WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Formation en informatique. Ouverture sociale et sexisme. Le cas Epitech.

( Télécharger le fichier original )
par Clémentine Pirlot
Université Paris VII Diderot - Master II Sociologie et Anthropologie option genre et developpement 2013
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

3. Difficultés scolaires et rejet de la discipline scolaire chez les enqueté.e.s

Les personnes ayant participé aux entretiens ne sont pas tant des personnes en décrochage ou en échec scolaire réel que des personnes en réorientation, ou ayant connu des obstacles et des difficultés durant leur parcours scolaire (tou.te.s ont obtenu le bac, dont deux au rattrapage), partageant parfois une aversion pour la théorie et la pédagogie classique. Sur le site internet d'Epitech, on peut lire : « un étudiant d'EPITECH doit être capable d'inventer, d'imaginer des solutions et non pas de reproduire ce qui existe déjà. » Epitech se positionne donc en rupture avec l'enseignement traditionnel théorique et propose une « pédagogie par projets » ainsi qu'une grande autonomie à ses élèves, ce qui semble plaire à tou.te.s les enquêté.e.s.

Dounia a eu une scolarité relativement bonne mais aurait eu de bien meilleures notes au lycée, si elle s'y était mis plus sérieusement :

« Là à Epitech j'ai plus de difficultés j'étais perdue mais franchement j'ai jamais eu de difficultés, mes parents ils m'ont aidée quand j'étais petite mais après à partir du collège je me suis toujours débrouillée toute seule j'avais toujours une bonne moyenne j'avais toujours 16 ou 15 de moyenne sauf qu'en première je travaillais pas beaucoup parce que je commençais à sortir, j'avais 13 de moyenne un truc comme ça. En terminale j'avais rien foutu mais j'étais sûre dans le sens où je m'en doutais, j'avais rien foutu j'avais 10 de moyenne toute l'année mais j'ai eu mon bac du premier coup. Au début j'ai pas travaillé j'ai commencé un mois avant le bac et là je travaillais tard la nuit je travaillais vraiment j'avais peur de pas l'avoir j'ai paniqué. »

En entrant à Epitech, Dounia n'est pas devenue plus sérieuse du jour au lendemain, elle a préféré demander de faire la session de rattrapage, appelée tek 2RE, qui permet aux élèves de ne pas faire le stage de première année et de reprendre le début de l'année avec les nouveaux/elles arrivant.e.s :

« j'ai fait une demande pour faire une tek 2RE. Pour reprendre les bases en octobre parce que j'ai pas eu mon toeic [examen] en anglais et j'ai le droit de le passer jusqu'au mois de décembre donc je me suis dit pour éviter tout problème je vais réviser le toeic, j'ai commencé à partir d'aujourd'hui je m'y suis prise trop tard je faisais la fête je sortais tous les jours. Ils voulaient me faire passer directement en tek 2 et je voulais pas en fait c'est moi qui voulais pas. Il suffisait juste de rattraper le toeic avant décembre mais moi je voulais pas parce que si je faisais un stage, je travaillerais de 9h à 19h, ils sont sympas dans l'informatique si tu veux te prendre des pauses tu fais comme tu veux c'est pas trop sévère mais quand même quasiment 10h par jour mon entreprise j'aurais jamais eu le temps de faire le toeic. Moi je fais la rentrée avec les gens de première année je refais que le début, octobre novembre et

28

décembre et comme aussi le C [langage de programmation] c'est la base de tout je dois vraiment avoir de très très bonne base comme ça l'année prochaine j'avais pas trop envie d'être à la traîne. »

Thibault, lui, est clairement opposé au système scolaire, qui ne lui correspond pas du tout et qu'il considère coupé du monde d'aujourd'hui :

« Le problème c'est que le système scolaire classique, il est basé sur le mérite énormément c'est-à-dire que si tu sais bien ta leçon tu va mériter la bonne note et si tu as des bonnes notes tu valides la leçon. À Epitech il y a de ça mais en même temps il y a aussi... tu vois dans le vrai monde tout est pas toujours basé sur le mérite, les gens ont pas ce qu'ils méritent. Sinon les pauvres seraient riches et vice versa. Du coup c'est comme en entreprise, si tu fais un truc super mais que tu sais pas le vendre ça sera tout pourri. Je pense que le système doit être réadapté pour aller dans ce sens-là. Le monde bouge de plus en plus vite, donc il faut un système qui permet aux gens de s'adapter, quand une entreprise industrialise et met des machines aujourd'hui, les gens qui se font virer, les mecs qui étaient au travail à la chaîne. Mais ils ont appris un truc, ils savent le faire mais ils savent pas se reconvertir. C'est toute la génération qui est un peu comme ça aussi. Nous on nous a rien promis. Tu sais à l'époque, tu avais ta carrière de 40 ans dans la même boîte. Aujourd'hui on sait pertinemment que ça n'existe plus et que de toute manière il va falloir que tu te réinventes un moment de ta vie pour pouvoir continuer. »

Thibault admet avoir été en difficultés scolaires : « au lycée, j'étais très nul. Moi ça été la dégringolade scolairement. En primaire et début collège j'étais premier de la classe, 17-18-19 de moyenne après quatrième et lycée, dernier de la classe. » Son bac en poche, il a cependant été pris à Epita, l'école d'ingénieur.e du même groupe qu'Epitech :

« Epita, je sais pas pourquoi, ils m'ont pris. Déjà, j'ai eu mon bac au rattrapage, il me manquait 14 points. J'ai rattrapé facilement donc je l'ai eu super limite. Et je sais pas Epita, mon dossier était limite genre je pouvais rentrer après tout dépendait de ma motivation. Tu sais ils prennent pas non plus les mecs qui ont 15 de moyenne au bac. Là c'est pareil la sélection elle se fait vite, parce que vu que tu as deux ans de prépa, moi à la fin de la première année j'ai compris que c'était pas mon truc. »

Epitech lui correspond donc beaucoup mieux et lui a permis d'obtenir un diplôme bac + 5, on peut donc considérer qu'Epitech l'a « rattrapé » après un parcours scolaire à la limite de l'échec.

Sam a également trouvé sa place à Epitech, car il partage l'aversion du système traditionnel :

« L'école est partie d'une très bonne intention parce que c'était une école d'expertise en informatique pour les passionnés donc pour des gens qui aiment l'informatique mais qui n'ont pas envie de devenir ingénieur et d'apprendre à faire des maths, de la physique des choses qui vont jamais leur servir, qui ont juste envie de faire un petit programme et de travailler dans un secteur donné. Epitech c'est vraiment si tu aimes l'informatique tu es passionné motivé, tu peux venir tu n'as pas des cours de maths

29

obligatoires et chiants que tu n'utiliseras jamais de ta vie. À Epitech tu as besoin d'un bac et d'être motivé. »

Marc a également un parcours scolaire difficile, et a peiné à avoir son bac :

« jusqu'à la 4ème on va dire, j'étais très scolaire, un peu comme beaucoup je pense, genre pas de problème avec l'école, j'aimais bien et tout. J'étais content, j'étais un petit peu l'élève parfait. Ça s'est vite dégradé puisque j'ai redoublé ma première, après en terminale j'ai eu mon bac je ne sais pas comment. Oh ça va j'avais quand même la bonne direction. Mais genre j'étais un peu fainéant, mais surtout j'en avais marre de l'enseignement général. Moi j'avais de bonnes notes en maths au lycée c'était à peu près la seule matière ou j'avais des bonnes notes, parce que c'était le seul truc où j'arrivais à retrouver les formules sans les apprendre par coeur. J'ai jamais réussi de ma vie à apprendre quelque chose par coeur. »

Après un IUT où il ne va presque jamais en cours, il entre à l'Exia, où la pédagogie est différente mais le niveau faible selon lui, et l'encadrement inexistant, si bien qu'il n'apprend pas beaucoup en deux ans. Il entre alors en troisième année à Epitech, où il s'épanouit et trouve qu'il a appris beaucoup, et considère que les élèves non scolaires comme lui peuvent s'épanouir : « Et du coup ben c'est eux qui réussissent à Epitech, parce qu'il ne te demandent pas de ressortir le cours que tu viens d'apprendre, parce que en fait le cours tu ne l'as pas encore appris. Donc à un moment donné, il faut que tu réfléchisses et que tu trouves la solution tout seul. Du coup c'est les mecs qui ont l'habitude de ne pas connaître leur cours qui y arrivent. »

Matthieu exprime la même critique du système scolaire traditionnel et aime particulièrement être à Epitech

« la méthode de travail, pour moi ce qui est révolutionnaire c'est qu'on te dise tu fais ce que tu veux je veux juste que tu me rendes le boulot. Moi je trouve ça super parce que je détestais me lever tous les jours à 7h pour arriver à 8h à l'école et travailler pour faire des trucs barbants. Ils nous reprochent de ne pas nous concentrer sur des trucs par moment alors que notre attention elle est captivée partout. C'est complètement pourri de devoir être forcé à faire quelque chose si on a pas envie. »

Matthieu n'était pas réellement en échec scolaire mais n'a tout de même pas été accepté en section générale, il voulait faire S « mais vu que j'ai pas pu aller en S j'étais en STI. C'était des notes suffisantes mais ils disaient que le rythme de travail que j'avais c'était pas convenable à une S. C'est pas parce qu'on a les notes on a le mental pour. Mon prof de maths il m'a dit à la base de faire Epita c'est pour la même raison que je suis pas allé en S je suis pas allé à Epita. » Epitech a donc servi de filet dans son cas et lui a permis de poursuivre des études longues malgré son bac technologique.

30

Chloé n'aurait également pas eu l'occasion de faire de longues études sans Epitech, en particulier dans l'informatique, car lors d'un salon, elle se rend au stand d'une autre école d'informatique non certifiée, SupInfo :

« Alors SupInfo déjà ils étaient habillés en costard, c'était un peu intimidant. Je me suis dit ouais ils ont l'air un peu plus sérieux. Donc je vais les voir, je leur parle, et puis quand j'ai dit le bac que j'avais fait ils se sont foutus de ma gueule. J'ai eu cette impression. Il y avait un groupe de trois qui était à côté, j'étais en train de parler avec un mec, en plus il était pas à l'aise il était gêné. Donc je lui dis moi je viens d'un bac STG et j'entends les autres pouffer de rire. Je me sentais trop mal à l'aise. Le gars il me fait ouais mais tu peux rentrer que si tu es en STI. »

Epitech, en acceptant tous les bacs, permet donc aux élèves que les filières générales (ou STI) n'intéressent pas de faire de l'informatique.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault