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Formation en informatique. Ouverture sociale et sexisme. Le cas Epitech.

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par Clémentine Pirlot
Université Paris VII Diderot - Master II Sociologie et Anthropologie option genre et developpement 2013
  

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2. Comment analyser les parcours scolaires ?

Le décrochage scolaire, définit par P.Y. Bernard a pour « définition institutionnelle des sorties prématurées du système éducatif »(2011). En ce sens, aucun.e des élèves d'Epitech ne peut être considéré.e comme étant en décrochage scolaire puisque d'après la définition du Code de l'éducation, les personnes considéré.e.s comme en décrochage scolaire sont celles qui n'ont pas le bacalauréat ou équivalent, qui est reconnu comme une « norme d'achèvement de la scolarité ». Il convient probablement mieux de parler de difficultés scolaires (à des degrés différents). En utilisant la notion de difficultés scolaires, on peut donc exprimer le désir d'Epitech d'être un filet pour des élèves n'ayant pas eu un parcours scolaire linéaire et parfait et/ou en rupture avec les méthodes d'enseignement traditionnel.

Nicolas Sadirac, directeur d'Epitech déclare, dans une interview12 au Figaro Etudiants, intitulée « A l'Epitech, nous avons supprimé les cours » : « Nous recevons souvent des élèves qui ont peiné dans le système scolaire. Nous les choisissons à la sortie du bac, sur entretien. » Epitech est donc pensé en contradiction avec le système scolaire traditionnel : « Nos étudiants sont souvent faibles en rédaction. Nous pourrions faire un cours comme ceux qu'ils n'ont pas compris durant leur scolarité. Nous préférons les faire écrire et les confronter au jugement de leurs copains, qui en lisant leur texte n'arrivent pas à comprendre de quoi on parle. Ils évoluent plus vite. » La littérature relatant la meilleure réussite scolaire des filles est maintenant très développée, et une lecture genrée s'impose ici afin de saisir le contexte de la philosophie du filet pour des élèves en difficulté scolaire.

Ce n'est pas nouveau, les filles réussissent mieux que les garçons à l'école, elles sont plus « scolaires » et sont donc moins sujettes à l'échec scolaire que les garçons. Selon Bianka Zazzo, « si les filles réussissent mieux c'est grâce à deux formes de contrôle:

12 http://etudiant.lefigaro.fr/le-labeducation/actualite/detail/article/a-l-epitech-nous-avons-supprime-les-cours-912/

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- contrôle de soi: de ses impulsions, intentions ou objectifs immédiats, qu'elles sont capables de différer ou d'inhiber grâce à la prise de conscience de leurs opportunités;

- contrôle de la situation dont les fluctuations et changements sont plus aiséments saisis » (Zaidman, 1996).

Epitech est en rupture avec les valeurs classiques de l'école telles que la discipline ou le conformisme et prône plutôt des valeurs « masculines » en accordant une grande importance à l'autonomie et l'indépendance, valeurs inculquées aux garçons bien plus qu'aux filles, dès le plus jeune âge. Les garçons seraient donc moins dépaysés que les filles à Epitech, en quelque sorte en terrain conquis, tandis que les filles, socialisées dans la dépendance, viendraient moins facilement à une scolarité indépendante. Les valeurs « masculines » permettent aux garçons de se construire en opposition à la discipline et à la performance scolaire, ce qui leur apportera une valorisation. La remise en cause du système scolaire traditionnel n'est donc pas anodine du point de vue du genre. Le système scolaire participe grandement à la socialisation différenciée des filles et des garçons, et contribue donc à renforcer les rapports sociaux de sexe : « La sociologie de l'éducation a mis en évidence l'importance des comportements que doivent avoir les élèves dans la maîtrise des formes langagières, des règles de conduite, des habiletés interactionnelles, bref d'un ensemble de normes qui renvoient à la forme éducative. Or, les travaux sur la difficulté scolaire montrent justement que les élèves en échec sont souvent ceux qui réduisent l'univers scolaire à ces dimensions formelles » (Bernard, 2011).

La réussite scolaire est donc, à analyser à travers le prisme des rapports sociaux de sexe mais également de classe et de « race » : « il est une conclusion à laquelle arrivent toutes les études empiriques : la réussite scolaire est fortement et positivement corrélée à l'origine sociale des élèves » (Cherkaoui, 1986). L'échec scolaire est donc statistiquement plus fréquent chez les garçons, venant de classes moins privilégiées, et/ou racisés. Epitech se posant comme filet pour les élèves en difficultés scolaires, la population étudiante de l'école devrait donc, en théorie être composée majoritairement de ces personnes. Or, l'élève « type » d'Epitech serait plutôt un homme blanc, les statistiques « raciales » ne sont évidemment pas disponibles en France, mais, lorsque l'on parcourt les photographies des élèves d'Epitech, la majorité des étudiant.e.s sont blanc.he.s. Quant à la classe, il est bien sûr difficile de se prononcer, sans connaître les professions de tous les parents. Nous avons également vu, au chapitre précédent, que les perceptions concernant la mixité sociale et géographique différaient selon les élèves. Si « la réussite scolaire la plus élevée est celle des enfants de cadres supérieurs ou professions libérales » et « la plus basse [...] celle d'élèves issus de familles ouvrières », notre questionnaire, bien que basé sur un échantillon limité, montre qu'à Epitech, les élèves les plus sujets à l'échec scolaire ne sont pas représentés autant qu'ils le devraient en théorie. Le choix d'Epitech de refuser l'élitisme semble toutefois permettre à des élèves de classes sociales modestes d'entreprendre des études supérieures qui mènent au statut de cadre, si l'on se réfère aux enquêté.e.s, qui sont pour la moitié en mobilité sociale ascendante forte. Les critères de sélection à Epitech étant annoncés sur leur site internet, les élèves ne sont pas laissés dans le doute et « plus les réseaux scolaires sont transparents, plus les critères sélectifs du système sont explicites, plus seront avantagés les élèves issus des classes sociales défavorisées » (Bernard, 2011). Accepter tous les bacs dans une

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école d'informatique peut être considéré comme un choix radical si l'on compare aux écoles d'ingénieur.e, qui n'acceptent que des bacs S, ou à certaines écoles non certifiées qui n'acceptent que les bacs généraux.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams