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Formation en informatique. Ouverture sociale et sexisme. Le cas Epitech.

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par Clémentine Pirlot
Université Paris VII Diderot - Master II Sociologie et Anthropologie option genre et developpement 2013
  

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5. Contestation des étudiant.e.s

Epitech propose sur le portail étudiant.e.s un forum interne divisé en catégories, où les étudiant.e.s peuvent parler entre eux mais aussi poser des questions à l'administration. C'est ce qu'a fait un élève suite à l'introduction du statut d'auto-entrepreneur.e, dont voici un extrait :

« je souhaiterais vous poser une question concernant la décision de faire passer tous les AERs auto-entrepreneurs. Lors de la formation des assistants à la mi-septembre, Sébastien nous a dit qu'il s'agissait ici d'une démarche visant à « rendre un peu plus légal » l'emploi d'élèves au sein de l'école. Or niveau légalité c'est loin d'être l'idéal, j'ai déjà pu répertorier 2 caractères frauduleux de la démarche dont un nous incriminant nous, auto-entrepreneurs :

- le fait de « forcer » les personnes voulant travailler pour vous à devenir auto-entrepreneur (je parle bien évidemment des AERs) n'est pas légal, si l'URSSAF venait à me demander pourquoi j'ai créé une auto-entreprise, je ne saurais quoi répondre sans mettre l'école dans une situation délicate.

- le fait que nous ayons un seul client risque de nous porter du tort, à la longue (un an, si ce n'est moins...) nous pourrions être soupçonnés de « salariat déguisé », et c'est nous qui en paierons les frais.

je cite : « De facto, certains auto-entrepreneurs travaillent quasi-exclusivement pour un seul et même client, dans des conditions identiques à celles de salariés : méfiez-vous de ces pratiques abusives car les auto-entrepreneurs en sont toujours les perdants. »

Cela fait déjà deux bémols, et je pense que nous en découvrirons d'autres avec le temps. Ma question est la suivante : cette décision de nous faire passer auto-entrepreneur a t-elle était faite en connaissance de cause de ces problèmes ? Auquel cas vous devez, je l'espère, avoir prévu l'éventualité où l'école serait accusée de déguiser ses employés en auto-entrepreneurs afin de faire des économies grâce aux cotisations sociales.

Je pense qu'il ne s'agit pas là d'un problème à prendre à la légère, en plus d'être risqué pour nous, le statut d'auto-entrepreneur est pour le moins désavantageux (pas d'assurance-chômage, pas de cotisations supplémentaires retraite, pas de mutuelle, pas de protection en cas de rupture des relations...).

N'y a t-il donc aucun moyen légal de faire travailler des élèves au sein de l'école sans leur faire prendre tant de risques ? »

Ce message, directement adressé à la direction d'Epitech, déclenche des discussions entre élèves, l'un d'eux disant « Je pense qu'ils aiment ne pas payer de taxes à l'Etat », ce à quoi le directeur de l'école répond :

« Qui aime payer des taxes ? Mais la difficulté est bien plus complexe qu'il n'y semble.

Au final, nous n'avons peut-être aucun moyen 100% légal d'employer des étudiants de l'école.

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Enfin, notre avocate y travail (certes pas rapidement). Peut-être un montage avec une asso/fondation ... Enfin c'est en cours ... »

Il faut garder à l'esprit que le directeur est un « geek » également, et qu'il est bien plus proche des élèves que n'importe quel.le autre directeur.ice d'école, certain.e.s élèves le tutoient même. D'autres élèves font part des mêmes craintes que Cyril : « Il n'est pas le seul a se poser ce genre de questions, les assistants/permanents labos divers et variés aussi. » Un élève prend la défense de l'école, mais il sera le seul, les élèves pensant plutôt que « La démarche de « recrutement » des assistants pédagogiques de l'école me semble difficile à défendre. C'est une situation connue dans beaucoup d'entreprises, un entrepreneur est beaucoup plus souple qu'un employé sous CDI : pas d'assurance maladie, pas de congés, pas de primes, souplesse absolue. » Un autre élève dit qu'au cas où l'Urssaf viendrait à découvrir le salariat déguisé, « Epitech risque d'être amené à devoir nous intégrer en tant que salariés, et à nous payer les sommes dues sur la différence entre notre salaire horaire actuel et le smic (ce qui, lorsqu'on regarde pour les AER par exemple le temps obligatoirement passé à l'école, représente une énorme différence). » Ce qui laisse clairement penser que les salaires sont inférieurs au smic pour certain.e.s. Le directeur réapparaît brièvement sur le forum pour dire simplement « Je t'assure que nous y travaillons. Nous sommes en attente depuis mi-décembre d'une étude demandée à notre avocate. La chose est plus complexe qu'il n'y parait. Nicolas. » Un mois plus tard, il poste un autre message, en réponse aux étudiant.e.s qui s'impatientent :

« Je comprends parfaitement la situation. Néanmoins je n'ai toujours pas de retour de l'avocate à ce sujet. Quelques bribes seulement. Je vous assure que cette situation ne me plaît pas plus qu'à vous et que nous sommes le plus actif possible sur le sujet. Par contre, je ne comprends pas un point dans l'immédiat, pour moi, vous êtes payés normalement (c'est ce qu'on me dit) ?Donc le problème n'est qu'une question de forme. Epitech seule porte l'éventuel risque d'une requalification qui pourrait entraîner d'avoir à payer un arriéré de charges. Mais pour vous je ne comprends pas trop la difficulté ? »

Cette dernière phrase déclenche une vague d'indignation de la part des étudiant.e.s :

« Des difficultés, pour nous, il y en a plusieurs ... Tout d'abord, être dans un statut dont personne ne peut nous garantir la légalité. Comment se fait-il, ainsi qu'il a déjà été dit dans ce thread, que ce changement nous aie été imposé alors que le cadre légal n'était pas clairement défini ? Comment se fait-il que nous soyons traités comme des prestataires d'un côté (Obligation de fournir des factures, d'adopter un statut d'entreprise) et d'un autre côté comme des employés (templates de factures imposés à la ligne près sous peine de refus arbitraire de paiement, contraintes de paiement de la compta qui ne devraient pas concerner des prestas mais apparemment nous concernent) ? » Cet élève se plaint également des délais de paiement qui sont devenus aléatoires depuis que le statut d'auto-entrepreneur.e a été introduit.

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Un autre élève s'inquiète pour les risques juridiques :

« Quid des accidents du travail ? Quid de l'étudiant un peu trop stressé en piscine et dont les parents portent plainte pour harcèlement ? Quid des problématiques d'autorisation d'enseigner (certes, les assistants ne font pas de cours, mais tu sais comme moi que c'est parfois une frontière trouble) ? Les prestations des assistants sont-elles soumises à des obligations de moyens ou de résultats ? [...]Le fait est qu'un prestataire a, par nature, une responsabilité plus grande qu'un employé. Nous prenons plus de risques. » Il mentionne également les problèmes administratifs rencontrés « les assistants ayant oublié de déclarer des revenus, ou les ayant mal déclarés car ils n'ont aucune idée de ce que veut dire ce bout de papier envoyé par l'URSSAF. Ou les assistants découvrant après coup le montant des charges qu'ils doivent payer, bien au delà de leurs estimations. Certes, ils auraient sûrement dû aller chercher l'info. Mais le fait est que tous ces gens sont devenus AE en suivant à la lettre des documents édités par Epitech, ont utilisé les templates de factures Epitech, bref, se sont laissés totalement porter par l'école pour devenir AE et gérer leur statut. Et un jour ils ont découvert avec stupeur qu'on ne leur avait pas mâché tout le travail mais juste une partie, et surtout, qu'on ne le leur avait pas dit clairement. »

D'autres élèves s'impatientent « Pourquoi ne pas avoir trouvé de réponse avant de faire passer plusieurs dizaines de personnes sous le statut d'auto-entrepreneur ? J'ai l'impression que le problème est traité à l'envers. » Un autre relate même des déclarations de l'avocate sur le travail non déclaré « Sans vouloir faire de mauvais esprit : c'est la même avocate dont Sébastien Benoit nous a affirmé (en formation assistants, le vendredi 16 septembre, après avoir publiquement reconnu que l'école avait eu recours au travail au noir de façon répétée pendant plusieurs années) qu'elle avait recommandé cette solution ? » Ce à quoi le directeur répond que « C'est son travail. Et la situation est très complexe. Nous devrions avoir sa note prochainement. Globalement elle dit que seuls les stages et les auto-entrepreneur sont possibles. Pour elle, nous ne pouvons rien faire d'autre. » Il ne me semble pas pourtant que la situation soit si complexe, et je ne vois pas ce qui empêcherait l'école d'employer en contrat à durée déterminée ou indéterminée à temps partiel ou plein ses étudiant.e.s.

Tous les témoignages, comme celui qui suit, montrent clairement les conditions difficiles de travail et de vie des étudiant.e.s « salarié.e.s » à Epitech :

« Ma propre facture est datée du 01/01/2012. Nous sommes le 3 [février]. je n'ai toujours pas été payé. Par contre l'urssaf a été payée, ainsi que mon loyer et mes factures, parce qu'à ce niveau je n'ai pas vraiment le choix. Je risque de faire descendre de beaucoup les stats de l'école au niveau des salaires de sortie. [...] L'impression que j'en ai (et qui est partagée par de nombreux autres assistants au vu des réactions dans ce thread) est que le passage sur ce nouveau système a été mis en place uniquement pour éviter a l'école de payer

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les taxes patronales, avec un dédain clair et évident pour les assistants et leurs besoins. » Un autre étudiant fait part du même problème dans une ville différente

A ce jour, aucune réponse n'a été apportée à la colère des étudiant.e.s et l'école utilise toujours le statut d'auto-entrepreneur.e. Il m'a alors semblé intéressant de contacter (par email) Cyril, qui est à l'origine de la contestation semble totalement découragé :

« La plupart des gens travaillant pour l'école ferment les yeux vis à vis de ce genre d'entourloupe, y'a que les grandes gueules comme moi qui se manifestent, et au final je travaille plus pour eux. Pour ce qui est du post sur le forum, ça fait presque 1 an qu'on doit avoir une réponse « la semaine prochaine », j'ai abandonné l'idée de voir un jour les dirigeants de l'école régler ce problème, c'est un sujet maintenant étouffé et qui ne bouleverse en rien le travail quotidien des AERs. C'est une grosse arnaque, mais bon les dirigeants de l'école s'abstiennent bien d'évoquer le sujet. La réussite de mon cursus et l'obtention de mon diplôme sont ma priorité, je ne souhaite plus me battre contre l'école, j'ai assez donné. »

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo