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Le sport, vecteur de mutation sociale et institutionnelle en Afrique du Sud.

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par Anne-Gaël JOUANNIC
IRIS - Master 2 Relations internationales 2016
  

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INTRODUCTION

Depuis la cérémonie d'ouverture des Jeux Olympiques de Londres en 1908, lorsque l'équipe étasunienne refuse de remettre le drapeau américain au roi Édouard VII, la politique apparaît fréquemment liée au sport international. Les terrains de sport du monde servent de lieu de compétitions individuelles, mais également de banc d'essai à la force des systèmes politiques.

Aux Jeux Olympiques de Berlin en 1936, Hitler entend prouver au monde la supériorité du système nazi par le succès sportif. Après la seconde guerre mondiale, les Jeux Olympiques servent de vitrine à la guerre froide entre les deux blocs. À la défaite des États-Unis aux Jeux de 1964, le vice-président américain Hubert Humphrey estime que les États-Unis sont humiliés en tant que grande nation par l'Union Soviétique et qu'il s'agit de prouver au monde la supériorité d'un système démocratique occidental sur le système communiste soviétique. Les illustrations historiques de la relation entre le sport international et la politique sont nombreuses et le cas sud-africain en est un exemple récent et éloquent.

En effet, le sport en Afrique du Sud constitue une illustration emblématique de l'impact du sport dans la politique internationale. Pour citer un journal sud-africain du régime apartheid « chaque victoire internationale de l'Afrique du Sud est un coup porté à nos ennemis sportifs et politiques »1. Pour l'Afrique du Sud sous l'apartheid (1948-1992), le sport est un vecteur de soft power, un outil de rayonnement et d'attractivité mondiale mais surtout un outil pour permettre l'acceptation de son idéologie de ségrégation.

Le corps sportif sud-africain s'est formé selon les divisons raciales d'abord factuelles puis juridiques, le sport est ainsi devenu profondément divisé et identitaire. Selon cette logique, le le rugby est le sport des communautés Blanches et afrikaner, le cricket celui de l'establishment britannique et le football considéré comme culturellement inférieur est approprié par la communauté Noire. Le sport est donc le terrain sur lequel des versions rivales de la nation sud-africaines se construisent et s'opposent. L'histoire du sport sud-africain apparaît indissociable de la condition nationale sud-africaine fondée sur l'artificielle dichotomie entre l'Afrique du Sud Blanche et l'Afrique du Sud Noire.

1 « Every international sports success of South Africa is a blow against our sports and political enemies » .

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Le sport, vecteur de mutation sociale et institutionnelle en Afrique du Sud

À partir des années 1960, le refus catégorique du gouvernement sud-africain d'autoriser l'intégration d'équipes Noires pour représenter le pays, par application de la politique d'apartheid au domaine sportif, conduit à d'intenses pressions internes et globales et à des protestations de la communauté internationale.

Malgré ces oppositions, l'Afrique du Sud poursuit les compétitions internationales jusqu'en 1970, lorsqu'elle est finalement exclue de quasiment tous les évènements sportifs internationaux et particulièrement des Jeux Olympiques.

Sous cette contrainte, l'Afrique du Sud mise au ban va progressivement assouplir sa politique, d'abord extérieure puis intérieure, jusqu'à la chute institutionnellement consacrée du système de ségrégation raciale.

En effet, grâce au boycott international, le sport a permis la transformation institutionnelle en Afrique du Sud et, depuis le début de la période postapartheid, il est un outil d'unification nationale et de reconstruction sociale. Le sport en Afrique du Sud occupe donc deux fonctions sociales et politiques. D'une part il exprime l'indignation de la communauté internationale et de l'African National Congress (ANC) et constitue un moyen de pression contre le régime de l'apartheid. D'autre part, le sport permet l'affrontement puis le rapprochement de deux identités culturelles opposées.

Pour bien appréhender ces fonctions du sport en Afrique du Sud, il faut comprendre qu'il occupe un rôle crucial dans la vie du pays. L'importance culturelle et politique du sport sud-africain est inscrite dans la société. Depuis son importation par les colons britanniques au XIXème siècle, le sport est sacralisé par les élites Blanches du pays qui entretiennent depuis un lien passionnel voire quasi-religieux avec le sport, et particulièrement avec le rugby. Le rugby est le sport élu par la communauté afrikaner pour expier sa frustration face à l'oppression britannique. Il permet un rapport de force et de contestation de la domination politique. Depuis, le rugby est, par définition, la discipline sacrée de la culture afrikaner. Ce sport est devenu le symbole de leur domination et de leur « supériorité » culturelle. Le sport est donc rapidement ethnicisé en Afrique du Sud et les mesures de domination de l'apartheid y sont appliquées pour que les Blancs en conservent le monopole. Le sport sud-africain est profondément culturel, identitaire et symbolique. En outre, pendant l'apartheid, l'Afrique du Sud forme avec la Nouvelle-Zélande l'une des deux nations les plus puissantes du rugby mondial. Le rugby est donc un vecteur de rayonnement de l'hégémonie afrikaner. C'est donc logiquement que la communauté internationale et l'African National Congress (ANC) qui cherchent à dénoncer le régime de ségrégation raciale utilisent le boycott sportif pour se faire

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Le sport, vecteur de mutation sociale et institutionnelle en Afrique du Sud

entendre. L'exclusion de l'Afrique du Sud de la compétition internationale à partir des années 1970 est douloureusement ressentie pour ce pays qui divinise le sport. Pour gagner leur réintégration dans la compétition internationale, le gouvernement conservateur sud-africain est progressivement contraint d'assouplir les politiques de discrimination raciale. Le sport, élément identitaire et conservateur devient paradoxalement le vecteur d'effondrement de l'apartheid. C'est donc un puissant instrument de pression et un terrain très propice à l'expression de l'identité des différentes communautés raciales.

Le sport qui est historiquement le terrain privilégié pour la consolidation des différences raciales, des inégalités sociales est aujourd'hui l'outil du rapprochement dans l'Afrique du Sud postapartheid. Depuis leur arrivée au pouvoir en 1994, les dirigeants de l'African National Congress (ANC) utilisent le sport pour fédérer leur nation autour de grands évènements et pour permettre l'émergence d'une identité nationale commune. Le sport permet de transcender les clivages raciaux et culturels. Ce faisant, l'évolution du sport rend compte des changements dans la société sud-africaine. Le phénomène sportif est un indicateur pertinent de l'intégration nationale sud-africaine.

Il apparaît donc judicieux de déterminer dans quelle mesure le sport a permis le changement institutionnel et la reconstruction sociale en Afrique du Sud ?

Dans un premier temps, nous verrons que le sport est l'outil de changement institutionnel et de la réconciliation sociale en Afrique du Sud (I), dans un second temps, nous constaterons que la portée réelle de ce changement apparaît toutefois limitée et que le sport sud-africain est toujours au défi des inégalités raciales héritées de l'apartheid (II).

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway