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Analyse de l'accord de partenariat economique (APE) intérimaire dans la coopération multilatérale Cameroun-Union Européenne (UE)

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par Hermann NDADJO MBA
Université de Yaoundé2-Soa/IRIC - Master en Relations Internationales, Option: Intégration Regionale et Management des Institutions Communautaires (IRMIC) 2013
  

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Section2. Les conventions de Lomé et l'accord de Cotonou.

Les conventions de Lomé ont été considérées comme le modèle de coopération le plus ambitieux jamais réalisé jusqu'à aujourd'hui.85(*) Comme l'explique fort heureusement Pamphile SEBAHARA, « les fondements de la politique de Lomé reposaient sur une relation sure, durable et prévisible, assise sur des arrangements juridiquement contraignants, fixés dans un cadre librement négocié et combinant à la fois les aspects de l'aide et du commerce ».86(*)

Deux (02) faits majeurs peuvent nous permettre de justifier une telle déclaration. D'abord, c'est au cours de cette convention qu'un choix politique délibéré et pragmatique est opéré par les PVD, contrairement à l'idée reçue qui veut que ce fut une décision sous influence.87(*) Ce choix politique s'est exprimé notamment par la création du groupe ACP rassemblant quarante quatre (44) pays selon l'accord de Georgetown du 06 juin 1975. Le porte parole du groupe ACP d'alors, en la personne de BABAKAR BA, s'adressant aux interlocuteurs européens, faisait remarquer que : « vous avez devant vous non pas trois groupes exprimant les positions harmonisées d'une seule voix, mais un seul groupe de pays ACP qui veulent reconnaitre leur destin commun et le désir inébranlable d'obtenir des résultats positifs durant ces négociations ».88(*)

D'autre part, la singularité de Lomé réside dans la consécration de la clause préférentielle qui va accorder un accès libre et non réciproque des produits des ACP sur le marché européen. Une mesure contraire aux dispositions de l'OMC qui va connaitre une remise en cause avec la signature de l'accord de Cotonou du 23 juin 2000 instituant, entre autres, les APE.89(*)

Dans la présente section, nous analyserons les divers instruments commerciaux qui ont meublé les conventions de Lomé (p.1), donnant ainsi une envergure nouvelle à la coopération UE-ACP. En outre, nous ferons le point sur nouvel accord de coopération de Cotonou (p.2).

p1. Les Conventions de Lomé (1975-2000) ou la coopération d'un nouveau type.

Avec l'élargissement de la CEE au Royaume-Uni, au Danemark et à l'Irlande en 1973, la possibilité d'un rapprochement des anciennes colonies britanniques membres du Commonwealth au processus de Yaoundé se posa. Les discussions permirent de trouver un consensus par lequel les pays ACP90(*), réunis en un groupe, vont signer une nouvelle convention de coopération à Lomé. Tel fut le départ d'un long processus qui allait mener à la signature de quatre (04) conventions : Lomé I (A), Lomé II (B) Lomé III (C) et Lomé IV(D).

A. La Convention de Lomé I (1975-1979)

Signée le 28 février 1975 entre neuf (09) pays de la CEE et quarante-six (46) Etats ACP, Lomé I va présenter plusieurs innovations. D'abord, elle va instituer un système de stabilisation des recettes d'exportation pour les produits agricoles (Stabex91(*)) des pays ACP. Ce mécanisme fut conçu pour prémunir les exportations agricoles des ACP des aléas induits par la fluctuation des cours des produits sur le marché mondial. Autrement dit, le fonds Stabex était destiné à combler les manques à gagner en cas de chute des prix, et de conserver les excédents en cas de hausse des prix sur le marché mondial. Cette innovation était considérée, durant cette période de guerre froide alimentée par des grands débats idéologiques de la décennie 70, comme un engagement de l'Europe en faveur d'un ordre économique mondial plus juste.

De même, les protocoles relatifs à certains produits comme le sucre, la banane et la viande bovine vont garantir aux pays ACP des subventions et des prix plus élevés que ceux appliqués sur le marché mondial. Ceci en vue de booster la compétitivité desdits produits, c'est leur capacité à respecter le rapport qualité-prix tout en engrangeant des parts importantes de marché.

En outre, c'est sous Lomé I que le principe de la non-réciprocité des obligations commerciales fut introduit compte tenu de l'asymétrie des économies en présence. Ce régime préférentiel dont les atouts ne sont plus à démontrer, allait permettre à près de 99% des produits ACP d'entrer sur le marché européen en franchise des droits de douanes. Les produits exportés par le Cameroun (notamment les produits primaires comme le pétrole brut, le cacao, le café, la banane, l'aluminium, etc....) en direction du marché européen vont cesser de subir la moindre entrave tarifaire ; tandis-que les produits importés par le Cameroun en provenance de l'Union Européenne (ce sont essentiellement des produits industriels et alimentaires) vont continuer à être assujettis aux droits de douanes.92(*) On parle de traitements préférentiels lorsqu'un acteur de l'échange international pratique des politiques discriminatoires à l'égard de certains autres acteurs partenaires pour en favoriser d'autres pour des raisons diverses.93(*)

La philosophie politico-économique au centre des rapports UE/ACP avant les APE est constituée des traitements préférentiels que l'UE applique dans ses échanges économiques avec les pays ACP. Ceci parce que lorsque les pays ACP accèdent à l'indépendance, l'égalité de droit entre eux et les pays du Nord est non seulement théorique, mais aussi en déphasage avec une inégalité de fait. Cette situation objective ne pouvait être compensée que par des traitements de faveur accordés aux pays ACP au sein du marché mondial et de l'échange international.94(*) Si nous prenons l'exemple de la banane, les traitements préférentiels consistaient pour l'UE à accorder la préférence de certains marchés européens à la banane des ACP par rapport aux autres bananes produites dans le monde. Ces autres bananes subissaient ainsi un traitement discriminatoire par rapport aux bananes produites dans les pays ACP.

Le but des traitements préférentiels était donc de donner un coup de pouce aux économies des pays ACP n'ayant pas encore les capacités institutionnelles de se battre à armes égales au sein du marché mondial. Ne pas le faire aurait été équivalent à mettre un poids lourd et un poids léger dans le ring avec les mêmes règles pour les conséquences que nous pouvons tous imaginer. Les APE sont la fin de ces traitements préférentiels et signifient que les pays ACP vont dorénavant se battre dans les marchés mondiaux avec tous les autres pays du monde sous contrainte des mêmes règles de concurrence. De façon concomitante, un accent particulier fut mis sur la coopération industrielle en vue non seulement de redynamiser ce secteur, mais aussi et surtout de protéger les jeunes industries naissantes par un renforcement du tissu socio-économique local.

Enfin, Lomé I va accroitre substantiellement la responsabilité des pays ACP dans la gestion et l'administration de l'aide. Ces derniers pouvant désormais participer à chacune des différentes étapes des projets de développement financés par la CEE sur fonds FED ou par la BEI. A cause de la reconfiguration des parties négociantes, Lomé I va innover au plan institutionnel en créant des institutions communes entre pays donateurs et bénéficiaires d'aides. Il s'agit en l'occurrence du Conseil des Ministre ACP-UE, le Centre de Développement Industriel (CDI) devenu par la suite Centre de Développement des Entreprises (CDE) et le Centre Technique de Coopération Agricole et Rurale (CTA).

B. La Convention de Lomé II (1979-1984)

Signée le 31 octobre 1979, la convention de Lomé II mettait en présence neuf (09) Etats de la CEE avec cinquante-huit (58) pays ACP. Elle va mettre sur pied un système de stabilisation de la production minière (Sysmin95(*)). Ce dernier est un mécanisme plus ou moins similaire au Stabex mais destiné à rétablir la viabilité du secteur minier et maintenir la capacité de production existante pour un produit minier lorsque cette capacité est atteinte et que les recettes d'exportation s'amenuisent. Toutefois, dans la pratique, ce mécanisme de financement va soutenir les pays producteurs et exportateurs de minerais comme la Zambie ou le Zaïre contrairement au Cameroun où l'exploitation minière est encore à un stade embryonnaire. En cas de fluctuations des revenus tirés de la production et de la vente de produits miniers, les pays dépendant des produits miniers ont accès à des prêts permettant de soutenir la production.96(*)

A même temps, la CEE va y trouver son compte car elle s'assure un approvisionnement en matières premières importantes pour elle : cuivre, cobalt, phosphates, manganèse, bauxite, étain, uranium, minerai de fer.97(*) De plus, pour la première fois, Lomé II va inclure dans le partenariat les domaines relatifs aux investissements privés, à la main d'oeuvre, la pêche et les transports. C'est ainsi qu'un pan de la coopération va être dédié à la coopération agricole et à la promotion du monde rural ; avec comme modalités le renforcement des moyens d'assistance techniques de manière à permettre aux autorités politiques de mieux concevoir les programmes de développement du secteur rural adaptés à leurs besoins.

C. La Convention de Lomé III (1984-1989).

Cette convention est paraphée le 08 décembre 1984 entre la CEE comprenant désormais dix (10) membres - suite à l'adhésion de la Grèce - et le groupe ACP rassemblant soixante-cinq (65) Etats. Elle est axée autour d'un objectif fondamental qui est celui de « renforcer l'efficacité de l'aide en vue de sa meilleure insertion dans les efforts de développement des pays ACP ». Ici, l'état d'esprit de la coopération a subi des mutations considérables. L'optimisme ou l'euphorie des décennies 60 et 70 s'est considérablement détérioré suite à la crise d'endettement qui n'a pas permis aux pays ACP de relever leurs économies pour se positionner comme des partenaires de poids vis-à-vis de la partie européenne. Aussi, la mal gouvernance et les balbutiements des jeunes démocraties vont commencer à refroidir les bailleurs de fonds et les amener à subordonner l'Aide Publique au Développement (APD) à des reformes politico-institutionnelles conséquentes.

Face à un contexte international difficile pour les pays ACP (fluctuation des taux des changes ; aggravation de l'endettement ; effondrement des cours des produits de base, etc.), Lomé III va mettre le cap sur la nécessité d'un développement autonome et auto-entretenu. L'objectif ici étant de permettre aux pays en développement de se frayer eux-mêmes des sources et mécanismes opérationnels de relance de leur croissance économique sans plus dépendre totalement de l'aide extérieure dont la promotion n'a pas débouché sur des résultats escomptés.98(*)

De même, pour contrecarrer les dérives politiques dans un contexte où les régimes monolithiques et totalitaires étaient en vogue, l'accent va être mis sur la place centrale de l'Homme dans la coopération, la promotion de son bien-être et la sacralisation de sa dignité, ainsi qu'une amélioration de la production alimentaire et du développement rural.99(*)

Il convient aussi de souligner que Lomé III survient dans un contexte marqué par la crise des années 80 qui a mis le Cameroun (1986) et plusieurs autres pays africains sous ajustement structurel avec tout ce qu'elle a pu générer comme effets collatéraux100(*) (gel des recrutements publics, privatisation des entreprises publiques, réduction du train de vie de l'Etat, libéralisation des pans de l'économie nationale, etc.). C'est fort de cette conjoncture que Lomé III va mettre à l'ordre du jour les questions de bonne gouvernance, de démocratie et d'ajustement structurel.

Dans le même sillage, la coopération régionale va connaitre un regain d'intérêt avec une hausse du soutien financier, matériel et technique de la CEE au profit des dynamiques d'intégration politiques et économiques africaines. L'on note également un abandon de l'approche par projets au profit de l'approche sectorielle qui semble beaucoup plus pragmatique en termes de visibilité et de traçabilité.101(*)

D. La Convention de Lomé IV (1989-2000)

Signée le 15 décembre 1989 entre l'Europe des 12 et les soixante-huit (68) Etats ACP, la convention de Lomé IV couvrait une période décennale, contrairement aux trois (03) précédentes. Elle va marquer un tournant emblématique dans l'historicité de la coopération UE-ACP. La réalité géopolitique est bouleversée par la chute du mur de Berlin et la dislocation du communisme soviétique. L'atout que représentait la neutralisation des pays du Sud dans un contexte d'hégémonies partagées entre les deux blocs est dévalué. Le constat est évident que l'aide, pour de nombreuses raisons tant endogènes qu'exogènes, n'a pas permis le développement des pays ACP. Pire, beaucoup d'entre eux se sont plutôt appauvris.102(*) Face à un environnement aussi morose, les deux parties vont s'accorder, d'une part, sur un contrôle plus rigide de l'utilisation des fonds et, d'autre part, sur une prorogation de la durée de la convention qui est revue à dix (10) ans ; question de permettre une meilleure garantie pour la programmation.103(*)

S'agissant de la première période quinquennale, la situation de la majorité des pays ACP s'étant dégradée (notamment du fait de la crise d'endettement qui a présidé aux PAS), la convention de Lomé IV va constituer un outil destiné à améliorer cet état de chose ; c'est la raison pour laquelle elle va maintenir les objectifs antérieurs inhérents au développement à long terme, tout en prévoyant des mesures visant à juguler la crise économique. La grande nouveauté est l'introduction de la double conditionnalité : respecter les Plans d'Ajustement Structurel (PAS) du Fonds Monétaire International (FMI) d'une part ; et appuyer le développement du secteur privé d'autre part.104(*)

La conjoncture internationale relativement morose va inciter les pays ACP à se tourner vers les institutions financières de Brettons Wood (FMI, Banque Mondiale) pour bénéficier des rééchelonnements ou annulation de leurs dettes105(*) ; ceci au prix des mesures d'austérités aux répercussions très dures pour leur tissu socio-économique. C'est ainsi que l'aide financière et l'appui à l'ajustement structurel vont être préconisés sous Lomé IV pour permettre aux pays ACP de poursuivre les reformes économiques nécessaires tout en atténuant ses effets sur le plan social.

En outre, l'on va assister à l'éclosion de la coopération décentralisée qui, adossée sur la coopération dite classique, va permettre aux entités infra-étatiques des pays ACP (communes, régions, ...) de nouer des partenariats avec leurs homologues étrangers en vue de se trouver des sources de financement alternatives pour pallier à la récession économique.

Pour ce qui est de la seconde période quinquennale, la convention de Lomé IV est révisée à mi-parcours le 04 novembre 1995 à l'Ile Maurice. Cette révision réunie l'Europe des 15 devenue Union Européenne (UE) 106(*) avec soixante-dix (70) pays ACP. Lomé IV bis, s'imprégnant des thèses néolibérales émergentes, va se pencher davantage sur le volet politique de la coopération, avec comme leitmotiv le respect des principes démocratiques, de l'Etat de droit et de la bonne gouvernance.107(*) On y ajoute également le respect des droits humains. Cette convention proclame la nécessité pour les pays ACP de s'insérer dans l'économie mondiale.

Au demeurant, bien qu'offrant les meilleures conditions tarifaires pour l'accès au marché européen par rapport aux autres pays en développement, et bien que les pays ACP n'aient pas eu à ouvrir leurs marchés pour favoriser les exportations européennes, le régime commercial de Lomé n'a pas produit les résultats espérés et s'est avéré décevant. La part des pays ACP a fortement reculé tant dans le commerce mondial en général, que sur le marché européen. Les pays ACP n'ont pas résisté à la montée en puissance des pays en développement concurrents : nos productions ont perdu du terrain sur le marché européen, face aux pays d'Amérique latine (café, bananes, etc.), aux pays asiatiques (huiles), et aux pays méditerranéens (fruits et légumes).108(*)

Les conventions de Lomé n'ont pas permis la position des pays ACP dans le commerce extérieur. En effet leur part dans le commerce international n'a cessé de décroitre allant de 3,4% en 1976 à 1,9% en 2000 tandis que sa part dans les exportations des pays en voie de développement (PVD) est passée de 13,3 % en 1976 à 3,7% en 2000.109(*)

Le partenariat commercial n'a pas permis de diversifier leurs exportations ou d'améliorer la valorisation leurs matières premières. Les pays ACP exportent essentiellement des matières premières peu ou pas transformées, incluant peu d'emploi local et pas de valeur ajoutée. Les matières premières sont aussi celles qui ont été les plus sensibles à la détérioration des prix et à la dégradation des termes de l'échange. En effet, les prix des matières premières sont déterminités par les pays acheteurs que sont les grandes puissances économiques.110(*) Le partenariat n'a pas permis non plus de diversifier les destinations de leurs exportations, d'où la nécessité de passer à un nouvel accord de Cotonou qui sied le plus avec les exigences actuelles de la mondialisation.

p2. L'accord de Cotonou (2000-2020), gage de la mondialisation des relations ACP-UE

Considéré comme la transition vers la fin d'un processus, l'accord de Cotonou fait suite à une (ré) configuration de la scène internationale intervenue à partir de la décennie 90. Au nombre de ces mutations, il convient de lister :

· L'ouverture de l'UE à certains pays de l'Europe de l'Est au lendemain de l'effondrement du mur de Berlin et la dislocation de l'empire soviétique ;

· L'introduction de la dimension politique dans la coopération ACP-UE ;

· L'intensification du phénomène de la mondialisation avec son principal corollaire qu'est la libéralisation progressive des échanges ;

· La création de l'OMC qui, en sa qualité de «gendarme»111(*) du commerce international, va amener l'UE à reconsidérer le régime commercial préférentiel conclu avec les Etats ACP au cours des défuntes conventions de Lomé.

Face à toutes ces mutations, Cotonou apparait incontestablement comme la transition vers la fin d'un processus du fait de son caractère éminemment libéral.112(*)

A ces facteurs conjoncturels, il faut ajouter le bilan mitigé des conventions de Lomé dans leur capacité à induire un réel développement des pays ACP. L'UE va entamer de vastes consultations sur l'avenir de la coopération dans la perspective d'un nouvel accord entre un groupe ACP en pleine expansion et une UE en pleine mutation. Une réflexion initiée en novembre 1996 va aboutir à la publication d'un « livre vert » relatif à un ensemble de propositions sur l'amélioration de la coopération. C'est au terme de ces démarches que l'on va assister à la signature d'un nouvel accord à Cotonou au Benin le 23 juin 2000.113(*)

Les principaux objectifs de Cotonou sont la lutte contre la pauvreté et l'insertion progressive des Etats ACP dans l'économie mondiale tout en observant les Objectifs du Développement Durable (ODD) ainsi que les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) ; le soutien à l'intégration régionale des pays ACP et l'introduction de la notion de flexibilité qui permet d'allouer des ressources complémentaires aux pays plus performants quant à la bonne utilisation des fonds ; l'extension du dialogue politique à la consolidation de la paix, la prévention et la résolution des conflits. Pour ce dernier point, la mission Eufor d'appui aux casques bleus en RDC en 2006 ou l'appui à la mission de l'Union Africaine (UA) au Darfour grâce à la mobilisation des fonds européens de développement avec accord des ACP, témoignent de cette innovation de Cotonou. Le partenariat sous Cotonou est adossé sur cinq (05)114(*) piliers dont le principal est sans doute l'établissement d'un nouveau cadre économique et commercial constitué par les APE.

Les Accords de Cotonou ont évolué vers les APE parce que la coopération UE/ACP devait désormais se mettre au pas des règles d'un échange international régi par les règles libérales de l'OMC. Il faut donc comprendre que c'est parce que l'économie mondiale a été mise sous l'égide du néolibéralisme de Reagan et de Thatcher dans les années 1980, que les Accords UE/ACP ont aussi pris une orientation pro-marché et pro-concurrence en contradiction avec les traitements préférentiels qui en constituaient le coeur politique en soutien au développement des pays ACP. L'OMC fonctionne suivant une règle centrale qu'on appelle la clause de la nation la plus favorisée. C'est-à-dire que tous les partenaires d'un pays à l'échange international doivent être traités de façon identique, sans pratiques discriminatoires. C'est pourquoi les traitements préférentiels ne sont plus autorisés dans la coopération UE/ACP.

Ce qui fait de Cotonou la transition entre une forme de coopération et une autre à venir est l'annonce des APE entre les régions ACP et l'UE dont la conclusion était prévue avant fin 2007. La cause de ce bouleversement fondamental tient du fait que les préférences commerciales accordées par l'UE aux pays ACP contrastent avec les règles fondatrices de l'OMC dont les deux (02) principes directeurs sont la réciprocité et la non-discrimination. Le but étant de faciliter l'intégration harmonieuse des économies des pays ACP dans l'économie mondiale où la compétition est nettement plus féroce que dans le processus de Lomé.

Certes, cette nouvelle donne laisse perplexe certains pays ACP et les acteurs de la société civile africaine et européenne, même si d'aucuns (notamment les pays signataires d'un APE intermédiaire ou complet) affirme qu'elle est un élément de sécurité dans un monde plein d'incertitude du fait de la mondialisation des échanges commerciaux et la globalisation financière.115(*)

Par ce premier chapitre, nous avons voulu retracer le contexte historique de l'avènement des APE dans les pays ACP en général et au Cameroun en particulier. Ainsi, dans une démarche à la fois diachronique et synchronique, nous avons revisité cette vieille coopération de plus de cinquante (50) ans, allant du Traité de Rome de 1957 à l'accord de Cotonou de 2000, en passant par les conventions dites de Yaoundé et de Lomé.

De façon concrète, l'on peut retenir que les relations ACP-UE ont une essence néocoloniale car, en dépit de la volonté officielle de l'UE à accompagner les pays ACP vers un développement efficient et une insertion efficiente dans l'économie mondialisée, le bilan de cette coopération est resté médiocre. Le régime préférentiel et ambitieux de Lomé concédé aux pays ACP pendant vingt-cinq (25) ans n'a pas pu réaliser les objectifs escomptés.

Bien qu'ils aient signé et ratifié l'accord de Cotonou, les pays ACP n'ont pas accueilli de gaité de coeur la proposition relative aux APE car elle portait atteinte d'après eux à un des plus anciens acquis de la coopération à savoir le traitement préférentiel. Pour mieux cerner les contours de l'APE, le chapitre suivant va procéder à sa présentation générale et à l'état des lieux de ce dernier au Cameroun.

* 85 ECPDM, Histoire et Evolution de la coopération UE-ACP, Maastricht, 2004, P.23.

* 86 Pamphile SEBAHARA, La coopération politique entre l'UE et les Etats ACP...... op. cit., P. 5.

* 87 Le Courrier, ... op. cit., p.8.

* 88 Ibid.

* 89 Ibid.

* 90 C'est l'accord de Georgetown signé en 1975 qui institue le groupe des Etats dit Afrique Caraïbes Pacifique (ACP), suite à l'accession des Etats des caraïbes et du Pacifiques à la souveraineté internationale.

* 91 Le STABEX est un mécanisme original de compensation des pertes de recettes d'exportation des produits agricoles en cas de fluctuations des prix sur les marchés mondiaux. Le mécanisme de compensation se déclenche lorsque les recettes diminuent d'au moins 5% (par rapport à la norme fixée à la moyenne des quatre années antérieures) sur un produit qui doit concerner 5% des exportations totales de l'Etat concerné vers l'Europe. La Côte d'Ivoire, le Sénégal et le Cameroun ont été parmi les principaux bénéficiaires.

* 92 Commission Européenne, Le Cameroun et l'Union Européenne, Bruxelles, 1996, p.17.

* 93 Thierry AMOUGOU, « APE en ratification au Cameroun: le Cercle de Réflexions Economiques, Sociales et Politiques (CRESPOL) explicite les enjeux vitaux pour l'Afrique », in Bulletin du CRESPOL No1, 2015, p.2.

* 94 Ibid.

* 95 Le SYSMIN est un mécanisme de soutien à la production et à l'exportation des produits miniers des pays ACP. Pour être éligible, il faut que soit le produit constitue 15% au moins des recettes d'exportation (pendant deux des quatre années antérieures à la demande), soit que l'ensemble des produits miniers représente 20% au moins des exportations totales. Ces deux mécanismes étaient financés par le FED qui versait des avances aux pays ACP.

* 96 Marien Thierry ANDEME MEDJO, « Les Accords de partenariat économique, une opportunité ou une menace pour les pays de la CEMAC », Mémoire de Master en analyse des politiques économiques, Université de Yaoundé II, 2011, p. 33.

* 97 Marien Thierry ANDEME MEDJO, « Les Accords de Partenariat Economique, une opportunité ou une menace pour les pays de la CEMAC ? », op. cit. p. 33.

* 98 Les PVD bénéficiaires de l'APD faisaient face à une double réalité. Primo. Il leur était devenu quasi-impossible de rembourser leur créance auprès des bailleurs de fond du fait d'un endettement devenu assez lourd. Secundo. Les projets pour lesquels les prêts avaient été contractés étaient inexistants pour la plupart du fait de la mal gouvernance sur fond de détournement des deniers publics. Pour plus de détails à ce sujet, lire l'ouvrage de Pierre PEAN intitulé Affaires africaines, Paris, Fayard, 1983.

* 99 Paule BOUVIER, L'Europe et la politique de Coopération pour le Développement de l'Afrique, Paris, Harmattan, 1992, p. 12.

* 100 Ibid.

* 101 Ibid.

* 102 Daniel BACH, « L'Europe et le Tiers monde : la convention de Lomé, un ancrage à la dérive », in problèmes économiques, N° 23276, 18 mai 1994, p. 2.

* 103 Ibid.

* 104 Ibid.

* 105 Paule BOUVIER, L'Europe et la politique de Coopération pour...... op. cit., p.8.

* 106 La CEE devient l'UE par le Traité de Maastricht du 07 février 1992 et s'engage à créer un marché unique qui aboutira à une union économique voire monétaire.

* 107 Commission Européenne, Livre vert sur les relations entre l'UE et les pays ACP à l'aube du 21ème siècle. Défis pour un nouveau partenariat, Bruxelles, Luxembourg, 1997, P. 62.

* 108 Ibid.

* 109 CEA/BSR-AC « Les questions de l'OMC, les APE et le développement du commerce en Afrique Centrale », 2004, p. 25.

* 110 Pour plus de détails sur l'épineuse question de la détérioration des termes de l'échange à laquelle les produits des pays ACP se butent sur le marché international, lire Jean NGANDJEU dans son livre intitulé le Cameroun et la crise, Paris, Harmattan, 1998.

* 111 Philippe HUGON, les accords de libre-échange avec les pays du Sud et de l'Est de la méditerranée au regard du nouveau régionalisme, séminaire Emma-Réseau intégration Nord-Sud (RINOS), Paris, 2003, p.13.

* 112 Ibid.

* 113 Commission Européenne, Accord de Partenariat ACP-CE, signé à Cotonou le 23 juin 2000, révisé à Luxembourg en 2005, p.18.

* 114 Ces cinq (05) piliers sont : le renforcement de la dimension politique et institutionnelle de la coopération ; la promotion des approches participatives avec l'ouverture du partenariat à la société civile, au secteur privé et aux collectivités locales ; la stratégie globale centrée sur l'objectif de lutte contre la pauvreté ; la reforme de la coopération financière ; et l'établissement d'un nouveau cadre économique et commercial constitué par les APE.

* 115 Fiche d'information sur l'APE Intérimaire UE-Afrique Centrale (Cameroun), septembre 2014, p.5.

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