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Le juge de l'excès de pouvoir au Congo

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par Edson Wencelah TONI KOUMBA
Ecole Nationale dà¢â‚¬â„¢Administration et de Magistrature - Diplôme de là¢â‚¬â„¢ENAM (Option Magistrature, cycle Supérieur)  2011
  

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B)-Les moyens susceptibles d'être invoqués devant le juge administratif suprême.

Les moyens susceptibles d'être invoqués devant le juge de l'excès de pouvoir peuvent être définis comme : «  les différentes catégories de moyens pouvant être avancés à l'appui d'une requête, et, corrélativement, les motifs sur lesquels peut s'appuyer le juge pour y faire droit, c'est-à-dire pour prononcer l'annulation de l'acte litigieux »64(*). Dans la pratique, la chambre administrative de la Cour Suprême succédant au Conseil d'Etat après l'indépendance a hérité de la gamme des cas d'ouvertures, largement vulgarisés depuis plus d'un siècle par ce dernier. Ainsi, selon le classement chronologique fait par le Conseil d'Etat français, on distingue les illégalités externes (1) et les illégalités internes (2).

1-Les illégalités externes : incompétence et vice de forme.

a- L'incompétence.

Dans ce cas d'ouverture, l'auteur de la décision attaquée n'est pas investi de la compétence nécessaire à la prise de l'acte administratif. Il peut se présenter sous plusieurs formes entrainant de nombreuses situations dont il est parfois difficile de retenir comme moyen d'annulation. C'est ainsi que le Professeur B.BOUMAKANI qualifie ce cas d'ouverture d'un «vice rédhibitoire»65(*).

En effet, il peut s'agir d'une usurpation de pouvoir, l'acte étant pris par une personne qui n'est pas une autorité administrative. Cette hypothèse avait été envisagée par le Conseil d'Etat dans une jurisprudence d'avant l'indépendance (CE, section, 5 mars 1948, Sieur Marion et autres.).

Mais les hypothèses les plus fréquentes concernent les empiétements de fonction, l'acte étant pris par une personne qui, bien qu'étant une autorité administrative, déborde de sa sphère de compétence.

Ces hypothèses peuvent entrainer trois situations à savoir Ó

-Une incompétence se rapportant à l'objet ou à la nature de l'acte dite Ó « ratione materiae »66(*).

Dans cette situation, l'autorité administrative en prenant l'acte empiète sur la sphère de compétence dévolue à une autre autorité. La chambre administrative de la Cour Suprême a statué sur une telle situation à maintes reprises.

C'est ainsi que dans son arrêt n° 08/GCS-2006 du 11 mai 2006, NGANGUIA-ENGAMBE Anguios, elle a annulé l'acte administratif n°00001/MEFB/DGDDI/CAB du 2 janvier 2004 par lequel, le Directeur Général des douanes prononçait la suspension du requérant alors qu'aux termes de l'article 16 de la loi n°01/82 du 7 janvier 1992 sur les règles disciplinaires applicables aux agents de l'Etat cette sanction relevait de la compétence du Ministre des Finances.

Dans le même sens, par arrêt n°009/GCS-2001 du 13 juillet 2001, LASCONI Jean Frédéric, elle a annulé la note de service n°81-DGCRF du 3 août 2000 du Directeur général du crédit et des relations financières l'ayant relevé des fonctions alors que cette compétence relevait du Ministre des Finances et du Budget.

-Une incompétence se rapportant au moment où l'acte est pris dite Ó « ratione temporis »67(*).

-Une incompétence se rapportant au ressort territorial dans lequel l'acte s'applique dite Ó « ratione loci »68(*).

Tous ces moyens, lorsqu'ils sont clairement soulevés devant le juge administratif suprême, conduisent à l'annulation de l'acte contesté. L'incompétence étant un moyen d'ordre public, le juge peut la soulever d'office69(*).

b- Le vice de forme.

Ce cas d'ouverture englobe les omissions, les irrégularités de forme qui affectent l'acte dans son élaboration ou qui portent atteinte à sa substance entrainant de ce fait une illégalité que le requérant peut invoquer devant le juge de l'excès de pouvoir.

Le juge administratif distingue cependant entre les formalités substantielles et les formalités accessoires. Seule la violation des premières entraîne l'annulation de l'acte, le non-respect des secondes n'ayant pas de conséquence sur la valeur juridique de celui-ci.

Les formalités substantielles se définissent comme celles permettant le respect des droits des administrés ou celles qui peuvent changer la nature d'une décision.

Dans nos recherches, nous n'avons pas trouvé des arrêts rendus par la chambre administrative de la Cour Suprême en matière d'annulation pour vice de forme.

Mais, à coté de ces moyens qui constituent des illégalités externes, le juge de l'excès de pouvoir peut aussi être saisi des moyens formant des illégalités internes.

2-Les illégalités internes : le détournement de pouvoir et la violation de la loi.

a-Le détournement de pouvoir.

Près d'un siècle avant l'indépendance du Congo, le Conseil d'Etat, juge aîné de la chambre administrative en matière d'excès de pouvoir, examinait ce cas d'ouverture de façon détaillée. En effet, dans sa jurisprudence Pariset (CE 26 novembre 1875), le Conseil d'Etat rapproche le détournement de pouvoir de la théorie civiliste de l'abus de droit et le défini comme : « l'exercice d'un pouvoir pour un but autre que celui en vu duquel il a été conféré par la loi »70(*).

Le détournement de pouvoir revêt plusieurs formes, c'est ainsi que nous pouvons avoir Ó

-L'hypothèse où, l'acte administratif est « étranger à tout intérêt public »71(*), l'autorité administrative usant de ses pouvoirs dans un but autre que celui pour lesquels ils lui ont été conférés comme par exemple, la satisfaction d'un intérêt personnel ou d'un désir de vengeance. A ce sujet, le Président A. ILOKI considère l'administration comme Ó «le refuge de la vengeance dans lequel s'abriterait les règlements de compte dont seraient auteurs les autorités administratives qui disposent légalement du pouvoir de décider unilatéralement »72(*).

Le détournement de pouvoir peut s'avérer difficile à établir par celui qui l'invoque, lorsqu'il est fondé sur des intentions inavouées, réelles ou supposées de l'auteur de l'acte administratif contesté.

Le Conseil d'Etat a examiné plusieurs affaires de cette nature. Comme par exemple, celle dans laquelle un maire avait interdit le fonctionnement d'un dancing dans le but de protéger son propre bar (CE, 14 mars 1937, D'Rault)73(*), ou cette autre dans laquelle, un autre maire avait suspendu un garde champêtre parce qu'il ne s'entendait plus avec lui (CE, 23 juillet 1909, Fabrègue)74(*).

Au Congo, la chambre administrative a examiné une affaire allant dans le même sens. En effet, statuant sur la requête du sieur N'ZONZA René tendant à l'annulation pour excès de pouvoir d'un arrêté du 3 septembre 1965 par lequel le Ministre de la Fonction publique l'a admis d'office à faire valoir ses droits à une pension de retraite. Au soutient de son pourvoi, le requérant allègue qu'il s'était endormi parce qu'il avait avalé ce jour là quelques comprimés d'Equanil qui font dormir profondément le malade et que la sanction de mise à la retraite d'office est fortement disproportionnée par rapport aux griefs retenus.

La cour a estimé dans l'un de ses considérant Ó « qu'il est de règle qu'un fonctionnaire demeure responsable de ses actes et commet une faute grave de nature à justifier une sanction disciplinaire lorsque les actes ainsi accomplis sont d'une gravité certaine et que l'agent n'a pu ignorer les circonstances exceptionnelles de l'heure -en l'espèce l'état d'alerte générale- qui ne pouvait tolérer un relâchement dans la vigilance ; qu'il s'ensuit que ne peut être retenu le moyen tiré par le requérant de ce que la sanction de mise à la retraite d'office est fortement disproportionnée par rapport aux griefs retenus ; qu'est donc justifiée la sanction disciplinaire prise à l'encontre de N'ZONZA René »75(*).

-L'hypothèse où l'acte administratif est pris dans un intérêt public, mais qui n'est pas celui pour lequel les pouvoirs nécessaires pour prendre l'acte ont été conférés à son auteur. Cela apparait par exemple lorsqu'un maire limite les représentations cinématographiques dans sa commune afin que les enfants préparent plus assidûment leurs devoirs d'école (CE, ass. 14 mai 1954, Sieur De Pischof)76(*).

b-La violation de la loi.

La violation de la loi, qui regroupe les situations d'illégalité correspondant en particulier à l'erreur de droit et à l'erreur de fait, constitue le cas le plus fréquemment rencontré dans la jurisprudence de la chambre administrative de la Cour Suprême.

L'erreur de droit apparaît lorsque l'autorité administrative se fonde sur un texte qui n'est pas applicable à la situation en cause ou qu'elle interprète de manière erronée.

Tel était le cas dans l'affaire ayant opposé le sieur LOKO BALOSSA Elie Joseph à l'Ordre national des Avocats du Congo. En effet, dans son arrêt n°06/GCS-2008 du 10 avril 2008, la chambre administrative a annulé la décision n° 138 du 27 septembre 2003 portant refus d'inscription au tableau de l'ordre national des Avocats du Congo aux motifs qu'elle était prise en violation des articles 32 alinéa 2 et 55 alinéa 2 de la loi n° 26/92 du 20 août 1992 portant organisation de la profession d'avocat.

En l'espèce, le requérant étant maître assistant de droit privé à l'Université Marien NGOUABI avait été à sa demande inscrit au tableau de l'ordre national des avocats du Congo. En 1994, il prête serment d'avocat. Suite à une omission, il a sollicité sa réinscription au tableau de l'ordre mais celle-ci lui sera refusée en raison de son lien de subordination juridique avec l'Université. Le juge administratif a considéré que ladite décision était prise en violation des articles 32 alinéa 2 et 55 alinéa 2 de la loi 26/92 du 20 août 1992 portant organisation de la profession d'avocat qui permettait au requérant de cumuler l'enseignement ou la recherche et la profession d'avocat.

L'erreur de fait apparait quand l'autorité administrative se trompe dans l'analyse des faits de la cause.

Dans cette hypothèse, on peut se référer à l'arrêt DIAMBANGOUAYA Rémy (CS. Adm. 18 juin 1976). Dans cette espèce, il apparait clairement que l'autorité administrative a par son arrêté n° 1179 du 13 mars 1973 fait une mauvaise interprétation de la durée de la période de stage professionnel. En effet, les sieurs DIAMBANGOUAYA Rémy et MOUYEKE Jean ayant subi un stage de formation professionnelle à l'école de l'aéronautique de Tunis et obtenu leur diplôme de fin de stage, ils ont été intégrés, de retour au Congo comme tous les camarades issus d'autres écoles étrangères, dans les cadres de la catégorie B II. Cependant, en application d'un décret 72/272 du 5 août 1972 modifiant la hiérarchie des cadres catégories A et B, ils ont été par arrêté n° 1179 du 13 mars 1973, reclassés en catégorie B I et nommés adjoints techniques principaux de l'aviation civile alors que leurs camarades issus des écoles autres que celle de Tunis étaient quant à eux, reclassés en catégorie A II et nommé techniciens d'aviation civile. L'autorité administrative fondait cette discrimination sur le seul critère de la prétendue notion de durée de période professionnel de stage.

Au regard de tout ce qui précède, on peut affirmer que, lorsque la violation de la loi, le détournement de pouvoir, le vice de forme ou l'incompétence sont avérés, la chambre administrative, annule l'acte administratif illégal. Mais, elle ne peut aller au-delà de cette sanction car ses pouvoirs sont limités.

* 64BRETON (J.M) op cit p.513

* 65 BOUMAKANI (B), op cit p.72

* 66BOUMAKANI (B), op cit p.73

* 67 C.E. Ass. 19 octobre 1962, Sieur BROCAS, Recueil du C.E p.553

* 68 C.E. 5 juin 1981, Société Incimer op cit p.244

* 69 BOUMAKANI (B), op cit p.75

* 70C.E. 26 novembre 1875, PARISET, G.A.J.A op cit p29

* 71 MILLO (J.R), Les actes de l'administration soumis au contrôle du juge. P.36

* 72 ILOKI (A), op cit p.7

* 73 C.E 14 mars 1937, D'Rault. Rec. Lebon 1991 p.253

* 74 C.E 23 juillet 1909, Fabrègue. Rec. Lebon op cit p.358

* 75 C.S. Adm. 22 octobre 1971, N'ZONZA René in Rec. de la jurisprudence administrative de la C.S 1962-1984, Imprimerie nationale Brazzaville p.21 et 22

* 76 C.E. Ass. 14 mai 1954, Sieur De Pischof, in Sirey de 1984 p.352

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