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L'école, un enjeu de société.

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par Vincent LE DANFF
École Supérieure du Professorat et de là¢â‚¬â„¢Éducation - Académie de Versailles - Master Métiers de là¢â‚¬â„¢Enseignement, de là¢â‚¬â„¢Éducation et de la Formation 2015
  

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II. Les civilités et le vivre ensemble

Les petites détériorations de l'espace public entraînent rapidement une dégradation plus globale du cadre de vie. Ceci est la conclusion de la très célèbre théorie de la vitre brisée, élaborée en 1969 par le psychosociologue Philip Zimbardo. Le concept est le suivant : si, dans un édifice, une vitre brisée n'est pas remplacée immédiatement, alors toutes les autres vitres de l'environnement connaîtront le même sort. Il s'agit d'un cercle vicieux, où l'absence de réaction et de résistance des individus aux dégradations et aux incivilités engendre la rupture du lien social. Plus globalement, et par analogie, chaque comportement influe sur celui des autres. Il est donc nécessaire de faire preuve de civilité, c'est-à-dire adopter les bonnes manières, ces codes non écrits de respect mutuel, pour créer le cercle vertueux propice au bon déroulement des relations humaines.

Certes, nous sommes tous différents, mais comme le prononça Christiane Taubira, dans son discours du 18 février 1999, dont l'objectif était de faire reconnaître la traite négrière et l'esclavage comme crime contre l'humanité : « Nous sommes instruits de la certitude merveilleuse que si nous sommes si différents, c'est parce que les couleurs sont dans la vie et que la vie est dans les couleurs, et que les cultures et les desseins, lorsqu'ils s'entrelacent, ont plus de vie et plus de flamboyance. » Ces différences sont bénéfiques. Celle-ci ne doivent pas nous désunir, bien au contraire, mais nous rapprocher. C'est d'ailleurs par le respect de toutes ces dissemblances, que l'on construit une plus grande ressemblance. Tels sont les principes républicains de liberté, d'égalité, et de fraternité. La collectivité n'est pas une addition d'individualités, elle est bien plus que cela. Ernest Renan, dans sa conférence du 11 mars 1882, le signifie ainsi : « N'abandonnons pas ce principe fondamental, que l'homme est un être raisonnable et moral, avant d'être parqué dans telle ou telle langue, avant d'être un membre de telle ou telle culture. Avant la culture française, la culture allemande, la culture italienne, il y a la culture humaine. » Nous devons dépasser les hypothétiques barrières qui sont posées entre nous : culture, langue, caractéristiques physiques, etc. Avant d'être différents, nous sommes avant tout une même et grande famille : celle des humains. Le discours du Dalaï Lama, lors de la remise du prix Nobel de la paix, le 10 décembre 1989, synthétisait avec les mots suivants :

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« Tous ceux que je rencontre un peu partout dans le monde me font sans cesse rappeler que nous sommes semblables : des êtres humains. Il arrive que nos habits, la couleur de notre peau, nos langues soient différents. Tout cela reste superficiel. Au fond nous sommes tous des êtres humains. C'est ce qui nous relie, nous permet de nous comprendre et de nous rapprocher. »

« Je peux changer en échangeant avec l'autre, sans me perdre pourtant ni me dénaturer.» Telle est la phrase d'Édouard Glissant, poète et écrivain français. C'est dans la différence et le divers que nous nous construisons. C'est d'ailleurs même à travers les autres que nous existons, que nous pouvons nous développer en tant que personne. La différence n'est que richesse. Pour cela, il faut aller au-devant des relations, des rencontres, des échanges. Le monde est éclectique.

Tahar Ben Jelloun, dans Le racisme expliqué à ma fille, décrit ainsi les autres : « Regarde les élèves et remarque qu'ils sont tous différents, que cette diversité est une belle chose. C'est une chance pour l'humanité. Ces élèves viennent d'horizons divers, ils sont capables de t'apporter des choses que tu n'as pas, comme toi tu peux leur apporter quelque chose qu'ils ne connaissent pas. Le mélange est un enrichissement mutuel. » Edgar Morin, dans le livre intitulé Au péril des idées, les grandes questions de notre temps, au sein duquel est retranscrit son dialogue avec Tariq Ramadan, abonde dans le même sens en disant : « Qu'est-ce que l'autre ? C'est celui qui est à la fois différent de soi et semblable à soi. Il est semblable à soi par la capacité à aimer, à avoir peur, à souffrir, à être heureux et, en même temps, il est différent par sa singularité personnelle, par sa culture, par ses croyances. Respecter la différence tout en reconnaissant que l'autre est comme soi, c'est cela qui est nécessaire. A ne voir que sa différence, on ne voit pas que l'autre est comme nous, et à vouloir le réduire à soi-même, on perd son originalité. » Chacun apprend de l'autre. Dès notre plus jeune âge, et notamment à l'école, nous pouvons nous enrichir des différences des autres. Albert Jacquard, dans Nouvelle petite philosophie, parle d'école de « l'humanité » plutôt que d'école de la « République ». Au final, ces deux termes abondent dans le même sens, la République défendant et prônant des valeurs humanistes.

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Notre société est devenue une lutte les uns contre les autres, dont le but final est de sortir vainqueur. Il faut à tout prix refuser cette vision des choses. Ernest Renan, toujours dans sa conférence du 11 mars 1882, posait cette question : « Ne peut-on pas avoir les mêmes sentiments et les mêmes pensées, aimer les mêmes choses en des langages différents ? ». Bien sûr que si. Et d'ailleurs, refuser cette idée peut aboutir à des conséquences désastreuses pour l'humanité. Ces derniers siècles en sont le parfait exemple, avec notamment la colonisation ou le nazisme, périodes d'atrocités qui ont fait des millions de victimes au nom de différents facteurs : haine raciale, cupidité marchande, missions civilisatrices... Primo Levi, rescapé des camps de concentration nazi, dans son témoignage poignant Si c'est un homme, explique que « Beaucoup d'entre nous, individus ou peuples, sont à la merci de cette idée, consciente ou inconsciente, que « l'étranger c'est l'ennemi ». Le plus souvent, cette conviction sommeille dans les esprits comme une infection latente ; elle ne se manifeste que par des actes isolés, sans lien entre eux, elle ne fonde pas un système. Mais lorsque cela se produit, lorsque le dogme informulé est promu au rang de prémisse majeur d'un syllogisme, alors, au bout de la chaîne, il y a le Lager. » Personne n'est à l'abri des préjugés, des stéréotypes et de comportements engendrant des régressions catastrophiques. Deux expériences de psychologie peuvent souligner ces dires :

? La première, réalisée en 1971 par Philip Zimbardo, connue sous le nom d'expérience de Stanford, aboutit sur la conclusion suivante : toute personne ordinaire, placée dans certaines conditions bien spécifiques, peut avoir des comportements anormaux voire déviants. L'expérience avait pour objectif d'étudier les comportements humains soumis à l'univers carcéral. Des étudiants furent divisés aléatoirement en deux groupes : des prisonniers et des surveillants de prison. Devant durer deux semaines, cette expérience fut arrêtée au bout de seulement 6 jours, car les étudiants surveillants de prison infligeaient des traitements dégradants et se comportaient en sadiques. Des études menées auparavant sur tous ces étudiants avaient pourtant révélé qu'aucun d'entre eux n'était susceptible d'avoir ce type de comportement, et qu'ils paraissaient émotionnellement stable et respectueux de la loi.

? La seconde, réalisée dans les années 60 et passée à la postérité, fut celle de Stanley Milgram et portait sur l'obéissance. Les résultats aboutirent au fait que tout individu est capable d'actions terribles si une figure d'autorité le lui demande. Lors de l'expérience, des volontaires de tous horizons venaient pour une expérience sur la mémoire. Deux personnes étaient à chaque fois

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en présence : le premier, un acteur, devait réaliser un travail oral de mémoire, tandis que le second, sur qui portait l'étude, devait le punir à chaque fois qu'il oubliait des choses en lui administrant des chocs électriques. L'acteur ne recevait bien évidemment pas les chocs, ce que le second ignorait. Tandis que l'acteur criait et protestait pour ne pas recevoir de chocs, les personnes ont bien souvent continué l'expérience malgré tout. La tutelle d'un médecin, faisant figure d'autorité, engendrait des comportements odieux vis-à-vis d'innocents.

Ces deux expériences nous montrent à quel point toute personne est susceptible de changer dans certaines conditions, d'adopter un comportement qu'elle n'aurait jamais osée avoir dans la vie courante. Le livre de Kressmann Taylor, Inconnu à cette adresse, l'illustre parfaitement. Son oeuvre montre, à travers une correspondance épistolaire, l'évolution d'une amitié entre deux hommes, confrontée à l'arrivée au pouvoir d'Adolf Hitler et du système nazi. Martin Schulse, allemand vivant à Berlin, et Max Eisenstein, juif vivant aux États-Unis sont deux associés unis par une amitié profonde. Celle-ci va être détruite, après le changement brutal de comportement de Martin Schulse, devenu progressivement raciste en cédant à la facilité et en oubliant tout ce qu'il avait été jusqu'à présent. Cette trahison aboutira à l'irréparable. Ainsi, nous devons toujours rester vigilants.

Malgré les leçons tirées de l'histoire, on remarque que les choses n'avancent que très doucement : il a fallu attendre 1848 pour enfin voir l'abolition de l'esclavage, 1944 pour que les femmes puissent voter en France, 1964 et le Civil Right Act pour mettre fin aux lois Jim Crow sur la ségrégation raciale aux États-Unis ou encore 1991 pour mettre fin à l'apartheid en Afrique du Sud, etc. Et les combats à mener sont encore nombreux. Il faut pour cela refuser toute vie déterminée à l'avance, toute place assignée, toute identité fermée, engendrant forcément un futur immobile. Nous sommes tous partie prenante dans l'orientation de l'aventure collective, dans le chemin que prend l'humanité. Albert Jacquard écrit ainsi que « S'ouvrir à l'autre, c'est courir un risque, mais se refuser à la rencontre, c'est jouer perdant. » Ce n'est qu'au prix de l'échange mais aussi du respect de l'autre que nous pourrons choisir le bon chemin à suivre.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault