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Le juge de l'excès de pouvoir au Congo

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par Edson Wencelah TONI KOUMBA
Ecole Nationale dà¢â‚¬â„¢Administration et de Magistrature - Diplôme de là¢â‚¬â„¢ENAM (Option Magistrature, cycle Supérieur)  2011
  

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B)- Une formation dotée de plusieurs compétences.

Depuis plusieurs décennies, la chambre administrative de la Cour Suprême a reçu du législateur une compétence pour connaître du recours en annulation pour excès de pouvoir, par cette attribution exclusive, elle est la seule juridiction administrative qui connaît du recours pour excès de pouvoir en premier et dernier ressort (1).

Mais en tant que juridiction administrative la plus élevée, outre la connaissance de l'excès de pouvoir, cette chambre est juge de cassation contre les décisions rendues en dernier ressort et en matière administrative par les juridictions et par des organismes administratifs à caractère juridictionnel (2).

1- La connaissance exclusive du recours pour excès de pouvoir.

L'organisation juridictionnelle en ce qui intéresse le contentieux administratif au Congo a été déterminé par une succession de textes législatifs datés de 1962 à 1999. Ces textes ont les uns après les autres remaniés le cadre juridictionnel en la matière sans pour autant remettre en cause la dévolution et le contenu des compétences contentieuses de la chambre administrative de la Cour Suprême.

C'est ainsi que le principe du double degré de juridiction n'a été retenu que pour le plein contentieux.

Si aujourd'hui, il est totalement admis que cette compétence exclusive dans la connaissance de l'excès de pouvoir est une attribution classique qui est considérée comme « une compétence jubilaire »33(*). Il est important de rappeler qu'elle a résisté à l'usure des textes législatifs, des réformes et de ses détracteurs.

En effet, cela n'a toujours pas été le cas car pendant longtemps, l'attribution d'une compétence exclusive reconnue à cette chambre comme juge de l'excès de pouvoir a fait l'objet de controverse tant en doctrine qu'en jurisprudence. Au coeur de ce débat, une question qui se présentait comme suit : «  En se fondant sur la compétence générale du Tribunal de Grande Instance sur l'ensemble du contentieux administratif selon les termes de l'article 1er de la loi n°6-62 du 20 août 1962 ; il est de ce fait compétent pour apprécier et interpréter la légalité des décisions administratives. Mais, cette compétence générale conduit-elle automatiquement à l'annulation de ces actes ? »34(*).

Comme pour prendre part à cette polémique la chambre administrative a, dans ses motifs de l'arrêt KAYOULOUD, disposé d'une argumentation textuelle dont l'importance sera indéniable par la suite. Celle-ci est constituée par les articles 2 et 49 de la loi 4-62 du 20 janvier 1962 relative à la Cour Suprême qui disposent : « La Cour Suprême se prononce sur les recours en annulation pour excès de pouvoir formés contre les décisions émanant des autorités administratives » et « La chambre administrative (...) connaît en outre des recours en annulation pour excès de pouvoir ».

Le mot annulation, ainsi employé par le législateur, exprime clairement la volonté de ce dernier et une telle disposition ne peut être interprétée autrement que dans le sens où on l'entend habituellement. C'est-à-dire que l'annulation des actes administratifs est une attribution reconnue exclusivement à la chambre administrative de la Cour Suprême malgré la compétence de droit commun des Tribunaux de Grandes Instances.

Par ailleurs, l'appréciation et l'interprétation constituent au Congo un contentieux de la légalité mais à titre incident et par voie d'exception35(*). Ce ne sont pas des questions préjudicielles susceptibles de conduire à surseoir à statuer et à renvoyer devant le juge de la légalité.

L'article 62 alinéa 3 de la loi du 20 aout 1992 qui reprend les termes de l'article 2 de la loi n°6-62 du 20 janvier 1962 dispose : « au cours des instances dont elle est saisie, la chambre civile est compétente pour interpréter les décisions des diverses autorités administratives et apprécier leur régularité juridique, lorsqu'elles sont invoquées à l'appui de la demande ou comme moyen de défense ».

Cette plénitude de la compétence des Tribunaux de Grandes Instances est plus étendue que celle attribuée au juge judiciaire français statuant en matière civile et correspond à celle du juge répressif français. En effet, alors que l'article 111-5 du nouveau code pénal français dispose : « Les juridictions pénales sont compétentes pour interpréter les actes administratifs réglementaires ou individuels et pour en apprécier la légalité, lorsque, de  cet examen, dépend la solution du procès pénal qui leur est soumis »,

la jurisprudence Septfond quant à elle, limite les pouvoirs du juge civil à la seule interprétation en ces termes : « L'interprétation lui est permise en ce qui concerne les actes réglementaires, mais celle des actes individuels - à moins qu'ils soient parfaitement clairs - constituent une question préjudicielle de la compétence de la juridiction administrative »36(*).

Il convient de préciser que cette vision consistant à faire de la chambre administrative des Cours Suprêmes juge exclusif du recours pour excès de pouvoir, a été adoptée par la plupart des Etats d'inspiration juridique et judiciaire française.

Aujourd'hui, plusieurs décennies après leur indépendance, certains pays ont comme le Congo maintenu cette compétence exclusive reconnue à la chambre en matière du contentieux de l'annulation.

C'est le cas de  la République du Tchad dont l'article 7 de la loi 004/PR/98 du 13 novembre 1997, s'agissant de la chambre administrative de la Cour Suprême, dispose à son alinéa 3 : « Elle statue seule sur les recours pour excès de pouvoir contre les décrets et arrêtés ». Il en est de même pour la Côte d'Ivoire à propos de la loi du 25 avril 1997 modifiant celle du 16 août 1994 portant composition, organisation, attribution et fonctionnement de la Cour Suprême.

Par contre, d'autres pays ont réorganisé leur système en instituant un double degré de juridiction dans la connaissance du recours pour excès de pouvoir par la création des Tribunaux et Cours d'Appels administratifs.

Au nombre de ces pays, on pourra citer le Gabon dont les lois n°7/94 du 16 septembre 1994 et n°10/94 du 17 septembre 1994 portant respectivement sur l'organisation de la justice en République du Gabon et sur la Cour administrative.

Ces lois ont consacré l'éclatement de l'ancienne Cour Suprême en quatre cours autonomes dont la Cour administrative (équivalent du Conseil d'Etat). L'article 35 de la seconde loi fixe les compétences de la Cour administrative en précisant à son alinéa 2 qu' « Elle connaît en premier et dernier ressort des recours dirigés contre les actes administratifs unilatéraux, individuels ou réglementaires dont le champ d'application s'étend au-delà du ressort d'une cour d'appel statuant en matière administrative ».

Il en est de même pour le Maroc où, en 1957 le Dahir n°1-57-223 du 27 septembre relatif à la Cour Suprême attribuait la connaissance des actes administratifs à la seule compétence de la Cour Suprême et d'ailleurs à ce propos,

le Professeur A. BENABDALLAH écrit Ó « C'est à elle seule que revenait cette compétence, elle était compétente en premier et dernier ressort »37(*). Avec la mise en place des Tribunaux et Cours d'appels administratives par les Dahirs de 1994 et celui du 14 février 2006, « Ces juridictions sont devenues territorialement compétentes pour connaitre, entre autres, des recours en annulation pour excès de pouvoir. Leurs jugements sont susceptibles d'appel devant la Cour suprême »38(*).

Revenons sur la chambre administrative de la Cour Suprême du Congo pour souligner qu'outre cette compétence exclusive qui lui est reconnue en matière d'excès de pouvoir, elle dispose d'autres compétences contentieuses prévues par le législateur.

2- La connaissance des autres recours en tant que juge de cassation.

Notre étude se basant sur le juge de l'excès de pouvoir, il serait inopportun de consacrer une partie à l'examen des compétences de ce juge en matière de cassation. Aussi, l'examen de cette rubrique ne pourra revêtir un intérêt que dans la mesure où nous allons établir une distinction entre la chambre administrative, juge de cassation (connaissant de la légalité des décisions juridictionnelles) et juge de l'excès de pouvoir (connaissant des décisions administratives).

Au plan jurisprudentiel, la question avait été abordée tant par le Conseil d'Etat français (C.E. Ass. 7 février 1947, D'Aillières)39(*) que par la chambre administrative de la Cour Suprême du Congo (C.S Adm, 17 décembre 1976, Maurice BAZE)40(*).

Dans l'espèce D'Ailières, un ancien sénateur et quatre anciens députés s'étant vus frapper d'inéligibilité pour avoir voté en faveur du Marechal Pétain au cours de la séance de l'Assemblée nationale du 10 juillet 1940. Cette inéligibilité étant étendue en 1945 et en 1946 il était permis aux parlementaires visés par cette sanction de s'en faire relever par un jury d'honneur spécialement institué à cet effet. Ce jury refusant de relever l'inéligibilité du Sieur D'Ailières et autres, la décision fut déférée au Conseil d'Etat.

Le problème qui se posait au Conseil d'Etat était celui de savoir si la décision du jury d'honneur était ou non juridictionnelle ? Par l'affirmative, le contrôle du Conseil d'Etat n'était qu'un contrôle qu'il exerce comme juge de cassation.

Par la négative -si elle n'était qu'une simple décision administrative- le contrôle s'exerçant sur elle était celui du juge de l'excès de pouvoir.

Dans sa solution, le juge administratif établit un faisceau d'indices lui permettant de déceler la volonté du législateur, il s'agit : « de la composition de l'organisme, de l'indépendance de ses membres, du caractère de la procédure, de la nature des litiges dont il est saisi ».

Dans l'espèce M. BAZE, la chambre administrative de la Cour Suprême a tranché une question similaire. En effet, par requête du 27 décembre 1975, le sieur M.BAZE intente tout à la fois un pourvoi en cassation et un recours en annulation pour excès de pouvoir contre une décision de l'Assemblée générale de la Cour d'Appel de Brazzaville. « Il fonde ces actions respectivement sur l'article 2 de la loi n°4-62 du 20 janvier 1962, qui concerne la compétence de la Cour Suprême pour connaitre des recours en annulation pour excès de pouvoir et sur l'article 3 de la même loi, qui donne compétence à la Cour Suprême pour connaître des pourvois en cassation contre les décisions juridictionnelles ». La question qui se posait au juge administratif suprême était de savoir : « si le cumul du pourvoi en cassation et du recours en annulation pour excès de pouvoir contenus dans une même requête et dirigés contre un même acte peut et dans quelle mesure saisir utilement la Cour Suprême ? ».

Mieux que le Conseil d'Etat, la chambre administrative précisant la nette distinction entre les deux recours, soulève l'interdiction de les cumuler : «  Attendu, après ces précisions, qu'il convient de relever que la loi n°4-62 du 20 janvier 1962, dans ses articles 2 et 3, distingue nettement deux sortes de recours en annulation, qui peuvent être présentés devant la Cour Suprême : le pourvoir en cassation dirigé contre les décisions juridictionnelles rendues en dernier ressort, et le recours en annulation pour excès de pouvoir, qui est le recours en annulation dirigé contre les actes administratifs ; Que le principe de la distinction des deux contentieux de la légalité, interdit d'intenter autrement que séparément le procès portant sur la légalité de ces actes ».

Dans sa législation postérieure à cette jurisprudence, le législateur a veillé à établir une distinction claire et précise dans les fonctions contentieuses de la chambre administrative de la Cour Suprême. Tel est le cas dans les articles 3 et 4 de la loi n°17-99 du 15 avril 1999.

Ainsi, bien qu'il s'agit du même juge de la légalité, il statu selon le cas en sa qualité de juge de l'excès de pourvoir et de juge de cassation.

La connaissance du recours pour excès de pouvoir par la seule chambre administrative de la Cour Suprême au Congo est une compétence exclusive qui s'appuie sur des fondements anciens.

* 33 SAMBOKO (G.R.), Les compétences des juridictions suprêmes en Afrique noire in Rec. Administratif n.21, 1998

* 34 BRETON (J.M), op cit p.134

* 35 BRETON (J.M), op cit p.50

* 36 T.C 16 juin 1923, Septfond G.A.J.A op. cit p.248

* 37BENABDALLAH (M.A), L'évolution du recours pour excès de pouvoir au Maroc, Université de Rabat-Souissi 2006 p.1à 3

* 38 BENABDALLAH (M.A), Justice administrative et dualité de juridiction, Revue juridique politique et économique du Maroc n.27, p.6

* 39 C.E. Ass. 7 février 1947, D'Ailliêres G.A.J.A. op cit p.390

* 40 C.S. Adm. 17 décembre 1976 Maurice BAZE

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