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La sécurité juridique en droit administratif sénégalais

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par Abdou Ka
Université Gaston berger de saint Louis - DEA droit public 2015
  

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Section 2 : Une avancée de la sécurité juridique nécessairement encadrée

La progression de l'exigence de sécurité juridique en droit positif peut à terme conduire à une subjectivisation indésirable du droit administratif (Par.1). Aussi, elle pose le problème du renforcement outrancier des pouvoirs du juge (Par. 2).

Paragraphe 1 : La perspective d'une subjectivisation indésirable du droit administratif

La sécurité juridique en ce qu'elle implique la reconnaissance de droits publics subjectifs dans le chef des administrés dans leurs relations avec l'administration participe largement du processus de subjectivisation du droit administratif. Avec l'avancée notoire de l'exigence de sécurité juridique dans l'ordre positif, les rapports entre la puissance publique et les administrés ont profondément évolué dans le sens d'une plus grande prise en compte des intérêts privés. De plus en plus enclin à invoquer des droits subjectifs dans leurs rapports avec l'administration, les particuliers participent largement à ce mouvement de subjectivisation du droit administratif. De même, le juge, devenu plus sensible aux intérêts des parties au procès administratif, se montre désormais plus ouvert aux arguments tenant à la garantie des droits subjectifs.

Certainement, la progression de l'exigence de sécurité juridique en droit positif s'est faite dans le sens d'une plus grande protection des intérêts des administrés. Avec, le développement de l'idée de sécurité juridique dans l'ordre juridique, le rapport administratif n'est plus ce rapport objectif qui n'induisait des droits subjectifs que de manière parcimonieuse. L'exigence de sécurité juridique permet même dans certaines hypothèses de paralyser le principe de légalité afin de préserver les intérêts individuels des administrés. Cependant, les avancées de la sécurité juridique en droit positif sont devenues par la force des choses assez inquiétantes tant du point de vue de l'identité du droit administratif que par rapport à l'efficacité de l'action administrative.

L'identité du droit administratif suivant la tradition française dépend largement de son exorbitance. Là réside le consensus autour du droit administratif. Les relations entre l'administration et les administrés sont d'abord des relations objectives de légalité. En principe, l'administration bénéficie d'une certaine liberté d'action autant qu'elle reste dans la légalité. Toute idée de subjectivité dans le rapport administratif est rejetée au nom de la défense de l'intérêt général. L'intérêt général va ainsi justifier et fonder l'action administrative. Au nom de l'intérêt général, l'administration pourra même, dans certaines situations, empiéter légalement sur les droits individuels. Il est vrai que les droits subjectifs des administrés sont devenus un enjeu essentiel du contentieux administratif, mais il n'en demeure pas moins qu'une subjectivisation poussée du droit administratif n'est pas souhaitable en ce sens que c'est l'identité même du système juridique qui se trouverait menacée. Dans cette logique, les développementsque connaît le principe de sécurité juridique en droit administratif, s'ils ne sont pas maîtrisés, peuvent s'avérer même dangereux au regard de l'identité juridique. C'est ce que semble traduire les propos de M. DELAMARRE quand il affirme, à propos du principe de sécurité juridique, que « si d'aventure le juge administratif français se dotait d'un nouveau principe général du droit, rien ne l'empêcherait de le façonner de manière à ce qu'il ne porte pas atteinte au niveau de protection de la stabilité des situations juridiques tel qu'il existe aujourd'hui en droit administratif français »167(*). Autrement, appliquer sans discernement le principe de sécurité juridique peut conduire à une situation fâcheuse pour l'équilibre d'ensemble du système juridique. Le système juridique français se structure essentiellement autour du principe de légalité. Evidemment, les choses ont évolué et le droit administratif n'est plus ce qu'il était, mais il reste que le principe de sécurité juridique, aussi important soit-il pour la protection des droits des administrés, ne saurait s'appliquer sans considération du principe de légalité. En effet, même s'il est permis de penser que dans le contexte actuel la prévalence du principe de légalité sur celui de sécurité juridique peut paraître « choquante »168(*), il faut admettre que sacrifier la légalité sur l'autel des droits publics subjectifs constitue un pari fort risqué. Plus radical encore, B. PACTEAU pense que mieux vaut l'instillation dans le droit administratif français d'une « perspective desécurité juridique »169(*) plutôt que l'émergence d'un principe de sécurité juridique.

Il ne fait aucun doute que la sécurité juridique est devenue un principe essentiel de l'ordre juridique, mais il est nécessaire de veiller à ce que, dans sa mise en oeuvre, il ne remette pas en cause l'identité du système juridique. En effet, il convient d'aménager des critères d'application assez stricts afin de ne pas trop bouleverser l'équilibre de la balance entre la garantie de l'intérêt général et la protection des droits individuels. C'est ce qui fait dire à J. P. PUISSOCHET que « si le principe de confiance légitime était appliqué sans discernement, d'autres principes de droit, au premier rang desquels figure le principe de légalité, pourraient être mis systématiquement en échec, ce qui conduirait, par un étrange retournement des choses, à une véritable insécurité juridique »170(*)

L'efficacité de l'action administrative implique de laisser une certaine marge de manoeuvre à l'autorité administrative dans la conduite de ses missions. Garante de l'intérêt général, l'administration dispose naturellement d'un certain nombre de privilèges qu'une subjectivisation poussée du droit administratif tend à entraver lourdement. Les avancées de l'exigence de sécurité juridique sont allées dans le sens d'une meilleure prise en compte des intérêts individuels dans les rapports entre l'administration et les administrés, ce qui conduit à l'effritement progressif de la puissance publique. Certainement, cette avancée de la sécurité juridique dans le droit positif a été salutaire à plus d'un titre pour les administrés, mais il reste que, poussée à l'extrême, elle peut s'avérer handicapante pour l'autorité administrative dans la poursuite de l'intérêt général. Certes, pour reprendre l'idée de H. MOUANNES à propos du juge administratif, « sa ligne de conduite demeure celle d'assurer une effective protection des droits des administrés sans toutefois paralyser l'action de l'administration »171(*), mais il est également vrai que la percée spectaculaire de l'exigence de sécurité juridique pourrait à terme remettre en cause cet équilibre que cherche tant à instaurer le juge.

Pour toutes ces raisons, il importe, dans le contexte actuel marqué par un intérêt soutenu pour la sécurité juridique, d'aménager des conditions précises pour la mise en oeuvre de cette exigence afin qu'elle ne dévie pas de sa fonction principale qui consiste en la sécurisation de l'ordre juridique. Il est nécessaire de dégager des critères assez stricts pour l'application des différentes exigences qui découlent de l'impératif de sécurité juridique. L'exigence de sécurité juridique ne saurait s'appliquer dans l'ordre positif sans considération de la nature du système juridique et de la logique d'efficacité dans la gestion administrative. Aussi, les avancées de l'exigence de sécurité juridique dans le droit positif peuvent induire un renforcement non souhaitable des pouvoirs du juge.

* 167 M. DELAMARRE, « La sécurité juridique et le juge administratif français », AJDA p.186

* 168 V. TCHEN, « L'introuvable principe de sécurité juridique », Dalloz 1996, p.433

* 169 B. PACTEAU, « Le principe de sécurité juridique, un principe qui nous manque ? », Op. cit

* 170 J. P. PUISSOCHET, « Vous avez dit confiance légitime ? Le principe de confiance légitime en droit communautaire » in L'Etat de droitMélanges G. BRAIBANT 1996, p.581

* 171 H. MOUANNES, « Le conseil d'Etat et la notion d'impartialité ou, la variable équation », VI Congrès des constitutionnalistes, Montpellier, 09-10-11 Juin 2005

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus