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Histoire du comité de lutte contre la répression au Maroc. Analyse d'une association centrée en Belgique 1972-1995.

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par ZIAD EL BAROUDI
Université Libre de Bruxelles - Master en Histoire finalité Archives et documents 2015
  

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c.2 Les polices politiques

Issue des Services de Renseignements Généraux français au Maroc et des FAR, la première Sûreté Nationale voit le jour le 16 mai 1956 sous l'égide de l'istiqlalien Mohamed Laghzaoui*94. La Sûreté Nationale, appelée aussi la Direction Générale de la Sûreté Nationale (DGSN), avait pour principale mission d'éliminer les cadres de l'ALM les plus opposés aux FAR, parmi lesquels Abbas Messaâdi*. Composée d'anciens membres ralliés de l'ALM, la police politique de Laghzaoui* ne dispose cependant toujours pas d'un solide réseau d'informateurs.

Vers septembre 1960 et avec la montée en puissance du Général Mohamed Oufkir*, l'administration policière secrète est réorganisée en un bureau centralisé : il s'agit du CAB1 qui dispose de deux grands services distincts, le premier central situé dans la capitale, Rabat et le second régional disséminé dans tout le pays. Le service central est composé de 6 départements indépendants mais complémentaires dont le département de la contre-subversion et le département du contre-espionnage. Le département de la contre-subversion a pour mission de neutraliser les partis politiques, les syndicats et les mouvements d'étudiants, de plus, il participe clandestinement aux enlèvements, aux séquestrations, aux tortures et aux disparitions.

Suivant le contexte de Guerre Froide généralement et de Maccarthysme plus particulièrement, les Etats-Unis procurent une aide précieuse au Maroc dans la construction de son appareil sécuritaire. Par conséquent, le CAB1 devient plus efficace dans sa lutte contre la subversion politique interne au territoire mais aussi plus performant dans sa lutte contre le « péril rouge ». Les collaborateurs américains dépêchés

93 Bulletin officiel Royaume du Maroc du 17 mai 1957, N°2325, Dahir n°1-57-059 du 28 ramadan 1376 (29 avril 1957) sur la gendarmerie.

94 Bulletin officiel du Royaume du Maroc du 25 mai 1956, N°2274, Dahir n°1-56-115 du 5 chaoual 1375 (16 mai 1956) relatif à la direction générale de la sûreté nationale.

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par l'Etat-Major des Etats-Unis sont assignés à la tête du département contre-subversion95. Le département de la contre-subversion a développé dès 1965, un grand réseau d'information couvrant tout le territoire, tandis que le département contre-espionnage collectait les renseignements et la documentation auprès des ambassades, des consulats, dans les médias, auprès des personnalités étrangères et dans les lieux publics96.

Du début des années 1960 jusqu'à l'enlèvement de Mehdi Ben Barka*à Paris, le CAB1 dispose des services de plusieurs réseaux d'information composés de 2000 sources. L'information est fournie par l'indicateur à son agent-traitant qui recoupe l'information. Une fois les informations recoupées, un rapport est remis au Ministère de l'Intérieur. Le rapport se doit d'être bref et concis, comme en témoigne l'exemple de ce rapport émis par le caïd du 3e arrondissement urbain pour le Ministère de l'Intérieur97:

Ministère

del'Intérieur

Préfecture de

Casablanca

N°402/AB/FR

Casablanca, le 28 septembre 1962 Le Caïd chef du 3e arrdt urbain Casa blanca A Monsieur le Directeur des Affaires Générales Rabat S/C de la voie hiérarchique

Objet : réunion secrète du bureau U.N.F.P.-Casa.

D'après les informations recueillies auprès des milieux proches des militants de la gauche, il paraît que les membres du bureau U.N.F.P. de Casablanca auraient tenu une réunion secrète il y a quelques jours pour discuter des choses urgentes du parti. La réunion a été longue car elle a duré quelques heures sous la présidence d'Abdallah Ibrahim ou Mâati Bouabid

Vu et transmis sous le N°1200/S.A.R. Le gouverneur de Casablanca

95 A. BOUKHARI, Le Secret : Ben Barka et le Maroc. Un ancien agent des services spéciaux parle, Paris, Michel Laffont, 2002, pp. 19-49. Attention les deux ouvrages d'Ahmed Boukhari doivent cependant être pris avec beaucoup de précaution car si l'auteur procure des informations intéressantes sur le fonctionnement de la police politique marocaine, il ne propose pas toujours une méthodologie rigoureuse quant à la qualité de ces informations données.

96 A. BOUKHARI, Raisons d'Etats : Tout sur l'affaire Ben Barka et d'autres crimes politiques au Maroc, Casablanca, Maghrébines, 2005, pp. 57-61 & 296-300. P. VERMEREN, op. cit., p 63.

97 A. BOUKHARI, Le Secret : Ben Barka et le Maroc. Un ancien agent des services spéciaux parle, op. cit., pp. 71-72.

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Sur les 2000 sources d'informations du CAB1, 200 sont utilisées dans le contre-espionnage et 1800 pour la contre-subversion. Parmi ces 1800 sources d'information de la contre-subversion, un grand

nombre de responsables des partis, des syndicats et des bureaux d'étudiants y collabore, notamment

d'importants cadres de l'UNFP et de l'UNEM... Soucieux de mieux contrôler la classe politique et après le « suicide » du Général Oufkir* survenu après le coup d'Etat du Boeing Royal du 7 août 1972, le

régime va démanteler le CAB1 et diviser l'appareil des Services Secrets en créant, le 12 janvier 197398, la Direction Générale de l'Etude et de la Documentation (DGED), et vers fin mars99, la Direction de la Sûreté Nationale (DST). Entre-temps, un nouveau corps d'armée voit le jour le 22 février 1973 : les Forces Auxiliaires100.

La DST et la DGED sont à leurs origines tenus par le tout puissant ministre de l'Intérieur et professeur de Droit Driss Basri*. La DST et la DGED comprendront un effectif respectif de 9000 policiers et de 3000 policiers101. Cette augmentation des effectifs policiers justifie la volonté du souverain de diminuer le pouvoir de l'armée au détriment des corps de police.

Hassan II* met en place un Etat policier. Tout le Makhzen et l'appareil sécuritaire se mobilisent quand il s'agit de traquer les groupes d'opposition politique ou armée. Très présente dans les lieux publics et les universités, la police cherche le plus possible à réprimer toute tentative de manifestation. Un témoignage recueilli par l'UNEM, adressé au CLCRM de Paris, faisait état des incidents suscités par les forces de l'ordre à l'encontre des étudiants grévistes au Lycée Mohamed V à Marrakech, le lundi 12 mars 1973 : « Au matin, ils étaient dans le lycée. Les forces de l'ordre très menaçantes étaient à l'extérieur. Des jets de pierre sont partis, les CMI (Compagnies Mobiles d'Intervention) ont balancé de gros parpaings dans la cour. Les élèves se sont barricadés à l'intérieur ; à un moment un moghrezin (policier) venu de l'extérieur pour chercher sa fille est entré. La porte a été entrebaillée : A ce moment une pierre - semble-t-il - est partie de la cour vers les flics. Ceux-ci se sont rués sur les portes, ils ont défoncé la petite porte à côté de la grande et ont commencé la chasse. Certains élèves se sont réfugiés dans la salle des profs où les moghrizins sont arrivés, faisant jouer la culasse de leur mitraillette. Les profs ont cru qu'ils allaient tirer, des femmes se sont mises à crier. Un prof s'est avancé vers les CMI pour leur demander de se calmer. Il a été copieusement rossé. Après quoi, un inspecteur, ou un commissaire en civil est venu leur demander de quitter la salle des profs. Ils ont pourchassé les élèves

partout. Notamment les petits et les filles qui courent moins vite. Certains s'étaient sauvés au 1er étage et accrochés aux corniches. Ils leur ont tapé sur les doigts, pour leur faire lâcher prise. Une fille est

tombée du 1er étage, elle a la colonne vertébrale atteinte, a perdu l'usage des 2 bras. Il y a eu, d'après

98 Bulletin officiel du Royaume du Maroc du 31 janvier 1973, N°3144, Dahir portant loi n°1-73-8 du 7 hija 1392 (12 janvier1973) relatif à la création d'une Direction générale d'études et de documentation.

99 A. BOUKHARI, Raisons d'Etats : Tout sur l'affaire Ben Barka et d'autres crimes politiques au Maroc, op. cit., p. 300.

100 Bulletin officiel du Royaume du Maroc du 11 avril 1973, N°3154, Dahir portant loi n°1-72-524 du 18 moharram 1393 (22 février 1973) relatif à l'organisation générale des forces auxiliaires.

101 A. BOUKHARI, Raisons d'Etats : Tout sur l'affaire Ben Barka et d'autres crimes politiques au Maroc, op. cit., p. 324.

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tous les recoupements 2 morts : un garçon de 1er année et une fille de 2e année. Il semble qu'ils soient morts sur place ; ils ont été enterrés tout de suite. Il y a eu 40 traumatismes crâniens et des blessures de toutes sortes. Il y avait du sang en beaucoup d'endroits (...)102».

Type d'affiche de recherche: un appel d'arrestation de 1975 à l'encontre de Houcine El Manouzi membre103.

Avec un puissant appareil sécuritaire, le régime s'est activé à multiplier les prisons et les centres de détention. Ces lieux de «non droits» dans lesquels sont entassés plusieurs centaines (voire milliers) de prisonniers politiques, sont des endroits où le régime cherche à briser chez les détenus toute tentative de contester, de s'opposer aux abus de ce même régime, mais aussi à briser tout espoir de lutte.

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry