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La décentralisation territoriale sous la constitution du 18 février 2006. Bilan d'une décennie d'application.

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par Jordy Panza
Université Protestante au Congo - Licence en Droit public 2016
  

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II. PROBLEMATIQUE

Il a été admis par la doctrine que la décentralisation territoriale est la technique d'organisation administrative on ne peut plus efficace, dans la mesure où elle facilite une gouvernance de proximité et une participation du peuple dans la gestion étatique.

En RDC, la question de la décentralisation territoriale a fait preuve d'une pertinence et d'une nécessité au point de ne jamais être élaguée par le constituant.

Il faut admettre que les principes directeurs de l'application de la décentralisation territoriale ont été fixés dès 1982 avec l'entrée en vigueur de trois textes de loi communément appelés « loi VTP », ainsi qu'une dizaine d'ordonnances portant mesures d'exécution.16(*) Avec le temps, la décentralisation territoriale a pris de l'élan au point de constituer l'un des traits essentiels de la Constitution actuelle.

Dans l'optique de conduire à une mise en oeuvre on ne peut plus effective de la décentralisation territoriale, laquelle devant conduire au développement du pays, plusieurs textes légaux et réglementaires sont venus accompagner ce processus.

Il s'agit de :

- la loi n°08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces, telle que modifiée et complétée par la loi n°13/008 du 22 janvier 2013;

- la loi organique n°08/015 du 07 octobre 2008 portant modalités d'organisation et fonctionnement de la Conférence des Gouverneurs de provinces ;

- la loi organique n°08/016 du 07 octobre 2008 portant composition, organisation et fonctionnement des Entités Territoriales Décentralisées et leurs rapports avec l'Etat et les provinces ;

- la loi n°10/010 du 27 avril 2010 relative aux marchés publics ;

- la loi organique n°10/011 du 18 mai 2010 portant fixation des subdivisions territoriales à l'intérieur des provinces ;

- la loi n°11/011 du 13 juillet 2011 relative aux Finances Publiques ;

- l'ordonnance-loi n°13/001 du 23 février 2013 fixant la nomenclature des impôts, droits, taxes et redevances des Provinces et des Entités Territoriales Décentralisées ainsi que leurs modalités de répartition ;

- la loi de programmation n°15/004 du 28 février 2015 déterminant les modalités d'installation des nouvelles provinces ;

- la loi organique n°15/006 du 25 mars 2015 portant fixation des limites des provinces et celles de la Ville de Kinshasa ;

- la loi n°15/015 du 25 août 2015 fixant le statut des chefs coutumiers ;

- la loi organique n°16/001 du 03 mai 2016 fixant l'organisation et le fonctionnement des services publics du pouvoir central, des provinces et des entités territoriales décentralisées.

A cela, il faut ajouter la loi organique fixant la Caisse nationale de péréquation et la loi sur la Fonction Publique nationale qui ne sont pas encore promulguées à ce jour.

Il y a également une panoplie d'actes réglementaires comme le décret n°08/06 du 26 mars 2008 portant création d'un Conseil national de mise en oeuvre et de suivi du processus de la décentralisation en RDC et l'arrêté ministériel n°033 du 25 juillet 2008 portant organisation et fonctionnement de la Cellule Technique d'Appui à la Décentralisation.

Au regard de la Constitution et des différentes lois déjà en vigueur, quel est donc le bilan de la mise en oeuvre de la décentralisation territoriale, une décennie plus tard ? Nous sommes sans ignorer que cette mise en oeuvre était censée se dérouler en deux phases, à savoir :

- Phase 1 : Mise en oeuvre (2009 à 2014) ;

- Phase 2 : Evaluation et suivi (2015 à 2019).17(*)

De l'installation des provinces

Au regard de l'article 2 de Constitution de la RDC du 18 février 2006 telle que modifiée à ce jour et en y ajoutant les prescrits de l'article 226 de la version non révisée, il était question que les dispositions du premier alinéa de l'article 2 entreraient en vigueur dans un délai de 36 mois à dater de l'installation effective des institutions politiques prévues par la Constitution.

Devant l'impossibilité d'appliquer à la lettre cette disposition, une modification est intervenue avec la révision de 2011 en ces termes : « une loi de programmation détermine les modalités d'installation de nouvelles provinces citées à l'article 2 de la présente Constitution. En attendant, la République Démocratique du Congo est composée de la Ville de Kinshasa et de dix provinces suivantes dotées de la personnalité juridique : Bandundu, Bas-Congo, Equateur, Kasaï Occidental, Kasaï Oriental, Katanga, Maniema, Nord-Kivu, Province Orientale et Sud-Kivu » (art. 226, Constitution).

Ce n'est qu'après quatre ans, soit le 28 février 2015, que la loi de programmation tant attendue fut promulguée par le Président de la République. Ce texte de loi a fixé les modalités d'installation des nouvelles provinces en deux phases. La première concernait les provinces du Kongo Central, du Maniema, du Nord-Kivu, du Sud-Kivu et de la Ville de Kinshasa et la seconde, les provinces restantes issues du démembrement.

Une fois démembrées, les Assemblées provinciales des nouvelles provinces n'ont pu élire leurs Gouverneurs et Vice-Gouverneurs dans les délais fixés par l'article 9 de la loi de programmation. En lieu et place de voir ce scrutin se tenir, l'opinion publique s'est vue offusquée par le Président de la République qui a, par l'Ordonnance n°15/081 du 29 octobre 2015, nommé des Commissaires Spéciaux et des Commissaires Spéciaux adjoints du Gouvernement chargés d'administrer les nouvelles provinces. Ce n'est qu'en date du 26 mars 2016 que les élections des Gouverneurs et des Vice-Gouverneurs ont été organisées par la Commission Electorale Nationale Indépendante.

Quel était donc la raison du retard dans l'installation de ces entités territoriales régionalisées issues du démembrement et de leurs institutions politiques ?

Du fonctionnement des Institutions provinciales

L'on peut aussi se poser la question de savoir comment ont fonctionné les institutions politiques provinciales au regard du contrôle politique, assorti de sanctions, des assemblées délibérantes sur les organes exécutifs. Les sanctions susvisées renvoient aux motions de censure et de défiance.

A titre de rappel, la motion de censure est un mécanisme par lequel une Assemblée législative met en cause la responsabilité d'un Gouvernement provincial. Par contre, la motion de défiance est celle par laquelle la responsabilité d'un seul membre du Gouvernement provincial est mise en cause.

Il importe par ailleurs de relever aussi la touche modificative apportée au fonctionnement des institutions politiques provinciales par la révision, en 2011, des articles 197 et 198 de la Constitution, à travers laquelle le Président de la République peut désormais, par une Ordonnance délibérée en Conseil des Ministres et après concertation avec les Bureaux de l'Assemblée Nationale et du Sénat, dissoudre l'Assemblée provinciale ou relever le Gouverneur de Province de ses fonctions dès lors qu'une crise politique grave et persistante menace d'interrompre le fonctionnement des institutions provinciales.

Bien avant cette révision, l'Assemblée provinciale ne pouvait être dissoute qu'en cas de crise institutionnelle persistante. Il y a crise institutionnelle persistante lorsque :

- pendant six mois successifs, l'Assemblée provinciale n'arrive pas à dégager une majorité ;

- elle ne peut se réunir pendant une session faute de quorum ;

- au cours de deux sessions d'une même année, le Gouvernement provincial est renversé à deux reprises.18(*)

Le Gouvernement provincial, quant à lui, ne pouvait être renversé qu'après le vote d'une motion de censure ou de défiance contre le Gouverneur.

Fort de ce qui précède, une question se pose : une décennie plus tard, quel est l'état du fonctionnement des institutions politiques provinciales ?

Des ressources financières et de leur gestion

Pour assurer le bon fonctionnement de ses entités, un Etat doit disposer de moyens efficaces quant à ce. Il s'agit des moyens juridiques, des moyens matériels et des moyens humains. Dans le présent cas, l'accent est mis sur les moyens matériels et plus précisément les finances publiques. Un Etat ne peut disposer de moyens matériels suffisants au point d'être fort et d'assurer le bien-être de ses habitants que s'il dispose d'importantes ressources financières. Sun Tzu (544-496 av. J-C) ne disait-il pas que la force d'un Etat est visible au travers ses ressources financières.

Au regard de l'article 175 de la Constitution, un budget des recettes et des dépenses de l'Etat (Pouvoir central et provinces) est arrêté annuellement par une loi de finances. Il s'agit du budget de l'Etat. Selon cet article, les recettes à caractère national sont allouées, à hauteur de 40%, aux provinces qui les retiennent à la source.

Une décennie après l'entrée en vigueur de la Constitution, il est impérieux de se demander pourquoi cette disposition accuse un retard quant à son application. En effet, non seulement les provinces n'ont pas part à ces 40%, mais encore, le pouvoir central ne leur accorde pas de les retenir à la source.

De même, en scrutant les articles 181 de la Constitution et 57 de la loi n°08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces telle que modifiée et complétée par la loi n°13/008 du 22 janvier 2013, il est admis qu'une province peut bénéficier des ressources provenant de la CNP, laquelle a pour mission de financer des projets et programmes d'investissement public en vue d'assurer la solidarité nationale et corriger le déséquilibre de développement entre les provinces et le entités territoriales décentralisées (art.181, Constitution).

A ce jour, il est bien difficile d'attester la bonne application de cette disposition, étant donné que la CNP n'est pas encore installée.

Quelles sont, en fin de compte, les causes réelles du non-respect de toutes ces dispositions ?

De l'Administration provinciale

Conformément à l'article 194 de la Constitution, l'Administration publique congolaise est répartie sur trois niveaux. Il y a donc les services publics du Pouvoir central, ceux des provinces, ainsi que les services publics des ETD auxquels correspondent une fonction publique nationale ainsi qu'une fonction publique provinciale et locale.

Il est triste de constater qu'après une décennie, seule la loi relative aux services publics a été promulguée. Il s'agit de la loi organique n°16/001 du 03 mai 2016 fixant l'organisation et le fonctionnement des services publics du pouvoir central, des provinces et des entités territoriales décentralisées.

Au niveau de la fonction publique nationale, la loi tant attendue, et par laquelle sera abrogée la loi n°81-003 du 17 juillet 1981 portant statut du personnel de carrière des services publics de l'Etat, se fait encore attendre.

Quant à la fonction publique provinciale et locale qui, rappelons-le, relève de la compétence exclusive des provinces (art. 204, pt.3, Constitution), celle-ci tarde à devenir réelle dans chaque province car les Assemblées provinciales des vingt-cinq provinces, et de la ville de Kinshasa, ne sont pas encore en mesure d'en définir le cadre légal (par voie d'édit) compte tenu de la léthargie observée au niveau du pouvoir central.

A quand l'effectivité de la fonction publique nationale et de la fonction publique provinciale et locale tel que prescrit par le constituant de 2006 ?

Des Entités Territoriales Décentralisées

Avec la décentralisation territoriale consacrée par la Constitution de 2006, le pouvoir s'exerce à trois niveaux : au niveau du Pouvoir central, au niveau des provinces et au niveau des ETD. Conformément à l'article 3 de la Constitution, les ETD sont : la Ville, la Commune, le Secteur et la Chefferie. Elles sont dotées de la personnalité juridique et sont gérées par les organes locaux.

Aux termes de cette même disposition, il appert que lesdites entités jouissent d'une libre administration et d'une autonomie de gestion de leurs ressources. Leurs organes politiques sont dirigés par des personnes élues.

La loi organique n°08/016 du 07 octobre 2008 portant composition, organisation et fonctionnement des Entités Territoriales Décentralisées et leurs rapports avec l'Etat et les provinces précise que les ressources financières d'une ETD sont distinctes de celles de la province et comprennent les ressources financières propres, les recettes communes (à caractère national et d'intérêt commun), les ressources de la caisse nationale de péréquation ainsi que les ressources exceptionnelles.

Un accent particulier est mis sur la question des recettes à caractère national car, l'article 115 de la loi précitée dispose : « les entités territoriales décentralisées ont droit à 40% de la part des recettes à caractère national allouées aux provinces ».19(*)

Concrètement parlant, il est difficile d'évoquer toutes ces questions, car le fonctionnement transitoire des entités territoriales organisées par le Décret-loi n°081 du 02 juillet 1998 persiste.

Quelles sont donc les raisons de la mise en veilleuse de toutes ces dispositions ?

A la lumière de tout ce qui précède, nous tenterons, dans le cadre de notre travail, de procéder à un état des lieux de la décentralisation territoriale de 2006, d'en relever les réussis et les ratés, d'en évaluer l'application, de connaitre les raisons véritables de ces échecs et de proposer quelques panacées.

* 16 Voir F. VUNDUAWE te PEMAKO, op.cit., p. 463.

* 17Ministère de la Décentralisation et Aménagement du Territoire, « Cadre stratégique de mise en oeuvre de la décentralisation en sigle CSMOD », RDC, 2009, pp. 27-29.

* 18 Article 19 de la loi n°08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces, JORDC, numéro spécial, 2008, col.6, 31 juillet 2008.

* 19 Article 115 de la loi organique n°08/016 du 07 octobre 2008 portant composition, organisation et fonctionnement des Entités Territoriales Décentralisées et leurs rapports avec l'Etat et les provinces, JORDC, numéro spécial, 07 octobre 2008, col.30.

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon