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De la gratuité sur internet. Etude de cas de Google inc.

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par Clara Pillet
CELSA - Master 2 2015
  

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2. Le fonctionnement de Google et son business model

Le modèle d'affaire de Google Inc. n'est pas basé sur la production et la vente de contenus, mais sur le profit de contenus déjà existants sur le web. Par le biais de la publicité en ligne, juxtaposée à des contenus externes, Google Inc. propose des plateformes de services gratuits. Ainsi, l'entreprise joue un rôle d'intermédiaire entre les contenus et les annonceurs, en récoltant des informations marketing à partir des données personnelles de ses utilisateurs. « L'économie du médium a remplacé l'économie du message »28. Ce sont les plateformes et les dispositifs que Google Inc. met à disposition de ses utilisateurs qui rapportent de l'argent à l'entreprise, et en aucun cas les contenus qui y sont hébergés. Google Inc. a ainsi pour objectif de se positionner comme un point de rencontre exclusif et obligé entre les internautes, les contenus et les annonceurs. 29

- La publicité selon Google Inc.

Le modèle économique de Google Inc. est donc basé sur la publicité, dont 89%30 de son chiffre d'affaire est issu. L'entreprise propose des services aux entreprises et annonceurs qui

27 CHIGNARD Sinon & BENYAYER Louis-David, Datanomics, Les nouveaux business models des données, Editions FYP, Collection « Entreprendre - Développement professionnel », 2015, p.43

28 MELOT M., préface de PEDAUQUE T. Roger, Le Document à la lumière du numérique, 2006.

29 BOUQUILLON Philippe & MATTHEWS Jacob T., Le web collaboratif, mutations des industries de la culture et de la communication, Ed. Presse Universitaire de Grenoble, coll. « La communication en + », 2010. p.42

30 « Google Inc. announces Fourth Quarter and Fiscal Year Results 2014 », 29 Janvier 2015, Disponible : https://investor.google.com/earnings/2014/Q4 google earnings.html (Consulté le 12 juillet 2015)

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veulent faire de la publicité pour leurs produits. Ces services se caractérisent par le ciblage des publics, pour rendre les publicités plus efficaces, pertinentes et rentables pour l'annonceur.

Selon Hervé Le Crosnier31, trois types de publicités ciblées peuvent être distinguées. En premier lieu, la publicité personnalisée qui consiste à savoir, selon plusieurs critères, qui est la personne derrière l'écran en fonction des sites web qu'il aura visités. L'autre forme de publicité ciblée est contextuelle où l'analyse se porte sur le contenu que recherche l'internaute et donc, quels sont ses désirs et ses besoins à un moment précis. Enfin, la publicité comportementale est le type de publicité le plus complet : l'individu est suivi en permanence et tout ce qu'il fait est enregistré. Lors de chaque visite d'un site web, un cookie est déposé sur l'ordinateur de l'individu qui l'identifie et regroupe toutes ses informations en matière de comportement.

Ainsi, Google Inc. propose à la fois de la publicité personnalisée, contextuelle et comportementale, comme nous allons le détailler ci-dessous.

Le premier service de publicité proposé par Google Inc. est AdWords, soit de la publicité contextuelle. Les annonceurs créent des annonces publicitaires sous forme de liens, comme les résultats des requêtes sur le moteur de recherche Google. Ces annonces sont combinées à des mots clés en rapport avec l'activité des annonceurs, qui misent dessus. Quand un utilisateur effectue une requête avec un de ces mots clés, l'annonce apparaît sur la même page que les résultats naturels, dans un encart dédié aux annonces commerciales. L'annonceur qui a misé la plus grosse somme d'argent sur un mot clé verra son lien commercial apparaître en premier. Quand l'utilisateur clique sur le lien sponsorisé, l'annonceur va payer la somme mise en enchère à Google Inc. ; on parle de CPC (Coût par Clic). Ce système permet d'afficher de la publicité en rapport avec la recherche effectuée par l'utilisateur. On parle alors de marketing ciblé : cette stratégie permet d'afficher des résultats pertinents pour l'utilisateur, ce qui augmente les chances pour l'annonceur de voir l'utilisateur cliquer sur son lien proposé. À noter que le classement des annonces dépend à la fois des enchères faîtes par les annonceurs et du taux de clics effectués par les utilisateurs sur ces annonces. Ainsi, le système

31 LE CROSNIER Hervé., « Usage des traces par la publicité comportementale », Traces numériques, de la production à l'interprétation, CNRS Editions, 2013

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d'AdWords prend en compte à la fois la somme d'argent dépensée par les annonceurs et le retour des utilisateurs : si un lien sponsorisé n'est jamais cliqué, il n'apparaîtra plus. Grâce à ce système de revenus, Google Inc. met ainsi en relation une recherche de contenus avec une entreprise. Les mots-clés de recherche sur Google sont « monétisés » et deviennent des objets de ventes aux enchères selon des critères de popularité.

Google Inc. possède également une régie publicitaire, AdSense. Ce programme permet aux producteurs de contenus sur Internet, propriétaire d'un nom de domaine, de générer des revenus en diffusant des annonces publicitaires ciblées sur leur site Web. La publicité affichée est déterminée en fonction du contenu de la page web : on peut parler de publicité personnalisée. Ainsi, Google Inc. est également présent sur le marché du display, soit l'affichage de bannières publicitaires sur les sites web. Ici, Google Inc. peut être rémunéré financièrement de deux façons ; le CPM (coût par mille), où l'annonceur paie en fonction du nombre supposé d'internautes exposés à l'annonce, et le CPC (Coût par clic), où l'annonceur ne paie qu'en proportion du nombre de clics sur le lien sponsorisé ou l'annonce.

En plus de ces deux services de publicité, Google Inc. propose des solutions de retargeting. L'entreprise utilise des cookies32 pour profiler les internautes et récupérer leurs données de navigation. Le cookie est un petit fichier texte stocké sur le navigateur d'un utilisateur qui permet de faciliter sa navigation en conservant ses données ; l'utilisateur pourra voir des messages publicitaires apparaître en fonction des recherches qu'il a effectuées auparavant et des sites qu'il a pu consulter.

Ainsi, les revenus de Google Inc. sont issus de la somme que les annonceurs paient pour que leurs publicités soient visibles par les utilisateurs de Google Inc.

Le modèle économique de Google Inc. est donc celui d'une régie publicitaire qui vend des espaces à des annonceurs sous forme de liens dits « commerciaux » ou « sponsorisés ». Cette pratique joue sur une illusion de surgissement contextuel pertinent.33 En effet, plus que de l'espace, qui est infini sur le web, Google Inc. vend les intentions des utilisateurs qu'ils ont exprimées sous la forme d'une simple requête sur le moteur de recherche. Cette pratique est

32 « Types of cookies used by Google » https://www.google.com/policies/technologies/types/ (consulté le 19 août 2015)

33 ERTSCHEID O., GALEEZOT G & BOUTIN E., « PageRank : entre sérendipité et logiques marchandes », dans L'entonnoir : Google sous la loupe des sciences de l'information et de la communication, C&F Editions, Paris, 2009, p.125

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également une transformation radicale de l'économie de l'information, puisque ce n'est plus le résultat qui fait l'objet d'une certaine valeur, mais la requête en elle-même34. C'est donc le besoin d'information de l'utilisateur qui se monétise, car les entreprises accordent de la valeur au fait de se trouver au bon endroit et au bon moment pour combler ce besoin d'information de l'utilisateur, futur consommateur. La visibilité possède une importance toute particulière pour les annonceurs qui souhaitent être immanquables pour le consommateur.

Google Inc. revendique l'utilisation des données personnelles de ses utilisateurs pour satisfaire au mieux ses besoins d'information et satisfaire le besoin de rentabilité des entreprises qui utilisent ces services de publicité. « Le moteur de recherche [É] exploite et trace entièrement et continuellement les comportements de tous ceux qui utilisent ses services, afin de « profiler » leurs habitudes et d'insérer dans leurs activités (navigation, courrier électronique, gestion des dossiers...) une publicité personnalisée, contextualisée, légère et omniprésente. »35 La mise en réseau des ordinateurs et la mise en commun de tous les sites Internet par Google, permettent de capter des informations sur les internautes et ces ressources sont mises à dispositions d'acteurs externes pour développer leurs activités. Le modèle d'affaire de Google Inc. est basé sur un échange entre l'entreprise et ses utilisateurs, et l'entreprise et les annonceurs.

- La donnée personnelle au coeur des échanges économiques

Le web et les services de Google Inc. sont fondés sur une interconnexion de sites et les données personnelles des utilisateurs sont disséminées à travers le réseau. En effet, la collecte et l'utilisation des données sont au coeur du modèle d'affaire de Google Inc., grâce à ses services de moteur de recherche, courrier électronique, et autres.

Google Inc. recueille des informations sur ses utilisateurs pour parfaire la segmentation de ses utilisateurs et leur proposer les informations qui ont le plus de chance d'attirer leur attention.

34 SIMONOT Brigitte, « De l'usage des moteurs de recherche par les étudiants », dans L'entonnoir : Google sous la loupe des sciences de l'information et de la communication, C&F Editions, Paris, 2009, p 101

35 KYROU Ariel, Google God, Ed. Inculte, Paris, 2010.

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Le moteur de recherche aspire les données des utilisateurs et leur « expédie » également des messages personnalisés36.

En ce qui concerne les coûts de collecte, de traitement et d'exploitation des données personnelles par Google Inc., ils sont très bas et chutent très vite, en raison de ses économies d'échelles. Les volumes de données produits par les utilisateurs des services de Google Inc. sont tels, et augmentent tellement que les coûts de traitement de ces données baissent drastiquement, et l'entreprise peut négocier les meilleurs tarifs pour ses matériels de traitement et de stockage, la bande passante et l'électricité nécessaire à son activité, et ainsi accroître sa rentabilité, en fournissant ces données aux annonceurs.

Ainsi, la stratégie commerciale de Google Inc. est basée sur le marketing relationnel, soit « la politique et les outils destinés à établir des relations individualisées et interactives avec les clients, en vue de créer et d'entretenir chez eux des attitudes positives et durables à l'égard de l'entreprise et de la marque »37. Cependant, ce n'est pas au profit direct de Google Inc. que cette stratégie est mise en place ; ce sont les annonceurs qui ont besoin de cette relation individualisée avec les consommateurs, et c'est Google Inc. qui met en place les dispositifs qui identifient le consommateur personnellement et enregistrent sa manière de consommer pour accroître la rentabilité de l'annonceur, et indirectement de Google Inc. si ces dispositifs sont efficaces.

En effet, en utilisant les données personnelles des utilisateurs, les annonceurs qui payent pour avoir des publicités ciblées réduisent les coûts des publicités qui seront montrées à des consommateurs non réceptifs, et augmentent leur revenus en proposant des informations utiles et ajustées à l'intérêt des consommateurs. Les données personnelles permettent également de mesurer et d'améliorer l'efficacité de ces publicités en ligne. Elles acquièrent alors une valeur marchande pour les entreprises qui visent une valorisation publicitaire.

Google Inc. possède donc un modèle économique biface : l'entreprise exerce un rôle d'intermédiaire entre deux acteurs du marché, que sont les utilisateurs de ses services et les annonceurs. L'existence d'une face représente de la valeur pour l'autre ; si l'un des deux

36 DUJARIER Marie-Anne, Le travail du consommateur : de McDo à Ebay, comment nous coproduisons ce que nous achetons, Ed. La Découverte, Collection Poche/Essais, 2014, p.89

37 idem, p.91

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acteurs du marché (utilisateur ou annonceur) se retire, Google Inc. n'a plus de raison d'être, et sa rentabilité n'est plus assurée. Ainsi, Google Inc. est dépendant à la fois de ses utilisateurs, et des annonceurs pour exister.

L'on peut alors constater que la seule limite de la croissance de Google Inc. est le rythme de croissance du Web lui-même : si le nombre de pages web augmente trop et que l'algorithme de Google Inc. n'est pas capable d'indexer les sites et de satisfaire les besoins des utilisateurs, ces derniers n'utiliseront plus les services de Google Inc., entraînant le retrait des annonceurs. Ainsi, les services de Google Inc. produisent des effets de réseaux : l'utilité réelle de ses différents services techniques dépend en effet de la quantité d'utilisateurs de ses services. C'est également cet effet de réseau qui permet à Google Inc. de proposer des services gratuits.

- Du gratuit rentable ? Essai sur le don - tome 2

D'un point de vue économique, le modèle d'affaire de Google Inc. ne semble pas relever du modèle marchand puisque ses services sont entièrement gratuits et qu'il n'y a pas d'échange d'argent entre l'entreprise et ses consommateurs finaux. Il convient alors d'interroger ce modèle d'affaires et de comprendre comment l'entreprise peut être bénéficiaire tout en proposant des services gratuits.

À noter que la gratuité des services de Google Inc. n'est pas uniquement une étape intermédiaire dans son modèle économique avant de passer à un modèle payant : la gratuité est bien au coeur de la philosophie de Google Inc.

Chris Anderson, dans Free ! Entrez dans l'économie du gratuit38, explique comment Google Inc. a adopté un modèle basé sur la gratuité selon trois phases historiques :

- En 1998, Serguey Brin et Larry Page ont inventé un moteur de recherche basé sur un modèle algorithmique et automatique, qui classe les sites web selon le degré de confiance et de recommandation accordé par les internautes. Entre 1999 et 2001, la société Google Inc. a transformé son moteur de recherche pour qu'il s'améliore au lieu de se dégrader au fur et à mesure que le Web prenait de l'ampleur.

38 ANDERSON Chris, Free ! Entrez dans l'économie du gratuit, Ed. Pearson, coll. Economie/nouvelles technologies, 2009, p. 139

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- À partir de 2001, l'entreprise a adopté une méthode qui permet aux annonceurs de créer en libre-service des annonces publicitaires correspondant à des mots-clés de requêtes ou des contenus. Pour que les annonces soient les mieux placées dans les résultats de requête, les annonceurs doivent d'enchérir entre eux. Avec la création d'AdWords et d'AdSense, Google Inc. est vite devenu une entreprise rentable qui réalise des bénéfices.

- À partir de 2003, grâce aux bénéfices réalisés par la publicité sur son moteur de recherche, Google Inc. a pu investir dans de nouvelles ressources pour créer d'innombrables services et produits qui élargissent la présence de l'entreprise, renforçant l'attachement des consommateurs à son égard.

Il est intéressant de noter que à sa création, Google a été pensé comme un service gratuit et accessible à tous. Le besoin de rentabilité et de bénéfices monétaires est apparu face au succès grandissant de Google et le besoin de toujours l'améliorer au niveau technique et commercial. Par la suite, les bénéfices liés à la publicité ont seulement permis de créer de nouveaux services gratuits, utiles pour les internautes.

À noter que ce modèle d'affaire basé sur la gratuité est également la meilleure manière de toucher un marché le plus vaste possible et de faire adopter massivement ses produits et services. Eric Schmidt, CEO de Google Inc. de 2001 à 2011, parle de « mass strategy » et affirme que cette stratégie deviendra la règle sur les marchés de l'information39. En effet, la gratuité permet d'accroître le volume de consommateurs et de monétiser cette audience croissante. Si le nombre de consommateurs croît, les publicités sont d'autant plus rentables car elles touchent plus d'audience, et les revenus de ces publicités permettent de créer de nouveaux services qui accroissent encore le nombre de consommateurs et, par corrélation, le revenu des publicités. Le modèle d'affaire de Google Inc. est donc un cercle vertueux, basé sur le nombre croissant de ses utilisateurs.

Cependant, la gratuité pour l'acteur final, ici l'utilisateur des services de Google Inc., ne signifie pas que son modèle est hors du modèle marchand. Un service gratuit ne l'est jamais réellement : « Le coût est loin d'être nul, il est simplement invisible », explique Pierre-Michel

39 ANDERSON Chris, Free ! Entrez dans l'économie du gratuit, Ed. Pearson, coll. Economie/nouvelles technologies, 2009, p. 142

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Menger, professeur de sociologie au Collège de France, dans un entretien accordé à Marianne40.

Le terme « gratuit » vient du latin « gratia », et s'applique aux deux parties en présence lors d'un échange : celui qui accueille avec faveur et celui qui est accueilli avec faveur. Benveniste parle de « valeur réciproque » dans un échange gratuit41. Dans le cadre marchand, gratuit signifie sans valeur d'échange. Or dans le système économique de Google Inc. il existe une valeur d'échange qu'il convient d'interroger. De plus, la pensée marchande affirme que la gratuité est impossible dans les faits, le récepteur devrait toujours finir par payer « There is no such thing such as free lunch » soit « un repas gratuit gratuit, ça n'existe pas » : il existe toujours des coûts d'opportunités dans la gratuité, soit le fait de renoncer à quelque chose pour avoir accès à autre chose.

On peut donc parler du modèle d'affaires de Google Inc. comme du « troc implicite de données contre services »42. En effet, le troc réfère à l'échange d'un bien contre un autre, sans aucune intervention de monnaie. La logique du troc réfère également à la logique du don explicitée par les ethnologues, qui fait référence à l'action de donner quelque chose à quelqu'un. Il est intéressant de noter que le terme « don » trouve son étymologie dans le latin « data », terme qui est aujourd'hui utilisé en anglais pour désigner la donnée informatique. Ainsi, la donnée personnelle peut être considérée comme un don de la part de l'utilisateur envers Google Inc. en attente d'un retour de services, comme ceux que Google Inc. propose. Le don rejette donc le modèle d'affaires basé sur la gratuité prôné par Google Inc. qui indique l'absence de valeur d'échange, car la relation du don n'est que phénomène de réciprocité et implique une valeur d'échange43. De plus, les services de Google Inc. valent les données personnelles de ses utilisateurs ; or dans le marché, il y a « la nécessité psychologique d'obtenir une chose d'une valeur égale ou sacrifiée », dit Simmel44 et dans la logique du don, le contre-don doit être égal ou supérieur au don pour être valable. De plus, dans une logique

40 Entretien de Pierre-Michel Menger réalisé par Elodie Emery, « Un enjeu démocratique sans précédent », Marianne, le 13 avril 2015. Disponible : http://www.marianne.net/enjeu-democratique-precedent-100232625.html (Consulté le 2 mai 2015)

41 GODBOUT T. Jacques, en collaboration avec CAILLE Alain, L'esprit du don, Ed. La découverte & Syros, Paris, 2000, p.248

42 CHIGNARD Sinon & BENYAYER Louis-David, Datanomics, Les nouveaux business models des données, Editions FYP, Collection « Entreprendre - Développement professionnel », 2015.

43 GODBOUT T. Jacques, en collaboration avec CAILLE Alain, ibid, p.17

44 Cité par GODBOUT T. Jacques, en collaboration avec CAILLE Alain, L'esprit du don, Ed. La découverte & Syros, Paris, 2000, p.252

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de don et de contre-don, « la valeur réside dans le lien entre les deux entités »45, le don étant symbole et « performateur » des relations. Ainsi, c'est par la valeur des biens échangés (services contre données) que la relation entre les deux entités (utilisateur et entreprise) prend de la valeur. En effet, Google Inc. ne saurait se passer de la relation avec l'utilisateur, sans quoi ses services n'existeraient plus.

Enfin, selon Marcel Mauss, les relations de don sont soumises à des contraintes, notamment dues à la nature de la chose donnée : « Ce qui, dans le cadeau reçu, échangé, oblige, c'est que la chose reçue n'est pas inerte. Même abandonnée par le donateur, elle est encore quelque chose de lui »46. En effet, les données personnelles, données par les utilisateurs sont quelque chose d'eux, puisqu'on l'a vu précédemment, elles permettent de leur donner une identité. Ainsi, les données personnelles liées à l'utilisateur, comme objet de don, deviennent des produits de l'échange.

- L'utilisateur, produit de Google Inc.

« Google vend des consommateurs à des annonceurs ». Cette phrase pourrait résumer à elle seule le modèle d'affaire de Google Inc., basé sur la collecte et le traitement des données personnelles des utilisateurs pour affiner les publicités aux profits des annonceurs. L'utilisateur peut être considéré comme le produit de Google Inc. que l'annonceur achète avec de la publicité.

Il convient d'interroger le terme « produit » qui a plusieurs acceptations dans la langue française : il peut référer à « une substance, marchandise, richesse économique née de l'activité de l'homme » ou « à des choses que l'industrie a su créer. Il est rare qu'un produit soit le résultat d'un seul genre d'industrie »47. Le consommateur peut être considéré comme « une richesse économique » pour Google Inc., « une marchandise » qui permet de créer de la valeur économique. Le profilage est indispensable à la survie d'un modèle économique qui a la gratuité comme principe et la publicité comme outil. Ainsi, le financement du gratuit

45 ibid, p.252

46 MAUSS Marcel, Essai sur le don. Forme et raison de l'échange dans les sociétés archaïques, version numérique produit par Jean-Marie Tremblay, coll. Les classiques des sciences sociales, 2002. Disponible : http://www.congoforum.be/upldocs/essai sur le don.pdf (Consulté le 7 août 2015)

47 Trésor de la Langue Française Informatisé

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suppose d'exploiter la « valeur des consommateurs ». L'utilisateur devient alors une marchandise comme les autres. Les vrais clients de Google Inc. sont les annonceurs, qui achètent de l'espace et des mots clés à Google Inc., et achètent indirectement de l'audience ciblée et des consommateurs. Le produit est l'utilisateur des services de Google Inc.

Le terme produit peut également référer au sens figuré à « ce qui rapporte quelque chose, ce qui est le résultat de quelque chose »48. Dans ce sens, l'utilisateur est ce qui rapporte de l'argent à Google Inc. ; c'est parce que l'internaute utilise les services de Google Inc. qu'il crée de la valeur économique. Avec l'omniprésence de la publicité et notamment la présence de liens sponsorisés sur la même page que les liens de résultats, la recherche d'information peut s'apparenter à une nouvelle forme d' « économie-casino », dans laquelle le langage (les mots-clés) et le comportement des internautes (le clic) sont une source inépuisable de richesse49.

Ainsi, l'échange qui s'opère entre Google Inc. et l'utilisateur de ses services repose sur un échange de données personnelles contre un service gratuit.

« Objet de toutes les attentions et de toutes les convoitises, cette entité [le consommateur] est en passe de devenir la principale monnaie d'une économie numérique où chaque échange se paie en données personnelles. »50

L'utilisateur est produit de Google Inc. en tant que création de l'entreprise qui restitue toutes ses données personnelles échangées de manière indirecte sous forme de produit, qui sont alors vendues contre de l'argent aux annonceurs. Le consommateur, alors délié de ses données personnelles qui ne lui appartiennent pas, devient une monnaie d'échange contre de services. De plus, grâce à la technique, l'individu externalise ses fonctions humaines : grâce à la technologie proposée par Google Inc. l'individu externalise ses fonctions de mémoire, en effectuant des recherches sur le moteur de recherche Google et il externalise également son

48 Trésor de la Langue Française Informatisé

49 SIMONOT Brigitte, « De l'usage des moteurs de recherche par les étudiants », dans L'entonnoir : Google sous la loupe des sciences de l'information et de la communication, C&F Editions, Paris, 2009, p.101

50 MERZEAU Louise, « Présence numérique : les médiations de l'identité », Les enjeux de l'information et de la communication n°3, CNRS, Paris, 2009. Disponible : https://www.cairn.info/revue-les-enjeux-de-l-information-et-de-la-communication-2009-1-page-79.htm (consulté le 12 janvier 2015)

31

identité51, ce qui consiste en ses préférences, ses intérêts, ses désirs et ses besoins au profit de Google Inc. Lorsque le service est gratuit, l'utilisateur est à la fois le produit et la monnaie.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus