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Le juge de l'excès de pouvoir au Congo

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par Edson Wencelah TONI KOUMBA
Ecole Nationale dà¢â‚¬â„¢Administration et de Magistrature - Diplôme de là¢â‚¬â„¢ENAM (Option Magistrature, cycle Supérieur)  2011
  

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B)- Les limites aux pouvoirs du juge de l'excès de pouvoir.

Le législateur a limité les pouvoirs du juge qui ne peut ni faire des injonctions ni reformer un acte administratif (1).

De même, il est établi que celui-ci ne peut étendre son contrôle sur les actes de gouvernement et sur ceux relevant du pouvoir discrétionnaire de l'administration (2).

1-L'absence d'un pouvoir d'injonction et de réformation.

Déjà dans la doctrine, Maurice Hauriou affirmait : « Attention, le pouvoir du juge ne saurait aller jusque là ! De manière générale, vous le savez, il ne lui est pas permis d'imposer à l'administration une obligation de faire,ni,a plus forte raison de substituer sa décision à celle qu'il a censurée (...) Dans le contentieux de l'excès de pouvoir ,il lui est interdit d'aller au-delà de la pure et simple annulation de l'acte (...) Où irions-nous si le juge administratif tirait de l'annulation les conséquences nécessaires, dictait à l'administration la conduite à tenir pour rétablir le droit, ou osait substituer lui-même, à la décision annulée, une décision juridiquement correcte ? »88(*).

Au Congo, la loi n° 4-62 du 20 janvier 1962 dans ses dispositions relatives au recours pour excès de pouvoir (articles 88 à 92) ne prévoyait pas les limites des pouvoirs du juge en la matière. Ce vide juridique a été pallié par le législateur de 1983 (loi n° 51-83 du 21 avril 1983 portant code de procédure civile, commerciale, administrative et financière). En effet, il dispose à son article 413 à propos de la Cour Suprême : « Elle ne peut en aucun cas le modifier ou le remplacer -l'acte attaqué - ». C'est donc une interdiction formelle faite au juge de l'excès de pouvoir de modifier ou remplacer l'acte administratif, son pouvoir ne s'arrêtant qu'à l'annulation.

C'est ainsi que dans sa jurisprudence, le juge administratif suprême a rappelé ces limites. Il affirme dans l'espèce KAYOULOUD que : « Attendu que le Procureur Général soutient que le principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires interdit au juge d'accomplir un acte administratif, même sous la forme de la substitution d'un autre acte à un acte administratif annulé à la suite d'un recours pour excès de pouvoir et lui interdit également de faire des injonctions à l'administration »89(*).

S'il est vrai que le Congo en optant pour une unicité d'ordre de juridiction avait « répudié le principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires pris sous la forme du principe de la séparation des juridictions administratives et judiciaires »90(*), il n'en demeure pas moins vrai que la séparation entre l'exécutif (administration qui prend les décisions) et le judiciaire (le juge qui les annule) est un principe constitutionnel que le Congo à maintenu.

Mais, les pouvoirs de ce juge peuvent aussi se heurter aux actes de gouvernement qui sont insusceptibles de recours et aux pouvoir discrétionnaire de l'administration.

2-Les actes de gouvernement et le pouvoir discrétionnaire de l'administration : deux cas limitant les pouvoirs du juge.

Nonobstant le volontarisme avéré de l'administration de se soumettre au droit, une partie, bien que limitée de l'action administrative, doit rester étrangère au droit et donc échapper au juge, particulièrement dans les domaines du pouvoir discrétionnaire, des circonstances exceptionnelles (b) et des actes de gouvernement (a). Le recours pour excès de pouvoir ne saurait donc les concerner.

a-Les actes de gouvernement.

Il faut certainement remonter depuis la colonisation pour justifier une prise en compte de la théorie des actes de gouvernement comme limite des pouvoirs du juge administratif. En effet, dans son arrêt du 19 février 1875, Prince Napoléon, le Conseil d'Etat juge de l'excès de pouvoir affirmait : « Il est, en effet, de principe, d'après la jurisprudence du Conseil, que, de même que les actes législatifs, les actes de gouvernement ne peuvent donner lieu à aucun recours contentieux, alors même qu'ils statuent sur des droits individuels »91(*).

Au fil des années, le Conseil d'Etat s'est évertué à limiter le domaine des actes de gouvernement, mais, il ne l'a pas supprimé complètement. Il s'est donc borné à « en éliminer le critère ancien, excessivement large, tiré du mobile politique »92(*).

Cependant, ce critère n'a pas été remplacé de telle sorte que les actes de gouvernement ne peuvent faire aujourd'hui l'objet d'une définition générale et théorique, mais seulement d'une liste établie d'après la jurisprudence.

C'est là tout le problème en droit congolais, car ni le législateur et encore moins le juge administratif suprême n'a établi une liste des actes de gouvernement. On se pose alors la question de savoir si les actes accomplis par le Chef de l'Etat dans le cadre de ses pouvoirs découlant de la constitution du 20 janvier 2002 tels que Ó

-Le droit de grâce (article 80 de la constitution) ;

-Les décisions prises dans des circonstances exceptionnelles (article 84) ;

-Les décisions prises dans des circonstances d'état d'urgence (article 131) ;

Ces actes, font-ils partie des actes de gouvernement ?

A défaut d'une réponse du législateur ou du juge (par sa jurisprudence), vaut-il mieux se référer à l'énumération établie par la jurisprudence française ? Dans ce cas, seront considérés comme actes de gouvernement insusceptibles de recours pour excès de pouvoir Ó

-Les actes concernant les rapports de l'exécutif avec le parlement ;

-Les actes se rattachant directement aux relations (entre le Congo et) les puissances étrangères ou les organismes internationaux.

En ce qui concerne les pouvoirs exceptionnels du Président de la République prévus à l'article 84, la Chambre administrative devrait s'arrimer à la jurisprudence établie par le Conseil d'Etat en 1962 (CE.ass. 2 mars 1962, Rubin Servens)93(*).

En effet, le Conseil d'Etat a établi à cet égard une distinction capitale entre d'une part, la décision initiale de recourir à l'article 16 (Constitution française du 4 octobre 1958), d'autre part, les décisions prises en vertu de cet article au cours de sa période d'application.

Si la première présente le « caractère d'un acte de gouvernement, dont il ne lui appartient ni d'apprécier la légalité, ni de contrôler la durée d'application »94(*), les secondes, qui sont prises en vertu des pouvoirs propres du Président de la République ne sont pas nécessairement qualifiables d'actes de gouvernement et le Conseil d'Etat sera donc compétent pour en apprécier la légalité.

b-Le pouvoir discrétionnaire de l'administration.

Parlant de l'intervention du juge de l'excès de pouvoir dans les rapports entre l'administration et l'administré, Alexis GABOU affirmait  que ce juge : «  facilite et rend régulière leurs relations en mettant en oeuvre le principe de la légalité »95(*).

Cependant, il est une zone de l'action administrative qui semblerait échapper à la légalité : le pouvoir discrétionnaire de l'administration.

Selon la définition classique de Mickoud, « Il y a pouvoir discrétionnaire toutes les fois qu'une autorité agit librement sans que la conduite à tenir lui soit dictée à l'avance par une règle de droit »96(*). Le Conseil d'Etat a donné une définition plus pratique en ces termes Ó « C'est le pouvoir reconnu à l'administration d'apprécier sans contrôle du juge l'adéquation du fait à la règle de droit »97(*). Il ressort de ces définitions que le pouvoir discrétionnaire constitue le domaine réservé de l'administration qui échappe au contrôle du juge car, il ne relèverait plus du domaine de la légalité mais de celui de l'opportunité.

Au Congo, cette  anomalie juridique  a été renforcée par le principe de l'élasticité du domaine règlementaire posé à l'article 113 de la constitution du 20 janvier 2002 qui dispose : « Les matières, autres que celles qui sont du domaine de la loi, sont du domaine du règlement ». En effet, alors qu'il énumère précisément les matières relevant du domaine de la loi à son article 111, le constituant reste très vague et imprécis sur celles du domaine règlementaire qui devient un fourre-tout. Cette imprécision a pour conséquence, l'élargissement du pouvoir discrétionnaire et le rétrécissement du contrôle juridictionnel puisque le juge ne peut exercer son contrôle que dans un cadre défini. Il est vrai qu'une administration enchaînée par la loi, sans aucune marge de liberté dans l'appréciation des faits et dans la prise des décisions, entrainerait une sorte de  robotisation  de l'action administrative car pour reprendre les mots de Romieu,  « quand la maison brûle, on ne va pas demander au juge l'autorisation d'y envoyer les pompiers »98(*).

Mais liberté ne signifie pas libertinage de l'administration. Il appartient donc au juge de l'excès de pouvoir d'annuler les actes des autorités administratives en cas d'illégalité.

* 88 BAILLEUL (D), L'efficacité comparée des REP et RPC objectif en Droit public français, L.G.D.J, Paris 1999 p.25

* 89C.S. Adm 20 mai 1977, KAYOULOUD

* 90 idem

* 91 C.E. 19 février 1875, Prince NAPOLEON in G.A.J.A op cit p.16

* 92 CE 19 février 1875 Prince NAPOLEON

* 93 C.E. Ass, 2 mars 1962, Rubin Servens GAJA op. cit p.555

* 94 Idem

* 95 GABOU (A), Le juge contrôleur de la légalité administrative au Congo, in RJPIC 1983 p.699

* 96 SANDRAN (C), Droit administratif (Mémentos Thémis) éd. Puf 1993 p.99

* 97 MOUBANGAT MOUKONZI (A.D), L E juge congolais face au pouvoir discrétionnaire de l'administration. Mémoire pour l'obtention du Diplôme de l'E.N.A.M (filière Magistrature) Brazzaville 1988 p.58

* 98 CE 2 décembre 1902, Société immobilière de Saint Just GAJA op.cit p.67

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