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Formation en informatique. Ouverture sociale et sexisme. Le cas Epitech.

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par Clémentine Pirlot
Université Paris VII Diderot - Master II Sociologie et Anthropologie option genre et developpement 2013
  

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1.2 Réduire les femmes à leur apparence, voire à des objets décoratifs

Louis explique qu'il aime les femmes parce que : « j'aime être accompagné d'une femme que j'aime bien avoir une femme que j'aime dans mon environnement », ce qui semble signifier qu'il voit les femmes comme des agréments, les réduisant à leur seule présence qui serait différente de celle des hommes. J'ai également remarqué que beaucoup des enquêté.e.s utilisaient l'expression « les mecs » pour parler des personnes à Epitech ou dans la communauté geek, parfois même pour parler d'un domaine où les femmes étaient majoritaires. Cette expression n'est pas anodine et montre bien l'invisibilisation des femmes jusque dans le langage, car en entendant « les mecs », on n'imagine pas une seconde que des femmes pourraient être comprises dans cette expression.

Des soirées sont régulièrement organisées à Epitech, et un élève m'a parlé de la soirée d'halloween où il était allé et où des danseuses en lingerie avaient été embauchées pour « animer » la soirée. Les rares filles d'Epitech sont donc comparées et confrontées, si elles sont aux soirées, à l'idée que les femmes sont appréciées uniquement pour leur apparence et leur conformité aux standards de beauté. On retrouve même cette idée en dehors des soirées, car certains asteks, d'après Marie, noteraient différemment les filles qui se conforment au stéréotype : « il y a même le bonus boobs dans les barèmes des fois, le bonus seins. Des fois c'est ça avec un petit décolleté ça fait plus un. Et c'est officiel sur les barèmes des fois ! » Marie me fait également part d'un « face match » comparant l'apparence des filles d'Epitech : « ils prennent des photos des filles de l'intra ils font un face match, en fait ils mettent les photos des filles l'une à côté de l'autre et tu cliques sur celle que tu préfères et une année c'est un garçon qui a gagné [il était dans le match car il « ressemblait à une fille] et il en est fier. » D'autres connaissances à Epitech ont confirmé qu'un face match a été organisé récemment à Epitech inspiré par le film The Social Network, dans lequel le créateur du réseau social Facebook s'illustrait par un face match des filles d'Harvard. L'école aurait fermé le site mais apparemment sans représailles pour les auteurs. Dans un autre registre, David semble penser également que l'apparence des filles est « un risque » pour elles : « même dans ce domaine-là [l'informatique], il y a beaucoup de filles aussi qui travaillent dedans mais en fait c'est la pédagogie qui fait peur c'est-à-dire que pour une fille rentrer chez elle à 23h la nuit c'est moins... comment dire il y a moins de risques pour un mec que si t'es une fille, tu attires l'attention généralement. »

Il semblerait que certains garçons aient du mal à voir les filles d`Epitech comme des élèves à part entière, les voyant plutôt comme « la copine de » ou comme petite amie potentielle que comme collègue de travail. David, qui sort avec une fille d'Epitech, me dit : « il y a beaucoup d'asteks qui quand ils passent asteks

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ils sont maqués, c'est dans le forfait en fait, le pouvoir ça attire les filles. Moi je connais beaucoup de filles qui sortent avec des asteks. La plupart des filles à Epitech sortent avec des mecs d'Epitech. »

Matthieu montre également qu'il ne considère pas les filles d'Epitech comme des élèves mais comme une distraction :

« d'un côté je m'en fous complètement et de l'autre je me dis cool. En fait parce que à chaque fois que je connaissais, que je fréquentais des filles j'avais plus de problèmes avec ma concentration c'est-à-dire je pense souvent à toutes celles que j'ai vues. Les filles que je fréquentais je pensais plus à elles parfois ça me déconcentrait dans mon travail. Ça devrait pas prendre de la place dans ma vie. Chloé je la vois pas comme une collègue de travail je la vois comme quelqu'un en fait je sais pas trop comment je la vois non plus. Mais pas comme une collègue de travail. Donc je me soucie pas de la manière dont elle travaille pour le moment. »

Cette déclaration pourrait être une sorte de provocation de la part de Matthieu, qui se trouvant face à moi, une fille ayant à peu près son âge, souhaiterait choquer par ses propos.

Ce comportement se retrouve dans le milieu professionnel de l'informatique, et est également dénoncé par le participant d'une conférence sur un langage informatique27, au cours de laquelle un professeur d'informatique avait déclaré qu'il faudrait qu'il y ait une femme pour chaque homme, car cela rendrait les réunions plus attirantes (attractive). Pour ce participant, « si vous faites un commentaire objectivant qui dit aux femmes qu'elles n'ont de valeur dans une conférence académique qu'en tant que décoration, le fait de ne pas avoir voulu envoyer ce message n'aide pas les femmes à se sentir plus à leur place (ma traduction) » 28 L'auteur est également dérangé par le fait que le professeur utilise « nous » pour parler seulement des hommes tandis qu'il s'attendrait à ce que le nous fasse référence aux « PL people » c'est-à-dire aux programmeuse.eur.s. La polémique qui a suivi son article est typique du milieu geek, beaucoup d'hommes disant qu'il ne faut pas supposer que ce professeur considère les femmes comme des objets, ce à quoi l'auteur répond : « on s'attend à ce que ce soit le travail des groupes marginalisés (les femmes) d'accorder le bénéfice du doute aux hommes, plutôt que le travail des hommes d'inclure les femmes.29 »

Pour l'auteur, les femmes dans le domaine de l'informatique ont une charge de travail émotionnel due au sexisme ambiant : « C'est du travail d'ignorer un environnement dans lequel on vous dit constamment que vous n'avez pas votre place. Alors quand un garçon dit « ignore ça » ou « ne sois pas si sensible », il demande

27 http://geekfeminism.org/2012/12/30/re-post-how-to-exclude-women-without-really-trying/

28« if you make an objectifying comment that tells women their value at an academic conference is as decoration, not having intended to send that message doesn't make those women feel any more welcome. »

29« It's taken to be the job of the people in the marginalized group (women) to give men the benefit of the doubt, rather than it being men's job to be inclusive. »

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en fait aux femmes de faire le travail qu'il ne veut pas faire.30 » Il remarque très justement que « quand quelqu'un exige que vous participiez dans une relation si inégale, dans laquelle leurs émotions comptent mais pas les vôtres, il est difficile de croire qu'ils vous considèrent comme une professionnelle ou même comme un être humain ayant la même valeur.31 » Pour l'auteur, ce qui exclut vraiment les femmes de la communauté geek, plus que des commentaires comme celui du professeur, c'est « le refus des hommes de la communauté de dire quoi que ce soit : pas une seule personne à la conférence Haskell n'a répondu. La plupart des garçons ne diraient pas en public que les femmes devraient rejoindre la communauté parce qu'elles sont attirantes. Ils ont l'air de se sentir impuissants face à ces commentaires alors qu'ils ont du pouvoir : ils peuvent dire aux hommes que ce sexisme n'est pas acceptable.32 » Cet article reflète l'état d'esprit des garçons de la communauté geek, esprit qui semble partagé à Epitech, car aucun garçon ne m'a rapporté avoir dénoncé un commentaire ou un comportement misogynes ou sexistes.

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway