer aux dispositions du code de procédure civil et pénal relatives à la récusation.

    La récusation est une « procédure par laquelle le plaideur demande que tel magistrat s'abstienne de siéger, parce qu'il a des raisons de suspecter sa partialité à son égard »159(*). Elle est un incident soulevé par le plaideur partie à une instance, lui permettant d'évincer ou d'exclure de la juridiction compétente un ou plusieurs juges en cas de suspicion de leur partialité160(*). C'est ce que prévoit l'article 104 dans son alinéa 1 de la loi n°2006/022 en ces termes « Tout juge peut être récusé pour toute cause susceptible de le mettre en situation difficile pour rendre un jugement impartial ». Elle peut également être déclenchée par le juge sur qui plane les soupçons de partialité comme le prévoit l'article 106 :« tout juge qui croit qu'il existe en sa personne une cause de récusation est tenu d'en saisir son supérieur hiérarchique qui pourvoit à son remplacement ». On parle dans un pareil cas de déport ou d'abstention. La déportation ou l'auto-récusation doit être considéré comme un « devoir naturel du juge »que lui impose sa déontologie161(*).

    L'exclusion d'un tel juge se fera donc grâce à cet outil procédural dont la mise en oeuvre s'effectue sur le fondement des causes qui servent de point de départ pour se poursuivre suivant une procédure bien déterminée (a). Cependant, il n'en demeure pas moins qu'il s'agit d'un instrument limité(b).

    a- Les causes et la procédure de récusation

    La récusation d'un juge ne se fait pas d'une manière fortuite. C'est sur fondement des causes (i) bien déterminées et ceci suivant une procédure (ii).

    i- Les causes de la récusation

    Le législateur camerounais n'a pas prévu des cas de récusation propres au procès administratif comme il l'a fait dans le procès civil et pénal. Il met juste l'accent sur la motivation de la requête. De ce fait, les causes de récusation qui peuvent servir de boussole ici à la motivation doivent être recherchéesdans le code de procédure pénalepour la simple raison que, toute motivation doit en principe avoir un point de départ ou alors une référence. Autrement dit, la motivation ne peut avoir une assise solide que si au préalable elle a des points de référence.

    Le juge administratif comme tout autre juge est le « prisonnier des contraintes liées aux notions de solidarité et de famille élargie que l'on rencontre dans la majorité des sociétés africaines »162(*). Ainsi, il ressort que le juge est lié par des affinités qui sont de nature à l'empêcher de se prononcer en toute indépendance et impartialité.

    Le législateur a institué une variété de cas de présomption de partialité. Ces causes légales procèdent de la haine ou des affections du juge ou encore de son intérêt personnel ou encore plus de son amour propre162(*). Il n'est pas évident de classifier les différentes causes. Néanmoins, il est possible de les regrouper en deux catégories à savoir : d'une part celles qui font du juge une partie à l'instance eu égard à la relation qu'il entretient avec elle et qui peut être hostile ou intime et d'autre part les causes liées à la connaissance antérieure du procès.

    S'agissant des relations hostiles ou intimes que le juge peut entretenir avec une partie au procès, L'article 591 (a) prévoit que la première cause de récusation est liée au fait que le juge ou son conjoint soit parenté, tuteur ou allié de l'une des parties jusqu'au degré d'oncle, neveu, cousin germain issu du cousin germain inclusivement. On note par là la volonté du législateur de limiter au maximum les cas où le juge peut être appelé à juger des affaires dans lesquelles une de ses parentés est partie. Il serait difficile dans une telle situation de se prononcer de façon impartiale. Il risque de donner à sa décision une coloration familiale c'est-à-dire tenté de satisfaire ou de privilégier les liens de parenté au détriment de la justice.

    Une autre cause de récusation est liée à une situation de dépendance de nature économique. Ainsi, le code de procédure pénale dans l'article 591(b) énumère les différents cas qui peuvent être assimilés à une situation de dépendance. On peut citer la relation de créancier à débiteur, les relations de subordination notamment si le juge est appelé à connaître d'une affaire dans laquelle l'employeur ou l'employé de son conjoint est partie. Dans ce cas, le juge ne juge pas mais il paye sa dette ou alors il rend un service163(*).De même, on peut citer comme cause de récusation le cas où il existe entre le juge ou son conjoint et une partie au procèstoutes manifestations d'amitié ou d'hostilité (article 591(e)).

    Concernant les causes liées à la connaissance antérieure du procès par le juge de céans, il est prévu que, dès lors qu'il existe un lien processuel entre le juge et une partie, ou que le juge a connu antérieurement le procès, il y a présomption de la partialité du juge, ce qui peut entrainer sa récusation. C'est ce qui est énoncé dans l'article 591(c) lorsqu'il dispose que le juge peut être récusé : « s'il a déjà connu de la procédure ou s'il a été arbitre, conseil ou témoin ». Le cas du juge qui a précédemment connu l'affaire fait allusion à l'une des causes d'incompatibilité du cumul de fonctions. De même, l'article 591(d) dispose que le juge peut être récusé « si lui-même ou son conjoint à un procès devant être jugé par l'une des parties ».

    ii- La procédure de récusation

    La récusation est proposée par requête motivée déposée au greffe, signée de la partie, de son avocat ou de son mandataire muni d'un pouvoir spécial. Cette requête est communiquée par le greffier aux juges récusés qui sont tenus de signifier sous huitaine, par écrit, leur acquiescement à la récusation ou leur refus motivé de s'abstenir. À partir de cette communication, tout jugement et toute opération sont suspendus164(*).

    La juridiction saisie, statue en chambre du conseil sur le rapport d'un de ses membres. Si la récusation met en cause le Président du tribunal, il est statué dans les mêmes conditions par la Chambre Administrative de la Cour Suprême. La partie dont la demande en récusation est rejetée peut être condamnée à une amende civile de dix à cent vingt mille (10.000 à 120.000) francs CFA, sans préjudice s'il y a lieu, des dommages intérêts165(*).

    b- Les limites de la récusation

    Les limites peuvent être identifiées aussi bien dans les causes que dans la procédure.

    En ce qui concerne les causes de récusation, le législateur n'a pas prévu l'hypothèse oùl'avocat d'une partie au litige entretient des liens d'amitié, d'hostilité ou de parenté avec le juge ; ce qui est non négligeable dans la mesure où, cette relation peut forcement influencer la décision du juge et conduire à une justice partiale.

    Au niveau de la procédure, il faut relever que l'article 102 de la loi n° 2006/022 surl'introduction de la requête pose le problème du moment de son introduction. En effet, c'est la référence à l'article article 162 du code pénal qui peut permettre de subodorer que cette introduction se fait avant le commencement de la plaidoirie. Et si tel est le cas, cela signifie que le législateur camerounais n'a pas prévu l'hypothèse où la cause de récusation serait née ou découverte après l'engagement des débats au fond. Par ailleurs, il n'existe pas des voies et recours ouverts contre le rejet d'une demande de récusation.Cette option manifeste les soucis d'accélérer la procédure pour le règlement rapide du litige.

    Tout compte fait, la récusation, nonobstant quelques limites qu'elle présente, constitue un véritable droit offert aux justiciables afin de diluer tout risque de partialité dont serait animé le juge. Par là, elle constitue une garantie d'impartialité du juge. Cependant, l'amende civile, de dix à cent vingt mille (10.000 à 120.000) francs CFA sans préjudice s'il y a lieu des dommages intérêts, qui est prévue contre le requérant en cas de rejet de sa demande de récusation, est de nature à décourager les potentiels plaideurs ce qui diminue l'efficacité de ce remède contre la partialité du juge. L'impartialité peut également être prévenue par un autre mécanisme à savoir : le renvoi d'une juridiction à une autre.

    2- La prévention contre le pré-jugement implicite : le renvoi

    La prise en compte exclusive de l'existence dans le for intérieur du juge des causes susceptibles de mettre en doute son impartialité ne suffissent pas à elles seules pour penser avoir remédié au problème de partialité ; encore faudrait- il qu'il n'existe aucune pression extérieure pouvant aboutir au même résultatà savoir remettre en cause l'impartialité du juge. Le législateur n'est pas resté insensible à cette seconde hypothèse notamment celle de l'existence des circonstances de fait extérieures au juge entourant la procédure et pouvant influer sur elle. Ainsi, le procès de part sa seule existence peut exposer le juge à des pressions diffuses et il serait inconcevable que les facteurs locaux puissent faire porter la juridiction, en principe compétente, des pré-jugements nuisibles à l'impartialité. En effet, il ne s'agit plus ici d'écarter un juge mais de dessaisir toute la juridiction bien que compétente afin d'éviter que l'environnement du dossier ou d'autres éléments étrangers, ne fondent la décision de celle-ci. Ainsi, pour obtenir le dépaysement de l'affaire, il faut qu'elle soit renvoyée devant une autre juridiction. Dès lors, nous présenterons d'abord les types de renvoi(a) afin d'aborder la procédure et la portée du renvoi(b).

    a- Les types de renvoi

    L'existence des causes, pouvant empêcher que le juge se prononce en toute impartialité, doivent convoquer le renvoi de l'affaire devant une autre juridiction qui sera beaucoup plus indépendante que la première. A cet effet, le code de procédure pénale camerounais consacre deux types de renvoi qui ont chacun pour fondement une cause: il s'agit du renvoi pour cause de sureté publique et du renvoi pour cause de suspicion légitime. Ce faisant, il faut préciser que le législateur n'a pas procédé non seulement à une définition exacte de ces renvois mais aussi à une énumération des manifestations dont ils peuvent donner lieu, ce qui crée parfois des confusions entre ces catégories de renvois166(*) et accorde au juge une grande marge d'appréciation quant à son adhésion à la demande relative à un de ces deux revois.

    Le renvoi pour cause de sureté publique touche l'environnement extérieur qui fait pression sur la juridiction à l'instar des violences et des pressions exercées par les médias.End'autres termes, il s'agit de l'environnement malsain qui entoure le « cadre géo judiciaire du tribunal »167(*). Il est considéré comme étant la garantie secondaire contre les risques de partialité du juge car préserver l'impartialité du juge n'est pas la première mission qui lui est assignée.Elle est avant tout au service de l'objet du renvoi à savoir la préservation de la paix et de la sureté dans la cité.Il est prévu aux articles 604 et 605 du code de procédure pénale.

    Selon le professeur PRADEL168(*), la sureté publique est dominée par la notion de sauvegarde de l'ordre public ; elle est l'une de ses trois composantes169(*).Dans ce cas, le renvoi est possible si le procès entraine ou peut entrainer des scènes de désordre ou des tentatives d'évasion concentrées170(*)susceptibles de faire obstacle à l'indépendance et à l'impartialité de la juridiction.

    Quant au renvoi pour cause de suspicion légitime, il induit des causes de renvoi qui résident au sein même de la juridiction. Autrement dit, l'élément déterminant ici est l'environnement interne de la juridiction. Contrairement au renvoi pour cause de sureté publique qui est la garantie secondaire, le renvoi pour cause de suspicion légitime est la garantie principale car il a pour objectif premier de pallier à tout pré-jugement défavorable à l'impartialité de la juridiction saisie.

    La « suspicion » traduit en l'idée d'un «sentiment de défiance que suscite la juridiction »171(*). Elle peut être définie comme un sérieux motif laissant penser que les juges ne peuvent, en raison de leurs tendances ou intérêts, se prononcer avec impartialité172(*). Elle peut également être conçue comme un soupçon de partialité contre la juridiction saisie, permettant à la juridiction supérieure, à la demande d'une partie, de dessaisir la première et de renvoyer l'affaire devant une autre juridiction de même nature173(*).

    Ainsi appréhendé, il y aura renvoi pour cause de suspicion légitime si l'ensemble des magistrats est incapable de se prononcer d'une manière impartiale.Par conséquent, le renvoi ne s'opère que lorsque la valeur qu'il est destiné à garantir n'est pas respectée par les membres de la juridiction174(*).Il revient à celui qui excipe la partialité des juges à prouver l'existence d'un réel et sérieux soupçon annihilant l'impartialité. De ce fait, sa demande doit être fondée sur les éléments à la fois précis et objectifs, revêtant une certaine gravité175(*) .

    Le renvoi dessaisit toute la juridiction dans sa collégialité c'est-à-dire l'entièreté de celle-ci. Cependant, si c'est le cas d'une juridiction à juge unique, l'on peut demander la récusation qui entrainera le renvoi de l'affaire devant une autre juridiction s'il existe des éléments sérieux qui empêchent à la justice de bien se manifester. Ainsi présenté, il apparait une différence quant aux motifs qui servent de fondement à chaque type le renvoi. Cette différence se fait également ressentir au niveau de la procédure inhérente à chaque type de renvoi et leur portée (b).

    b- La procédure et la portée du renvoi

    Les articles 604 à 605 du code de procédure pénale traitent de la procédure qui gouverne les deux types de renvoi. Leur lecture ne permet pas de relever une distinction digne de ce nom. Elle est alors quasi identique exception faite de la différence qui apparait au niveau des personnes habilitées à les effectuer.

    Concernant la procédure, pour envisager le renvoi, il faut au préalable que la juridiction soit saisie. Ensuite, il ne faut pas que l'on ait engagé les débats au fond.Par conséquent, elle doit être introduitein limine litis176(*). Enfin, il faut un motif sérieux de craindre que les magistrats d'une juridiction ne soit pas en mesure de statuer en toute impartialité177(*). La requête aux fins de renvoi d'une juridiction à l'autre n'a pas d'effet suspensif. Ce qui suppose que la juridiction saisie va continuer le procès.

    Une fois terminé l'examen de la requête en chambre de conseil, la Cour Suprême peut adopter deux attitudes : soit ordonner le renvoi de l'affaire devant une autre juridiction de même nature soitrejeté la demande et dans ce cas, la juridiction précédemment saisie continue l'examen de l'affaire. La cour suprême peut aussi décider de modifier la composition du tribunal. Il s'agit dans ce cas d'un « renvoi statique ».

    Au-delà de ces éléments relatifs au fond, la procédure est simple : la requête aux fins de renvoi pour cause de suspicion légitime doit être introduite au greffe de la cour suprême par la partie qui suspecte la partialité de la juridiction dans le cadre du renvoi pour suspicion légitime ;par le seul ministère public, s'il s'agit du renvoi pour cause de sureté publique.Par la suite, la requête doit être signifiée à toutes les parties intéressées afin qu'elles puissent déposer un mémoire au greffe de la cour suprême178(*). Le législateur ne fait pas mention aux délais dont dispose la cour suprême pour se prononcer sur le renvoi. Ce qui laisse penser que la cour suprême devra le faire dans les brefs délais afin d'éviter des lenteurs judiciaires.

    Quant aux personnes habilitées à demander, contrairement au renvoi pour cause de sûreté publique où le ministère public jouit d'une grande exclusivité de la compétence, le renvoi pour cause de suspicion légitime, le renvoi est partagé entre le ministère public et la partie au procès. Il faut préciser que le code de procédure pénale ne précise pas ces parties. Ce qui laisse subodorer qu'il peut s'agir de n'importe qu'elle partie au procès, le ministère public y compris.

    Au demeurant, le renvoi sert au même titre que la récusation à prévenir les risques de partialité du juge. Toutefois, le renvoi d'une affaire devant une autre juridiction notamment administrative au Cameroun peut poser des problèmes en ce qui concerne sa mise en oeuvre. Il peut en être ainsi parce que le renvoi implique que le litige soit jugé par une juridiction de même ordre et de même degré mais situé généralement dans un cadre géographique autre que celle de la juridiction soupçonnée de partialité. Cependant, C'est la seule chambre administrative basée à la capitale politique Yaoundé qui est la seul juge de premier ressort, d'appel et de cassation ; Les tribunaux administratifs n'étant pas encore opérationnels ou alors se mettant peu à peu en place, ce qui peut lui donner une dimension beaucoup plus théorique que pratique. Dès lors, il se pose la question de l'opérationnalité d'une telle garantie. De même, la prévention de la partialité du juge ne suffit pas à elle seule pour pallier aux risques de partialité. C'est pourquoi il doit également exister des sanctions contre cette partialité.

    B- Les sanctions contre la partialité du juge 

    En droit positif camerounais, lorsque le dispositif préventif n'a pas joué, il ne reste plus que deux possibilités offertes contre la partialité du juge. Ainsi, le requérant qui a soupçonné la partialité du juge peut soit rechercher l'annulation du jugement(1) prononcé au mépris du principe d'impartialité, soit engager la responsabilité disciplinaire et civile(2) du juge partial.

    1- L'annulation de la décision objet du jugement partial

    Cette sanction n'est pas expressément prévue par une disposition légale, mais il va de soi que lorsqu'une partie au procès n'est pas satisfaite par un jugement, cettedernière a la possibilité de le faire annuler par une juridiction supérieure par l'exercice des voies de recours principalement par l'appel et la cassation. Par ailleurs, une autre possibilité consiste à engager la responsabilité disciplinaire et civile du juge partial.

    2- La responsabilité disciplinaire et civile du juge partial

    Le juge qui a fait montre de partialité peut voir sa responsabilité engagée non seulement sur le plan disciplinaire (a) mais également sur le plan civil (b).

    a- La responsabilité disciplinaire

    En droit positif camerounais, le juge qui a fait preuve de partialitédans l'exercice de son art, peut voir sa responsabilité engagée pour faute disciplinaire.

    Au Cameroun constitue une faute disciplinaire imputable à un magistrat : tout acte contraire au serment prêté par ce dernier donc la formule est énoncée dans l'article 23 de la manière suivante : « Moi .................., je jure devant Dieu et devant les hommes(...) de rendre justice avec impartialité à toute personne, conformément aux lois, règlements et coutumes du peuple camerounais, sans crainte ni faveur, ni rancune(...) ». Ainsi, le juge partial ou déloyal s'expose à des sanctions qui vont de la réprimande jusqu'à la révocation pararrêté ou par décret du Président de la République après avis du CSM selon la gravité de la faute et conformément à une procédure décrite dans la loi portant CSM.

    b- La responsabilité civile

    La responsabilité civile du juge peut être engagée pour partialité.Dans ce cas, la procédure à mettre en oeuvre ici est la prise à partie du fait d'une faute personnelle du juge commise dans l'exercice de ses fonctions179(*).En effet,il s'agit d'une procédure axée sur un régime de responsabilité particulier, dérogeant au droit commun de la responsabilité civile180(*)qui s'applique aux magistrats. Elle est entendue comme étant une « action civile dirigée contre une juridiction, un juge ou un membre du ministère public, du fait d'une faute commise par ces magistrats lors d'un jugement ou d'un autre acte commis dans l'exercice de leurs fonctions et qui tend à réparer le dommage causé de ce fait, dans les cas et dans les conditions prévues par la loi »181(*). Ainsi, Lorsqu'un juge a commis des actes illicites autres qu'une infraction pénale, il peut voir sa responsabilité engagée dans les cas limitativement prévus par loi et suivant une procédure bien déterminée.

    En effet, d'après les articles 246 et suivants du Code de Procédure Civile et Commerciale, le juge peut être pris à partie dansles cas suivants :

    ü s'il y a dol, concussion ou faute lourde professionnelle qu'on prétendrait avoir étécommis, soit dans le cours de l'instruction, soit lors des jugements ;

    ü si la prise à partie est expressément prononcée par la loi ;

    ü si la loi déclare les juges responsables, à peine de dommages-intérêts ;

    ü s'il y a déni de justice.

    La partie demanderesse est appelée à démontrer l'existence d'une de ces causes pour déclencher la prise à partie. De même,elle doit prouver le dommage qu'elle a subi et la relation de cause à effet qui doit exister à cet effet. Si les faits sont avérés, c'est l'Etat qui est civilement responsable des condamnations en dommages-intérêts qui seront prononcées à raison de ces faits sus-énumérés contre les magistrats, sauf recours contre ces derniers.

    Concernant la procédure de la prise à partie, elle est de la compétence des tribunaux de l'ordre judiciaire. Ainsi, lorsqu'elle est engagée contre les magistrats des tribunaux de Première et Grande Instance ou contre un conseiller de la Cour d'appel, elle est portée devant la Cour d'Appel. En revanche, lorsqu'elle concerne les magistrats des cours criminelles et des cours d'appel, elle ressort de la compétence de la cour suprême. La prise à partie contre les magistrats de la Cour Suprême est portée devant ladite cour et elle n'est possible qu'après autorisation du Président de la Cour Suprême, qui statue après avis du Procureur Général près ladite Cour. En cas de refus qui doit être motivé, la partie plaignante pourra saisir la Cour Suprême.

    Si la requête est rejetée, le demandeur sera condamné à des dommages et intérêts envers les parties, s'il y a lieu182(*). Si elle est admise, elle sera signifiée dans les trois jours au magistrat pris à partie, qui sera tenu de fournir ses défenses dans la huitaine. À partir de ce moment, ce dernier s'abstiendra de la connaissance du différend ; il s'abstiendra même jusqu'au jugement définitif de la prise à partie de toutes les causes que la partieou ses parents en ligne directe ou son conjoint pourront avoir dans son tribunal, à peine de nullité du jugement183(*).

    La prise à partie sera portée à l'audience sur simple requête et sera jugée par une autre chambre que celle qui l'aura admise184(*).Si le demandeur est débouté, il sera condamné à des dommages et intérêts envers les parties s'il y a lieu185(*).

    D'une manière générale, les magistrats pris à partie ne peuvent être jugés que par des juridictions hiérarchiquement supérieures. Il s'agit là de la mise en oeuvre du privilège de jugement186(*).Et au demeurant, la responsabilité du juge administratif telle que décrite vient opérer sans risque de se tromper si la jurisprudence187(*) nous permet de l'affirmer, une reprise de l'arrêt préfet de la Guyane. Ce qui soumet le fonctionnement du service public de la justice à la distinction faute personnelle-faute de service188(*) consacrée parl'arrêt Pelletier189(*).

    CHAPITRE II : L'INDEPENDANCE DU

    MINISTERE PUBLIC

    Le Ministère public, encore appelé « parquet » ou « magistrature debout » «est un organe de la juridiction administrative »189(*)constitué d'« un ensemble de magistrats de carrière tous indépendants des juges du siège et chargés devant la juridiction administrative de requérir l'application de la loi et de veiller sur les intérêts de la société »190(*).Le dictionnaire encyclopédique191(*)le définit comme étant «  le corps des magistrats affirmant la magistrature debout encore appelée parquet, chargée de représenter les intérêts de État auprès des tribunaux et de requérir l'exécution des lois ». Cette double appartenance du ministère public laisse perplexe et donne l'impression qu'une étude de son indépendance est une entreprise vaine ou vouée à l'échec, surtout quand on sait que d'un côté, il relèveadministrativement et hiérarchiquement de la seule autorité du garde des sceaux192(*) et que de l'autre côté, il est appelé par ses réquisitions ou ses conclusions à éclairer la lanterne du juge pour une bonne application de la loi. Cette situation est renforcée par le fait que, les dispositions constitutionnelles sont muettes en ce qui concerne son statut ; ce qui donne l'impression qu'il ne bénéficie pas des garanties pouvant assurer son indépendance. Toutefois, il est fondamental de regarder les magistrats du ministère public comme des co-artisans de la décision de justice régit par un statut particulier et relevant du pouvoir judiciaire et non comme de simple fonctionnaire relevant de la hiérarchie administrative du pouvoir exécutif.

    Au Cameroun, cette institution àexister sous le règne du Conseil du Contentieux Administratif ainsi qu'à l'époque du Tribunal d'État en tant que commissaire du gouvernement et connaît aujourd'hui une consécration aussi bien au sein de la chambre administrative que devant les tribunaux administratifs. Elle est composée des magistrats du parquet général près la Cour Suprême et des magistrats des parquets généraux près les Cours d'Appel des ressorts des tribunaux administratifs. À ce propos, l'article 7de la loi n° 2006/022 du 29 décembre 2006 dispose ce qui suit : « Le parquet près le tribunal administratif est le parquet général près la cour d'appel du ressort du tribunal administratif ». L'article 8quant à lui, ajoute ce qui suit : « Les membres du tribunal administratif et ceux du parquet sont les magistrats relevant du statut de la magistrature ».

    En France, le ministère public était connu sous l'appellation de Commissaire du gouvernement. Devenu rapporteur public, il a pour mission de faire connaître sa position ou son avis en formulant en toute indépendance ses conclusions. Il est important que son appréciation sur les circonstances de faits et les règles de droit applicables soient impartiales, ainsi que son opinion sur les solutions qu'appelle, suivant sa conscience, le litige soumis à la juridiction à laquelle il appartient193(*). Le Conseil d'État français avait déjà eu l'occasion de le rappeler dans sa décision Gervaisedu 10 juillet 1957194(*).

    Au demeurant, le Ministère public participe à la fonction de juger dévolue à la juridiction administrative195(*)où il occupe une place importante et incontournable196(*).De ce fait,il doit aussi bénéficier au même titre que le juge des garanties propres à assurer son indépendance vis-à-vis de l'exécutif et des parties au procès. Cette indépendance est nécessaire non seulement pour lui permettre de requérir de façon impartiale l'application de la loi mais aussi de l'aider à mieux contribuer à la réalisation du procès équitable. L'étude de cette indépendance constitue alors un pan de l'indépendance de la Magistrature et passe pour son effectivité parson affranchissement (section I) de l'emprise de l'administration qui a un poids énorme sur son activité, afin qu'il puisse être impartial (section II) lorsqu'il accompli sa mission de veilleur à l'application de la loi.

    SECTION I : L'AFFRANCHISSEMENT DU MINISTERE PUBLIC A L'EGARD DE L'EXECUTIF

    Le ministère public dans sa fonction d'éclaireur de la lanterne du juge, à travers ses réquisitions et ses conclusions, doit être affranchi des pressions ou de l'emprise de l'exécutif au procès. Cet affranchissement est nécessaire pour lui permettre d'exercer ses missions de façon impartiale et de contribuer activementet efficacement à la réalisation du procès équitable. Cependant, l'envisager de la sorte semble paraître impossible dans la mesure où, il s'agit d'une institution qui reste hiérarchiquement soumise au pouvoir exécutif197(*) par le biais du Ministre de la Justice, garde des Sceaux198(*)et qui à ce titre, peut à tout moment, au moyen des pouvoirs que le statut de la magistrature lui confère en son article 3, « leur donner desinstructions » même s'il est admis de manière coutumière que « la plume est serve mais la parole libre ». L'apparence ainsi projetée ne doit pas occulter qu'en dépit du fait que les doctrines française199(*) et camerounaise200(*) s'accordent sur le fait que le Ministère public« est un organe du Ministère de la Justice en délocalisation physique à une juridiction donnée » il est après tout un ensemble de magistrats de carrière qui jouent un rôle indéniable dans l'élaboration de la décision de justice par le biais de ses conclusions et de ses réquisitions. Par conséquent, il doit bénéficier au même titre que le juge administratif des garanties statutaires propres à assurer son indépendance à l'égard du pouvoir politique.Dès lors, la question qui surgit à l'esprit est celle de savoir de quelles garanties s'agit-il ? Cette question a sa place parce que le ministère public ne bénéficie presque pas des mêmes garanties que le juge dans l'exercice de ses fonctions. Ainsi, pour mieux les identifier, il sera alors question d'interroger tout d'abord l'esprit de la constitution dans la consécration des garanties statutaires de l'indépendance du ministère public(paragraphe I) afin d'analyser les garanties statutaires infra-constitutionnelles (paragraphe II) accordées au ministère public dans l'exercice de sa mission.

    PARAGRAPHE I: L'ESPRIT DE LA CONSTITUTION DANS LA CONSECRATION DES GARANTIES STATUTAIRES DE L'INDEPENDANCE DU MINISTERE PUBLIC

    À la lumière des propositions du Comité consultatif pour la révision de la Constitution201(*) en 1994, le doyen Louis FAVOREU dressait un constat plutôt sévère mais qui n'a malheureusement pas perdu de son acuité : « le problème du statut constitutionnel du parquet et de ses membres n'est toujours pas résolu, du moins de manière vraiment satisfaisante »202(*).

    La constitution camerounaise du 18 janvier 1996 traduit cet état des choses dans la consécration des garanties personnelles accordées aux magistrats, afin de les mettre à l'abri de toutes pressions externes dans l'exercice de leurs fonctions juridictionnelles. En effet, d'après l'article 37(2) : « (...) les magistrats du siège nerelèvent dans leurs fonctions juridictionnelles que de la loi et de leur conscience ».De même, l'alinéa 3 du même article poursuit en disposant que: « le Président de la République est garant de l'indépendance du pouvoir judiciaire. Il nomme les magistrats. Il est assisté dans cette mission par le conseil supérieur de la Magistrature qui lui donne son avis sur les propositions de nomination et sur les sanctions disciplinaires concernant les magistrats du siège »203(*).

    Ces garanties consacrées de la sorte, laissent apparaître non seulement une exclusion implicite de la loi et de la conscience(A) chez les membres du ministère public mais aussi une prise en compte discriminatoire du Conseil Supérieur de la Magistrature en ce qui concerne la gestion du parquet(B).

    A- L'exclusion de la loi et de la conscience chez le ministère public

    Les magistrats du parquet rencontrent d'énormes difficultés lorsqu'il est question pour eux d'exprimer leurs opinions à l'audience. Celles-ci ne sauraient être contraires à celles de leurs supérieurs hiérarchiques dans une mesure voulue par la législation en vigueur. C'est ce qui justifie d'ailleurs l'exclusion de la loi (1) et la limitation de leur liberté de conscience (2).

    1- Exclusion de la loi

    La Constitution prévoit que seuls les magistrats du siège relèvent de la loi. Cela signifie que les magistrats du parquet ne sauraient relever de la loi dans l'exercice de leurs fonctions juridictionnelles comme ceux du siège le sont, étant donné que les fonctions du parquet sont règlementées par un décret204(*)qui est frappé du sceaux de l'emprise de l'administration, bras séculier de l'exécutif.Les magistrats du parquet au Cameroun ont donc le droit de s'appuyer sur l'esprit du décret qui est un règlement pour mener à bien leur mission.

    Il est vrai que la Constitution camerounaise ne dit pas de manière expresse que les magistrats du parquet relèvent d'un règlement mais c'est son mutisme, vis-à-vis de la magistrature debout, qui offre à ses membres la latitude de relever du pouvoir réglementaire, c'est-à-dire indirectement du pouvoir Exécutif. La préférence qu'a eu le constituant camerounais pour la loi, en ce qui concerne l'organisation et le fonctionnement du siège, constitue la preuve que le décret qui est par nature juridique un acte réglementaire, reste l'instrument juridique de base régissant la magistrature debout.

    Au demeurant, « le fait pour le législateur de souhaiter que le décret oriente les fonctions des magistrats du parquet, reste ici un élément facilitateur de la soumission de ceux-ci au pouvoir central, notamment aux autorités hiérarchiques en charge de la gestion de ce même parquet »205(*). Ce constat malheureux ne peut que participer à altérer la qualité de la justice car le ministère public est co-artisans à la décision de justice et que à ce titre, il devraitaussi bénéficier au même titre que le juge de la loi. C'est à juste titre que l'Avocat général Jean-Claude BERLIOZ note que : « magistrat à part entière, garant des libertés individuelles comme tous les magistrats, le magistrat du Ministère public bénéficie, dans ses attributions, d'une délégation directe de la loi. Le Ministère public est en toute matière étroitement soumis à la loi qu'il est chargé d'appliquer, de défendre, et, s'il y a lieu, d'interpréter »206(*). Il précise à ce titre que : « le souci de la loi doit être constant dans les interventions du parquetier, car il agit en tant que représentant de la souveraineté nationale. À cet effet, d'une certaine manière, les magistrats du Ministère public sont étroitement dépendants de la loi; ils ne devraient d'ailleurs être soumis qu'au droit et à la loi et non au pouvoir exécutif»207(*) .

    Dès lors, l'on peut aisément comprendre pourquoi le droit à la libre conscience des magistrats du Ministère public en matière administrativeou tout au plus en toute autre matière, ne saurait être effectif208(*).

    2- La limitation de la libre conscience des magistrats du parquet

    L'article 3 al 3 du décret n° 95 /048 du 08 mars 1995 portant statut de la magistrature constitue la preuve que la liberté d'expression des magistrats du parquet n'est pas effective. Au lieu de constituer un instrument d'épanouissement pour leur fonction, celle-ci se révèle plutôt un élément de blocage ne laissant pas dans certains cas aux magistrats du Ministère public l'opportunité de s'exprimer librement, car « leur liberté de parole ne s'exerce à l'audience lorsque des instructions leur ont été données, qu'à condition qu'ils aient préalablement et en temps utile, informé leur chef hiérarchique direct de leur intention de s'écarter oralement des réquisitions ou conclusions écrites déposées conformément aux instructions reçues »209(*).

    La liberté de parole et de conscience des magistrats du parquet peut donc se retrouver bloquée par leur hiérarchie lorsque les instructions leur sont données par celle-ci. Il convient de noter au passage que cette pratique est tributaire de la tradition française du parquet. Les membres du parquet étant des magistrats amovibles, ils obéissent à une hiérarchie qui anéantit leur liberté d'expression210(*). Or, une telle liberté est constitutionnellement reconnue. Elle rentre dans le préambule de la Constitution211(*). C'est donc une liberté publique qui devrait, à défaut d'être édulcorée par la hiérarchie du parquet, recevoir plutôt une protection « au sens du droit positif » comme pense Jean Rivero212(*). Il est d'avis que la liberté de parole rentre dans ce qu'il est convenu de nommer ou de qualifier de libertés publiques au sens du droit positif, car selon lui, « leur importance doit (renforcer) le principe général de la liberté de tous les comportements dans tous les domaines (...) »213(*).

    Cependant, dans le domaine réservé à la magistrature du parquet au Cameroun, ce renforcement du principe général de la liberté de tous les comportements au sens du droit positif tel que prévu par Jean Rivero, rencontre d'énormes difficultés d'épanouissement. Celles-ci sont dues au fait que l'organisation du fonctionnement du parquet ne se réalise que par le biais d'un règlement. Ainsi, les magistrats du parquet obéissent à une hiérarchie contraignante auprès des différentes juridictions administratives avec l'aide des Avocats Généraux. On n'oublie pas qu'au sommet, le garde des Sceaux exerce un pouvoir hiérarchique sur l'ensemble des magistrats du parquet. Ces derniers sont tenus de se conformer aux instructions qu'ils reçoivent, en tout cas, dans les réquisitions écrites qu'ilsdéposent. Néanmoins, ils peuvent en effet s'exprimer librement à l'audience conformément au vieil adage « la plume est serve, mais la parole est libre à l'audience ».

    Il ressort donc de tout ce qui précède que, même la liberté de conscience des magistrats du parquet reste en proie à la précarité, à partir du moment où ceux-ci doivent mettre en application les orientations du garde des Sceaux214(*). Cette affirmation vient renforcer l'idée selon laquelle il existe une séquestration de la « liberté d'expression » des membres du Ministère public. Cela peut aussi s'expliquer par le fait que le législateur a bien voulu écarter le Ministère public de l'encadrement offert par le Conseil Supérieur de la Magistrature215(*)au profit du seul siège.

    B- Exclusion implicite du Conseil Supérieur de la Magistrature de la gestion de la Magistrature debout

    L'alinéa 3 de l'article 37 de la constitution dispose : « le Président de la République est garant de l'indépendance du pouvoir judiciaire. Il nomme les magistrats. Il est assisté dans cette mission par le conseil supérieur de la Magistrature qui lui donne son avis sur les propositions de nomination et sur les sanctions disciplinaires concernant les magistrats du siège »216(*). L'interprétation qui se dégage de cette disposition porte à croire quela nomination et la discipline des membres du ministère public ne nécessitent pas forcément l'intervention du CSM. Autrement dit, les magistrats du parquet ne relèvent pas de la loi n° 82 /14 du 26 novembre 1982 fixant l'organisation et le fonctionnement du conseil supérieur de la Magistrature. Cette prise en compte discriminatoire du CSM dans la gestion de la magistrature en général vient confirmer la prise en compte des bases infra-constitutionnellesnotamment réglementaires dans la gestion de la magistrature débout.

    PARAGRAPHE II : LESGARANTIES

    STATUTAIRESINFRACONSTITUTIONNELLES DE L'INDEPENDANCEDU MINISTÈRE PUBLIC

    Le constituant camerounais a volontairement fait une précision au travers de l'article37 (3) visant à dire que, les magistrats du siège sont ceux-là qui seuls, ne relèvent que de la loi et de leur conscience. Dans cette énumération sectorielle ou sélective, le constituant a laissé comprendre que le reste du corps de la Magistrature, c'est-à-dire les membres du ministère public ne relèvent que des normes infra-législatives notamment du décret portant sur le statut de la magistrature et le décret portant statut de la fonction publique.Ces instruments juridiques, de nature infra-législative et réglementaire, règlent alors de la situation et partant des garanties statuaires du ministère public dans la mesure où ces derniers sont avant tout des fonctionnaires qui sont tenus au respect des règles relatives au statut général de la Fonction publique. De plus, magistrat de formation et de fonction, ils ne peuvent pas échapper aux exigences réglementaires propres au statut de la magistrature. Ainsi, il conviendra d'identifier les garanties qui lui sont accordées par le décret qui porte sur le statut de la magistrature (A) afin de chuter sur celles contenues dans le statut général de la fonction publique (B).

    A. Les garanties statutaires des membres du ministère public émanant du statut de la magistrature

    Le statut de la magistrature met à la disposition des membres du ministère public des garanties statutaires propres à assurer leur indépendance. Parmi ces garanties, figurent celles qu'on retrouve également chez le juge. C'est le cas avec les incompatibilités, les incapacités, la rémunération et les honneurs. Partagées de la sorte entre ces deux organes, il ressort que, envisager leur analyse ici ne permettra pas de percevoir la spécificité de l'organe objet de l'analyse. De ce point de vue, il sera question ici de déterminer essentiellement les garanties qui lui sont propres parce qu'attestant de sa particularité.

    En effet, le Ministère public tel que conçu et reçu par le législateur camerounais, est placé sous la dépendance du Ministre de la Justice, garde des Sceaux et des autorités hiérarchiques directes. C'est le décret n°95 /048 précité portant statut de la Magistrature217(*) qui prévoit les choses ainsi. Ce texte règlementaire dispose en son article 3 que les« magistrats du parquet et attachés de justice relèvent administrativement de la seule autorité du Ministre de la Justice ». Les alinéas 2 et 3 de cette même disposition ajoutent : « ils lui sont hiérarchiquement subordonnés » et « leur liberté de parole ne (saurait s'exercer) à l'audience, lorsque des instructions leur ont été données, qu'à condition qu'ils aient préalablement et en temps utile informé leur chef hiérarchique direct de leur intention de s'écarter oralement des réquisitions ou conclusions écrites déposées conformément aux instructions reçues ».Ce dernier article est plus déterminant que son précédent quant à ce qui est de la dépendance à l'autorité hiérarchique directe. Il impose aux magistrats membres du Ministère public la conduite à tenir dans leurs fonctions juridictionnelles, vis-à-vis de leur chef hiérarchique direct. Ainsi, les magistrats membres du Ministère public sont interdits de toute expression écrite ou orale pouvant aller à l'encontre de l'intention de leur chef hiérarchique direct. Aux instructions qui leur sont adressées, les magistrats du parquet doivent se conformer, sous peine de faire l'objet de poursuites disciplinaires fondées sur la méconnaissance de son devoir d'obéissance218(*). Nonobstant cette forte emprise du garde des sceaux sur le ministère public, il convient de préciser que conformément au célèbre adage : «la plume est serve et la parole est libre », le ministère public se voit reconnaître une liberté de parole qui s'exerce à l'audience(1) et qui lui permet de faire des réquisitions et des conclusions justes et équitables dans l'application du droit. Par ailleurs, la gestion des nominations et de la discipline des membres du ministère public se fait par des organes qui, bien que projetant les apparences d'être contrôlés par le ministre de la justice, présentent des garanties non négligeables de nature à contrebalancer le pouvoir hiérarchique et les risques d'arbitraire des supérieurs hiérarchiques du ministère public. Ces organes sont au nombre de deux à savoir la commission de classement et la commission permanente de discipline(2).

    1- La libération de la parole du Ministère public à l'audience

    Conformément à l'adage traditionnel «la plume est serve, mais la parole est libre», les Magistrats du parquet bénéficient d'une indépendance consubstantielle à leur qualité de magistrat et à leur devoir de gardien de la loi219(*). Cet adagetraduit textuellement dans l'article 3 alinéa 3 du décret n°95/048 du 8 mars1995portant statut de la magistrature, est renforcé par l'affirmation de l'indépendance du pouvoir judiciaire. La libération de la parole est une manifestation de l'indépendance du Ministère public dans l'exercice de ses fonctions juridictionnelles nonobstant sa qualité de représentant du pouvoir exécutif au sein des juridictions. Comment appréhende-t-on la libération de la parole à l'audience et quel sera l'impact de l'affirmation de l'indépendance du pouvoir judiciaire sur l'exercice par le Ministère public de cette liberté ?

    Eu égard à l'esprit de cet adage, il est possible de reconnaître un droit d'initiative personnel à la magistrature débout. C'est ainsi que, bien que respectant les instructions de leur chef hiérarchique conformément à l'article 3 du statut de la magistrature, ces derniers peuvent aller au-delà de ces ordres qui parfois viennent réduire à néant la bonne administration de la justice. Ainsi, selon la maxime « la plume est serve, mais la parole est libre », lorsque le Procureur de la République est à l'audience, il ne pèse sur lui aucune obligation d'obéissance aux injonctions de son supérieur hiérarchique parce que la loi l'autorise à développer librement des arguments qu'il estime convenables pour le bien de la justice (a). Cette possibilité aura une portée fondamentale dans l'expression de l'indépendance du Ministère public (b).

    a- L'absence d'obéissance aux injonctions du supérieur hiérarchique pendant l'audience

    L'absence d'obéissance aux injonctions du supérieur hiérarchique pendant l'audience est la conséquence de la maxime « la plume est serve mais la parole est libre ». En effet, cette maxime découle de l'article 3 alinéa 3 du décret portant statut de la Magistrature lorsqu'il dispose en ce qui concerne les magistrats du Ministère public, que : « leur liberté de parole ne s'exerce à l'audience, lorsque des instructions leur ont été données, qu'à condition qu'ils aient préalablement et en temps utile, informé leur chef hiérarchique direct de leur intention de s'écarter oralement des réquisitions ou conclusions écrites déposées conformément aux instructions reçues ». De la sorte, cette disposition réglementaire illustre la qualité des membres du Ministère public qui, au-delà de représenter le pouvoir exécutif près des juridictions, restent avant tout, des magistrats au même titre que les magistrats du siège. Elle montre également que les magistrats du Ministère public ne sont pas tenus à l'obligation d'obéissance lorsqu'ils développent oralement leurs observations à l'audience. Le décret leur impose seulement de prendre des réquisitions écrites conformes aux injonctions du supérieur hiérarchique, notamment celles du Procureur Général ou du Ministre de la Justice, Garde des Sceaux. Dans ce cas, les réquisitions écrites sont transmises au supérieur hiérarchique220(*)pour qu'il les signe. Mais, une fois à l'audience, le Procureur de la République est affranchi bien qu'il soit astreint à l'obligation d'informer préalablement et en temps utile son chef hiérarchique direct de son intention de s'écarter oralement des réquisitions ou conclusions écrites. De ce fait il peut développer un argumentaire totalement contraire aux réquisitions écrites conformes aux injonctions de son supérieur hiérarchique. Toutefois, cette façon d'appréhender les choses nécessite d'être nuancée. En effet, il est d'abord difficile voir même insensé pour une personne de développer par écrit une idée et de la contredire ensuite oralement. De même, en contentieux administratif, l'accent est plus mis sur l'échange des écrits au détriment des observations orales qui généralement n'interviennent d'ailleurs que pour appuyer le contenu du document écrit. En plus, la loi est sans ambages sur le fait qu'avant de s'écarter oralement des réquisitions écrites, il doit avertir son supérieur hiérarchique. Ce faisant, le supérieur hiérarchique peut choisir de s'opposer de sorte que s'il s'entête, il s'expose à des sanctions disciplinaires221(*). Le droit d'initiative personnel ne représentant alors dans ce cas qu'un leurre.

    En conséquence, selon J. LEX, l'importance du poids des autorités hiérarchiques du Ministère public sur lui dépendra étroitement de la conception des Procureurs de la République de l'exercice de leur pouvoir propre. Ainsi, si cette conception est large, elle les conduira à ne pas saisir leurs autorités hiérarchiques des propositions et se borneront à leur rendre seulement compte des conditions dans lesquelles ils accomplissent leur mission. S'il se réalise une telle évolution des mentalités des magistrats du parquet se manifestant dans le sens d'une plus grande autonomie, d'une obligation de réserve et d'un respect moindre à l'égard de leur hiérarchie, les suspicions légitimes sur leur partialité se dissiperaient. Cette évolution se fonde avec pertinence sur la liberté de parole reconnue au Ministère public à l'audience222(*). Cette liberté est renforcée par le principe constitutionnel de l'indépendance du pouvoir judiciaire qui ne distingue plus entre la magistrature assise et celle debout.

    b- la portée de la liberté de parole du ministère public à l'audience

    La liberté de parole du Ministère public à l'audience est la dimension essentielle de l'indépendance du Ministère public. Elle lui permet de s'exprimer loyalement et librement au procès en développant des observations convenables pour le bien de la justice. Elle donne à l'audience publique toute sa force dans la mesure où, elle met le Procureur de la République devant ses responsabilités sous le regard du public. Et, parce qu'il a le droit de s'exprimer librement à l'audience pour contribuer valablement au développement de la justice, le Ministère public doit exercer cette liberté à travers la conscience qu'il a des exigences morales de la fonction de rendre la justice au nom du peuple. Car, comme le pensait l'Avocat Général Jean Claude BERLIOZ précédemment cité, « plus la liberté est grande, plus l'exigence d'une éthique est forte pour mettre le Ministère public à l'abri des dépendances, des pressions, des préjugés, de l'intolérance »223(*).Il appartient donc au Ministère public d'assumer sa responsabilité en développant des observations orales qu'il croit convenables au développement de la justice, fussent-elles contraires aux réquisitions écrites transmises au supérieur hiérarchique notamment le Procureur Général ou le Ministre de la Justice, Garde des Sceaux.

    De même, une fois au stade du jugement, la procédure étant alors publique selon le principe de la liberté de la parole, le Ministère Public peut développer objectivement des observations qui pourraient être contraires aux injonctions du Garde des Sceaux. A ce propos, un Procureur de la République de Valenciennes rappelait que, propos utilisé par J.-C. BERLIOZ, « l'audience est un lieu où la vérité doit, si possible, se manifester. Ce n'est pas un lieu de plaisir, un théâtre, un lieu de représentation (...) d'effets d'audience. Les propos doivent témoigner de la neutralité du magistrat fut-il d'accusation »224(*).« L'accusation ne peut reposer que sur les charges sérieuses, précises (...) On n'accuse pas au bénéfice du doute (...) Rien que la vérité, toute la vérité du dossier, même si elle gène l'accusation »225(*), doit être l'objectif du Ministère public.

    2- L'institution de la commission de classement et du conseil permanent de discipline226(*)dans la gestion du ministère public

    L'exclusion du conseil supérieur de la magistrature dans la gestion de la nomination et de la discipline du magistrat membre du ministère public atteste de la volonté manifestée du législateur de renvoyer la gestion de ces derniers au décret. Ce décret précisément celui qui porte sur le statut de la magistrature institue alors deux organes à savoir : la commission de classement (a) chargée des nominations des magistrats membres du ministère public et le conseil permanent de discipline (b) chargé de la gestion de leur discipline.

    a- L'institution de la commission de classement dans la gestion des nominations des membres du ministère public

    La commission de classement est un organe collégial institué par le décret portant statut de la magistrature à l'effet d'assister le Président de la République dans son pouvoir de nomination des magistrats membres du ministère public. De la sorte, elle joue alors sensiblement le même rôle que celui reconnu au CSM dans sa gestion des nominations des magistrats du siège.

    Elle se composée comme suit :

    ü le Procureur général près la Cour Suprême (président) ;

    ü le Secrétaire général du Ministère de la Justice (vice-président) ;

    ü les inspecteurs généraux (Membres) ;

    ü les directeurs magistrats ou à défaut des directeurs Adjoints magistrats en service dans l'Administration centrale du Ministère de la Justice (Membres) ;

    ü les Procureurs Généraux près les cours d'appel (Membres).

    Le secrétariat est assuré par un magistrat en service à l'administration centrale du ministère de lajustice, désigné par le ministre de la justice, Garde des Sceaux. La Commission ne peut valablement délibérer que si les membres ont été préalablement convoquéset si les 2/3 d'entre eux au moins dont le président ou le vice-président sont présents. En cas de partage des voies, celle du président de séance est prépondérante. Les membres de la Commission ne relèvent que de la loi et de leur conscience dans l'exercice de leurs fonctions au sein de cette Commission.

    L'intervention de la commission de classement dans la nomination consiste à dresser le tableau d'avancement des membres du ministère public à travers les décisions d'inscription qu'elle prend suivant une procédure fixée par le décret portant statut de la magistrature. Ce faisant, elle contribue à la gestion de leur carrière.

    En effet, la procédure227(*) de nomination des magistrats du ministère public est la même que celle pratiquée dans la nomination des juges. Sauf que, au lieu que le ministre de la justice transmette avec son avis les propositions d'inscription au tableau d'avancement, les demandes personnelles d'inscription aux tableaux d'avancement ainsi que les dossiers des magistrats intéressés comportant les bulletins de notes des quatre dernières années et éventuellement les sanctions prononcées contre eux et non effacées au secrétaire du CSM comme il le fait concernant les propositions d'avancement de grade au siège, il saisit plutôt le président de la commission de classement pour les avancements de grade au parquet. Cette dernière décide des inscriptions par vote sur la base de l'ancienneté et des bulletins de notes contenus dans le dossier du candidat proposé.

    Les membres de la commission bénéficient de la loi et de la conscience dans l'exercice de cette fonction. Il s'agit là d'une garantie fondamentale qui les affranchies contre les pressions de l'exécutif dans la prise de décision. Toutefois, il convient de relever que cet organe est institué au ministère de la justice et est fortement frappé de l'emprise de l'exécutif car tous les membres qui y siègent sont de quelques manières que ce soit soumis au pouvoir hiérarchique du garde des sceaux.

    Quant à la discipline des magistrats du parquet, celle-ci contrairement à la discipline des magistrats du siègeréglée par le Conseil Supérieur de la Magistrature, est réglée par une Commission Permanente de Discipline instituée au Ministère de la Justice228(*).

    b- L'institution de la commission permanente de discipline comme organe disciplinaire de la magistrature debout

    La commission permanente de discipline est un organe collégialinstituée auMinistère de la Justice chargé de régler uniquement la question disciplinaire des magistrats membres du Ministère public et assimilé.

    Elle est composée comme suit:

    ü le président de la Cour Suprême (président) ;

    ü le Procureur Général près la Cour suprême (vice-président) ;

    ü le secrétaire Général du Ministère de la Justice (Membre) ;

    ü un inspecteur général désigné par le ministre de la justice (membre) ;

    ü deux magistrats du 4e grade exerçant au siège désignés pour deux ans au début de l'année judiciaire par la Cour Suprême en Assemblée plénière (Membres) ;

    ü deux magistrats du 4e grade exerçant au parquet désignés par la commission de classement pour 2 ans229(*) (Membres).

    Notons qu'en cas d'absence ou d'empêchement du Président, le Vice-président le supplée de plein droit. Quant au Secrétaire Général du Ministère de la Justice, il peut se faire représenter par un Directeur, magistrat de l'administration centrale. C'est cette même logique de remplacement qui s'opère également en cas de vacance230(*).

    La procédure disciplinaire des magistrats du Ministère public est secrète231(*). Les membres de la commission ne relèvent que de la loi et de leur conscience dans l'exercice de leurs fonctions au sein de ladite commission qui se réunit à la Cour Suprême232(*) où elle siège à huis clos. Les délibérations n'ont lieu que si au moins cinq(5) de ses membres dont le président ou le vice-président sont présents233(*).En cas de partage, la voix du Président de séance est prépondérante234(*). La procédure disciplinaire engagée contre les magistrats membres du ministère public se déroule suivant le respect d'une procédure particulière déterminée dans le décret portant statut de la magistrature.

    En effet, lorsque le ministre de la justice est saisi d'une plainte ou informé d'un fait de nature à entrainer une sanction disciplinaire, et qu'il décide de mettre l'action disciplinaire en mouvement, il saisit le vice-président de la commission permanente de discipline. Celui-ci désigne, dans les quinze(15) jours de la réception du dossier, un rapporteur parmi les membres de la commission et s'il juge qu'une enquête est nécessaire, il le charge de l'effectuer235(*). Au cours de l'enquête, le rapporteur entend, s'il y a lieu, le plaignant et les témoins sur procès-verbal. Il accomplit toutes investigations utiles à la manifestation de la vérité qu'il consigne dans un rapport écrit. Cette tache étant achevée, c'est-à-dire une fois instruit, le dossier est rétablit entre les mains du vice-président ceci dans les trois mois de sa réception236(*).

    Une fois rétabli entre les mains du vice-président, le dossier est transmis dans les quinze(15) jours de sa réception ou de son retour, assorti de ses observations écrites au ministre de la justice. S'il le juge opportun, ce dernier saisit la commission permanente de discipline. Après qu'elle soit saisie, son président dans les quinze jours de la réception du dossier, convoque le magistrat poursuivi à l'effet de comparaître devant le conseil et invite par écrit les membres de celui-ci à siéger. L'écart entre la date de convocation et celle de la session du conseil est de trente(30) jours237(*). Il s'agit-là d'un temps suffisant pour que le mise en cause organise et présente ses observations sur les griefs formulés à son endroit. Le dossier des poursuites disciplinaires contenant le rapport ainsi que les observations écrites du vice-président, et le dossier personnel du magistrat poursuivi sont tenus à la disposition de celui-ci pour consultation quinze(15) jours avant la date de session. À cet effet, le ministre de la justice transmet le dossier individuel au président de la commission en même temps qu'il saisit le vice-président238(*).

    Le magistrat convoqué est tenu de comparaître en personne. Il peut se faire assister par un de ses pairs ou par un avocat ; en cas d'empêchement justifié, le président de la commission fixe une autre date de comparution. Hors mis le cas de force majeure ou d'empêchement justifié, si le magistrat régulièrement convoqué ne comparait pas, il est passé outre.

    La commission délibère hors de la présence du magistrat poursuivi et de son conseil. Dans les quinze jours de la fin de la session, le président retourne le dossier au ministre de la justice, assortit de l'avis motivé de la commission de discipline sur la suite à réserver aux faits. Le ministre de la justice transmet au Président de la République avec ses propositions motivées l'ensemble du dossier disciplinaire239(*). La décision du président de la république intervient par décret. Elle est publiée au journal officiel et par les organes de presse pour la sanction de révocation. En cas de relaxe, notification de la décision de relaxe est faite au magistrat intéressé à la diligence du ministre de la justice240(*).

    La procédure disciplinaire telle que ci-dessus décrite, offre des garanties à la magistrature débout contre les sanctions arbitraires de l'exécutif en privilégiant largement le respect des droits de la défense. Il s'agit d'une exigence posée tant par les textes que par la jurisprudence administrative et donc le non-respect entraine l'annulation de la décision portant sanction du magistrat concerné au travers d'un recours pour excès de pouvoir. Elle est d'autant plus confortée par le fait que l'organe qui statue le fait dans la collégialité qui est un procédé qui permet d'assurer l'indépendance et l'impartialité des membres de la commission qui s'auto contrôle mutuellement. En outre, la commission est composée de huit membres donc six sont des magistrats à savoir : trois du siège et trois du parquet donc tous ne relèvent que de la loi et de leur conscience dans l'exercice de leurs fonctions. Toutefois, il convient de relever l'existence de certains écueils susceptibles de fausser l'effet recherché à savoir garantir la protection des membres du ministère public contre l'arbitraire de l'exécutif.

    En effet, la composition de la commission laisse apparaître une forte emprise du pouvoir exécutif sur cet organe au travers du Parquet interposé et deux autres membres à savoir : le secrétaire général du ministère de la justice, un inspecteur général désigné par le ministre de la justice. Le crédit nécessaire à son fonctionnement est inscrit au budget du ministère de la justice. Mais l'emprise ne s'arrête pas là, car la commission n'a finalement qu'une valeur consultative et l'avis qu'elle donne ne lie pas le garde des sceaux qui peut toujours prendre une sanction plus sévère que celle proposée. Elle siège à huis clos et la procédure suivit devant elle est secrète. D'ailleurs, la commission ne se réunit qu'à la suite d'une saisie réservée au Ministre de la Justice. On comprend dans ce cas que le régime disciplinaire des magistrats du Parquet dépende du bon vouloir du pouvoir exécutif, ce qui peut rendre instable son indépendance.

    Qu'en est-il des garanties réservées à la magistrature débout dans le statut général de la fonction publique ?

    B- Les garanties résultant du statut Général de la fonction publique

    Le magistrat du parquet passe avant tout pour un fonctionnaire de l'État. C'est la raison pour laquelle, il est indispensable d'aller rechercher dans le texte qui régit le statut du fonctionnaire les garanties dont il peut éventuellement bénéficier afin de mener à bien sa mission. En effet, à l'instar de tout autre fonctionnaire y compris les magistrats du siège, la magistrature debout bénéficie des garanties diverses et variées découlant du SGFP. Mais pour l'essentiel, il sera question deparler du couple droits et obligations qui sont nécessaires dans l'exercice de leurs fonctions.Ainsi, il sera d'abord analysé le devoir de réserves et de discrétion professionnelle ; le devoir de subordination  (1) afin de terminer par la protection et les interdits qui découlent de l'obligation de désintéressement(2).

    1- La subordination et l'obligation de discrétion et réserve

    L'article 39 alinéa 1 du SGFP241(*) pose le devoir d'obéissance auquel est astreint tout fonctionnaire sous peine de sanction disciplinaire. Cependant, le magistrat du parquet a le devoir de refuser d'exécuter un ordre manifestement illégal et de nature à compromettre gravement l'intérêt public sauf réquisition de l'autorité hiérarchique compétente. C'est le cas de la relation existant entre le garde des Sceaux et les membres du Ministère public en matière administrative lorsqu'il est question de mettre en mouvement le devoir d'obéissance dont les magistrats du parquet font l'objet. Il s'agit là d'une garantie qui permet au ministère public de se soustraire aux pressions et aux injonctions illégales de l'administration.

    Concernant le devoir de réserve et de discrétion professionnelle, il faut dire que le magistrat membre du Ministère Public est tenu autant que le juge par « l'obligation de réserve »242(*)qui met hors de tout désastre les secrets judiciaires. Il devra alors s'abstenir d'exprimer publiquement ses opinions politiques, philosophiques, religieuses ou syndicales ou de servir en fonction de celles-ci. Il est dès lors invité à faire preuve deréserve et de discrétion professionnelle pour tout ce qui concerne les faits, informations ou documents dont il a eu connaissance dans l'exercice ou à l'occasion de ses fonctions.

    2- Les interdits et la protection du ministère public

    Les membres du ministère public en tant que magistrats exerçant des fonctions spécifiques et délicates dans la société doivent se voir interdit l'exercice de certaines activités incompatibles avec leurs fonctions. C'est ce que dispose l'article 37 du statut général de la fonction publique. Cependant, au même titre que le juge le magistrat du parquet peut s'adonner sans autorisation préalable à la prise de participation dans les activités liées a la production rurale, d'oeuvre scientifique, littéraire ou artistique et aux enseignements donnés à titre complémentaire ou vacataire.

    Par ailleurs, il doit aussi bénéficier de la protection de l'Etat lorsqu'il est en danger ou menacé pour des actes accomplis dans l'exercice de ses fonctions. Cette exigence découle de l'article 25 alinéas 1 et 2 du SGFP.

    Au demeurant, les membres du ministère public bénéficient des garanties statutaires propres à les libérer des pressions de l'exécutif. Toutefois, il convient de préciser que ces garanties ne sont pas suffisantes et efficaces pour pouvoir contenir la forte emprise de l'administration dans l'exercice de leurs fonctions juridictionnelles. Ce constat amène alors à se poser la question de savoir comment une telle indépendance considérablement effritée peut se manifester positivement sur l'impartialité du ministère public.

    SECTION II : LA MANIFESTATION DE L'INDEPENDANCE DU MINISTERE PUBLIC : L'IMPARTIALITE

    Les membres du ministère public, en tant que magistrat après tout, bénéficient autant que les magistrats du siège bien que différemment des garanties statutaires propres à les affranchir de toutes sortes d'influence extérieure. Cet affranchissement est nécessaire pour atteindre un but important à la réalisation d'une bonne justice à savoir l'impartialité. En effet, il s'agit d'une exigence qui incombe aussi bien au juge qu'au ministère public. Dans la mesure où, il est investi de la mission fondamentale de protéger les intérêts de la société au service duquel, ils doivent requérir en toute impartialité l'application de la loi par les réquisitions et les conclusions rédigées sur la base d'arguments juridiques.

    L'impartialité telle qu'elle a été ci-dessus définie, est entendue dans sa plus simple expression comme l'absence de partipris. L'astreindre à cette exigence requiert alors de lui qu'il soit, comme le rapporteur public en France243(*).

    Sous ce rapport, il sera question pour une bonne étude de l'impartialité du ministère public de passer par la démarche adoptée dans l'étude de l'impartialité du juge à savoir, identifier tout d'abord ses dimensions de partialité (paragraphe I) afin de voir s'il existe des garanties contre un membre du ministère public partial (paragraphe II).

    PARAGRAPHE 1 : LES DIMENSIONS DE PARTIALITE DU MINISTERE PUBLIC

    Les dimensions de partialité du ministère public peuvent être analysées sous deux angles: l'angle personnel(A) d'une part et sur le plan fonctionnel(B).

    A- La partialité personnelle du ministère public

    La partialité personnelle ici fait référence à ce quele membre du ministère public peut penser dans son for intérieur. Il s'agit en effet, de l'attitude qu'il peut afficher indépendamment des fonctions qu'il exerce. Le magistrat du ministère public doit alors de la même manière que le juge, être personnellement impartial pour pouvoirrequérir efficacement l'application de la loi au travers de ses réquisitions et de ses conclusions. Toutefois, il faut préciser que l'appréciation de l'impartialité personnelle n'est pas une tâche aisée. Cette situation est confortée par le fait que le législateur camerounais n'a pas envisagé ce type de partialité chez le ministère public pour qu'il soit amené comme il l'a fait chez le juge à prévoir des hypothèses objectivement vérifiables dans lesquelles il pourra être considéré de partial. Cet état de chose n'exclut pas que dans l'exercice de ses fonctions, le ministère public soit confronté non seulement à des situations où il entretient une relation intime ou hostile avec une partie(1) au procès mais aussi à des cas où il existe un lien processuel entre lui et une partie au procès(2).

    1- Relation intime ou hostile avec une partie au litige

    Le magistrat du ministère public est un homme qui vit en société et qui entretient des relations de divers ordres avec ses semblables. Ainsi, il peut se retrouver en face d'un litige où il a avec une partie des affinités propresà faire obstacle à son impartialité. Elles peuvent être familiales, économiquesvoir même hostiles ou amicales. Dans ces cas, il pourra éventuellement faire des observations orales dans le sens qui favorise ou défavorise son protégé ou son ennemi. En effet, ce n'est qu'en vertu de l'adage« la plume est serve mais la parole est libre » que cela peut être possible. Car, grâce à cet adage, le ministère public bénéficie d'une liberté de parole à l'audience, ses réquisitions et ses conclusions écrites étant formulées conformément aux instructions du supérieur hiérarchique.Au-delà de ces hypothèses, le magistrat du ministère public peut également avoir un lien processuel avec une partie au procès.

    2- L'existence d'un lien processuel ou la connaissance antérieure du procès

    L'existence d'un lien processuel ou la connaissance antérieure du procès fait référence à deux cas précis : Le premier représente la situation où le magistrat du ministère public ou son conjoint a un procès qui doit être jugé par une partie au procès. Le deuxième fait allusion au cas où le membre du ministère public« a déjà connu de la procédure ou s'il a été arbitre, conseil ou témoin ». Dans ces cas, il sera tenté de militer en faveur ou en défaveur de cette partie.

    De ce qui précède, il ressort que, le législateur camerounais n'a pas envisagé l'hypothèse d'une partialité personnelle chez le ministère public comme il l'a fait chez le juge. C'est ce qui explique le fait qu'il n'ait pas prévu des cas au regard desquels il pourra être considéré de subjectivement partial. Cependant, cet état du droit ne doit pas occulter le fait que le magistrat du ministère public à l'instar de tout homme puisse être confronté à des cas de récusations énumérés dans l'article 591 du code de procédure pénale. Dans ces cas, il pourra alors éventuellement être partial et militer en faveur ou en défaveur exclusivement au travers de ses observations orales, ses réquisitions écrites étant fortement marquées du sceaux de l'emprise de son supérieur hiérarchique auquel il doit obéir. Qu'en est-il de sa partialité objective ?

    B- La partialité fonctionnelle du ministère public

    L'impartialité fonctionnelle du ministère public est relative à l'exercice de ses fonctions. Elle consiste à se demander si indépendamment deses sentiments personnels, certains faits vérifiables autorisent à établir sa partialité. Ainsi, pour mieux analyser cette partialité, il conviendra, eu égard à la nature de ses fonctions exercées, d'identifier les situations ou alors les circonstances propres à remettre en cause son impartialité. Dans cette perspective, il conviendra alors de dire que deux situations permettent de considérer le ministère public comme partie au procès. C'est le cas d'une part lorsqu'il est partie principale (1). D'autre part, les membres du ministère public dans l'exercice de leurs fonctions reçoivent des instructions et de pressions de leurs supérieurs hiérarchiques qui orientent leurs conclusions (2) de façon à faire douter de leur impartialité.

    1- L'intervention du Ministère Public comme partie principale au procès administratif

    Le ministère public dans le procès administratif est chargé de défendre les intérêts de la société. Cet intérêt laisse voir la présence d'un intérêt général à défendre, voire à préserver pour un bien commun qui n'est rien d'autre que l'ordre public. Cette position le met au même pied d'égalité que les autres parties au procès246(*). Toutefois, cette considération portée à l'endroit du Ministère public comme organe en charge de la représentation des intérêts de la société devant le juge administratif ne peut en aucun cas s'opérer au bénéfice dudit organe, mais plutôt au bénéfice de la Nation. Ce qui lui permet de porter également sur lui la préservation des intérêts propres aux particuliers. Cette situation ne peut que faire du Ministère public «un gardien de l'équilibre social »247(*)et c'est ce qui justifie d'ailleurs le fait qu'on lui accorde non seulement le droit de faire appel(b) en cas d'insatisfaction de la décision du juge mais également une place de choix par rapport aux autres demandeurs.

    Le droit d'accès au juge est partagé entre les parties au procès et le Ministère public. Il s'agit en effet d'une prérogative qui joue pleinement dans le procès pénal dans la mesure où, ce dernier à la faculté de saisir le juge en instance, en appel voir en cassation. En revanche, dans le contentieux administratif, la procédure en instance étant exclusivement engagée par le requérant, le ministère public ne jouit du droit d'accès au juge qu'en appel. La mise en oeuvre d'une telle prérogative est assurée par les Procureurs Généraux près les Cours d'appel du ressort des tribunaux administratifs. De la sorte, il devient une partie au litige au même titre que l'administration et le particulier. Cette intervention réside dans l'idée qu'il est le défendeur de l'ordre public. Ainsi, pour que la justice soit rendue sur la requête du justiciable en cas de contestation d'une décision de justice rendue en premier ressort, le Ministère public au moyen des prérogatives d'accès à la justice dont il en est dépositaire, peut accompagner ce dernier dans sa demande. Mais quel peut être le fondement juridique de l'exercice de cette prérogative ?

    Il convient de dire que le fondement est simple. La réponse nous avait déjà été donnée par le législateur du 26 août1972 avant celui du 29 décembre 2006 qui est venu réitérer les pouvoirs du Ministère public en instance de premier ressort que d'appel. Ainsi, les Parquets généraux près les tribunaux administratifs et ceux placés près la Cour Suprême peuvent en ce qui les concerne, interjeter appel des décisions rendues en premier ressort. Cette prérogative confère la qualité pour agir en appel au Ministère public, c'est-à-dire aux Parquets généraux concernés. Cette prescription veut tout simplement dire que les Procureurs Généraux concernés ont qualité pour faire appel des jugements rendus par les tribunaux administratifs soit par eux-mêmes248(*), soit conjointement c'est-à-dire avec la partie au procès249(*). Dans une espèce en date du 21 novembre 1985, Affaire Procureur Général près la Cour Suprême contre Sighoko FossiAbraham250(*), la qualité pour interjeter appel d'une décision rendue en premier ressort, a été reconnue au Ministère Public. Il convient donc de dire que dans cette affaire, la prérogative d'interjeter appel propre au Ministère public a été réaffirmée pour ce qui est relatif aux ordonnances de sursis. Cette prérogative lui confère au même titre que le requérant la double exigence de l'intérêt et de la qualité pour agir. Ceci étant fait, il devient tout à fait normal qu'il soit considéré comme une partie au procès.

    2- L'orientation des conclusions du Ministère Public par le garde des Sceaux

    Le Ministre de la Justice garde des Sceaux est le supérieur hiérarchique sur un plan administratif des Procureurs Généraux près les juridictions administratives ainsi que des autres magistrats membres ou représentants du Ministère public en matière administrative. L'article 3 du Statut de la Magistrature atteste de cet état de chose lorsqu'il dispose que :« Les Magistrats du parquet et attachés de justice relèvent administrativement de la seule autorité du Ministre de la Justice»251(*).Sous ce rapport, il apparait clairement queles représentants du Ministère public n'agissent pas toujours de leur propre initiative. Ils reçoivent des orientations et subissent la pression de la hiérarchie qui fait planer une véritable épée de Damoclès au-dessus de leur tête pour les contraindre à agir252(*).Cette relation administrative constitue une entrave à la liberté de juger et porte ainsi atteinte à l'impartialité des magistrats du Parquet. Ce qui fait que l'on assiste à un certain retour vers la justice retenue253(*).

    En définitive, il apparait que les magistrats du ministère public dans l'exercice de leurs fonctions juridictionnelles en matière administrative sont placés dans une posture qui permet d'établir leur partialité. Dès lors, la question qui survient à l'esprit ici est de savoir s'il existe des garanties contre cette partialité.

    PARAGRAPHE II : LE CARACTERE INTROUVABLE DES GARANTIES REELLES CONTRE LA PARTIALITE DU MINISTERE PUBLIC

    En droit positif camerounais, que ce soit dans le procès administratif ou dans n'importe quel autre procès notamment civil et pénal, il n'existe pas de garanties réelles contre la partialité du ministère public. Ceci découle du fait que le ministère public est non seulement partie principale au procès et est de ce fait indépendant des parties au litige mais aussi, il est caractérisé par l'irresponsabilité qui est l'un des caractères qui font de lui une institution souveraine. Ainsi, on note d'un côté un défaut de moyens pour prévenir sa partialité(A) et de l'autre côté ?L'existence d'une responsabilité restreinte (B).

    A- Le défaut de moyens de prévention de la partialité du ministère public

    Il n'existe pas de moyens pour prévenir les risques de partialité du ministère public. De ce fait la récusation et le renvoi pour cause de sûreté publique ou de suspicion ne peuvent jouer en aucun cas contre lui.

    1- L'irrécusabilité du ministère public

    Le Ministère public, du fait de sa qualité de partie principale et indispensable dans le procès administratif, ne peut pas être récusé c'est-à-dire écarté du procès par d'autres parties pour une raison quelconque.Il n'est pas remplaçable à la manière d'un magistrat du siège lorsqu'il est soupçonné de partialité. Dit-on, on ne peut pas demander la substitution, mieux, la neutralisationde son adversaire. Cependant, le Ministère public est récusable en matière civile pour les mêmes causes que les magistrats du siège lorsqu'il est partie jointe. Ceci peut se justifier par le fait qu'il n'est pas dans ce cas une véritable partie au procès ; son intervention consistant essentiellement à communiquer au juge ses réquisitions d'une manière impartiale pour une bonne application de la loi. Dans le procès administratif, il est possible d'affirmer que cette hypothèse n'est pas envisageable dans la mesure où, l'ordre public qui justifie l'intervention du ministère public comme partie principale au procès bénéficie d'une conception très large en droit positif camerounais. De ce fait, le ministère public peut choisir librement d'intervenir quand il l'estime nécessaire ceci selon l'appréhension qu'il se fait de l'ordre public.

    Par ailleurs, l'irrécusabilité du ministère public renvoi tout simplement au fait que le Ministère public ne peut jamais se voir refuser la parole parcequ'étant partie principale au procès, il ne saurait être récusé.Inversement, un juge du siège, aussi bien en matière judiciaire qu'en matière administrative, peut être récusé pour des motifs déterminés.

    2- Le défaut de renvoi pour partialité du ministère public

    Pour donner le plein effet à l'indépendance du ministère public, il est permis que toute requête en renvoi pour cause de suspicion légitime soit irrecevable contre ce dernier.

    B- Le caractère étriqué des moyens de sanction contre la partialité du ministère public

    En droit positif camerounais, il n'existe presque pas de sanction contre la partialité du ministère public. Ainsi, le requérant qui prétend que le ministère public a fait montre de partialité ne peut non seulement bénéficier d'une quelconque annulation du jugement rendu comme c'est le cas dans la partialité du juge mais aussi, il ne peut en principeengager la responsabilité du ministère public pour raison de partialité(1). Cette irresponsabilité se justifie par l'existence d'un certain nombre de prérogatives qui encadrent le fonctionnement du Ministère public.Toutefois, il convient de constater que, comme tout principe, ce dernier connait des exceptions. Ceci étant dit, la responsabilité du ministère public peut exceptionnellement (2) être engagée par la mise en oeuvre d'une procédure spéciale.

    1- Le principe : l'irresponsabilité du ministère public pour partialité

    Le principe est que le membre du ministère public ne peut voir sa responsabilité engagée pour des motifs tirés de sa partialité. Il est alors de ce fait irresponsable. Cetteirresponsabilité signifie que si cet organe à la différence de la partie ordinaire au procès vient à succomber dans sa demande, il ne sera pas, comme les autres demandeurs,condamné auxdépens254(*). Il s'agit donc d'une procédure qui met les magistrats du parquet en dehors de la responsabilité de certains actes posés par eux dans l'exercice de leur fonction. Cependant, il est permis de constater qu'il existe des exceptions à cette règle de responsabilité.

    2- L'exception à l'irresponsabilité du ministère public

    En principe, les membres du ministère public sont irresponsables et ne peuvent faire l'objet d'aucune sanction pour les faits commis dans l'exercice de leur fonction. Cependant, un régime spécial en la matière concerne la faute personnelle du magistrat traduite par la « prise à partie »255(*). A ce propos, le professeur LUZOLO BAMBI LESSA pensait que la responsabilité du Ministère Public ne peut être engagée que dans l'hypothèse d'une procédure particulière dénommée la prise à partie qui permet quand même d'assigner l'officier du Ministère Public qui a commis le déni de justice ou un dol dans l'exercice de ses fonctions256(*).L'action de la victime sera dirigée contre l'Etat devant une juridiction de l'ordre judiciaire. En cas de condamnation, l'Etat dispose à son tour d'une action récursoire contre le magistrat fautif. En réalité, la prise à partie concerne tous les magistrats et la procédure pour la mettre en oeuvre est celle qui a été ci-dessus décrite dans le cadre de la responsabilité du juge pour partialité.

    CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE

    Les membres de la juridiction au procès administratif à savoir le juge et le ministère public, participent considérablement à la réalisation de l'équité dans ledit procès. Pour mener efficacement cette mission, ils doivent être tous indépendants des autres pouvoirs publics. Cette indépendance permet de les affranchir de toutes pressions extérieures afin de les rendre impartiaux car tout système judiciaire doit reposer sur les juges impartiaux. Conscient de ce fait, le législateur camerounais, pour rendre effectif cet indépendance, a aménagé à travers la constitution, la loi instituant le conseil supérieur de la magistrature, le décret portant statut de la magistrature et enfin par le statut général de la fonction publique, des garanties statutaires propres à assurer leur indépendance au plan personnel et fonctionnel. Elles sont renforcées par la reconnaissance aux parties de la faculté d'écarter ou de faire sanctionner un membre de la juridiction qui se montre dépendant et partant partial. Cependant, il convient de préciser que, bien que certaines garanties soient partagées entre le juge et le ministère public, elles demeurent différentes. Cela se répercute sur l'indépendance dont dispose chacun. En effet, le degré d'indépendance varie selon que l'on relève de la magistrature assise ou de celle débout. C'est d'ailleurs cette fluctuation de l'indépendance que l'ex-garde des sceaux MOUTOME relevait en ces termes : « En attendant de changer le système judiciaire, le juge est entièrement indépendant. Le magistrat du parquet est tenu à certaines obligations qui atténuent quelque peu son indépendance »257(*).

    Dans tous les cas, il demeure que la présence de l'exécutif est prégnante dans la mise en oeuvre des garanties d'indépendance autant chez le juge que chez le ministère public. C'est pourquoi M. ABA'A OYONO Jean Calvin pensait que :« juge et parquetier doivent se garder de tout triomphalisme quand on sait qu'aux termes de la constitution, le Président de la République est garant de l'indépendance du pouvoir judiciaire »258(*). De ce fait, on comprend alors pourquoi il poursuivait son argumentation en s'interrogeant de la sorte : « n'est-ce pas là une curieuse manière d'allouer le gardiennage de l'indépendance d'un pouvoir d'Etat à un autre alors que les deux se valent constitutionnellement »259(*) ? 

    DEUXIEME PARTIE : L'EGALITE DES PARTIES AU PROCES

    L'égalité des parties au procès est la conséquence de deux principes qui se superposent l'un sur l'autre à savoir : le principe de l'égalité de tous devant la loi et celui de l'égalité devant la justice. Elle signifie que toute personne se trouvant dans une situation identique doit avoir vocation à être jugée par les mêmes tribunaux, les mêmes juges selon les mêmes règles de procédure et de fond, ceci sans discrimination aucune. Ainsi, il ne doit pas y avoir une justice de classe traduit par le célèbre adage de la Fontaine« selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements des cours vous rendront blanc ou noir »260(*). De ce fait, Les parties dans la procédure administrative contentieuse doivent avoir les mêmes droits procéduraux, les seules distinctions possibles étant celles qui sont prévues par la loi et fondées sur des motifs objectifs et raisonnables n'entrainant pas pour la partie adverse un désavantage ou une autre inégalité261(*).Il s'agit en effet, de maintenir un juste équilibre entre les parties au procès. Cetéquilibre se traduit par le principe de «l'égalité des armes » qui signifie selon la CEDH que : « chaque partie doit se voir offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause devant une juridiction dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à la partie adverse262(*) ». Ceci doit se poursuivre jusqu'à l'exécution des décisions de justice.

    L'égalité des parties au procès est consacrée dans les textes internationaux263(*) de protection des droits de l'homme dans leurs dispositions relatives au procès équitable. Cette égalité est une question qui se pose d'avantage et avec acuité dans le procès administratif en raison du fait qu'il s'agit, contrairement au procès civil qui oppose deux parties ayant des intérêts équivalents, d'un procès qui oppose généralement deux parties de natures différentes. L'administration défendant l'intérêt général et bénéficiant des prérogatives exorbitantes de droit commun et le particulier qui poursuivant l'intérêt privé et bénéficiant des moyens réduits. Ce qui fait que la forme et le fond s'en ressentent. Sous ce rapport, cette partie de notre analyse renferme un intérêt indéniable. Ainsi, pour mieux se réaliser, l'égalité des parties au procès administratif doit alors commencer à être assurée au niveau de l'accès au juge. Et une fois la procédure administrative contentieuse264(*) engagée, son déroulement doit en principe revêtir un caractère contradictoire et public. Ensuite, la procédure doit se clore par un jugement motivé et rendu dans un délai raisonnable. Enfin, ce jugement qui vient en quelque sorte sanctionner la fin du recours doit être exécuté automatiquement par les parties au procès. En termes généraux, l'égalité des parties au procès vise à garantir l'égalité d'accès au juge (chapitre I) et l'égalité durant le procès ceci jusqu'à l'exécution par les parties des décisions de justice passées en force de chose jugée(chapitre II).

    CHAPITRE I : L'EGALITE D'ACCES AU JUGE

    Le droit d'accès à la justice est tout à la fois « conquête et instrument de l'Etat de droit »265(*). Il ne s'agit pas d'« un droit quelconque, il est le premier des droit des individus, indispensable, essentiel, primordial, à l'effectivité des droits »266(*).Comme l'écrit le doyen Gérard Cohen-Jonathan, « le droit au juge » est devenu «  un élément essentiel(...), le noyau dur des droits de l'homme, véritable jus cogens qui s'impose à tous les Etat dans une société démocratique »267(*). En cela, «  il est directement l'expression de l'égalité des personnes »268(*). Ainsi, cette garantie serait bafouée si une personne était empêchée d'engager une action contre toute autre personne en raison par exemple de sa race, de sa couleur, de son sexe, de sa langue, de sa religion, de ses opinions politiques ou autres, de son origine nationale ou sociale, de sa fortune, de sa naissance ou de toute autre situation269(*).

    La doctrine est unanime à reconnaitre qu'il faut que l'accès du prétoire soit relativement aisé pour les justiciable270(*) ; car, ainsi que l'avait si bien écrit Jean RIVERO, « la justice est un service public dont la raison d'être est l'usager »271(*). L'Etat est le garant de l'effectivité de ce droit en ce qu'il doit la protection juridictionnelle à tous. À ce titre, il doit non seulement adopter une attitude positive qui l'oblige à assurer un accès aisé au juge mais aussi adopter une attitude négative qui le contraint à ne pas entraver de façon excessive cet accès.

    Perçu comme étant une condition de l'effectivité de l'ordre juridique dans son ensemble, ainsi que de la réduction du décalage entre le droit et le fait272(*), le droit d'accès à la justice est consacré au plan international dans la plupart des instruments internationaux273(*) et régionaux274(*) de protection des droits de l'homme, dans leurs dispositions relatives au droit à un procès équitable. La substance de ces textes permet de retenir que : « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) ». La cour européenne des droits de l'homme a reconnu ce droit dans l'arrêt Golder c/Royaume-Uni du 21 février 1975275(*).Au plan interne, la consécration de ce droit s'est faite aussi bien par les textes que par la jurisprudence276(*).Concernant les textes, la constitution du 18 janvier 1996 affirme dans son préambule que : « la loi assure à tous les hommes le droit de se faire rendre justice ».Cette proclamation, bien que nécessaire ne suffit pas à garantir l'égalité d'accès au juge. C'est pourquoi le Pr. Patrick Wachsmann affirmait que, « on aurait rien fait si l'on s'était contenté de déclarer, de proclamer les droits de l'homme : c'est évidemment leur réalisation qui importe et celle-ci suppose la mise en place des mécanismes de garantie qui soient effectivement au service et à la disposition des titulaires de ces droits »277(*).En effet, Il ne doit pas s'agir d'un droit abstrait mais d'un droit concret et effectif. À cet effet, Le constituant et le législateur camerounais ont aménagés un dispositif favorable à l'accès au juge (section I), matérialisé juridiquement par l'existence non seulement d'un ordre juridictionnel administratif représenté par la chambre administrative de la cour suprême et les tribunaux administratifs, mais aussi par l'institution d'une procédure d'accès. Cependant, nonobstant ces facilités d'accès au juge, il convient de préciser que ce droit ne revêt pas un caractère absolu. Il peut donner lieu à des limitations ou à des restrictions (section II).

    SECTION I : L'AMENAGEMENT D'UN DISPOSITIF FAVORABLE A L'ACCES AU JUGE

    L'Etat est astreint à l'obligation de garantir ceci sans discrimination aucune l'accès de tous et de chacun au juge. À cette fin, « il est chargé d'organiser le service public de la justice de telle sorte qu'il fonctionne et assure une protection effective des justiciables »278(*).Il s'agit d'un véritable « devoir de protection juridictionnel de l'Etat »279(*). A ce sujet, M. Waline soulignait que : « si l'on reconnait au justiciable un droit à obtenir que justice soit rendue sur sa requête, le sujet passif de ce droit n'est ni le juge personnellement désigné, ni une juridiction déterminée : c'est l'Etat tout entier, parce que c'est en son nom que la justice est rendue »280(*). Ce devoir est d'ailleurs clairement mentionné dans l'article C de la directive et principes sur le droit à un procès équitable et à l'assistance judiciaire en Afrique. 

    Au Cameroun, cette exigence s'est traduite par l'aménagement de la part du constituant et du législateur d'un dispositif propre à faciliter l'accès au juge à tous. De sorte que, quiconque se sent lésé dans ses droits puisse avoir la possibilité d'accéder au prétoire afin de faire valoir ses droits sans entraves quelque soit son adversaire ; personne privée ou publique voir l'Etat en personne. Le dispositif dont il s'agit ici passe sur le plan juridique par la consécration organique et matérielle de la juridiction administrative (paragraphe I), et par l'institution d'une procédure d'accès à cette juridiction administrative (paragraphe II).

    PARAGRAPHE I : L'ACCES AU JUGE PAR LA CONSECRATION DE LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE

    Soucieux de garantir l'égalité d'accès aux juges à tous les citoyens, le constituant et le législateur camerounais à travers respectivement la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996 et les lois de 2006, ont consacré sur le plan organique et fonctionnelle deux juridictions. A savoir : les tribunaux administratifs (A) et la chambre administrative de la Cour suprême(B).Avant l'avènement de cette nouvelle configuration, c'est la chambre administrative et l'assemblée plénière de la cour suprême qui constituaient organiquement la justice administrative au Cameroun. En application du double degré de juridiction, la première formation statuait en premier ressort tandis que la seconde statuait en appel, la cassation étant exclue.

    A- La consécration organique et fonctionnelle des tribunaux administratifs

    Pour mieux aborder cette consécration, il sera question de présenter tout d'abord les tribunaux administratifs sur le plan organique(1) afin de présenter leurs compétences(2) dans le procès administratif.

    1- La consécration organique du tribunal administratif

    Le constituant camerounais, à l'occasion de la réforme constitutionnelle du 18 janvier 1996 a opéré une mutation importante à travers l'ouverture de nouvelles perspectives à la justice administrative281(*)afin de pallier les maux dont elle était atteinte282(*). Ceci en posant entre autres, les bases d'une déconcentration territoriale de la juridiction administrative par la création d'un tribunal administratif dans chaque chef-lieu de chacune des dix régions du pays,en tant que juge de premier ressort. En effet, ce texte ne consacre pas expressément les tribunaux administratifs. C'est la lecture de son article 40, pour le simple fait qu'il mentionne que la chambre administrative : « statue souverainement sur les décisions rendues en dernier ressort par les juridictions inférieures en matière de contentieux administratif », qui nous amène à se permettre de subodorer queles juridictionsinférieures dont il s'agit ici sont « les tribunaux administratifs ».Cette consécration constitutionnelle implicite est concrétisée explicitement parla loi n°2006/022 du 29 décembre 2006 qui  fixe l'organisation et le fonctionnement des tribunaux administratifs. Ce texte consacre formellement son existence organique et fonctionnelle. En effet, il s'agit d'une préoccupation qui avait déjà été exprimée tant par la doctrine que par le jugequi ne favorisait pas l'égalité d'accès au juge. Ces tribunaux se substituent à l'ex-chambre administrative en vue de pérenniser le double degré de juridiction.

    Les tribunaux administratifs sont composés au siège : d'un président, de juges, d'un greffier en chef, des greffiers. Au parquet ils sont composés : du procureur général près la cour d'appel du ressort du tribunal administratif283(*), d'un ou plusieurs substituts du procureur général. Ils relèvent tous du statut de la magistrature284(*).Toutefois, peuvent être nommés juges ou substituts extraordinaires au tribunal administratif pour une période de cinq(05) ans :les professeurs de droit des universités ayant exercé comme enseignants pendant dix (10) années consécutives, les chargés de cours de droit des universités ayant exercé comme enseignants pendant au moins quinze (15) années consécutives et les fonctionnaires de la catégorie A ainsi que les cadres contractuels de l'administration titulaires d'une maitrise en droit ayant exercé leurs fonctions pendant au moins quinze(15) années consécutives285(*). Le décret n° 2012/119 du 15 mars 2012 a officiellement ouvert les tribunaux administratifs dans les chefs-lieux des dix régions du pays et celui n° 2012/194 du 18 avril 2012 a nommé les magistrats du siège dans lesdits tribunaux, tandis que le même jour étaient nommés les attachés aux parquets Généraux près les Cours d'appel, chargés du Contentieux administratif286(*).Cependant, au-delà de la création formelle, les tribunaux administratifs sont mis en place progressivement. Cet état de chose se fonde sur l'article 119 alinéa (1) qui dispose que : « la mise en place des tribunaux administratif s'effectue de manière progressive, en fonction des besoins et des moyens de l'Etat ». Ainsi, en attendant leur mise en place effective, c'est la chambre administrative de la Cour Suprême qui exerce provisoirement leurs attributions, les sections en premier ressort et les sections réunies en appel et en cassation. Mais, de quelles attributions s'agit-il ?

    2- La compétence matérielle des tribunaux administratifs

    Au sens de l'article 40 de la constitution du 18 janvier 1996, Les tribunaux administratifs sont des juridictions inférieures en matière de contentieux administratif. En vertu de l'article 2 alinéa 2 de loi n°2006/022, « ils connaissent en premier ressort du contentieux des élections régionales et municipales et en dernier ressort, de l'ensemble du contentieux administratif concernant l'Etat, les collectivités publiques territoriales décentralisées et les établissements publics administratifs ». Ils « sont juges de droit commun du contentieux administratif en premier ressort »287(*).Ainsi, le contentieux administratif comprend :

    - Le recours en annulation pour excès de pouvoir et, en matière non répressive, les recours incidents en appréciation de légalité. sont constitutifs d'excès de pouvoir : le vice de forme, l'incompétence, la violation d'une disposition légale ou réglementaire, le détournement de pouvoir.

    - les actions en indemnisation du préjudice causé par un acte administratif;

    - les litiges concernant les contrats (à l'exception de ceux conclus même implicitement sous l'empire du droit privé) ou les concessions de services publics ;

    - les litiges intéressant le domaine public;

    - les litiges intéressant les opérations du maintien de l'ordre.

    Le domaine de compétence ainsi définit représente la compétence initiale des tribunaux administratifs. En effet, cette compétence a connu progressivement une extension. Cette extension résulte soit des textes particuliers passés ou récents, soit de la pratique du juge.

    Relativement à l'extension de sa compétence par le fait des textes, il est désormais établi que le juge administratif est compétent pour statuer sur : les exceptions concernant le contentieux des contrats administratifs288(*) ; les actes contraires au droit communautaire CEMAC ; le contentieux du recouvrement des cotisations dues à la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale289(*) ; le contentieux des libertés publiques290(*), le contentieux de certaines opérations électorales291(*) ; le contentieux à caractère fiscal292(*).

    A propos de l'extension résultant de la pratique du juge, il ressort que ce dernier s'est fondé sur l'esprit général de la loi pour élargir sa compétence sur :les actions en indemnisation des préjudices causés par les fautes des services publics ne résultant pas d'un acte administratif293(*) ; les litiges relatifs aux marchés publics294(*).

    En attendant la mise en place effective des tribunaux administratifs, la chambre administrative de la cour suprême exerce provisoirement leurs attributions, les sections en premier ressort et les sections réunies en appel et en cassation.

    B- La consécration de la chambre administrative

    La chambre administrative de la cour suprême est la juridiction hiérarchiquement supérieure en matière de contentieux administratif. La hiérarchie au sein des juridictions est destinée à rendre une justice de meilleure qualité, en remédiant aux éventuelles erreurs des juges qui statuent en premier ressort. Selon l'article 40 de la constitution, elle joue désormais le rôle de formation contentieuse d'appel et de cassation jadis confié à l'assemblée plénière et non plus de premier ressort. Ainsi, elle offre aux justiciables insatisfaits de la décision rendue en première instance,la possibilité d'exercer des voies de recours.De ce fait, elle participe de la mise en oeuvre du principe du double degré de juridiction.

    Pour mieux l'appréhender, il sera question de l'analyser dans un premier temps sur le plan organique(1) afin de déterminer sa compétence(2).

    1- La consécration organique de la chambre administrative de la cour suprême

    D'après l'article 38 alinéa 2, la cour suprême comprend : une chambre judiciaire, une chambre administrative et une chambre des comptes. Cet article est réitéré dans la loi n°2006/016 du 29 décembre 2006 précisément dans son article 7(1).

    La chambre administrative, comme toute autre chambre est composée d'un président, de conseillers, d'un ou plusieurs avocats généraux, d'un greffier en chef et des greffiers295(*). Elle comprend cinq(5) sections à savoir : une section du contentieux de la fonction publique, une section du contentieux des affaires foncières et domaniales, une section du contentieux fiscal et financier, une section du contentieux des contrats administratifs, une section du contentieux de l'annulation et des questions diverses296(*). Le président de la chambre préside une section de la chambre. Qu'en est-il de sa compétence matérielle ?

    2- La compétence matérielle de la chambre administrative

    La chambre administrative est l'une des chambres de la Cour Suprême. L'article 40 de la constitution du 18 janvier 1996 dispose que : «La chambre administrative connait de l'ensemble du contentieux administratif de l'Etat et des autres collectivités publiques ». Il s'agit là d'une clause générale de compétence. De même, elle est compétente conformément à l'article 38 de la loi n°2006/016 du 29 décembre 2006 fixant l'organisation et le fonctionnement de la cour suprême pour connaître : «Des appels formés contre les décisions rendues en matière de contentieux des élections régionales et municipales, des pourvois formés contre les décisions rendues en dernier ressort par les juridictions inférieures en matière de contentieux administratif, des exceptions préjudicielles soulevées en matière de voie de fait et d'emprise devant les juridictions inférieures en matière de contentieux administratif, et enfin de toute autre matière qui lui est expressément attribuée par la loi ». Ces compétences sont exercées en appel et en cassation par chaque section relative aux matières relevant de sa compétence.Toutefois, en attendant la mise en place des juridictions prévues par la présente loi, la Chambre Administrative de la Cour Suprême exerce provisoirement leurs attributions. À cet effet, les sections de ladite chambre statuent par jugement en premier ressort et à charge d'appel ou de pourvoi devant les sections réunies.

    PARAGRAPHE I : LA SUBORDINATION DE L'ACCES AU JUGE AU RESPECT DES CONDITIONS DE SAISINE

    L'accès au juge administratif camerounais n'est pas ex nihilo. Il estsubordonné au respect des conditions de saisine qui reposent sur trois conditions essentielles à savoir : l'introduction préalable d'un recours gracieux (A), les conditions et les modalités d'accès (B).

    A- Le préalable à l'accès : l'introduction d'un recours gracieux préalable

    On ne surprend pas l'administration en justice297(*). De ce fait, tout recours devant le tribunal administratif est subordonné à la saisine préalable et obligatoire de l'administration : c'est la règle du recours gracieux préalable. Il s'agit, en effet, d'un type de recours administratifs préalables à côté du recours hiérarchique adressé au supérieur de l'auteur de l'acte et du recours de tutelle ou de contrôle « porté devantune autorité dont les pouvoirs de tutelle ou de contrôle sur l'acte attaqué luipermettent de faire disparaître cet acte ou d'en modifier le contenu ou les effets »298(*). Il a une double fonction : une fonction précontentieuse et une fonction contentieuse. De part sa fonction précontentieuse, il est « une sorte de préalable de conciliation qui permettra peut-être aux particuliers d'éviter lerecours au juge »299(*), soit parce qu'il amènera « l'Administration à prendre unenouvelle décision faisant droit »300(*) à leurs prétentions, soit parce que « la motivationdéveloppée par l'Administration à l'occasion du rejet » de leur recours les aconvaincus « du bien-fondé de la décision »301(*) contestée.Il constitue donc, au-delà de l'information de l'administration302(*), un « préliminaire de conciliation » qui évite « laformation de contentieux inutiles devant la juridiction administrative »303(*). Ainsi, lerecours gracieux apparaît comme « le premier degré de règlement du conflit »304(*). Par ailleurs, de par sa fonction contentieuse, le recours gracieux délimite ou lie le contentieux. Autrement dit, il détermine le cadre de l'instance contentieuse ou juridictionnelle. Ce faisant, il cristallise le litige et constitue une source d'information pour le juge305(*). Il convient d'ajouter celles que E. Prévédourou qualifie de « fonctions latentes », à savoir que le recours gracieux constitue un complément du contrôle juridictionnel, contribue à la démocratisationde l'administration en associant les administrés à l'élaboration des décisions qui lesconcernent306(*). Sous ce rapport, il apparaît comme une survivance du système du Ministre-juge tel qu'il a prévalu en France.

    La législation et la jurisprudence administrative camerounaise font de l'introduction du recours gracieux une exigence impérative et d'ordre public307(*)(1). Aussi,pour qu'il soit pris en considération par le juge, il faut apporter la preuve qu'il a été effectivement introduit et qu'il l'a été auprès de l'autorité compétente dans les délaislégaux qui varient en fonction de l'objet de la demande(2).

    1- Une exigence impérative et d'ordre public à la saisine du juge

    En contentieux administratif camerounais, l'introduction préalable du recours gracieux est dans une large mesure, « un impératif processuel »308(*).Ainsi, «l'obligation pour le requérant de s'adresser à l'administration avant de saisir le juge vaut quelle que soit la forme du contentieux en cause »309(*), sauf dispositions textuellescontraires310(*).Par conséquent, en l'absence de cette saisine préalable ou de preuve de l'introduction d'un recours gracieux, le juge administratif camerounais déclare systématiquement les recours contentieux enannulation ou en indemnisationirrecevables311(*). De la sorte il s'érige en un principe(a) qui connaît des exceptions(b).

    a- L'affirmation du principe

    L'introduction du recours gracieux préalable est un impératif à la saisine du juge administratif quelque soit le contentieux en cause. Ce caractère, prescrit par les textes, est régulièrement rappelé par la doctrine312(*) et fermement entériné par la jurisprudence de sorte que son inobservation entraine l'irrecevabilité du recours313(*).

    La loi n°2006/022 du 29 décembre 2006 dans son article 17(1) dispose que : « le recours devant le tribunal n'est recevable qu'après rejet d'un recours gracieux adressé à l'autorité auteur de l'acte attaqué ou à celle statutairement habilitée à représenter la collectivité publique ou l'établissement public en cause ».Cette formulation est une reprise des dispositions de l'article 12 de l'ordonnance n°72/06 du 26 aout 1972, inspirée de la règle française de la décision préalable.

    Le recours gracieux préalable est un moyen d'ordre public. En conséquence, son inobservation ou sa violation peut être soulevée d'office par le juge sans qu'aucune partie de l'instance ne l'ait invoquée314(*). Cependant, il existe des tempéraments à ce principe. En effet, la règle du recours gracieux préalable peut être écartée dans certains cas.D'où les exceptions à son exigence(b).

    b- Les exceptions à l'exigence d'introduction du recours gracieux préalable

    L'exigence d'introduction préalable à la saisine du juge du recours gracieux connait des exceptions. De nos jours, « par le biais de lois spéciales attributives de compétences nouvelles au juge administratif, on note un déclin sensible de la traditionnelle protection précontentieuse de l'administration. La multiplication croissante des exceptions à la formalité processuelle qu'est le recours gracieux préalable en est la manifestation éclatante »315(*). Ces exceptions s'inscrivent en droite ligne avec le souci de favoriser l'égalité d'accès au prétoire car le recours gracieux constitue très souvent un obstacle sérieux à l'accès au juge, ce qui n'avantage pas forcement les requérants. Elles peuvent être répertoriées aussi bien dans les textes que dans la jurisprudence administrative.

    En ce qui concerne les exceptions textuelles, elles sont relatives à la liberté d'association, aux partis politiques, aux élections municipales et régionales, les élections sur les ordres des professions libérales, aux conditions d'entrée, de séjour et de sortie des étrangersau Cameroun. En effet, aux termes des articles 13 alinéa 3 de la loi n°90/056 du 19 décembre 1990 sur la liberté d'association et 8 alinéa 3 de la loi n°90/056 du 19 décembre 1990 sur les partis politiques, par dérogation à l'article 17(1) de la loi n°2006/022 du 29 décembre 2006 fixant l'organisation et le fonctionnement des tribunaux administratifs, la suspension, la dissolution des associations et le refus d'autorisation des partis politiques « sont susceptibles de recours sur simple requête devant le président de la juridiction administrative ».De même, la loi n°1997/012 du 10 janvier 1997 fixant les conditions d'entrée, de séjour et de sortie des étrangers au Cameroun prévoit à l'article 36 que : « l'étranger qui a fait l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière peut, dans les 48 heures suivant notification de celle-ci, demander son annulation devant la juridiction administrative compétente, nonobstant les règles prévues en la matière de recours gracieux préalable ».C'est également le cas dans le contentieux des élections municipales et des élections régionales. En effet, aux termes respectivement des articles 194 et 267 de la loi n°2012/011 du 19 avril 2012 portant code électoral, les contestations font l'objet d'une simple requête et excluent le recours gracieux préalable. Les lois sur les ordres des professions libérales consacrent la même exception en ce qui concerne leur contentieux électoral.

    Quant aux exceptions jurisprudentielles, nous pouvons évoquer trois cas. Le premier est classique : lorsque le juge judiciaire a été saisi par erreur, le recours gracieux préalable n'est plus exigé si la même affaire est portée devant le juge administratif. C'est ce qui ressort de lu jugement n° 47 du 25 mai 1982, Docteur NDZIETAM Pierre c/ Etat du Cameroun. Par ailleurs, le juge administratif a admis, implicitement mais nécessairement la recevabilité de certains requêtes en l'absence du recours gracieux. C'est le cas dans l'espèce Dame MBOCKA et dans le jugement n°52 du 15 novembre 19666, Dame LAMI ABSATOU BI MOHAMAN c/ Etat du Cameroun316(*).

    De ce qui précède, il ressort que le recours gracieux préalable en droit positif camerounais est une exigence d'ordre public. Mais, cette exigence ne peut être considérée comme respectée que si elle est adressée à l'autorité indiquée dans les délais légaux.

    2- L'autorité adressataire et les délais de sa saisine

    Le recours gracieux préalable s'adresse à une autorité (a) précise et ceci dans des délais (b) bien déterminés.

    a- L'autorité adressataire du recours gracieux préalable

    Aux termes de l'article 17 alinéa 1 de la loi n°2006/022 du 29 décembre 2006 fixant l'organisation et le fonctionnement des tribunaux administratifs : «Le recours devant le tribunal administratif n'est recevable qu'après rejet d'un recours gracieux adressé à l'autorité auteur de l'acte attaqué ou à celle statutairement habilitée à représenter la collectivité publique ou l'établissement public en cause ». Cette disposition constitue de par sa clarté une évolution notable et un palliatif à l'imprécision maintes fois dénoncés du terme «ministre compétent » contenu dans l'article 12 paragraphe 1 de l'ordonnance n° 72/6 du 26 août 1972 fixant l'organisation de la Cour Suprême.

    Une fois que cette autorité est saisie, la règle du recours gracieux préalable peut éventuellement comporte des germes susceptibles de paralyser l'accès des particuliers au juge, à travers le silence gardé par l'administration lorsqu'elle est invitée à se prononcer sur une demande. Conscient de ce fait, le législateur a aménagé un délai précis qui est imparti à l'administration. Passé ce délai, la requête est recevable car la réclamation des particuliers étant présumée rejetée par l'administration.

    b- Les délais d'introduction du recours

    Les délais de l'exercice du recours gracieux varient selon la nature de la demande. En effet, conformément à l'article 17 alinéa 3 de la loi n°2006/022 « le recours gracieux doit, sous peine de forclusion, être formé :

    - Dans les trois mois de publication ou de notification de la décision attaquée ;

    - En cas demande d'indemnisation, dans les six mois suivant la réalisation du dommage ou sa connaissance ;

    - En cas d'abstention d'une autorité ayant compétence liée, dans les quatre ans à partir de la date à laquelle ladite autorité était défaillante ».

    Toutefois, ces délais peuvent systématiquement être prolongés en faveur du requérant établi en étranger. Àeux s'appliquent les délais de distance. Il est de 01 mois si le requérant réside en Afrique, de 02 mois pour le reste du monde. La jurisprudence administrative camerounaise a constamment appliqué ce principe notamment dans le jugement n°46 du 30 avril 1981, OUMAROU Paul317(*) .Bien plus, ceci conformément à l'article 3 paragraphe 2 de l'ordonnance n°72/11 du 26 août 1972 portant publication des lois, ordonnances, décrets, actes réglementaires, ce délai peut également être prolongé d'un jour en fonction du lieu où se trouve le requérant par rapport à Yaoundé.

    Il est important de préciser que ces délais sont d'ordre public ; la jurisprudence administrative étant constante sur la question. L'arrêt n°59/CS/CA du 24 avril 1986 Matip 2 Jean Baudelaire atteste de ce fait. De même, la méthode de calcul de ces délais est particulière c'est la computation des délais.En effet, ces délais courent à partir du jour où le destinataire de l'acte contesté a été informé par les moyens de publicité c'est-à-dire par la publication ou la notification parce que c'est à partir de cette date que l'acte est opposable à son destinataire. Qu'en est t-il des conditions et des modalités d'accès ?

    B- Les conditions et les modalités d'accès

    Les conditions et les modalités d'accès nécessitent qu'il soit abordé d'une part, les conditions (1), avant de voir les modalités d'accès d'autre part (2).

    1- Les conditions d'accès

    Le jugement d'une demande au fond ne peut avoir lieu que si le juge a préalablement et positivement résolu le problème de sa recevabilité. Cette recevabilité est soumise aux conditions relatives à la personne du requérant(a), aux délais de saisine du juge(b).

    a- Les conditions relatives à la personne du requérant

    Un animal ne peut pas saisir le juge administratif318(*). Par conséquent, il doit être non seulement un homme mais en plus, il doit remplir pour l'essentiel trois conditions : la capacité, l'intérêt et la qualité.

    Concernant la capacité, le juge ne peut se prononcer sur le bien-fondé de la prétention du requérant que si ce dernier est capable. Il s'agit là d'une exigence posée par le juge319(*). Ainsi, le principe est que : « tout procès en justice ne peut être ouvert que sur la base d'une requête introduite par une personne juridiquement capable »320(*). Elle est entendue comme l'aptitude légale à ester en justice. Elle doit être appliquée aussi bien aux personnes physiques qu'aux personnes morales.

    Appliquée aux personnes physiques, la capacité revêt une triple dimension à savoir physique, juridique et morale. En effet, la personne physique doit être en vie au moment où la demande est faite à moins que l'action ait été intentée avant sa mort. En outre, elle doit avoir 21 ans révolus au moment de l'action, elle doit également jouir de ses droits et ne doit pas être déchue.Enfin, elle doit être en possession de toutes ses facultés. Ainsi, sont exclus de l'accès au juge : les mineurs non émancipés, les incapables, les aliénés et les prodigues.

    Quant à la personne morale, le juge administratif exige qu'elle soit juridiquement capable, c'est-à-dire qu'elle ait une personnalité juridique qui s'acquiert soit par déclaration soit par autorisation. Toutefois, exceptionnellement, le juge admet les requêtes introduites par des personnes morales de fait. C'est d'ailleurs ce qu'il laisse percevoir dans ses décisions concernant les associations non déclarées sans capacité juridique321(*) et les associations dissoutes322(*).

    La personne qui saisit le juge administratif doit également avoir un intérêt. En effet, il s'agit d'un espoir de gain pécuniaire ou moral en cas de succès de l'action intenté contre l'administration. Il se fonde, en principe, sur le préjudice que le requérant a subi mais ne s'identifie pas à lui. Il peut être direct et personnel323(*), collectif, matériel324(*), enfin, moral325(*).

    L'intérêt complète la qualité pour fonder l'action en justice ;Toutefois, ils ne doivent être appréhendés comme synonymes comme le fait percevoir le juge administratif dans l'affaire LELE Gustave.Dès lors, qu'entend-t-on par qualité ?

    Pour le M.P. charlot, « la doctrine est unanime pour reconnaître trois sens à « qualité »sans compter le sens commun »326(*) . Le premier recouvre la qualité à agir pour le compte d'autrui, le deuxième c'est « la situation juridique du demandeur, le titre en vertu duquel il peut engager le procès »327(*). Autrement dit, « la qualité en laquelle le requérant agit »328(*), le troisième concerne « le pouvoir de saisir le juge et de l'obliger à statuer sur le bien-fondé de la demande »329(*).

    b- Les conditions liées aux délais de saisine du juge

    L'article 18 alinéa (1) de la loi de 2006/022 dispose que : « Sous peine de forclusion, les recours contre les décisions administratives doivent être introduits dans un délai de soixante(60) jours à compter de la décision de rejet du recours gracieux visé à l'article 17 ci-dessus ». Ce délai court à partir du lendemain du jour de la notification à la personne ou à domicile élu. Toutefois, il peut être prorogé si le requérant, dans l'intervalle, a déposé une demande d'assistance judiciaire ou s'il a saisi une juridiction incompétente. Dans ce cas, le recours contentieux est valablement introduit dans les soixante(60) jours qui suivent la notification de la décision statuant sur la demande d'assistance judiciaire ou sur la compétence330(*). Ces délais sont d'ordre public. Le jugement n°59/CS/CA du 24 avril 1986, Matip II Jean Baudelaire331(*) permet d'illustrer ce caractère impératif.

    2- Les modalités d'accès au juge

    Les modalités d'accès sont relatives aux règles d'introduction des recours(a), à la représentation des requérants(b) et à l'assistance judiciaire(c).

    a- Les règles d'introduction du recours

    La requête introductive d'instance au travers duquel le requérant saisit le juge est libellée sur papier timbré et signée par le requérant ou son mandataire. Le requérant illettré appose son empreinte digitale. Elle est déposée au greffe compétent ou adressée par voie postale audit greffe. Ensuite, elle est enregistrée à l'arrivée et datée332(*). Le greffe délivre au demandeur un certificat constatant le dépôt de sa requête. Elle donne lieu, sauf dispense résultant d'une disposition législative expresse, à la consignation d'une provision de vingt mille francs (20000FCFA). Une consignation supplémentaire peut être ordonnée par le président de la juridiction en cas de nécessité333(*). Les personnes morales en sont dispensées.

    Elle doit obligatoirement mentionner les noms, prénoms, profession et domicile du demandeur ; la désignation du défendeur éventuel ; l'exposé des faits qui servent de base à la demande ; les moyens et l'énumération des pièces produites à l'appui de la demande. Si le recours est dirigé contre un acte d'une autorité administrative, elle doit impérativement être accompagnée d'une copie de cet acte sauf en matière de responsabilité des travaux publics

    Les requêtes collectives sont irrecevables sauf s'il s'agit d'un recours dirigé contre un acte indivisible334(*).

    b- La représentation des parties

    Devant la juridiction administrative, la partie qui ne comparaît pas en personne peut se faire représenter par un mandataire ou un avocat. Le ministère d'avocat est alors facultatif et au choix aussi bien devant les tribunaux administratif que devant la chambre administrative statuant en appel. Toutefois, elle est obligatoire en cassation. Ce droit à un mandataire et surtout à un avocat facilite l'accès au juge.Il assure aux justiciable la qualité de la défense et concours « à une bonne administration de la justice »335(*).

    Le mandataire doit justifier de son mandat par la production d'un acte authentique ou d'un acte sous seing privé légalisé par l'autorité compétente. Il a le pouvoir de signer les requêtes et les mémoires au lieu et place de son mandant, de recevoir les convocations adressées à son mandant et les notifications qui sont faites.

    Les personnes morales de droit public sont représentées devant la juridiction administrative par l'autorité habilitée à recevoir le recours gracieux. Concrètement, elle peut se faire représenter par un fonctionnaire, un agent de l'Etat, une collectivité territoriale décentralisée ou par un avocat. La constitution ou la désignation d'un avocat emporte de plein droit, élection de domicile du cabinet de cet avocat pour les besoins de procédure.

    c- L'assistance judiciaire

    L'assistance judiciaire au Cameroun est consacrée par la loi n°2009/004 du 14 avril 2009 portant organisation de l'assistance judiciaire. Elle s'applique à toutes les procédures àsavoir pénales, civiles et administratives. Elle a pour fondement la restauration de l'égalité entre les justiciables. Ce faisant, elle assure l'effectivité d'accès au juge. C'est ce que relevait déjà à juste titre la cour européenne des droits de l'homme dans l'arrêt Airey c/ Irlande, du 9 octobre 1979336(*).

    L'assistance judiciaire est accordée sur demande aux catégories de personnes physiques jugées indigentes en raison de l'insuffisance de leurs ressources pour faire valoir leurs droits en justice ou pour poursuivre l'exécution des actes et procédures d'exécution antérieurement obtenus. Aussi, sont qualifiés d'indigents, les hommes de rang de toutes les armes pendant la durée de leur service, les personnes assujetties à l'impôt libératoire, les personnes non visées par la loi exposées à des frais qu'elles ne peuvent supporter ou le conjoint en charge d'enfant mineurs, en instance de divorce et ne disposant d'aucun revenu propre. L'appréciation de cette qualité passe par la prise en compte des éléments extérieurs : train de vie, existence de biens meubles ou immeubles qu'ils soient ou non producteurs de revenus à l'exclusion de ceux qui ne pourraient être vendus.

    Les ressources du conjoint, du demandeur et de celles des personnes vivant habituellement à son foyer, sont également prises en considération.

    L'assistance judiciaire peut être exceptionnellement accordée aux personnes morales. D'autres catégories de personnes peuvent également en bénéficier. En l'occurrence : il s'agit du travailleur victime d'un accident de travail pour les actions en indemnisation qu'il engage contre l'employeur, toute personne sans emploi et sans ressource abandonnée par son conjoint auxfins d'obtenir au tribunal une pension alimentaire, le condamné à mort demandeur au pourvoieetc.

    Les demandes orales ou écrites d'assistance judiciaire sont transmises à une commission avec un extrait du rôle pour les impositions ou du certificat de non-imposition délivré par le maire après une enquête des services sociaux. La commission va recueillir toutes les informations permettant d'établir l'insuffisance de moyens du demandeur. Le président de la commission et la commission statuent sans délai en cas d'urgence sur le maintien ou le refus de l'assistance judiciaire.La commission peut convoquer la partie adverse pour fournir toutes explications permettant d'apprécier le niveau suffisant ou non des ressources.Les décisions de la commission ne sont susceptibles d'aucun recours de la part des parties. Toutefois, dans un délai de dix (10) jours, le ministère public ou le bâtonnier de l'ordre des avocats peut d'office déférer à la commission d'assistance judiciaire établie auprès de la cour d'appel toute décision rendue par les commissions, pour être reformée s'il y a lieu.L'assistance judiciaire s'applique de plein droit sur le territoire national.Les dépositaires publics délivrent gratis aux bénéficiaires de l'assistance judiciaire, les actes d'expéditions nécessaires à la procédure ou aux mesures d'exécution.

    Le président de la juridiction saisie désigne l'avocat ou l'huissier qui prête son ministère au bénéficiaire. En cas de défaillance ou de refus de l'avocat ou de l'officier ministériel désigné, il est procédé à leur remplacement par le bâtonnier ou son représentant local ou encore par le président de l'organisation professionnelle dont dépend l'officier.

    Le bénéfice de l'assistance judiciaire emporte dispense du paiement total ou partiel des sommes dues au trésor public au titre du droit de timbre, d'enregistrement et de greffe ainsi que toute consignation à l'exception de la taxe sur le pourvoi.

    Les notaires, greffiers et tous les autres dépositaires publics ne sont tenus à la délivrance gratuite des actes ou expéditions réclamés par le demandeur en assistance ou par l'assisté quepar ordonnance du président de la juridiction administrative en l'occurrencedevant laquelle la cause est pendante.Le retrait de l'assistance judiciaire rend immédiatement exigibles les droits, émoluments et avances dont l'assisté a été dispensé337(*).

    Le dossier peut être transmis au parquet compétent si le retrait de l'assistance judiciaire a pour cause une déclaration frauduleuse.

    De ce qui précède, tout semble fait pour favoriser l'égalité d'accès au juge. Cependant, il convient de préciser qu'on assiste à une multiplication d'actes insusceptibles de recours contentieux qui restreignent alors la saisine du juge administratif.

    SECTION II : LES RESTRICTIONS A L'ACCES AU JUGE

    L'accès au juge administratif au Cameroun connaît des restrictions diverses. Elles sont pour l'essentiel tirées d'une part de la nature de l'acte objet de la contestation (paragraphe I) et d'autre part, de l'existence d'un certain nombre obstacles qui atténuent son expression (paragraphe II).

    PARAGRAPHE I : LES RESTRICTIONS A L'ACCES TIREE DE LA NATURE DE LA MATIERE OBJET DE LA CONTESTATION

    Le droit du contentieux administratif au Cameroun restreint considérablement l'accès au juge administratif d'une part, en consacrant une multiplicité d'actes insusceptibles de recours, parmi lesquels on trouve non seulement les actes de gouvernement, mais aussi d'autres catégories d'actes administratif décisoires non justiciables (A). D'autre part, en admettant largement l'injusticiabilité des actes unilatéraux non décisoires(B).

    A- La non justiciabilité des actes de gouvernement et de certains actes décisoire non justiciables

    En droit positif camerounais, aucun juge ne peut connaîtred'un recours dirigé contre un acte de gouvernement (1). De même, le législateur camerounais a eu à mettre à l'abri de tout recours juridictionnel une catégorie d'actes administratifs décisoires en les frappant du sceau de l'immunité (2).

    1- L'inataquabilité des actes de gouvernement

    La loi n°2006/022 du 29 décembre 2006, fixant l'organisation et le fonctionnement des tribunaux administratifs, est on ne peut plus claire sur la question de la justiciabilité ou de l'injusticiabilité des actes de gouvernement. En effet, son article 4 dispose sans ambages que : «aucune juridiction ne peut connaître des actes de gouvernement ». Libellé de la sorte, ce principe apparaît par conséquent sans équivoque. Cependant, son contenu n'étant nullement spécifié par le législateur qui est demeuré muet sur ce que devrait désigner l'expression d'actes de gouvernement, il survient à l'esprit la question de savoir qu'est-ce donc un acte de gouvernement ?

    La réponse à cette question demande alors à scruter l'état de la jurisprudence en la matière afin de se faire une opinion exacte.

    a- Précisions sur la notion d'actes de gouvernement

    Les actes de gouvernement sont des actes du pouvoir exécutif ou du gouvernement qui apparaissent comme des actes politiques à raison de la matière dans laquelle ils sont accomplis et qu'on pourrait qualifier de « matières de gouvernement »338(*).À raison de cette nature, ils échappent sur le terrain contentieux, à la compétence du juge administratif et judiciaire, jouissant ainsi d'une immunité juridictionnelle339(*). Ils concrétisent, comme l'a écrit E. Laférrière, ce qu'est l'activité gouvernementaleen tant que activité distincte de l'activité administrative340(*). En d'autres termes, ils permettent, selon la formule de R. Carré de Malberg, de distinguer la fonction gouvernementale de la fonction administrative de l'exécutif341(*).

    L'acte de gouvernement est d'origine jurisprudentielle. Il est l'oeuvre du Conseil d'Etat français qui, dans l'arrêt Laffitte du 1ermai 1822342(*), puis dans un arrêt du Second Empire, Duc d'Aumale et Michel Lévy343(*), avait refusé de contrôler les actes de l'administration en invoquant le « mobile politique »344(*). Cette conception originaire illustrée dans ces arrêts a été reprise par le juge administratif Camerounais345(*).Au demeurant, Selon la formule usuelle de la jurisprudence administrative française et Camerounaise, les actes de gouvernement sont, d'une partles actes édictés par le pouvoir exécutif dans ses rapports avec le parlement346(*), et d'autre part, les actes pris par le gouvernement dans ses rapports avec les organisations internationales et les Etats étrangers347(*). Il faut préciser que le juge administratif camerounais revient régulièrement ou réintroduit toujours cette notion de « mobile politique » dans la définition de l'acte de gouvernement, notion pourtant abandonnée en France par le conseil d'Etat dans un arrêt du 19 février 1875, Prince Napoléon348(*).

    Cette définition constitue une menace aux droits et aux libertés des citoyens dans la mesure où, n'importe quel acte administratif peut être considéré comme un acte de gouvernement dès lors que l'administration fait valoir qu'il a été inspiré par un mobile politique. C'est d'ailleurs cet état de chose qui est justifié par l'extension des actes de gouvernement aujourd'hui.

    b- L'extension constitutionnelle des actes de gouvernement

    Les actes de gouvernement connaissent aujourd'hui en droit administratif camerounais une expansion constitutionnelle. C'est ce que laisse en effet comprendre l'article 53 alinéa 3 nouveau de la révision constitutionnelle du 14 avril 2008 lorsqu'elle dispose que : «les actes accomplis par le président de la République en application des articles 8, 9, et 10 ci-dessus sont couverts par l'immunité et ne sauraient engager sa responsabilité à l'issue de son mandat ». Cette article, « véritable triangle des Bermudes constitutionnel, couvre d'immunité absolue, totale et perpétuelle(ab initio et ab futuro), des pans entiers de l'action du président de la république »349(*). Au demeurant, il convient de préciser que, à côté de ces actes, il existe d'autres qui sont décisoires mais insusceptible de tout recours juridictionnel et dont la nature prête à confusion.  

    2- L'existence d'actes décisoires non justiciables

    Le législateur camerounais a consacré un certain nombre d'actes juridiques décisoires qui ne peuvent pas faire l'objet de recours devant le juge administratif. Ces actes qui portent gravement atteinte à l'égalité d'accès au juge, en raison du fait que c'est l'administration qui les édictent alors qu'il est généralement partie au procès avec le particulier, sont au nombre de trois à savoir : les mesures portant répression des activités terroristes(a), les actes portant désignation des chefs traditionnels(b), et les actes administratifs pris dans le cadre du règlement des litiges portant sur les limites des circonscriptions administratives et des unités de commandement traditionnel(c).Ces actes posent la question de leur nature juridique. En effet, le juge administratif à partir de l'affaire NGOONG MANDENG Christophe contre Etat du Cameroun « a finipar poser implicitement que l'acte de désignation du chef traditionnelest désormais assimilable à un acte de gouvernement, puisqu'immunisé contre la censure du juge »350(*).Il s'agit donc d' « une nouvelle variante d'actes semblables aux actes de gouvernement, quoi qu'elle soit totalement opposée aux éléments constitutifs de la théorie traditionnelle »351(*). Cette position jurisprudentielle, confirmée dans trois autres espèces352(*), s'est étendue sur les mesures portant répression des activités terroristes et sur les litiges relatifs aux limites des circonscriptions administratives et des unités de commandement traditionnel.

    a- Les mesures portant répression des activités terroristes

    L'article 1erde La loi n°64/16 du 26 juin 1964 dispose : qu' « est irrecevable, nonobstant toutes dispositions législatives contraires, tout acte dirigé contre la république fédérale, les Etats fédéraux et les autres collectivités publiques dans le but d'obtenir la réparation des dommages de toute nature occasionnés par les activités terroristes ou par la répression du terrorisme ». Elle poursuit en précisant dans son article 2 que : « seul le Président de la République est compétent pour accorder des secours dans la limite des crédits ouverts ».Ceci étant dit, il ressort que l'immunité juridictionnelle dont bénéficient les actes liés à la répression du terrorisme n'est pas absolue. Elle ne joue que pour les recours en responsabilité.Par conséquent, le contentieux de l'excès de pouvoir à leur encontre est tout à fait recevable353(*).

    Ces articles constituent une dérogation au principe général selon lequel tout acte administratif est susceptible de recours devant le juge administratif. Cet état de chose porte atteinte à l'Etat de droit et constitue de ce fait une « véritable négation du droit »354(*). Au demeurant, ces actes ne sont pas les seuls. Il y a également les actes portant désignation des chefs traditionnels.

    b- Les actes portant désignation des chefs traditionnels

    À la différence de la répression du terrorisme, les actes portant désignation des chefs traditionnels bénéficient d'une immunité juridictionnelle totale. Ils sont consacrés par la loi n°80/031 du 27 novembre 1980 dessaisissant les tribunaux des affaires relatives aux contestations soulevées à l'occasion de la désignation des chefs traditionnelles dont l'article 1er dispose que : « les juridictions de droit commun et de l'ordre administratif sont dessaisies d'office de toutes les affaires pendantes devant elles et relatives aux contestations soulevées à l'occasion de la désignation des chefs traditionnels ». Ce texte est le prolongement logique de la loi n°79/17 du 30 juin 1979355(*) qui « constitue la première riposte législative à l'attitude un peu trop libérale au gré de l'Etat, du juge administratif »356(*). L'article 1er alinéa 1 de cette loi dispose que : « par dérogation à l'article 9 de l'ordonnance n°72/6 du 26 août 1972 fixant l'organisation de la Cour Suprême, les contestations soulevées à l'occasion de la désignation des chefs traditionnels sont portées devant l'autorité investie du pouvoir de décision qui se prononce en premier et en dernier ressort ».

    C'est donc sur cette base que le juge administratif (Assemblée Plénière de la Cour Suprême) se déclara dessaisi dans un arrêt de trois affaires pendantes devant lui357(*), et que la Chambre administrative se déclara incompétente pour les autres qui lui seront soumises ensuite358(*). Toutefois, il faut préciser qu'avant ces lois et donc jusqu'à la décision MONKAM TIENTCHEU David, le juge administratif s'était toujours prononcé en faveur de la recevabilité d'une requête contentieuse relative à l'acte de désignation de l'autorité traditionnelle et de l'examen au fond du litige359(*).

    c- Les actes de règlement de litiges portant sur les limites des circonscriptions administratives et des unités de commandement traditionnel

    L'article 1 alinéa 1er de la loi n°2003/016 du 22 décembre 2003360(*) dispose que les litiges sur les limites des circonscriptions administratives et des unités de commandement traditionnel sont « portés devant des commissions qui, à la suite d'une procédure contradictoire, établissent des procès-verbaux au vu desquels l'autorité compétente statue en dernier ressort ». À la suite, vient l'article 2 qui précise qu' «est irrecevable, nonobstant toute disposition législative contraire, tout recours judiciaire en annulation d'un acte administratif pris pour le règlement des litiges portant sur les limites des circonscriptions administratives et des unités de commandement traditionnel ». L'immunité juridictionnelle ici est partielle.

    De la sorte, Ces articles constituent des limites non seulement au champ matériel de la compétence du juge administratif mais également à l'accès au prétoire administratif alors même qu'il s'agit des actes qui sont susceptibles de porter atteinte aux droits et libertés des individus. Cet état des choses participe à une régression de l'Etat de droit au Cameroun, la juridictionnalisation de l'activité administrative étant un élément consubstantiel de l'Etat de droit361(*) .Ainsi, « la tendance à la généralisation des lois d'immunité juridictionnelle traduit un empiètement du législateur (...) sur l'indépendance des juridictions (...) »362(*).

    B- L'injusticiabilité des actes unilatéraux non décisoires

    Il existe en droit administratif général « de variétés d'actes unilatéraux non décisoires »363(*). En effet, on distingue : les mesures d'ordre intérieur, les circulaires, les directives, les actes conservatoires, les actes préparatoires, les voeux, les avis, les recommandations, les propositions, les mises en demeures et les actes types364(*). Le droit administratif camerounais ne connaît pas une abondante jurisprudence en ces matières. Mais, il se dégage de la jurisprudence existante que, bien que le juge ait eu à admettre un recours dirigé contre une circulaire (a), il se refuse d'admettre la justiciabilité (b) des actes conservatoires et des directives.

    a- La possibilité d'admission d'un recours contre une circulaire

    En principe, les circulaires s'imposent seulement dans l'ordre interne en ce qu'elles émanent des supérieurs hiérarchiques. Il en résulte d'une part que l'administration ne peut fonder ses décisions sur une circulaire, sauf à commettre une erreur de droit et d'autre part que, ne faisant pas grief aux administrés, la circulaire ne peut créer de droits à leur profit ou leurs imposer des obligations . Toutefois, il arrive que des actes intitulés « circulaires » contiennent des dispositions qui modifient les droits et les obligations et fassent grief aux administrés. C'est ainsi que reprenant une jurisprudence du juge administratif français qui distinguait les circulaires qui ne produisent pas d'effets de droit à savoir des circulaires interprétatives de celles qui en produisent à savoir les circulaires réglementaires365(*), le juge administratif camerounais a considéré que la circulaire du ministre de la justice ordonnant la fermeture des cabinets de recouvrement de créances et leur interdisant l'exercice de cette activité constitue un véritable acte administratif unilatéral faisant grief366(*).

    b- L'injusticiabilité des actes conservatoires et des directives

    Les actes conservatoires n'ont en principe aucun effet juridique et donc insusceptibles de recours pour excès de pouvoir. Ils sont pris au cours d'une procédure administrative pour préparer la décision terminale. À ce titre, ils constituent l'anti-chambre des mesures faisant grief367(*). C'est pourquoi, le juge administratif rejette toute demande formée contre de tels actes368(*). C'est le cas de l'acte portant suspension d'un fonctionnaire de ses fonctions369(*).

    Pour ce qui est des directives, documents d'ordre intérieur adressés par des responsables administratifs à leurs subordonnés pour leur indiquer comment exercer leur pouvoir de décision lorsque leur appréciation n'est pas liée par les textes, elles permettent à l'administration de se fixer à l'avance une ligne de conduite destinée à la guider dans les décisions qu'elle prendra dans les domaines où elle dispose d'un pouvoir discrétionnaire. Elles n'imposent pas, n'ajoutent pas à l'ordonnancement juridique, n'interprètent pas; mais guident370(*).

    Pour le juge administratif camerounais, ce sont des mesures administratives qui se distinguent à la fois des simples circulaires interprétatives et des actes administratifs unilatéraux qui affectent l'ordonnancement juridique. C'est ainsi que dans un jugement rendu le 27 décembre 1979371(*), il affirme qu'elles « ne constituent pas un élément de légalité ; leur violation par une décision administrative n'est pas une illégalité susceptible de donner lieu à un recours pour excès de pouvoir(...) ; les directives ne constituent pas un acte administratif s'imposant aux administrés ; elles ne sont pas elles-mêmes susceptibles d'être attaquées par voie du recours pour excès de pouvoir ». La théorie jurisprudentielle de la directive trouve son origine dans le refus du juge administratif d'admettre que des autorités non investies du pouvoir réglementaire puissent fixer à l'avance pour elles-mêmes et pour leurs subordonnés les modalités d'exercice de leur pouvoir discrétionnaire.

    En général, le juge administratif déclare irrecevable les demandes formées contre des mesures non décisoires par application de l'adage de minimis curat praetor372(*).Pour le doyen L. Favoreu, une telle attitude constitue, plus qu'une limitation du droit au recours, un déni de justice373(*). D'après cet auteur, ce déni de justice ne résulte pas « d'une lacune du contrôle juridictionnel des activités publiques mais d'une lacune de la protection juridictionnelle des individus »374(*).

    Il se dégage de ce qui précède que si les textes et la jurisprudence concourent à la restriction de l'exercice du droit d'accès au juge administratif, c'est, en définitive, ce dernier qui a les clés de son prétoire et possède les moyens de l'ouvrir, l'élargir, le restreindre et le fermer à sa guise. Mais, même lorsque le juge aura ouvert son prétoire aux justiciables, ces derniers ne pourront pas pour autant y accéder aisément. En effet, il existe de nombreuses autres entraves d'ordre juridique et factuel qui atténuent l'expression du droit à la justice administrative.

    PARAGRAPHE II : UNE EXPRESSION ATTENUE

    Au Cameroun, au-delà des limites sus-énoncées, il existe d'autres obstacles qui ne contribuent pas à faciliter aux justiciables l'accès effectif au juge. Ces obstacles sont pour l'essentiel constitués des dissuasions financières (A)et des dissuasions d'ordres structurelles(B).

    A- La dissuasion financière

    L'accès au prétoire ne peut être gratuit, il a un coût.375(*)Au Cameroun, les charges financières imposées aux justiciables dans le cadre de la procédure administrative contentieuse sont relatives aussi bien au coût financier des recours(a) qu'au coût financier lié à l'issue défavorable du procès(b).

    a- Le coût financier des recours

    Le coût relatif au recours comprend d'une part le coût du dossier, et d'autre part, le coût de représentation.

    i- Le coût du dossier

    Concernant le coût du dossier, le requérant doit, sous peine d'irrecevabilité de son recours, verser lors du dépôt de sa requête introductive d'instance une provision376(*)dite provision ad litem. Cette provision n'est pas exigée lorsqu'un texte législatif en prescrit expressément la dispense377(*). Une consignation supplémentaire peut être ordonnée par le président de la juridiction administrative en cas de nécessité. Si le requérant ne verse cette consignation ou le fait tardivement, sa requête est déclarée irrecevable378(*).De telles dépensesne sont pas de nature à faciliter l'accès au juge et son contraire à l'exigence de gratuité de l'accès à la justice administrative.

    Il est également mis à la charge un nombre important de frais dans le cadre du recours. C'est ainsi que si une enquête est ordonnée à la demande du requérant, il doit supporter les indemnités allouées dans les conditions de droit commun aux témoins qui demandent. De même, les frais d'expertise ainsi que les honoraires des experts sont entièrement à sa charge lorsque cette expertise est ordonnée d'office par le juge ou à sa demande. En cas de descente sur les lieux, c'est encore le demandeur qui se charge des frais de transport fixés par le juge ; lesquels sont consignés par lui au greffe. C'est à ses frais qu'il se fait délivrer une expédition du procès-verbal de son audition et de celle de la partie défenderesse.

    ii- Le coût de représentation

    S'agissant du coût de représentation, on a des émoluments ou droits d'avocats fixés par la loi. Il comprend un droit fixe de 5000 (cinq mille) FCFA de constitution de dossier et un droit proportionnel de dix mille à deux cent mille FCFA fixé en fonction de la difficulté et de l'importance de la procédure. On a également, les honoraires de plaidoirie qui sont fixés d'accord parties c'est-à-dire entre le requérant et l'avocat. Son montant est variable. Comme l'a écrit le professeur M. Kamto, il « dépend en général de la notoriété de l'avocat, de la difficulté du procès, de l'importance de la procédure, de l'intérêt en jeu(...) et parfois aussi du statut social  du client »379(*). Parce qu'il augmente, les frais de recours, les émoluments et honoraires d'avocat sont susceptibles de compromettre ou de limiter l'accès au juge administratif, notamment à celui qui n'a pas les moyens pour se faire représenter par un avocat et ou qui n'a pu bénéficier de l'assistance judiciaire. Or, il est admis paradoxalement que le ministère d'avocat facilite l'accès au juge. Enplus du coût de représentation que doit supporter le requérant,s'ajoute le coût financier si l'issue du procès lui est défavorable.

    b- Le coût financier lié à l'issue défavorable du procès

    L'issue défavorable du procès peut alourdir les charges financières du requérant. Une telle perspective, qui n'est pas une simple vue de l'esprit, n'est pas de nature à encourager les justiciables à saisir le juge administratif, surtout dans un pays où beaucoup de citoyens croient très peu à la justice étatique et pensent que l'Etat ne peut perdre un procès contre un administré. La perte du procès par le demandeur l'expose, en effet, à sa condamnation aux dépens.

    Les dépens se composent d'une part des différents frais de justice dont les montants ne sont pas déterminés, et d'autre part des droits de greffe. Les frais de justice sont constitués descorrespondances et des notifications, des frais d'établissement des copies, des requêtes, mémoires et pièces jointes ou des expéditions de jugements et arrêts notifiés aux parties, des frais d'instruction et de greffe et des frais de timbre et d'enregistrement. Quant aux droits de greffe, ils sont relatifs pour l'essentiel à l'expédition, à la mise au rôle, à la transcription des actes, aux actes reçus par le greffier, aux frais d'affranchissement et à la notification. Les dépens rempliraient, selon C. Kmein, une fonction «sanctionnatrice »380(*).

    En définitive, « la gratuité de la justice est un leurre381(*) » au vu des frais qu'il faut engager. Aussi plaider devant le juge administratif pour faire respecter ses droits « constitue un luxe »382(*)ou du moins, « peut constituer un luxe »383(*) financier pour le justiciable. L'expression du droit d'accès à la justice administrative est également atténuée par une dissuasion d'ordre structurelle.

    B- La dissuasion structurelle

    Si le droit d'accès à la justice suppose, entre autres, l'existence d'une juridiction, celle-ci doit être organisée de telle sorte que les justiciables ne rencontrent pas des difficultés sérieuses de nature à limiter ce droit de façon excessive ou à l'annihiler. C'est ainsi qu'il doit exister une proximité géographique et technique entre le justiciable et le juge, proximité sans laquelle le droit d'accès au juge ne remplirait pas toute sa fonction. Il s'avère qu'au Cameroun, une telle proximité n'est pas parfaitement établie. Ceci est dû d'une part, à la persistance de la centralisation de la justice administrative (1)et d'autre part, à sa dépendance (2).

    1- La persistance de la centralisation de la juridiction administrative

    Il est généralement admis que l'éloignement territorial de la justice du justiciable constitue l'un des facteurs essentiels de la difficulté d'accès à la justice, « surtout si l'on tient compte du temps nécessaire au règlement d'une seule affaire »384(*). Ainsi, l'organisation territoriale de la justice administrative doit faciliter l'accès à celui-ci. Comme l'écrit L. Garrido, « il importe, en effet, qu'un justiciable puisse non seulement déposer son recours, assister, participer aux audiences, mais aussi (...) entendre la lecture du jugement, aisément, sans perte excessive ni de temps ni d'argent »385(*). La justice administrative étant un service public, il s'agit d'une exigence élémentaire. Cette justice « doit donc s'efforcer d'être(...) accessible pour que, les administrés quelle que soit leurs situations sur le territoire national, dans le souci de toujours assurer l'égalité des justiciables devant le service public de la justice »386(*). Tel n'est pas le cas de la justice administrative au Cameroun qui est toujours centralisée. Pourtant, en plus de l'institution d'une chambre administrative, juge administratif suprême, la constitution du 18 janvier 1996 a prévu, en son article 42 alinéa 2387(*) la création de juridictions administratives inférieures. En attendant la mise en place de ces juridictions, la chambre administrative de la cour suprême statue également comme juge de premier ressort. Toutefois, il convient de préciser que ces juridictions inférieures commencent peu à peu à voir le jour dans certaines régions à l'instar de celui de Yaoundé qui est situé à Mendong.

    2- La dépendance de la juridiction administrative par la pratique du « deux dans l'un juridictionnel »

    La constitution a maintenu organiquement la justice administrative dans l'ordre judiciaire. Cette dépendance organique est ce que le Professeur M. Kamto appelle le « deux dans l'un juridictionnel »388(*).Par conséquent, « la justice administrative affiche (toujours) une dépendance vis-à-vis du versant judiciaire de la Cour Suprême389(*) ».Cette solution qui n'est pas propre au Cameroun a été adoptée dans son principe par la plupart des pays d'Afrique francophone, à l'exception de la Guinée. Le professeur H. Jacquot soutenait que c'est une solution qui s'expliquait « pour des raisons de simplicité et d'économie des moyens »390(*).Mais, un tel « dédoublement »391(*) conduit, la plupart du temps, « à un flottement dans la démarche des juges »392(*), source d'incertitude jurisprudentielle, préjudiciable à la tâcher d'unification du droit public national qui incombe au juge administratif.

    Au demeurant, la persistance de la centralisation et de la dépendance de la justice administrative limitent forcement l'accès à cette dernière parce que les aléas du service postal rendent quasiment obligatoire la présence physique des requérants au greffe du tribunal administratif situé au chef-lieu de la région ou au greffe de la chambre administrative de la Cour Suprême à Yaoundé ceux-ci doivent entreprendre de longs et couteux déplacements pour déposer leurs requêtes et résister aux pressions d'une administration locale de voir contester l'autorité dont elle drape son omnipotence. La conséquence en est que les justiciables accusent des retards dans le dépôt et l'enregistrement de leurs requêtes contentieuses.

    CHAPITRE II : L'EGALITE DES PARTIES AU DEROULEMENT ET A L'ISSUE DE LA PROCEDURE

    La procédure administrative est l'ensemble des règles régissant la conduite du procès devant les juridictions administratives393(*). Le plus souvent, ce contentieux oppose la puissance publique aux particuliers et met en balance l'intérêt général et l'intérêt privé.Sonobjectif ici est alors de prendre en compte cette différence de vue afin de rétablir le meilleur équilibre possible sans pour autant perdre de vue la nécessaire primauté de l'intérêt général. Ainsi, parler de l'égalité à la procédure implique que les parties bénéficient des mêmes droits procéduraux de sorte que nul ne soit placé dans une situation de net désavantage par rapport à l'autre. Il s'agit, en effet, d'une exigence fondamentale d'une bonne justice car point de bonne justice sans règles de procédure394(*). Ainsi, elle doit être comprise comme étant une garantie pour les parties au procès car une justice sans procédure verrait les parties soumises au bon vouloir du juge qui admettrait le recours de l'un et déclarerait l'autre irrecevable selon son humeur. En ce sens, elle constituele moyen de faire valoir efficacement et effectivement leurs droits en justice.C'est exactement cette idée qu'exprimait Montesquieu dan l' « Esprit des lois » lorsqu'il écrivait que : « les formalités de la justice sont nécessaires aux libertés »395(*).

    Le juge administratif camerounais dans un arrêt n°31/CFJ/SCAY du 15 novembre 1966 Ekindi Joël a défini la procédure contentieuse administrative en ces termes : « Mais qu'est-ce qu'une procédure contentieuse administrative ? C'est dirons-nous, les modalités par lesquelles les juges peuvent être saisis, les modalités selon lesquelles les décisions juridictionnelles doivent intervenir »396(*). Perçue de la sorte, la procédure semble intégrée essentiellement l'accès au juge pour s'arrêter à la survenance du jugement en excluant son exécution par les parties. Toutefois, il convient de préciser que, la procédure dont-il est fait allusion ici exclue l'accès au juge pour s'intéresser non seulement à son déroulement mais aussi à son issue c'est-à-dire à l'exécution des décisions de justice. Autrement dit, il est question précisément ici de l'égalitédes parties au déroulement du procès(section I) c'est-à-dire l'accès au juge déjà réalisé, et l'égalité dans l'exécution des décisions de justice (section II).

    SECTION I : L'EGALITE DES PARTIES AU DEROULEMENT DE LA PROCEDURE

    Pour garantir au mieux l'égalité des parties au procès, l'accès au juge étant déjà réalisé, il est dit que son déroulement doit en principe revêtir un caractère contradictoire et public (paragraphe I). Ensuite, la procédure doit se clore par un jugement motivé et rendu dans un délai raisonnable (paragraphe II)entre les parties au procès administratif.

    PARAGRAPHE 1: LE CONTRADICTOIRE ET LA PUBLICITE DES AUDIENCES

    Le contradictoire et la publicité des audiences se situent au centre même du déroulement de la procédure administrative contentieuse. Il s'agit de deux garanties de procédure fondamentales à la réalisation du procès équitable et partant d'une bonne administration de la justice. Consacrées dans les textes internationaux et régionaux de protection des droits de l'homme397(*) , Ces garanties entretiennent un lien étroit qui découle du fait qu'elles appartiennent à une grande famille reconnue sous l'expression « droits de la défense » participant eux-mêmes des garanties du procès équitable. Toutefois, elles doivent être démêlées.

    En effet, selon l'expression de O. Gohin, le contradictoire est « de l'essence même de la juridiction »398(*). C'est la « la première condition d'une justice véritable »399(*)qui« tend à assurer l'égalité des parties devant le juge» perturbée par les moyens dont dispose l'administration en contentieux administratif400(*).En revanche, la publicité des audiences est « une exigence qui permet le contrôle de l'activité des juges et fournit, en ce sens, une garantie au justiciable contre l'arbitraire du juge »401(*).

    Au Cameroun, les textes qui organisent la procédure administrative contentieuse et la pratique du juge administratif permettent de relever une application tempérée de ces garanties procédurales. Plus précisément, l'on constate non seulement une application fluctuante du contradictoire (A) mais également une application à géométrie variable de la publicité des audiences (B).

    A- Une application fluctuante du contradictoire

    Le contradictoire « est consubstantiel avec l'essence même de la justice »402(*).Il s'agit d' « une exigence primordiale et même élémentaire du procès administratif aussi bien que de tout procès »403(*)au service d'une justice « efficace » et « équitable »404(*). À ce propos, le Conseil d 'Etat français la qualifie de « formalité essentielle »405(*).Ceci découle du fait qu' « il permet de parvenir à la vérité judiciaire en ouvrant aux parties la possibilité de discuter les motifs de fait et de droit sur lesquels le juge va fonder sa décision, après avoir reçu une information à la fois complète et précise »406(*).C'est ce qu'écrivait le président Odent quand il rapportait le point de vue du juge en ces termes : « l'expérience prouve qu'il est très difficile de se rendre compte, sans une instruction préparatoire, de tous les répercutions que peut avoir une solution ». À juste titre, il en concluait que : « de toutes les règles de procédure, celles qui imposent le caractère contradictoire de la discussion préalable est la plus vénérable et la plus générale (...) en dehors de cette règle, il ne peut être de bonne justice »407(*). Il s'agit d'un principe qui « tend à assurer l'égalité des parties devant le juge »408(*).

    Le professeur GOHIN explique quele contradictoire « est le droit pour toute personne directement intéressée de se voir assurer une information utile dans l'instance, par la communication des différents éléments du dossier produits dans un délai suffisant, en vue de leur discussion devant le juge ».409(*) Il connaît une double implication : D'abord, il garantit aux parties le droit d'être informées. Comme l'écrit B. Pacteau, il s'agit de leur « droit au savoir»410(*) qui suppose « le droit à l `information de chaque partie sur les éléments constitutifs du dossier d'instruction »411(*). Ensuite, il implique pour les parties le droit d'informer : c'est leur droit à « faire savoir »412(*) ; c'est-à-dire « à répondre aux observations de leur adversaire, avec la garantie de disposer à cet effet d'un délai "suffisant" pour cette réplique »413(*). Sur cette base, il doit être distingué des droits de la défense qui ne visent que le défendeur en occultant le demandeur414(*). En effet, les droits de la défense visent à compenser une situation avantagée du demandeur en privilégiant en contre partie celle du défendeur, c'est-à-dire en donnant à ce dernier le droit et la possibilité de faire valoir ses arguments dans une instance dont la solution peut préjudicier à ses intérêts. De ce fait, elles revêtent une importance fondamentale en droit pénal415(*). En revanche, le contradictoire ne cherche pas à compenser une situation privilégiée du demandeur mais « place les parties dans une stricte égalité »416(*). Il doit également être distingué du principe de l'égalité des armes que le professeur Frédéric Sudre entend comme étant un principe qui impose seulement de traiter les parties de façon égalitaire, aucune ne pouvant bénéficier d'un droit dont l'autre n'a pu bénéficier417(*).

    Au Cameroun, en droit interne, le principe du contradictoire n'est pas proclamé mais traduit, à travers son contenu, par la jurisprudence et les textes418(*) qui organisent la procédure administrative contentieuse. De même, il n'est pas expressément affirmé dans les instruments internationaux et régionaux419(*) de protection des droits de l'homme, mais se déduit de leurs dispositions relatives au droit à un procès équitable donc la substance se décline ainsi qu'il suit : « toute personne à droit à ce que sa cause soit entendue équitablement ».

    La règle de la contradiction reçoit en droit positif Camerounais une application dans la phase d'instruction à titre principal pour s'étendre ensuite dans la phase de jugement(1). Toutefois, il faut relever qu'elle connaît des limites dans les deux cas c'est-à dire aussi bien dans l'instruction que dans le jugement(2).

    1- L'application du contradictoire dans l'instruction et dans la phase de jugement

    Le principe du contradictoire n'est pas en droit positif camerounais expressément affirmé ni son champ d'application formellement déterminé par les textes qui organisent la procédure administrative contentieuse. Cependant, l'on peut relever que sa pratique reçoit une application dans la phase d'instruction à titre principal (a) pour s'étendre au jugement (b).

    a- Le contradictoire à titre principal dans la phase d'instruction

    Parce que la mission du juge est de juger et non de préjuger, les règles de procédure doivent s'imposer à lui. Ainsi, après le dépôt de la demande, l'instruction va permettre de préparer la décision du juge, « en l'éclairant sur l'ensemble des données, de fait et de droit, des litiges »420(*). Elle constitue « la phase d'investigation au cours de laquelle le juge use de tous les moyens de droit en son pouvoir pour rechercher tous les éléments susceptibles de l'aider à faire la lumière dans l'affaire »421(*).C'est en effet la phase de l'instance contentieuse destinée à mettre le procès en l'état d'être jugé422(*). Il s'agit, non pas d'une faculté, mais d'une obligation423(*) qui est, d'après le Conseil d 'Etat français, une « formalité essentielle »424(*) s'imposant à toute juridiction.

    Elle revêt trois caractères : elle est inquisitoriale en ce sens « qu'elle est sous la maîtrise, non des parties, mais du juge »425(*). De fait, elle est « dirigée par le juge »426(*). Au terme del'article 37 alinéa 1 de la loi n°2006/022 du 29 décembre 2006, cette tâche incombe auprésident de la juridiction saisie et au rapporteur chargé de l'affaire. Par ailleurs, elle estprincipalement écrite. En effet, le juge administratif statue « uniquement sur des documents écrits » ; c'est ainsi que « les mémoires des parties doivent être entièrement rédigés, les avocats pouvant seulement à l'audience faire quelques observations orales portant exclusivement sur les moyens invoqués par écrit dans les mémoires »427(*). Enfin, elle est contradictoire « conformément à un principe général de droit applicable à toute procédure juridictionnelle »428(*). Ainsi, « toute partie doit non seulement être avisée d'une instance, mais être mise à même de connaître tous les éléments »429(*) et donner son point de vue. Cela se traduit non seulement par la communication et la discussion des pièces de l'affaire(i) mais aussi par la communication et la discussion des mesures d'instruction (ii).

    i- La communication et la discussion des pièces de l'affaire

    La requête introductive d'instance sert de déclanchement à la discussion contradictoire, laquelle est ensuite alimentée par la communication et la discussion des pièces de l'affaire c'est-à-dire les documents produits par les parties pour éclairer le juge dans sa quête de la vérité. Il s'agit des mémoires en défense, à savoir celui établi par le défendeur, voire en réplique c'est-à-dire celui que dépose le demandeur à la suite du mémoire en défense déposé par le défendeur ; et en duplique, à savoir celui que dépose le défendeur contre les allégations du mémoire en réplique du demandeur. Ceux-ci sont rédigés sur papier timbré et déposé au greffe et sont notifiés par le greffier au demandeur et les dispositions concernant la requête introductive d'instance leurs sont applicables.430(*)

    La production de ces documents peut être libre ou forcée. Libre parce qu'il revient exclusivement aux parties d'apprécier si tel ou tel document présente un intérêt suffisant pour appuyer leur argumentation en demande ou en défense, ce qui est d'ailleurs l'une des conditions de respect du principe du contradictoire ; forcée parce que d'après l'article 42 «Le rapporteur peut, par simple lettre, notifiée aux parties, les mettre en demeure de fournir dans un délai de quinze (15) jours à compter du lendemain de la notification, toutes explications écrites ou tous documents dont la production lui paraît nécessaire pour la solution du litige. Ces documents sont notifiés aux autres parties, qui ont le même délai pour les discuter ». Dans tous les cas à savoir libre ou forcée, cette production doit être faite en nombre suffisant afin de procéder à leur communication à toutes les parties. Dans ce sens, la loi n°2006/022 exige un nombre de copies des documents produits égal à celui des défendeurs plus deux, sous peine d'un rejet pour irrecevabilité431(*).Toutefois, le président du tribunal peut dispenser le requérant de produire les copies des documents volumineux (article 36 alinéa 3).À ce propos, le législateur ne fait pas de précision sur l'information ou la communication à la partie adverse des pièces jugées volumineuses dont les copies sont dispensées de production432(*).De ce fait, il convient de préciser que, afin que le contradictoire se passe effectivement, ces documents trop volumineux pour être reproduits, doivent par le soin du rapporteur être avisésde leur existence aux parties qui peuvent en prendre connaissance au greffe.433(*) Autrement dit, ces documents seraient déposés au greffe et consultables après notifications adressées par le rapporteur aux parties ; ce que les textes ne précisent pas expressément.

    Au-delà du respect de l'obligation d'échange des pièces du dossier, une autre obligation fondamentale du principe du contradictoire est quechaque partie puisse disposer d'un temps nécessaire pour répondre aux éléments produits par les autres parties. Il s'agit, en effet, dans ce cas de mettre les parties à même de contredire effectivement l'autre. Ainsi, l'article 38 alinéa 1, de la loi n°2006/022 indique que le défendeur a trente jours pour déposer son mémoire en défense434(*). Ce délai, poursuit l'alinéa 2, fixé par le rapporteur dans l'ordonnance de soit-communiqué, court du lendemain de la notification de celle-ciau défendeur. Lorsqu'il y a plusieurs défendeurs en cause et qu'ils n'ont pas tous présentés de défense, le rapporteur met les défaillants en demeure d'avoir à s'exécuter dans un délai supplémentaire de trente jours en les informant que faute de le faire, la décision à intervenir sera réputée contradictoire (alinéa 3). Dans les quinze jours de la notification du mémoire en défense, le demandeur dépose un mémoire en réplique auquel le défendeur peut répondre dans les mêmes délais (article 40, alinéa 1). Toutefois,il convient de préciser que, dans certains cas, ces délais tels que déterminés dans les textes peuvent être prolongés par le rapporteur sur la demande justifiée d'une partie435(*) ; sous réserve que cet allongement ne soit pas de nature à porter atteinte à l'exigence de respect du principe du délai raisonnable de jugement. Dans d'autres qui requièrent la célérité, ces délais peuvent être réduits de moitié ou de deux tiers436(*). Le rapporteur dispose alors en la matière, d'un pouvoir discrétionnaire d'appréciation437(*). Toutefois, il doit veiller à ce que les parties disposent d'un « délai suffisant »438(*)pour répondre au mémoire produit par la partie adverse, afin que la contradiction soit effectivement respectée. La notion de délai suffisant « tend justement à permettre à la partie à laquelle une pièce nouvelle est communiquée de présenter utilement sa défense, c'est-à-dire disposer d'un temps nécessaire pour prendre connaissance de la de la pièce communiquée et produire des observations en réponse. Elle emporte la faculté de répliquer utilement à la communication d'un mémoire en défense ou d'une pièce nouvelle »439(*).

    La communication des pièces sus-évoquées s'effectue par le biais des notifications faites par les soins du greffe qui en la matière est une plaque tournante qui fait circuler les éléments du dossier. Selon l'article 25 alinéa 1, de la loi n°2006/022, ces notifications sont assurées par le greffier en chef soit dans la forme administrative soit par lettre recommandée avec accusé de réception soit par exploit d'huissier soit par tout autre moyen laissant trace écrite. Cette variété de procédés de transmission des pièces manifeste le souci de sécurité, permettant de vérifier que la notification a bien été faite. Elle concerne toutes les pièces produites par les parties sans aucune exception. La législation camerounaise établit le principe de la communication générale et absolue440(*) .Ainsi, le greffier et le rapporteur n'apprécient pas l'opportunité pas plus que le bien-fondé de la communication d'une pièce ; c'est aux seules parties qu'il appartient de juger si un document produit appelle des commentaires ou non. Cette communication totale des pièces de l'affaire vise à permettre une pleine expression au principe du contradictoire. En effet, comme s'interrogeait M Joseph Pierre EFFA que vaudrait une procédure contradictoire dans laquelle des documents déterminants ne pourraient pas être transmis afin d'être discutés par les parties ?

    En France, c'est la conception restrictive de la communication des pièces qui est appliquée. Elle se fonde sur l'idée que le contradictoire n'est pas une fin en soi. Elle n'existe que pour permettre au juge d'instruire afin de juger en connaissance de cause. À ce propos, les professeurs Bertrand Seiller et Mattias Guyomar affirment que l'exigence de transmettre les pièces aux parties ne vaut que pour autant qu'elle est utile au débat judiciaire441(*)

    ii- La communication et la discussion des mesures d'instruction

    Dans le procès administratif, c'est la loi n°2006/022 du 29 décembre 2006 fixant l'organisation et le fonctionnement des tribunaux administratifs dans son titre III, Chapitre IV, qui énumère les mesures d'instruction auxquelles le juge administratif peut recourir afin de l'éclairer dans la recherche de la vérité. Elles sont ordonnées soit d'office soit à la demande des parties et doivent se voir appliquées le principe du contradictoire. Le Conseil d'Etat décide d'ailleurs à leur égard qu'«au nombre des règles générales qui s'imposent même en l'absence d'un texte à toutes les juridictions, figurent celle d'après laquelle les résultats d'une mesure d'instruction ordonnée par le juge ne peuvent lui être soumis avant que les parties aient été mises à même d'en prendre connaissance et de la discuter si elles le juge opportun »442(*). Ce jugement est ainsi à rattacher d'une part, à la jurisprudence Ville du 10 août 1918443(*), qui a contribué à soumettre l'ensemble de l'instruction au respect du principe du contradictoire et d'autre part, à la décision Gate444(*), laquelle a porté la contradiction au rang de principe général du droit applicable à toutes les juridictions administratives même sans texte445(*). Ainsi, le principe du contradictoire doit s'appliquer à toutes les mesures d'instruction. Ces dernières peuvent être catégorisées en deux grands ensembles à savoir celles confiées par le juge à un technicien et celles assurées par le juge lui-même.

    En ce qui concerne celles qui sont confiées à un technicien, on retrouve l'expertise et la vérification des écritures.

    L'expertise est régie par les articles 84 à 93 de la loi n°2006/022. Il s'agit en effet, d'une mesure d'instruction décidée par le Tribunal et qui consiste à charger une ou plusieurs personnes choisies en raison de leurs compétences, de procéder à des constatations ou à des vérifications de fait dans le cadre d'une mission définie par le juge lui-même446(*). Ce recours à un tiers éclairé, salutaire pour la finalité de la justice, qui pousse le juge administratif à consulter des experts pour des litiges délicats et spécialisés, ne peut être hors du champ du contradictoire. En effet, le principe du contradictoire y est mis en oeuvre d'abord par la convocation des parties. Elle est nécessaire pour que les parties soient mises à même de prendre part aux opérations d'expertise et que la procédure suivie puisse être contradictoire.Cette exigence de contradiction exige que les intéressés soient avertis en temps utile de la tenue des opérations d'expertise. Or, le législateur n'a pas fixé le délai limite de notification de la convocation avant l'audience d'expertise, ce qui laisse à l'expert un large pouvoir d'appréciation , prenant ainsi le risque de voir les parties notifiées dans des délais courts ce qui pourraient donc porter atteinte à l'obligation de délai suffisant. La contradiction est accomplie si l'une des parties est absente, mais représentée, ou si elle est absente et non dument représentée, mais régulièrement convoquée.

    Ensuite, d'après l'article 89 alinéa 2 de la loi n°2006/022 les parties peuvent être entendues par l'expert lors des opérations d'expertise. Cela peut se faire ensemble ou séparément. À cette occasion, chaque partie peut présenter ses observations à l'expert sur ces questions et prendre connaissance des observations des autres parties sur ces mêmes questions communication. En outre, toute expertise donne lieu à un rapport qui comprend les observations faites par les parties dans le cours des opérations, qu'elles soient écrites ou orales, de même que toutes informations que, le cas échéant, l'expert aurait recueilli hors la présence des parties. Ce rapport, accompagné d'un nombre de copies égal à celui des défendeurs plus deux, est déposé au greffe pour être notifié aux parties447(*). Ainsi, les parties sont mises à même de prendre connaissance de l'ensemble d'éléments d'informations sur lesquels l'expert s'est fondé pour formuler ses conclusions.

    Enfin, il est reconnu aux parties la possibilité de discuter le rapport de l'expert. En effet, selon l'article 92, les parties peuvent discuter le rapport dans les quinze(15) jours de la notification qui leur est faite ; la partie la plus diligente peut lever le rapport et le faire signifier à la partie adverse. Leurs mémoires sont notifiés aux autres parties qui disposent desmêmes délais pour y répliquer. De la sorte, la contradiction est bien respectée dans l'instruction, dans la mesure où, on note la communication et la discussion des pièces mobilisées par l'expert.

    Àcôté de l'expertise qui est confiée par le juge à un technicien, il existe une autre mesure d'instruction à savoir la vérification des écritures,dont l'objet est relativement simple. En effet, elle est régie par l'article 83 de la loi n°2006/022 qui dispose que : « si une partie allègue la fausseté d'un acte sous-seing privé, public ou authentique, elle doit en rapporter la preuve conformément au droit commun ».Ainsi libellé, il apparaît que le législateur a fait montre d'un laconisme avéré ce qui ne laisse pas percevoir la pratique du contradictoire. À ce propos, Olivier Gohin dit justement que le respect de la contradiction dans ces procédures passe par deux phases nécessaires : la présence des parties lors des opérations et la discussion du rapport448(*). Ceci étant dit,les parties doivent alors non seulement être présentes lors des opérations de vérification ou dument convoquées pour le déroulement de cette procédure, mais aussi, elles doivent se voir communiquer le procès-verbal afin d'être discuté utilement.

    Au-delà des mesures d'instructions confiées à un technicien, il existe celles qui sont assurée par le juge lui-même.il s'agit de l'enquête, la descente sur les lieux, et l'audition des parties.

    A propos de l'enquête, elle est entendue par R.PERROT comme étant « une procédure au moyen de laquelle sont recueillis des témoignages de personnes étrangères à l'instance et qui sont invitées à relater devant le juge ce qu'elles ont vu ou entendu au sujet des faits litigieux »449(*). Elle est régie par les articles 65 à 71 de la loi n°2006/022.Elle est ordonnée soit d'office, soit à la demande des parties450(*)par une décision de la juridiction saisie qui indique les faits sur lesquels elle portera et fixe les délais d'audition et de comparution des témoins.

    Relativement à la communication des pièces dans l'enquête, l'article 66 dans son alinéa 1 dispose que : «la décision qui ordonne l'enquête est notifiée aux parties. Celles-ci ont un délai de cinq jours pour adresser au greffier la liste des témoins qu'elles désirent faire entendre ».Toutefois, si les parties sont présentes lors du prononcer de la décision, la notification devient sans objet et le président les invite à faire connaître leurs témoins au greffe dans les cinq jours à compter du lendemain du jour du prononcer de cette décision. Il est fait mention de cet avertissement au plumitif d'audience, ce qui est un facteur du contradictoire. De même, l'article 68 prévoit la possibilité que les témoins soient entendus en l'absence des parties lorsque le magistrat chargé de l'enquête se transporte, accompagné du greffier, pour recevoir la déposition d'un témoin justifiant qu'il est dans l'impossibilité de se présenter au jour indiqué(alinéa 2) ou lorsque les témoins sont domiciliés hors du ressort du tribunal et qu'il a donné commission rogatoire au juge du lieu où ils se trouvent pour les entendre(alinéa 3). De la sorte, la communication des dépositions des témoins n'est pas satisfaitedont le respect implique que les parties soient associées aux opérations. Cependant, d'après l'article 70 alinéa 2, les parties, lorsqu'elles comparaissent ont la possibilité de poser les questions avec l'autorisation du juge. C'est l'article 71(1) qui résout le problème de la communication en disposant que :« Lorsque les témoins ont été entendus en l'absence des parties, le greffier invite celles-ci, dès réception des procès-verbaux d'audition, à en prendre connaissance au greffe dans un délai de huit jours ».Ce qui constitue un moyen compensatoire de l'absence des parties à l'audition des témoins. Ainsi, la communication se trouve ici restaurer, ce qui satisfait au principe du contradictoire.

    Concernant la discussion, l'article 71 alinéa 2 indique que chaque partie peut, dans les quinze jours suivants l'enquête, discuter les témoignages. L'alinéa 3 poursuit en énonçant que les mémoires sont communiqués aux parties adverses, qui disposent également d'un délai de quinze jours pour y répondre. Dans ce cas, le principe du contradictoire se trouve respecté.

    Quant à l'audition des parties, elle consiste à entendre les plaideurs eux-mêmes. Elle peut être ordonnée soit d'office, soit à la demande d'une des parties. La décision qui l'ordonne en fixe le jour et l'heure. Elle est notifiée sans délai aux parties n'ayant pas comparu à l'audience451(*).L'audition a lieu devant le tribunal et selon l'article 80 : « les parties interrogées séparément peuvent être confrontées ».Dans le même souci de promouvoir le contradictoire, l'article 81 alinéa 2 permet à juste titre aux parties ou à leurs représentants de poser les questions qu'ils estiment utiles, après en avoir demandé l'autorisation au tribunal.

    À l'issu des auditions, il est dressé un procès-verbal des déclarations des parties. La lecture en est donnée à chacune des parties avec interpellation de déclarer si elle a dit la vérité et persiste.Si une partie ajoute de nouvelles, l'audition est rédigée en marge ou à la suite de l'interrogatoire ; elle est lue à la susdite partie et suivie de la même interpellation que ci-dessus452(*). Cet état du droit est respectueux de la communication et de la discussion des déclarations des parties.Par conséquent, elle garantit le contradictoire. Qu'en est-il de la descente sur les lieux ?

    Selon l'article 72 de la loi n°2006/022 du 29 décembre 2006 « Le tribunal peut, soit se transporter sur leslieux, soit commettre un juge pour procéder à toutes constatations utiles ». La décision qui ordonne le transport est notifiée aux parties qui sont en même453(*) temps convoquées et informées des jours et heures du transport. Ainsi, contrairement à l'enquête qui prévoit l'hypothèse que les témoins peuvent être entendus en l'absence des parties, ces dernières dans la descente sur les lieux sont présentes ou dument convoquées quand le tribunal se transporte au complet sur les lieux ou délèguent certains de ses membres pour procéder à des constations utiles .Un procès-verbal est dressé tant des opérations que des dires et observations des parties et des dépositions des témoins454(*). Une expédition du procès-verbal du transport est notifiéepar le greffe à chaque partie de sorte que, le contradictoire est prolongé jusqu'aux résultats de la mesure d'instruction.

    b- L'extension du contradictoire à la phase de jugement

    Toute instance, quelle qu'elle soit, appelle le prononcé d'un jugement, c'est-à-dire d'une décision juridictionnelle qui marque ainsi la fin de l'instance devant la juridiction qui l'a prononcée, laquelle est désormais dessaisie et ne pourra intervenir que si elle est saisie en rétractation455(*).D'un point de vue juridique, le jugement revêt deux aspects. D'abord, comme « action de juger », il « correspond à la phase de jugement qui est normalementconsécutive à la phase d'instruction, sous réserve des mesures d'instruction àl'audience ». Ensuite, comme « résultat de l'action de juger », il « correspond à ladécision de justice administrative »456(*). Autrement dit, le jugement comprend : un aspect procédural et un aspect décisoire.

    Au Cameroun, la pratique du contradictoire dans la procédure administrative contentieuse va au-delà de l'instruction qui est essentiellement constituée par l'échange des mémoires écrits, pour s'étendre dans la phase de jugement précisément à l'audience, par la présentation des observations orales, par les parties (i) et la présentation des éléments nouveaux de l'affaire (ii).

    i- La présentation des observations orales à l'audience

    Le doyen Auby disait quele contradictoire implique le droit des parties de présenter ou faire présenter des observations orales457(*).Or, logiquement, les parties ni leurs représentants ne peuvent présenter d'observations orales s'ils ne sont pas convoqués et présents à l'audience. L'avis d'audience est ainsi, dans la procédure administrative contentieuse au Cameroun, un moyen de présentation d'observations orales et donc un élément du contradictoire. Elle constitue une des conditions du caractère contradictoire de la procédure458(*). Le CE, en l'absence des textes, concluait qu'elles devaient être avisées de l'audience459(*).Si cette précaution de base est omise, la procédure est entachée d'irrégularité460(*). Elle est prévue dans l'article 50 de la loi n°2006/022 qui dispose que : « Dix jours au moins avant la date de l'audience, chaque partie reçoit une convocation d'avoir à s'y présenter. Cette convocation lui est notifiée par le greffier, conformément aux dispositions de la présente loi, relatives aux notifications ». Il s'agit là d'une exigence indispensable pour une meilleure réalisation du contradictoire ceci de part l'avantage qu'elle présente. En effet, En écoutant le rapport du rapporteur, chaque partie peut vérifier que tous les mémoires lui ont été régulièrement communiqués et que tous ont été examinés. Il en est de même des conclusions du procureur général,qui permettent de s'assurer que seuls les faits et documents connus de tous ont été retenus461(*).

    Perçu de la sorte, il apparaît par conséquent que, tout jugement rendu par un tribunal administratif sans que les parties aient été avisées de l'audience est entaché d'irrégularité, et par suite, encourt une annulation pour violation du principe du contradictoire. Toutes les parties doivent être convoquées et c'est après cette convocation que les parties peuvent s'exprimer oralement comme le prévoit l'article 52 alinéa1 en disposant que : « Après lecture du rapport fait sur chaque affaire, les parties peuvent présenter, soit en personne, soit par mandataire ou avocat, des observations orales ou plaidoiries à l'appui de leurs conclusions écrites ». À ce titre, il est dans la jurisprudence du CE une formalité substantielle462(*).Toutefois, l'obligation d'aviser de la tenue de l'audience connaît des exceptions en matière d'urgence, c'est-à-dire dans les cas où le juge statue par ordonnance. En effet, dans ces cas, le juge statue seul, dans son cabinet, sans audience publique, de sorte que les parties qui en principe ne doivent pas être présentes ne sont pas convoquées. Elles n'ont donc pas l'occasion de faire connaître leurs observations orales.

    Tout compte fait, il est permis de retenir que, la procédure est reconnue contradictoire à partir du moment où, une partie ou son mandataire n'a pas comparu alors même qu'elle a été régulièrement avisée de la séance à laquelle son affaire serait appelée.

    ii- La présentation de certains éléments nouveaux

    Un tribunal est astreint à l'obligation de fonder régulièrement sa décision sur les éléments nouveaux qui ont fait l'objet d'une réelle discussion contradictoire. Ceci étant dit, il ressort qu'un élément nouveau qui fait juste l'objet d'observations orales sans au préalable avoir été à l'origine d'un échange de mémoire porte atteinte au principe du contradictoire. Ainsi, pour satisfaire à cette exigence, cela nécessite une réouverture de l'instruction, laquelle est essentiellement écrite. Par conséquent, la partie qui les présente oralement doit produire un mémoire écrit afin de permettre à la partie adverse d'en prendre connaissance et d'y répondre.

    Dans la procédure administrative contentieuse au Cameroun, ce qu'il convient d'assimiler ici aux éléments nouveaux, sont d'une part les « demandes nouvelles » prévues dans l'article 52 alinéa 3 et qui peuvent affecter l'objet de la demande initiale et d'autre part « les moyens nouveaux » qui tendent à une solution identique à l'aide des motifs différents463(*) sur lesquels la loi est muette mais qui sont susceptibles d'être présentés par une partie au cours de l'audience.

    Concernant les demandes nouvelles, l'article 52 alinéa 3 de loi n°2006/022 prévoit en principe qu'elles sont « irrecevables », c'est-à-dire elles doivent être rejetées par le tribunal en opposant à la partie qui les présente une fin de non-recevoir. Cependant, lorsque ces demandes ont fait l'objet d'un recours gracieux préalable, le tribunal les reçoit et renvoie la cause à une prochaine audience pour conclusion des parties464(*).  Ainsi, il apparaît non seulement que, dès lors que la demande a fait l'objet de recours gracieux, le juge est tenu de l'admettre. Mais aussi, elles doivent faire l'objet de conclusions de toutes les parties en les confirmant par écrit par la partie qui en est à l'origine et communiquer ensuite aux parties adverses afin de leur permettre d'en prendre connaissance et d'y répliquer. De cet état du droit, le contradictoire se trouve respecter.

    2- L'application limitée du contradictoire

    Le contradictoire implique un véritable droit des parties à l'information et à la discussion. Au Cameroun, elle connaît une application limitée aussi bien dans la phase d'instruction (a) que dans la phase de jugement (b).

    a- Les dérogations au contradictoire à l'instruction

    Le principe est que les affaires dont la juridiction administrative « est saisie ne peuvent pas être jugées sans avoir fait l'objet d'une instruction propre à les mettre en état d'être réglées par cette juridiction en aussi bonne connaissance de cause possible »465(*). Cependant, si « ce raffinement (procédural) est une garantie du sérieux avec lequel chaque affaire est examinée »466(*), il faut admette qu'éventuellement, il peut connaître des dérogations. Ainsi, Dans le procès administratif tel qu'il se pratique au Cameroun, le contradictoire connaît des dérogations qui se traduisent non seulement par son allègement ou sa suppression dans certaines procédures d'urgence (i)mais aussi, dans les hypothèses d'obligation de secret de l'information (ii).

    i- L'allègement ou la suppression du contradictoire dans certaines procédures d'urgence

    Le respect du caractère contradictoire de la procédure implique pour le juge administratif une gestion du temps, principalement au stade de l'instruction : temps d'informer, temps accordé pour répondre, temps d'organiser une éventuelle audience, etc467(*). Cette question se pose avec acuité chez le juge de l'urgence de sorte qu'un respect excessif du contradictoire peut constituer un obstacle à la célérité procédurale. De ce fait, afin de statuer d'urgence, le juge doit l'appliquer en l'adaptant à la particularité de la matière.Mais ce« sacrifice nécessaire »468(*) ne doit pas être considéré comme un prétexte pour moins de contradiction.Autrement dit, il doit rechercher un équilibre entre l'exigence du contradictoire et la rapidité dont requiert l'affaire pour ne pas différer les droits du requérant. C'est cet équilibre qui est prescrite par le code de justice administrative française, dont l'article L.5 dispose que : « l'instruction est contradictoire.Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence ».

    Au Cameroun, La recherche de cet équilibre est également prévue ou non dans les textes et prend la forme soit d'un allègement dans les procédures accessoires de l'urgence, soit d'une exclusion dans certains cas du débat contradictoire.

    À propos de l'allègement du contradictoire à l'instruction, il est, au regard des textes et de la pratique du juge, visible dans les procédures d'urgence accessoires, c'est-à-dire dans le sursis à exécution et le référé administratif. Elle se traduit non seulement par la possibilité d'échanger les pièces et mémoires, mais aussi par la reconnaissance au juge la possibilité de se prononcer dans un délai suffisamment raisonnable pour ne pas priver sa décision de tout effet.

    En effet, relativement par exemple aux matières respectivement de sursis et deréféré, l'article 30 alinéa 2 de la loi n°2006/022 du 29 décembre 2006 énonce que le Président du tribunal administratif peut, saisi d'une requête, ordonner le sursis à exécution, « après communication à la partie adverse » de la demande de sursis ; tandis que l'article 27 alinéa 2 de la même loi dispose que, la notification de la requête aux fins de référé « est immédiatement faite au défendeur éventuel, avec fixationd'un délai de réponse ne pouvant excéder cinq (5) jours», avant que le président du tribunal ou le magistrat qu'il délègue, ne puisse ordonner toutes mesures utiles. Ainsi libellé, il apparaît clairement que le législateur a prévu le contradictoire dans ces deux mesures d'urgence. Ceci est d'autant plus vrai même si le délai de cinq jours pour l'échange contradictoire apparaît être petit. En effet, cet état de chose ne saurait cependant interdire de regarder la procédure comme étant contradictoire: il est justifié par l'urgence et la nécessité d'accélérer la procédure. De même, il est vrai que l'on peut à priori penser que la contradiction est insuffisante, en ce qu'elle serait réduite à sa plus simple expression consistant dans la notification de la requête au défendeur, la réponse de celui-ci pouvant ne pas être communiquée au demandeur469(*). Une telle lecture serait cependant erronée car selon L'article 27 alinéa 1 de la loi n°2006/022, le président du tribunal peut «ordonner, en référé, toutes les mesures utiles ». Cette disposition laisse ouvertes toutes les possibilités d'instruction, notamment celle pour le président de prescrire la communication des pièces et mémoires, donc celui en défense.

    Au demeurant, il apparaît qu'en ce qui concerne le référé administratif, le principe du contradictoire s'applique de deux manières dans la phase de l'instruction : d'une part, par une obligation de notification de la requête au défendeur, qui peut donner lieu à une réponse de celui-ci ; d'autre part, par une possibilité de communication des observations en défense et en réplique, laissée à la discrétion du président de tribunal. Réalisé de la sorte à l'instruction, la question est de savoir si le contradictoire est prolongé à l'audience. À ce propos, la réponse est négative car la convocation des parties à l'audience du référé n'est pas autorisée. En effet, l'article 28 de la loi précité dispose qu'il est statué par ordonnance de référé, c'est-à-dire que le juge décide seul, dans son cabinet, sans audience publique, de sorte que les parties qui ne sont pas convoquées et ne sont donc pas présentes, ne peuvent apporter contradictoirement de complément oral d'informations.

    Contrairement au référé administratif, il apparaît dans la procédure de sursis que, les textes sont laconiques ou alors peu expressifs à propos de la durée et des modalités de déroulement de la procédure. Ce qui laisse sans doute un large pouvoir d'appréciation au juge, susceptible d'encourager une application inefficace de la logique du contradictoire pensée par le législateur. Cependant, il convient de préciser que, nonobstant cet état de chose, il est permis de penser que, n'importe comment, cette procédure demeure contradictoire. Même si la lecture des textes laisse croire qu'elle se réduit à une simple communication à sens unique, consistant dans la transmission de la requête au défendeur qui ne pourrait pas, en retour, produire ses observations en réponse. À ce propos, il convient de préciser qu'en réalité, le président de tribunal peut, s'il estime nécessaire, ordonner la communication des mémoires en défense et en réplique et des pièces de l'affaire. Aucun texte n'exclut d'ailleurs cette possibilité qui au contraire, « participe d'une bonne administration de la justice et est justifiée par la nécessité pour le juge de disposer des informations de nature à éclairer son jugement »470(*). Ceci étant dit, le contradictoire engagé dans ce cas ne peut se dérouler que dans les limites de temps impartis par le juge lui-même.

    Ainsi, au-delà des indications textuelles au demeurantlaconiques et insuffisantes en matière de sursis et de référé, c'est « le juge qui fixe les limites réciproques et antagonistes du principe du contradictoire et de la rapidité de la procédure »471(*). L'analyse des ordonnancesrendues en matière de sursis et de référé par le juge administratif camerounaispermet de percevoir cela ; et donc au final, de dégager une limitation variée de la contradiction tant sur le plan matérielque sur le plan temporel.

    La dérogation au contradictoire se traduit également par sa suppression dans d'autres matières. Elle répond au besoin de régler rapidement les contentieux soit inutiles, soit faciles à démêler, soit urgents. Cette suppression peut être provoquée ou normale c'est-à-dire prévue par les textes.

    En effet, la suppression est provoquée lorsqu'il apparaît, « au vu de la requête introductive d'instance », que la solution de l'affaire est « d'ores et déjà certaine »472(*).Ainsi, le juge peut rejeter les requêtes dont il s'estime manifestement incompétent pour connaître ainsi que celles qui sont entachées d'une irrecevabilité évidente473(*). Les moyens ou les « exceptions » d'ordre public constituent l'un des champs d'application privilégiés de cette jurisprudence474(*). Il en est ainsi dans l'affaire UPC du 17 septembre 1992475(*).

    La suppression de l'instruction contradictoire n'est pas toujours provoquée.Elle peut aussi résulter d'une disposition légale pour permettre au juge de statuer vite du fait du caractère urgent de l'affaire dont il est saisi. Ainsi, Il peut également juger sans instruction, lorsque l'affaire en cause en est dispensée par un texte spécial. Dans ce cas, la suppression de la contradiction est dite normale. La procédure instituée par l'article 13 al. 3 de la loi n°90/053 du 19 décembre 1990 portant sur la liberté d'association et l'article 8 al. 3 de la loi n°90/056 relative aux partis politiques, est celle d'ordonnance sur requête. Il résulte de ces articles qu'en matière de dissolution d'association et de refus de légalisation de partis politiques, le recours est formé sur simple requête devant le Président de la juridiction administrative qui statue par ordonnance. Ainsi, dans ces matières, l'instruction contradictoire est d'office exclue par les textes. Aussi, le juge statue sans avoir à avertir ou à informer la partie adverse. Il l'a clairement dit dans trois espèces rendues en matière de dissolution d'association le 26 septembre 1991 en ces termes476(*) : « Attendu que la procédure instituée par l'article 13 alinéa 3 de laloi n°90/053 du 19 décembre 1990 est celle de l'ordonnance sur requête, que parconséquent le Président de la Chambre Administrative se prononce sans avoirentendu la partie adverse et sans même que cette dernière ait été avertie ».

    Par ailleurs, le juge a exclu la contradiction sans toutefois le dire, dans des espèces rendues en matière de refus de légalisation des partis politiques477(*), puisque l'Etat partie adverse, n'a ni été entendue ni même averti.

    ii- L'exclusion du contradictoire tenant au caractère secret de l'information

    Le législateur camerounais a prévu en faveur des parties un droit de production et de communication systématique des pièces de l'affaire. Toutefois, il faut cependant excepter les documents couverts par l'obligation de secret. L'usage dans la doctrine est de parler, à ce sujet, d'exception de communication c'est-à-dire en réalité, d'une dispense de contradictoire sur les pièces concernées478(*). Cetteexception touche précisément les mesures nécessaires à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale. Cette finalité légitime justifie qu'elles soient admises et considérées comme ne portant pas atteinte au principe du contradictoire479(*). En principe, la doctrine exige seulement pour que la dispense s'impose, qu'elle fasse l'objet d'une prescription législative et ne soit pas décidée par le juge. Telle est aussi la position du Conseil d'Etat qui juge qu' «en l'absence des dispositions législatives faisant obstacles à la production de certaines pièces, il n'appartient pas au juge administratif d'ordonner que de telles pièces soient distraites du dossier de l'instance »480(*).

    Au Cameroun,il existe deux hypothèses courantes de pièces couvertes par le secret, dont le juge administratif ne peut exiger la production et qui, par conséquent, sont dispensés de contradiction.

    La première s'incarne dans le « secret de la défense nationale »481(*), connu communément sous le nom de «défense nationale ». Selon l'article 109 du code pénal, est réputé secret de la défense nationale, « tout renseignement de tout nature susceptible d'aider des entreprises hostiles contre la République et qui n'a pas déjà été rendu public ». L'article 105 alinéa 1, quant à lui, punit d'une peine d'emprisonnement et d'une amende celui qui, en temps de paix et dans un but autre que de le livrer à une puissance étrangère, s'assure la possession d'un secret de la défense nationale ou le révèle à une personne non qualifiée. Il apparaît ainsi que, la notion de secret de la défense nationale est élastique ; elle a des contours insaisissables. Sous réserve de la seule condition qu'un renseignement ne doit pas avoir déjà été rendu public, elle regroupe toute information discrétionnairement qualifiéesecrète de la défense nationale par l'autorité compétente, de sorte que son contenu peut s'étendre à l'infini et est susceptible de varier. Le pouvoir discrétionnaire dont jouit ainsi l'autorité compétente implique qu'il n'appartient pas au juge administratif ni aux parties de contester le refus de produire des documents à l'égard desquels ils croient devoir affirmer que leur divulgation, même opérée sous les garanties et dans les formes juridictionnelles, est exclue par les nécessités de la défense nationale482(*).

    La deuxième hypothèse courante au Cameroun de pièces couvertes par le secret et dont le juge administratif ne peut pas par conséquent exiger la production, consiste dans le secret médical483(*). Il s'agit d'une variété de secrets professionnels, c'est-à-dire une obligation pour des personnes qui ont eu connaissance de faits confidentiels dans l'exercice de leurs fonctions, de ne pas les divulguer hors des cas prévus par la loi. Depuis longtemps, on considère que certaines activités mettant nécessairement en cause l'intimité des particuliers doivent être entourées d'une grande discrétion. Lorsque le professionnel est un médecin, on parle de secret médical.

    Selon l'article 310 alinéa 1du code pénal, est puni d'un emprisonnement de trois mois à trois ans et d'une amende de 20000 à 100000 francs, celui qui révèle sans l'autorisation de celui à qui appartient un fait confidentiel qu'il n'a connu ou qui ne lui a été confié qu'en raison de sa profession ou de sa fonction. L'alinéa 2 ajoute que l'alinéa précédent ne s'applique ni aux déclarations faites aux autorités judiciaires ou de police judiciaire portant sur des faits susceptibles de constituer un crime ou un délit, ni aux réponses en justice à quelques demandes que ce soit. L'alinéa 3 indique cependant que l'alinéa 2 ne s'applique pas notamment aux médecins, aux chirurgiens, qui sont toujours tenus au secret professionnel, sauf dans la limite d'une réquisition légale ou d'une commission d'expertise.La logique poursuivie par le législateur est celle d'un secret médical institué, non dans l'intérêt de la médecine, mais dans celui du patient.

    Ainsi au Cameroun, le secret médical n'est pas opposable au malade, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de secret imposé au médecin vis-à-vis de son patient, ni de secret imposé au patient vis-à-vis des tiers, le juge par exemple. Par contre, sauf dans la limite d'une réquisition légale ou d'une commission d'expertise, le secret médical est absolu pour le médecin vis-à-vis des tiers. Dès lors, le juge administratif peut ordonner la communication au malade des documents couverts par le secret médical, afin de faire connaître à celui-ci les motifs d'ordre médical sur lesquels la décision attaquée s'est fondée. Mais dans la mesure où le secret médical ne s'impose pas au malade vis-à-vis des tiers, celui-ci peut le révéler lui-même au juge. Autrement dit, la communication attaquée au malade a pour objet de lui permettre de les dévoiler lui-même au juge en vue de l'exercice par celui-ci de son pouvoir de contrôle.

    En conclusion, la dispense de contradictoire est générale et absolue pour les documents couverts par le secret de la défense nationale dès lors qu'ils ne peuvent être produits ou communiqués et que le juge et l'administré restent toujours dans l'ignorance de leur contenu. En revanche, elle est relative s'agissant des actes couverts par le secret médical, car le juge administratif peut ordonner la communication des motifs d'ordre médical de la décision attaquée à l'administré car le juge peut finalement connaître le contenu des documents couverts par le secret médical. Ainsi, le secret ici ne fait pas totalement obstacle à la contradiction qui, dans la procédure administrative contentieuse au Cameroun, s'applique sur les pièces de l'affaire bien sûr, mais aussi sur les mesures d'instruction. Les limites à la contradiction ne s'arrêtent pas à ce niveau, elles s'étendent également dans la phase de jugement.   

    b- Les limites du contradictoire dans la phase de jugement

    Les limites du contradictoire dans la phase de jugement sont perceptibles aussi bien à l'audience (i)que dans la phase décisoire(ii).

    i- Les limites à l'application du contradictoire à l'audience

    L'application du contradictoire à l'audience connaît des limites visibles non seulement au niveau du débat oral, mais aussi dans la présentation de certains éléments nouveaux non soumis au contradictoire.

    À propos de l'application du contradictoire dans le débat oral, le législateur camerounais l'a strictement restreint. D'entrée de jeux l'article 46 alinéa 1 de la loi n°2006/022 du 29 décembre 2006 témoigne déjà de cet état de chose lorsqu'il dispose que : « les parties et leurs conseils sont tenus de s'exprimer avec modération et garder en tout le respect dû à la justice ». Ainsi, s'ils ne peuvent pas discuter de leur cause avec la pondération requise, le président du tribunal, qui est chargé de mettre en oeuvre les pouvoirs de police d'audience, à la faculté de leur retirer la parole. Cette limitation qui est moindre parce que justifiée par la nécessité de maintenir l'ordre à l'audience est renforcée par l'article 52 alinéa 1 de la même loi qui dispose que : « après lecture du rapport sur chaque affaire, les parties peuvent présenter, soit en personne, soit par mandataire ou avocat, des observations orales ou plaidoiries à l'appui de leurs conclusions écrites ». Cet article représente sans nul doute le stade de l'audience où l'oralité se révèle particulièrement limitée et improductive, malgré le terme « plaidoiries » utilisé dans le texte ci-dessus rappelé et qui, dans la procédure pénale suppose la liberté des parties d'argumenter et de produire des pièces pour soutenir leur cause devant le tribunal484(*). En effet, les parties ou leurs avocats ne « plaident » pas mais présentent des observations orales485(*), qui ne peuvent être que le strict prolongement de leurs écritures, puisque l'instruction est en principe close avant l'audience486(*). Ceci étant dit, les parties ne peuvent donc plus invoquer lors de l'audience des moyens ou conclusions nouveaux, ce qui du reste est interdit par l'article 52 alinéa 3487(*). Ainsi, ils se bornent à redire ce que le tribunal sait déjà puisque en prenant la parole, ils ne peuvent par des simples observations orales, que commenter et développer les mémoires antérieurement produits, sans y ajouter d'éléments nouveaux, d'où les formules traditionnellement utilisées : « je m'en remets à mes écritures » ou «je m'en remets à l'instruction écrite »488(*).

    Cette limitation du contradictoire au débat oral ne s'arrête pas là. Elle est également perceptible au niveau de l'ordre d'intervention des parties. En effet, après appel de l'affaire, le rapport est lu par le rapporteur, le président donne ensuite la parole au défendeur et enfin au procureur général489(*). De cet ordre de passage, il apparaît clairement que : « les interventions se font à la suite, de manière linéaire, en une seule fois, sans possibilité de reprise de parole »490(*). De plus, le fait pour le procureur général d'intervenir en dernière position le met à l'abri de la contradiction de toutes les parties ; il prononce ses conclusions à la fin des auditions et, dès lors les parties qui ne peuvent pas reprendre la parole, sont dans l'impossibilité d'y répondre ni répliquer491(*). Cet avantage qui est donné au ministère public,considéré comme partie au procès, lui donne une position privilégiée par rapport aux autres parties et contribue à mettre à mal le principe de l'égalité des armes recherché par le contradictoire dans la procédure.

    Quant aux éléments nouveaux non soumis au contradictoire, ils concernent les moyens d'ordre public c'est-à-dire comme l'expliquait très justement les professeurs AUBY et DRAGO, « un moyen qui peut être soulevé d'office par le juge, qui peut être soulevé pour la première fois devant le juge alors qu'il ne l'a pas été à l'occasion du recours administratif préalable, qui peut être présenté hors du délai ou qui peut être pour la première fois, présenté devant le juge d'appel ou de cassation »492(*). Ils peuvent être relevés par les parties au procès et le juge peut régulièrement fonder sa décision sur ces moyens même maintenus hors de l'instruction écrite contradictoire. De même, au cours de l'audience, la juridiction peut et doit, à l'occasion du rapport, des conclusions ou du délibéré, soulever d'office tel ou tel moyen d'ordre public que jusqu'alors, les parties à l'instance ont ignoré.

    Lorsqu'ils sont exposés par une partie dans des mémoires écrits, ils sont régulièrement communiqués à la partie adverse, ceci dans les conditions de nature à assurer le respect du contradictoire. Par contre, lorsqu'il arrive qu'ils soient soulevés à l'audience, soit par une partie au procès à l'occasion de la présentation des observations orales, soit d'office par la juridiction lors de la présentation du rapport, des conclusions du ministère public ou au délibéré, les parties sont surprises de leur existence et la question de leur communication se pose alors avec acuité. En principe, les exigences d'une procédure écrite et contradictoire impliquent que le juge qui entend retenir un moyen d'ordre public dans sa décision soit tenu d'en demander confirmation par écrit et de procéder à la réouverture de l'instruction en vue de la communication, dans un délai suffisant, de ce moyen aux parties pour qu'elles puissent en prendre connaissance et présenter leurs observations. Or, au Cameroun, aucune disposition organisant la procédure administrative contentieuse ne fait obligation au juge de procéder à la réouverture de l'instruction. Le principe étant la non réouverture, il n'est donc pas en la matière fait application du principe de la contradiction. Ce défaut de communication des moyens d'ordre public porte ainsi gravement atteinte au principe du contradictoire, alors même que le juge peut régulièrement fonder sa décision sur ce moyen pourtant maintenu hors de l'instruction écrite contradictoire. La dispense de tout débat sur les moyens relevés d'office a pourtant été généralement critiquée par la doctrine. C'est « injustifiable », a écrit Christian Debouy dans sa thèse493(*). C'est « une atteinte caractérisée à la contradiction », a aussi dénoncé Olivier Gohin494(*). Qu'en est-il des limites à l'application du contradictoire dans la phase décisoire.

    ii- Les limites à l'application du contradictoire dans la phase décisoire

    Les limites du contradictoire dans cette phase touchent les documents préparatoires et le délibéré. En terme général, dans la phase décisoire, il y a non seulement un défaut de communication des documents préparatoires mais aussi une exclusion du contradictoire dans le délibéré.

    Concernant le défaut de communication des documents préparatoires à la décision du juge, la loi n°2006/022 du 29 décembre 2006 prévoit que lorsque l'affaire est en état d'être jugée, le rapporteur clôture l'instruction et rétablit le dossier au greffe, sans y joindre son rapport495(*). Une fois le rapport établi, le greffier le transmet avec le dossier au procureur général qui le rétablit dans les trente jours au greffe avec des conclusions496(*). Le rapporteur transmet son rapport sous pli confidentiel au président du tribunal qui en communique copie au procureur général également sur pli confidentiel497(*). Le dossier rétabli au greffe est transmis sans délai au procureur général498(*)qui propose une solution dans ses conclusions et les communique sous pli confidentiel au président dans un délai de trente jours499(*).Dans le même délai, il rétablit le dossier au greffe. Le dossier rétabli au greffe est soumis au président pour fixation de la date d'audience500(*).

    La navette telle que ci-dessus décrite permet de se rendre compte que lors de la préparation de la décision du juge, il existe une contradiction interne entre les membres de la juridiction, précisément entre le rapporteur et le procureur général. En revanche, le jeu de vases communicants ou de la compensation entre contradiction interne et contradiction externe fait défaut ; le rapport du rapporteur pas plus que les conclusions du procureur général n'étant transmis aux parties501(*). Pour le professeur Chapus, le rapport est «un document de travail interne à la formation de jugement »502(*). Pourtant, la cour européenne des droits de l'homme adopte une position contraire en soumettant le rapport, quelle que soit d'ailleurs la juridiction considérée, au principe du contradictoire. Appliquant une conception de la contradiction fondée sur le principe de l'égalité des armes, elle juge que le rapport ne saurait être communiqué au procureur général sans qu'il le soit également aux parties503(*).Outre ce défaut de communication du rapport, il se trouve également exclu de la contradiction les conclusions du ministère public. En effet, selon la loi n°2006/022, les conclusions du procureur général échappent à la contradiction des parties dès lors qu'elles ne leurs sont pas communiquées et que celles-ci ne peuvent y répliquer ni par écrit ni lors de la présentation des observations orales, les conclusions n'intervenant qu'après que les parties soient entendues. Ainsi, il peut par exemple soulever des moyens non évoqués par les parties, même s'ils ne sont pas d''ordre public, sans qu'il soit pour autant procédé à une discussion contradictoire de ces moyens. Ce qui constitue une violation du principe de l'égalité des armes, étant donné que le ministère public, à certains égards peut être partie principale au procès.

    Relativement à l'exclusion du contradictoire dans le délibéré, le législateur camerounais a opté pour la non présence ni des parties, ni du procureur de la République à cette phase de la procédure. Cette position s'explique par le souci de respecter la règle du secret du délibéré qui est un des grands principes dans le procès administratif, posé en France dans la décision Légillon du 17 novembre1922504(*). Ce respect du secret du délibéré en principe ne devrait pas être avancé pour exclure le contradictoire du délibéré. C'est ce que le droit français laisse percevoir avec la pratique de la note en délibéré. Elle permet d'étendre l'application du principe du contradictoire jusqu'au moment de la prise de la décision par le juge, sans porter atteinte au secret du délibéré505(*). Elle peut ainsi servir à attirer l'attention de la juridiction sur un mémoire n'ayant pas été soumis à la contradiction506(*). De même, elle permet aujourd'hui de répondre, y compris de manière essentiellement symbolique, aux conclusions du rapporteur public507(*).

    A- L'application de la publicité des audiences à géométrie variable

    La publicité des audiences est un principe fondamental du droit à un procès équitable. Elle est une garantie de la démocratie et de l'Etat de droit508(*)conformément au célèbre adage, « il ne suffit pas que la justice ait été rendue, il faut que chacun puisse voir qu'elle l'ait été ».

    En procédure, elle « désigne l'ensemble des moyens destinés à permettre d'informer le public de l'existence, du déroulement, de l'issue d'une instance juridictionnelle»509(*). Il s'agit en effet d'une « exigence qui permet le contrôle des activités des juges et fournit, en ce sens, une garantie au justiciable contre l'arbitraire des juges »510(*). La cour européenne des droits de l'homme l'a souligné dans son arrêt Axen c. République fédérale d'Allemagne en ces termes : « la publicité de la procédure des organes judiciaires visés à l'article 6 paragraphe 1 protège les justiciables contre une justice secrète échappant au contrôle du public ;elle constitue aussi l'un des moyens de préserver la confiance dans les cours et tribunaux,par la transparence qu'elle donne à l'administration de la justice, elle aide à réaliser le but de l'article 6 paragraphe 1 :le procès équitable, dont la garantie compte parmi les principes de toute société démocratique au sens de la convention »511(*). Boulatignier affirmait pour sa part qu'elle « oblige les juges à se respecter et les contient dans les limites de leurs devoirs »512(*).

    La publicité des audiences constitue un aspect essentiel du droit à un procès équitable tel qu'il est consacré dans les instruments internationaux et régionaux de protection des droits de l'homme. En effet, en vertu de leurs dispositions qui la consacrent, il ressort clairement que : « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et Publiquement(...) ». Cependant,le huis clos peut être prononcé pendant la totalité ou une partie du procès lorsque la circonstance l'exige.

    En droit positif camerounais, la publicité des audiences est poséedans l'article 48 alinéa 2 de la loi n°2006/022 du 29 décembre 2006 fixant l'organisation et le fonctionnement des tribunaux administratifs. D'après cet article, « les audiences sont publiques. Toutefois, le tribunal peut ordonner le huis clos s'il estime cette publicité dangereuse pour l'ordre public ou les bonnes moeurs, dans ce cas mention en est faite dans le jugement ». De même, l'alinéa 3 de cet article poursuit en ces termes : « dans tous les cas, les jugement sont rendus en audiences publiques ». Par ailleurs, les jugements du tribunal administratif mentionnent « qu'il a été statué au vu des pièces du dossier, en audience publique, après délibéré »513(*). Ainsi libellé, ces articles, appuyé par la jurisprudence, laissent clairement percevoir que l'application de la publicité des audiences dans le procès administratif camerounais varie dans certains cas comme dans d'autres. En effet, il est tout d'abord posé l'obligation de respect de la publicité des audiences dans les procédures ordinaires et en matière électorale (1) et ensuite on peut percevoir une possible dérogation de ce principe(2) notamment dans le cas où le tribunal ordonne le huis clos mais aussi dans certaines procédures accessoires et spéciales.

    1- L'obligation de respect de la publicité des audiences dans les procédures ordinaires et en matière électorale

    La publicité des audiences est une obligation dans les procédures ordinaires dont le non-respect peut entrainer l'annulation du jugement par une juridiction supérieure. Elle s'applique en instance, en appel et en cassation.Elle suppose l'accès du public à l'audience. Cela signifie que toute personnepeut y assister.

    Les audiences se tiennent à la date fixée par arrêté du ministre de la justice sur proposition des présidents des tribunauxet débutent lorsque le président du tribunal administratif ou de la chambre administrative estime que l'instruction est terminée et que le procès est en état d'être jugé. Dans ce cas, il convoque les parties à l'audience. Cette dernière, c'est-à-dire l'audience doit être publique. De même, les jugements doivent être rendus publiquement. Ceci confère la faculté à n'importe qui d'y assister.Toutefois, les parties et leurs conseils sont tenus de s'exprimer avec modération et de garder en tout le respect dû à la justice. De même, les personnes qui assistent aux audiences doivent, sauf dispositions contraires de la loi, se tenir découvertes dans le respect et le silence. Le président est chargé du maintien de l'ordre et de la police des audiences : «Tout ce que le président ordonne... est exécuté à l'instant »514(*) . Ainsi, si un ou plusieurs individus donnent des signes d'approbation ou de désapprobation, provoquent le tumulte de quelque manière que ce soit, et si après avertissement du président ils ne rentrent pas dans l'ordre sur le champ, il leur enjoint de se retirer.Les récalcitrants sont, sur ordre du président, saisis et déposés dans la maison d'arrêt pour vingt-quatre heures (24) heures. S'il se commet une infraction pénale à l'audience, le président procède aux constatations utiles qu'il fait consigner au plumitif dont une expédition est transmise au procureur de la République. Ce dernier peut faire procéder à l'arrestation de l'auteur de l'infraction515(*).

    S'agissant de la matière électorale, elle est en principe organisée selon la procédure d'urgence. M. Mejan écrit d'ailleurs à ce propos qu'en « matière électorale, il y a toujours urgence étant donné les courts délais impartis au tribunal administratif pour statuer »516(*). À cet effet, elle devrait éventuellement connaître des dérogations aux règles qui organisent les procédures ordinaires, ce qui n'est pas le cas. En pratique, toutes les audiences en matière électorale sont publiques au même titre que dans les procédures ordinaires et les jugements sont également lus en audience publique dans tous les cas. En effet, le rapport de chaque affaire est alors fait en audience publique par le rapporteur, et les parties présentes soit en personne, soit par mandataire, « des observations orales à l'appui de leurs conclusions écrites ». Par la suite, le procureur donne ses conclusions sur tous les points soumis à la décision du tribunal ou de la chambre. Ces conclusions clôturent le débat et ouvrent la phase du délibéré à la suite de la laquelle le jugement est prononcé.Ce prononcé du jugement est aussi public. Il a été qualifié de dernier « bastion du principe de la publicité de la justice »517(*).Comme tout principe, la publicité des audiences connait des dérogations ou des exceptions.

    2- La possible dérogation au principe de publicité

    Le principe de la publicité a un caractère relatif, laissant place au secret518(*). Les textes internationaux et régionaux de protection des droits de l'homme, dans leurs dispositions qui consacrent le droit à un procès équitable, prévoient la possibilité de déroger au principe de la publicité des audiences pour des raisons impérieuses. Ces hypothèses de dérogation sont nombreuses et parfois spécifiques à la matière pénale. C'est la raison pour laquelle, il sera question pour nous, en raison de la spécificité du procès administratif, de nous référer à l'article 48 alinéa 2 de la loi de 2006/022519(*)et à la jurisprudence du juge administratif camerounais dans les contentieux accessoires et spéciaux de l'urgence. En effet, il souffre de nombreux tempéraments tenant soit à la faculté d'ordonner le huis clos par le tribunal (a) soit dans certaines procédures accessoires et spéciales de l'urgence.

    a- La faculté d'ordonner le huis clos par le tribunal

    L'article 42 dispose sans ambages que : «les audiences sont publiques. Toutefois, le tribunal peut ordonner le huis clos s'il estime cette publicité dangereuse pour l'ordre public ou les bonnes moeurs, dans ce cas, mention en est faite dans le jugement ». Ceci étant dit, il ressort clairement que le juge a la faculté d'apprécier librement s'il doit ordonner le huis clos ou non sur le fondement de l'ordre public ou des bonnes moeurs, ce qui peut être de nature à porter atteinte au principe de la publicité des audiences car ces deux concepts en droit positif camerounais ont des significations contingentes et partant difficiles à cerner. Àcôté de cette exception, on note également un défaut de publicité dans les procédures accessoires et spéciales de l'urgence.

    b- Le défaut de publicité d'audience dans les procédures accessoires et spéciales de l'urgence

    Dans les procédures d'urgence accessoires, précisément en matière de sursis à exécution et de référé administratif et dans toutes les procédures d'urgence spéciales où le juge statue seul par ordonnance,en l'occurrence en matière de dissolution d'association et de légalisation de partis politiques,il n'existe pas de publicité d'audience. En effet, le président du tribunal statue soit seul, soit en présence, lorsqu'il estime utile, des parties, du ministère public et des avocats dans son cabinet sur la base de la requête et du dossier de l'affaire. Cette situation découle du fait que : « la publicité des audiences n'est exigée devant lesjuridictions administratives qu'à la condition qu'un texte législatif ou réglementaire impose l'observation de cette règle de procédure »520(*). Or, en matière d'urgence au Cameroun, aucun texte n'a prévu ni organisé l'audience publique, ni même l'audience tout court. L'absence de publicité de l'audience est peut être « justifiée par la nécessité du traitement de l'urgence au moyen de procédures visantà protéger les intérêts et les droits en présence »521(*).

    PARAGRAPHE II : LE DELAI RAISONNABLE ET LA MOTIVATION DES JUGEMENTS

    Le délai raisonnable et la motivation des jugements se situent à la fin du déroulement de la procédure administrative contentieuse. Ainsi, il est dit que : « les jugements doivent être motivés et intervenir dans un délai raisonnable ». Il s'agit là, en effet, de deux garanties indispensables à la réalisation du procès équitable et partant d'une bonne administration de la justice. Elles font partir des droits de la défense et crèchent de ce fait à côté du contradictoire et de la publicité des audiences. Cependant, il convient de préciser qu'elles poursuivent des objectifs de natures différentes l'une de l'autre.

    En effet, la finalité première de la motivation des jugements dans la réalisation d'une bonne administration de la justice réside dans la protection des parties contre les erreurs du juge, lequel doit exposer les raisons de fond et de droit qui la justifient. De ce fait, elle apparaît comme étant « le rempart contre l'arbitraire en forçant le juge à prendre conscience de son opinion, de sa portée (...) et procure au plaideur une justification en droit de la décision »522(*). De la sorte, elle rend tout à fait légitime la décision du juge et permet aux justiciables de ne pas avoir l'impression d'être confrontés à une justice arbitraire. En revanche, le délai raisonnable vise l'efficacité et suppose de ce fait « une justice qui décide vite » afin de ne pas préjudicier les droits du requérant car une justice tardive est une injustice.

    Ceci étant dit, il convient afin de mieux appréhender ces deux garanties du procès, de présenter tout d'abord l'obligation de juger dans un délai raisonnable (A) afin de parler de l'obligation de motivation (B).

    A- l'obligation du jugement dans un délai raisonnable

    Le délai raisonnable participe du caractère juste et équitable du procès. Il s'agit là d'un élément important au procès pénal, civil et administratif car, il serait vain qu'une justice soit rendue au terme d'une procédure respectant le droit d'être entendu équitablement et publiquement, si la décision n'intervient que bien des années après l'introduction de la requête ou de l'instance. Dans ce cas, la solution du litige pourrait perdre tout son intérêt et son efficacité pour la justice.Ce droit est alors fondamental et révélateur d'une bonne administration de la justice et oblige les juges à statuer dans les meilleurs délais et sans retard excessif. Comme le disaitWalter Savage Landor « une justice tardive est une injustice523(*)».Demême, La Bruyère disait déjà qu' « une circonstance essentielle à la justice que l'on doit aux autres,c'est de la faire promptement et sans la différer ; la faire attendre, c'est injustice »524(*). Appliquée particulièrement au procès administratif, cette exigence revêt d'avantage une importance capitale qui découle du fait que,les voies de recours dirigées contre les actes administratifs n'ont point d'effets suspensifs et du bénéfice du préalable dont jouit l'autorité administrative525(*). Ainsi,le temps profite toujours au défendeur qui est généralement l'administration, dont il est l'allié objectif, au détriment du requérant-administré526(*) pour qui le temps est ennemi527(*).

    Il est consacré dans certains instruments internationaux et régionaux de protection des droits de l'homme notamment dans l'article 9 paragraphe 3 du pacte international relatif aux droits civils et politiques528(*),ensuite dans l'article 6 paragraphe 1529(*) de la C.E.D.H, enfin dans l'article 7(d) de la charte africaine des droits de l'homme et des peuplesqui stipule quetoute personne a droit à ce que sa cause soit entendue. Ce droit comprend : « le droit d'être jugé dans un délai raisonnable par une juridiction impartiale ».

    En France, le respect d'un délai raisonnable de jugement devant les juridictions administratives est consacré comme étant un « principe général du droit »530(*). Il doit être observé à toutes les phases de la procédure, c'est-à-dire aussi bien dans son déroulement qu'au niveau du jugement.

    La notion de délai raisonnable est une notion floue et difficile à définir. Toutefois, dans son acception la plus simple, le terme « délai » se rapporte à la durée entendue comme le temps accordé pour faire une chose. En outre, l'expression « raisonnable » accolée au « délai » peut être compris comme ce qui est conforme à la raison, au bon sens. Les juristes préfèrent parler de célérité de la procédure lorsqu'il s'agit d'aborder les questions relatives à la durée de l'instance judiciaire. Ainsi, un délai trop long est générateur d'un déni de justice et un délai trop bref peut conduire à une justice arbitraire et expéditive. Contrairement au procès pénal où, les délais commencent à courir à partir du moment où la personne se trouve accusée, les délais dans le procès administratif s'apprécient à partir du moment où la procédure administrative contentieuse est engagée c'est-à-dire au moment de l'introduction de la requête introductive d'instance. Il cesse de courir avec la clôture de la procédure devant la plus haute instance possible lorsque la décision devient définitive et qu'elle a été exécutée. Les juges de Strasbourg ont établi que l'appréciation du caractère raisonnable d'un délai peut être guidée par quatre critères pouvant éventuellement justifier un délai de jugement relativement long : d'abord la complexité de l'affaire, ce qui inclut toutes les données de fait et de droit. Divers éléments peuvent attester de la complexité de l'affaire en fait, pour établir les faits pertinents et en droit, complexité de l'administration de la preuve, ensuite le comportement du requérant qui ne peut par son attitude dilatoire, retarder le cours de la justice et enfin le comportement des autorités judiciaires qui doivent tout faire pour que les affaires ne s'enlisent pas et qui sont tenues à une véritable obligation de résultat et l'enjeu du litige pour les intéressés531(*).

    1- L'élasticité du cadre temporel de l'instance contentieuse

    Le législateur camerounais a manifesté la volonté de mettre un terme aux pertes de temps à travers l'institution des délais qui jalonnent toute la procédure administrative contentieuse jusqu'à la décision finale. De même, l'institution de procédures contentieuses d'urgence532(*)qui constituent des séries de dérogations533(*)aux règles normales de procédure ou de droit commun de règlement de litige devant les juridictions administrativess'inscrit parfaitement dans cette logique, consistant à juger certaines affaires dans un délai raisonnable. Cependant, force est de noter que si l'idée de célérité constitue bien dans notre législation un principe fondamental dans l'accomplissement d'un procès équitable, l'examen de la pratique du juge et de la jurisprudence révèle que le cadre temporel de l'instance contentieuse est élastique, ce qui rend notre justice administrative lente, et même de plus en plus lente méconnaissant ainsi le « droit d'être jugé dans un délai raisonnable ». La doctrine l'avait déjà relevé au point de la considérer comme étant« le premier défaut, désormais bien connu du fonctionnement de la juridiction administrative au Cameroun et la première cause d'insatisfaction des justiciables »534(*).Cette élasticité est récurrente aussi bien dans l'instance contentieuse ordinaire(a) que dans l'instance contentieuse d'urgence (b).

    a- L'élasticité du cadre temporel de l'instance contentieuse ordinaire

    Au Cameroun, Le temps imparti aux juridictions administratives pour le traitement des litiges ne fait pas l'objet d'une législation ou d'une réglementation nationale à caractère contraignant. De ce fait, le juge se voit reconnu implicitement la faculté d'apprécier, voire le pouvoir de statuer dans des délais qu'il estime raisonnables, ce qui peut constituer une menace permanente à la réalisation du droit d'être jugé dans un délai raisonnable ; car comme l'énonçait si bien LA BRUYERE « le devoir des juges est de rendre la justice. Leur métier est de la différer. Certains connaissent leur devoir. Beaucoup font leur métier»535(*).En effet, dans le cadre du contentieux administratif, « Le temps du juge n'est pas celui du justiciable »536(*) ; le juge étant « traditionnellement soucieux de rendre une justice de qualité, maispeu préoccupé de l'efficacité de ses décisions et l'impact du temps sur l'enjeu duprocès »537(*).Ceci étant dit, le constat qui peut être établi ici est que le juge administratif camerounais au regard de sa jurisprudence méconnaît le délai raisonnable lorsqu'il est saisi au moyen, soit d'un recours en indemnité, soit d'un recours en excès de pouvoir. Cette exigence n'est ni la base, ni la finalité de son action. Il arrive difficilement à faire face aux défis du nombre et du temps. En règle générale, le délai de jugement d'une affaire se compte en années, « même lorsque les parties se sont abstenues de toutcomportement dilatoire »538(*). Il s'agit d'une situation qui est non seulement anormale mais aussi dangereuse « parce qu'elle est de nature à provoquer le découragementdes justiciables, renonçant à rechercher des satisfactions dont ils ont lieu de penserqu'elles seront platoniques ; parce qu'elle est de nature à faire douter du sérieux etmême de la légitimité de la justice administrative »539(*).

    La lenteur du juge administratif camerounais est attestée par des statistiques et les décisions qu'il a déjà rendues dans le cadre des contentieux ordinaires.

    Sur le plan des statistiques, au 1er octobre 1996, par exemple, parmi les 690dossiers en instance devant la Chambre administrative de la Cour Suprême, il s'en trouvait qui remontaient à 1982.De même, pendant l'année judiciaire 1995/1996, alors que 535 dossiers étaient en instance au début de la période, 251 recours ont été formés, alors que seulement 96 décisions avaient été rendus parmi lesquelles 74 concernaient le contentieux électoral et 22 le contentieux général. Enfin, au 1er octobre 1996, 137 dossiers étaient en instance devant l'Assemblée plénière540(*).

    Au niveau des décisions rendues, la lenteur s'observe également dans les délais d'instance. Ainsi, saisie d'un recours le 18 juin 1993, la Chambre administrative n'a rendu son jugement de désistement que 8 mois après, soit le 24 février 1994541(*). De même, saisie d'un autre recours le 22 juin 1990, la même juridiction rendait son jugement d'irrecevabilité le 31 mars 1994, soit plus de 3 ans et demi après sa saisine542(*). Saisie d'un autre recours le 25 janvier 1999, la même juridiction rendait son jugement au fond - au profit du requérant - le 30 mars 2000, soit plus d'un an après sa saisine, alors que le requérant était sous la menace d'une procédure disciplinaire et d'une mise à la retraite injustifiée puisque l'acte litigieux le ramenait à un grade inférieur où la retraite se prenait plus tôt543(*). Par ailleurs, l'affaire AMENCHI Martin, objet du jugement n°88 du 30 juin 2004, a été rendue 21 ans après. En outre, l'affaire MVENG MBARGA Constantin, objet du recours introduit le 15 janvier 1979 devant la chambre administrative, a été jugée le 30 avril 1992. Enfin, saisie en 1991, dans une affaire opposant un enseignant à son Université, elle n'a pas rendu de décision à ce jour. Sont plutôt rares les cas où le juge administratif tranche avant 7 mois544(*).

    La situation était plus grave au niveau de la défunte Assemblée plénière lorsqu'elle statuait en appel. La tendance générale est qu'elle rendait ses arrêts 4 ans, voire 9 ans et plus, après qu'elle ait été saisie. Il est clair qu'un délai d'instance qui s'éternise de la sorte « enlève à la décision efficacité et crédibilité »545(*). C'est le cas de l'affaire GUIFFO Jean, objet du recours en appel introduit le 15 janvier 1981 devant l'assemblée plénière de la cour suprême, a été tranché le 25 février 1999, soit 18 ans après. Pire, il y a des affaires qui, introduites depuis plusieurs années, sont définitivement sorties du rôle parce que le juge n'en a plus fait cas lorsqu'il détermine les affaires à juger ce qui constitue manifestement un déni de justice546(*). Qu'en est-il de la pratique du délai raisonnable dans les procédures d'urgence ?

    b- L'élasticité du cadre temporel dans l'instance contentieuse d'urgence

    Lesprocédures d'urgence supposent la limitation du cadre temporel de l'instance contentieuse. Ce qui permet d'accélérer certains procès ou d'aménager la situation des parties jusqu'à la décision au fond. Ici, « l'urgence est le contrepoint du temps, des délais inhérents »547(*) à la procédure contentieuse. De ce fait, elles se greffent sous un double signe de la célérité et de la souplesse. Il existe deux sortes de procédures d'urgence dans le contentieux administratif. On a d'une part, les procédures d'urgence accessoires, qui permettent au juge administratif de protéger les droits et intérêts du requérant «au moyen de mesures provisoires, valables uniquement dans l'attente dujugement au fond », et d'autre part, les procédures d'urgence spéciales, dérogatoires à la procédure normale, qui permettent au juge administratif de protéger les droits et les libertés du requérant « au moyen de mesures définitives »548(*). En principedans ces deux cas, les délais de jugement devraient se compter en semaines. Pourtant, l'examen des statistiques et des décisions du juge administratif montrent à suffisance que les délais se comptent en mois et pas seulement de quelques mois, mais de plusieurs mois.

    i- L'élasticité du cadre temporel dans les procédures d'urgence accessoires

    En ce qui concerne les procédures d'urgence accessoires, elles sont destinées à permettre au juge administratif de prendre, dans l'attente du jugement au fond de l'affaire et compte tenu des circonstances de celle-ci, certaines mesures de caractère provisoire « quel intérêt du requérant comme celui d'une bonne administration de la justicerecommande de ne pas différer »549(*). Le droit du contentieux administratif camerounais a consacré deux procédures d'urgence accessoires : le sursis à exécution et le référé administratif. Pour qu'elles soient efficaces, ces mesures doivent être prononcées rapidement par le juge. Or, le législateur n'a pas prescrit au juge administratif de délais pour statuer en matière de sursis et de référé, ce qui lui laisse alors le soin d'apprécier le caractère urgent ou non de la situation dont-il est saisi. Cet état de chose ne milite pas toujours en faveur de la célérité dont requiert l'affaire à traiter, car le juge« n'est pas toujours tenu devérifier et de faire apparaître l'existence d'une situation d'urgence »550(*).Il en résulte alors que lorsqu'il est saisi, le juge a toujours tendance à passer outre l'exigence de juger l'affaire dont-il est saisi dans un délai raisonnable. Dans ce sens, quelques statistiques et exemples peuvent être mentionnés en guise d'illustration.

    D'abord, dans le cadre du sursis à exécution, Le dépouillement systématique de 185 ordonnances rendues par le juge administratif camerounais de 1977 à 2001 a permis de se rendre compte que le sursis reste une procédure très longue551(*).Ainsi, sur ces 185 ordonnances, 18 - soit 9,72% - ont été rendues en moins d'un mois ; 38 entre un et deux mois ; 42 entre deux et trois mois ; 31 entre trois et quatre mois ; 11 entre quatre et cinq mois ; 07 entre cinq et six mois ; 09 entre six et sept mois ; 09 entre sept et huit mois ; 01 entre huit et neuf mois ; 04 entre neuf et dix mois ; 02 entre onze et douze mois ; 10 après un an et 02 après deux ans. En somme, 167 ordonnances - soit 90, 27% - ont été rendues après un mois. On peut, au regard de ce qui précède, s'interroger sur l'efficacité et la portée des sursis octroyés plusieurs mois après l'introduction de la demande, surtout qu'il peut arriver que la décision dont la suspension de l'exécution est demandée produise tous ses effets de droit en cours d'instance ou avant que le juge ne se trouve en mesure de statuer sur la demande de sursis. Une telle appréhension peut par exemple être perçue dans une affaire où le juge, avait été saisi d'une requête aux fins de sursis le 07 décembre 1998 dans le but de suspendre les effets d'un titre foncier datant du 07 octobre 1997, ce dernier s'était prononcé favorablement que trois mois après, en motivant ainsi sa décision : « Attendu quedame Anaba né Mengue Juliette peut subir un préjudice irréparable du fait del'existence de ce titre foncier, celle-ci étant menacée d'expulsion alors et surtoutqu'elle a déjà aliéné le terrain litigieux »552(*). Peut-être qu'à la date où la requérante saisissait le juge, elle était menacée d'expulsion. Mais entre la date de saisine et l'édiction du sursis, son expulsion pouvait intervenir. On ne peut donc pas dire que l'urgence a présidé au jugement de l'affaire.

    Quant au référé administratif, il permet de prononcer soit des mesures d'instruction, soit des mesures conservatoires. En principe, le juge doit le faire rapidement puisqu'il s'agit non seulement de mesures d'urgence, mais également de mesures quiinterviennent dans une procédure d'urgence. Toutefois, en pratique, le juge administratif a toujours cette tendance à remettre en cause la liaison entre le référé et l'urgence, tant les délais qu'il met pour statuer sont élastiques. Les statistiques et la jurisprudence administrative permettent de percevoir cet état des choses. Le dépouillement de 54 ordonnances rendues en la matière de 1977 à 2000montre que le juge met beaucoup de temps pour statuer. En effet,sur ces 54 ordonnances, 11 seulement - soit 20,37 % - sont intervenues en deçà d'un mois ; tandis que les 43 autres - soit 79,62 % - ont étérendues après plus d'un mois comme suit : 11 plus d' un mois après ; 09 après deux mois ; 08 après trois mois ; 05 après quatre mois ; 01 après cinq mois ; 02 après six mois ; 02 après sept mois ; 01 après huit mois ; 01 après neuf mois ; 01 après onze mois ; 01 après un an et 01 quatre ans après. Lorsqu'on se rend compte que parmi ces ordonnances qui sont intervenues plus d'un mois après la saisine du juge, il y en a qui prescrivaient soit des mesures d'instruction, soit des mesures conservatoires, on peut légitimement se demander si l'urgence a été prise en compte par le juge. Il y a lieu d'en douter.Ainsi, à titre d'exemple, c'est plus de trois mois après qu'il a été saisi que le juge a, dans l'affaire Dutchou Jean553(*), ordonné la suspension de l'exécution d'une décision du Ministre de l'Agriculture portant nomination à des postes de responsabilité dans ledit Ministère, alors qu'en général lorsque des nominations interviennent, les personnes concernées prennent leurs fonctions quelques jours ou semaines après, faisant ainsi produire à l'acte de nomination ses effets juridiques, même lorsque la décision est rédigée « avec des termes ambigus sur le titulaire duposte d'affectation » ; car l'autorité régularise toujours la situation. Elle peut, d'ailleurs, le faire avant que le juge saisi en référé ne statue.De même, c'est plus de sept mois après sa saisine que le juge a, dans l'affaire Tamo Pelap Jean-Claude554(*), ordonné l'arrêt des travaux effectués sur le terrain du requérant par des personnes à qui la Commune Urbaine de Bafoussam avait attribué ledit terrain alors qu'il était affecté à Garoua. Le requérant pouvait, du fait du retard mis pour statuer, être confronté à une situation de « fait accompli », puisque les travaux engagés pouvaient s'achever avant ou pendant l'examen de sa requête.

    Il apparaît donc que le sursis et le référé remplissent mal leur rôle au Cameroun car en réalité, ces demandes ne sont pas, pour l'essentiel, traitées dans un délai raisonnable. Cette situation est également perceptible dans le cadre du traitement des procédures d'urgence spéciales.

    ii- L'élasticité du cadre temporel dans les procédures d'urgence spéciales

    Dans les procédures d'urgences spéciales, les textes qui organisent le procès administratif au Cameroun déterminent les délais aux termes desquels les décisions doivent intervenir et les matières qui doivent bénéficier d'un jugement accéléré et prescrivent au juge administratif de les juger prioritairement ceci en le mettant aux prises avec le temps qui est relativement bref, le jugement devant intervenir avant le terme fixé par les textes. Ainsi, le juge se trouve« lié par l'existence d'un délai de jugement qui constitue la durée maximum queles textes lui accordent pour statuer »555(*). Toutefois, dans la pratique, le juge va généralement au-delà des délais qui lui sont prescrits par les textes pour statuer, ce qui laisse voir leur élasticité. Il en est ainsi d'une part en matière de contentieux électoral en l'occurrence, au sein des chambres de commerce, d'agriculture et en matière de contentieux électoral municipal, et d'autre part, dans d'autres contentieux d'urgence spéciaux notamment le contentieux des associations et le contentieux de légalisation des partis politiques

    Dans le contentieux de listes électorales au sein de la chambre de commerce, l'article 15 du décret n°86/231 du 13 mars 1986 portant statut de la chambre de commerce prescrit à la chambre administrative de la cour suprême un délai de quinze jours pour statuer.Mais dans la pratique,le juge outrepasse ces délais. À titre d'exemple, saisi le 30 juillet 1987 dans l'affaire société de transport de commerce et de l'industrie, le juge a statué le 29 octobre 1987, soit 91 jours après556(*) ; par ailleurs, saisi le 19 aout 1987 dans l'affaire Destiny Entreprises, il n'a rendu son jugement que le 31 mars 1988, soit 224 jours après557(*). De même, le juge a mis 90 jours dans l'affaire Teta Michel du 29 octobre 1987558(*)pour ordonner la rectification du non de l'intéressé qui l'avait saisi le 30 juillet 1987.

    Le même dépassement peut être relevé dans le contentieux des opérations électorales. En effet, d'après l'article 24 du décret n°78/525 du 12 décembre 1978 portant statut de la chambre d'agriculture, saisie du recours d'un électeur contre les opérations électorales de sa section « statue dans les 90 jours de saisine ». En pratique, il n'en est rien de ça. Ainsi dans l'espèce Tchatchoua jean-Pierre559(*), alors que les résultats des élections ont été proclamés par la commission électorale du littoral le 20 juin 1986 et que le recours a été intenté contre ces élections le 5 juillet 1986, le juge n'a rendu son jugement que le 25 mai 1989, soit deux ans et 10 mois après sa saisine en la forme. Plus grave, la décision du juge dans l'affaire Mvondo Tsang Richard560(*) est intervenue plus de (04) ans après sa saisine, c'est-à-dire le 28 mars 1991, alors que le recours a été déclaré irrecevable. De même, la pratique des délais excessifs par le juge administratif se fait aussi ressentir dans le contentieux des opérations relatives à l'élection des conseillers municipaux. En effet, un délai de soixante(60) jours de la date de saisine est imparti par le législateur au président de la chambre administrative de la cour suprême561(*), mais dans les faits ce délai n'est pas respecté. Quelques statistiques attestent de ce fait là. Ainsi, sur soixante-dix-huit (78) jugements rendus après les élections municipales du 21 janvier 1996, un seul est intervenu dans le délai de 60 jours prévu par la loi. En l'espèce, le juge a statué 59 jours après sa saisine562(*). Tous les autres jugements sont intervenus au-delà de 60 jours. Les délais vont de 78 à 278 jours. Il en est ainsi, par exemple, du jugement U.P.C (C.U Edéa) rendu le 18 avril 1996563(*), alors que le recours a été introduit le 30 janvier 1996, soit 79 jours après ; du jugement RDPC (CR N'samba) rendu le 9 mai 1996564(*)alors que le juge a été saisi le 26 janvier 1996, soit 104 jours après.Outre le contentieux électoral, d'autres matières qualifiées d'urgence spéciales sont également affectées par cet élargissement du cadre temporel. Il en est ainsi du contentieux de la dissolution des associations et du contentieux du refus de légalisation des partis politiques. Dans les faits, les délais impartis au juge pour statuer ne sont pas toujours respectés.

    En matière de dissolution des associations, l'article 13 al 3 de la loi n°90/053 du 19 décembre 1990 impartit un délai de dix (10) jours, au « président de la juridiction administrative » à compter de la date de sa saisine, pour statuer sur les recours portant sur la dissolution d'association. Il résulte des décisions rendues en la matière que le juge ne se conforme pas à cette exigence législative. Ainsi, dans l'affaire OCDH565(*), il a statué 37 jours après sa saisine. En effet, saisi le 21 août 1991, il a rendu sa décision le 26 septembre de la même année. De même, dans l'affaire KomAmbroise566(*), il a statué le 26 septembre 1991, alors qu'il a été saisi le 30 août 1991, donc 28 jours après. Enfin, dans l'affaire Cap-Liberté567(*), saisi le 05 septembre 1991, il s'est prononcé le 26 du même mois, soit 21 jours après. Cette situation de non-respect des délais légaux pour statuer est aussi de règle en matière de refus de légalisation des partis politiques. En effet, dans cette matière, l'article 8 al 3 de la loi n°90/056 du 19 décembre 1990 a prescrit au juge administratif un délai de trente (30) jours à compter de sa saisine pour statuer sur les recours relatifs au refus de légalisation des partis politiques. Dans la pratique cependant, ce délai est ignoré par le juge. Ainsi, saisi le 04 avril 1991 dans l'affaire U.P.C568(*) , le juge s'est prononcé le 17 septembre 1992, soit 532 jours après, c'est-à-dire après 1 an, 5 mois et 22 jours. Pour l'affaire RDR, le juge a statué le 18 septembre 1992569(*), alors qu'il a été saisi le 7 août 1992, donc 43 jours après. En ce qui concerne l'affaire PSLD, il est intervenu le 18 septembre 1992570(*) alors que le recours lui a été adressé le 17 août 1992 ; il s'est donc prononcé 39 jours après.

    De ce qui précède, il en ressort que le juge administratif camerounais bien que lié par les délais tels qu'ils sont prescris par les textes, pratique généralement les délais excessifs ; ce qui est non seulement contraire à la volonté manifestée du législateur de favoriser la résolution des litiges dans un délai raisonnable, mais aussi préjudicie l'intérêt du requérant dans la mesure où, dans le contentieux administratif, l'introduction d'un recours en annulation d'un acte n'en suspend pas son exécution et de ce fait, une solution qui intervient tardivement a généralement une valeur symbolique. Cette pratique excessive des délais peut être expliquée par les facteurs de divers ordres notamment les facteurs d'ordre humains571(*), financiers, matériels, procéduraux et structurels572(*).Ainsi, lorsque le juge prend tout le temps pour rendre sa décision, il est certain que l'acte querellé aura déjà produit des effets qu'on ne peut plus effacer. Dès lors, il se pose la question de savoir s'il existe des moyens ou des garanties contre les jugements pris dans un retard excessifs.

    2- L'inexistence de prescriptions garantissant le respect du délai raisonnable

    Le juge administratif camerounais ne se considère pas dans son office tenude statuer dans les délais prescrits par les textes. Ainsi, il se reconnaît implicitement la faculté, voire le pouvoir de statuer au-delà desdits délais. De ce fait, Il en résulte que le dépassement des délais n'épuise pas son pouvoir juridictionnel, surtout qu'il n'en est autrement disposé par les textes qui n'ont d'ailleurs pas prévu non seulement de voies de droit ouvertes aux parties(a) en cas de violation du délai raisonnable pour enjoindre au juge administratif de statuer sur un litige dont il est saisi, mais aussi de mesures légales sanctionnant les atteintes(b) à l'autorité des délais impartis par les textes au juge pour statuer.

    a- Le défaut des voies de droit ouvertes aux parties en cas de violation du délai raisonnable.

    Le droit administratif camerounais ne prévoit aucune voie de droit ouverte aux parties pour enjoindre au juge administratif de statuer sur un litige dont il est saisi. Les parties n'ont pas non plus la possibilité de passer outre à l'inertie du juge saisi pour s'adresser à une juridiction supérieure, encore moins la possibilité d'obtenir réparation du préjudice subi causé par le retard à statuer du juge573(*).

    En revanche en France, après avoir longtemps estimé que les décisions prises dans l'exercice de la fonction juridictionnelle ne sont pas de nature à ouvrir une action en responsabilité contre l'Etat, le conseil d'Etat a admis depuis 1978 dans l'arrêt Darmont qu' « une faute lourde574(*)commise dans l'exercice de la fonction juridictionnelle par la juridiction administrative est susceptible d'ouvrir droit à indemnité »575(*). Il a confirmé cette jurisprudence dans l'arrêt Consort Levi rendu le 12 octobre 1983576(*).

    b- L'absence des mesures légales sanctionnant le non-respect des délais légaux

    Les textes qui organisent la procédure administrative contentieuse au Cameroun n'ont attaché aucune conséquence à l'expiration des délais. De ce fait, la solution du litige reste même après dépassement des délais, subordonnée à l'intervention de la décision du juge qui seul mettra un terme au litige. Ceci résulte du fait que d'abord, la péremption d'instance est inconnue en la matière en droit positif camerounais. Aussi, «  une action en justice devant les juridictions administratives doit toujours se terminer par une décision »577(*).De ce fait, « disposant de tout le temps nécessaire pour rendre sa décision, le juge administratif, passé le délai, reste compétent pour statuer »578(*). C'est le cas dans tous les contentieux notamment ordinaire et d'urgence. Ensuite, les textes camerounais n'ont pas donné une signification à l'expiration des délais et ne leurs ont pas attaché certaines conséquences afin qu'ils soient respectés par le juge administratif. Or, en France, cette hypothèse est prévue notamment en matière électorale où, lorsque le tribunal administratif, est saisi par exemple du contentieux de l'enregistrement des candidatures pour l'élection des conseillers municipaux ne statue pas dans le délai de trois jours prescrit par les textes, la déclaration de candidature doit être enregistrée579(*).Enfin, ces textes n'ont pas prévu le dessaisissement du juge à l'expiration du délai du jugement. En droit français, le dessaisissement est une sanction « très énergique »580(*) qui fait obstacle à ce que le juge administratif statue après l'expiration du délai581(*). Ainsi, dès lors que le délai de jugement est dépassé, « que le tribunal ait ou non statué, ses pouvoirs lui échappent définitivement, il est devenu incompétent ratione temporis »582(*). Certes, « l'existence d'une sanction ne constitue jamais qu'une incitation un peu plus pressante à statuer : elle ne constitue généralement pas un obstacle absolu à l'inertie juridictionnelle »583(*). Ce constat peut être perçu, en France où, « la volonté du législateur de sanctionner la méconnaissance du délai de jugement par le juge administratif afin d'assurer l'urgence de la procédure contentieuse reste-t-elle largement vaine »584(*) ;mais, il n'en demeure pas moins que sa prescription en droit camerounais est non seulement souhaitée, mais nécessaire. Elle permettra non pas de mettre fin audépassement de délai par le juge, mais au moins de le limiter, les habitudes ayant la peau dure585(*).

    Il se dégage de ce qui précède que autant dans les procédures ordinaires que dans les procédures d'urgence, la question du délai raisonnable demeure préoccupante voir même lancinante. Le droit positif camerounais mettant l'accent plus sur la proclamation et la reconnaissance de ce droit, que sur les garanties et la protection stricto sensu de sorte que, la proclamation du droit au délai raisonnable contraste avec sa protection. Cette situation rend compte que le juge « estlibre de son temps, libre de choisir les affaires dont il décide d'assurer un traitementrapide, libre de laisser les autres en attente »586(*)de sorte que, sans le dire explicitement, il« se reconnaît le pouvoir souverain de ne pas rendre son jugementdans le délai, faisant ainsi prévaloir son appréciation de l'urgence sur celle dulégislateur, lorsqu'il ne l'ignore pas purement et simplement »587(*).Seulement, à trop tarder à juger, le juge laisse voir un certain refus de juger ce qui est constitutif de déni de justice. À ce propos, le Doyen L. Favoreu écrit que :« le déni de justice ne s'analyse plus uniquement en un refus brutal de juger mais qu'il peut consister dans la négligence ou le retard apportéau jugement des affaires en état »588(*). Cette attitude n'est pas sans inconvénients et est susceptible de provoquer de graves conséquences pour le requérant. En effet, cette méconnaissance des délais est susceptible de toucher les intérêts du requérant qui peuvent être de plus en plus gravement menacés avec l'écoulement du temps, « la décision de l'administration devant être exécutée en vertu du privilège dupréalable dont bénéficie la puissance publique »589(*). En outre cela peut encourager l'administration et les tiers à s'affranchir du respect du droit.

    B- La motivation du jugement

    La motivation des décisions de justice consiste en la formalisation du raisonnement syllogistique et permet au juge d'aboutir, selon un raisonnement proche du raisonnement mathématique, à une conclusion justifiée en droit590(*). Elle est étroitement liée à l'office même du juge et apparaît comme consubstantielle à la qualité de leur jugement. À ce propos, le Doyen Claude-Joseph de Ferrière affirmait à la fin du 18ème siècle que : « Les motifs étant l'âme d'un jugement, se servir d'un arrêt sans en rapporter le motif, c'est se servir d'un corps sans âme »591(*). Il s'agit en fait d'une exigence de la démocratie : statuant « au nom du peuple camerounais », les juges doivent lui rendre compte des raisons par lesquelles, ils se sont déterminés. Elle contribue de plus à éclairer tout d'abord le requérant sur l'opportunité d'exercer une voie de recours (l'appel ou le recours en cassation) ensuite, elle met la juridiction hiérarchiquement supérieure en mesure de mieux apprécier le bien-fondé des jugements et des arrêts qui lui sont déférés.Par ailleurs, elle apparaît comme une garantie d'impartialité dans ce sens que, soumis au droit, le juge ne pourrait pas y échapper par quelques fantaisies ou appréciations personnelles commandées par son for intérieur. Seul le droit construirait son raisonnement si bien que sa seule présence au sein du mécanisme décisionnel prouverait que le juge agit en conformité. De ce point de vue, elle renforce la bonne administration de la justice.

    L'obligation de motiver les décisions de justice s'intègre dans les exigences traditionnelles du droit à un procès équitable tel qu'il est consacré dans les instruments internationaux et régionaux de protection des droits de l'homme. En effet, elle est une garantie de plus parmi d'autres, rassemblées sous la bannière « droits de la défense » qui est une expression très générique pour s'y confondre. Cette consécration implicite permet d'établir qu'actuellement, l'obligation de motiver est la grande absente des textes de valeur universelle592(*)alors même qu'il s'agit d'une garantie fondamentale à la réalisation du procès équitable. Sous ce rapport, il laisse apparaît la chute, ou la « perte » de la valeur normative de la motivation.

    En France, le Conseil d'Etat l'a consacré sous la forme d'une règle générale de procédure s'imposant, sans texte, à « toute les juridictions »593(*)et que seul peut écarter une « disposition législative expresse ».

    Au Cameroun, relativement au procès administratif, elle est consacrée dans l'article 54 alinéa 1b de la loi n°2006/022 qui dispose lapidairement que les jugements du tribunal administratif sont « motivés et datés ». Ainsi libellé, cet article ne laisse aucun doute sur le fait que la motivation des décisions de justice soit une obligation (1) qui doit être respectée par le juge. Toutefois, il convient de préciser qu'il s'agit d'une obligation qui connaît des limites (2).

    1- L'obligation de motivation des décisions de justice

    L'exigence de motivation des décisions de justice relève « de jure »de la procédure594(*)et permet de soumettre la décision à un contrôle de son exactitude juridique595(*). Il s'agit d'une obligation donc le respect est exigé en instance, en appel et en cassation dans le procès administratif. D'ailleurs, l'article 54 alinéa 1b de la loi n°2006/022 du 29 décembre 2006 fixant l'organisation et le fonctionnement des tribunaux administratifs596(*)et l'article 7 de la loi n°2006/015 du 29 décembre 2006 portant organisation judiciaire597(*) ne laissent aucun doute la dessus.

    Dans une décision de justice, la motivation vient en deuxième lieu après les visas qui sont des textes applicables au litige et avantle dispositif qui commence par le mot «décide » et débute par « considérant que... », qui explicitent les motifs de droit et de fait de la décision juridictionnelle. Cependant, il convient de préciser que, cette obligation de motivation ne saurait se réduire à une exigence formelle. Elle doit être de qualité sous peine de défaut de base légale. Ainsi, sont censurées les décisions fondées sur des motifs insuffisants, dubitatifs ou contradictoires598(*). Par conséquent, l'effectivité de la motivation suppose une argumentation juridiquement et rationnellement convaincante pour la rendre acceptable par les parties599(*).Le jugement doit alors effectivement rendre compte de la solution donnée au litige et la justifier600(*) en exposant les raisons sous la forme de « considérants ».

    Le Conseil d'Etat a d'abord fait de l'exigence de motivation un principe général de procédure s'imposant à toutes les juridictions, faisant par l'utilisation de cette formule générale, l'économie de toute référence à un texte601(*).

    2- La suppression de la motivation dans certains cas où le juge statue par ordonnance

    Il existe des limites à l'obligation faite au juge de motiver ses décisions. Elles sont justifiées soit par la nature de l'acte, soit par la nature du contentieux.

    S'agissant de la nature de l'acte, les décisions du juge qui dérogent à ce principe concernent celles qui ne sont pas des actes juridictionnels, mais de simples actes d'administration judiciaire. Il en est ainsi parce que dans ces hypothèses, le juge ne fait qu'administrer la procédure et ne met par conséquent pas les droits de la défense en cause. De ce fait, comme on le sait, outre que les juges ne s'expliquent pas sur les moyens relevés d'office lorsqu'ils ne sont pas fondés, ils ne sont pas toujours tenus de répondre à tous les moyens invoqués : fins de non-recevoir, de rejet au fond ; moyens inopérants, hypothèse où il est fait droit aux conclusions de la requête.

    Concernant la nature du contentieux, les jugements qui intéressent les procédures d'urgence précisément celles d'urgence accessoires connaissent une certaine limite à l'obligation de motivation. En effet, le jugement par exemple en matière de sursis à exécution ne connaît pas la phase d'audience. Le juge statue sur pièce en son Cabinet et motive laconiquement sa décision. Cette pratique qui consiste à faire usage des formules stéréotypées et laconiques pour motiver la décision et qui ne trouve d'ailleurs son fondement dans aucun texte, est considérée par O. Dugrip comme étant une technique qui « prive les destinataires de la décision de toute précision sur les raisons de droitqui » l'« ont déterminé (...) à statuer comme il l'a fait »602(*). Copper - Royer estimequant à lui, qu' « on ne saurait qualifier de motif une formule susceptible des s'appliquer à toute espèce, quels qu'en soient les éléments »603(*).

    Au demeurant, s'il semble donc désormais acquis que l'obligation de motiver les décisions de justice s'intègre aux canons traditionnels du procès équitable et constitue une garantie supplémentaire de bonne justice, il n'en demeure pas moins vrai qu'elle est trop souvent perçue comme une simple formalisation du raisonnement du juge si bien qu'elle ne poursuivrait qu'une finalité interne et non externe, c'est-à-dire tournée vers les justiciables. Cette garantie qui intervient à la fin du déroulement de la procédure, c'est-à-dire à la prise du jugement ne doit pas être considérée comme la dernière. Car, si les exigences du procès équitable devaient passer pour concerner exclusivement l'accès au juge et le déroulement de l'instance, cela risquerait de créer des situations incompatibles avec le principe de la prééminence du droit. Ceci étant dit, l'application des garanties du procès équitable ne cesse pas à compter du prononcé d'une décision de justice, mais se poursuit pendant la phase d'exécution de cette dernière (section II).

    SECTION II : L'EGALITE A L'ISSUE DE LA PROCEDURE: L'EXÉCUTION DES DÉCISIONS DE JUSTICE PROLONGEMENT NATUREL DU DROIT A UN PROCÈS ÉQUITABLE604(*)

    L'exécution des décisions de justice est comme la ligne de crête du droit judiciaire, l'aboutissement de l'oeuvre juridictionnelle d'une part, expression de l'impérium du juge de l'autre, le glaive après la balance605(*). C'estl'aboutissement de la procédure juridictionnellesans laquelle, elle ne saurait être effective. C'est aussi la preuve, par ses effets, de l'existence et de la consécration de la décision car, la décision de justice n'est pas que le strict rappel de la loi. Elle comporte, au contraire, une série d'obligations pour la partie perdante606(*). Face à cette obligation prononcée par un juge, l'une des parties se retrouve créancière de l'autre. Elle ne peut donc pas rester au stade de la pétition d'un principe mettant fin à un litige. De ce fait, la décision de justice alors passée en force de chose jugée aux termes d'un processus complexe d'élaboration, appelle à être exécutée. Cela doit se passer ainsi car, la justice ne servirait à rien et surtout ne serait plus le garant de l'Etat de droit si les décisions de justice n'étaient pas exécutées. De ce fait, une culture de non-exécution des décisions de justice serait dans un Etat source d'insécurité, d'impunité et de frustrations diverses qui peuvent conduire à des vengeances privées, ce qui constitue des menaces réelles pour la paix sociale.Ainsi,la justice impose que ses décisions ne restent pas lettre morte. Elles doivent être exécutées.

    L'exécution des décisions de justice n'est pas à proprement parler une garantie procédurale de bonne justice comme peut l'être l'impartialité ou le respect du délai raisonnable de jugement. Elle est tout simplement une garantie de leur effectivité et le corollaire même d'une justice efficace et de sa bonne administration. Elle est même également la preuve de l'accès effectif au tribunal. De ce fait, elle n'apparaît nulle part dans les instruments internationaux et régionaux de protection des droits de l'homme. C'est au nom de la prééminence du droit, au-delà de la recherche de l'effectivité du droit à un tribunal, que cette dernière participe à la définition du procès équitable607(*).La CEDH a ainsi considéré dans l'arrêt Hornsby c. Grèce que le droit à un procès équitable consacré par l'article 6 serait illusoire si l'ordre juridique interne d'un Etat partie permettait qu'une décision de justice définitive et ayant l'autorité de chose jugée demeure dépourvue de caractère exécutoire, au détriment d'une partie608(*).

    Au Cameroun comme ailleurs, l'exécution des décisions de justice est précédée de leurs acquisitions préalables de l'autorité de chose jugée. Ainsi, il sera question ici de présenter tout d'abord le préalable à cette exécution (paragraphe I) afin de parler de l'exigence même d'exécuter ladite décision (paragraphe II).

    PARAGRAPHE I : LE PREALABLE A L'EXECUTION : L'AUTORITE DE CHOSE JUGEE

    L'autorité de chose jugée est consubstantielle au jugement, car elle conditionne son efficacité et sa légitimité609(*). Ainsi, pour être exécutées, les décisions des juridictions administratives doivent au préalable être revêtues de cette autorité. Elle exclut que ce qui a été jugé puisse être méconnu ou contesté si ce n'est en conséquence de l'exercice d'une voie de recours contre le jugement même. Cela résulte du fait qu'elle revêt une force de vérité légale en application du vieil adage « Res judicata pro veritate habetur »610(*). À juste titre, le doyen Vedel pense que « la décision passée en force de chose jugée a force légale (...) ce qui a été jugée ne peut être remis en cause ni directement ni indirectement, ni par voie d'action, ni par voie d'exception ni par voie d'annulation ni par voie d'invalidation »611(*).De ce fait, elle conduit à éviter les nouveaux procès identiques. Le Doyen Carbonier indiquait également que : «ce qui donne au jugement sa vrai valeur, sa supériorité sur l'accommodement que pourrait tenter entre deux querelleurs un passant de bonne volonté, ce n'est pas d'être conforme à la vérité absolue(où est la vérité ?), c'est d'être revêtu par l'Etat d'une force particulière qui interdit de le remettre en question parce qu'il faut une fin au litige. Le litige (dès lors que les voies de recours sont épuisées) est vidé, tranché une fois pour toutes, ce qui garantit, sécurité et paix entre les hommes »612(*).Ainsi, elle sert, alors autant les parties par la sécurité juridique qu'elle leur offre que le service public de la justice en assurant le désencombrement des juridictions613(*).

    Le principe de l'autorité de chose jugée vient du législateur qui assoit la légitimité des décisions de justice car les juges rendent la justice « au nom du peuple Camerounais ».Ainsi, il est émis par la constitution en son article 40 de la constitution de 1996614(*). De même, les tribunaux administratifs comme la chambre administrative « décident et ordonnent ».

    Pour mieux l'appréhender, il sera question d'analyser d'abord les conditions (A) que doit remplir une décision de justice pour revêtir l'autorité de chose jugée, afin de déterminer son champ d'application (B).

    A- Les conditions de l'autorité de chose jugée

    Les conditions qui doivent être remplies par une décision de justice pour être revêtue de l'autorité de chose jugée sont expressément formulées dans l'article 1351 du code civil qui dispose que : l' « autorité de chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même, que la demande soit fondée sur la même cause ;que la demande soit entre les mêmes parties, et formées par elles et contre elles en la même qualité ».

    Le juge administratif camerounais l'avait relevé dans certains considérants ; c'est notamment le cas de l'arrêt n°104/CFJ/CAY du 27 janvier 1970 TCHOUMBA NGOUANKEU Isaac c/ Etat du Cameroun Oriental615(*) et l'arrêt n°42/CFJ/CAY du 30 avril 1968 :EKWALA EDOUBE EYANGO Stéphane c/Etat du Cameroun oriental616(*).En clair, la chose jugée doit avoir une triple identité à savoir : une identité d'objet (1), une identité de cause (2) et une identité des parties (3).

    1- L'identité d'objet

    L'objet est constitué de l'ensemble des prétentions des parties. Son appréciation est généralement aisée. En effet, il n'y a guère de difficultés à se rendre compte qu'un recours en annulation pour excès de pouvoir contre une décision à un objet différent d'un recours en réparation du préjudice causé par cette décision.

    2- L'identité de cause

    On entend par cause le « fondement juridique de la demande ». Ainsi, il y aura identité de cause entre deux demandes contre la même décision, lorsque le ou les moyens sur lesquels l'une est appuyée se rattachent à la même cause juridique que celle dont procèdent le ou les moyens invoqués à l'appui de l'autre demande. Autrement dit, lorsque le « fondement » ou « le terrain juridique » des deux demandes est le même617(*).

    3- L'identité des parties

    L'identité des parties s'entend des parties prises dans la même qualité618(*). Cette identité se vérifie en référence à la position processuelle que ces derniers ont adoptée durant le premier procès. Ainsi, une personne qui est intervenue à titre personnel dans une affaire n'a plus la même qualité lorsqu'il intervient ultérieurement au titre de représentant. En revanche, il y aura identité dans le cas où un enfant, devenu majeur, agit pour son compte, après rejet du recours formé en son nom par ses parents lors de sa minorité.

    B- Le champ d'application de l'autorité de chose jugée

    Pour délimiter le champ d'application de chose jugée, il faut commencer par déterminer les jugements qui sont censés être revêtus de l'autorité de chose jugée (1) afin d'apprécier la portée de cette dernière sur ces jugements (2).

    1- Déterminationde décisions revêtues de l'autorité de chose jugée

    L'exécution des décisions de justice est conditionnée à l'existence d'une décision définitive et obligatoire619(*). En d'autres termes, elle ne vaut que pour autant qu'elle tranche effectivement une contestation.

    Ainsi, l'autorité de chose jugée ne s'attache en principe qu'aux arrêts définitifs et aux jugements hors délai d'appel statuant «au fond » ou « au principal » du litige. À ce propos, le Doyen VEDEL disait que: « Lorsqu'une décision de justice a acquis un caractère définitif, c'est-à-dire, qu'elle n'est susceptible de recours, soit que les voies de recours aient été épuisées, soit qu'il n'en ait pas été fait usage dans le délai voulu, elle acquiert autorité de chose jugée »620(*). De ce fait, ces dernières doivent être distinguées des simples mesures d'administration judiciaire dont l'objet n'est pas de trancher le litige mais d'organiser son traitement et qui de ce fait, ne sont pas revêtues de l'autorité dechose jugée. Il en est de même, des décisions provisoires qui peuvent être révocables car le juge n'est pas dessaisi et peut revenir sur ce qu'il a jugé. C'est le cas des décisions avant dire droit qui préparent une décision à venir c'est-à-dire les jugements sur les exceptions d'incompétence soulevées par une partie au litige et les mesures d'urgence accessoires, comme le référé administratif et le sursis à exécution, ne bénéficient pas de l'autorité de chose jugée621(*). Elles sont d'ailleurs susceptibles de voies de recours. Toutefois, il faut préciser que, ce défaut d'autorité de chose jugée n'enlève en rien le caractère exécutoire de ces décisions. Par conséquent, elles doivent être exécutées par les parties au procès exception faite au juge qui les a prononcées et qui peut les modifier en fonction des circonstances, ni au juge du principal qui peut les contredire, ou n'en pas tenir compte.

    2- La portée de l'autorité de chose jugée

    Dans une décision de justice, avant même le prononcé d'un jugement, le juge administratif va procéder à un raisonnement juridique, de sorte que l'on peut s'interroger, jusqu'où s'étendent les effets de l'autorité de chose jugée (a). De plus, le jugement administratif, a la particularité de dissocier l'intensité de l'autorité de chose jugée, selon le type de contentieux d'où la distinction autorité relative et autorité absolue de chose jugée (b).

    a- L'étendu de l'autorité de chose jugée

    L'autorité de chose jugée s'étend non seulement au dispositif du jugement mais aussi aux motifs que l'on qualifie de décisifs622(*), c'est-à-dire, les motifs sans lesquels la juridiction n'aurait pas statué comme elle l'a fait. Il existe entre eux et le dispositif, auquel ils donnent sa signification, une relation logique nécessaire, un lien étroit de sorte que faisant corps avec lui, ils ont comme lui l'autorité de chose jugée.

    b- Distinction entre l'autorité relative et l'autorité absolue de chose jugée

    Les jugements revêtus de l'autorité de chose jugée ne se déploie pas de la même manière ou alors n'ont pas la même intensité. Certains touchent exclusivement les parties au procès. Dans ce cas, ils ont une autorité relative de chose jugée. Par contre, d'autres vont au-delà des parties pour étendre leurs effets sur les tiers. Dans ce cas, on parle de l'autorité absolue de chose jugée.

    En effet, le principe est que : les jugements rendus par les juridictions administratives lorsqu'elles réunissent les trois exigences sus-évoquées acquièrent l'autorité relative de chose jugée. Il en est ainsi parce que, les décisions administratives contentieuses sont d'abord des « Res interalios judicata » c'est-à-dire la « chose jugée entre les parties »623(*). Par conséquent, leur autorité sera absolue pour les parties au litige, l'administration comme les particuliers. En revanche, elle sera relative à l'égard des parties tierces. C'est le cas surtout en ce qui concerne les actes individuels624(*). Cette position est d'ailleurs tenue par la jurisprudence administrative de manière constante notamment dans l'arrêt n°66/CCA du 25 octobre 1957 :Bizang Joseph contre commune de Yaoundé et l'arrêt n°65/CFJ/CAY du 30 septembre 1969625(*). Toutefois, comme tout principe, celui de l'autorité relative de chose jugée n'est pas sans exceptions.

    L'exception ici est l'autorité absolue de chose jugée. Elle veut dire que le bien-fondé de ce qui a été jugé doit être, invariablement, tenu pour acquis. La chose jugée ne saurait être réexaminée ou ignorée par quelque autorité que ce soit ; ni même par la même ou par une autre juridiction, ni par l'administration. Elle est opposable à toute personne qui, au besoin, peut s'en prévaloir. Elle a alors un effet erga omnes. Elle s'attache exclusivement aux jugements prononçant une annulation pour excès de pouvoir. Ceci en raison de la nature même de ce recours qui est un recours indivisible.

    L'autorité absolue de chose jugée a un caractère d'ordre public et peut être relevée d'office par le juge lorsqu'elle est attachée au jugement intervenu. En revanche, si le jugement prit en considération est frappé de l'autorité relative de chose jugée, le moyen qui peut être tiré n'est pas d'ordre public. Par conséquent, le tribunal réexaminera ce qui avait déjà été jugé, si aucune partie ne s'en prévaut.

    PARAGRAPHE II :L'OBLIGATION D'EXECUTER LA CHOSE JUGEE PAR LES PARTIES AU PROCES

    Lorsqu'elle est revêtue de l'autorité de chose jugée, la décision de la juridiction administrative bénéficie d'une présomption irréfragable de vérité légale et par voie de conséquence d'une force obligatoire et exécutoire. De ce fait, les ordonnances, les jugements et les arrêts des juridictions administratives s'imposent aux administrés, aux autres juges et à l'administration qui doit la respecter sous peine de violation de la chose jugée626(*). La formule exécutoire627(*)apposée au bas des jugements et arrêts ne laisse d'ailleurs aucun doute là-dessus.

    Concernant les particuliers, cette formule exécutoire joue pleinement contre eux. Par conséquent, l'administré qui refuse de s'exécuter peut voir déclencher contre lui l'usage des voies d'exécution forcées de droit commun qui requiert aux agents publics de prêter main forte  pour l'exécution desdites décisions de justice. Ainsi, il apparaît que l'application de l'autorité de chose jugée ne pose pas de problème chez les particuliers, ce qui n'est pas le cas chez l'administration. En effet, la formule exécutoire n'enjoint pas aux agents publics de lui prêter « main forte »afin qu'il s'exécute. Dans ce cas, elle a plus une valeur symbolique, qu'un véritable effet juridique. Ceci étant dit, il apparaît que, les voies d'exécution forcées en usage dans le droit commun ne peuvent être utilisées contre lui et ne sont donc d'aucune utilité. Montaine de la Roque, l'avait déjà souligné lorsqu'il disait que, « la force exécutoire, la faculté effective d'exécution (...), est  toujours absente à l'égard de l'administration »628(*). La raison en est que c'est l'administration seule qui est détentrice de la contrainte légitime. De ce fait, elle ne peut l'utiliser contre elle-même. Cette liberté, dans l'exécution des décisions de justice, laissée à l'administration vient se voir amplifiée par la nature même de l'activité administrative, ce qui fait que l'on rencontre d'énormes obstacles dans l'exécution(A).Toutefois, il existe des voies possibles pour amener l'administration à s'exécuter(B).

    A- Les obstacles à l'exécution des décisions par l'administration

    L'obligation d'exécuter les décisions de justice s'applique avec une acuité particulière à l'encontre de l'Administration.La Cour européenne, suivant sa jurisprudence Hornsby, vient encore de le rappeler récemment629(*). Suivant cela, l'exécution d'un jugement rendu suite à une action intenté à l'encontre de l'Etat, et dans laquelle celui-ci n'a pas obtenu gain de cause, doit être automatique et effective. Cependant, l'obligation d'exécuter la chose jugée peut se heurterà des obstacles ou à des difficultés qui ont trait soit à la complexité des modalités pratiques d'exécution(1),soit à la mauvaise volonté de l'administration(2) qu'elle peut exprimer implicitement ou explicitement.

    1- La complexité des modalités pratiques de l'exécution des décisions des juridictions administratives

    La personne publique, n'a pas toujours un comportement fautifà l'égard de chose jugée, même si le résultat est perçu par l'administré comme une inexécution. En effet, le problème d'exécution d'un jugement administratif n'est pas forcément une tâche facile pour l'administration630(*).Bien qu'il soit en apparence simple, elle se révèle plutôt complexe. C'est cette complexité qui empêchera à l'administration de tirer toutes les conséquences de la chose jugée. Elle découle de deux séries de problèmes. Il y a d'une part des problèmes d'ordre juridiques et matériels (a) et d'autre part l'inertie de l'administration(b).

    a- Les problèmes juridiques et matériels.

    L'autorité de chose jugée d'une décision juridictionnellerevêt une valeur presque législative631(*). Elle doit donc recevoir exécution. Mais les difficultés surviennent généralement lorsqu' il s'agit d'une décision de justice prononçant une annulation contentieuse donc l'exécution passe par des formalités administratives particulières. La reconstitution de carrière est souvent alors dans ce cas un exemple type. En effet, l'acte administratif annulé est censé n'être jamais intervenu. De ce fait, l'administration a comme une obligation de remettre les choses en état et cela de façon rétroactive. C'est le cas précisément, lorsqu'il s'agit d'un agent public illégalement sanctionné, celui-ci doit être réintégré dans le poste même d'où il avait été évincé ;sa carrière administrative doit être reconstituée de manière qu'il puisse se retrouver dans la situation qui aurait été la sienne au moment de l'annulation s'il n'avait été l'objet de cette sanction. Le Conseil d'Etat français avait déjà relevé cette complexité dans un rapport relatif à l'exécution des décisions des juridictions administratives632(*). De même Les jurisprudences administrativescamerounaises sont constantes sur la question633(*).

    Par ailleurs, un autre problème à l'exécution des décisions de justice par l'administration peut résulter parfois aux montants excessifs des réparations. Ainsi, devant une insuffisance ou la non inscription de crédits budgétaires devant couvrir de tels préjudices, les condamnations pécuniaires prononcées par le juge administratif conservent un caractère purement platonique et fictif634(*). Àce propos, la cour européenne des droits de l'homme a souligné dans l'affaire Burdov c. Russie, qui concernait l'absence d'exécution d'un jugement ordonnant le versement d'une indemnisation au requérant en réparation de son exposition à des émissions radioactives que, les difficultés financières auxquelles un Etat était confronté ne sauraient justifier le non-acquittement par ce dernier d'une dette résultant d'une décision de justice635(*).

    b- L'inertie de l'administration

    Le principe veut que, lorsque l'administration a reçu notification d'un jugement rendu à son encontre, elle doit s'exécuter dans un délai raisonnable, ce qui est rarement le cas. En effet, dans la pratique, le retard dans l'exécution constitue l'abus le plus fréquent commis par la personne publique. C'est généralement le cas dans les procédures d'exécution des décisions de justice qui impliquent l'intervention du ministère des finances auquel aboutit toutes les décisions d'annulation ou de réparation à incidence pécuniaire. À ce propos, il convient de préciser que, les décisions de justice administrative doivent transiter, pour agrément, par l'autorité habilitée à recevoir les recours gracieux préalables. De même, l'inexécution peut résulter quelques fois de la complexité de la sentence prononcée par le juge. Dans ce cas, « il se contente de constater la responsabilité de l'administration et puis s'en rapporte à celle-ci pour fixer le montant dû, ce qui « déjudiciairise » en quelque sorte la procédure quitte au plaignant de ressaisir le juge en cas de mécontentement »636(*).

    Dans le cas d'une annulation de la radiation d'un fonctionnaire, le ministère de la fonction publique prend à nouveau un arrêté portant réintégration de l'intéressé à son ancien cadre637(*). Le ministère de l'administration territoriale sert de boite à lettres entre le ministère des finances et le palais de justice. Ce « long marathon judiciaire »638(*)est illustré dans l'affaire Baba Youssoufa c/Etat du Cameroun ou, Etat Fédéré c/ Baba youssoufa.

    2- La mauvaise volonté de l'autorité administrative

    La complexité des modalités pratiques ne constitue pas la seule hypothèse d'inexécution par la personne publique d'un jugement administratif. Car, au-delà de cette hypothèse quelque peu acceptable, l'administration développe des attitudes voire des mécanismes de nature à lui permettre de résister avec toutes ses forces à la chose jugée et c'est à cet égard là, que le Conseil d'État utilise l'expression « mauvais vouloir manifeste de l'administration ».639(*)C'est le cas lorsque, l'administration refuse volontairement et sciemment d'exécuter les décisions de justice dans un délai raisonnable en accusant un retard prolongé. De même, ce refus peut être pur et simple sans aucun argument justificatif quelconque640(*).

    Parailleurs, l'administration peut recourir à son pouvoir discrétionnaire en demandant au législateur de voter une loi pour conforter à postériori une situation juridique contestable de manière à la rendre définitive et insusceptible d'annulation. C'est le cas avec les recours aux validations législatives641(*).Dans l'arrêt Claude Halle contre État Fédéré du Cameroun Oriental, en date du 8 décembre 1970642(*), le problème s'était particulièrement posé pour l'administration, de renoncer à recouvrer une taxe dont le rôle avait été annulé par décision du Tribunal d'État.Il s'agit là de la violation du principe de la séparation des pouvoirs Il « n'appartient ni au législateur, ni au gouvernement de censurer les décisions des juridictions, d'adresser à celles-ci des injonctions et de se substituer à elles dans le jugement des litiges relevant de leur compétence »643(*).C'est ainsi que, lorsqu'elles interviennent en cours de procès, elles suppriment l'objet de la demande portée devant le juge, lorsqu'elles interviennent après que le juge ait rendu sa décision, elles dispensent l'Administration de l'obligation d'exécuter la décision du juge.

    La CEDH relevait à propos que, aucune décision de justice n'est réputé rendu lorsqu'une autorité non judicaire a la capacité de la modifier ou de se dérober au détriment de l'une des parties, l'effet recherché par ce jugement644(*). À ce titre, l'exécution d'un jugement prononcé à l'encontre d'une instance publique doit être automatique645(*).

    Au demeurant, dans toutes ces pratiques, l'on y voit clairement se développer des attitudes malignes de l'administration afin de se détourner de tout contrôle juridictionnel et d'imposer sa volonté au juge en défiant le droit. Ces attitudes sont inacceptables dans un État de droit parce qu'elles créent une insécurité juridique pour les administrés et elles décrédibilisent la justice. Ainsi, s'il apparaît impossible d'utiliser les voies d'exécution forcée à son encontre, l'administration doit de quelques manières que ce soit exécuter les décisions du juge administratif en ce que, cette exécution « est legage de l'équilibre voulu par l'équité dans le procès administratif »646(*). Ainsi, pour remédier à cette liberté, les moyens de contrainte doivent exister à l'encontre de l'administration récalcitrante.

    B- L'insuffisance des moyens de contrainte contre l'administration

    Les annulations des actes administratifs illégaux peuvent rester platoniques, en l'absence de moyens conférés au juge administratif pour contraindre les personnes publiques à exécuter les jugements rendus à leur encontre et à respecter l'autorité de chose jugée647(*).

    Au Cameroun, les mesures de garanties aménagées contre l'inexécution des décisions de justice par l'administration s'avèrent être insuffisantesà cause d'un défaut des voies d'exécution forcée (1) contre ce dernier. Ce défaut de voies d'exécution forcées contre l'administration est pallié par l'existence des voies possibles (2) au demeurant inefficaces.

    1- Le défaut de voies d'exécution forcée contre l'administration récalcitrante

    L'administration doit respecter l'autorité de chose jugée sous peine de violation de la chose jugée648(*)susceptible d'entrainer des sanctions en son encontre. Toutefois, un problème surgit et se pose à ce niveau. Celui-ci naît du fait que, contrairement aux voies d'exécution forcées ayant cours dans le droit commun, il n'existe aucune contre l'administration dans le contentieux administratif camerounais. En effet, dans ce cas précis, aussi bien les huissiers de justice que les autres agents d'exécution ne sont d'aucune utilité pour les particuliers victimes des agissements de l'administration. Cette croyance qu'il ne peut y avoir des voies d'exécution forcées contre la puissance publique parce qu'elle les détient vient être confortée par une application stricte du sacro-saint principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires. Chose qui se traduit par l'absence d'astreintes(a) et d'injonctions(b) contre l'administration alors qu'en France, pour rendre effectif le système d'exécution des décisions administratives, un système dissuasif d'injonction649(*) et d'astreintes650(*) fut mis en place.

    a- L'absence d'astreinte contre l'administration

    L'astreinte joue dans le droit commun contre le débiteur hésitant et de mauvaise foi pour le contraindre à exécuter ses obligations. De ce fait, il permet au juge administratif de prononcer au nom de chose jugée, des astreintes pécuniaires contre les personnes publiques récalcitrantes. Il est en effet question ici de « frapper le portefeuille pour atteindre la volonté »651(*). À propos, aucun juge qu'il soit de l'ordre administratif ou judiciaire ne dispose d'aucun pouvoir d'astreindre l'administration de façon comminatoire à une obligation, qu'elle soit positive ou négative.par conséquent, il n'existe pas de pénalité pécuniaire de nature à obliger l'administration à exécuter ou à accélérer l'exécution d'un jugement.De la sorte,l'administration bénéficie d'une totale liberté d'action pour exécuter ou non une décision de justice. Ce qui est de nature à la plonger dans une désinvolture au point d'adopter divers moyens ou mécanismes afin de se soustraire de l'exécution des décisions du juge administratif. Cette situation est amplifiée par l'absence d'injonction.

    b- L'absence d'injonctions à l'administration

    Contrairement aux particuliers envers lesquels le juge administratif dispose d'une plénitude de compétence, dans la mesure où, il peut non seulement leur adresser les injonctions, mais également ordonner dans certains cas leur expulsion par exemple lorsque ces derniers occupent abusivement le domaine public ou privé de l'Etat il n'en est rien lorsqu'il est question de l'administration. En effet, le juge administratif camerounais ne dispose d'aucun pouvoir d'injonction à l'égard de l'administration.

    Le code pénal camerounais dispose à cet effet dans son article 126 b que : «Est puni de la détention de six mois à cinq ans(...) le magistrat qui intime des ordres ou des défenses à des autorités exécutives ou administratives ».Cet article tel que libellé laisse comprendre l'absence d'un pouvoir d'injonction à l'égard de l'administration. Cependant il convient de faire ici une distinction entre le magistrat de l'ordre administratif et le magistrat de l'ordre judiciaire.

    En ce qui concerne le juge judiciaire, l'article 3 de la loi n°2006/022 du 29 décembre 2006 est clair « les tribunaux de droit commun(...) connaissent en outre des emprises et des voies de fait et ordonnent toute mesure pour qu'il soit mis fin... ».De la sorte, ils peuvent non seulement octroyer une réparation pécuniaire au titre de dommages et intérêts, mais adresser des injonctions et remettre les choses en l'état par des moyens appropriés notamment l'astreinte. Comme illustration on peut d'ailleurs citer l'espèce Nyo Wakai et172 Others contre People, jugement HCB/19CRN/921 du 23 décembre 1992, High Court Mezam judicial Division Bamenda, le juge s'est couvert de cette caution académique et a ordonné des injonctions de faire cesser les détentions652(*)

    Quant au juge administratif camerounais, il ne peut s'appuyer sur un texte exprès. Il applique donc scrupuleusement le sacro-saint principe de la séparation des pouvoirs, doublé de celui de la séparation des autorités administratives et judiciaires et craint l'empiètement sanctionné par le code pénal.  De ce fait, il se contente d'annuler les décisions administratives reconnues illégales ou de condamner la personne publique au paiement de dommages et intérêts. Autrement dit, le juge doit respecter l'indépendance de l'administration, bras séculier de l'exécutif dont l'activité est protégée par le principe de la séparation des autorités administratives et des autorités judiciaires653(*).Cette position est de jurisprudence constante. C'est par exemple le cas dansl'arrêt n°97, CFJ/CAY Eloundou Martin contre Etat du Cameroun Oriental en janvier 1990 qui demandait la reconstitution de carrière : « Considérant qu'il résulte du principe de la séparation des tribunaux administratifs et de l'administration active, que le juge, fut-il administratif, ne peut, sans excéder ses pouvoirs, faire des injonctions à l'administration active...n'a pas qualité pour enjoindre à l'administration de reprendre la reconstitution de carrière de sieur Eloundou Martin ».

    S'il n'existe ni d'injonction ni d'astreinte contre l'administration, comment donc amener l'administration à exécuter les décisions de justice ?

    2- L'inefficacité des voies disponibles contre l'administration récalcitrante

    Le législateur camerounais a aménagé des voies ou alors des techniques possibles pour amener l'administration à s'exécuter. Ces mesures sont au nombre de deux. À savoir : la collaboration avec l'administration (a) et les mesures de contraintes (b) traditionnelles.

    a- La possible collaboration avec l'administration

    Comme il a été ci-dessus démontré, la mauvaise foi de l'administration souvent avancée par les administrés n'est pas toujours à l'origine de l'inexécution des décisions de justice. Quelque fois, celle-ci est due à la complexité de la sentence prononcée par le juge. Mais quelque soit les cas, il est permis de faire usage des procédés de collaboration afin d'amener l'administration à s'exécuter. Par la collaboration, le juge administratif peut se faire conseiller de l'administration dans l'exécution des décisions administratives contentieuses. Cette possibilité est consacrée en France par l'article 58 du décret du 30 juillet 1963 relatif à l'organisation judiciaire654(*). Elle permet à l'administration de consulter le juge administratif et de lui demander comment elle doit exécuter les décisions qui la condamnent.

    En droit positif camerounais, il existe deux procédés de collaboration.

    La première consiste pour l'administré à saisir le Procureur Général près la juridiction administrative des difficultés de la sentence juridictionnelle. Son intervention consistera ici à persuader l'Administration à exécuter la chose jugée en examinant ladite sentence avec elle, ou à faciliter le rapprochement de l'administration avec le particulier afin de déboucher réellement sur l'exécution de la chose jugée655(*) . Un tel cas s'est produit avec l'arrêt BABA YOUSSOUFA du 16 novembre 1968656(*). Cependant, il convient de préciser que, dans une telle situation, on aura tort de trop attendre du Procureur Général qui est une autorité subordonnée à l'administration.

    Pour la dernière, il est prévu que, chaque année le premier président et le procureur général de la Cour Suprême adressent au Président de la République un rapport conjoint sur le fonctionnement de la Cour Suprême et le cas échéant, sur les difficultés rencontrées dans l'application des textes.Ils peuvent y faire toutes suggestions utiles657(*).Outre ces deux possibilités de collaboration, les moyens de contrainte peuvent également être utilisés contre l'administration même s'ils apparaissent insuffisants.

    b- L'inefficacitédes moyens de contrainte disponiblescontre l'administration rebelle

    Les moyens qualifiés de contraignants ici sont les procédés traditionnels. Ils sont de deux ordres. À savoir : le recours en annulation qui tend à effacer l'acte contesté d'une part, et d'autre part, la possibilité d'engager la responsabilité des agents publics pour violation de la chose jugée.

    Concernant l'annulation, il est admis que, l'inexécution par l'administration d'une décision de justice, est constitutive d'un excès de pouvoir. Ainsi, face à un éventuel refus d'exécuter la chose jugée, le justiciable a la possibilité de saisir de nouveau le juge administratif au travers d'une nouvelle requête en annulation pour excès de pouvoir.

    Le juge administratif camerounais a eu l'occasion de le relever dans ses considérants658(*) précisément dans l'affaire Claude Halle contre État Fédéré du Cameroun Oriental en date du 8 décembre 1970659(*) où le problème s'était particulièrement posé pour l'administration, de renoncer à recouvrer une taxe dont le rôle avait été annulé par décision du Tribunal d'État.

    Ceci étant dit, il apparaît clairement que, les pouvoirs du juge sont identiques dans les deux cas et par conséquent le problème n'est pas véritablement résolu. Car on ne voit pas pourquoi l'administration récalcitrante aurait changé d'attitude, après une deuxième annulation. Par conséquent cette solution apparaît alors insatisfaisante et inefficace dans la mesure où, même si le juge administratif sanctionne l'abus de la personne publique, l'exécution de cette nouvelle annulation posera les mêmes problèmes que la première.

    L'inexécution de la décision de justice par l'administration est susceptible de causer un préjudice à l'administré qui a gagné le procès. Dans ce cas, la réparation du préjudice constitue la dernière garantie donc peut en bénéficier ce dernier. L'engagement de la responsabilité de la personne publique, fera alors peser sur cette dernière l'obligation de réparer le dommage causé. La victime a par conséquent droit à la réparation.

    Au demeurant, il ressort qu'au Cameroun, la tendance qui demeure encore en l'état du droit actuel est qu'il ne peut y avoir des voies d'exécution contre la puissance publique, parce qu'elle les détient. C'est cette situation qui amène l'administration à adopter une attitude négative face à la réception de la chose jugée. A juste titre M. Tsala pense que « l'absence des voies d'exécution contre l'administration (et) la libération de l'obligation d'exécuter »660(*) sont à l'origine de l'inexécution de la chose jugée. Ce refus constitue une atteinte grave à la Constitution et au principe de l'égalité des armes.

    CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE

    Au demeurant, il ressort qu'outre l'indépendance appréhendée comme le critère institutionnel qui touche les membres de la juridiction au procès, il existe un autre à savoir l'égalité qui est le critère procédural se rapportant aux parties au procès. La réalisation de cette égalité impose qu'avant toute chose, l'accès au juge soit assuré. Une fois cet accès satisfait, la procédure doit être contradictoire et publique, ensuite les jugements doivent être motivés et rendus dans un délai raisonnable. Ceci ne s'arrête pas là. En effet, les décisions rendues au terme de cette procédure doivent être exécutées par les parties au procès.

    Toutefois, de manière générale, il convient de préciser que l'application de ces garanties connaît une fluctuation qui peut être soitjustifiée par les nécessités d'une bonne administration de la justice, soit injustifiée parce qu'allant à l'encontre de l'égalité recherchée dans la procédure.Dans ce dernier cas, les textes et la pratique du juge montrent qu'il peut s'agir soit d'une consécration imparfaite par le législateur de la garantie considérée, soit d'un manque de tact ou du laxisme exprimé par le juge émanant de la grande liberté qui lui est laissée dans leur mise en oeuvre. Ceci étant dit, il ressort que la tendance générale ne milite pas en faveur de l'équilibre c'est-à-dire de l'équité du procès car, l'exigence de respect du délai raisonnable est mise en échec. De même, il n'existe pas des voies d'exécution contre l'administration qui peut alors de ce fait choisir librement de se soustraire du respect de l'autorité de chose jugée. Cet état de chose vient juste confirmer le déséquilibre de nature qui existe à la base entre l'administration et l'administré. Ce constat est malheureux car sous d'autres cieux, notamment en France, cette inégalité a été substantiellement résorbée grâce aux interprétations et sanctions de la CEDH dirigées contre elle.

    CONCLUSION GENERALE

    Le procès équitable est une exigence fondamentale sans laquelle il ne peut y avoir une bonne administration de la justice et partant un Etat de droit. Il s'agit là, d'une exigence qui est désormais érigée en un principe transcendant les frontières au point de faire aujourd'hui unefigure de norme processuelle de référence pour tout type de contentieux. Eu égard à cette importance capitale, le Cameroun n'est pas resté en laisse et a manifesté la volonté de doter au procès administratif des garanties dont la mise en oeuvre sera de nature à rechercher l'équilibre voir l'égalité entre les parties au procès. Ces garanties permettent de relever en termes généraux deux critères : l'un qui est relatif aux membres de la juridiction au procès, c'est-à-dire le juge et le ministère public, à savoir l'indépendance et l'autre qui concerne les parties au procès à savoir l'égalité.

    À propos de l'indépendance des membres de la juridiction, ellepermet à ces derniers d'être affranchis de l'emprise des autres pouvoirs publics afin de les mettre dans des conditions propres à les permettre d'être impartiaux dans l'exercice de leurs fonctions.Elle est réalisée par la reconnaissance au profit de ces derniers des garanties statutaires aussi bien au plan personnel qu'au plan fonctionnel. Ces garanties qui militent en faveur de l'impartialité sont renforcées par l'attribution aux parties des armes dont l'usage consiste à écarter en fin de compte le membre de la juridiction qui ne fait pas montre d'impartialité. Toutefois, un constat est clair : l'inamovibilité qui est une garantie fondamentale pour l'indépendance de la magistrature n'existe ni pour le juge que pour le ministère public. De plus, il est établi que l'indépendance chez le juge à la latitude d'être pleinement réalisée si son bénéficiaire a suffisamment de caractère comme le soulignait si bien le professeur Perrot661(*).En revanche, chez le ministère public cette indépendance est relative.C'est d'ailleurs cette fluctuation que l'ex-garde des sceaux, M DOUALA MOUTOME a pu traduire en ces termes : « en attendant de changer le système judiciaire, le juge est entièrement indépendant. Le magistrat du parquet est tenu à certaines obligations qui atténuent quelque peu son indépendance »662(*).

    Concernant le second critère à savoir l'égalité des parties au procès, sa réalisation passe par la mise en oeuvre d'un certains nombres de garanties procédurales à savoir : l'accès au juge, le contradictoire, la publicité des audiences, le délai raisonnable, la motivation des jugements et enfin l'exécution des décisions de justice. Cependant, il ressort à la lecture des textes une consécration imparfaite de ces garanties de façon à amenuiser l'effet qu'elles poursuivent. Cette situation est aggravée non seulement par la grande marge de manoeuvre qui est laissée au juge dans la mise en oeuvre de ces garanties mais également par le défaut de garanties propres à contenir ses écarts de comportement.

    Au demeurant, les critères du procès administratif équitable en droit positif camerounais sont frappés du sceau de la nature même ou de la spécificité dudit procès.En effet, contrairement au procès civil et pénal, le procès administratif met généralement en état d'être jugé deux parties de nature différente. D'une part, l'administration défendant l'intérêt général et bénéficiant des prérogatives de puissance publique, et d'autre part le particulier poursuivant l'intérêt personnel et disposant des moyens réduits. Ce déséquilibre de nature se fait ressentir dans la forme et le fond de la procédure administrative contentieuse au Cameroun.

    BIBLIOGRAPHIE

    I. OUVRAGES

    A. OUVRAGES GÉNÉRAUX

    - AUBY (Jean-Marie) et DRAGO (Roland), Traité de contentieux administratif,T1, 3èmeéd., Paris, LGDJ, 1984,1014p.

    - CHAPUS (René),Droit administratif général, Tome 1, 15ième édition, Paris, Montchrestien, 2001, 1427p.

    - NLEP (Roger-Gabriel), L'administration publique camerounaise : "Contribution à l'étude des systèmes africains d'administration publique", Paris, LGDJ, 1986, 406 p.

    B. OUVRAGES SPÉCIALISÉS

    - CHAPUS (René), Droit du contentieux administratif, 3ème éd., Paris, Montchrestien, 1991, 921 p.

    - CADIET (Loïc), NORMAND (Jacques) et AMRANI MEKKI(Soraya), Théorie générale du procès, 1ère édition, Paris, PUF, 2010, 992p.

    - CHAPUS (René), Droit du contentieux administratif, Paris, Montchrestien, 13e éd., 2008, 1540 p.

    - KAMTO (Maurice), Droit administratif processuel du Cameroun, PUC, Yaoundé, 1990, 256 pages.

    - KEUTCHA TCHAPNGA (Célestin), « Précis de contentieux administratif au Cameroun », Paris, L'Harmattan, 2013, 324 pages.

    - NGOLE NGWESE Philip et BINYOUM Joseph, Eléments de Contentieux administratif camerounais, Paris, L'Harmattan, 2010, 264 pages.

    - OWONA (Joseph), Le Contentieux administratif de la République du Cameroun, Paris, L'Harmattan, 2011, 230 pages

    - PACTEAU (Bernard), Contentieux administratif, 5ème éd., Paris, PUF, 1999, 473 p.

    II - ARTICLES

    - ABA'A OYONO (Jean-Calvin), « Les mutations de la justice camerounaise à la lumière des développements constitutionnels de 1996 », Revue africaine des Sciences Juridiques, vol. 1, 2000, pp. 9-20.

    - AKAM AKAM (André), « la loi et la conscience dans l'office du juge », revue de L'ERSUMA, Droit des affaires-pratique professionnelle, N° 1- juin 2012, pp. 501-526.

    - BERLIOZ (J-C), « L'éthique du magistrat du parquet à l'audience » annexe IX du Dossier de réflexion sur « La responsabilité du juge » réalisé par le Centre des ressources de l'Ecole Nationale de la Magistrature en France, dossier disponible sur le site : www.enm.justice.fr.

    - BILONG (Salomon), « Le déclin de l'Etat de droit au Cameroun : Le développement des immunités juridictionnelles », in Juridis Périodique n°62, avril-mai-juin 2005, pp 52-61.

    - GUIMDO DONGMO (Bernard-Raymond), « Le droit d'accès à la justice administrative au Cameroun. Contribution à l'étude d'un droit fondamental », Revue de la Recherche Juridique. Droit Prospectif, n°121, 2008-1, pp.453-498.

    - HOURQUEBIEH (Fabrice), « L'indépendance de la justice dans les pays francophones», CJ, 2012, pp.41-60.

    - JACQUOT (Henri), « Le Contentieux administratif au Cameroun », 1re, RCD, n° 7, janvier juin 1975, p.9-30.

    - LEX (J), « Quelle indépendance pour le Ministère public » in la Revue BANQUET, n°9, 1996/2, article disponible sur le site : www.revuelebanquet.com.

    - MOLE (Nuala) et HARBY (Catharina), « Le droit à un procès équitable. Un guide sur la mise en oeuvre de l'article 6de la Convention européenne des Droits de l'Homme », Précis sur les droits de l'homme, no 3, Belgique, 2007, 77 pages.

    - NGUELE ABADA (Marcellin), «La réception des règles du procès équitable dans le Contentieux de droit public », juridis périodique n°63, juillet-aout-septembre 2005, pp. 19-33. 

    - NGWA NFOBIN (Eric), « Le problème d'inexécution des décisions du juge administratif au Cameroun », Revue Africaine des Sciences Juridiques n°2011, FSJP, Université de Yaoundé, pp. 297-315.

    - SUDRE (Frédéric) et PICHERAL(Caroline) « L'extension des garanties du procès équitable Hors les juridictions ordinaires : Les contraintes européennes »,Institut de droit européen des droits de l'Homme Université de Montpellier 2002, 354 p.

    III- THESES ET MEMOIRES

    A- THESES

    - ABA'A OYONO (Jean Calvin), La compétence de la juridiction administrative en droit camerounais, thèse de doctorat en Droit Public Interne (N-R), Université de Yaoundé II - Soa, FSFP, 1994, 520 p.

    - DUGRIP (Olivier), L'urgence contentieuse devant les juridictions administratives, thèse, Paris, PUF, 1991, 411pages.

    - GOHIN (Olivier), La contradiction dans la procédure administrative contentieuse,

    - thèse, Paris, LGDJ, 1988, 495p.

    - NTAH (Henri), Le Ministère public dans le contentieux administratif au Cameroun : contribution à l'étude des organes de la juridiction administrative camerounaise, thèse de Doctorat en DroitPublic, Université de Yaoundé II, 2010, 626 pages.

    B- MEMOIRES

    - ASSOUMOU (Christian- Engo), les garanties d'impartialité du juge dans le code de procédure pénale, mémoire de DEA, Université de Yaoundé II, 2008,103 pages

    - DJIVOH (Ulrich), La réalisation judiciaire du principe de l'impartialité du juge béninois, mémoire de DEA en droits de la personne humaine et démocratie, Université d'Abomey Calavi, 2009, disponible sur le site www.memoireonline.com

    - FOPA TAPON (Cyrille-Arnaud), Les interventions du législateur dans le fonctionnement de la justice administrative au Cameroun, Mémoire de Master en droit public, Université de Dschang, 2012, disponible sur le site www.memoireonline.com

    IV. TEXTES JURIDIQUES

    A- TEXTES JURIDIQUES INTERNATIONAUX

    - La Déclaration Universelle des Droits de l'Homme du 10 décembre 1948 ;

    - Le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques de 1966 ;

    - La Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples de Juin 1981 ;

    - Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertésfondamentales, Rome, 4 novembre 1950.

    B- TEXTES JURIDIQUES NATIONAUX

    1. Texte constitutionnel

    - Loi n° 960/06 du 18 janvier 1996 modifiée et complétée par la loi n° 2008/001 du 14 avril 2008.

    2. Textes législatifs

    - Loi n° 90/053 du 19 décembre 1990 (modifiée et complétée par la loi n° 99/011 du 20 juillet 1999) sur la liberté d'association.

    - Loi n° 90/056 du 19 décembre 1990 relative aux partis politiques.

    - Loi n° 97/012 du 10 janvier 1997 fixant les conditions d'entrée, de séjour et de sortie des étrangers du Cameroun.

    - Loi n° 2006/016 du 29 décembre 2006 fixant l'organisation et le fonctionnement de la cour suprême.

    - Loi n° 2006/022 du 29 décembre 2006 portant organisation et fonctionnement des tribunaux administratifs.

    - La loi n°82/014 du 26 novembre 1982 Fixant l'organisation et le fonctionnement du Conseil Supérieur de la Magistrature.

    - Code de procédure pénale.

    - la loi n° 2009/004 du 14 avril 2009 portant organisation de l'assistance judiciaire.

    - Code de procédure civile et commerciale ;

    - Loi n° 2012/001 du 18 avril 2012, portant code électoral.

    - Loi n°69-LF-19 du 12 juin 1967 sur la liberté d'association.

    - Loi n°79/17 du 30 juin 1979 relative aux contestations soulevées à l'occasion de la désignation des chefs traditionnels.

    - loi n°64/16 du 26 juin 1964 portant répression des activités terroristes.

    - Loi n°2003/016 du 22 décembre 2003 relative au règlement des litiges portant sur les limites des circonscriptions administratives et des unités de commandement traditionnel.

    3. Règlements

    - Le décret n° 95/048 du 8 mars 1995 Portant statut de la magistrature.

    - Décret n° 94/199 du 07 octobre 1994 portant Statut Général de la Fonction Publique modifié et complété par le décret n° 2000/287 du 12 octobre 2000.

    - Le décret n° 86/231 du 13 mars 1986 sur le statut de la Chambre de Commerce, d'Industries et des Mines (abrogé par le décret n° 2001/380 du 27 novembre 2001 et le décret n° 2001/381 du 27 novembre 2001).

    - Le décret n° 78/525 du 12 décembre 1978 portant statut de la Chambre d'Agriculture, de l'Élevage et des Forêts du Cameroun (modifiée et complétée par le décret n° 84/004 du 10 janvier 1984).

    V- LEXIQUES ET DICTIONNAIRES

    - CORNU (G), Vocabulaire juridique, association Henri Capitant, Quadrige/PUF, 9ème éd., 2011, 1095 p.

    - Dictionnaire Universel, 5ème éd, hachette, Espagne, 2008.

    TABLE DES MATIERES

    SOMMAIRE i

    AVERTISSEMENT ii

    DÉDICACE iii

    REMERCIEMENTS iv

    LISTE DES ABRÉVIATIONS v

    RÉSUMÉ vii

    ABSTRACT viii

    INTRODUCTION GENERALE 1

    PREMIERE PARTIE : L'INDEPENDANCE DES MEMBRES DE LA JURIDICTION AU PROCES 19

    CHAPITRE I : L'INDEPENDANCE DU JUGE 23

    SECTION I : L'AFFRANCHISSEMENT DU JUGE VIS-A-VIS DES AUTRES POUVOIRS PUBLICS 24

    PARAGRAPHE I : LES GARANTIES STATUTAIRES EMANANT DE LA CONSTITUTION 25

    A- La soumission expresse du juge à la loi et à la conscience 26

    1- La soumission du juge à la loi 27

    a- La connaissance de la loi par le juge 28

    b- L'application de la loi par le juge 29

    2- La soumission du juge à sa conscience 32

    a- La manifestation de la conscience dans le domaine de la preuve 33

    b- La manifestation de la conscience dans l'application de la loi 34

    B- L'institution du CSM comme garant de l'indépendance du juge 35

    1- Le CSM : organe de nomination des magistrats du siège 36

    2- Le CSM : organe disciplinaire des juges 39

    PARAGRAPHE II : LES GARANTIES STATUTAIRES INFRACONSTITUTIONNELLES 41

    A- Les garanties découlant du SGFP 41

    1- Les interdictions et l'obligation de discrétion et de réserve 42

    a- Les interdictions 42

    b- L'obligation de discrétion et de réserve 43

    2- Les protections des magistrats du siège 44

    B- Les garanties émanant du statut de la magistrature 45

    1- Les incompatibilités et les incapacités 45

    a- Les incompatibilités 45

    b- Les incapacités 46

    2- La rémunération et les honneurs 46

    a- La rémunération des juges 46

    b- Les honneurs 47

    SECTION II : LA MANIFESTATION DE L'INDEPENDENCE DU JUGE : L'IMPARTIALITE 48

    PARAGRAPHE I : LES DIMENSIONS DE PARTIALITE DU JUGE 50

    A- La partialité personnelle 51

    1- Relation intime ou hostile avec une partie au litige 52

    2- L'existence d'un lien processuel ou la connaissance antérieure du procès 52

    B- La partialité fonctionnelle 52

    1- Le cumul de différentes fonctions dans une même cause 53

    2- Le cumul des fonctions similaires à des degrés différents 55

    PARAGRAPHEII : LES GARANTIES OUVERTES CONTRE LA PARTIALITE DU JUGE 55

    A- Les moyens de prévention de la partialité du juge 56

    1- La prévention contre le pré-jugement explicite : la récusation 56

    a- Les causes et la procédure de récusation 57

    i- Les causes de la récusation 57

    ii- La procédure de récusation 59

    b- Les limites de la récusation 59

    2- La prévention contre le pré-jugement implicite : le renvoi 60

    a- Les types de renvoi 60

    b- La procédure et la portée du renvoi 62

    B- Les sanctions contre la partialité du juge 64

    1- L'annulation de la décision objet du jugement partial 64

    2- La responsabilité disciplinaire et civile du juge partial 64

    a- La responsabilité disciplinaire 64

    b- La responsabilité civile 65

    CHAPITRE II : L'INDEPENDANCE DU 68

    MINISTERE PUBLIC 68

    SECTION I : L'AFFRANCHISSEMENT DU MINISTERE PUBLIC A L'EGARD DE L'EXECUTIF 70

    PARAGRAPHE I: L'ESPRIT DE LA CONSTITUTION DANS LA CONSECRATION DES GARANTIES STATUTAIRES DE L'INDEPENDANCE DU MINISTERE PUBLIC 71

    A- L'exclusion de la loi et de la conscience chez le ministère public 72

    1- Exclusion de la loi 72

    2- La limitation de la libre conscience des magistrats du parquet 73

    B- Exclusion implicite du Conseil Supérieur de la Magistrature de la gestion de la Magistrature debout 75

    PARAGRAPHE II : LESGARANTIES 75

    STATUTAIRESINFRACONSTITUTIONNELLES DE L'INDEPENDANCEDU MINISTÈRE PUBLIC 75

    A. Les garanties statutaires des membres du ministère public émanant du statut de la magistrature 76

    1- La libération de la parole du Ministère public à l'audience 77

    a- L'absence d'obéissance aux injonctions du supérieur hiérarchique pendant l'audience 78

    b- la portée de la liberté de parole du ministère public à l'audience 79

    2- L'institution de la commission de classement et du conseil permanent de disciplinedans la gestion du ministère public 80

    a- L'institution de la commission de classement dans la gestion des nominations des membres du ministère public 81

    b- L'institution de la commission permanente de discipline comme organe disciplinaire de la magistrature debout 83

    B- Les garanties résultant du statut Général de la fonction publique 86

    1- La subordination et l'obligation de discrétion et réserve 86

    2- Les interdits et la protection du ministère public 87

    SECTION II : LA MANIFESTATION DE L'INDEPENDANCE DU MINISTERE PUBLIC : L'IMPARTIALITE 87

    PARAGRAPHE 1 : LES DIMENSIONS DE PARTIALITE DU MINISTERE PUBLIC 88

    A- La partialité personnelle du ministère public 88

    1- Relation intime ou hostile avec une partie au litige 89

    2- L'existence d'un lien processuel ou la connaissance antérieure du procès 89

    B- La partialité fonctionnelle du ministère public 90

    1- L'intervention du Ministère Public comme partie principale au procès administratif 90

    a- le ministère public en tant que représentant des intérêts de la société en justice 90

    b- Le droit d'accès au juge reconnu au Ministère public en Appel 91

    2- L'orientation des conclusions du Ministère Public par le garde des Sceaux 92

    PARAGRAPHE II : LE CARACTERE INTROUVABLE DES GARANTIES REELLES CONTRE LA PARTIALITE DU MINISTERE PUBLIC 93

    A- Le défaut de moyens de prévention de la partialité du ministère public 93

    1- L'irrécusabilité du ministère public 93

    2- Le défaut de renvoi pour partialité du ministère public 94

    B- Le caractère étriqué des moyens de sanction contre la partialité du ministère public 94

    1- Le principe : l'irresponsabilité du ministère public pour partialité 94

    2- L'exception à l'irresponsabilité du ministère public 95

    CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE 96

    DEUXIEME PARTIE : L'EGALITE DES PARTIES AU PROCES 97

    CHAPITRE I : L'EGALITE D'ACCES AU JUGE 100

    SECTION I : L'AMENAGEMENT D'UN DISPOSITIF FAVORABLE A L'ACCES AU JUGE 103

    PARAGRAPHE I : L'ACCES AU JUGE PAR LA CONSECRATION DE LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE 103

    A- La consécration organique et fonctionnelle des tribunaux administratifs 104

    1- La consécration organique du tribunal administratif 104

    2- La compétence matérielle des tribunaux administratifs 105

    B- La consécration de la chambre administrative 107

    1- La consécration organique de la chambre administrative de la cour suprême 108

    2- La compétence matérielle de la chambre administrative 108

    PARAGRAPHE I : LA SUBORDINATION DE L'ACCES AU JUGE AU RESPECT DES CONDITIONS DE SAISINE 109

    A- Le préalable à l'accès : l'introduction d'un recours gracieux préalable 109

    1- Une exigence impérative et d'ordre public à la saisine du juge 110

    a- L'affirmation du principe 111

    b- Les exceptions à l'exigence d'introduction du recours gracieux préalable 112

    2- L'autorité adressataire et les délais de sa saisine 113

    a- L'autorité adressataire du recours gracieux préalable 113

    b- Les délais d'introduction du recours 114

    B- Les conditions et les modalités d'accès 115

    1- Les conditions d'accès 115

    a- Les conditions relatives à la personne du requérant 115

    b- Les conditions liées aux délais de saisine du juge 116

    2- Les modalités d'accès au juge 117

    a- Les règles d'introduction du recours 117

    b- La représentation des parties 117

    c- L'assistance judiciaire 118

    SECTION II : LES RESTRICTIONS A L'ACCES AU JUGE 120

    PARAGRAPHE I : LES RESTRICTIONS A L'ACCES TIREE DE LA NATURE DE LA MATIERE OBJET DE LA CONTESTATION 120

    A- La non justiciabilité des actes de gouvernement et de certains actes décisoire non justiciables 120

    1- L'inataquabilité des actes de gouvernement 121

    a- Précisions sur la notion d'actes de gouvernement 121

    b- L'extension constitutionnelle des actes de gouvernement 122

    2- L'existence d'actes décisoires non justiciables 123

    a- Les mesures portant répression des activités terroristes 124

    b- Les actes portant désignation des chefs traditionnels 124

    c- Les actes de règlement de litiges portant sur les limites des circonscriptions administratives et des unités de commandement traditionnel 125

    B- L'injusticiabilité des actes unilatéraux non décisoires 126

    a- La possibilité d'admission d'un recours contre une circulaire 126

    b- L'injusticiabilité des actes conservatoires et des directives 127

    PARAGRAPHE II : UNE EXPRESSION ATTENUE 128

    A- La dissuasion financière 129

    a- Le coût financier des recours 129

    i- Le coût du dossier 129

    ii- Le coût de représentation 130

    b- Le coût financier lié à l'issue défavorable du procès 130

    B- La dissuasion structurelle 131

    1- La persistance de la centralisation de la juridiction administrative 131

    2- La dépendance de la juridiction administrative par la pratique du « deux dans l'un juridictionnel » 132

    CHAPITRE II : L'EGALITE DES PARTIES AU DEROULEMENT ET A L'ISSUE DE LA PROCEDURE 134

    SECTION I : L'EGALITE DES PARTIES AU DEROULEMENT DE LA PROCEDURE 135

    PARAGRAPHE 1: LE CONTRADICTOIRE ET LA PUBLICITE DES AUDIENCES 135

    A- Une application fluctuante du contradictoire 136

    1- L'application du contradictoire dans l'instruction et dans la phase de jugement 138

    a- Le contradictoire à titre principal dans la phase d'instruction 138

    i- La communication et la discussion des pièces de l'affaire 139

    ii- La communication et la discussion des mesures d'instruction 143

    b- L'extension du contradictoire à la phase de jugement 147

    i- La présentation des observations orales à l'audience 148

    ii- La présentation de certains éléments nouveaux 149

    2- L'application limitée du contradictoire 150

    a- Les dérogations au contradictoire à l'instruction 150

    i- L'allègement ou la suppression du contradictoire dans certaines procédures d'urgence 151

    ii- L'exclusion du contradictoire tenant au caractère secret de l'information 155

    b- Les limites du contradictoire dans la phase de jugement 158

    i- Les limites à l'application du contradictoire à l'audience 158

    ii- Les limites à l'application du contradictoire dans la phase décisoire 161

    A- L'application de la publicité des audiences à géométrie variable 163

    1- L'obligation de respect de la publicité des audiences dans les procédures ordinaires et en matière électorale 164

    2- La possible dérogation au principe de publicité 166

    a- La faculté d'ordonner le huis clos par le tribunal 166

    b- Le défaut de publicité d'audience dans les procédures accessoires et spéciales de l'urgence 167

    PARAGRAPHE II : LE DELAI RAISONNABLE ET LA MOTIVATION DES JUGEMENTS 167

    A- l'obligation du jugement dans un délai raisonnable 168

    1- L'élasticité du cadre temporel de l'instance contentieuse 170

    a- L'élasticité du cadre temporel de l'instance contentieuse ordinaire 170

    b- L'élasticité du cadre temporel dans l'instance contentieuse d'urgence 173

    i- L'élasticité du cadre temporel dans les procédures d'urgence accessoires 173

    ii- L'élasticité du cadre temporel dans les procédures d'urgence spéciales 176

    2- L'inexistence de prescriptions garantissant le respect du délai raisonnable 179

    a- Le défaut des voies de droit ouvertes aux parties en cas de violation du délai raisonnable. 179

    b- L'absence des mesures légales sanctionnant le non-respect des délais légaux 180

    B- La motivation du jugement 182

    1- L'obligation de motivation des décisions de justice 183

    2- La suppression de la motivation dans certains cas où le juge statue par ordonnance 184

    SECTION II : L'EGALITE A L'ISSUE DE LA PROCEDURE : L'EXÉCUTION DES DÉCISIONS DE JUSTICE PROLONGEMENT NATUREL DU DROIT A UN PROCÈS ÉQUITABLE 186

    PARAGRAPHE I : LE PREALABLE A L'EXECUTION : L'AUTORITE DE CHOSE JUGEE 187

    A- Les conditions de l'autorité de chose jugée 188

    1- L'identité d'objet 189

    2- L'identité de cause 189

    3- L'identité des parties 189

    B- Le champ d'application de l'autorité de chose jugée 189

    1- Détermination de décisions revêtues de l'autorité de chose jugée 190

    2- La portée de l'autorité de chose jugée 190

    a- L'étendu de l'autorité de chose jugée 191

    b- Distinction entre l'autorité relative et l'autorité absolue de chose jugée 191

    PARAGRAPHE II : L'OBLIGATION D'EXECUTER LA CHOSE JUGEE PAR LES PARTIES AU PROCES 192

    A- Les obstacles à l'exécution des décisions par l'administration 193

    1- La complexité des modalités pratiques de l'exécution des décisions des juridictions administratives 194

    a- Les problèmes juridiques et matériels. 194

    b- L'inertie de l'administration 195

    2- La mauvaise volonté de l'autorité administrative 196

    B- L'insuffisance des moyens de contrainte contre l'administration 197

    1- Le défaut de voies d'exécution forcée contre l'administration récalcitrante 198

    a- L'absence d'astreinte contre l'administration 198

    b- L'absence d'injonctions à l'administration 199

    2- L'inefficacité des voies disponibles contre l'administration récalcitrante 200

    a- La possible collaboration avec l'administration 200

    b- L'inefficacité des moyens de contrainte disponibles contre l'administration rebelle 201

    CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE 203

    CONCLUSION GENERALE 204

    BIBLIOGRAPHIE 207

    TABLE DES MATIERES 212

    * 1Voir GUINCHARD(S), Le procès équitable : garantie formelle ou droit substantiel ?, Mélanges Fayot, 1999, p.139.

    * 2 Droit international des droits de l'homme : instruments, mécanismes et procédures. Auteurs : ZERONALI (M) et JANATI-IDRISSI (A).

    * 3Ces garanties trouvent leur matrice dans le fameux article 39, qui prévoit que : « aucun homme libre ne sera arrêté ou emprisonné si ce n'est en vertu du jugement légal de ses paires, ou en vertu de la loi du pays ».

    * 4L'article 10 énonce que : « Toute personne à droit en pleine égalité, à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal indépendant et impartial, qui décidera soit de ses droits et obligations, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ».

    * 5La première phase de son préambule énonce que : « considérant que la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde ».

    * 6notamment la convention américaine des droits de l'homme dans ses articles 8 et 10 et le pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966 en son article 14

    * 7 La charte africaine des droits de l'homme et des peuples dans ses articles 7 et 26 et la convention européenne des droits de l'homme dans son article 6

    * 8SUDRE (F) et PICHERAL(C), « L'extension des garanties du procès équitableHors les juridictions ordinaires : Les contraintes européennes », Institut de droit européen des droits de l'HommeUniversité de Montpellier, 2002, p.3.

    * 9Discours de l'Ambassadeur, S.E M. François Goujette, 4ème conférence régionale des juristes francophones, 25 mars 2014, Hôtel Africa, Tunis.

    * 10SUDRE (F) et PICHERAL(C), op.cit., p. 3.

    * 11 Ibid.

    * 12 Au travers du préambule, le Cameroun affirme son « attachement aux libertés fondamentales inscrites dans la déclaration universelle des droits de l'homme, la Charte des Nations Unies, la charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples, et toutes les conventions internationales y relatives et dûment ratifiées ». De même, l'article 37 de cette même constitution proclame le principe de l'indépendance du pouvoir judiciaire.

    * 13Il s'agit notamment de la loi n°2006/016 du 29 décembre 2006 fixant l'organisation et le fonctionnement de la Cour Suprême et la loi n°2006/022 du 29 décembre 2006 fixant l'organisation et le fonctionnement des tribunaux administratifs

    * 14 GUESSELE ISSEME (L-P), L'apport de la cour suprême au droit administratif camerounais, Thèse de doctorat, Université de Yaoundé 2, 2010, p.3.

    * 15 Le droit administratif est donc né du principe de la séparation des autorités judiciaires et administratives proclamé de l'Édit de Saint-Germainen Laye de 1641 au décret du 16 fructidor an III, en passant par la loi des 16-24 août 1790. L'article 13 du titre II de la loi de 1790 dispose que : « les fonctions judiciaires sont distinctes et demeurent toujours séparées des fonctions administratives. Les juges ne pourront, à peine de forfaiture, troubler de quelque manière que ce soit les opérations des corps administratifs, ni citer devant eux les administrateurs pour raisons de leurs fonctions ». L'article unique du décret du 16 fructidor an III réitère que les « défenses itératives sont faites aux tribunaux de connaître les actes de l'administration de quelque espèce qu'ils soient, aux peines de droit ». Cet arsenal textuel sera suivi par la jurisprudence Blanco du tribunal des conflits en date du 8 février 1873.

    * 16« Un État, ancien ou nouveau entend, soit perfectionner son système de droit administratif, soit, pour le second, le créer. Il peut, certes innover, et inventer des solutions originales adaptées à sa situation. Mais il peut aussi, et c'est la démarche la plus fréquente, recherché, dans un autre État, les institutions et les règles qui lui paraissent répondre aux données de son problème. Il va alors transporter dans son milieu national le modèle étranger ». Cf.  RIVERO (J), « Les phénomènes d'imitation des modèles étrangers en droit administratif », in De LAUBADERE (A), MATHIOT (A), RIVERO (J), VEDEL (G), Les pages de doctrine, Paris, LGDJ, Tome II, 1ère éd., 1980, p.459.

    * 17« ... La jurisprudence française ayant été nationalisée, ivoirisée, les arrêts du conseil d'État nous appartiennent autant qu'à la France : Ils constituent le patrimoine juridique commun des deux États... ». Cf. : DEGNI SEGUI (R), Droit administratif général, Abidjan, CRES, 1990, p.32.

    * 18 La dénomination de République du Cameroun fut consacrée par la loi n°84-1 du 04 février 1984.

    * 19 Deux ans après le déclenchement de la première guerre mondiale (1914), l'Allemagne se voit perdre tous les territoires jadis sous son autorité. Ancien territoire sous protectorat allemand, le Cameroun est placé le 22 février 1916 sous condominium franco-britannique. Par ailleurs, c'est à la faveur de l'article 119 du Traité de Versailles qu'il se mue en un territoire sous mandat de la Société Des Nations (SDN), placé sous l'autorité de la France et de la Grande Bretagne. À la fin de la seconde guerre mondiale, le Cameroun change à nouveau de statut et devient un territoire sous tutelle de l'Organisation des Nations Unies (ONU), placé sous l'autorité de la France et de la Grande Bretagne.

    * 20 Article 1 alinéa 2 de la loi n° 96/06 modifiée et complétée par la loi n° 2008/001 du 14 avril 2008.

    * 21 Alinéa 2 de l'article 1 de la loi n° 96/06 modifiée et complétée par la loi n° 2008/001 du 14 avril 2008.

    * 22 ONDOA (M), Le droit de la responsabilité publique dans les États en développement : contribution à l'étude de l'originalité des droits africains, thèse de doctorat d'État, Université de Yaoundé 2-Soa, tome 1, 1997, p.31.

    * 23Ibid.

    * 24 TC, 8 février 1873,Blanco : « Considérant que l'action intentée par le Sieur Blanco contre le préfet du département de la Gironde, représentant l'État, a pour objet de faire déclarer l'État civilement responsable, par application des articles 1382, 1383 et 1384 du code civil, du dommage résultant de la blessure que sa fille aurait éprouvée par le fait d'ouvriers employés par l'administration des tabacs ; considérant que la responsabilité, qui peut incomber à l'État pour les dommages causés aux particuliers par le fait des personnes qu'il emploie dans le service public, ne peut être régie par les principes qui sont établis dans le code civil, pour les rapports de particulier à particulier ; Que cette responsabilité n'est ni générale, ni absolue ; qu'elle a ses règles qui varient suivant les besoins du service et la nécessité de concilier les droits de l'État avec les droits privés ; » in LONG (M), WEIL (P), BRAIBANT (G), DELVOLVE (P), GENEVOIS (B), Les grands arrêts de la jurisprudence administrative, Paris, Dalloz, 13ème éd., 2001, p.1.

    * 25 Article 120 de la loi n° 2006/022 du 29 décembre 2006 portant organisation et fonctionnement des tribunaux administratifs dispose que : « Sont abrogées toutes les dispositions antérieures contraires, notamment la loi n° 75/17 du 8 décembre 1975 fixant la procédure devant la cour suprême statuant en matière administrative ».Article 144 de la loi n° 2006/016 du 28 décembre 2006 portant organisation et fonctionnement de la cour suprême, à son alinéa 2 dispose que : « sont abrogées toutes les dispositions antérieures contraires à la présente loi, notamment :

    L'ordonnance n° 72/6 du 26 août 1972 fixant l'organisation de la cour suprême.

    La loi n° 75/16 du 8 décembre 1975 fixant la procédure et le fonctionnement de la cour suprême.

    La loi n° 76/28 du 14 décembre 1976 modifiant et complétant certaines dispositions de l'ordonnance n° 72/06 du 26 août 1972 fixant organisation de la cour suprême ».

    * 26 Date de promulgation de la loi constitutionnelle n° 96/06 du 18 janvier 1996.

    * 27 Il s'agit notamment de la loi n°2006/016 du 29 décembre 2006 fixant l'organisation et le fonctionnement de la Cour Suprême et la loi n°2006/022 du 29 décembre 2006 fixant l'organisation et le fonctionnement des tribunaux administratifs.

    * 28 Comme textes antérieurs, il peut être cité :

    - Le décret n° 95/048 du 8 mars 1995 Portant statut de la magistrature.

    - Décret n° 94/199 du 07 octobre 1994 portant Statut Général de la Fonction Publique modifié et complété par le décret n° 2000/287 du 12 octobre 2000.

    - La loi n° 90/053 du 19 décembre 1990 (modifiée et complétée par la loi n° 99/011 du 20 juillet 1999) sur la liberté d'association.

    - La Déclaration Universelle des Droits de l'Homme du 10 décembre 1948

    - Le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques de 1966.

    - La Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples de Juin 1981.

    - La loi n°82/014 du 26 novembre 1982Fixant l'organisation et le fonctionnement du Conseil Supérieur de la Magistrature

    - La loi n° 90/056 du 19 décembre 1990, relative aux partis politiques.

    - Le décret n° 86/231 du 13 mars 1986 sur le statut de la Chambre de Commerce, d'Industries et des Mines (abrogé par le décret n° 2001/380 du 27 novembre 2001 et le décret n° 2001/381 du 27 novembre 2001).

    - Le décret n° 78/525 du 12 décembre 1978 portant statut de la Chambre d'Agriculture, de l'Élevage et des Forêts du Cameroun (modifiée et complétée par le décret n° 84/004 du 10 janvier 1984).

    Comme textes postérieurs, il peut être cité :

    - La loi n° 97/012 du 10 janvier 1997 fixant les conditions d'entrée, de séjour et de sortie des étrangers du Cameroun.

    - La loi n° 99/014 du 22 décembre 1999 régissant les organisations non gouvernementales.

    - La loi n° 2012/002 du 18 avril 2012 portant code électoral.

    * 29 Comme jurisprudence ancienne, il s'agit de :

    La jurisprudence de la Cour Fédérale de Justice (CFJ) créée par la loi constitutionnelle du 1er septembre 1961.

    L'abondante jurisprudence de la Chambre Administrative et celle de l'Assemblée Plénière de la Cour Suprême créée par la constitution du 2 juin 1972.

    * 30 ONDOA (M), « Le droit administratif français en Afrique francophone : contribution à l'étude de la réception des droits étrangers en droit interne », RJPI, sept-déc., 2002, pp. 294-300.

    * 31 Ibid., pp. 307-316.

    * 32 Ibid., pp. 287-333.

    * 33ONDOA (M), le droit de la responsabilité publique dans les Etats en développement : Contribution à l'étude de l'originalité des Droits Africains, Thèse d'état, T1, université de Yaoundé II soa, 1997, p. 70.

    * 34CHEVALLIER (J), « Le droit administratif, droit de privilège ? », p.57.

    * 35KAMTO (M), « La fonction administrative contentieuse de la cour suprême du Cameroun », in Les Cours Suprêmes en Afrique, vol. III, La jurisprudence administrative, sous la direction de CONAC (Gérard) et De GAUDUSSON (Jean), Paris, Economica, 1988, p.31.

    * 36EISENMANN (C), Cours de Droit administratif, tome I, L.G.D.J., Paris, 1982, p. 17.

    * 37 Voir m.wiktionary.org/wiki/critère.

    * 38 Dictionnaire universel dans sa 5ème édition 2008.

    * 39CORNU (G), Vocabulaire juridique, association Henri Capitant, Quadrige/PUF, 9ème éd., 2011, p. 803.

    * 40Paul MAGNAUD (1848-1926) fut le président du tribunal civil de Château-Thierry entre 1887 et 1900, date à laquelle il fut élu député radical-socialiste de l'Aisne et quitta ses fonctions. Il y fut remarqué pour sa clémence dans de nombreuses affaires et pour ses prises de position féministes. Il est resté dans l'histoire par les attendus de son jugement dans l'affaire de Louise MENARD. Le 4 mars 1898, le juge MAGNAUD acquittait cette jeune

    fille-mère qui avait dérobé du pain chez un boulanger de Charly-sur-Marne, parce qu'elle n'avait rien mangé depuis deux jours. Il motiva sa décision comme ci-dessus indiqué. Décision qui fut confirmée par la Cour d'Amiens le 22 avril 1898 sur l'état absolu de nécessité de la prévenue, en interprétation des dispositions de l'article 64 du code pénal français. Ayant conscience, tout de même, du préjudice du boulanger, il alla jusqu'à rembourser, de ses propres deniers. Cette affaire fit la une de la presse parisienne de l'époque et lui valut le surnom de « bon juge », attribué par Georges CLEMENCEAU et qui lui est resté. Elu député, Paul MAGNAUD tentera en vain, de faire voter un texte préconisant la clémence envers les délinquants occasionnels par nécessité.

    * 41Affaire Louise MENARD, 4 mars 1898.

    * 42Voir www.toupie.org/Dictionnaire/Regle_droit.htm.

    * 43BEAUD (M), L'art de la thèse, guides repères, 2003, p.38.

    * 44 BERGEL (J-L.), Méthodologie juridique, PUF, 2001, p.17.

    * 45 Ibid.

    * 46 ONDOA (M.), Le droit de la responsabilité publique dans les Etats en développement... op. cit. p. 21.

    * 47Idem.

    * 48 NLEP (R-G), L'administration publique camerounaise, « Contribution à l'étude des systèmes africains d'administration publique », Paris, LGDJ,1986, p.8.

    * 49 BERGEL (J-L), Théorie générale du droit, les méthodes du droit, Dalloz, éd.4, 2007, p.63.

    * 50 NLEP (R-G), L'administration publique camerounaise, « Contribution à l'étude des systèmes africains d'administration publique », op.cit.,p.8.

    * 51 BERGEL (J-L), Théorie générale du droit, les méthodes du droit, op.cit., p.64.

    * 52CONAC (G), « le juge et la construction de l'Etat de droit en Afrique », Mélanges BRAIBANT, paris, Dalloz, 1997, p.38.

    * 53MONTESQUIEU, De l'esprit des lois, Part. 2, Liv. XI, Chap. VI, p. 294.

    * 54Il s'agit, de la Déclaration Universelle des droits de l'homme de 1948, article 10 qui énonce que, « toute personne a droit, en pleine égalité, à ce que sa cause soit entendue par un tribunal indépendant et impartial (...) » ; du Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966, article 14 alinéa 1 qui prévoit également que : « Tous sont égaux devant les tribunaux et les cours de justice. Toute personne à droit à ce que sa cause soit entendue (...) par un tribunal compétant, indépendant et impartial ».

    * 55À propos des instruments internationaux, la charte africaine des droits de l'homme et des peuples ne mentionne pas le terme indépendant, il se contente juste d'énoncer que : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue. Ce droit comprend : (...) d) le droit d'être jugé (...) par une juridiction impartiale). De même, la convention européenne des droits de l'homme dans son article 6 alinéa 1 prévoit que : «Toute personne à droit à ce que sa cause soit entendue (...) par un tribunal indépendant et impartial (...) ».

    * 56 YONOBA (S), Indépendance de la justice et droit de l'homme : Le cas du Burkina Faso, éd. Pioom, 1997, Netherlands, p. 2 et suivantes.

    * 57VARAUT (J-M), Indépendance, in CADIET (L), (s.dir.), Dictionnaire de la justice, PUF, 2004, pp. 622-623. Cité par HOURQUEBIE (F), L'indépendance de la justice dans les pays francophones, CJ, 2012, p. 42

    * 58ARDANT (P), Institutions politiques et droit constitutionnel, Paris, LGDJ, 12ème édition, 2000, p.52.

    * 60ROUSSEAU (D), Droit du contentieux constitutionnel, Montchrestien, Domat Droit public, Paris, 5e éd., 1999, p. 254.

    * 61 ABA'A OYONO (J-C), « Les mutations de la justice camerounaise à la lumière du développement constitutionnel de 1996 », Revue Africaine des Sciences Juridiques, vol. 1, n°1, 2000, p.14.

    * 62MATSCHER (F), « la notion de tribunal au sens de la Convention Européenne des Droits de l'Homme » in les nouveaux développements du procès équitable au sens de la convention des droits de l'homme, Bruxelles, BRUYLANT, 1996, p. 35.

    * 63 Ibid., p.36.

    * 64GUINCHARD (S), «Indépendance et impartialité du juge. Les principes de droit fondamental », in L'impartialité du juge et de l'arbitre. Étude de droit comparé, Bruxelles, Bruylant, 2006, p. 26.

    * 65R. c. Lippé, [1991] 2 R.C.S. 114, p. 139 et s.

    * 66 Article 32 (2) et (3) « Les magistrats du siège ne relèvent dans leurs fonctions juridictionnelles que de la loi et de leur conscience ». « Le Président de la République est garant de l'indépendance du pouvoir judiciaire. Ilnomme les magistrats. Il est assisté dans cette mission par le conseil supérieur de la magistrature qui lui donne son avis sur les propositions de nomination et sur les sanctions disciplinaires concernant les magistrats du siège ».

    * 67 N°119 DC, RDP 1980, 1658. Note de JEULAND (E.), Droit Processuel, Paris, LGDJ, 2007, p. 199.

    * 68Les garanties statutaires au plan personnel concerne notamment le mode de nomination et la discipline des magistrats et doit révéler en principe « l'absence de lien entre le pouvoir exécutif et les autorités judiciaires ». Voir CEDH, arrêt du 9 novembre 2006, « Société Sacilor-Lormines c/ France », Req. n° 65411/01, p.59.

    * 69 Le plan fonctionnel implique quant à lui, que les membres de la juridiction bénéficient de garanties en vertu desquelles ils ne puissent : « ne recevoir ni pressions ni instructions dans l'exercice de leurs fonctions juridictionnelles ». Voir CEDH, arrêt du 9 novembre 2006, « Société Sacilor-Lormines c/ France », Req. n° 65411/01, p.67.

    * 70 ABA'A OYONO (J-C), « Les mutations de la justice camerounaise à la lumière du développement constitutionnel de 1996 », Revue Africaine des Sciences Juridiques, vol. 1, n°1, 2OOO, p.10.

    * 71C'est à dire l'ensemble des règles qui définissent les droits et obligations applicables au corps de la magistrature.

    * 72Observations finales concernant la Slovaquie, CCPR/C/79/Add.79 (1997), p. 18.

    * 73 Les textes dont il s'agit sont :la constitution, la loi portant organisation et fonctionnement du CSM, le décret portant statut de la magistrature en enfin le décret portant SGFP.

    * 74HOURQUEBIEH (F.), « L'indépendance de la justice dans les pays francophones », CJ, 2012 p. 43.

    * 75RENOUX (T-S), « Justice et politique : pouvoir ou contre-pouvoir ? A propos des responsabilités pénales et politiques », JCP, éd. G., n° 38, 8 septembre 1999, p.1562 et s.

    * 76 Article 37 (2) « Le pouvoir judiciaire est exercé par la Cour suprême, les cours d'appel, les tribunaux. Il est indépendant du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif ».

    * 77Article 32(2) et(3) « Les magistrats du siège ne relèvent dans leur fonctions juridictionnelles que de la loi et de leur conscience ». « Le Président de la République est garant de l'indépendance du pouvoirs judiciaire. Il nomme les magistrats. Il est assisté dans cette mission par le conseil supérieur de la magistrature qui lui donne son avis sur les propositions de nomination et sur les sanctions disciplinaires concernant les magistrats du siège ».

    * 78V. CARBASSE (J-M), « Le juge entre la loi et la justice : approches médiévales », in CARBASSE (J-M), DEPAMBOUR-TARRIDE (L) (sous.dir), La conscience du juge dans la tradition juridique européenne, ouvrage coll., PUF, 1999, p. 68 et s, notamment. p. 84.

    * 79Sur cette notion, v. FRISON-ROCHE (M-A), « Les offices du juge », in Mélanges Foyer, PUF., 1997, p.463 s; DOUCHY-OUDOT (M), « L'office du juge », Mélanges G. Goubeaux, Dalloz-LGDJ, 2009, p. 99 s ; RIALS (S),

    « L'office du juge », Droits, n° 9, 1989, p. 4 s. Note cité par AKAM AKAM (A), in « la loi et la conscience dans l'office du juge », revue de L'ERSUMA, Droit des affaires-pratique professionnelle, N° 1- juin 2012, p.501.

    * 80Du BOIS de GAUDUSSON (J), « Le statut de la justice dans les Etats d'Afrique francophone », in Afrique contemporaine, numéro 156 (spécial, 4e trimestre 1990), La justice en Afrique, pp.6-12, et notam. p. 9, qui observe que la soumission du juge à la loi est une protection de son indépendance.

    * 81D'AMBRA (D), L'objet de la fonction juridictionnelle : dire le droit et trancher les litiges, LGDJ, 1994 ; PINEAU (J), « Les pouvoirs du juge et le nouveau code civil du Québec », in Mélanges Perrot, op. cit., pp. 364-378.

    * 82Le BARS (Th), Le défaut de base légale, LGDJ., 1997, préf. HERON (J). Cité par AKAM AKAM (A), in « la loi et la conscience dans l'office du juge » op.cit.,p.505.

    * 83WIEDERKEHR (G), op. cit., p. 584.

    * 84Voir AKAM (A), « Libres propos sur l'adage Nul n'est censé ignorer la loi », R.R.J, 2007/3, p. 30 et s.

    * 85ROLAND (H), Lexique juridique. Expressions latines, 4e éd., Paris, Litec, 2006, p. 158.

    * 86CORNU (G), op. cit., n° 113, p. 67.

    * 87BLANCHOT (A), « Le droit et le bon sens », Mélanges A. Decoq, Litec, 2004, p. 25 s, et précisément p. 30.

    * 88Il s'agit de la loi sous toutes ses formes, à savoir la loi émanant du législateur, des ordonnances prises par le Président de la République dans les matières relevant du domaine de la loi, des décrets et arrêtés pris par les autorités investies du pouvoir réglementaire. A côté des lois et règlements, la « légalité » englobe tout naturellement les accords et traités dès lors qu'ils ont été régulièrement approuvés ou ratifiés, et qu'ils ont fait l'objet de publication.

    * 89La coutume constitue une authentique source du droit au Cameroun. Entendue de manière plus large, elle englobe aussi les principes généraux du droit et les maximes juridiques. A ce propos voir BOULANGER (J), « Principes généraux du droit et droit positif », in Mélanges Ripert, 1950, t. 1, p. 515 ; VOISSET (M), « La reconnaissance de l'existence des principes généraux du droit par le Conseil constitutionnel », JCP 1969, I.2290 bis ; OPPETIT (B), « Rapport sur les « principes généraux » dans la jurisprudence de la Cour de cassation, Entretiens de Nanterre, 17 et 18 mars 1989, JCP, éd. E, n° 5-1989, p. 12 s.

    * 90WIEDERKHER, cité par AKAM AKAM (A), in « la loi et la conscience dans l'office du juge », revue de L'ERSUMA, Droit des affaires-pratique professionnelle, N° 1- juin 2012, p. 507.

    * 91ROLAND (H), op.cit., p. 63.

    * 92Sur cette répartition des charges, v. BLONDEL (Ph), « Les offices croisés du justiciable, de son ou de ses conseils, du technicien ou de tout autre intervenant à l'oeuvre de justice et du juge pour une première instance revisitée et dominée par un principe de complétude ou le décryptage d'un songe procédural », in Foyer (J), PUIGELIER (s.dir), Le nouveau code de procédure civile (1975-2005), Economica, Etudes juridiques, n° 25, 2006, pp. 159-182 ; BLERY (C), « Concentration des demandes et office du juge : une nouvelle donne au sein des principes directeurs du procès ? (Du renouvellement des rôles du juge et des parties quant au droit lors d'un procès) », Mélanges HERON (J), 2008, p. 110 s.

    * 93VINCENT (J), GUINCHARD (S), Procédure civile, 25e éd., Dalloz, 1999, p.490, n° 551.

    * 94La coutume doit être prouvée par les parties qui l'invoquent tant en ce qui concerne son existence que sa consistance. De ce fait, n'est pas traitée à l'égale de la loi. La raison en est que le juge n'aurait pas véritablement les moyens de rechercherla coutume des parties qui est généralement de source orale.

    * 95La règle de droit d'origine étrangère ne bénéficie pas de la présomption de connaissance par le juge camerounais. Elle est ainsi « reléguée » au rang de simple fait et, par conséquent, est soumise aux exigences de preuve des faits. C'est donc aux parties d'en rapporter la preuve de son existence, et de sa teneur, tout au moins dans les matières où elles ont la libre disposition de leurs droits.

    * 96Discours du président Guillaume de Lamoignon, cité en annexe par DEPANBOUR-TARRIDE (L), « Représenter une conscience : le portrait de Guillaume de Lamoignon par Robert Nanteuil », in CARBASSE (J-M), DEPAMBOUR-TARRIDE (L) (sous.dir), La conscience du juge dans la tradition juridique européenne, ouvrage coll., PUF, 1999, pp. 195-228, plus précisément p. 222.

    * 97Op. cit., p. 95, n° 172.

    * 98« Libres propos sur la jurisprudence », in Cornu (G), L'art du droit en quête de sagesse, PUF., 1998, p. 174.

    * 99Sur cette obligation, en général, v. LEGROS, Essai sur la motivation des jugements civils, th. (Dactyl), Dijon, 1987 ; TOUFFAIT ET TUNC, « Pour une motivation plus explicite des décisions de justice, notamment celles de la Cour de cassation », RTD.civ., 1974. 487 ; PERELMAN et FORIERS, La motivation des décisions de justice, Bruylant, Bruxelles, 1978 ; DUREUIL (C), « La motivation des arrêts d'appel », in La Cour d'appel d'Aix-en- Provence, Colloque, Aix-en-Provence, 11-12 déc. 1992, PUAM, 1994, p. 109 ; BLONDEL (Ph), « Le justiciable, à ne pas oublier », Mélanges J. Buffet, Petites affiches, 2004, p. 19 s. Note cité AKAM AKAM (A), op.cit., p.511.

    * 100Sur la distinction entre ces différentes notions, v. Le BARS, Le défaut de base légale, LGDJ, 1977 ; Le CLECH, « L'insuffisance des motifs, manque de base légale des décisions judiciaires », JCP. 1948 .I.690 ; «Manque de base légale et violation de la loi en matière civile », JCP. 1948 .I. 720 ; MIMIN, « Les énonciations nécessaires, base légale des jugements », JCP. 1946. I. 541 ; MOTULSKY (H), « Le manque de base légale, pierre de touche de la technique judiciaire », JCP. 1949. I. 775 ; PERDRIAU, « Illustration de l'intérêt de la cassation pour manque de base légale », note sous Com. 20 févr. 1990, JCP.II.21509.

    * 101AKAM AKAM (A), « la loi et la conscience dans l'office du juge », op. cit., p. 512.

    * 102Ibid.

    * 103Le doyen Cornu précise que l'interprétation consiste à rechercher le sens véritable d'une règle de droit, à établir le sens qui doit prévaloir quand il y a dans un texte un doute à ce sujet du fait de son obscurité, de ses lacunes, de son ambigüité. V. définition dans Droit civil, précité, p. 253

    * 104 PINEAU (J), op. cit, p. 367.

    * 105AKAM AKAM (A), « la loi et la conscience dans l'office du juge », op. cit., p.512.

    * 106Introduction générale au droit, Paris, Dalloz, 6e éd., 2003, n° 436.

    * 107 CARBASSE (J-M), DEPAMBOUR-TARRIDE (L), op. cit, p. 16.

    * 108 Cette expression est de Nathalie Dion, op. cit., n° 2.

    * 109En ce sens, CORNU (G), ibid. Cité par AKAM AKAM (A), op.cit., p.505.

    * 110AKAM AKAM (A), « la loi et la conscience dans l'office du juge », op. cit., p. 506.

    * 111La citation est de CARBONNIER (J), Droit civil. Introduction au droit, PUF, coll. Thémis, 26e éd., 1999, n°11.

    * 112Sur l'approche philosophique de la relation entre la loi et la conscience, v° RICOEUR (P), « La conscience et la loi », in Le juste, Esprit, 1995, p. 217 s.

    * 113 La conscience professionnelle est l'application à bien faire son travail ou comme le précise le Petit Larousse, le « soin avec lequel on exerce son métier ».C'est de cette conscience professionnelle dont le juge fait montre dans son activité juridictionnelle en se conformant à la loi et en respectant les règles de déontologie qui gouvernent son statut et qui constituent les « devoirs de son état».Voir AKAM AKAM (A), « la loi et la conscience dans l'office du juge », op. cit., p.505.

    * 114Droit civil. Introduction au droit, 13e éd, Montchrestien, 2007, p. 26.

    * 115TOURNIER (C), L'intime conviction du juge, PUAM, 2003, note (12), p. 141.

    * 116FRISON-ROCHE (M-A), « Le juge et le sentiment de justice », Mélanges Bézard, 2002, p. 40 s.

    * 117Nathalie Dion, s'appuyant sur les travaux de RAWL (Jonh), de DWORKIN (Ronald) ou de RICOEUR (Paul), montre que la tâche du juge n'est pas aisée en raison du caractère ambivalent de la notion de juste, à la fois universelle (juste général) et subjective (juste particulier).V. « Le juge et le désir du juste », D.1999, chron. p. 195. Note AKAM AKAM (A), op.cit., p.522.

    * 118CANIVET (G), MOLFESSIS (N) « L'imagination du juge », in Mélanges Buffet, p. 125.

    * 119BLANCHOT (A), op. cit., p.30.

    * 120«Le président de la république est garant de l'indépendance du pouvoir judiciaire. Il nomme les magistrats. Il est assisté dans cette mission par le CSM qui lui donne son avis sur les propositions de nomination et sur les sanctions disciplinaire concernant les magistrats du siège ».

    * 121Article 1er de la loi n°82-014 du 26 novembre 1981 Fixant l'organisation et le fonctionnement du Conseil Supérieur de la Magistrature.

    * 122Cet article énonce que : sont, en outre, soumis à l'avis du Conseil Supérieur de la Magistrature les propositions « d'affectation et de nomination des magistrats du siège dans les fonctions Judiciaires ».

    * 123Article 22 al. 4 de la loi N°82-014 du 26 novembre 1982, op. cit.

    * 124Voir l'article 47 du décret n°95/048 du 8 mars 1995 Portant statut de la magistrature.

    * 125Juridiquement, l'exigence d'un avis conforme implique « que le titulaire du pouvoir normateur, l'auteur, soit obligatoirement tenu de susciter la manifestation de la volonté de l'organe consultatif et qu'il soit obligé de suivre cette dernière. C'est-à-dire de la reproduire purement et simplement ». Voir HOSTIOU (R), Procédure et formes de l'acte administratif en droit français, Thèse, paris, LGDJ, 1975, p. 28.

    * 126PERROT (R), Institutions judiciaires, op. cit., 14e éd., 2010, p. 321.

    * 127Ibid., p. 322.

    * 128Au Cameroun la rémunération du magistrat correspond à son grade. Voir article 12 alinéa 3, art. 14 alinéa 2a et b, art. 44 alinéa1 et 2, article 48 alinéa 4 du statut de la magistrature.

    * 129D'après l'article 10 alinéa 3 « Le régime des indemnités et avantages spécifiques des magistrats est fixé par décret ».

    * 130Voir article 22 du statut, op. cit.

    * 131 Deutéronome 16 reprenant le Livre de l'Exode, 23, 3 à 8 « Tu ne biaiseras pas avec le droit, tu n'auras pas de partialité, tu n'accepteras pas de cadeaux, car le cadeau aveugle les yeux des sages et compromet la cause des justes». De même, on pourrait citer le Lévitique, les proverbes et même Siracide : « Ne cherche pas à devenir juge, si tu n'es pas capable d'extirper la justice, car tu pourrais être influencé par la personne du prince et compromettre ainsi ta propre intégrité ».

    * 132MOTULSKY (H), Le droit naturel dans la pratique jurisprudentielle : le respect des droits de la défense en procédure civile, in Ecrits, Dalloz, 1973, n°21, p. 75 ; SARGOS (R), Le devoir d'impartialité, fondement de la légitimité et de la crédibilité du juge dans un Etat démocratique, GP, 24-26 mai 1992, p. 11 ; G. WIEDERKEHR (G), Qu'est-ce qu'un juge ?, in Mélanges en l'honneur de PERROT(R),«Nouveaux juges, nouveaux pouvoirs ?», Dalloz, 1996, p. 575. In SUDRE (F), p. 217.

    * 133CHAPUS (R), « droit du contentieux administratif », n°1138 et S., 12ème éd, Montchrestien, collection Domat, p.188.

    * 134FRANCILLON (J.), (préface de), L'impartialité du magistrat en procédure pénale, Paris, LGDJ, 1998. Cité par DJIVOH (U), La réalisation judiciaire du principe de l'impartialité du juge béninois, mémoire de DEA en droits de la personne humaine et démocratie, Université d'Abomey-Calavi, 2009 disponible sur le site www.memoireonline.com.

    * 135ASSOUMOU (C-E.), les garanties d'impartialité du juge dans le code de procédure pénale, mémoire de DEA, Université Yaoundé II, 1998, p. 7.

    * 136CORNU (G), (Sous la direction de), Vocabulaire juridique, Paris, PUF, 1996, p.458.

    * 137PRADEL (J), Procédure pénale, Paris, CUJAS, 2006, p. 41.

    * 138La neutralité, consiste dans  «le fait de s'abstenir de prendre parti, de s'engager d'un côté ou de l'autre ».Si la notion d'impartialité commande celle de la neutralité, inversement l'absence de neutralité induit l'absence d'impartialité. VOIR DE PONTBRESSIN (P), « la neutralité du juge » in Le procès équitable et la protection juridictionnelle du citoyen, Bruxelles, BRUYLANT, 2001, p. 79.

    * 139 Le LAROUSSE considère, qu'avoir le sens de l'équité, c'est avoir le sens de la justice, de l'impartialité. Mais cette définition ne rend pas plus facile la distinction qu'il y a lieu d'opérer entre équité et impartialité. L'équité désigne la disposition, à faire part égale, à reconnaitre impartialement le droit de chacun, mais l'impartialité fait l'objet d'une réglementation plus ou moins stricte et précise à la différence de l'équité. Celle-ci semble plus extrême que l'impartialité, qui amène à trancher sans parti pris une cause, sur la base du droit. L'équité dépasse une simple application de la loi et considère que le juste n'est pas forcément lié à la règle de droit. Ainsi, l'on peut être partial, et ne pas se conformer à la loi, dans un souci d'équité. C'est peut-être dans ce sens, que l'on considère l'équité comme une « réalisation suprême de la justice pouvant dépasser les prescriptions légales, ce qui fait que la partialité peut parfois prendre le visage de l'équité ».Voir DJIVOH (U), La réalisation judiciaire du principe de l'impartialité du juge béninois, op. cit., p. cf. www.memoireonline.com.

    * 140L'indépendance met aux prises le juge avec les pressions extérieures alors que l'impartialité implique les pré-jugements et partis pris, dans son for intérieur. L'indépendance est davantage liée à l'organisation et au fonctionnement interne des juridictions, plutôt qu'aux qualités personnelles du juge. En ce sens, elle est un statut, contrairement à l'impartialité qui est une vertu. Parce que l'indépendance est un droit et l'impartialité, un devoir, le juge reste créancier de son indépendance et débiteur de son impartialité. Voir ibid.

    * 141Piersack c. Belgique, 1er octobre 1982, paragraphe 30.

    * 142Selon KOERING-JOULIN (R), art. préc., p. 2. En ce sens également, cf. ROETS (D), op. cit., n°10, pp. 18-19 ; S. GUINCHARD (S) (dir.), Droit processuel, Précis Dalloz, 2001, n°363, pp. 460-463. Il est certain qu'il est mal choisi de parler d'impartialité subjective quand la preuve en sera rapportée par des éléments objectifs et de parler d'impartialité objective quand son appréciation est devenue largement subjective dans la jurisprudence européenne... Les termes d'impartialité personnelle et d'impartialité fonctionnelle ont le mérite de distinguer la nature de l'impartialité recherchée et le caractère objectif ou subjectif des moyens utilisés pour l'apprécier. Il semble d'ailleurs que la jurisprudence de la Cour EDH évolue elle-même vers l'utilisation des mots « convictions personnelles » plutôt qu'impartialité subjective et de « raison légitime de craindre un défaut

    d'impartialité » plutôt qu'impartialité objective (GUINCHARD (S), op. cit., p. 462, qui renvoie à l'arrêt Morel c/ France, 6/06/2000 ; Bull. inf. Cass., 15 juillet 2000, p. 35 ; RTD civ., 2000, p. 934, obs. MARGUENAUD (J-P) ; D., 2001, obs. FRICERO (N); RDP, 2001, p. 669, obs. SOLER (S). Adde JOSSERAND (S), qui n'admet pas la conception duale de l'impartialité telle que présentée par la Cour EDH : op. cit., Conclusion générale, n°12, p. 592. Note cité par SUDRE (F) et PICHERAL(C) « L'extension des garanties du procès équitable Hors les juridictions ordinaires : Les contraintes européennes », Institut de droit européen des droits de l'Homme Université de Montpellier, 2002, p.218.

    * 143CADIET (L), NORMAND (J) et S. AMRANI MEKKI(S), Théorie générale du procès, PUF, 2010, p.598.

    * 144 Rappr. CEDH, 23 avril 1996, Remli c/ France, RSC 1996, p. 930-932. Cité par CADIET (L), NORMAND (J) et S. AMRANI MEKKI(S), op. cit., p. 599.

    * 145CEDH, 24 Mai 1989, Hauschildt c/ Danemark, GACEDH, n° 30, paragraphe 48.

    * 146 CADIET (L), NORMAND (J) et AMRANI MEKKI(S), op. cit., p.599.

    * 147Cette adage signifie que: la justice ne doit pas seulement être rendue, elle doit également donner l'apparence qu'elle l'a été.

    * 148L'art.60 code de procédure pénale : « l'action publique est mise en mouvement par le Ministère Public»Ses attributions sont entre autres la recherche et la constatation des infractions puis la mise en mouvement et l'exercice de l'action publique.

    * 149 Selon l'art.142 code de procédure pénale: « l'information judiciaire est obligatoire en matière de crime(...) elle est conduite par le Juge d'Instruction, magistrat du siège ».

    * 150 Article 17 al 7 pour le TGI, art 15 al2 pour le TPI selon la loi du 29 décembre sur l'organisation judiciaire.

    * 151 Le pré-jugement est entendu ici comme une opinion arrêtée par l'auteur d'une décision avant d'avoir procédé à une étude complète de l'affaire.

    * 152DUGRIP (O), L'urgence contentieuse devant les juridictions administratives, thèse, Paris, PUF, 1991, p 96.

    * 153 Ibid., p. 97.

    * 154 CE, avis, 12 mai 2004, Commune de Rogerville, AJDA 2004, p.1354, chron. Guyomar et Collin ; RFDA2004, p 273, concl. Glaser ; V. également CE 12 mai 2004, Hakkar ; RFDA2004, p.7134, concl. De Silva ; CE,9 avril 2004, AJDA, 2004, p 1429, note Hul ; pour une solution contraire en matière de référé conservatoire, CE 7 décembre 2006, Mme Seme, req. n° 294218.

    * 155 Aujourd'hui Rapporteur public depuis le Décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions.

    * 156 D'après l'article 117 (1) de la loi n° 2006/022 du 29 décembre 2006 fixant l'organisation et le fonctionnement des tribunaux administratif « Lorsque la décision d'un tribunal administratif est entachée d'une erreur matérielle, la partie intéressée peut introduire un recours en rectification devant le Président dudit tribunal ».

    * 157 CADIET (L), NORMAND (J) et AMRANI MEKKI(S), op. cit., p. 600.

    * 158DJIVOH (U), La réalisation judiciaire du principe de l'impartialité du juge béninois, op. cit., p.cf. www.memoireonline.com.

    * 159GUILLIEN (R), et VINCENT (J), (Sous la direction de), Lexique des termes juridiques, Paris, Dalloz, 14éd2001, P. 486.

    * 160ALI (A-R) et D'ALMEIDA (D-G), « la récusation des magistrats au Bénin », Rapport de stage, Université Nationale du Bénin/ Ecole Nationale d'Administration, option magistrature, 2000, p.24. Cité par DJIVOH (U), La réalisation judiciaire du principe de l'impartialité du juge béninois, op. cit., p. cf www.memoireonline.com.

    * 161ASSOUMOU (C-E), les garanties d'impartialité du juge dans le code de procédure pénale, op. cit., p.63.

    * 162MINKOA SHE (A), Droits de l'homme et droit pénal au Cameroun, Paris, éd Economica, 1999, P.186.

    * 163 SIRE (P), « les problèmes du juge » in, La revue des deux mondes, 1964 p.86 cité par ASSOUMOU (C-E), les garanties d'impartialité du juge dans le code de procédure pénale, op, cit., p. cf. www.memoireonline.com

    * 164 Article 104 alinéa 2, 3,4 de la loi n°2006/022, op. cit.

    * 165Article 105, ibid.

    * 166Dans l'affaire Garga Hamman Hadji la haute juridiction avait ordonné le renvoi devant le tribunal correctionnel de Bertoua pour cause de suspicion légitime alors que c'est le risque d'affrontement entre deux ethnies qui avait été à l'origine du renvoi.

    * 167ASSOUMOU (C-E), op.cit., p. 49.

    * 168Cité par ROETS (D), Impartialité et justice pénale, Paris, CUJAS, 1997, p.230.

    * 169Aux termes des dispositions de l'article L 131-2 du code des communes en vigueur en France, l'ordre public consiste en la tranquillité, la sécurité et la salubrité publique.

    * 170cf. Crim. 14 octobre 1951 BULL n°459, Crim 4 Décembre 1951, BULL n°506. Cité par ASSOUMOU (C-E), in les garanties d'impartialité du juge dans le code de procédure pénale, op. cit., p. cf. www.memoireonline.com.

    * 171JOSSERAND (S.), l'impartialité du magistrat en procédure pénale, Paris, LGDJ, 1998, p.115.

    * 172GUILLIEN (R) et VINCENT (J) (Sous la direction de), Lexique des termes juridiques, Paris, Dalloz, 13éd, p. 532. Cité par DJIVOH (U), La réalisation judiciaire du principe de l'impartialité du juge béninois, op. cit., p. cf. www.memoireonline.com.

    * 173CORNU (G.), (Sous la direction de), Vocabulaire juridique, Paris, PUF, 7°éd, 2004, p. 800.

    * 174JOSSERAND (S), op. cit., p. 115.

    * 175 DEFFERRARD (F), la suspicion légitime, Paris, L.G.D.J, 2000, p.268.

    * 176ASSOUMOU (C-E), les garanties d'impartialité du juge dans le code de procédure pénale, op, cit., p. cf www.memoireonline.com.

    * 177HELIE (F), Traité de l'instruction criminelle, 2ème éd, Paris, PUF, 1993. Cité par ROETS (D), op. cit., p. 222.

    * 178L'article 605 CPP "toute décision statuant sur la demande de renvoi est notifiée à la juridiction concernée et aux parties à la diligence du greffier en chef de la Cour Suprême".

    * 179STORME (M), Rôle et organisation de magistrats et avocats dans les sociétés contemporaines. IXème congrès mondial de droit judiciaire, Belgique, éditions JURIDIQUES, 1992, p. 272.

    * 180Ibid. p. 274.

    * 181 GARSONNET (E.) et CEZAR-BRU (C.), Traité théorique et pratique de procédure civile et commerciale, en justice de paix et devant le conseil des prud'hommes VI, Paris, Sirey, 1915, n°565, p. 927, cité par STORME (M), op. cit., p. 272.

    * 182Article 254 du C.P.P.

    * 183 Voir article 255 du code de procédure civile et commerciale.

    * 184 Article 256, ibid.

    * 185 Article 257, ibid.

    * 186 Le privilège de jugement se présente comme une forme d'immunité pour les magistrats. Car, autant ils sont couverts par la loi en tant que citoyens, autant ils le sont davantage à l'égard des justiciables en tant que magistrats.

    * 187T C, 27 novembre 1952, Préfet de la Guyane.

    * 188 Le commissaire du gouvernement Edouard LAFERRIERE, dans ses conclusions à propos de l'arrêt Laumonier-Cariol (TC, Mai 1877) définissait la faute de service comme « l'acte dommageable impersonnel qui révèle un administrateur plus ou moins sujet à l'erreur ». La faute de service revêt deux dimensions et peut avoir des dimensions variées.

    Il peut avoir faute de service d'une part du fait de l'agent et d'autre part du fait de l'administration elle- même ;

    C'est la faute de service ou faute du service. Il y a faute de service de l'agent lorsque l'acte posé par ce dernier l'a été dans le service ou à l'occasion du service. À propos, voir l'Arrêt n°269 du 27 novembre 1953, conseil du contentieux administratif, Nama Gallus c/ Administration du territoire.

    Il y a faute anonyme ou faute du service lorsque le dommage n'est pas imputable à un agent en service ou dans le service. La faute du service intervient dans trois hypothèses au moins :

    · Lorsqu'il y a mauvaise organisation ou mauvais fonctionnement du service public. C'est l'exemple lorsque la voie publique est défectueuse. À propos, voir CA/CS, jugement N°45 du 27 novembre 1982, Dzietham Pierrecontre État du Cameroun. Ou encore lorsqu'il y a mauvaise organisation des services de la poste. Voir à propos, CS/CA, jugement n°13 du 23 novembre 1989, Enyegue DipokoBernard contre État du Cameroun ;

    · Lorsqu'il y a fonctionnement tardif du service de l'administration ;

    · Lorsqu'il y a inertie ou carence administrative ou alors acte illégal ; CS/AP·, Arrêt du 24 mars 1983, Njikiakam Towa Maurice contre État du Cameroun.

    Or la faute personnelle comme la définit toujours Edouard LAFERRIERE dans les conclusions précitées est différente de la faute de service et se distingue par ce fait. Elle est « la faute de l'agent avec ses passions, ses faiblesses » L'arrêt Pelletier (TC 30 juillet 1873) a opéré cette distinction entre faute de service et faute personnelle tout en déterminant les juridictions compétentes respectives. Lorsqu'il y a faute personnelle, le juge judiciaire est compétent et lorsqu'il y a faute de service, c'est le juge administratif qui est déclaré compétent. Voir DAYE WAYOUA (Carole), La distinction faute personnelle-faute de service dans la jurisprudence judiciaire au Cameroun. Mémoire de D.E.A en droit public, Université de Yaoundé II- Soa, année 2005-2006, 212p.

    189 T.C, 30 juillet 1873 arrêt Pelletier.

    * 189 VOLFT (J), Le Ministère public, op. cit., p.10.

    * 190CHAPUS (R), Droit administratif général, t 1, 15e éd., Montchrestien, Domat droit public, 2001, p.293. GAUDEMET (Y), Traité de droit administratif, t 1, LGDJ, 16e éd., 2001, p.152 ; MORAND-DEVILLER (J), Cours de droit administratif, Montchrestien, 9e éd., 2005, p.110 et 131 ; Chevallier (J), « La Régulation juridique en question », Droit et Société n°49, 2001, p.827. Ces auteurs évoquent de manière commune, l'importance des organes de régulation dans le phénomène décisionnel. Cité par NTAH (H), Le Ministère public dans le contentieux administratif au Cameroun : contribution à l'étude des organes de la juridiction administrative camerounaise, thèse de Doctorat en DroitPublic, Université de Yaoundé II, 2010, p.3.

    * 191Dictionnaire encyclopédique, Hachette éd., 2002, p.1215. Cité par NTAH (H), Le Ministère public dans le contentieux administratif au Cameroun : contribution à l'étude des organes de la juridiction administrative camerounaise, op.cit., p.15.

    * 192 Article 3 du statut de la magistrature 1) « Les magistrats du parquet et les attachés de justice relèvent administrativement de la seule autorité du ministre de la justice ». 2) « Ils lui sont hiérarchiquement subordonnés ».

    * 193DEBBASCH (C) et RICCI (J-C), Contentieux administratif, Dalloz, Précis, 7e éd., 2001, p.451 et p.567. À ces pages citées, y voir les conclusions du commissaire du gouvernement à propos des arrêts Arnault, 27 juillet 1927et Ville de Nice, 20 janvier 1937.

    * 194Le Conseil d'État français rappelait dans cet arrêt que, le Commissaire du Gouvernement « a pour mission d'exposer au conseil les questions que présente à juger chaque recours et de faire connaître, en formulant en toute indépendance ses conclusions, son appréciation, qui doit être impartiale, sur les circonstances de l'espèce et les règles de droit applicables ainsi que son opinion sur les solutions qu'appelle, suivant sa conscience, le litige soumis à la juridiction».

    * 195 CHAPUS (R), Droit administratif général, tome 1, éd. Montchrestien, 15e éd., 2001, à propos de la justice administrative, op cit, p.547 et s.

    * 196EZO'O ENGOLO (B-A), L'opportunité des poursuites du ministère public, Mémoire de maîtrise en droit privé, option pratique et contentieux de droit privé, Université de Yaoundé, 1985-1986, p.13.

    * 197PRADEL (J), Procédure pénale, 14è éd, CUJAS, 2008-2009, p.213.

    * 198 BRUSCHI (C), Politique pénale depuis le XIXe siècle, PUF, juin 2002, op. cit., p. 123.

    * 199CORNU (G), Vocabulaire juridique, Paris, PUF, 7e éd., 2008.

    * 200 Voir NDJERE (E), Le Ministère public ou parquet, op. cit., p.15-110.

    * 201Rapport remis au Président de la République le 15 février 1993 par le Comité consultatif pour la révision de la

    Constitution, J.O., 16 février 1993, pp. 2537-2555.

    * 202Expression empruntée au doyen Louis FAVOREU pour désigner les travaux relatifs à l'organisation ou au fonctionnement de la justice sous l'angle constitutionnel : Louis FAVOREU, « Brèves observations sur la situation du parquet au regard de la Constitution », RSC, 1994, p.675, [en ligne]. Disponible sur [www.dalloz.fr].

    * 203Article 37 (3) de la Constitution, op. cit.

    * 204Décret n°95/04, op.cit., La réglementation de la magistrature du parquet par un décret a rendu les magistrats du ministère public, vident de toute leur liberté de parole. Lorsqu'ils agissent dans certains cas, ces magistrats n'ont pas la conscience libre.

    * 205NTAH (H), Le Ministère public dans le contentieux administratif au Cameroun : contribution à l'étude des organes de la juridiction administrative camerounaise, op.cit., p. 89.

    * 206BERLIOZ (J-C), « L'éthique du magistrat du parquet à l'audience », annexe IX du Dossier de réflexion sur « La responsabilité du juge » réalisé par le Centre des ressources de l'Ecole Nationale de la Magistrature en France, dossier disponible sur le site : www.enm.justice.fr

    * 207 Idem

    * 208Article 3 (3) du décret N°95/048, op.cit.

    * 209Article 3(3), Ibid.

    * 210 STIRN (B), Les libertés en question, (le rôle du parquet) Montchrestien, 4eéd, p.78.

    * 211 Article 65 de la Constitutionde la République du Cameroun.

    * 212 RIVERO (J), Les libertés publiques, tome1, Coll : Thémis, 1997, p.37.

    * 213 Ibid.

    * 214NTAH (H), Le Ministère public dans le contentieux administratif au Cameroun : contribution à l'étude des organes de la juridiction administrative camerounaise, op.cit., p. 93.

    * 215 Article 37 (3) de la Constitution et article 62 du décret n°95/048, op. cit.

    * 216Article 37 (3) de la Constitution, op. cit.

    * 217 Ibid.

    * 218 Ibid.

    * 219LEX (J), « Quelle indépendance pour le Ministère public », la Revue BANQUET, n°9, 1996/2, article disponible sur le site : www.revuelebanquet.com.

    * 220 Voir VINCENT (J), GUICHARD (S), MONTAGNIER (G) et VARINARD (A), « Institutions judiciaires : organisation, juridictions et gens de justice », Paris, Dalloz, 2005, 8è éd, p.751.

    * 221Les sanctions disciplinaires à l'encontre des Magistrats du Parquet ressortissent de la compétence de la Commission Permanente de Discipline instituée par l'article 52 du statut de la Magistrature (décret n° 95/048 du 8 mars 1995) ; cette commission est présidée par le Premier Magistrat du siège, le Président de la Cour Suprême, qui a voix prépondérante en cas de partage de voix. La commission se réunit au siège de la Cour Suprême, centre nerveux des Magistrats du siège, et non le Ministère de la Justice et comprend toujours outre son président, deux autres Magistrats de siège. Mais ce contrôle du siège n'est qu'apparent :

    En effet, plusieurs dispositions montrent que le pouvoir exécutif par Parquet interposé, tient la commission. Les Magistrats du Parquet sont autoritaires, quatre contre trois pour le siège. Mais l'emprise du pouvoir exécutif ne s'arrête pas là, car la commission n'a finalement qu'une valeur consultative. D'ailleurs la commission ne se réunit qu'à la suite d'une saisie réservée au Ministre de la Justice. Si on ajoute à cela le fait que la commission peut siéger si cinq au moins de ses membres sont présents, on comprend dans ce cas que le régime disciplinaire des magistrats du Parquet dépende du bon vouloir du pouvoir exécutif.

    * 222J. LEX, « Quelle indépendance pour le Ministère public », la Revue BANQUET, n°9, 1996/2, article précité.

    * 223BERLIOZ (J-C), « L'éthique du magistrat du parquet à l'audience », annexe IX du Dossier de réflexion sur « La responsabilité du juge », réalisé par le Centre des ressources de l'Ecole Nationale de la Magistrature en France, dossier disponible sur le site : www.enm.justice.fr, p.59.

    * 224 Ibid., p.59.

    * 225 Idem.

    * 226Article 41 alinéa 1 du décret portant statut de la magistrature.

    * 227Le ministre de la justice transmet avec son avis, au président de la Commission de classement, les propositions d'inscription, les demandes personnelles d'inscription au tableau d'avancement ainsi que les dossiers des magistrats intéressés comportant les bulletins de notes des quatre dernières années et éventuellement les sanctions prononcées contre eux et non effacées. Les inscriptions sont décidées par vote sur la base de l'ancienneté et des bulletins de notes contenus dans le dossier du candidat proposé. Elles sont réservées aux magistrats dont les candidatures ont obtenu au moins la majorité des voix.L'inscription ne devant avoir lieu que dans les limites de places arrêtées par le Ministre de la Justice pour chaque grade, en fonction des crédits budgétaires et des besoins prévisibles. La préférence va de droit à celles qui ont obtenu le plus grand nombre de voix jusqu'à concurrence du nombre de places fixé pour chaque grade. L'inscription au tableau d'avancement se fait par ordre alphabétique. Elle est constatée par arrêté du ministre de la Justice et affichés au palais de justice et au ministère de la justice.Le magistrat inscrit au tableau d'avancement, doit en principe être promu. Cependant, s'il ne l'a pas été avant expiration de l'année budgétaire il est réinscrit de droit et ne peut être radié que par mesure disciplinaire, et à l'issue de la troisième année, il bénéficie d'une promotion de grade s'il n'a pas fait l'objet d'une sanction depuis la première année de son inscription. L'élévation à la hors hiérarchie, ou la promotion de groupe à l'intérieur de la hors hiérarchie a lieu sans inscription préalable à un tableau d'avancement. L'élévation à la hors hiérarchie, la promotion de groupe et de grade emportent pour compter de sa date de prise d'effet, attribution du premier échelon de rémunération de la hors-hiérarchie, du groupe ou du grade. La promotion du deuxième grade au troisième grade emporte de sa prise d'effet, attribution de l'échelon de rémunération immédiatement supérieur à celui dont le magistrat promu était bénéficiaire au deuxième grade. Aucun magistrat ne peut être élevé à la hors-hiérarchie ou promu sans nomination à un emploi correspondant au groupe ou grade auquel il est élevé ou promu.

    * 228Article 52 du statut de la Magistrature.

    * 229Article 52 (e) du statut de la Magistrature, op. cit.

    * 230 Article 52, Ibid.

    * 231 Article 52 (3, 4, 5), Ibid.

    * 232 Article 52 (6), Ibid.

    * 233 Article 53 (2, 3), Ibid.

    * 234 Article 53 (2, 3), Ibid.

    * 235 Article 54 du statut de la magistrature, op. cit.

    * 236 Article 55 du statut de la magistrature, op. cit.

    * 237 Article 57(2) du statut de la Magistrature.

    * 238 Article 57(3), Ibid.

    * 239 Article 59, Ibid.

    * 240 Article 61, Ibid.

    * 241« Tout fonctionnaire est responsable de l'exécution des tâches qui lui sont confiées. A ce titre, il est tenu d'obéir aux instructions individuelles ou générales données par son supérieur hiérarchique dans le cadre du service, conformément aux lois et règlements en vigueur. Il n'est dégagé d'aucune des responsabilités qui lui incombent du fait de l'action de ceux qui sont placés sous ses ordres, son autorité ou son contrôle, sauf cas de faute personnelle commise par ces derniers ».

    * 242Cette obligation de réserve constitue le fondement de la notion de « pli confidentiel » dans la procédure de communication du dossier d'instance en matière administrative. Note NTAH Henri.

    * 243Le Rapporteur public en France est chargé depuis le décret n°2009-14 du 7 janvier 2009 de donner en toute indépendance son point de vue sur tout litige soumis à son appréciation par le juge administratif. Voir NTAH (H), Le Ministère public dans le contentieux administratif au Cameroun : contribution à l'étude des organes de la juridiction administrative camerounaise, op.cit., p. 7.

    * 244NTAH (H), Le Ministère public dans le contentieux administratif au Cameroun : contribution à l'étude des organes de la juridiction administrative camerounaise, op.cit., p. 398.

    * 245 La relation entre la loi nationale et la loi étrangère, entre règle de jus cogens et les conventions particulières, entre règle transnationale et le contrat international, entre la loi et le contrat, entre l'acte règlementaire et l'initiative individuelle participe, dans un système juridique, à la réalisation de l'ordre public. Note NTAH (H), op.cit., p. 236.

    * 246 Le ministère public est investi devant les juridictions administratives de la mission fondamentale de défendre les intérêts de la société. De la même façon, le requérant lorsqu'il agit en justice défend un intérêt qui découle de la violation par l'administration d'un de ses droits. Ce qui les met au même pied d'égalité en tant que partie au litige et les rend indépendant chacun de l'autre.

    * 247EZO'O ENGOLO (B-A), L'opportunité des poursuites du ministère public, Mémoire de maîtrise en droit privé, option pratique et contentieux de droit privé, Université de Yaoundé, 1985-1986, p.72.

    * 248Arrêt n°5/A/CS/AP, du 18 août 1994, PG/CS contre Kamga. Jurisprudence citée par NTAH (H), op. cit., p. 404.

    * 249 Arrêt n°4/A/CS/AP, du 16 février 1978, État du Cameroun et Procureur Général près la Cour Suprême contre Dame veuve Elom née Perrier Daniel. Ibid.

    * 250 Arrêt n° 5/A/AP du 21 novembre 1985. PG/CS contre Sighoko Fossi Abraham/voir dans le même sens, l'Arrêt n°10/A/CS/AP du 26 mars 1987 État du Cameroun, PG/CS contre Sighoko Abraham. Ibid.

    * 251Article 3 du décret n°95/058, op. cit.

    * 252NTAH (H), Le Ministère public dans le contentieux administratif au Cameroun : contribution à l'étude des organes de la juridiction administrative camerounaise,op.cit., p.144.

    * 253 C'est la période du Ministre juge de l'administration.

    * 254Les dépens représentent la part des frais engendrés par le procès que le gagnant peut se faire rembourser par le perdant, en moins que le tribunal n'en décide autrement. Ils comprennent les droits de plaidoirie (différents des honoraires de plaidoirie des avocats), les frais de procédure, la taxe des témoins.

    * 255 La prise à partie est organisée par l'article 246 du code de procédure civile et commerciale qui dispose de la manière suivante que :

    1. « s'il y a dol, concussion ou faute professionnelle qu'on prétendait avoir été commis, soit dans l'instruction, soit lors des jugements ;

    2. si la prise à partie est expressément prononcée par la loi ;

    3. si la loi déclare les juges responsables à peine de dommages -intérêts ;

    4. s'il y a déni de justice ».

    * 256Cité par KABASELE MUAMBA (F), in Le ministère public congolais; organe fortement hiérarchisé nécessitant sa réforme, Licence, Université de Kinshasa, 2010, p. Cf. www.memoireonline.com

    * 257ABA'A OYONO (J-C), « Les mutations de la justice camerounaise à la lumière du développement constitutionnel de 1996 », op. cit., p.14.

    * 258 Ibid.

    * 259 Ibid.

    * 260LA FONTAINE (J), Les Animaux malades de la peste, in les fables, classiques de poche, 1996, p.136.Cité par NTAH (H), in Le Ministère public dans le contentieux administratif au Cameroun : contribution à l'étude des organes de la juridiction administrative camerounaise, op.cit., p. 410.

    * 261Communication n° 1347/2005, Dudko c. Australie, par 7.4.

    * 262Voir par exemple De Haes et Gijsels c. Belgique, 24 février 1997. Voir MOLE (N) et HARBY (C), « Le droit à un procès équitable. Un guide sur la mise en oeuvrede l'article 6de la Convention européennedes Droits de l'Homme », Précis sur les droits de l'homme, no 3, Belgique, 2007, p. 51.

    * 263 Il s'agit, de la Déclaration Universelle des droits de l'homme, article 10 qui énonce que, « toute personne a droit, en pleine égalité, à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) » ; du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, article 14 alinéa 1 qui prévoit que, « Tous sont égaux devant les tribunaux et les cours de justice. Toute personne à droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) ». De même, l'article 26 du même texte poursuit en énonçant que, « Toutes les personnes sont égales devant la loi et ont droit, sans discrimination, à une protection égale ».Par ailleurs, la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 pose dans ses articles 1er et 6 que : « Les hommes demeurent libres et égaux en droits » et que, « la loi doit être la même pour tous ». 

    * 264Le juge administratif camerounais, à l'occasion de l'arrêt EKINDI Joël, s'interroge « mais qu'est-ce qu'une procédure contentieuse administrative ? C'est dirons nous, les modalités par lesquelles les juges peuvent être saisis, les modalités selon lesquelles les affaires sont instruites et enfin les modalités selon lesquelles les décisions juridictionnelles doivent intervenir et surtout les modalités selon lesquelles les affaires sont introduites». Voir BINYOUM (J), Droit administratif, cours polycopié, 2ème année de Licence, 1984, p.208.

    * 265RIDEAU (J), « Le droit au juge : conquête et instrument de l'Etat de droit », in Le droit au juge dans l'union européenne,RIDEU (J), (s.dir),LGDJ, paris,1998,pp.3-7.

    * 266GARRIDO (L), le droit d'accès au juge administratif. Enjeux, progrès et perspective, Thèse pour le doctorat en droit, Université Montesquieu-Bordeaux, p.57.

    * 267COHEN-Jonathan (G), « Le droit au juge », in Liber amicorum jean Waline, Gouverner, administrer, juger, Dalloz, paris, 2002, p.476.

    * 268FRISON-ROCHE (M-A), « Le droit d'accès à la justice et au droit », in Libertés et droit fondamentaux, 12ème éd., sous la dir. De CABRILLAC (R), FRISON-ROCHE (M-A), Th. Revet, Paris, Dalloz, 2006, p.458.

    * 269Communication n°202/1986, Ato del Avellanal c. Pérou, par. 10.2 (limitation à l'époux du droit d'ester en justice en ce qui concerne les biens patrimoniaux, ce qui prive les femmes mariées de ce droit). Voir aussi l'Observation générale no 18 (1989): Non-discrimination, par. 7.

    * 270CONAC (G), « le juge et la construction de l'Etat de droit en Afrique », Mélanges BRAIBANT, paris, Dalloz, 1997, pp.116-117, et CASSIN (René), Dualité de juridictions, la justice, paris, PUF,720, cité par DEGNI SEGUI (R), « l'accès à la justice et ses obstacles », in l'effectivité des droits fondamentaux dans les pays de la communauté francophone, Colloque international, ile Maurice, AUPELF-UREF, 1993, p.241.

    * 271RIVERO (J), « sanction juridictionnelle et règle de droit », Mélanges Ulliot DE LAMORANDIERE, Paris, Dalloz, 1964, p.457.

    * 272MORISETTE (Y-M), « L'accès à la justice et droits fondamentaux comme moyen et comme fin », in L'effectivité des droit fondamentaux dans les pays de la communauté francophone, Actes du colloque international tenu du 29 septembre au 1er octobre à Port Louis, République de Maurice, Ed Eric Koehe, AUPELF, France, 1994, p. 263.

    * 273La déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948 en son article 8 reconnaît à toute personne « le droit à un recours effectif devant les juridictions nationales compétentes (...) ». Ce texte poursuit dans son article 10 que : « toute personne a droit en plein égalité, à ce que sa cause soit entendue(...) ».de même, l'article 14 alinéa 1 du pacte international relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966 prévoit que,  «Tous sont égaux devant les tribunaux et les cours de justice. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue(...) ». Par ailleurs, la convention américaine des droits de l'homme du 22 novembre 1961 énonce en son article 8 alinéa 1 que : «Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue avec les garanties voulues (...) ».

    * 274 Il s'agit ici de la convention européenne des droits de l'homme article 6 alinéa 1 «Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement ». Et de la charte africaine des droits de l'homme et des peuples de 1981. En effet, d'après son article 7 « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue ce droit comprend(...) le droit de saisir les juridictions nationales compétentes de tout acte violant les droits fondamentaux qui lui sont reconnus et garantis par les conventions, les lois, règlements et coutumes en vigueur (...) ».

    * 275Dans cet arrêt, La cour a estimé que, « Si ce texte [celui de l'article 6 paragraphe 1] passait pour concerner exclusivement le déroulement d'une instance déjà engagée devant un tribunal, un Etat contractant pourrait, sans l'enfreindre, supprimer ses juridictions ou soustraire à leur compétence le règlement de certaines catégories de différends de caractère civil pour le confier à des organes dépendants du gouvernement [...].

    Aux yeux de la Cour, on ne comprendrait pas que l'article 6 paragraphe 1 décrive en détail les garanties de procédure accordées aux parties à une action civile en cours et qu'il ne protège pas d'abord ce qui seul permet d'en bénéficier en réalité : l'accès aux juges. Equité, publicité et célérité du procès n'offrent point d'intérêt en l'absence de procès »

    * 277WACHSMANN (P), Les droits de l'homme, 4ème éd., Dalloz, Paris, 2002, P. 121.

    * 278GARRIDO (L), op. cit., p. 89.

    * 279FAVOREU (L), Du déni de justice en droit Français, Paris, LGDJ, 1964, p. 555.

    * 280WALLINE (M), Préface à la thèse de FAVOREU (L), Du déni de justice en droit public français, Paris, LGDJ, 1964, p. 2.

    * 281Voir SIETCHOUA DJUITCHOKO (C), « Perspectives ouvertes à la juridiction administrative du Cameroun par la loi n°96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la constitution du 02 juin 1972 », Annales de la faculté des sciences juridiques et politiques de l'université de Dschang, Tome 1, volume1, 1997, PP.162-175.

    * 282 Ces maux étaient divers comme le précise le professeur Célestin Keutcha Tchapnga dans son « précis de contentieux administratif au Cameroun » à savoir : «la centralisation excessive de la justice administrative qui siégeait uniquement à Yaoundé (...) ».

    * 283 Article 6 de la loi n° 2006/022 du 19 décembre 2006 fixant l'organisation et le fonctionnement des tribunaux administratif.

    * 284 Article 8(1) de la loi op.cit.

    * 285Article 8 de la loi n°2006/022, op.cit.

    * 286 V. Annexe n°1, n°2 et n°3 dans KEUTCHA TCHAPNGA (C), « Précis de contentieux administratif au Cameroun », Paris, L'Harmattan, 2013, pp. 239-245.

    * 287 Voir article 14 de la loi n°2006/022 du 29 décembre 2006 op. cit.

    * 288 Voir le titre IV du règlement n° 4/99/UEAC-CM-639 du 18 aout 1999 portant règlementation des pratiques étatiques affectant le commerce entre les Etats membres fixe les règles relatifs aux règles communautaires de mise en concurrence et de publicité des marchés publics dans les Etats membres. En effet, l'article 17 et 18 de ce texte prévoit que, l'autorité communautaire se reconnait une compétence exclusive dans ce domaine au détriment du juge administratif. Voir KEUTCHA TCHAPNGA (C), « Précis de contentieux administratif au Cameroun », op. cit., p.80.

    * 289Cette compétence lui à d'abord été conféré par la loi du 4 juillet 1984 portant modification de l'ordonnance n°73/17 du 22 juillet 1973 organisant la CNPS ; ensuite par la loi n° 2011/17 du 18 décembre 2001 portant réaménagement des procédures de recouvrement des cotisations sociales les textes législatifs ont été prolongés par des arrêtés conjoints qui assimilent désormais les créances de cotisations sociales aux créances de l'Etat. En effet, elles ont désormais le même rang que les créances fiscales et sont recouvrées dans les mêmes conditions que celles prévues par le code général des impôts. Au final, c'est l'article 18 nouveau de l'arrêté conjoint n°049 METPS/MINFI du 11 octobre 2002 qui vient lever définitivement toute incertitude sur la compétence du juge en la matière. Voir le jugement n°129/CS/CA du 26 aout 2010, Société Mobil oïl Cameroun SA contre CNPS ; jugement n°114/2010/ CS/CS du 31 mars 2010 Société SETUBA-CAM contre CNPS.

    * 290 La compétence sur les libertés publiques comprend : les arrêtés ministériels de suspension ou de dissolution d'une association ; le refus explicite ou implicite d'autoriser l'existence légale d'un partie politique ; l'interdiction et la saisi des organes de presse ; enfin la loi n°1997/012 du 10 janvier 1997 fixant les conditions d'entrée de séjour et de sortie des étrangers au Cameroun. Voir également KEUTCHA TCHAPNGA (C), « Précis de contentieux administratif au Cameroun », op. cit., pp. 80-84.

    * 291 Il s'agit des élections dans les ordres professionnels et les contentieux dans les chambres consulaires.

    * 292 Voir l'article 126 du livre deuxième régissant les procédures fiscales.

    * 293 Il s'agit de la réparation des préjudices découlant du fonctionnement défectueux des services publics de l'administration des douanes, l'administration fiscale, du retard administratif.

    * 294 Précisément sur la responsabilité sans faute de l'administration du fait des dommages des travaux publics. Voir le jugement sur l'affaire ONDOUA ATANGANA Paul 28 février 1992. Voir aussi l'arrêt Dame NGUE André et Salomon du 25 mars 1969.

    * 295Voir article 12 de la loi N°2006/016 du 29 décembre 2006 fixant l'organisation et le fonctionnement de la cour suprême.

    * 296 Voir article 9(1) de la loi op. cit.

    * 297KEUTCHA TCHAPNGA (C), Précis de contentieux administratif au Cameroun : aspect de l'évolution récente, op. cit., p. 149.

    * 298AUBY (J-M), « Les modes alternatifs de règlement des litiges. Les recours administratifs préalables »,

    AJDA, 1997, p. 11.

    * 299JACQUOT (H),« Le Contentieux administratif au Cameroun », 1re, RCD, n° 7, janvier juin 1975, p. 113.

    * 300BRISSON (J-F), Les recours administratifs en droit public français. Contribution à l'étude du contentieux administratif non juridictionnel, Thèse, Paris, LGDJ, 1996, p. 446.

    * 301Ibid

    * 302MOMO (B), « Le problème des délais dans le contentieux administratif camerounais », Annales de la

    Faculté des sciences juridiques et politiques de l'université de Dschang, T. 1, vol. 1, 1997, p.138.

    * 303 BRISON (J-F), op. cit ; PREVEDOUROU (E) parle de « désencombrement des tribunaux administratifs », Les recours administratifs obligatoires. Etude comparée des droits allemand et français, Thèse, Paris, LGDJ, 1996, p. 154.

    * 304 MESCHERIAKOFF (Alain-Serges), « Le régime juridique du recours gracieux préalable dans la jurisprudence administrative camerounaise », RDC n °15 et 16, 1978, p. 44.

    * 305PREVEDOUROU (E), Les recours administratifs obligatoires .Etude comparée des droits allemand et

    Français, op.cit.,p. 302.

    * 306 Ibid., pp. 165-183.

    * 307 V. CS/CA, jugement n°12/CS/CA/du 27 avril 1978, Item Dieudonné contre Etat du Cameroun

    * 308KAMTO (M), Droit administratif processuel du Cameroun.Que faire en cas de litige avec l'administration ?, PUC, Yaoundé, 1990, p.153.

    * 309JACQUOT (H), op. cit., 2e partie, p. 113.

    * 310Il en est ainsi du contentieux de la suspension, de la dissolution des associations et des organisations non gouvernementales ; du contentieux de la législation, de la suspension, de la dissolution des partis politiques ; du contentieux électoral municipal et du contentieux électoral au sein des Chambres consulaires.

    * 311En ce sens, cf. CS/CA, jugement n°17 du 27 janvier 1983, Simo Thomas contre Etat du Cameroun ; CS/CA, jugement n°27/98-99 du 29 avril 1999, Etémé Ongolo Gabriel et autres contre Etat du Cameroun ; CS/CA , jugement n°12/99-2000 du 25 novembre 1999, Nyamsi Ketsemen et autres contre Etat du Cameroun ; CS/CA, jugement n°13/99-2000 du 25 novembre 1999, Ahanda Noah Joseph Michel contre Etat du Cameroun ; CS/CA, jugement n°68/99-2000 du 28 septembre 2000, Nche Simon Tabong contre Etat du Cameroun .

    * 312Voir, dans ce sens, notamment KAMTO (M), Le droit administratif processuel du Cameroun, op. cit. Du même auteur, « la fonction administrative contentieuse de la Cour Suprême », article précité, pp.31-67. NLEP (R-G), L'administration publique camerounaise, op.cit. JACQUOT (H), « Le contentieux administratif au Cameroun », article précité. MESCHERIAKOFF (A-S), « Le régime juridique du recours gracieux dans la jurisprudence administrative camerounaise », RCD n° 15 et 16, 1978, pp. 42- 55. KAMDEM (J-C), L'intérêt et la qualité dans la procédure administrative contentieuse », RCD n°28, 1984, pp. 59-72. Note KEUTCHA TCHAPNGA (C).

    * 313C'est qui a été le cas dans l'affaire Société des fournitures Industrielles (SFIC) du Cameroun, objet du jugement n°007 du 14 janvier 2009, par exemple, le juge de l'espèce a déclaré irrecevable la demande de dommages- intérêts de la SFIC pour absence ou défaut de RGP ; Il a eu la même position dans le jugement n° 129 du 25 aout 2004, DIAB FC de Bandja et Panthère de Banganté contre Fédération camerounaise de football (FECAFOOT). Voir KEUTCHA TCHAPNGA(C), op. cit., p.151.

    * 314CS/CA, jugement n°12 du 27 avril, Item Dieudonné contre Etat du Cameroun ; CS/CA, jugement n° 4 du 25 mai 1989, Zengue Ngounou contre Etat du Cameroun. Cité par KEUTCHA TCHAPNGA (C), in, Précis de contentieux administratif au Cameroun : aspect de l'évolution récente, op. cit., p.151.

    * 315ABA'A OYONO (J-C), La compétence de la juridiction administrative en droit camerounais, Thèse de Doctorat (N-R) en droit public, Université de Nantes, 1994, p. 274.

    * 316KEUTCHA TCHAPNGA (C), Précis de contentieux administratif au Cameroun : aspect de l'évolution récente, op. cit., p. 156.

    * 317Voir KEUTCHA TCHAPNGA(C),Précis de contentieux administratif au Cameroun : aspect de l'évolution récente, op. cit., p. 158.

    * 318 Ibid., p.165.

    * 319 Arrêt n°662/CCA du 25/10/1957 : KANDEM NINYIM Pierre c/Etat du Cameroun.

    * 320 KAMTO (M), « la fonction administrative contentieuse de la cour suprême du Cameroun », op cit, p. 44.

    * 321Jugement n°29 du 29 novembre 1979, Elites BANKA représentées par MBOUENDEU jean de Dieu.

    * 322 Voir Arrêt n°73 du 29 mars 1972 : EITEL MOUELLE KOULA c/Etat du Cameroun.

    * 323 Jugement n°51 du 29 mars 1969 CA/CS, BABA YOUSSOUFA c/Etat du Cameroun.

    * 324 Jugement n°30 du 31 mars 1977, MBOCKA NTONGO MPONDO Guillaume.

    * 325 Jugement n°36 du 26 mai 1977, TEUGUIA Gabriel c/ Etat du Cameroun

    * 327 Ibid., pp 481-482.

    * 328 Ibid., p. 482.

    * 329 LALIGANT (M), « La notion d'intérêt pour agir et le juge administratif », RDP ,1972. P.50.

    * 330 Article 19 alinéa 2 de la loi n°2006/022, op. cit.

    * 331 Voir BINYOUM, Les grands Arrêts de la jurisprudence Administrative Camerounaise, Op.cit., p.144 jugement n°59/CS/CA du 24 avril 1986 Matip II Jean Baudelaire.

    * 332 Article 32 (1) de la loi n°2006/022 op. cit.

    * 333 Article 34 (3) Ibid.

    * 334 Article 33 Ibid.

    * 335 CE. 17 décembre 2003, Meyet et autres, AJDA, 2004, note MARKUS (J-P).

    * 336JEULAND (E.), Droit Processuel, op. cit., p. 185.

    * 337Voir la loi n°2009/004 portant organisation de l'assistance judiciaire :articles 9, 19, 33, 38, 45,48, etc.

    * 338CHAPUS (R), Droit administratif général, T1, 15ème éd., Paris, Montchrestien, 2001, p.948.

    * 339CARRE DE MALBERG (R), Contribution à la théorie générale de l'Etat, op. cit., p. 529, et CHAPUS (R) , op. cit., p. 948.

    * 340 Voir LAFERRIERE (E), Traité de la juridiction administrative, 2ème èd., T2, p. 32 et suiv.

    * 341CARRE DE MALBERG (R), op.cit., pp. 523-548.

    * 342 CE, 1ermai 1822, Laffitte, Rec., p. 371. En l'espèce, le CE considère que, la décision du Ministre des Finances qui intéresse le statut de la famille de Bonaparte touche une « question politique » relèvent exclusivement du gouvernement. Note GUIMDO DONGMO (B-R).

    * 343 CE. 9mai 1867, Duc D'Aumale, Rec. 472, conclusion AUCOC, S. 1867.2.124.Le CE considère que la saisine d'un ouvrage du Duc et le refus de lui restituer les exemplaires saisis, doivent être considérés comme des « actes politiques » insusceptibles d'être déférés devant le CE pour excès de pouvoir. Cité par ABA'A OYONO (J-C), La compétence de la juridiction administrative en droit camerounais, op.cit., p.359.

    * 344 Dans l'arrêt Duc d'Aumale, le Conseil d'Etat affirmait que : « Les actes politiques ne sont pas de nature à être déférés pour excès de pouvoir par la voie contentieuse ».

    * 345 Dans ce sens, v. CS/CA, jugement ADD n°66/78-79 du 31 mai 1979, Kouang Guillaume Charles c/Etat du Cameroun ; CS/CA, jugement n°7 du 29 novembre 1979, Essomba Marc Antoine c/Etat du Cameroun. Dans ces décisions, le juge administratif avait repris cette formule et estimé que la désignation des chefs traditionnels n'était pas un acte de gouvernement.

    * 346Entre dans cette catégorie : les décrets prononçant la dissolution de l'Assemblée Nationale ; des actes déterminant les modalités de l'élection à l'Assemblée Nationale, des actes portant convocation du collège électoral en vue des élections à l'assemblée national, des actes portant convocation de la première session d'une nouvelle législature. Les décisions du gouvernement relativement à l'exercice de son droit d'initiative des lois : dépôt d'un projet de loi ou le retrait d'un tel projet ; le refus de déposer un projet de loi ; le dépôt d'une demande nouvelle délibération d'une loi ; le refus d'une telle demande...etc.

    * 347 C'est le cas de actes portant sur : La négociation des traités ; du paraphe des traités ; de la signature des traités ; de la signature des traité ; des instructions envoyées aux agents diplomatiques ; les mesures d'exécution des traités ; la protection diplomatique. Etc.

    * 348CE du 19 février 1875, Prince Napoléon grands arrêts n°3).

    * 349OWONA (J), Le Contentieux administratif de la République du Cameroun, Paris, L'Harmattan, 2011, p.72.

    * 350 ABA'A OYONO (J-C), La compétence de la juridiction administrative en droit camerounais, op.cit., p.388.

    * 351 Ibid., p. 388.

    * 352Jugement n°39/CS/CA du 25 mai 1989, EGBE BESSONG Alfred c/Etat du Cameroun ; jugement n°66/CS/CA du 29 juin 1989 NKFU Simon NGWE c/ Etat du Cameroun ; jugement n°16/CS/CA du 23 novembre 1989 EYONG EGBE Martin c/Etat du Cameroun. Note ABA'A OYONO (J-C).

    * 353Voir ATEMENGUE (J-N), « Les actes de gouvernement sont-ils une catégorie juridique ? Discussion autour de leur origine française et de leur réception camerounaise », in Juridis Périodique n°42, avril-mai-juin 2000, p.104.

    * 354 Ibid.

    * 355Loi n°79/17 du 30 juin 1979 relative aux contestations soulevées à l'occasion de la désignation des chefs traditionnels. J.O.R.U.C. du 1er juillet 1979.

    * 356ATEMENGUE (J-N), op. cit., p.104.

    * 357Voir BILONG (S), « Le déclin de l'Etat de droit au Cameroun : Le développement des immunités juridictionnelles », in Juridis Périodique n°62, avril-mai-juin 2005, p. 54. Arrêt n°17/CS/AP du 19 mars 1981 : Etat du Cameroun c/Enfant du Chef Banka ; Collectivité Deido-douala c/Etat du Cameroun ; KOUANG Guillaume Charles c/Etat du Cameroun.

    * 358Jugement n°39/CS/CA du 25 mai 1989, EGBE BESSONG Alfred c/Etat du Cameroun ; jugement n°66/CS/CA du 29 juin 1989 NKFU Simon NGWE c/ Etat du Cameroun ; jugement n°16/CS/CA du 23 novembre 1989 EYONG EGBE Martin c/Etat du Cameroun. Note ABA'A OYONO (J-C).

    * 359 C'est le cas par exemple de le jugement n°7/CS-CA du 29 novembre 1979 Essomba Marc Antoine c/Etat du Cameroun.

    * 360 Loi n°2003/016 du 22 décembre 2003 relative au règlement des litiges portant sur les limites des circonscriptions administratives et des unités de commandement traditionnel

    * 361PREVEDOUROU Eugénie, Les recours administratifs obligatoire. Etudes comparées des droits Allemands et français, LGDJ, Bibliothèque de droit public, 1996, p.1. Cité par BILONG (S), article précité

    * 362BILONG (S), op. cit., p.61.

    * 363CHAPUS (R),Droit administratif générale, T1, 15ème éd., Paris Montchrestien, 2001, p. 948.

    * 364 Ibid., pp. 511-524.

    * 365 CE, 29 janvier 1954, Institution Notre Dame De Kreisker ; Rec., p. 64 ; AJDA, 1954, II bis, chron.F. Gazizer et M. Long.

    * 366 Acte qu'il a d'ailleurs annulé pour excès de pouvoir : CS/CA, jugement n°43/82-83 du 7 avril 1983, affaire Kouoh Emmanuel Christian c/ Etat du Cameroun, confirmé en appel : CS/AP, arrêt n°4 A du 21 novembre 1985, AFFAIRE Etat du Cameroun c/ Kouoh Emmanuel Christian, avec la note de Aloys Mpessa in jurididis périodique n°59 de juillet-aout-septembre 2004, pp. 58-67.

    * 367 Sur la question, lire NLEP (R-G), note sous le jugement du 28 janvier 1982, Dame Binan née Ngo Njom fidèle c : Etat du Cameroun, in Recueil Penant n° 791, 1986 pp. 354-360.

    * 368 Voir par exemple, CS/CA jugement n°01/84-85 du 25 octobre 1984, Otele Biyidi Dieudonné c/ Etat du Cameroun

    * 369 Le juge administratif Camerounais l'a clairement dit dans le jugement dame Binan née Ngo Njom Fidèle précité en affirmait qu'un tel acte est une « mesure(...) « annonciatrice »(...) il ne s'agit donc pas d'une mesure d'instruction proprement dite(...) ; une telle mesure ne peut donner lieu à un recours pour excès de pouvoir ».en tant que mesure conservatoire, la suspension doit prendre fin automatiquement à l'issue de la durée réglementaire prévue par le Statut Général de la Fonction publique(V. CS/CA jugement n°5/90/91 du 29 novembre 1990, Amougou Linus c/ Etat du Cameroun.

    * 371 CS/CA jugement n° 27/79 du 25 octobre 1984, Otele Biyidi Dieudonné c/ Etat du Cameroun.

    * 372 Voir FAVOREU (L), Du déni de justice en droit public français, LGDJ, op. cit., p.503 et RENOUX (T-S), op.cit., p. 214

    * 373Voir FAVOREU (L), op. cit., pp. 194-269, pour ce qui est des actes de gouvernement, et pp. 444-503, pour ce qui concerne les actes internes de l'administration.

    * 374FAVOREU (L), Point de vue sur l'arrêt Brouant, op. cit., p. 10.

    * 376 Cette consignation d'après l'article 34 (1) de la loi n°2006/022 est de (2000 F).

    * 377 CS/CA, jugement n° 25/ 82.83 du 24 janvier 1983, Azegue Amougou Gabriel c/ Etat du Cameroun

    * 378 CS/CA, jugement n° 74 du 27 septembre 1979, Tale Ntem c/ Etat du Cameroun.

    * 379KAMTO (M), Droit administratif processuel du Cameroun, op. cit., p.95.

    * 380KLEIN (C), « les dépens devant les juridictions administratives », RDP, 1967, P. 1091.

    * 382GJIDARA (M), La fonction administrative contentieuse, LGDJ, Paris, 1972, p. 181.

    * 383PACTEAU (B), Contentieux administratif, 7ème éd., PUF, Paris, 2002, n° 258.

    * 384SAWADOGO (F-M), « l'accès à la justice en Afrique francophone : problème et perspective, le cas du Burkina Faso », RJPIC n°2, 1995, p.173.

    * 385 GARRIDO (L), op. cit., p. 117.

    * 386 Ibid.

    * 387 Cet article dispose que « l'organisation , le fonctionnement, la composition, les attributions des Cours d'Appel, des tribunaux de l'ordre judiciaire, des tribunaux administratifs et des juridictions inférieurs des comptes ainsi que les conditions de saisine et la procédure suivie devant eux sont fixés par la loi ».

    * 388KAMTO (M), « La fonction administrative contentieuse de la cour suprême du Cameroun », op. cit, p.31.

    * 389Ibid., p.38.

    * 390JACQUOT (H), « Le contentieux administratif au Cameroun », op. cit., p. 20.

    * 391BIPOUM WOUM (J-M), « Recherches sur les aspects actuels de la réception du droit administratif dans les Etats d'Afrique noire d'expression française :le cas du Cameroun », RJPIC n° 3, 1972, p. 366.

    * 392KAMTO (M), La fonction administrative (...)», op.cit.

    * 393KEUTCHA TCHAPNGA (C), Précis de contentieux administratif au Cameroun : aspect de l'évolution récente, op. cit., p. 131.

    * 394 Voir OWONA (J), Le Contentieux administratif de la République du Cameroun, op. cit., p.94.

    * 395KEUTCHA TCHAPNGA (C), Précis de contentieux administratif au Cameroun : aspect de l'évolution récente, op. cit., p. 131.

    * 396Voir NGOLE NGWESE (P) et BINYOUM (J), Eléments de Contentieux administratif camerounais, op.cit.,p. 71.

    * 397 En effet, la substance de ces textes énonce que, « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement».

    * 398 GOHIN (O), Contentieux administratif, 2e éd., Paris, Litec, 1999, p.220.

    * 399CHAPUS (R), Droit administratif général, op. cit. , p. 776.

    * 400CE, 29 juillet, Mme Esclatine.

    * 401CADIET (L), NORMAND (J) et AMRANI MEKKI(S), Théorie générale du procès, op. cit., p. 660.

    * 402ROLAND (B), procédure civile, Levallois-Perret, Studyrama, 3ème éd., 2013, p. 104.

    * 403Ibid.

    * 404GOHIN (O), La contradiction dans la procédure administrative contentieuse, thèse, Paris, LGDJ, 1988, p. 60.

    * 405 CE, Section., 25janvier 1957, Raberanto, Rec., p. 66.

    * 407ODENT (R), Contentieux administratif, Institut d'Etudes Politiques, 1970-1971, Paris, p. 721.

    * 408CE, 29 juillet, Mme Esclatine.

    * 409GOHIN (O), La contradiction dans la procédure administrative contentieuse, op. cit., p. 52.

    * 411 Ibid.

    * 412 Ibid.

    * 413 Ibid.

    * 414 En ce sens, voir DEBBASCH (C), Contentieux administratif, Coll. Précis Dalloz, 3ème éd., 1981, n°443, p.459.

    * 415 Cette importance découle du fait de la force du demandeur principal, qui exerce l'action publique en vue de la défense des intérêts généraux de la société, et le risque éventuel pour le défendeur d'être condamné à une peine privative de liberté, dès lors que la loi l'a prévue et qu'elle est effectivement encourue.

    * 417 Voir SUDRE (F), La convention européenne des droits de l'homme, Paris, PUF, «Que sais-je ? », 2010, p.81. ; Les grands arrêts de la cour européenne des droits de l'homme, Paris, PUF, 2007, p.245.

    * 418 Il s'agit essentiellement de la loi n°2006/016 du 29 décembre 2006 fixant l'organisation et le fonctionnement de la Cour Suprême et de la loi n° 2006/022 du 29 décembre 2006 fixant l'organisation des tribunaux administratifs.

    * 419 Il s'agit de la Déclaration universelle des droits de l'homme, article 10, et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, article 14 alinéas 1.La contradiction ne figure en tant que telle dans aucun de ces textes. En réalité, la cause comme nous le disent la Déclaration universelle des droits de l'homme et le pacte international relatif aux droits civils et politiques, doit être « entendue équitablement », et nul ne peut sérieusement imaginer un procès équitable sans contradiction entre les parties. En revanche, la Charte Africaine des droits de l'homme et des peuples ne comporte pas une telle expression.De plus, si ce texte contient des exigences du procès équitable(droit de recours, impartialité de la juridiction, présomption d'innocence, délai raisonnable de jugement etc.), celle relative à la contradiction n'y figure ni expressément ni implicitement, sauf à l'assimiler aux droits de la défense prévu à l'article 7, alinéa 1 (c). Pourtant, l'article 27 alinéa 2, du règlement intérieur intérimaire fait obligation à la Cour Africaine des droits de l'homme et des peuples de procéder contradictoirement, et les arrêts de cette Cour ou ses membres expriment la préoccupation de respecter le principe du contradictoire, «qui doit s'appliquer à tout moment de la procédure »(CADH 26 juin 2012, Baghdadi ali mahmoudi c/ République de Tunisie, requête n°007/2012-SO. Opinion individuelle du juge Fatsah Ouguergouz. http://caselaw.ihrda.org/fr/doc/007.12_so/view/).Ainsi, on imagine mal que la Cour ne sanctionne pas le non-respect du contradictoire par les Etats membres. Sur le sujet d'une manière générale, voir NGUELE ABADA (M), « La réception des règles du procès équitable dans le contentieux de droit public », juridis périodique, 2005, n°63, pp. 19-33.

    * 420CHAPUS (R), Droit administratif général, T1, 13e éd., Paris, Montchrestien, 1999, p. 775.

    * 421KAMTO (M), « La fonction administrative contentieuse de la Cour Suprême du Cameroun », op. cit., p. 46.

    * 422 V.DEBBASCH (C) et RICCI (J-C), op. cit., p.386. Et LOMBARD (M), Droit administratif, 4e éd, Paris, Dalloz, 2001, p. 391.

    * 423LOMBARD (M), ibid. ; CHAPUS (R), Droit du contentieux administratif, op. cit., p. 517.

    * 424 CE, Section., 25janvier 1957, Raberanto, Rec., p. 66.

    * 425 Ibid., p. 520.

    * 426JACQUOT (H), op. cit., p. 119.

    * 427BENOIT (P-F), Le droit administratif Français, Paris, Dalloz, 1968, p. 384.

    * 428VEDEL (G)et DELVOLVE,Droit administratif, T2, 12è éd., Paris, PUF, 1992, p. 119.

    * 429Ibid.

    * 430 Article 39 (1), loi 2006/022 op.cit.

    * 431Article 36 alinéa 2 et article 37 alinéa 2. Devant la Chambre administrative statuant en appel, les mémoires et les pièces annexés sont déposés en quatre exemplaires et accompagnés de trois copies de déclaration de recours (article 76 alinéa 1 de la loi n°2006/016 du 29 décembre 2006). Le procédé est le même quand elle statue en cassation (article 92 alinéa 2).

    * 432Tel est aussi le cas dans la loi n°2006/016 du 29 décembre 2006 fixant l'organisation et le fonctionnement de la Cour Suprême (voir articles 78 al 2, et 95 alinéa 2).

    * 433Le Conseil d'Etat juge ainsi que lorsque les productions sont trop volumineuses pour être communiquées, le tribunal ne commet aucune irrégularité en avisant la partie concernée qu'elle peut en prendre connaissance au greffe (CE 26 février 1990, req n°41140, RFJ 1990, n°392, Dr.Fisc. 1990, n°27, comm. 1294.

    * 434 En appel, il est déposé dans les 15 jours de la notification de l'ordonnance du président de la chambre administrative. Le délai pour le dépôt des mémoires en réponse ou en réplique est aussi de 15 jours à compter du lendemain du jour de la notification des mémoires en défense ou en réplique. En cassation, le délai accordé au défendeur pour déposer son mémoire est de 30 jours à compter du lendemain du jour de la communication du dossier de l'affaire. Le délai pour le dépôt des mémoires en réponse ou en réplique est de 15 jours à compter du lendemain du jour de la notification des mémoires en défense ou en réplique.

    * 435 Article 42 alinéa 2 loi n°2006/022 op.cit.

    * 436 Article 41 ibid.

    * 437 Devant les tribunaux administratifs, l'article 38 alinéa 2 de la loi n°2006/022 du 29 décembre 2006 dispose que le délai pour déposer le mémoire en défense est prorogé en cas de demande d'assistance judiciaire. De même, conformément à l''article 40 alinéa 2 de ladite loi, le rapporteur peut, sur demande justifiée, accorder aux parties un délai supplémentaire pour le dépôt de leurs mémoires. Selon l'article 82 alinéa 2, de la loi n°2006/016 du 29 décembre 2006, en appel, le président de la chambre administrative peut, par ordonnance, accorder aux parties des délais supplémentaire pour le dépôt des divers mémoires. Toutefois, conformément à l'alinéa 3 du même texte, dans les affaires qui requièrent une célérité particulière, il peut, après avis du procureur Général, réduire ces délais de moitié ou de deux tiers. Ces dispositions sont reprises dans des termes proches par l'article 99 alinéas 3, s'agissant du recours en cassation.

    * 438 Expression utilisée par le Conseil d'Etat, qui peut toutefois lui préférer celle de « temps utile »ou bien toute autre expression équivalente, telle que « possibilité d'en prendre utilement connaissance », « délai nécessaire pour présenter utilement ses observations »ou encore « possibilité de répliquer utilement ».

    * 440Cette conception est développée par la CEDH, Qui considère que le droit à une procédure contradictoire implique en principe celui pour les parties de se voir communiquer et de discuter tout pièces ou observation présentée au juge en vue d'influencer sa décision, peu importe l'effet réel de la dite pièce ou observation sur la décision du tribunal (CEDH 24 octobre 2007, Baumet c. France, aff. 56802/00) :18 octobre 2007, Asnar c/ France req. n° 12316/04. AJDA, 2007, p.2009 ; 20 février 1996, Lobo Machado c/ Portugal et l'ermeulen c. Belgique, D. 1997. p. 208. Obs. Fricero). Note EFFA (J-P).

    * 442CE 4 juin 1920, Gleizes. Lebon. P.549.

    * 443 En France, cette finalité se vérifie par la jurisprudence qui admet la couverture du vice de procédure, constitué par le défaut de convocation dès lors que la partie non convoquée est présente aux opérations d'expertise(CE 22 mars 1866, De Bardiès, Lebon, p. 280).

    * 444 CE 16janvier 1976, Gate, Dubosc et autres. Perrimond et autres, (3 arrêts), Lebon, pp. 39 et s., précités

    * 445CE 10 juin 1932 ; Ollier. Lebon p. 570

    * 446 AUBY (J-M) et DRAGO (R), traité de contentieux administratif, T1, 3èmeéd., Paris, LGDJ, 1984, p.20.

    * 447Article 91 (1) de la loi n°2006/022 op.cit.

    * 448 Voir GOHIN (O), La contradiction dans la procédure administrative contentieuse, Thèse, Paris, LGDJ, 1988,p.267.

    * 449PERROT(R), Cours de droit judiciaire privé, Paris, les cours de droit, 1972-1973.

    * 450 Article 65(1) de la loi n°2006/022 op.cit.

    * 451Article 77 alinéa 1 et 2 loi n°2006/022 op.cit.

    * 452 Article 82, alinéa 1 et 2, ibid.

    * 453 Article 73, alinéa 2, ibid.

    * 454Article 75, alinéa 1, loi n°2006/022, op.cit.

    * 456 DEBBASCH (C) et RICCI (J-C), op. cit., p.285.

    * 457 VoirAUBY (J-M), « Le principe du contradictoire dans le contentieux administratif et disciplinaire », Rapport du XIIIème colloque des I.E.J. Aix-en-Provence, 20-22 novembre 1980. P. 393.

    * 458Le Conseil d'Etat considère ainsi que « le moyen tiré de ce que le caractère contradictoire de la procédure aurait été méconnu manque en fait », dès lors qu'un défendeur a été régulièrement convoqué à l'audience (CE 3 janvier 1969, Commune de Carsac-Aillac, Lebon, p. 1). Au contraire, c'est bien par le motif de l'atteinte au caractère contradictoire de la procédure qu'il décide d'annuler une décision intervenue sans convocation d'une ou des parties à l'audience (exemple : CE 21 novembre 1980, Commune de Lacapelle-viescamp (Cantal), req. n°12273). La même solution est transportable e cas de silence involontairement gardé par une partie convoquée à l'audience (CE 31 décembre 1976, Association « Les amis de l'ile de Groix».Lebon, p. 585 : JCP, 1977, 18589,conclu. Genevois). Note EFFA (J-P).

    * 459 CE 30 septembre 1955. Deschamps, Lebon, p. 457. De même, pour le président Odent, lorsqu'un texte accorde expressément aux intéressés le seul droit de présenter des observations orales, « ces parties doivent être avisées du jour ou leur affaire sera examinée » (ODENT (R), contentieux administratif, les cours de droits, éd. 1970-71, p.726. Cité in Gilbert Guillaume. concl. Sur CE 26 juillet 1978, Auguste, Lebon, p. 34° et AJDA, MAI 1979. P. 90.

    * 460 CE 22 novembre 2006. Lefauconnier, n°281.993.

    * 461 D'après l'article 52 (2), après la lecture du rapport « le Procureur Général donne ses conclusions sur tous les points soumis à la décision du tribunal ».Ce qui permet de s'assurer que seuls les faits et documents connus de tous ont été retenus.

    * 462 CE 26 juillet 1978, Auguste, Lebon, p. 336, concl. Guillaume.

    * 463 Voir BONNEAU (H), « tribunaux administratif-procédure ordinaire : instruction », JCA. ; fasc. 637, n°33

    * 464 Article 52 alinéa 4.

    * 465 CHAPUS (R), Droit du contentieux administratif, op. cit., p. 517.

    * 466MORAND-DEVILLER (J), « Le contrôle de l'administration : la spécificité des méthodes du juge administratif et du juge judiciaire », CERAP, Collectif, Le contrôle juridictionnel de l'administration, Bilan critique, Paris, Economica, 1991, p. 188.

    * 468RICHER (D). « Laprocédure contradictoire et le juge administratif de l'urgence », RFDA, 2001, p. 320.

    * 469En effet, l'alinéa 2 de l'article 27 de la loi n°2006/022 du 29 décembre 2006 prévoit que, le défendeur peut produire des observations en réponse, mais ne précisent pas qu'elles sont communiquées au demandeur. On peut ainsi envisager que cette transmission n'est pas obligatoire dans une procédure d'urgence, l'important étant d'informer le juge et de gagner du temps. En d'autres termes, le mémoire en défense peut ne pas être transmit au demandeur si le juge ne l'estime pas nécessaire, c'est-à-dire s'il dispose, avec les deux mémoires déjà produits, d'assez d'éléments pour statuer. C'est du reste ce que le Conseil d'Etat a jugé dans une situation semblable, en décidant que la communication au demandeur des observations en défense peut être refusée (voir CE, 29 mai 1981, M. Gubry, Req.02575). Il admet que l'urgence puisse dispenser le juge de communiquer la défense au demandeur (CE 29 mars 1985, Commune de Sisteron, req, n°62390), ou à l'inverse que l'urgence ne soit pas méconnue par la décision du juge de rapporter l'audience dans un cas où il estime nécessaire de communiquer la défense au demandeur (CE 29 octobre 1986, Société Locaver, req, n°74536). Note EFFA (J-P).

    * 471GROS (M), « Le juge administratif, la procédure et le temps », RDP, 1999, p. 1718.

    * 473DUGRIP (O), op. cit., p 94.

    * 474En l'espèce, le juge a eu à rappeler cette jurisprudence : « Attendu que les exceptionsd'ordre public peuvent être soulevées ou invoquées d'office, et en tout état de causepar le juge administratif ; Que peu importe que l'instance soit liée ou non parl'échange de mémoire entre les parties ; Que peu importe également le caractèrecontradictoire de l'instruction inquisitoriale du contentieux administratif, lorsqu'il y apossibilité de mettre un terme à l'instance sans continuation de l'instruction, s'ilapparaît au vu de la requête introductived'instance ou d'un certain niveau de l'instruction, que la solution est d'ores et déjà certaine ; Que cette procédure permet au Tribunal d'écarter les demandes manifestement irrecevables comme en l'espèce».

    * 475CS/CA, jugement n°60/91/92 du 17 septembre 1992, affaire UPC contre Etat du Cameroun.

    * 477Dans ce sens, V ordonnance n°25/CS/PCA/91-92 du 18 septembre 1992, affaire RDR contre Etat du

    Cameroun ; ordonnance n°26/CS/PCA/91-92 du 18 septembre 1992 , affaire PSLD contre Etat du Cameroun ; ordonnance n°28/CS/PCA/91-92 du 23 septembre 1992, affaire UNC contre Etat du Cameroun , ordonnance n°29/CS/PCA/91-92 du 23 septembre 1992, affaire FPS-PC contre Etat du Cameroun ; ordonnance n°32/CS/PCA/CS/91-2 du 30 septembre 1992, affaire Divine Kingdom people's party of Cameroon contre Etat du Cameroun ; ordonnance n°02/O/PCA/CS du 16 décembre 1992, affaire UPC - Manidem contre Etat du Cameroun. Voir GUIMDO DONGMO (B-R), op. cit., p. 246.

    * 479Ibid.

    * 480 CE 30 octobre 1959. Ministre des Affaires économiques c/ sieur Muret, Lebon, p.566. Ou encore qu'il « appartient au juge administratif pour l'instruction de l'affaire dont il est saisi de requérir des administrations compétente la production de tous documents qu'il juge de nature à permettre la vérification des allégations des parties en causes, à la seule exception de ceux des documents dont la communication contreviendrait à une prescription législative »(CE 24 octobre 1969, Ministre de l'Equipement et du logement c/ Gougeon. Lebon. P.457.

    * 481Vocabulaire utilisé par le code pénal.

    * 482 Telle est aussi la position du conseil d'état dans l'arrêt de principe. Secrétaire d'Etat à la guerre c/ Coulon (CE 11 mars 1955, Secrétaire d'Etat à la guerre c/ Coulon, Lebon. p.149

    * 483 Voir MARAM ASSOUMOU (R-S), La responsabilité pénale du médecin traitant dans le système pénal Camerounais, Mémoire de DEA, Université de Douala, 2006, www.memoireonline.com.

    * 485 On peut remarquer que la rédaction du texte camerounais, qui parle seulement d' « observations orales », est préférable au décret Français du 7 janvier 2009, lequel admettait la possibilité pour les parties ou leurs conseils de faire de « brèves observations orales »(ancien articles R. 732-1 et R.733-1 du CJA). Cependant, dans le fond, la situation est inversée, le mécanisme français répondant mieux au besoin ressenti d'un débat oral contradictoire. En effet, il s'agissait ici d'une reprise de parole des parties après le prononcé des conclusions du ministère public. C'était donc un « complément d'intervention » (PACTEAU (B), « Du commissaire au rapporteur, suite...à suivre ! », RFDA, 2009, p.67). Qui présentait l'avantage d'insérer le rapporteur public dans le contradictoire, par un droit des parties de lui répliquer oralement. Fût-ce par de brèves observations ». Sur la question, voir GOHIN (O), « Une réforme... ? », JCP Adm, 2009, p.216. Note EFFA (J-P).

    * 486 Article 44 de la loi n°2006/022 op.cit.

    * 487Selon les textes, « les demandes nouvelles présentées à l'audience sont irrecevables ».

    * 489 Voir article 52 alinéas 1 de la loi n°2006/022 op.cit.

    * 490EFFA (J-P), op. cit., p. 284.

    * 491 C'est justement pour résoudre cette difficulté que le décret français précité du 7 janvier 2009,enson article 1 (ancien article R. 732-1 du CJA), prévoyait une reprise de parole des parties après le prononcé des conclusions, pour présenter de « brèves observations orales ». Cette intervention complémentaire leur permettait enfin de répliquer ou répondre au rapporteur public.

    * 492 AUBY (J-M) et DRAGO (R), Traité des recours en matière administrative, Paris, Litec, 1992, p.335.

    * 493 Voir DEBOUY (C), Les moyens d'ordre public dans la procédure administrative contentieuse, PUF ? 1980, préface de LACHAUME (J-F), pp.457 et s. Aussi note sous CE 12 octobre 1979, Rassemblement des nouveaux avocats de France, AJDA, 1980, 1980, p. 250.

    * 494 Voir GOHIN (O), La contradiction dans la procédure administrative contentieuse, op. cit., p.464

    * 495 Article 44 alinéa 1 de la loi n°2006/022, op.cit.

    * 496 Article 44 alinéa 2, ibid.

    * 497 Article 45 , ibid.

    * 498 Article 46 alinéa 1, ibid.

    * 499 Article 46 alinéa 2, ibid.

    * 500 Article 47, ibid.

    * 502CHAPUS (R.), Droit du contentieux administratif, Paris, Montchrestien, 13 éd., 2008, p.898.

    * 503Un arrêt Lilly France c/ France du 14 octobre 2003 rappelle que « la question de l'absence de communication du rapport du conseiller rapporteur au justiciable ne soulève un problème au regard de l'article 6 (de la convention EDH) que dans la mesure où, ledit rapport a été communiqué à l'avocat général avant l'audience » (CEDH, 2e sect., 18 octobre 2003, req. 53892/00, paragraphe 25.

    * 504 CE 17 novembre 1922, Legillon, Lebon, p. 849 ; GACA, 2007, n°62, obs. Cassia.

    * 506 CE 27 juillet 2005, Friez, n° 263115.

    * 507 Voir GOHIN (O), « commissaire (Gouvernement) et contradiction (s), à propos des évolutions du salut du commissaire et de celui de ses conclusions », JCP Adm., 2007, n°22, p.2132. Note EFFA (J-P).

    * 508CADIET (L), NORMAND (J) et AMRANI MEKKI(S), Théorie générale du procès op. cit., p. 663.

    * 509D'AMBRA (D), V° publicité, in CADIET (L) (dir), Dictionnaire de la justice. Cité par CADIET (L), NORMAND (J) et AMRANI MEKKI(S), Théorie générale du procès op. cit., p. 660.

    * 510CADIET (L), NORMAND (J) et AMRANI MEKKI(S),op. cit., p. 660.

    * 511Axen c. République fédérale d'Allemagne, 8 décembre 1983, paragraphe 28. Voir MOLE (N) et HARBY (C), « Le droit à un procès équitable. Un guide sur la mise en oeuvrede l'article 6de la Convention européennedes Droits de l'Homme », op. cit., p.23.

    * 512Cité par DEBBASCH (C) et RICCI (J-C), Contentieux administratif, 7e éd., Paris, Dalloz, 1999, p.483.

    * 513 Article 54 alinéa1(a) de la loi de 2006/022 précitée.

    * 514Article 49 de la loi précité

    * 515 Article 49 alinéa 5 de la loi op. cit.

    * 516MEJAN, « Le nouveau référé administratif » ? Rev. Adm., 1955, p. 161. Cité par GUIMDO (B-R), Le Juge administratif camerounais et l'urgence : Recherches sur la place de l'urgence dans le contentieux administratif camerounais, op. cit., p. p. 264.

    * 517 KAYSER (P), Le principe de la publicité de la justice dans la procédure civile, in Mélanges Pierre Hébraud, 1981, pp. 501 sq cité par CADIET (L), NORMAND (J) et AMRANI MEKKI(S), op.cit., p. 671.

    * 518 COUCTOUS (M), DI RUZZA (E), DUMOULIN (J), GLEIZAL (J-J), La justice face aux fonctions sociales du secret, Etude socio-économique et juridique, IREP, documentation française,1981. Voir ibid., p. 667.

    * 519 « Les audiences sont publiques toutefois, le tribunal peut ordonner le huis clos s'il estime cette publicité dangereuse pour l'ordre public ou les bonnes moeurs, dans ce cas mention en est faite dans le jugement »

    * 520 CHAPUS (R.), Droit du contentieux administratif, 3 éd., Paris, Montchrestien, 1991, p. 615.

    * 521 BOITEAU (Claudie), « Le juge unique en droit administratif », RFDA, 1996,p. 27.

    * 522GUINCHARD (S), CHAINAI(C), DELICOSTOPOULOS (C-S), DELICOSTOPOULOS (I-S), DOUCHY-OUDOT (M), FERRAND (F), LAGARDE (X), MAGNIER (V), RUIZ FABRI (H), SINOPOLI (L), SOREL (J-M), Droit processuel, Droit commun et droit comparé du procès équitable, Dalloz, 5ème éd. (2009), p. 935.

    * 523 KABA SIDIKI, Les droits de l'homme au Sénégal, collection xaam sa yoon, pp. 104 et suivants

    * 524 Cité par DUGRIP (O), L'urgence contentieuse devant les juridictions administratives, op. cit., p. 13.

    * 525 CE, 2 juillet 1982, HUGLO, Recueil, p. 253.

    * 526LOCHAK (D), La justice administrative, 3ème éd., Paris, Montchrestien, 1998, p. 106.

    * 527GROS (M), « Le juge administratif, la procédure et le temps », RDP, 1999, p. 1709.

    * 528«Tout individu arrêté ou détenu du chef d'une infraction pénale sera traduit dans le plus court délai devant le juge ou une autorité habilitée par la loi à exercer des fonctions judiciaires et devra être jugé dans un délai raisonnable ou libéré ».

    * 529« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue ...dans un délai raisonnable »

    * 530 C.E. Ass., 28 juin 2002, Garde des sceaux, ministre de la justice c. Magiera, A.J.D.A., juillet-août 2002,

    Chroniques, p. 596 et s. cité par Xavier LAUREOTE

    * 531 Voir Cour EDH, 31 mars 1998, Reinhardt et Slimane Kaid c/ France JCP 1999, II, 10074, note Soler

    * 532Bernard SEILLER préfère parler de « procédures parallèles », « compte tenu de leur nature et du fait qu'elles ne sont nécessairement pas conditionnées par l'urgence » et parce que « cette expression permet d'inclure diverses procédures tendant à une décision au fond instaurées par divers textes (...) » ; voir SEILLER (B), Droit administratif, T.1, Paris, Flammarion, 2001, pp. 189-190. Une telle vision est minoritaire, voire marginale ? Comme l'attestent les développements ci-dessus, car l'urgence est explicitement ou implicitement au coeur desdites procédures. Note GUIMDO DONGMO (B-R).

    * 533Les dérogations dont-il s'agit sont : le non exigence de l'introduction du recours gracieux préalable auprès de l'autorité administrative compétente avant la saisine du juge administratif, la réduction des délais de saisine du juge, de la limitation de la durée de l'instance contentieuse et de l'institution du juge unique.

    * 534V. KEUTCHA TCHAPNGA (C), Précis de contentieux administratif au Cameroun, op. cit., p. 35.

    * 535 Cité par PRADEL (J), Procédure pénale, 10ème édition 2000-2001, éd. CUJAS, p. 303

    * 536DUCAROUGE (F), « Le justiciable, le juge administratif et le temps : la vision des juges », in GARDAVAUD (Guy) et OBERDORFF(Henri), op. cit., p.305.

    * 537VANDERMEEREN (R), « La réforme des procédures d'urgence devant le juge administratif», AJDA, p. 707.

    * 538CHAPUS (R), Le droit du contentieux administratif, op. cit.,p. 471.

    * 539Ibid., p.472.

    * 540Voir le rapport de mission de Nicolas Bonnal, Magistrat, Secrétaire général de la première présidence de la

    Cour de cassation française à la Cour suprême de la République du Cameroun effectuée du 2 au 12 décembre

    1996, pp. 29-30. Cité par GUIMDO DONGMO (B-R), op. cit., p.24.

    * 541CS/CA, jugement n° 22/93-94 du 24 février 1994, Mme Mayouga Yvonne, épouse Noundou contre Etat du Cameroun.

    * 542CS/CA, jugement n° 32/93-94 du 31 mars 1994, Kotto Jean-Jacques contre Etat du Cameroun.

    * 543CS/CA, jugement n° 42/99-00 du 30 mars 2000, Wabo Rigobert contre Etat du Cameroun.

    * 544Ainsi, dans une affaire relative à la légalité d'un acte qui expulsait un pharmacien d'un site inoccupé, donc disponible, sur lequel il s'est installé, le juge administratif, saisi le 5 mars 1993, a rendu son jugement - qui annulait l'acte querellé pour excès de pouvoir - le 30 septembre 1993, soit 6 mois et 25 jours après sa saisine ;

    cf. CS/CA, jugement n° 83/ADD/92-93 du 30 septembre 1993, affaire Sighoko Fossi Abraham contre Etat du

    Cameroun

    * 545GEORGEL (J), « Le juge et la montre », in Etudes en l'honneur de Georges Dupuis, Paris, LGDJ, 1997, p.

    116.

    * 547GAUDEMET (Y), « Les procédures d'urgence dans le contentieux administratif », op.cit., p. 421.

    * 548LEBRETON (G), Libertés publiques et droits de l'homme, 5e éd., Paris, Armand Colin, 2001, pp. 222-223.

    * 549CHAPUS (R), Droit du contentieux administratif, op. cit., p. 811.

    * 550 Ibid., p. 812.

    * 552Ordonnance n°13/OPRSE/PCA/CS/98-99 du 10 mars 1999, affaire Madame veuve Anaba née Mengue

    Juliette contre Etat du Cameroun.

    * 553Ordonnance de référé n°46/OR/PCA/CS/97-98 du 09 avril 1998, affaire Dutchou Jean contre Etat du

    Cameroun.

    * 554Ordonnance de référé n° 09/ORSE/CS/PCA/88-89v du 21 février 1989 affaire Tamo Pelap Jean-Claude contre Commune Urbaine de Bafoussam.

    * 555DUGRIP (O), op. cit., p. 73.

    * 556CS/CA jugement n°27/87-88 du 29 octobre, affaire Sté de Transport, de commerce et de l'Industrie contre Etat du Cameroun.

    * 557 CS/CA, jugement n°61/87-88 du 31 mars 1988, affaire Destiny Enterprise contre Etat du Cameroun inGUIMDO DONGMO (B-R), op. cit., p.265.

    * 558CS/CA, JUGEMENT n°26/87-88 du 29 octobre 1987, affaire Teta Michel contre Etat du Cameroun

    * 559 CS/CA, jugement n°41/88-89 du 25 mai 1989, affaire Tchatchoua Jean-pierre contre Etat du Cameroun

    * 560 CS/CA, jugement n°101/90-91 du 28 mars 1991 affaire Mvondo Tsang Richard contre Etat du Cameroun

    * 561 V. article 34 de la loi n°92/002 du 14 aout 1992 fixant les conditions d'élection des conseillers municipaux

    * 562 CS/CA, jugement n° 25/95-96 du 29 mars 1996, affaire Front Patriotique National(FPN) (CR de Mboma)

    * 563CS/CA, jugement n°30/95-96 du 18 avril 1996, affaire UPC (C.U D'Edéa) contre Etat du Cameroun

    * 564 CS/CA, jugement n°28/95-96 du 18 avril 1996, affaire RDPC (C.R Baham) contre Etat du Cameroun

    * 565Ordonnance n°19/O/PCA-CS du 26 septembre 1991, affaire OCDH contre Etat du Cameroun.

    * 566Ordonnance n°20/O/PCA/CS du 26 septembre 1991, affaire Kom Ambroise contre Etat du Cameroun.

    * 567Ordonnance n°21/O/PCA/CS du 26 septembre 1991, affaire Cap-Liberté contre Etat du Cameroun.

    * 568CS/CA, jugement n°60/91-92 du 17 septembre 1992, affaire UPC contre Etat du Cameroun.

    * 569Ordonnance n°25/CS/PCA/91-92 du 18 septembre 1992, affaire Regroupement Démocratique pour la

    République (RDR) contre Etat du Cameroun.

    * 570Ordonnance n°26/CS/PCA/91-92 du 18 septembre 1992, affaire Programme Social pour la Liberté et la

    Démocratie (PSLD) contre Etat du Cameroun.

    * 571Sur le plan des ressources humaines, il y a le problème de la non spécialisation des magistrats en charge du contentieux administratif. Ils proviennent tous des juridictions de l'ordre judiciaire. Il y a ensuite le problème de leur effectif et de leur disponibilité ; juges polyvalents, ils sont également sollicités pour le règlement des contentieux judiciaires.

    * 572Sur le plan structurel, il faudrait relever la centralisation de la justice administrative.

    * 574Il s'agit de la faute personnelle du magistrat, dénué de toute responsabilité publique. Elle engage la responsabilité des magistrats devant les tribunaux de l'ordre judiciaire. Elle résulte soit de la négligence, soit du manquement aux obligations professionnelles du magistrat.

    * 575 CE, sect., 29 décembre 1978, Darmont, Rec. 542, AJDA, novembre 1979, p 45 notes LOMBARD (M)

    * 576 CE, 12 octobre 1983, consorts Levi Rec., p 406, D., 1984, IR. 77, abs, M. Vasseur, D., 1985. IR. 203, Chr. F. Modrene et P. Bon

    * 577DUGRIP (O), op. cit, p.80.

    * 578 Ibid.

    * 579 Ibid., p.82.

    * 581 Ibid., p.8.

    * 582HEURTE (A), « Le délai pour statuer en matière électorale », AJDA, 1958, p. 81.

    * 583DUGRIP (O), op. cit., p 81.

    * 584Ibid., p. 85.

    * 586ODENT (B), « L'avocat, le juge et les délais », Mélanges CHAPUS (R), Paris, Montchrestien, 1992, p. 490.

    * 587DUGRIP (O.), op. cit., pp. 74.

    * 588 FAVOREU (L), Du déni de justice en droit publie français, Thèse, Paris, LGDJ, 1964, p. 8.

    * 589DUGRIP (O.), op. cit., p. 78.

    * 590GHIRARD (O-A), Le raisonnement judiciaire, Ed. Bière, 1999, Bibliothèque de philosophie comparée

    * 591DE FERRIERE (C-J), Dictionnaire de droit et de pratique contenant l'explication des termes de droit, d'ordonnances, de coutumes et de pratique avec les juridictions de France, Paris, 1779, cité par JEULAND (E), V° « La motivation », in CADIET (L), (s.dir), Dictionnaire de la justice, PUF 2004, p. 912.

    * 592Elle n'apparaît pas clairement dans la Déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre

    1948, ni dans le pacte international des droits civils et politiques de 1966. De même, on note son absence dans la charte africaine des droits de l'homme et des peuples.

    * 593CE Sect. 1ermars 1935, Platon, p.270, DH 1935, p.336 ;29 novembre 1979, Landsmann, p. 431, D 1980, IR, p.117, obs. DEVOLVE (P); 8 juin 1994, Leconte, D 1994, IR, p.191, n°558, RFDA 1994, p.850 in CHAPUS (R)

    * 594CHEVALIER (B), La motivation des actes juridictionnels, thèse, Rennes, 1974 ; GIUDICCELLI-DELAGE (G), La motivation des décisions de justice, thèse, Poitiers, 1979 ; La motivation, Travaux de l'Association Henri

    Capitant, t. III, 1998.

    * 595GIUDICCELLI-DELAGE (G), op. cit., p. 44 s.

    * 596Selon cet article, les jugements des tribunaux administratifs «sont motivés et datés »

    * 597 D'après cet article, « Toute décision judiciaire est motivée en fait et en droit. L'inobservation de la présente disposition entraîne nullité d'ordre public de la décision ».

    * 598CE 23 déc. 1927, Veuve Decauville et autres. Rec. 1256(la contrariété des motifs vaut absence de motifs).-CE 5 mai 1954, syndicat des marais mouillés des deux sèvres, rec., Tables 870(contrariété entre motifs et dispositif).

    * 599GJIDARA (S), « Lamotivation des décisions de justice, impératifs anciens et exigences nouvelles », LPA,

    26 mai 2004, n° 105, p 7.

    * 600La justification ici n'est pas l'explication ou, du moins, elle ne l'emporte pas. Justifier consiste davantage en une recherche de légitimité de la décision par le droit, et non en une légitimité plus sociale, sous la forme d'une explication même du fondement de l'application du droit aux faits. Justifier et expliquer ne procèdent donc pas du même objectif.

    * 601CE, 2 août 1924, Dame Paquin, rec. p 782 ; CE, 5 décembre 1924, Légillon, rec. p 985 ; CE, sect., 1ermars 1935, Platon, rec. p 270 ; CE ass. 23 décembre 1959, Gliksman, S. 1961, p 38 ; CE sect. 29 novembre 1979, Landsmann, rec. p 431 ; 8 janvier 1994, Lecomte, DA 1994, n° 558.

    * 602DUGRIP (O), op.cit., p.179.

    * 604 C'est dans cette perspective que se place la Cour européenne des droits de l'homme depuis son célèbre arrêt Hornsby du 19 mars 1997. Voir CEDH, 19 mars 1997, Hornsby c/ Grèce, DA, 1997, n° 185 ; AJDA 1997, p 986, obs. Flauss ; RTD civ. 1997, p 1009, obs. Marguénaud ; D. 1998, p 74, note Fricéro.

    * 605CADIET (L), NORMAND (J) et AMRANI MEKKI(S),Théorie générale du procès op.cit., p. 367.

    * 606BERTHIER (Laurent), La qualité de la justice, Thèse de doctorat en droit public, Université de Limoges, 2011, p. 317.

    * 607V. notamment, pour deux affaires récentes, CEDH 7 juillet 2009, Stancer Popescu c/ Roumanie, req. n°

    8727/03, paragraphe 85 ; 27 mai 2010, Tilev c/ Bulgarie, req. n° 25051/02, paragraphe 34.

    * 608Hornsby c. Grèce, 19 mars 1997, paragraphe 40. Cité par MOLE (N) et HARBY (C), « Le droit à un procès équitable. Un guide sur la mise en oeuvrede l'article 6de la Convention européennedes Droits de l'Homme », op.cit., p. 10.

    * 609CADIET (L), NORMAND (J) et AMRANI MEKKI(S),Théorie générale du procès, op.cit.,p. 888.

    * 610 Voir NGOLE NGWESE (P) et BINYOUM (J), Eléments de Contentieux administratif camerounais, Paris, L'Harmattan, 2010, p.100.

    * 611Cours de Droit Administratif 1966-1967, p.586, cité par Schwartzenberg (R - G).

    * 612CARBONNIER(J), Droit civil, Vol.1, PUF, coll. quadrige, 2004, spéc. N°46 cité par CADIET (L), NORMAND (J) et AMRANI MEKKI(S), op.cit., p. 889.

    * 613Ibid.

    * 614«La chambre administrative connait de l'ensemble du contentieux administratif de l'Etat et des autres collectivités publiques. Elle connait en appel du contentieux des élections municipales et régionales. Elle ne statue souverainement que sur les décisions rendues en dernier ressort par les juridictions inférieures en matière de contentieux administratif. Elle connait de tout autre litige qui lui est expressément attribué »

    * 615« Considérant qu'il apparait que l'objet de la présente demande est le même, qu'elle est fondée sur la même cause et qu'elle oppose les même parties ; Qu'ainsi l'administration est fondée à soutenir qu'il y à autorité de la chose jugée ».

    * 616 « considérant... qu'en raison de l'existence en la cause de la triple identité des parties, d'objet et de cause, le recours du sieur EKWALA se heurte au principe de l'autorité de la chose de la chose jugée et doit de ce fait être déclaré irrecevable ».

    * 617CHAPUS (R), Droit du contentieux administratif, 13ème éd, op. cit., p. 1089.

    * 618 CADIET (L), NORMAND (J) et AMRANI MEKKI(S), Théorie générale du procès, op. cit., p. 900.

    * 619CEDH, 18 avril 2002, Ouzounis c/ Grèce, D. 2002, p 2572, obs. Fricéro.

    * 620VEDEL (G), Droit Administratif, 3e éd, 1964, (précis).

    * 621Voir en ce sens, Eric NGWA NFOBIN, «Le problème d'inexécution des décisions du juge administratif au Cameroun », Revue africaine des sciences juridiques n°2011, FSJP, Université de Yaoundé II, pp. 297-315, notamment pp. 298-299  

    * 622CHAPUS (R), Droit du contentieux administratif, Paris, Montchrestien, 13e éd., 2008, p.1085.

    * 623OWONA (J), Le Contentieux administratif de la République du Cameroun, Paris, L'Harmattan, 2011, p.126.

    * 624 Voir BINYOUM (J), Grands Arrêts de la jurisprudence administrative Camerounaise, Commentaire arrêt n° 661/CCA du 25 octobre 1957 Bizanga Joseph contre commune de Yaoundé.

    * 625Dans cette affaire, le conseil du contentieux administratif avait considérer « que contrairement à ce que soutient le requérant, l'annulation de la décision n°119 prononcée sur le recours de ses camarades Mvondo et Zanga ne saurait lui profiter et qu'en effet, si l'annulation d'un acte administratif pour excès de pouvoir produit des effets erga omnes, il n'en est ainsi que s'il s'agit d'un acte réglementaire ou d'un acte collectif » V. OWONA (J), Le Contentieux administratif de la République du Cameroun, op.cit., p.127.

    * 626KAMTO (M.), Droit administratif processuel du Cameroun, op.cit., p. 84.

    * 627Cette formule exécutoire se décline ainsi qu'il suit :« REPUBLIQUE DU CAMEROUN, » « AU NOM DU PEUPLE CAMEROUNAIS » et terminée par la mention suivante : « En conséquence, le président de la république mande et ordonne à tous huissiers et agents d'exécution sur ce requis, de mettre le présent arrêt ou jugement à l'exécution, aux procureurs généraux, aux procureurs de la république, d'y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique, de prêter main forte lorsqu'ils en seront légalement requis »

    * 628MONTAINE de la ROQUE(P.), « L'inertie des pouvoirs publics », op.cit., p.383.

    * 629V. p. ex. CEDH, 27 mai 2010, Tilev c/ Bulgarie, req. n° 25051/02 : « La Cour souligne l'importance particulière que revêt l'exécution des décisions de justice dans le contexte du contentieux administratif. En introduisant un recours en annulation devant les juridictions administratives de l'État, le justiciable vise à obtenir non seulement la disparition de l'acte ou de l'omission litigieux, mais aussi et surtout la levée de ses effets (voir l'arrêt Hornsby, paragraphe 41). Or, la protection effective du justiciable et le rétablissement de la légalité impliquent l'obligation pour l'administration de se plier non seulement au dispositif mais, aussi, au fond d'un jugement prononcé par ces juridictions. Il s'ensuit que, s'agissant du comportement de l'administration suite à un jugement définitif et exécutoire de la justice administrative, celui-ci ne saurait avoir comme conséquence ni d'empêcher, invalider ou encore retarder de manière excessive l'exécution, ni, encore moins, de remettre en question le fond de ce jugement » (paragraphe 35).

    * 630DEBBASCH (C), L'administration contre la loi, Le Monde 21/7/1976.

    * 631 Son rattachement au bloc de légalité, se manifeste, lorsque l'administration active refuse de se conformer à une décision de la juridiction administrative, le juge administratif, saisi de nouveau, la sanctionnera pour illégalité, par une assimilation de la violation de la chose jugée à la violation de la loi.

    * 632« Les difficultés, se présentent surtout dans le domaine des conséquences des annulations pour excès de pouvoir et du contentieux de la fonction publique, en raison de la complexité des affaires en cause et alors mêmeque l'administration est disposée à exécuter ».Voir Rapport du CE sur l'exécution des décisions des juridictions administratives, RFDA 1990, juillet -août, 4-6, p.489.

    * 633Jugements n°11/CS/CA du 19 décembre 1975 SAMBA EBEDE Théodore ; Jugement n°27/CS/CA du 29 janvier 1976 DIWOUTHA Loth Martin ; Jugement n°36/CS/CA du 26 mai TEUGUIA Gabriel. Cité par NGOLE NGWESE (P) et BINYOUM (J), Eléments de Contentieux administratif camerounais, Paris, L'Harmattan, 2010, p.105.

    * 634Ibid. 

    * 635 Burdov c. Russie, 7 mai 2002, paragraphe 35, la non-exécution d'une décision définitive peut également relever de l'article 1 du protocole n°1, puisqu'une dette résultant d'une décision de justice est considérée comme un bien au sens de ce même article

    * 636NGWA NFOBIN (E), « Le problème d'inexécution des décisions du juge administratif au Cameroun », Revue Africaine des Sciences Juridiques n°2011, FSJP, Université de Yaoundé, p.311.

    * 637 CFJ/ Tsala Mekongo Germain contre Etat du Cameroun.

    * 638 Voir OWONA (J), le Contentieux Administratif de la République du Cameroun, op.cit., p.131. 

    * 639 V. CE 2 mai 1962, Caucheteux et Desmonts, RDP 1963, p.279, note Waline.

    * 640Voir arrêt n°42 du 30 avril 1968 Ekwala Edoube Eyango Stéphane c/ Etat fédéré du Cameroun.

    * 641C'est l'« absolution » ou la « résurrection » de l'acte administratif illégal selon que l'acte a été annulé ou est susceptible de l'être. Voir ROSOUX (G), « Le contrôle juridictionnel des « validations législatives » en France et en Belgique : un conflit de légitimité », article précité, p.147

    * 642 Arrêt n° 105/CFJ/CAY ,8 décembre 1970, Claude Halle contre État Fédéré du Cameroun oriental.

    * 643 Décision n° 80-119 DC du 22 juillet 1980 sur les lois de validation. Cité par FOPA TAPON (C-A),Les interventions du législateur dans le fonctionnement de la justice administrative au Cameroun, Mémoire de Master en droit public, Université de Dschang, 2012, p. cf. www.memoireonline.com

    * 644 Van de hurk c. Pays -Bas, 19 avril 1994.

    * 645 Hornsby c.Grèce, 19 mars 1997, et Burdoc c.Russie, 7 mai 2002

    * 646NGUELE ABADA (M), « La réception des règles du procès équitable dans le Contentieux de droit public », Juridis périodique n°63, juillet-août-septembre 2005, p. 32.

    * 647DEGUERGUE (M), procédure administrative contentieuse, Paris, Montchrestien, 2003, p.101.

    * 648 Arrêt n°7/CS/CA du 25 novembre 1976 ATANGANA Valentin c/Etat du Cameroun.

    * 649Loi du 9 janvier 1995.

    * 650 Loi du 16 juillet 1980.

    * 651PACTEAU (B), Manuel de contentieux administratif, PUF 2006, p 289.

    * 652Voir ENGANEMBEN BEKEMEN (M-M), La voie de fait en Droit administratif camerounais, Mémoire de DEA option Droit public, année académique 2008/2009 pp. 87-93.Cité par OWONA (J), Le Contentieux administratif de la République du Cameroun, op.cit., p. 129.

    * 653 NGA NYEBE(R.), « le principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires au Cameroun », Mémoire DEA en Droit public interne, année académique 2008/2009, Université de Yaoundé II, Faculté des sciences Juridiques et politiques, p.49 particulièrement.

    * 654NGOLE NGWESE (P) et BINYOUM (J), Eléments de Contentieux administratif camerounais, op.cit., p.106.

    * 655JACQUOT (H), « Le Contentieux administratif au Cameroun », 2e partie n°8, juillet décembre 1975, p.126.

    * 656Ibid.

    * 657 Voir article 34 de la loi n°2006/016 décembre 2006 fixant le fonctionnement de la Cour suprême.

    * 658« Considérant que les actes par lesquels l'administration viole la chose jugée sont entachées d'excès de pouvoir et encours l'annulation pour avoir méconnu l'autorité de la chose jugée (...) ».Voir NTAH (H), Le Ministère public dans le contentieux administratif au Cameroun : contribution à l'étude des organes de la juridiction administrative camerounaise, op.cit., p. 295.

    * 659 Arrêt n° 105/CFJ/CAY ,8 décembre 1970, Claude Halle contre État Fédéré du Cameroun oriental.

    * 660 TSALA (V-Y), L'Autorité de la chose jugée dans le contentieux administratif au Cameroun, Mémoire de DEA en Droit public, UY II, Année académique 2OO5-2006, p.71-76.

    * 661Professeur Perrot affirmait que, « l'histoire a (...)montré que, quels que soient les textes, les hommes de caractère savaient garder leur indépendance en dépit des menaces et des sollicitations ». Voir PERROT (R), Institutions judiciaires, Montchrestien, Domat Droit privé, Paris, 12e éd., 2006, p. 300.

    * 662 Cité par ABA'A OYONO (J-C), in « Les mutations de la justice camerounaise à la lumière du développement constitutionnel de 1996 », op. cit., p.14






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