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Formation en informatique. Ouverture sociale et sexisme. Le cas Epitech.

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par Clémentine Pirlot
Université Paris VII Diderot - Master II Sociologie et Anthropologie option genre et developpement 2013
  

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Chapitre V

Catégorisation de sexe et exclusion

Les processus de catégorisation se retrouvent constamment dans notre société inégalitaire, les rapports sociaux étant soutenus par l'enfermement des personnes minoritaires dans des catégories servant à justifier, à posteriori les inégalités. Les catégorisations présentes à Epitech sont principalement celles de sexe. A Epitech, 93 à 98% des élèves (selon les promotions) sont des garçons, les rares filles qui entrent et restent à Epitech doivent faire avec une culture d'exclusion des femmes, qui se met en place à travers divers mécanismes passant par l'humour, le harcèlement stratégique, jusqu'à l'exclusion institutionnelle. Une catégorisation racisante s'opère aussi à Epitech, bien qu'elle soit plus subtile et que les exemples dans les entretiens soient moins nombreux.

1. Mécanismes d'exclusion des femmes

« Il y en a certains qui refuseront de travailler avec toi parce que tu es une fille. C'est comme ça ils vont sortir des excuses bidons. Mais je l'ai entendu. Une fois il y avait deux garçons qui étaient derrière moi et qui font « ouai on se met avec elle ? », et l'autre fait « non c'est une fille » Anissa

1.1 Le soupçon d'incompétence

Les étudiantes que l'on retrouve à Epitech sont celles qui ont été relativement épargnées par la prophétie autoréalisatrice de K. Merton (1949), dans le sens où elles sont la minorité dans un domaine et dans une école considérées comme masculines et qu'elles ont été amenées à dépasser le stéréotype des femmes comme étant mauvaises en informatique ainsi que le tabou de l'accès des femmes aux outils et à la technologie (Tabet, 1998). Il y a donc de grandes chances pour que la majorité des filles d'Epitech ait un niveau scolaire supérieur à celui de la majorité des garçons car les dominé.e.s n'ont pas le sentiment de légitimité des dominant.e.s et doivent donc dépasser les stéréotypes intégrés qui les mèneraient à l'autocensure. Malgré tout,

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lors des entretiens, apparaissent des comportements typiques de catégorisation de sexe, les filles étant automatiquement soupçonnées d'incompétence. Comme le rapporte Amélie, qui était à Epitech Paris :

« En tout cas les deux premières années ils partaient toujours du principe que je n'y connaissais rien. Même si j'avais pu faire plus de choses que certains. Ils partaient juste du principe que je ne connaissais rien et qu'ils étaient forcément meilleurs que moi. Je ne dis pas, il y en a plein qui étaient sûrement meilleurs que moi, mais pas tous. Sauf que du coup, il y a eu des rumeurs, comme j'ai rencontré Anthony au début de l'école, mais vraiment au tout début pendant la première semaine de cours, et pendant genre six mois, il y a eu une rumeur comme quoi je sortais avec lui parce que comme il avait fini l'école il connaissait tous les projets et qu'il allait m'aider. »

Deux autres filles de promo et de villes différentes disent avoir vécu la même chose, comme Julie, qui a commencé Epitech à Bordeaux : « Avec le recul je le déconseille aux filles, j'ai un peu l'impression d'être l'élément débile, mon directeur m'a dit "t'inquiètes pas, vu que t'es une fille j'en attends moins de toi que des autres". » Julie est cependant la seule à avoir clairement rapporté un tel discours de la part d'un adulte de l'administration, toutes les deux filles n'ont parlé que des autres élèves, ou des astek. C'est ce qui est arrivé pour Anissa, en deuxième année à Paris : « en fait il faut que tu prouves quand t'es une fille, vu qu'on est peu de filles il faut prouver qu'on sait faire quelque chose. Parce que la plupart du temps il pense qu'une fille va charmer, jouer sur son petit côté fille devant les gens. » Pour elle, la difficulté était double car ses propres ami.e.s étaient persuadé.e.s qu'elle ne tiendrait jamais à Epitech : « Et finalement, là tu as tous les amis qui pensaient qu'au bout de trois semaines j'allais partir, ils font mais Anissa t'as cassé un ordinateur juste parce que l'écran était éteint et tu n'as pas vu qu'il était éteint. Il faut que tu partes. Et comme on ne croyait pas que j'allais réussir je me suis dit de toute façon j'ai rien à perdre à rester j'ai tout à gagner. Parce que j'avais aucune connaissance en informatique. » Il est bien sûr faux de considérer que tous les garçons à Epitech étaient passionnés d'informatique avant d'y entrer, certains sont dans la même situation qu'Anissa mais ne rapportent pas de problème de légitimité dans leur entourage.

Les garçons enquêtés rapportent cependant les mêmes stéréotypes, comme David, pour qui quand on est une fille « les gens ont plus tendance à venir t'aider parce que tu sembles faible etc. C'est un avantage et un inconvénient tout le monde est sympa avec toi mais tu t'exposes à avoir par exemple une réputation qui peut partir en cacahuètes on va mettre en doute plus que les autres tes capacités c'est sûr et certain que quand tu vas avoir une bonne note il y a toujours au moins dix mecs qui vont dire tu es sûre que c'est ton code, je suis sûr que c'est pas toi. » Louis, qui n'est pas le seul astek (assistant professeur) que j'ai interrogé, est le seul à dire qu'il aide plus les filles : « c'est vrai que sans te mentir c'est vrai que déjà j'aime bien les femmes, j'aime les filles dans un sens où je suis très gentil avec les filles, avec tout le monde d'ailleurs mais bon j'ai tendance à plus donner aux filles. J'ai plus tendance à plus donner aux filles s'il faut je pense qu'elles ont besoin. Pas

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parce que je les sous-estime mais c'est pour l'amour que je porte à ma mère en fait. C'est ça que je transpose en fait aux femmes. »

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand