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Droit international et changement climatique. Impact des marchés-carbone sur la protection de l'environnement.

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par Cédric Jean-Jacques TWANA SHERIYA
Université de Kinshasa - Licence 2011
  

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§3. De la nécessité d'une redéfinition post-2012 du fonctionnement des marchés-

carbone

Avec la fin de la première période d'engagement, la nécessité d'une revisite du

fonctionnement des marchés-carbone s'impose car, si la question de leur effectivité ne fait

l'ombre d'aucun doute, celle de leur efficacité par contre...

Il s'agit, dans le cadre de ce paragraphe, de soumettre certaines propositions

pertinentes qui, nous estimons, devront être prises en compte dans la structuration du marchécarbone

post-2012.

v Le marché-carbone, de par les mécanismes de flexibilités, est un dispositif créé par le

droit international dont l'objectif est de garantir la réduction des émissions à moindre

coût : la robustesse du signal prix est à cet égard déterminante et doit être préservée

En effet, Le système international d'échanges de quotas est d'abord un instrument

de contingentement volumique des émissions de gaz à effet de serre, avant d'être un système

d'échanges. Ce qui implique que l'objectif environnemental doit constituer le pilier du

marché-carbone et ne le pourra que par la robustesse et la crédibilité du signal prix, éléments

fondamentaux de l'efficacité du système d'échange.125

Or, comme nous l'avions noté plus haut, le manque de parcimonie dont ont fait

preuve les Etats dans l'attribution des quotas nationaux n'ont pas permis cette émergence d'un

signal-prix fort.

Il convient dès lors de définir un prix-carbone robuste et unique, applicable à

tous les acteurs, suffisamment crédible. En un mot, un signal prix capable de susciter la confiance

de tous les acteurs et de jouer son rôle d'inducteur de comportements d'investissement

et d'optimisation opérationnelle.126

125 Lire à ce sujet PRADA (M.), la régulation des marchés du CO2, Paris, inédit, 2009, p.21-26

126 Idem

71

v Si le principe de marché ouvert doit être préservé dans les marchés-carbone, les participants

au marché doivent être mieux encadrés, afin de garantir l'intégrité et

l'efficience du marché.

Il a été établit par la CCNUCC que les mesures de lutte contre les changements

climatiques ne doivent point constituer «...un moyen d'imposer des discriminations arbitraires

ou injustifiables sur le plan du commerce international, ou des entraves déguisées à ce

commerce».127Comme nous avions eu à le démontrer, les transactions-carbones sont des marchés

à part entière. De ce fait, ils ne peuvent pas échapper aux règles et principes posés par le

droit du commerce international.

Ainsi, le marché du CO2 s'est développé dans le cadre d'un accès totalement

ouvert qui a favorisé une diversification d'acteurs et d'intérêts. A côté des Etats ayant des engagements,

des entreprises assujetties et des intermédiaires, on a vu émerger certains acteurs

agissants pour leur propre compte et, parfois à des fins purement spéculatifs.

Si certains de ces acteurs poursuivent réellement des objectifs environnementaux,

certains ne visent que le lucre. Dès lors, il convient, en plus de la couverture des acteurs

traditionnels (les financiers, courtiers...), d'adopter certaines mesures visant à réglementer

l'activité des autres intervenants (surtout ceux qui interviennent à titre personnel), afin de

s'assurer que les transactions dans lesquelles ils interviennent ont vraiment un objectif environnemental

et ce, toujours dans le but de protéger l'efficience du marché-carbone.

v Corollairement, un cadre de prévention et de sanction des abus de marché, adapté aux

spécificités du marché du CO2, doit être mis en place pour limiter les risques de manipulation

de cours et les délits d'initiés.

Plus en amont nous avions souligné que, du fait de la technicité et de la complexité

du marché-carbone, certains acteurs étaient obligés de recourir à d'autres. De cette situation,

ceux d'entre eux qui sont mal intentionnés peuvent abuser de leur position.

Le premier abus peut consister en des manipulations de cours. Ce sont des manoeuvres

visant à tromper les autres acteurs du marché sur l'état de l'offre et de la demande,

127 Art.3§5

72

au bénéfice de leur auteur, qui aura pris des positions lui permettant de profiter de l'évolution

induite du prix de marché.128

Le second abus consiste en l'utilisation par un acteur d'informations privilégiées,

ayant une influence sur le prix de l'actif, qui n'ont pas été portées à la connaissance des

autres acteurs. L'acteur concerné peut ainsi exploiter à son profit une situation d'asymétrie

d'information.129

Ces deux types d'abus recouvrent des enjeux différenciés quant à leur impact

sur le fonctionnement du marché. Des manipulations de cours sont de nature à nuire à la robustesse

du signal-prix, en l'écartant de ses fondamentaux, et à l'efficacité même de

l'instrument économique que constitue le marché de quotas. Le cas de l'utilisation

d'informations privilégiées est sensiblement différent : il ne met pas en péril la robustesse du

signal prix, mais constitue un cas d'inégalité entre acteurs participant au marché. Néanmoins,

les deux types d'abus ont en commun qu'ils constituent des détournements de l'instrument

environnemental, à même de nuire à la confiance des participants et des citoyens à l'égard du

marché du CO2.130

Il faudra alors réfléchir sur l'élaboration d'un cadre de prévention et de sanction

effective de ces abus de marché adapté au marché du CO2, régissant l'utilisation

d'informations sensibles et d'informations privilégiées, et couvrant l'ensemble des produits

échangés, et des modalités de négociation.

v L'émergence de certaines puissances appelle une remise en question du principe de la

responsabilité commune mais différencier.

Le principe de la responsabilité commune mais différencier dans le dossier

climatique traduit un besoin de justice et d'équité : l'essor économique de Etats industrialisés

ayant entrainé des concentrations de GES considérables dans l'atmosphère, les contraintes découlant

d'une action internationale doivent d'abord concerner ceux-ci. Cependant, avec la

montée économique des pays tel que la Chine ou le Brésil, devrait-on imposer des engagements

chiffrés qu'aux seuls pays industrialisés figurant dans l'annexe B du Protocole ?

128 PRADA (M.), Op cit, p. 118

129 PRADA (M.), Op cit, p. 118

130 Idem.

73

Une réponse dans le sens de l'affirmatif remettrait en cause le principe du pollueur-

payeur, principe sur lequel repose la rationalité du marché-carbone.

Dès lors, il faudrait penser à revoir la différenciation de la responsabilité des

Etats. Voir dans quelle mesure les pays émergents peuvent rejoindre l'annexe B du protocole

ou trouver une solution intermédiaire qui permette de les inciter à réduire leurs émissions.

v Renforcer et encrer la supplémentarité au coeur de l'action environnementale par le

marché-carbone

Comme nous l'avions évoqué, le Protocole de Kyoto institue les mécanismes

de flexibilité en appui à des mesures à des politiques nationales de réduction de GES. Cependant,

en dépit du cadre d'observance de Marrakech, cette question de la supplémentarité demeure.

Par conséquent, il semble plus que nécessaire d'éluder cette question en renforçant les

mesures d'atténuation internes par une définition claire et nette de la quantité exacte de GES

qu'un Etat peut réduire sur le territoire d'un autre.

v Revoir la politique de prix des crédits carbone dans le cadre des mécanismes de développement

propre pour orienter davantage les investissements des compagnies énergivores

vers l'Afrique

Il serait impératif de revoir le système d'achat des crédits carbone concernant

les mécanismes de développement propres. Car il n'est absolument pas logique que ce soit le

même prix pour une tonne de carbone suivant qu'il s'agisse d'un projet d'investissement en

Chine ou d'un projet d'investissement en RDC : le rapport rendement/risque ne les met pas

sur un pied d'égalité.

Les prix des crédits carbone varient en fonction du type des projets de mécanismes

de développement propre, de son état d'avancement et du risque correspondant. A titre

d'exemple, en fin Août 2007 les prix des crédits-carbone se présentaient comme suit :

- 5 à 6 € pour les projets à risque moyen dans le futur,

- 7 à 10 € pour les projets à faible risque dans le futur,

- 9 à 13 € pour les projets enregistrés,

- 15 à 16 € pour les crédits carbones délivrés.

74

Cette méthodologie est intéressante mais il faut aller plus loin. Le prix effectif

du carbone étant défini sur le marché par un équilibre classique entre l'offre et la demande et

sachant que le but serait de trouver des solutions pour attirer plus d'investisseurs énergivores

vers l'Afrique, pourquoi ne pas attribuer une décote (réduction de prix) sur les crédits carbone

relatifs à des investissements en Afrique. Décote ajustée en fonction de l'aversion au risque

des investisseurs suivant les pays et qui serait fixé en pourcentage du prix d'équilibre défini

par le marché. Ainsi, plus d'investissements iraient vers l'Afrique et permettrait notamment

de valoriser, par le transfert technologique, les importants gisements d'énergie renouvelable

dont dispose l'Afrique (solaire, éolienne et hydraulique) et ainsi de pallier progressivement au

déficit énergétique dont elle souffre.

v Dans la même optique, revoir les critères d'éligibilité selon la nature du projet et les

capacités du pays hôte et, élargir le champ des projets admis aux MDP

Comme nous l'avions souligné, la structure de gouvernance internationale qui

a été retenue pour le MDP prévoit plusieurs étapes et opérations de vérification, fait intervenir

plusieurs acteurs et s'appuie sur des prescriptions détaillées concernant la méthodologie et

l'additionalité.

Si ces dispositions sont nécessaires pour assurer l'intégrité du mécanisme fondé

sur le jeu du marché qu'est le MDP, la procédure d'approbation des projets a été critiquée

comme trop lourde et trop rigide et parce qu'elle implique des coûts de transaction élevés

pour les pays en développement pauvres. En outre, il faut noter que c'est le secteur de

l'utilisation des terres qui offre potentiellement le plus important gisement de financements

carbone dans la plupart des pays d'Afrique. Cependant, les règles actuelles limitent les activités

de projet éligibles dans le secteur de l'agriculture, foresterie et autres usages du sol aux

activités de boisement et de reboisement définies de façon restrictive. En plus de la complexité

des règles et modalités de génération de crédits AFAU, le marché européen - qui est le plus

important - exclu les activités de boisement et de reboisement.

Il faudrait donc revoir ces dispositifs afin de permettre un assouplissement des

procédures et des modalités et une réduction des coûts de transaction liés au développement

de projets MDP, simplifier les modalités de production de crédits par les activités de boisement

et de reboisement et imposer ces derniers comme activités éligibles aux MDP.

75

v Intégrer les pays du Sud dans le processus de négociation des mécanismes de flexibilité,

particulièrement du MDP

Les décisions concernant les mécanismes de flexibilité sont prises au cours des

réunions des Parties aux Protocoles, les COP/MOP, dans lesquels les autres Parties à la

CCNUCC ne participent qu'à titre d'observateur.131 Il en résulte une situation telle que les

Etats parties non-parties au protocole sont appelés à se plier en aval à des décisions arrêtées

en amont, dans des réunions auxquels ils n'ont pas participé, sans parfois en saisir les enjeux

réels.

Dans le cas sous examen, intégrer les Etats non-Parties au protocole ne ferait

que renforcer la confiance entre les Parties, la crédibilité des mécanismes de flexibilité ainsi

que du marché-carbone et répondrait à un besoin d'équité.

v Intégrer le REDD dans les marchés-carbone

La déforestation tropicale est responsable de 15 à 20 % de l'ensemble des

émissions humaines de gaz à effet de serre. De l'agriculture au commerce du bois, en passant

par le besoin énergétique, plusieurs facteurs, dans un contexte socio-économique, contribuent

à ce phénomène.

En décembre 2007, lors de la Conférence internationale de Bali, les Nations

Unies ont reconnu qu'une solution viable au changement climatique devait intégrer un mécanisme

visant à limiter la déforestation et la dégradation des forêts. La Conférence encourage

également les pays et les organisations et parties concernées à entreprendre des activités pilotes

susceptibles de nourrir les négociations des règles détaillées du futur mécanisme REDD.

C'est dans ce contexte que le Fonds Bio Carbone de la Banque mondiale, bien que principalement

tourné vers les projets de reforestation, signera un contrat d'achat avec trois projets (à

Madagascar, en Colombie et au Honduras) qui comportent une composante REDD.

Décliné en REDD+ par la prise en compte des activités de gestion durable des

forêts, le bilan de la phase pilote, bien que mitigé en RDC (conséquence d'une mauvaise gouvernance),

semble satisfaire toutes les Parties : le montage des projets REDD sont moins coûteux

que ceux des mécanismes de flexibilité existants et, de ce fait, se présentent comme une

131 Art. 13 du protocole

76

aubaine tant pour les pays à forêts. Aussi, ces derniers n'étant pas tenus à des objectifs de réduction,

peuvent générer des crédits forestiers ex-nihilo et bénéficier de beaucoup de financement.

Cependant, A l'heure actuelle, le seul débouché pour les « actifs climatiques »

des initiatives REDD demeure le marché de la compensation carbone volontaire : les émissions

réduites par ces initiatives sont financées par des entreprises ou des particuliers qui souhaitent

volontairement compenser leurs émissions de GES. De ce fait, l'accord post-Kyoto

devra pensée à consacrer le REDD comme mécanisme de flexibilité à part entière car elle est

d'une importance capitale, tant sur le plan écologique que sur le plan économique.

v Les gouvernements du Sud en général et ceux de l'Afrique en particulier doivent penser

à renforcer leurs capacités en finance-carbone et à instaurer un climat d'affaire

propice aux investissements-carbone

Les capacités institutionnelles d'un pays constituent un facteur important qui

peut favoriser ou au contraire freiner son évolution dans le marché-carbone. En ce qui concerne

le MDP, le lancement de tels projets suppose d'évaluer et de comprendre de nombreux

aspects juridiques, financiers, opérationnels et techniques. Or, la plupart des pays en développement

(particulièrement ceux d'Afrique), disposant de capacités institutionnelles limitées,

ont et auront du mal à prospérer dans la finance-carbone. Par ailleurs, le climat d'affaire (pollué

par la corruption, la concussion, les tracasseries administratives qui se sont érigés en système

de gouvernance), les crises politico-militaires... n'incitent pas les investisseurs à

s'engager sur des projets-carbones en Afrique.

Les Etats africains doivent penser à mettre sur pied des organes sérieux chargés

de la gestion de leurs actifs sur les marchés du carbone, à renforcer les capacités de ceux existants,

à assainir le climat des affaires et à proposer des mesures incitatives aux investisseurs

(par exemple des exonérations fiscales)...

v Les PED doivent renforcer la coopération SUD-SUD s'ils veulent vraiment peser sur

les marchés-carbone post-2012.

La question climatique évolue dans un contexte géopolitique particulier où la

préservation de l'environnement, chère au Nord, doit être conciliée à la croissance économique

mondiale en générale, du Sud en particulier. Cependant, dans cette société internatio77

nale, bordel d'intérêts, les Etats ne se font pas des cadeaux. Chaque partie cherche à tirer son

épingle du jeu, quit à écraser, diplomatiquement parlant, celui qui lui paraît en position de

faiblesse.

Ainsi, pour peser dans les prochaines négociations qui aboutiront au marchécarbone

d'après Kyoto, les Etats du Sud doivent se serrer les coudes afin de faire face à

l'occident. Ceci passe par une coopération Sud-Sud, tant sur le plan technique que sur le plan

financier :

- Sur le plan technique, ceux d'entre eux qui ont développés des capacités et acquis

l'expérience dans la finance carbone devront aider les canards boiteux à évoluer et à se

mettre à la hauteur des enjeux.

- Sur le plan financier, la Chine par exemple, fort de son économie, peut être un partenaire

financier important en ce qui concerne le montage des projets-carbone.

Et ceci bien entendu, dans le respect mutuel de souveraineté.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus