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La gestion des conflits fonciers entre autochtones et allochtones dans le département de Sinfra


par Jean Noel Pacôme KANA
Université Félix Houphouet Boigny d'Abidjan - Doctorat en Criminologie 2019
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITE FELIX HOUPHOUET BOIGNY D'ABIDJAN

UFR : CRIMINOLOGIE

Option : SOCIOLOGIE CRIMINELLE

SUJET

LA GESTION DES CONFLITS FONCIERS ENTRE AUTOCHTONES ET ALLOCHTONES DANS LE DEPARTEMENT DE SINFRA

Présenté par

KANA Jean Noel Pacôme

THESE soutenue le 16 Mars 2019

DEDICACE

Aux familles KANA et DJEDJE

REMERCIEMENTS

L'élaboration de ce travail de recherche n'aurait pu se faire sans la contribution d'un certain nombre de personnes à qui, nous tenons à exprimer notre reconnaissance.

? Ainsi, nous voudrions de prime abord dire merci au Prof. SISSOKO Alain, Professeur Titulaire de Sociologie, ex-Doyen de l'UFR Criminologie, Directeur de cette thèse, pour sa grande disponibilité dans le suivi et l'encadrement (de ce travail de recherche). Ses conseils nous ont été d'une utilité avérée.

? Nous remercions également le Prof. KOUDOU Opadou, Professeur titulaire de Psychologie, pour avoir bien accepté de suivre ce travail et dont les conseils et orientations nous ont permis de nous familiariser aux grandes thématiques de la recherche scientifique.

? Le Doyen de l'UFR Criminologie, le Prof. YEBOUET Henry, pour les conseils avisés et encouragements ayant facilité le déroulement de ce travail.

? Le Prof. MELEDJE DJEDJRO, Professeur Titulaire de Droit (président du jury) pour ses recommandations et orientations en dépit de son emploi du temps chargé.

? Le Prof. HAUHOUOT CELESTIN, Professeur Titulaire de Géographie. Ses recommandations nous ont permis de comprendre véritablement des thématiques essentielles du travail.

? Le Prof. IBO GUEHI, Directeur de Recherches (CAMES). Ses conseils, sa disponibilité et ses orientations ont été indispensables à la compréhension de notre objet d'étude.

? Le professeur AGNISSAN AUBIN, Maître de Conférences - Sociologie- Anthropologie -UFHB. Son appui, ses conseils, son suivi et sa disponibilité ont été considérables dans la réalisation de ce travail.

? Nos remerciements vont tout aussi à l'endroit du Préfet de Sinfra, du directeur départemental de l'agriculture, du directeur départemental de la construction, du chef de la tribu « Sian », des autorités sous-préfectorales ainsi que des différents magistrats du tribunal de Sinfra.

LISTE DES TABLEAUX ET FIGURES

LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1 : Récapitulatif de la variable dépendante et de ses indicateurs................85

Tableau 2 : Récapitulatif des variables indépendantes et de leurs indicateurs........86

Tableau 3 : Evolution démographique de la population de Sinfra de 1975 2014..........................................................................................92

Tableau 4 : Descriptif quantitatif de l'échantillon autochtone.............................104

Tableau 5 : Descriptif quantitatif de l'échantillon allochtone..............................105

Tableau 6 : Descriptif quantitatif de l'échantillon des autorités locales.................106

Tableau 7 : Descriptif quantitatif de l'échantillon général..................................105

Tableau 8 : Fréquence des modalités d'accès à la terre à Sinfra................

.........124

Tableau 9 : Conflits liés à la destruction des plantations à Sinfra de 2009 à 2014......................................................................................................140

Tableau 10 : Procès-verbaux des affaires réglées...........................................196

Tableau 11 : Niveau de stigmatisation des acteurs de gestion............................197

Tableau 12 : Evolution des pâturages de 2010 à 2015......................................213

Tableau 13 : Distribution statistique des données de l'hypothèse générale...........216

Tableau 14 : Calcul des effectifs théoriques de l'hypothèse générale...................217

Tableau 15: Calcul de la différence des effectifs observés et des effectifs théoriques de l'hypothèse générale............................................................................217

Tableau 16 : Calcul des effectifs obtenus au carré concernant l'hypothèse

Générale.................................................................................................218

Tableau 17 : Division des résultats obtenus par des effectifs théoriques de l'hypothèse générale.................................................................................218

Tableau 18 : Rappel de la variable indépendante et de ses critères...................219

Tableau 19 : Effectifs des indicateurs de la variable indépendante dans les sous-préfectures...............................................................................................219

Tableau 20 : Distribution statistique des données de l'hypothèse 1.....................220

Tableau 21 : Calcul des effectifs théoriques de l'hypothèse 1.............................221

Tableau 22 : Calcul de la différence des effectifs observés et des effectifs théoriques de l'hypothèse 1.......................................................................................221

Tableau 23 : Calcul des effectifs obtenus au carré concernant l'hypothèse 1.........221

Tableau 20 : Division des résultats obtenus par des effectifs théoriques de l'hypothèse 1..........................................................................................222

Tableau 25 : Distribution statistique des données de l'hypothèse 2.....................223

Tableau 26 : Calcul des effectifs théoriques de l'hypothèse 2.............................223

Tableau 27 : Calcul de la différence des effectifs observés et des effectifs théoriques de l'hypothèse 2........................................................................................223

Tableau 28 : Calcul des effectifs obtenus au carré concernant l'hypothèse 2......224

Tableau 29 : Division des résultats obtenus par des effectifs théoriques de l'hypothèse 2............................................................................................224

LISTE DES FIGURES

Figure 1 : Evolution démographique de la population de Sinfra de 1975

à 2014............................................................................................93

Figure 2 : Modalités d'acquisition des terres à Sinfra.......................................126

Figure 3 : Actions du nouvel acquéreur en faveur des membres de sa famille......131

Figure 4 : Actions des membres de famille en faveur du nouvel acquéreur...........132

Figure 5 : Processus de dégénérescence des conflits fonciers à Sinfra...............152

Figure 6 : Organigramme de la chefferie traditionnelle à Sinfra..........................163

Figure 7 : Organigramme du Comité de Gestion foncière rurale de Sinfra............165

Figure 8 : Organigramme du tribunal pénal de Sinfra.......................................172

Figure 9 : Procédure de gestion par les autorités administratives de Sinfra.........189

LISTE DES SIGLES

MINAGRA : Ministère de l'Agriculture et des Ressources Animales.

BADR : Bureau des Affaires Domaniales

RGPH : Recensement Général de la Population et de l'Habitat

PFR : Plan Foncier Rural.

AV : Assemblée Villageoise

CF : Certificat Foncier

CGF : Comité de Gestion Foncière

CCTS : Collectif des Chefs de la Tribu Sian

CFR : Commission Foncière Rurale

CNA : Chambre Nationale d'Agriculture

CBFR : Comite du Barème Foncier Rural

DCI : Direction du Cadastre Ivoirien

CGFR : Comité de Gestion Foncière Rurale

CVGFR : Comite Villageois de Gestion Foncière Rurale

CFC : Certificat Foncier Collectif

CFI : Certificat Foncier Individuel

BNETD : Bureau National d'Etudes Techniques et de Développement

INS : Institut National de Statistiques

ONG : Organisation Non Gouvernementale

OTA : Opérateur Technique Agrée

DDA : Direction Départementale de l'Agriculture

AFOR : Agence Foncière Rurale

Introduction

Les conflits sont inhérents aux rapports humains (Billiard, 2016), et ce pour deux raisons essentielles : d'une part, les individus ou groupes humains ont des besoins, des intérêts différents ; d'autre part, les ressources naturelles sont disponibles en quantité limitée. Il faut donc organiser leur accès (Baron, 2006).Ces deux facteurs sont générateurs de conflits.

En Afrique, la question relative au foncier constitue un enjeu considérable ; les immenses superficies du continent sont de plus en plus soumises aux lois capitalistes du marché et de ce fait, deviennent progressivement de vastes espaces d'exploitations (Kakule, 2011).

Revendiqué à l'échelle internationale comme support de développement, d'investissement ou d'habitat, monopolisé à l'échelle nationale pour satisfaire les besoins d'ordre public, le système foncier africain revêt une importance dans la vie sociale, économique et politique des populations (Akpinfa, 2006).

La Côte d'Ivoire, longtemps considérée comme le « poumon » de l'économie ouest-africaine, a orienté dès son accession à l'indépendance, sa politique socio-économique sur l'exploitation forestière et la production agricole avec un accent particulier sur les cultures de rentes telles que le café et le cacao (Chauveau, 2000 ; Lavigne, 2002).

Cette politique lui a valu le statut de premier producteur mondial de cacao et de troisième producteur mondial de café. Ces résultats ont suscité le concept de « miracle ivoirien » et favorisé une politique d'immigration interne et externe des populations vers les zones forestières dans le but de construire un Etat moderne, économiquement fort (Club UA-CI,2010).

De plus d'une dizaine de millions d'hectares en 1960, la côte d'ivoire est passée à moins de trois millions d'hectares de superficie de forêt aujourd'hui (BNETD, 2005). Ainsi, la question foncière dans ce pays est devenue une problématique fondamentale des politiques de développement, non pas dans une appréhension de la terre comme matière brute qui peut présenter un intérêt limité mais comme un ensemble englobant les ressources naturelles qui la composent (Yom et Madji, 2012).

La compétition et la concurrence pour l'accès à la terre se sont donc accrues ces derniers temps sous les effets conjugués de nombreux facteurs dont la combinaison a généré des conflits sanglants et meurtriers dans le pays (Mathieu, Matabaro et Tsongo, 1994 ; Zongo, 2009). De ce fait, si l'accès à la terre et la sécurisation foncière constituent des problèmes qui concernent l'ensemble du territoire ivoirien, ces questions se posent de nos jours avec beaucoup plus d'acuité dans le Sud-ouest de la Côte d'Ivoire, zone à prédominance agricole (Bogolo, 2004 ; Kouadio, 2011).

Aujourd'hui, le sud-ouest ivoirien est devenu un espace rural différencié par la diversité d'acteurs en présence : autochtones, allogènes ou peuples sédentarisés (Gnabéli, 2008), exploitants forestiers de l'Etat, privatistes, citadins, autorités locales, etc.

L'accès à la terre est devenu précaire, compétitif, concurrentiel avec une course récurrente pour la détention monopolistique des droits de propriété avec tous les risques qui s'y rattachent (Zadou, Ibo et Koné, 2010).La ruée sur les terres fertiles nationales a créé une certaine anarchie dans l'occupation des parcelles et généré des conflits entre exploitants ruraux (Dévérin, 2005 ; Merabet, 2006; Gausset, 2008).

C'est donc dans ce contexte de raréfaction des terres et des ressources naturelles que l'on a assisté à des individualismes au détriment des valeurs ancestrales de partage et de solidarité enseignées par la tradition (Paupert, 2010).Cette situation a accentué la compétition entre acteurs ruraux qui, désormais s'activent uniquement à défendre et à sécuriser leur domaine d'exploitation et donc à privilégier l'intérêt personnel avec le célèbre slogan « la terre appartient à celui qui la met en valeur » (Bonnecase, 2001).

Dans cette lutte d'intérêts, les échanges se terminent fréquemment par des oppositions rangées (Kana, 2014) ; lesquelles résultent d'une divergence d'intérêts manifestée par des désaccords, rixes et litiges violents, révélateurs de dynamiques sociales (Zongo, 2009).

Dans le département de Sinfra, la terre était dans le passé, repartie entre les différents lignages fondateurs (Meillassoux, 1964 ; Bnetd, 2005). Et en raison du culte rendu à la terre, l'activité agricole était précédée de quelques rites agraires. Ainsi, le paysan était ou devait être conscient que la terre ne peut faire l'objet de consolidation et de défrichage sans l'accomplissement préalable de pratiques propitiatoires et votives déterminées pour assurer l'agrément des génies des lieux et esprits des ancêtres (Agnissan, 1997).

Par ailleurs, chaque chef de lignage fondateur avait à charge l'établissement de ces rites agraires pour favoriser l'exploitation par les nouveaux migrants, la gestion du patrimoine foncier familial, l'arbitrage des conflits intrafamiliaux, l'accueil et l'installation des allogènes et l'octroi de droits de propriété temporaires (Deluz, 1965).

Toutefois, depuis quelques décennies, l'on observe à Sinfra une récurrence des conflits fonciers multiformes et variés, menaçant régulièrement la cohésion sociale départementale (Kana, 2014).

Du point de vue scientifique, de nombreux facteurs ont été évoqués par les chercheurs pour tenter d'expliquer l'apparition des conflits et leur réapparition après gestion : ventes illicites des espaces familiaux, retour des jeunes déscolarisés, raréfaction des terres cultivables, faiblesse institutionnelle, autorité défaillante de l'Etat, pluralité d'intervenants dans le domaine foncier, corruption active et passive des acteurs et des instances de jugement, ferme volonté de consolidation des espaces fonciers nonobstant les obstacles, collision entre deux tribunaux (pénal, coutumier) aux fonctionnements différents(Kakule,2011).

Les conséquences pluridimensionnelles qui découlent de ces litiges s'appréhendent à travers les dégâts matériels et humains ainsi que l'atmosphère d'insécurité permanente, enregistrés lors des conflits de consolidation ou de maintien des droits sur des espaces fonciers (Bonnecase, 2001).

Chercher donc à comprendre les raisons des rapports conflictuels entre ruraux reviendrait dans notre travail, à nous intéresser aux modalités d'acquisition des terres, aux acteurs, aux enjeux, au déroulement, aux différents mécanismes de gestion et aux facteurs explicatifs de l'échec de la gestion de ces litiges fonciers à Sinfra.

Dans ce travail, nous nous intéresserons uniquement à « la gestion des conflits fonciers entre autochtones et allochtones dans le Département de Sinfra ».

Ce travail s'inscrit dans l'optique des recherches qui visent non seulement à montrer la nature complexe du jeu foncier dont les pratiques combinent une diversité de registres mais aussi, les difficultés de l'Etat à s'imposer comme acteur légitime et autoritaire sur l'échiquier foncier, en dépit de ses prétentions hégémoniques.

Sur le plan organisationnel, l'étude comporte deux parties :

-La première partie s'articule autour des considérations théorique et méthodologique.

Dans cette partie, nous délimitons géographiquement notre champ d'étude et d'investigations tout en mettant en relief, à travers la recension des écrits antérieurs et des différents paradigmes, l'orientation que nous souhaitons donner à ce travail.

-La seconde partie présente les résultats, l'analyse et l'interprétation de ces résultats et la discussion. Dans cette partie, nous évoquons les résultats recentrés autour des modalités d'acquisition des terres, les configurations du phénomène, les conséquences des conflits fonciers, les différents mécanismes locaux de gestion, les facteurs explicatifs de l'échec de la gestion desdits conflits fonciers, la discussion pour ainsi ouvrir le champ des suggestions.

PREMIERE PARTIE :

CONSIDERATIONS THEORIQUES

ET METHODOLOGIQUES

CHAPITRE I : CONSIDERATIONS THEORIQUES

I. Justification du choix du sujet

1. Motivation personnelle

Nous avons opté pour ce sujet dans la mesure où, depuis tout petit, alors que notre défunt père était encore chef du village de Kouêtinfla (un village de la tribu Sian), nous assistions régulièrement aux conflits fonciers qu'il gérait et le suivions dans d'autres villages lorsqu' il était appelé à soutenir ses homologues dans le cas d'une question foncière complexe.

Mais au- delà de ce fait, nous avons été témoin d'un règlement de conflit foncier par le tribunal coutumier de la tribu « sian »(sianfla).

Ce conflit opposait un autochtone de la tribu à un allogène burkinabè.

Au regard des explications, le burkinabè, à son arrivée, faisait des contrats de nettoyage des champs de son tuteur dans le but d'obtenir un lopin de terre pour l'exercice d'activités champêtres contre une contrepartie financière et un droit de regard de son tuteur sur les récoltes.

Après plusieurs années, un conflit de réclamation monopolistique de la propriété foncière va opposer ces deux individus. Des mésententes au départ verbales, vont assez rapidement se transformer en violences physiques alors que les individus ne disposaient d'aucun texte écrit pouvant servir de base à leur argument.

Le burkinabè a estimé avoir mis des plants de cacao parce qu'il aurait payé une somme forfaitaire qui constituait selon lui, la valeur du lopin de terre.

L'autochtone, lui, maintenait qu'il lui avait autorisé uniquement des cultures de courte durée sur sa parcelle et qu'ils n'avaient jamais négocié d'une quelconque vente.

Après plusieurs reports, la chefferie traditionnelle a décidé que l'allogène verse la moitié de la valeur réelle de l'espace litigieux à son tueur et qu'il est anormal de couper les plants de cacao de l'allogène dans le but de la restitution de la parcelle à l'autochtone. La communauté villageoise a qualifié cette décision de partiale, discutable et peu satisfaisante.

Ce cas de conflit qui n'est qu'un exemple parmi tant d'autres, a suscité pour nous l'intérêt de conduire une étude sur la gestion des conflits fonciers en vue de faire des suggestions pour une meilleure gestion du phénomène dans le département de Sinfra.

2. Pertinence sociale

L'importance sociale de ce sujet se fonde principalement sur un ensemble de constats effectués dans la localité ciblée. En effet, depuis quelques décennies, les crises foncières qui ont explosé à Sinfra se sont accentuées avec une connotation particulièrement violente. Ces conflits ont provoqué des pertes en vies humaines, la destruction de plantations et d'habitations, des déplacements massifs de populations autochtones et allogènes vers la ville (50 morts, l'incendie des villages autochtones Koblata et Proniani et 77 hectares de plantations détruites selon les autorités préfectorales et sous-préfectorales de Sinfra dans les litiges fonciers de 2011). Depuis cette période, environ deux (02) cas de conflits fonciers sont gérés chaque semaine par la chefferie de la tribu Sian, soit environ cent - quatre (104) cas de conflits fonciers chaque année. De ces cas de conflits gérés, retenons quelques-uns : Degbesséré (03 cas de litiges avec rixe en 2017), Manoufla (02 cas avec blessure à la machette en 2016), Blontifla (05 cas avec dépôt de canaris à proximité des champs en 2017), Tricata (01 cas avec bagarre dans un champ de cacao en 2015), Paabénéfla (04 cas avec menaces de mort et incendie de plantations en 2013), Kayéta (02 cas avec blessures à la daba et du bois de chauffe en 2016). A cette fréquence des conflits fonciers, se sont ajoutées les rumeurs quotidiennes qui circulaient dans une dynamique verticale (des dirigeants aux ruraux) et horizontale (entre populations elles- mêmes) rendant l'atmosphère sociale davantage insécurisée et précaire.

Toutefois, au regard des faits sus-mentionnés, l'on constate qu'en dépit des mécanismes locaux de gestion des conflits fonciers, d'autorités à charge de la question foncière, de la loi portant organisation et règlementation du foncier rural, la gestion des conflits fonciers à Sinfra semble ne pas faire l'unanimité et catalyse le rebondissement de nombreux conflits fonciers à Sinfra.

3. Pertinence scientifique

Les conflits fonciers ont fait l'objet de nombreux travaux scientifiques. Leur gestion n'a point été en reste des investigations scientifiques. L'examen des contributions antérieures laisse transparaitre deux types de facteurs évoqués par les prédécesseurs: facteurs dépendants des acteurs sociaux (facteurs internes) et facteurs indépendants de ces acteurs sociaux (facteurs externes).

Dans la première approche explicative (facteurs internes), les auteurs mettent l'emphase sur l'inefficacité des systèmes étatiques d'administration foncière, les manquements aux principes de bonne gouvernance foncière, la partialité des dirigeants, le désengagement de l'Etat, la stigmatisation des acteurs de gestion, les méthodes de gestion inadaptées et l'implication négative, intéressée et clientéliste de certaines autorités administratives et politiques comme catalyseurs de l'échec en matière de gestion des conflits fonciers.

Dans la seconde approche (facteurs externes), les auteurs s'intéressent au vide juridique en matière de résolution des conflits fonciers, à l'impact de la crise politique ivoirienne sur le tissu rural, à la difficile cohabitation entre normes modernes et culturelles, aux pesanteurs culturelles et au manque de volonté politique comme facteurs explicatifs de l'échec des conflits fonciers.

Cette thèse s'inscrit dans une dynamique globalisante, c'est-à-dire considérant ces deux tentatives d'explication comme mutuellement inclusives pour rendre compte de l'échec de la gestion des conflits fonciers à Sinfra. L'intégration de cet ensemble des facteurs agissants permettra sans doute d'apporter une orientation nouvelle aux travaux déjà effectués sur la question.

II. Définition des concepts

Selon Eberwein (1978), « la formation des concepts est une base essentielle de la construction théorique ; la précision des termes est indispensable pour la désignation des phénomènes que l'on souhaite décrire et expliquer. »

Pour Durkheim (1990), « la première démarche du sociologue consiste à définir les choses dont il traite afin que l'on sache et qu'il sache de quoi il est question ».

1. Concepts explicites

1.1 Gestion 

La gestion, issue du verbe «  gérer » qui signifie exécuter, accomplir au départ pour le compte d'autrui (Biales, 2000), varie selon la discipline scientifique dans laquelle l'on se situe.Ainsi, dans la conception psychanalytique, le concept est employé pour désigner des techniques de développement personnel visant la transformation de soi : soit pour se défaire de certains aspects pathologiques (phobie, anxiété, déprime, timidité), soit pour améliorer ses performances (mieux communiquer, gérer son temps, s'affirmer en milieu sociétal).Partant de ce fait, la gestion présente un aspect curatif, non pas des maux physiques mais des maux psychiques. Autrement, gérer c'est établir une thérapie cognitive des acteurs sociaux qui recherchent « l'épanouissement social» et qui, par ricochet, sont considérés comme souffrants d'un manque psychologique matériellement constatable.

Selon Lacroix (2014), le milieu professionnel est le lieu de manifestation de la gestion car il est avant tout un théâtre où se manifestent des interactions entre individus non pathologiques mais aspirant à des améliorations de conditions sociales.

Toutefois, bien que cette idée ait le mérite de nous orienter vers une conception purement psychologique, elle a tendance à stéréotyper l'homme, le rendant passif dans le débat sur l'amélioration de sa propre condition sociale. Toute chose qui nous amène à analyser une approche positiviste du concept.

Dans cette approche, des auteurs contrairement aux précédents, estiment que le sujet subissant est la seule entité capable d'améliorer sa condition sociale et ce, par la modification de sa vision des choses et par une gestion saine de son mode de pensée. Ainsi, la gestion apparait dans cette dynamique, comme un mode de pensée et d'action, mieux un style de vie visant continuellement à inscrire la vision et le raisonnement de l'individu dans une dynamique positive. Dans cette perspective, Peale (1952) affirme que la gestion permet de transformer chez les individus, les émotions négatives en attitudes positives de sorte à aider les sujets à prendre conscience de leurs potentialités qui catalyseraient la métamorphose de la situation actuelle en une situation meilleure. Il déclare que gérer, c'est allier son comportement à une ligne vectorielle au sein de la sphère sociale. Autrement, la gestion dans ce contexte, est perçue dans une approche binominale : une phase psychologique qui consiste en la modification du mode de pensée et une phase active qui s'appuie sur des actions concrètes, réfléchies et ciblées concernant la transformation positive de la situation actuelle.

Dans cette même optique, Carnegie (1990) distingue huit(8) points clés de la gestion : vous faire apprécier davantage, rallier les autres à votre point de vue, développer votre influence, votre ascendant, votre capacité à faire agir, faire face aux critiques, régler les conflits, garder l'harmonie dans vos contacts avec les autres, développer vos talents d'expression et de communication et susciter l'enthousiasme parmi vos collaborateurs. Autrement, ces indicateurs de la « gestion » traduisent les attitudes collégiales que doivent adopter l'ensemble des acteurs en milieu professionnel pour répondre à la fois à des objectifs structurels et personnels.

Toutefois, bien que cette conception ait le mérite de nous révéler les pouvoirs enfouis en nous, elle s'attarde trop sur la définition intra-personnelle de la gestion quand bien même la gestion reste un concept, une valeur déjà inculquée, transmise en amont dans la sphère familiale. Toute chose qui nous conduit à analyser une conception de type éducationnel.

Dans la conception éducationnelle, Duvillier(2000) pense que pour gérer des travailleurs d'une entreprise, il faut aller à la genèse des choses c'est-à-dire dans la sphère familiale pour poser les bases d'un développement personnel à l'enfant. La gestion serait une sorte de communication, d'instruction des vertus morales et sociétales à l'enfant en vue de dissiper en lui les effets de découragement, de peur, de phobie pour le préparer à affronter certaines réalités organisationnelles. Dans le milieu professionnel, l'individu ayant reçu une base éducationnelle fondée sur une gestion efficiente du « moi » serait plus apte à supporter les contraintes de travail que celui qui n'en a pas reçu (Lacroix, 2014).

Toutefois, cette approche s'attardant à préparer l'enfant à intégrer le monde social complexe, ne situe pas les parents comme des coachs dont la caractéristique renvoie au conseil, à la motivation et à l'encouragement.

Dans le domaine sportif, gérer, c'est revêtir les aptitudes d'un coach qui valorise des talents et potentiels des athlètes. Il enseigne, conseille, motive, encourage, stimule afin de révéler les aptitudes cachées de l'athlète. De ce point de vue, gérer des sportifs apparait comme le fait de révéler et de valoriser les talents cachés de certains acteurs professionnels.

Cependant, même si cette approche définit aisément le concept, elle reste une appréhension purement sportive et non professionnelle.

Dans le milieu professionnel, Maslow (1943) propose une hiérarchie des besoins représentée sous forme de pyramide avec, au sommet, l'accomplissement de soi, défini comme le désir de devenir de plus en plus ce qu'on est et de devenir totalement ce qu'on est en mesure de devenir. Cette pyramide a réservé en haut de la barre, les individus du stade d'accomplissement, tandis que les besoins de la masse d'employés semblaient ne pas dépasser le stade de la sécurité d'emploi et de bonnes conditions de travail. De ce fait, la gestion apparait comme la mise en oeuvre de méthodes permettant à l'employeur de passer du stade des besoins physiologiques à celui de l'accomplissement.

Dupoint de vue sociologique, Touraine (1964) replace d'emblée la gestion dans le cadre d'une compréhension des transformations des rapports de pouvoir dans les organisations marchandes. La gestion dépasse alors les seules techniques d'organisation pour accéder au rang de technique de pouvoir. Lerouge (2010) pense que la gestion semble plus en retrait concernant l'approche des risques psycho-sociaux : « la gestion n'est pas seulement le fait de la finance et de la comptabilité ;il s'agit à la fois d' une description de la perspective du monde de la gestion des organisations qui touche le but lucratif industriel mais aussi le but non- lucratif tenant aux associations et syndicats ».

Ces auteurs, même s'ils tentent de donner une coloration sociologique au concept, il reste cependant purement organisationnel (Biales, 1984).

Dans ce sens, Tshikuna (2007) affirme que « la gestion est l' ensemble des actes tendant, dans le cadre d' une politique prévisionnelle définie, à déclarer, suivre et contrôler le fonctionnement à court et à moyen terme des éléments dont dispose l' entreprise pour atteindre le ou les objectifs ».Cette définition renvoie la gestion en la mise en oeuvre des éléments à la disposition de l'entreprise en vue d'atteindre des objectifs préalablement définis.

Tshikuna (2007) estime encore que la gestion, c'est le fait de piloter un processus, prendre un problème à l'état ou il se trouve pour le conduire au seuil de la décision ; autrement dit, ce serait, organiser des décisions en intégrant toutes les données et paramètres nécessaires à la qualité de cette décision.

Toutefois, loin de prétendre réfuter cette conception de pilotage d'un processus à l'effet de prendre une décision, Desreumaux (1992) attire l'attention sur le fait que la gestion concerne principalement une mise en application des savoirs théoriques et pratiques. A cet effet, il affirme que la gestion est une forme d'« application des savoirs théoriques et opératoires ».

Dans cette même visée, Lassègue (2003) estime que la gestion signifie « l'application des sciences à la conduite des organisations ». Il s'agit là d'une simple application de la science à un champ organisationnel visant l'amélioration de la conduite des organisations à l'effet d'accroître la production.

Au regard des définitions pré-citées, nous proposons une définition qui prend à la fois en compte la dimension processuelle(condition centrale de la gestion) et la détention de savoirs théoriques et pratiques(préalable à la gestion).

Nous entendons donc par gestion, le développement et la mise en place des outils qui permettent le partage d'informations, la discussion de stratégies et la prise de décisions en toute transparence.

1.2. Conflit

Le concept de conflit est polysémique et peut être perçu selon différentes approches philosophique, juridique, anthropologique, historique, économique, psychologique et sociologique.

Ainsi, du point de vue philosophique, Lalande (2002) pense que, évoquer le conflit signifierait évoquer le rapport de deux pouvoirs ou de deux principes dont les applications exigent dans un même objet, des déterminations contradictoires. Pour paraître plus explicite, Lalande (2002) cite en particulier le conflit de devoirs dans la morale appliquée, pour désigner le fait qu'un même acte puisse paraitre juste ou injuste par rapport aux règles sous lesquelles on le considère.

Pour Kant (1781), ce concept apparait comme l'ensemble des contradictions où s'engage la raison lorsqu'elle s'efforce de trouver dans les phénomènes, un inconditionnel d'où dépendraient tous les inconditionnés. En d'autres termes, le conflit est une action contradictoire à loi morale valable pour tout être raisonnable, sous forme de principes immuables et universels.

D'un autre côté, Wilfert (1999) explique que ce concept est antinomique aux normes tant personnelles que consensuelles.

Cette tentative philosophique de définition de ce concept est certes intéressante car elle jette les bases philosophiques de la compréhension du terme, mais reste insuffisante puisqu'elle semble rejeter l'aspect textuel, légal de sa compréhension.

Dans la conception juridique, Verwilghen et Van (1980) pensent que le conflit est l'ensemble des contradictions sur des questions de droit ou d'habilitation en matière de résolutions des questions juridiques. Dans cette dynamique, Soltani (2005) décrit les conflits de juridiction, les conflits d'attribution lorsqu'il y a discussion entre deux instances sur la compétence dans une affaire. De ce fait, l'auteur voit en ce concept, une rivalité exclusivement professionnelle.

Outre cet auteur, Trochu (1969) pense qu'il y a conflit lorsqu'un débiteur contracte un prêt à une tierce personne et qu'il ne rembourse pas. De ce point de vue Trochien, le conflit transcende le cadre juridictionnel pour se présenter comme la résultante d'un désaccord entre particuliers sur une question contractuelle.

Cette définition semble négliger l'aspect des intérêts publics et privés, qui est mise en évidence par la conception de l'Organisation de la Coopération et de Développement Economiques (OCDE, 2004). L'OCDE (2004)en effet, aborde le concept de conflit en termes de choc d'intérêt (intérêts publics et privés). Autrement, parler de conflit supposerait évoquer un choc, une collision entre des intérêts de types généraux et ceux, de types particuliers.

Dans la dimension anthropologique, le concept de conflit ne sous-entend pas une dualité normative, juridictionnelle ou interpersonnelle comme dans l'approche précédemment abordée, mais elle dénote plutôt un mode d'organisation sociale dans lequel chaque individu ou groupe joue un rôle spécifique, comme des organes dans le corps. Ainsi, loin de menacer l'unité du corps social, le conflit permet l'intégrité même de celui-ci. Dans cette optique, Gluckman (2002) affirme que le conflit et son mode de résolution peuvent faire l'objet d'une mise en scène rituelle qui, dans le même temps, libère l'expression d'une rébellion contre l'ordre social et le résorbe. En d'autres termes, il s'agit de chercher à cataloguer les manières dont ceux qui ont le pouvoir, dans la recherche de puissance, travaillent à rester dans la puissance.

Dans la même perspective que ses prédécesseurs, Turner (1957) affirme que le conflit est l'expression de «contradictions» structurelles. Autrement, les sociétés aussi petites soient elles et dépourvues de formes institutionnalisées de «gouvernement», sont divisées et clivées. Ces divisions et clivages sont entretenus par des «coutumes», c'est-à-dire des normes locales, conventions et règles morales, caractéristiques des conflits internes.

Bitouga (2011) affirme à cet effet que par le biais de catégories anthropologiques telles que la notion de parenté, de religion, d'art ou de politique, nous pouvons comprendre comment tel ou tel peuple fait société. Toute culture repose sur un socle de traditions, cependant la tradition ne doit pas être vue comme un agrégat de moeurs et de valeurs fixes. Celle-ci change et se remodèle au fil de l'histoire. Ainsi, la compréhension ethno-anthropologique du concept de conflit tient compte des facteurs précités en insistant sur le rôle des structures tribales et claniques sur l'échiquier politique des différents peuples.

Cette vision ethno-anthropologique a certes l'intérêt d'intégrer les questions de parenté, de religion, d'art, de politique dans la compréhension du conflit, mais ne met en avant le caractère temporel du conflit; autrement de l'évolution et du mode d'enchainement des actions durant la situation conflictuelle. Jodelet (2012) s'inscrit dans cette démarche et mentionne l'intérêt d'énumérer les phases séquentielles du conflit au cours de l'histoire. Pour lui, il y aurait conflit lorsque certes des acteurs sociaux s'affronteraient sur des points divergents, mais insiste sur le fait que cette joute doit être reconfigurable en termes de chronologie des étapes. Dès lors, dans la conception Jodelienne, la chronologie des étapes du conflit prend une place prépondérante dans la nomenclature du conflit lui-même.

Pour Bonniol (2006), il ne s'agit pas seulement d'évoquer les étapes telles que le font les historiens pour prétendre décrire le conflit. Le véritable conflit résiderait dans le conflit entre les propos des acteurs présents en temps de conflits et les explications des historiens contenus dans la plupart des documents. L'étude de ce conflit d'interprétation du passé met en évidence l'étayage multiple de la connaissance du passé. Dès lors, pour l'auteur, le conflit en histoire est un conflit d'interprétation directe ou indirecte d'une situation de conflit.

Cette description historienne du conflit, même si elle intègre le dualisme d'interprétation entre observateurs directs (peuples victimes de conflit) et observateurs indirects (historiens), omet cependant l'aspect économique du conflit. Toute chose qui nous amène à évoquer une conception financière.

Dans cette orientation purement financière, Picard (2015) invite à ne pas confondre les concepts de conflit d'intérêts et les hypothèses d'opposition d'intérêts. En effet, l'opposition d'intérêts est la situation dans laquelle deux personnes sont porteuses d'intérêts antagonistes, comme par exemple les intérêts distincts des époux au cours d'un divorce. Dans le cas d'un conflit d'intérêts, il existe toujours deux ou plusieurs intérêts distincts mais ils sont portés, cette fois, par une seule et même personne.

Relativement, Perrault (2013) affirme qu'« un conflit d'intérêts peut être défini comme le fait, pour une personne exerçant une activité professionnelle ou disposant d'un mandat électif, de s'être placée dans une situation pouvant susciter un doute sur les mobiles de ses décisions». Ce type spécifique de conflit ne se réduit pas exclusivement à des infractions démontrées, c'est-à-dire à des actes pénalement répréhensibles comme le favoritisme, le trafic d'influence ou la prise illégale d'intérêts seulement, mais de toute situation qui peut susciter un doute raisonnable sur l'impartialité et l'indépendance d'un professionnel en raison des suspicions sur la réception clandestine de dons en nature.

Dans un autre regard, Albertini et Silem (2001) pensent que le conflit est une relation antagonique qui se tisse par des acteurs sociaux, autour de la détention et la conservation de l'économie.

Cette appréhension, bien que situant le conflit dans une acception normative, semble ne pas prendre en compte l'individu, dans ses composantes psychiques, mentales. Une faille qui sera comblée par une compréhension d'obédience psychologique.

En psychologie, le conflit s'apparente à un combat interne à l'individu. Celui-ci peut être habité à la fois par des pensées contradictoires, ressentir une ambivalence de ses sentiments, souffrir de la perte d'un être cher...« conflit psychique» (Sada, 2008).

Tout individu, quelle que soit son époque, sa culture, sa condition, doit faire face, tout au long de sa vie et à des degrés divers, à des situations génératrices de conflit psychique, lesquelles agissent sur la structuration profonde de sa personnalité (Barraud, 2008 ;Astolfi, Darot, Vogel et Toussain, 2008). Une idée qui a été reprise puis approfondie dans une nomenclature intra-personnelle par le Comité des Hautes Etudes du Ministère de l'intérieur de France (2012), pour qui « on désigne aussi par conflit, la confrontation d'éléments incompatibles à l'intérieur d'un individu (conflit intra- personnel) ».

Le conflit intra-personnel concerne à la fois la dimension objective et la dimension cognitive.

Le premier apparaît quand le comportement d'une personne aboutit à des résultats qui s'excluent mutuellement ou qui comportent des éléments incompatibles. Le conflit entre une acceptation et une chose à éviter ; situation dans laquelle un individu doit décider de faire ou de ne pas faire une chose qui aura des conséquences simultanément négatives ou positives.

Pour le second, il y a discordance cognitive quand les individus admettent que leurs pensées, attitudes, valeurs et /ou comportements sont contradictoires. Il est généralement angoissant et désagréable pour quelqu'un d'admettre qu'il existe chez lui, des incompatibilités importantes. Des incompatibilités qui peuvent se manifester en des états émotionnels tels que la colère, la frustration, la peur (Sada, 2008).

Cette approche psychologique a certes le mérite d'exposer sur la manifestation du conflit à l'intérieur du psychisme humain mais ne met pas véritablement l'emphase sur le conflit dans ses manifestations sociales, observables. Dès lors, cette conception du conflit dont la portée n'est uniquement que psychique, ne pourrait rendre compte de la compréhension de ce concept, qui pour nous, présente des manifestations sociales, matériellement observables. Toute chose qui nous amène à évoquer une autre approche purement sociologique.

En effet, les sociologues, d'une façon générale conçoivent le conflit en termes d'affrontements, de contestations, de rivalités. ...

Pour Freund (1983), le conflit consiste en« un affrontement, un heurt institutionnel entre deux êtres au groupes de même espèce qui manifestent les uns envers les autres, une intention hostile, en générale à propos du droit et qui, pour maintenir, affirmer ou rétablir le droit, essaie de briser la résistance de l'autre par le recours à la violence, laquelle peut, au cas échéant tendre à l'anéantissement physique de l'autre ».

Dahrendorf (1972)affirme à ce sujet :« J'emploie le terme conflit pour désigner des contestations des rivalités, des querelles ou des tensions aussi bien que les heurts manifestes entre forces sociales. Toute relation entre des ensembles d'individus qui comprennent une différence irréductible d'objet, par exemple dans sa force la plus générale. Le désir de la part de deux parties, d'obtenir ce qui n'est accessible qu'à l'une ou qu'en partie à l'autre, sont selon nous des relations conflictuelles ».

Pour Touraine (1978) « Un conflit est une relation antagonique entre deux ou plusieurs unités d'action dont l'une au moins tend à dominer le champ social de leur différence ».

Nous pensons que l'approche philosophique n'alimente pas la compréhension du concept selon notre orientation. Nous opterons plutôt pour une définition qui prendrait en compte la dimension juridique, psychologique et sociologique. Nous souhaiterions que l'on entende par conflit, un contentieux ou un affrontement sur un point de droit, où plusieurs volontés individuelles ou collectives manifestent les unes envers les autres, une intention hostile et une volonté d'agression à cause d'un droit à retrouver ou à maintenir. Ces volontés essaieraient de briser la résistance de l'autre par le recours à la violence.

1.3. Foncier

Le foncierfait appel à plusieurs approches qui tentent de lui donner un contenu.

Du point de vue légal, la loi n°98-750 du 23 décembre 1998 précise que « le foncier est constitué des terres mises en valeur ou non. Il constitue le patrimoine auquel toute personne physique ou morale peut accéder (Art 1) », c'est-à-dire « des propriétés de l'Etat, des propriétés des collectivités publiques, des terres sans maitre, des terres du domaine coutumier, des terres que l'Etat ivoirien a concédé à des collectivités publiques (Art 2) ».Autrement, le foncier serait d'une façon générale constitué de l'ensemble des terres nationales.

Cette conception, bien que normative parait vague, peu explicite et incapable de rendre comptede ce terme dans une dimension écologiste, urbaniste, économiste, géographique et sociologique. Toute chose qui nous amène à analyser des conceptions de spécialistes en la matière.

Pour l'écologiste, le foncierest le sol, écosystème complexe, support de vie, participant au maintien des équilibres naturels (Goiffon, 2003).

Pour l'urbaniste, il s'aborde en termes d'occupation d'espace, de projet de vie (Foucauld, 1982 ; Eliccel, 2002).

Pour le géographe, il est support d'un usage, caractérisé par un relief, un bâti, une forme, une densité (Pellisier et Sautter, 1969).

Pour l'économiste, le foncier s'analyse en termes de valeur, de rendement (locatif, agricole), c'est une assiette fiscale, un objet d'équilibre financier pour que sa valorisation soit possible ( Smith et Ricardo, 2007).

Au regard de ces différentes appréhensions du concept, quelle définition donne le sociologue du concept foncier ?

Pour les sociologues, le foncier est compris comme le mode d'organisation de l'espace et des populations humaines qui le composent. Il est au carrefour entre l'environnement et l'homme, avec une priorité pour la société. Chaque société humaine s'est installée sur ce que l'on peut appeler un territoire, et c'est par la compréhension de la manière dont les sociétés s'installent que l'on peut analyser le foncier. C'est un terme complexe car il nécessite la compréhension d'une société dans son ensemble. Cette compréhension renvoie aux modes d'accès à la terre déterminés par des droits de propriété, les usages des ressources et à l'organisation des rapports sociaux.

Dans cette perspective, la Coopération française (2008) pense que «le foncier est un rapport social; la façon dont une société définit les droits de propriété sur la terre et sur les ressources naturelles, dont elle les distribue entre les différents acteurs, dont elle les garantit et les administre».

Pour d'autres auteurs tels que Le Bris, Le Roy, et Mathieu (1991), le foncier prend en compte « l'ensemble des règles définissant les droits d'accès, d'exploitation et de contrôle concernant la terre et les ressources naturelles ». Cette acception met l'accent sur la dimension sociale du foncier, rapport entre le foncier et les groupes sociaux, partie intégrante du fonctionnement de la société.

Sawadogo (1996) le conçoit comme un rapport déterminé par l'appropriation de l'espace. Le foncier pour lui, est constitué par la terre et les autres ressources naturelles (l'eau, la faune, la fertilité ...) comme capital physique et facteur de production et par l'ensemble des relations sociales entre les individus et groupe sociaux pour l'appropriation de la terre.

Ces auteurs s'intéressent aux rapports sociaux établis sur la terre ou l'espace territoriale. Ces rapports sociaux sont principalement déterminés par les facteurs économiques (accumulation privative du capital et extraction de rente), juridique (norme d'appropriation et modalités de règlements de conflits) puis par les techniques d'aménagement pouvant matérialiser et caractériser ces rapports.

Pour stamm (1998), le foncier peut se concevoir comme un «fait social total» constitué à la fois par la terre et par l'ensemble des relations entre les individus et les groupes pour l'appropriation et l'utilisation des ressources. Il apparaît donc comme support et capital intervenant dans la production avec une dimension religieuse, culturelle et affective.

Selon Malo (2005), toutes ces définitions font appel à la notion de maîtrise foncière qui est utilisée en anthropologie pour désigner toutes les formes d'appropriation, de pouvoir de gestion et de contrôle social sur les terres. La maîtrise de la terre, selon Dembélé (2006) suppose la primauté d'occupation et d'appropriation d'un terroir ou d'un espace géographique donné par un groupe social donné. Pour eux, c'est donc la primauté d'installation et d'appropriation qui confèrent la maîtrise de la terre. Pour Le Roy, (1995), la maîtrise foncière désigne «l'exercice d'une puissance sur la terre en vertu d'une position d'autorité». Le foncier apparait dès lors comme une valeur de plus en plus rare, donnant lieu à des situations conflictuelles pour la détention des droits de propriété (Zadou, Ibo et Koné, 2010).

Comme on peut le remarquer, le foncier est multidimensionnel. Il met en jeu des facteurs économiques (la valeur de la terre, l'enjeu économique de son contrôle), juridiques (les normes coutumières ; le statut légal de la terre et des ressources, les dispositifs législatifs), institutionnels (les instances d'arbitrages, de décision, l'administration foncière) et techniques (les techniques d'aménagement de l'espace qui transforment la valeur et parfois le statut de la terre).

Dans le cadre de la présente étude, nous souhaiterions définir le foncier dans une conception sociogéographique qui prendrait à la fois en compte l'approche géographique à travers le support d'usage et l'approche sociologique à travers le capital, facteur de production.

Nous voudrions entendre par foncier, le support d'usage ou capital physique constitué de la terre et les autres ressources naturelles (eau, flore, faune...) qui est facteur de production d'une part, et facteur d'orientation ou de définition des relations interindividuelles d'autre part.

1.4. Autochtone 

Ce terme qui se compose de « autos : soi-même » et « khtôn : la terre » peut être perçu selon deux approches anthropologique et sociologique.

Dans la dimension anthropologique, les auteurs mettent l'emphase sur la morphologie du groupe autochtone, non perçue comme un isolât mais dans sa structure compacte nourrie à la sève de l'unité et la complémentarité des membres qui le composent.

Est donc considéré comme autochtone, le « groupe, communauté d'une région ou un pays donné et dont tout indique qu'il (elle) n'est pas venu(e)d'ailleurs »UNESCO(2002). Autrement, les autochtones seraient des groupes sociaux fortement soudés, dont les membres éprouvent un sentiment d'unité et de solidarité. Ces liens unifieraient les membres du groupe, c'est-à-dire des individus qui ont vécu et qui vivent ensemble depuis une durée relativement longue dans une région donnée.

Dans cette même perspective, Barth (1969) a développé la notion de groupe ethnique dominant. Il a considéré les groupes ethniques dominants non comme des groupes isolés, mais comme des formes d'organisation sociale résultant de l'interaction du groupe et de son environnement.

Pour lui, se prétendre autochtone nécessite, mobiliser dans une certaine structure, des ressources (langue, territoire, religion, mémoire, histoire) et rendre « saillants » et certains traits culturels ; ce qui permettrait de s'identifier au groupe ethnique.

Outre cet auteur, Lespinay (2016) affirme que les autochtones sont des peuples distincts des autres par leurs patrimoines particuliers, leur langue, leurs habitudes culturelles et leurs croyances spirituelles. Ainsi, il nomme autochtone, « le membre d'une population installée sur un territoire donné avant tous les autres, qui a établi des relations particulières, anciennes et toujours actuelles avec ce territoire et son environnement, et qui a des coutumes et une culture qui lui sont propres ». En d'autres termes, il s'agit d'un acteur social qui se caractérise par un pouvoir dominant et qui prend ses origines dans l'histoire d'une localité spécifique.

Cette conception anthropologique a certes le mérite de nous renseigner sur la texture du concept d'autochtonie en ce sens qu'il renferme une structure compacte alimentée à la sève de la complémentarité, des liens historiques et l'unité. Toutefois, cette dimension semble rejeter le caractère relationnel que les autochtones établissent avec la terre ; ce qui, selon Giddens (1990) « intensifie les relations sociales ».

Cette approche nouvelle dite sociologique prend à la fois en compte la dimension anthropologique, c'est-à-dire le groupe dans son ensemble avant de mettre l'accent d'une part sur le caractère relationnel des situations dans lesquelles les groupes se trouvent en interaction et d'autre part sur la relation que ces groupes entretiennent avec la terre.

Ainsi, Morin (2006) entend par « peuples autochtones », des peuples ayant des liens spécifiques avec la terre. Elle affirme de ce fait que « par communautés, populations et nations autochtones, il faut entendre celles qui, liées par une continuité historique avec les sociétés antérieures à l'invasion et avec les sociétés précoloniales qui se sont développées sur leurs territoires, se jugent distinctes des autres éléments des sociétés qui dominent à présent sur leurs territoires ou font parties de ces territoires. Ce sont aujourd'hui des éléments non dominants de la société qui sont déterminées à conserver, développer et transmettre aux générations futures le territoires de leurs ancêtres et leur identité ethnique qui constituent la base de la continuité de leur existence en tant que peuple, conformément à leurs propres modèles culturels, à leurs institutions sociales et à leurs systèmes juridiques ».

Dans cette optique, bien qu'évoquant l'évolution et la continuité historiques des autochtones, Martinez (1987) insiste sur le fait que les autochtones sont caractérisés par la transmission générationnelle des valeurs et des biens. Il affirme que les autochtones sont «  des peuples et nations qui présentent une continuité historique avec les sociétés précédant la conquête et la colonisation de leurs territoires, qui se considèrent comme distincts des autres secteurs de la société dominant aujourd'hui ces territoires ou qui en sont partie. Ils constituent aujourd'hui, des secteurs non dominants de la société et sont déterminés à préserver, développer et transmettre aux générations futures leurs territoires ancestraux et leur identité ethnique, sur la base de leur existence continue en tant que peuple, en accord avec leurs propres systèmes culturels, leurs systèmes légaux et leurs institutions sociales ».

Avec Renahy (2010), ce concept s'appréhende en termes de relations symboliques locales. Il affirme qu' « elle est l'ensemble des ressources que procure l'appartenance à des réseaux de relations localisées. Il s'agit de nommer les ressources symboliques en ce sens qu'elles ne tiennent ni d'un capital économique, ni d'un capital culturel mais d'une notoriété acquise et entretenue sur un espace singulier ».

Bourdieu (1980), bien que mettant l'accent sur le fondement relationnel de ce concept, va plus loin pour montrer la nécessité d'être reconnu par les siens comme appartenant au groupe. Ce concept transcende donc le cadre de relations localisées pour déboucher sur une appartenance mutuellement reconnue par les autres membres du groupe. Ainsi, il affirme que le concept suppose « l'ensemble des ressources actuelles ou potentialités qui sont liées à la possession d'un réseau durable de relations plus ou moins institutionnalisées d'interconnaissance ou d'inter-reconnaissance ou en d'autres termes, à l'appartenance à un groupe, comme l'ensemble des agents qui ne sont pas seulement dotés de propriétés communes (susceptibles d'être perçues par l'observateur, par les autres ou par eux-mêmes) mais sont unis par des liaisons permanentes et utiles.

Dans ce travail, nous souhaiterions appréhender ce concept dans une dimension à l'aboutage des approches anthropologique et sociologique ; celle-ci prendrait en compte à la fois la structure compacte du groupe fortement soudé, les relations historiques entre les individus eux-mêmes et la terre et la reconnaissance des uns par les autres membres, comme appartenant au groupe.

Nous proposerons donc la définition suivante : un peuple ou un groupe est dit autochtone si sa présence dans un lieu déterminé est avérée depuis une période relativement longue, si ce peuple présente une continuité historique et s'il y a une inter-reconnaissante ou une reconnaissance mutuelle des membres comme appartenant au groupe.

1.5. Allochtone 

Le terme se compose de « allo » et « chtone» du grec « kthôn » « engendrer » signifie qui a une origine autre, qui a pris naissance ailleurs ou qui provient d'un autre endroit (Rémy et  Beck, ý 2008).

En effet, deux grandes orientations (distinctive et minoritaire) gouvernent la compréhension de ce concept.

Ainsi, dans la conception distinctive, les auteurs emploient le terme pour désigner des groupes ethniques installés depuis peu de temps sur un territoire présentant encore des caractères raciaux et ethniques qui les distinguent de la population autochtone.

Pour le Centraal Bureau Voor de Statistick (2003), le terme est utilisé pour désigner « des personnes ou groupes de personnes d'origine étrangère ». Autrement, le trait distinctif des allochtones résiderait dans le fait que cette population est étrangère à la population native, c'est-à-dire une population dont la structure n'est pas compacte et soudée en termes de liens, dont les membres ne partagent pas nécessairement les mêmes histoires et donc, pourraient ne pas se reconnaitre mutuellement comme appartenant au groupe allochtone (Kouassi, 2017).

Dans cette même optique, Bonnecase (2001) mettant en avant l'hétérogénéité dans la structure allochtone pense que  ceux-ci « ne constituent pas un ensemble d'individus homogène et objectivement délimité ». Autrement, les allochtones, loin de constituer des groupes homogènes, présentent un caractère de dispersion, d'installation incontrôlée dans des endroits selon le degré d'hospitalité du peuple tuteur.

Aussi, l'auteur met-il en avant la distinction fondamentale entre allogènes ivoiriens et allogènes non-ivoiriens. A ce sujet, il affirme que « la notion est relative à un espace de référence qui, s'il prend souvent pour limite les frontières du pays (les non Ivoiriens), peut également se dégager en deçà, au niveau de la région (les allogènes ivoiriens) et de toute entité spatiale, jusqu'au village (les ressortissants de communautés villageoises voisines). Autrement dit, la catégorie « allogène » se catégoriserait en deux sous-groupes : les allogènes ivoiriens nommés allochtones et les non-ivoiriens. La première catégorie, c'est-à-dire celle des allochtones elle-même se subdiviserait en deux sous-groupes : d'une part les membres d'autres groupes ethniques (allochto-allogènes) et d'autre part, les membres du même groupe ethnique mais d'un village différent c'est-à-dire qu'ils ne partageraient pas les mêmes origines ancestrales avec la population native. Autrement, le groupe allochtone se subdivise en ressortissants d'autres communautés ethniques (allochtones) et en ressortissants du même groupe ethnique mais de villages différents ; une sorte d'autochto-allochtone.

Cette appréhension du concept alimente certes sa compréhension dans une dynamique distinctive d'avec la population « mère », mais force serait de savoir qu'elle souffre demutisme quant à la prise en compte de cette catégorie comme minorité. Toute chose qui sera prise en compte par une autre appréhension d'obédience minoritaire.

Dans cette nouvelle approche, Rouland, Pierre-Caps et Poumarède (1996) mettent l'accent sur l'identité allochtone qui diffère de celle autochtone. Ils pensent que, contrairement à l'identité autochtone qui est substantielle et primordiale, l'identité allochtone tient à des référentiels obligés qui sont subjectifs par rapport au groupe autochtone. A cet effet, ils affirment que l'identité allochtone « est instrumentale et subjective. Elle correspond à des réinterprétations du passé, aux sélections de séquences chronologiques opérées à l'époque ».

Relativement à ces auteurs, Gnabeli (2008) voit en cette catégorie, un groupe minoritaire, une sorte de population dominée. Ainsi, il note que «  c'est dans le champ politique villageois que l'idéologie de l'allogénie va fonctionner pour désigner des positions légitimes de dominés à l'égard des dominants (autochtones) ». Ceci pour désigner la dysproportionnalité dans les rapports de nombre, de force, d'ancrage culturel de ces peuples d'avec la population autochtone.

Nous opterons pour une définition qui serait au confluent de ces deux approches (distinctive et minoritaire). Nous pensons que la prise en compte de ces deux aspects pourrait véritablement permettre d'aiguiser la compréhension de ce concept selon l'orientation que nous souhaitons lui donner dans ce texte.

Ainsi, nous appelons « allochtones », des peuples ou groupes ethniques installés depuis peu de temps sur un territoire donné, et qui, tout en constituant une minorité par rapport à la population tutrice, se réclame d'une identité subjective par rapport à celle du référentiel autochtone.

2. Concepts implicites

La conceptualisation de « conflit foncier» laisse transparaître quelques centres d'intérêts parmi lesquels nous retiendrons: Système agraire, Violence, Crime, Crise, Déviance.

2.1 Système agraire

S'investir dans une entreprise de définition des contours sémantiques du concept de « système agraire » ne parait pas chose aisée et son identité étymologique est fonction des paramètres physiques, biologiques, humains, géographique économique et relationnel. Pour bien comprendre le sens du concept, il parait nécessaire de passer en revue les conceptions traditionnelle et moderniste avant d'en venir à la conception purement socio-rurale.

En effet, dans la conception traditionnelle, les auteurs abordent la question de système agraire dans une dynamique systémique. Ils intègrent les pratiques agricoles, les « manières concrètes d'agir » comme moyen d'analyse et comme expression de la cohérence du système. Le système agraire peut selon eux, être cindé en sous-systèmes constitutifs ; d'un côté le système agraire ou foncier et de l'autre, le système de production lui-même décomposé en système d'élevage ou de cultures. L'ensemble est en perpétuelle dynamique spatio-temporelle et les pratiques agricoles sont à l'origine de la formation d'objets repérables dans le paysage (Besson, 1992).

Chercher donc à définir le système agraire reviendrait à le considérer en amont comme un système composé de ces deux sous-systèmes puis en aval, à analyser la relation entretenue par ces deux sous-systèmes. C'est dans ce contexte que Mazoyer(1975) affirme que « Chaque système agraire est l'expression théorique d'un type d'agriculture historiquement constitué et géographiquement localisé, composé d'un écosystème cultivé caractéristique et d'un système social productif défini [ou «système technique, économique et social»], celui-ci permettant d'exploiter durablement la fertilité de l'écosystème cultivé correspondant ». Autrement, l'auteur pense qu'analyser et concevoir en termes de système agraire, l'agriculture pratiquée à un moment et en un lieu donnés, consiste à la décomposer en deux sous-systèmes principaux, l'écosystème cultivé et le système social productif, à étudier l'organisation et le fonctionnement de chacun de ces sous-systèmes dans leurs interrelations. 

Dans ce regard systémique, Cholley (1946) établit une interdépendance entre l'écosystème et le système social ; autrement entre le cultivateur et l'espace de culture. Ainsi, il affirme qu'« on arriverait à serrer de beaucoup plus près la réalité en considérant que l'activité agricole révèle une véritable combinaison ou un complexe d'éléments empruntés à des domaines différents très étroitement liés pourtant ; éléments à tel point solidaires qu'il n'est pas concevable que l'un d'entre eux se transforme radicalement sans que les autres n'en soient pas sensiblement affectés et que la combinaison tout entière ne s'en trouve pas modifiée dans sa structure, dans son dynamisme, dans ses aspects extérieurs même ». En d'autres termes, le système agraire parait pour lui comme le lien indissociable, interdépendant et interactionnel entre l'écosystème (espace de culture) et le système social composé d'acteurs inclus dans un environnement déterminé. Et ce sont précisément ces interactions réciproques entre les éléments relevant, d'une part, de « l'écosystème cultivé » et, d'autre part, du « système social productif » qui confèrent à l'ensemble le caractère de système agraire (Cochet, 2011).

Pour George (1956), il est certes nécessaire de définir le système agraire à partir du système composé de l'écosystème et du système social, mais insiste sur l'intégration des données géographique et économique dans la définition. Il pense donc que le système agraire est l'ensemble des données relatives à l'aspect morphologique des terroirs et aux combinaisons qualitatives sur lequel repose le système d'exploitation. De cette définition, deux éléments nouveaux apparaissent : les formes d'utilisation du sol et la manière d'assurer cette utilisation. Le système agraire permet donc d'identifier toute forme d'agriculture comme un système d'interactions entre la mise en place et la gestion d'un écosystème cultivé.

Cette conception traditionnelle a certes de mérite de poser les bases sémantiques du concept (de système agraire) en relevant son caractère systémique mais à y voir de près, elle tend à confondre le concept de système agraire à celui de structure agraire. D'autres contributeurs dans un regard moderniste, intègrent des notions de techniques agricoles et les modifications de rapports sociaux dans la définition.

Ainsi, Dufumier (2007) pense que le concept de système agraire est aussi complexe qu'exigeant. Cette complexité est le reflet de la réalité qu'il cherche à décrire. Celle-ci proviendrait, d'une part, de l'exigence de combinaison d'échelles d'analyse très différentes, et d'autre part, de celle d'exprimer le faisceau de relations. Dès lors, il affirme que le système agraire ne peut alors être considéré comme un simple système technique de pratiques agricoles, ni réduit aux seules structures de répartition des terres destinées à l'agriculture. Dans ce paradigme, définir le système agraire revient à analyser conjointement les transformations des techniques agricoles et les modifications qui interviennent dans les rapports sociaux, non pas seulement à l'échelle locale mais aussi au niveau national et international.

Pour Mazoyer et Roudard (1997), le système agraire est « l'expression théorique d'un type d'agriculture historiquement constitué et géographiquement localisé, composé d'un écosystème cultivé caractéristique et d'un système social productif défini, celui-ci permettant d'exploiter durablement la fertilité de l'écosystème cultivé correspondant ».De cette définition, il ressort avec Moindrot (1995), trois éléments : l'étude des paysages agraires, les systèmes de production agricole et les structures foncières.

Cette conception moderniste intègre certes de nouveaux éléments dans la conceptualisation du terme de système agraire mais souffre de mutisme lorsqu'il s'agit de prendre en compte la spécificité rurale qui fait part belle au respect des principes coutumiers. Toute chose qui a constitué le point d'ancrage d'une conception d'obédience socio-rurale.

Ainsi, des tenants de la conception socio-rurale, Agnissan (2012) reste le plus prolixe et pense qu'aujourd'hui, avec l'urbanisation et son acculturation, l'homme moderne africain perçoit de moins en moins ses rapports avec la nature en termes de complémentarité dialectique et tend à évacuer sa dimension sacrée et lui substituer une forme d'antagonisme. Les logiques qui fondent la dynamique des systèmes agraires urbains obéissent plus à des considérations d'ordre socioéconomique (rentabilité, profit, productivité) et ignorent souvent la logique socioreligieuse et symbolique sous-jacentes. L'on assiste selon l'auteur, à l'émergence de nouveaux types de comportements humains et de "gestion laïque" des systèmes agraires urbains qui mettent en péril la survie des forêts sacrées inscrites dans un processus de désacralisation permanente. Autrement, l'auteur pense que l'intégration de la dimension sacrée de la terre et ses composants, pourrait certainement permettre d'aiguiser la compréhension du concept sous nos tropiques.

Par ailleurs, Agnissan insiste sur le fait que l'espace physique ou géographique est doublée d'une dimension spirituelle, sacré, un espace mythique culturellement géré par les autochtones. Ces attributs sacrés s'expriment à travers les constituants physiques de l'environnement (eaux, minéraux, montage, arbre, forêt, etc.) qui ne sont pas de simples objets matériels mais des entités écologiques habitées par des esprits (les génies et les ancêtres). L'auteur innove et intègre un élément nouveau : aspect sacré des constituants physiques de l'écosystème dans l'étymologie du concept de système agraire. Dès lors, définir le système agraire dans une dynamique Agnissanienne, serait prioriser les attributs sacrés de la terre qui deviennent de ce fait, le substrat de l'identité même du concept (de système agraire).

Retenons dans le cadre de ce travail que le système agraire est un système composé de terres dotées d'attributs sacrés et de cultivateurs entretenant des liens étroits avec la terre cultivée ou à cultiver. 

2.2 Violence

Ce concept qui, étymologiquement procède du latin « violentia »  signifie la force, le caractère violent ou farouche. L'usage, « violentia »  renvoie à l'abus de force. Toutefois, ce terme reste difficile à définir car il sous-entend des actions humaines (intentionnalité et cruauté) individuelles et collectives (Michaud, 1998), et son appréhension dépend du milieu, des circonstances et des facteurs agissants (Chesnais, 1981).

La compréhension du concept nécessite donc l'analyse de différentes approches juridique, psychologique, sociologique et symbolique.

Dans l'approche juridique, les auteurs considèrent la violence comme un écart ou une infraction par rapport aux normes ou règles qui définissent les situations légales ou anormales. Mieux, la perception de violence est le fait de  porter atteinte à la dignité de l'homme.

Selon le guide juridique sur la prévention et la lutte contre la violence (2015), « La violence est l'action volontaire ou involontaire d'un ou plusieurs individus qui porte atteinte à l'intégrité physique ou morale d'un autre individu. Il peut s'agir de coups et blessures qui impliquent un contact direct entre l'agresseur et sa victime ».

Dans cette même logique, Utebay (2013), concevant la violence comme l'expression de la volonté de la justice, estime qu'elle correspond à la «  force, à la puissance, aux instruments et outils conçus et utilisés en vue de multiplier la puissance naturelle de la justice ». En d'autres termes, parler de violence signifierait pour lui, considérer les moyens mis en place par la justice pour instaurer et maintenir le calme social.

Cette approche juridique jette certes les bases normatives de la compréhension du terme mais semble souffrir de mutisme quant à la prise en compte de la violence psychique (trouble psychologique, colère,...). Toute chose qui nous amène à analyser une autre approche d'obédience psychologique.

Dans la dimension psychologique, les auteurs s'intéressent à la violence verbale. Pour les tenants, cette forme de violence subtile et difficile à identifier consiste en des propos dénigrants, humiliants, des interdictions, de contrôle autoritaire, des menaces et intimidations...

Ainsi, selon le guide juridique sur la prévention et la lutte contre la violence (2015), « la violence consiste en des agissements destinés à impressionner fortement, à causer un choc émotionnel ou un trouble psychologique ». Autrement, la violence apparaît comme le caractère de ce qui produit des effets brutaux, des sentiments de peur, de doute, d'incertitude catalyseurs de l'affaiblissement de l'estime de soi chez les victimes.

Relativement à cette conception verbale de la violence, l'Organisation Mondiale de la Santé(2002) met en évidence le traumatisme qui découle des actes de violence. A cet effet, elle conçoit la violence comme « la menace ou l'utilisation intentionnelle de la force ou du pouvoir contre soi-même, contre autrui, qui entraîne ou qui risque fortement d'entraîner un traumatisme, un décès, des dommages psychologiques».

Dans la même perspective, Braudo (2014)voudrait établir un lien causal entre violence et conséquences résultantes. Pour lui, la violence doit être perçue comme « l'acte délibéré ou non, provoquant chez celui qui en est la victime, un trouble physique ou moral comportant des conséquences dommageables sur sa personne ou sur ses biens ». La violence apparait donc comme celle pouvant provoquer chez la victime un trouble psychologique matériellement constatable.

A l'analyse, la perspective psychologique conçoit la violence comme celle verbale pouvant provoquer chez la victime des troubles mentaux et un affaiblissement de l'estime de soi.

Toutefois, limiter la violence en des propos dénigrants serait restreindre son sens car la violence se veut interactionnelle c'est-à-dire manifeste parmi des individus en interaction. Ce qui nous amène à analyser une autre approche d'obédience sociologique.

Pour les sociologues, la violence se perçoit comme une force physique intentionnelle ou non, exercée sur une victime.

Avec Michaud (1986), « il y a violence quand dans une situation d'interaction un ou plusieurs acteurs agissent de manière directe ou indirecte, massé ou distribuée, en portant à un ou plusieurs autres, à des degrés variables soit dans leur intégrité physique, soit dans leur participation symbolique et culturelle ».C'est-à-dire que la violence n'est manifeste que parmi des individus en interaction.

Pour Brubaker et Laitin (1998), la violence est perçue en termes de force appliquée dans la société, de mode d'agissement visant à agresser la victime. Ils affirment que « la violence est une action volontaire visant à faire mal à une personne, une agression physique intentionnelle contre la victime ».

De Zotti (2007) perçoit en ce concept un choc, une effraction au lien social. A cet effet, il déclare «  la violence est la manifestation d'une effraction du lien et, en particulier dans le champ social, une rupture du lien social ». 

Weber (1963) distingue deux formes d'expression de la violence dont les objectifs seraient différents : l'une, illégitime, émanant des individus ; l'autre, légitime, concerne la violence employée par l'Etat, dont le but est de combattre l'expression de la première.

En ce sens, weber pense qu'il y aurait une violence qualifiée de positive c'est-à-dire celle émanant de l'Etat et une autre qu'il nomme, négative c'est-à-dire celle résultant des agissements personnels que la première voudrait controler, combattre.

Comme on peut le constater, la violence se présente comme une interaction entre un acteur agissant et un autre subissant.

Toutefois, bien que sociologique, cette orientation ne situe pas de degré de participation, de responsabilité des acteurs (agissant et subissant). Les auteurs qui suivront, s'attardent sur la dimension symbolique de la violence.

Quelques auteurs émettent l'idée de la participation des dominés à leur propre soumission. Pour Bourdieu (1997), « la violence symbolique requiert donc, pour s'exercer, la complicité de l'agent social qu'elle prend pour cible ».

Ainsi, ce processus à la faveur duquel le sujet soumis devient inconsciemment complice de sa propre soumission s'explique par la connivence de l'agent assujetti qui, tenant compte de certains facteurs, assume la position d'infériorité par rapport au dominant.L'auteur ajoute que cette forme de violence correspond à « cette coercition qui ne s'institue que par l'intermédiaire de l'adhésion que le dominé ne peut manquer d'accorder au dominant (donc à la domination) lorsqu'il ne dispose, pour le penser et pour se penser ou, mieux, pour penser sa relation avec lui, que d'instruments qu'il a en commun avec lui ».

Le rapport de soumission obtenu au moyen de la violence symbolique est plutôt le fruit d'une acceptation machinale et involontaire qui prend sa source à l'intérieur de schèmes de perception conditionnés à l'avance.

Dans ce même registre, Kibler (2010) estime que « c'est un processus de soumission par lequel les dominés perçoivent la hiérarchie sociale comme légitime et naturelle. Les dominés intègrent la vision que les dominants ont du monde. Ce qui les conduit à se faire d'eux-mêmes une représentation négative ». La violence symbolique est donc source de sentiment d'infériorité ou d'insignifiance chez les « dominés » qui conscients de leur position, placent à un certain piédestal les « dominants ».

Au regard de ces appréhensions du concept, nous souhaiterions emprunter à chaque approche des éléments qui nous permettront de constituer une définition pouvant répondre à notre objet d'étude. De ce fait, nous pensons qu' il y a violence lorsque dans une situation d'interaction, un ou plusieurs acteurs agissent de manière directe ou indirecte, massé ou distribuée en portant à un ou plusieurs autres, des actes à des degrés variables soit dans leur intégrité physique, soit dans leur participation symbolique.

2.3. Crime 

Ce terme qui provient du latin « crimen »c'est-à-dire violation grave de la loi morale ou civile (Mpiana, 2013) peut être appréhendé selon différentes conceptions juridique et sociologique.

Dans la dimension juridique, le crime est perçu comme une infraction grave. Ainsi, le code pénal ivoirien du 23 décembre 1998 considère-t-il comme crime, les infractions graves « passibles de peine privative de liberté perpétuelle ou supérieure à 10 ans ». Autrement, le crime se distinguerait des autres infractions contraventionnelles et délictuelles, par son degré de gravité entrainant une réaction sociale appropriée contre son auteur. Aussi, le caractère gravatif du crime est-il mis en exergue par le Guide de formation pratique et sur-mesure des officiers de police judiciaire des parquets (2012), pour qui, le crime désigne « la catégorie des infractions les plus graves, catégorie plus ou moins vaste suivant les pays et les systèmes juridiques ».

Dans cette même optique,Carrara (1859) définit le crime par rapport au non-respect des obligations socialement admises. De ce fait, il affirme qu'on ne doit pas concevoir « le crime comme une action, mais comme une infraction », car il n'est pas « un fait matériel, mais plutôt un être juridique ». Autrement, le crime apparait comme une déviance par rapport aux normes, une transgression des valeurs défendues par la société.

Toutefois, bien que reconnaissant ce caractère gravatif au crime, Fattah (2012) établit une distinction fondamentale entre ces deux concepts qui, même s'ils se caractérisent par leur anticonformisme, par leur violation des normes, diffèrent à travers leur degré  de gravité. Le crime pense-t-il, est plus grave que le comportement déviant et en appelle par conséquent à une réaction sociale plus active ou plus sévère.

A l'analyse, la perspective juridique, bien que situant la compréhension de ce concept dans un cadre normatif, reste néanmoins légère dans la définition puisque le crime est avant tout, un phénomène social et doit, par conséquent être défini selon un critère social.

Du point de vue sociologique, le crime ne se définit-il pas intrinsèquement comme un acte. Un crime, ce n'est pas l'acte en lui-même ; on ne devient pas criminel parce qu'on commet tel ou tel acte considéré par la loi comme un crime. En effet, l'accusé à tort entre dans la catégorie des criminels ; le coupable nondécouvertn'est pas criminel. Autrement, est dit criminel, celui qui est pris entre les mailles de la justice.

Selon Tremblay (2006), «  tout acte, qui à un degré quelconque, détermine contre son auteur, cette réaction caractéristique qu'on nomme la peine »

Généralement, une infraction est considérée comme crime si elle porte atteinte au bien-être collectif de la société ou si elle déroge significativement les normes socioculturelles qui dictent la conduite normale d'une personne.

Pour Maxwell (1914), « le crime est un acte (ou omission) antisocial grave qui cause assez d'inquiétudes à une société pour que celle-ci se trouve dans l'obligation de se défendre contre l'auteur de ce comportement par des mesures spéciales visant à la fois la protection de la société et la resocialisation du coupable ». En d'autres termes, le crime est un acte antisocial c'est-à-dire une transgression des différentes normes tant éthique, culturelle que sociétale.

Après cet exposé, nous optons pour une définition socio-juridique ; qui prendrait en compte la dimension juridique c'est-à-dire la constitution de l'infraction criminelle et la réaction sociale engagée contre son auteur et la dimension sociologique à travers la manifestation sociale du crime.

Nous voudrions donc entendre par crime,tout acte ou omission anti social gave qui cause assez d'inquiétudes à une société pour que celle-ci se trouve dans l'obligation de se défendre contre l'auteur de ce comportement par des mesures spéciales visant à la fois la protection de la société et resocialisation du coupable

2.4. Crise 

Le concept de crise ou crisis nécessite pour sa compréhension l'analyse de différentes conceptions médicale, politique, économique et sociologique.

Dans le domaine médical, une crise est un changement rapide et grave intervenant dans l'état de santé d'un malade ou d'une personne apparemment en bonne santé.

Ainsi, pour Bolzinger (1982), la crise se présente-t-elle comme un instant, une période d'incertitude quant à la santé du patient. Il déclare que « dans la médecine, le terme de crise désigne l'instant crucial où la maladie touche à son terme, à sa résolution, pour le meilleur ou pour le pire. La crise est un paroxysme d'incertitude et d'angoisse où tout est en suspens ». Dans cette perspective, la crise n'est pas un signe de maladie, mais un signe de résistance à la maladie. Non pas une faillite, mais un sursaut. L'organisme n'est pas devenu incapable de se régler lui-même, mais il opte provisoirement pour un mode exceptionnel de régulation à visée défensive.

Relativement à Bolzinger, Wiener et Kahn (1962), mettent l'accent sur le sens de l'urgence réactionnelle pendant la crise. En ce sens, ils affirment que« la crise est caractérisée par un accroissement de la pression du temps. C'est une période pendant laquelle les incertitudes sont fortes sur l'évaluation de la situation et les réponses à apporter ; ce qui produit souvent stress et anxiété ». En d'autres termes, elle apparait comme une période relativement courte caractérisée par un changement brusque qui nécessite une solution urgente en vue de rétablir l'ordre de départ.

Toutefois, bien que définissant de façon médicale la crise, cette conception clinique du concept ne prend pas en compte les malaises brusques observés dans la société et qui constituent, par extension du terme, une crise. Toute chose qui nous amène à analyser une autre approche d'obédience politique.

Dans le champ politique, le concept de changement brutal est empruntée au corps médical mais diffère en ce sens que ce changement apparait non pas à l'intérieur du patient mais plutôt dans la société en général soit dans l'évolution des choses, soit des événements ou des idées.

Pour Dumont (2009),  «  C'est un moment d'extrême tension, de paroxysme, de conflit, de changement, intervenant lorsque les régulations et rétroactions des systèmes politiques ou géopolitiques ne suffisent plus ou ne jouent plus ». C'est-à-dire une situation nouvelle provoquée par une action, une inaction ou une décision.

Aussi, mettant en avant la délimitation spatio-temporelle de la crise, l'auteur ajoute-t-il que «  quelle que soit l'intensité qu'on lui prête ou qu'elle a réellement, une crise ne peut se pérenniser ». Autrement, bien qu'elle soit caractérisée par une rupture d'équilibre, la crise ne peut s'éterniser puisque le choc social qu'elle engendre est tel que la macro- société se trouve contrainte d'apporter une réponse appropriée à l'urgence situationnelle.

L'idée de réaction sociale est aussi soutenue par Guillaumin (1979)  lorsqu'il affirme que la crise est un « moment du jugement, des décisions à prendre ; un croisement qui impose une option plus ou moins urgente sur la route à suivre ». Ainsi, la crise se présente-t-elle comme un changement social brusque qui nécessite une solution urgente et relativement appropriée.

A l'analyse, la crise, du point de vue politique se caractérise d'une part par la surprise : le côté inattendu du changement ou non anticipé par les décideurs politiques et d'autre part par l'insuffisance de temps disponible pour répondre à l'urgence sociale.

Toutefois, bien que situant la crise dans un cadre politique, cette approche ne prend pas en compte la dimension économique qui suppose une récession, un ralentissement, un arrêt ou même une dépression de la croissance économique.

Ce qui constitue le point de départ de l'analyse de la « crise » selon les économistes.

Dans cette perspective, Dumont (2009) affirme que «  une crise économique désigne l'arrêt de la croissance, le moment où la conjoncture se retourne, correspondant au détonateur de la dépression ». Cette dépression sociale s'explique par une dégradation brutale de la situation économique, conséquence d'un décalage entre la production et la consommation.

Kemal (2009) la perçoit en termes de désorganisation des systèmes. De ce fait, il affirme, « la crise est  une désorganisation des systèmes de formation des prix, des marchés, caractérisée par des fluctuations extrêmes sur de courtes périodes ». Elle se traduit par une forte augmentation du chômage, par une baisse du PIB (Produit Intérieur Brut), un accroissement du nombre de faillites, un effondrement des cours boursiers, une baisse du pouvoir d'achat.

A l'analyse, l'approche économique présente la crise comme une période marquée par des difficultés économiques dans un secteur particulier consistant en une sous-production ou une diminution importante d'activités.

Toutefois, cette approche omet la définitiondu concept dans la perspective de fracture sociale, de tension sociale. Ce qui nous amène à analyser une conception sociologique du concept.

Pour les sociologues, la crise est définie en termes de fracture, de désaccord, de rupture des liens sociaux, de méfiance et d'hésitation.

En ce sens, Freund (1976) affirme : « la crise est une situation collective caractérisée par des contradictions et ruptures, grosse de tensions et de désaccords, qui rendent les individus et les groupes hésitants sur la ligne de conduite à tenir, parce que les règles et les institutions ordinaires restent en retrait ou sont même parfois déphasées par rapport aux possibilités nouvelles qu'offrent les intérêts et les idées qui surgissent du changement, sans que l'on puisse cependant se prononcer clairement sur la justesse et l'efficacité des voies nouvelles ».

La crise est donc une période fragile marquée par des contradictions sociales, des hésitations tant au niveau des administrés qu'au niveau des administrateurs.

Cette idée de fracture des liens sociaux est soutenue par Miller (1963) qui pense que « la crise engendre des tensions au sein des entités concernées ». De ce fait, la crise pourrait s'apparenter à une période de rupture et de tensions multiformes.

Après le rappel de ces différentes appréhensions du concept, nous souhaiterions retenir à priori les dénominateurs communs à ces approches : la phase critique et l'urgence réactionnelle qui caractérise la crise, auxquels nous voudrions ajouter le cadre sociale dans lequel se manifeste cette crise.

En ce sens, nous voudrions entendre par crise, une situation sociale critique, fragile caractérisée par des contradictions, des ruptures, des tensions et des désaccords, qui rendent les individus et les groupes humains hésitants sur la ligne de conduite à tenir et qui nécessite une urgence réactionnelle au malaise sociétal.

2.5. Déviance 

Le concept de « déviance » pourrait être défini selon les dimensions juridique, psychologique et sociologique.

Dans la conception juridique, la déviance est perçue en termes de caractère, d'attitude, de comportement qui s'écarte de la norme communément admise.

Pour Lionel (2006), la déviance caractérise ce qui dévie, se détourne ou est détourné de la voie ou de la direction normale. Il affirme qu' « elle peut être appréhendée simplement comme un écart marqué à la règle ou à la norme ». Autrement, la déviance apparait comme la position d'un individu ou d'un groupe qui conteste, transgresse et qui se met à l'écart de règles et de normes en vigueur dans un système social donné.

Partant de ce fait, la déviance suppose la réunion de trois éléments : l'existence d'une norme, un comportement de transgression de cette norme et un processus de stigmatisation du déviant. Le déviant n'est ici identifié comme tel que s'il transgresse d'une part une norme communément admise et d'autre part s'il est étiqueté déviant par la société.

Dans cette même orientation, Lemert (1996) distingue deux types de déviances : primaire et secondaire. La première s'intéresse à la transgression de la norme et la seconde, à la reconnaissance et la qualification de cette déviance par une instance de contrôle social.

Cette classification binominale de la déviance met en exergue d'une part l'attitude de transgression des éléments du rôle social assigné à l'individu et d'autre part, l'action d'étiquetage social.

Ainsi formulée, la conception juridique parait simpliste pour expliquer ce concept dans sa totalité. Elle a toutefois le mérite de simplifier le problème en écartant de nombreuses questions de valeurs sociales qui surgissent généralement quand on étudie la nature de la déviance.

Dans la perspective psychologique, Morasz (2002) considère la déviance comme la résultante d'un processus dynamique constitué en six phases distinctes (activation, intensification, crise, récupération, stabilisation et élaboration).Pour lui, la contenance de cette déviance nécessite non pas une intervention au niveau de la crise, mais plutôt une intervention à un triple niveau: avant (prévenir), pendant (contenir) et après (élaborer). Dès lors, la déviance dans la perspective Moraszienne, résulte d'unprocessus de dégradation progressive de l'appréhension d'un individu qui aurait une vision négative du monde extérieur et des acteurs le composant.

Contrairement à Morasz qui s'attarde sur les différentes phases du processus débouchant sur la déviance, Kohlrieser (1986)conditionne la déviance des individus au manque d'attachement. Ainsi, pour lui, « l'une des caractéristiques fondamentales d'une personne violente est le manque d'attachement et le sentiment ressenti de vulnérabilité. Elle considère l'autre non plus comme une personne, mais comme un objet et la traite comme telle ».Dès lors, la déviance apparait pour l'auteur comme une résultante, non pasdu processus dégénératif comme le voudrait le précédent auteur, mais plutôt comme celle découlant d'une absence de liens (attachement à la famille, à des êtres chers). L'individu déviant extérioriserait son manque de liens affectifs par la volonté délibérée de poser des actions s'écartant des standards sociaux.

Dans cette même veine, Koudou, O. (2002)bien que s'inscrivant dans la démarche familiale de son prédécesseur, va plus loin pour révéler l'impact environnemental corrélé au manque d'affection familiale de Kohlrieser pour favoriser la déviance chez certains individus. Ainsi, il pense que la déviance n'est ni génétique encore moins atavique et naîtrait des effets conjugués des rejets familiaux, de l'intolérance du milieu social et de ses acteurs, du rôle des pairs marginaux et de la représentation du soi négative chez le sujet. De ce fait, le sujet serait un candidat potentiel à la déviance s'il notait une hostilité voir un rejet affectif de sa famille, de son environnement proche et de pairs jugés peu fréquentables ; ce qui impacterait négativementsur sa perception de lui-même et de ceux qui le rejettent.Partant de là, la déviance se définirait selon Koudou, O. (2002)par l'ensemble des transgressions sociales commises de façon incrémentale par un sujet en raison des rejets familiaux et environnementaux dont il se serait senti victime.

Dans un autre regard, Selosse (1984) penche sur le caractère passif de la déviance. Pour lui,on ne peut définir la déviance que par la prise en compte des deux pôles (actif et passif) du concept. Ainsi, même s'il existe une catégorisation hétéroclite d'actes de déviance qui consistent en des actions actives d'individus, force serait de reconnaitre selon l'auteur que la déviance prend aussi en compte les actions passives.En ce sens, Selosse nous invite, dans la définition de la déviance, à privilégier ce qu'il nomme déviances passives. Il affirme que« le fait de l'indifférence, de laisser pour compte, d'ignorer, de rester dans son quant à soi en ne voulant pas savoir ce qui dérange notre tranquillité, notre confort... Le fait de ne pas prêter attention à ceux qui sont hors normes. Le fait de ne pas vouloir les entendre correspond à un véritable drame qui est celui de la mort sociale ». Dès lors, dans la perspective Selossienne, les inactions, l'indifférence face à une réalité sociale dérangeante constitueraient des formes de déviance. Pour lui, elle consisterait a priorien des actions (écart aux normes admises), mais a fortiori en des inactions (indifférence, négligence, manque d'attention).

Cette approche reste partielle dans la définition de ce concept puisqu'elle omet la prise en compte des standards sociaux, moraux ou culturels qui régissent la société. Cette faille nous amène à analyser une conception sociologique du terme.

La déviance, sur le plan sociologique se définit-elle comme une manière d'être, de penser ou de se conduire qui s'écarte des standards sociaux, moraux, culturels et religieux d'un individu ou groupe consciemment ou inconsciemment.

En effet, deux points de vue alimentent la compréhension sociologique du terme. D'un point de vue individuel, la déviance apparait comme un comportement non conforme aux conventions collectives résultant d'un conflit entre valeurs et normes, qui aboutit à l'exclusion volontaire ou non de certains individus hors du système de règles établies, système auquel ces individus semblent vouloir échapper en affichant des conduites et des opinions hétérodoxes.

A un niveau plus global, c'est une situation d'interaction au travers de laquelle un groupe parvient à réguler l'application de ses propres normes par l'exercice de pressions qui visent à réinsérer les « déviants » dans des limites tolérables par le groupe.

Au sens large, Sissoko (2007) pense que la déviance recouvre l'ensemble des comportements inadaptés parce que jugés comme tels par les représentations collectives. « En ce sens, la notion de déviance ne se réduit pas aux seuls comportements criminels. Elle repose plus largement sur une analyse globale des conduites antisociales ou asociales, les unes entrant dans la sphère du droit répressif, les autres restants hors d'atteinte de la sanction pénale bien qu'elles suscitent la réprobation. ». Autrement, être déviant suppose adopter un comportement antisocial ou asocial pouvant faire l'objet de réprobation tant pénale que morale, culturelle ou religieuse.

Elle peut aussi s'apparenter selon l'auteur « à un simple malaise, à une difficulté d'être pour laquelle la sanction n'est pas nécessairement la réponse la mieux adaptée, en ce sens que l'épanouissement de la déviance peut, précisément, constituer le moyen de faire prendre conscience au déviant de sa marginalité».

Relativement à Sissoko, Ogien (1983), mettant en évidence l'évolution spatio-temporelle du concept, pense que « la déviance est relative car elle diffère selon les sociétés et les époques ». Elle se présente pour lui, comme une attitude ou un comportement non conforme aux normes et valeurs véhiculées par une société donnée durant une période donnée.

Au regard de ces appréhensions du concept, nous optons pour une définition socio-juridique qui s'appuierait à la fois sur l'écart par rapport aux normes légale de la conception juridique et sur la transgression des valeurs culturelles, sociales et religieuse de la vision sociologique.

Par déviance, nous voudrions évoquer tout comportement de transgression des normes légales, sociales, morales, culturelles et religieuses dans une société donnée et pendant une période déterminée.

III- Revue de littérature

3.1. Exposé des travaux

La littérature sur des conflits fonciers et leurs différents mécanismes de gestion est prolixe. Devant ce champ vaste des contributions antérieures, il serait prétentieux voire utopique pour nous d'en dégager toutes les grandes lignes. Néanmoins, il reste possible de nous inscrire dans une piste médiane qui se dessine à la lecture et qui préconise l'analyse des deux orientations fondamentales sur la question (facteurs dépendants des acteurs et facteurs indépendants des acteurs) déjà abordées par les prédécesseurs.

Ces écrits empiriques qui suivent, permettront de présenter la spécificité de ces orientations, leurs portées et limites avant d'exposer sur l'originalité de notre démarche scientifique.

Mais avant d'aborder ces différentes approches, il nous parait judicieux de passer en revue quelques écrits portant sur le conflit perçu dans une perspective généraliste.

3.1.1 Travaux centrés sur les conflits en général

Evoquer les travaux portant sur les conflits dans une perspective généraliste, suppose dans le cadre de notre sujet, aborder succinctement les conflits psychologiques les conflits en entreprise et les conflits générationnels et communautaires.

3.1.1.1. Travaux centrés sur les conflits psychologiques

Dans ces travaux, les auteurs utilisés expliquent grosso modo les conflits psychologiques comme ceux, catalysés par des incompatibilités, des contradictions internes à un individu ou à un groupe restreint. Ainsi, pour Astolfi, Darot, Vogel et Toussain (2008), le conflit cognitif se développe lorsqu'apparaît, chez un individu, une contradiction ou une incompatibilité entre ses idées, ses représentations et ses actions. Cette incompatibilité, perçue d'abord de façon inconsciente, devient une source de tension qui peut jouer un rôle moteur dans l'élaboration de nouvelles structures cognitives.

Relativement aux précédents auteurs, Piaget (1956) pense que le développement d'un individu n'est ni inné, ni acquis par apprentissage mais bien plutôt provoqué par l'interaction entre une base génétique et l'expérience que l'enfant a l'occasion de mener. Pour l'auteur, on apprend en agissant sur l'environnement et cet apprentissage doit permettre d'acquérir des outils cognitifs (opérations intellectuelles) qui aident à résoudre les problèmes. Dans ce cadre, il y aurait conflit pour l'auteur, lorsque l'individu aurait du mal à s'acclimater à l'environnement social et donc développerait un certain nombre de carences cognitives qui se manifesteraient par des conflits internes.

Selon Faulx, Erpicum et Horion (2005), pour comprendre les raisons du conflit psychologique chez les individus, il faut recourir à leur enfance, leur environnement social de croissance et les faits marquants de leur vie. Ainsi, pour ces auteurs, le conflit psychologique se manifesterait par des troubles cognitifs, affectifs et comportementaux qui seraient liés à un choc physique ou émotionnel vécu dans le passé et ayant impacté négativement sur sa perception du monde extérieur et des acteurs qui le composent.

Relativement à ces auteurs, Koudou, Zady, et Djokouehi (2016) pensent que la plupart des troubles internes observés les adolescents et principalement les filles, sont liés aux violences sexuelles subies durant l'enfance. Ainsi, ces auteurs notent une dégradation progressive de la santé mentale des victimes, caractérisée par l'identification des symptômes psychotraumatiques et des séquelles physiques telles que les douleurs musculaires, les troubles génito-urinaires, gastro-intestinaux et des difficultés de procréation.

Dans cette dynamique, Fauteux (2013), dans l'analyse des troubles comportementaux chez la jeunesse québécoise, pense que les conflits psychologiques qui assujettissent cette jeunesse seraient directement liés aux effets conjugués des difficultés sociales et du mauvais traitement parental de ces derniers. Plus spécifiquement, l'auteur décrit les difficultés sociales ou personnelles des parents, l'exercice de la coparentalité, la présence de violence pendant la vie conjugale et l'impact de la rupture entre parents comme catalyseurs des conflits psychologiques chez ces québécois.

Pour Basque (2003), nous avons tous des relations qui apparaissent comme importantes, voire primordiales (relations avec notre conjoint, nos enfants, les membres de la famille élargie, nos collègues, nos voisins, nos amis). Or, nous avons tous besoin que ces relations demeurent bonnes pour être heureux. Mais quand une de ces relations ne fonctionne pas très bien, nous nous sentons frustrés. Ce sentiment de frustration entraîne souvent un comportement qui nous fait glisser inexorablement vers une dégradation de la relation. Nous devenons blessant, parfois agressifs et la communication s'enlise, créant le conflit. C'est l'impasse de la communication et nous nous sentons perdus, ruminant notre frustration, ne sachant plus vraiment par quel bout prendre cette relation, que le malaise interne finit par nous envahir. 

Dans cette même veine, Pogneaux (2015) affirmeque le conflit est une lutte mentale, parfois inconsciente, résultant du fait que différentes représentations du Moi sont maintenues en opposition ou en position fermée. Dans un « conflit interne », les personnes éprouvent parfois le sentiment de ne pas être « adaptées », ceci vient du fait d'être « en désaccord » avec elles-mêmes. Elles sont aux prises entre les diverses instances « Ça » - « Moi » - « Surmoi » et la réalité extérieure. Cette situation crée une angoisse parfois terrible qui oblige le Moi à se protéger en mettant en place des mécanismes de défense.

Pour Chervet, Boileau et Durieux (2005), le conflit psychique est l'un des organisateurs majeurs de la psyché. Il se présente cliniquement comme une opposition entre deux termes, expression manifeste d'un autre conflit sous-jacent plus fondamental : celui entre une tendance à éteindre la pulsion et un impératif à l'investir selon diverses modalités.

Pour Lacherez (2013), il existe deux types de conflits intérieurs : ceux qui agissent comme un ressort et ceux qui paralysent. Le premier est constitué de ceux qui agissent sur nous comme une sorte de tension exercée entre deux polarités, tel un ressort ; cette forme de dualité, loin d'être paralysante, est une invitation à se dépasser pour s'améliorer. Pour le second, le défi diffère lorsqu'un déchirement intérieur s'exprime entre des parties de nous qui veulent absolument conserver leurs avantages respectifs. Ce mélange d'élan vers l'avant et d'immobilisme peut exercer une force aussi puissante qu'un vortex qui fait tout disparaître à proximité.

Dans cette optique, Minart (2011) mentionne que chaque individu éprouve des tensions intérieures. Celles-ci peuvent devenir une source d'énergie créatrice, mais elles peuvent aussi engendrer l'angoisse, le regret, la désillusion, l'amertume. De ce fait, l'auteur affirme qu'il arrive que nos valeurs ou nos désirs personnels ne puissent pas être satisfaits, compte tenu de l'énergie déployée pour y arriver. Dès lors, un combat intérieur s'installe entre les objectifs que l'on s'est fixés et les lacunes que l'on ne peut combler. Les conséquences négatives de ce conflit intérieur peuvent rejaillir sur l'environnement immédiat, tant à l'extérieur (famille, amis) qu'en milieu de travail (responsable immédiat, collègues de travail).

Pour Daele (2010), une personne est en conflit sociocognitif, lorsque ses conceptions et ses structures cognitives sont confrontées à des informations perturbantes, incompatibles avec son système de connaissances préalable. La perturbation cognitive qui en découle va engager la personne dans la recherche d'un nouvel équilibre cognitif qui tiendra compte de ces informations perturbantes.

Selon Bandura (1986), la direction des changements comportementaux chez l'enfant dépend principalement du contexte dans lequel il vit. Ainsi, lorsque le milieu d'apprentissage de l'enfant se montre hostile, celui-ci peut présenter des transformations cognitives et comportementales à caractère dégénératif.

Dans un autre regard, Vygotsky (1981), après avoir insisté sur le caractère indissociable des pôles cognitif et social, pense que le dispositif pré-opératoire interne à l'individu connait des variations successives dans un environnement caractérisé par l'égocentrisme. Ainsi, le processus des relations interpersonnelles dans un milieu hostile se transforme en un processus intra-personnel d'accumulation de colère, frustrations créant de ce fait, un déséquilibre cognitif lié à l'environnement social. Partant de là, le conflit sociocognitif s'expliquerait par un déséquilibre cognitif imputé à une expérience choquante vécue par un sujet durant un moment de sa vie.

Contrairement à cet auteur, Crocq (1999) conçoit le conflit psychique dans une perspective exclusivement militaire. Il pense que le conflit psychique s'explique par la violence secrète que la guerre inflige dans le psychisme des acteurs et des observateurs directs : souvenirs obsédants, visions hallucinées, cauchemars, sursaut, sentiment d'insécurité, peur phobique, irritabilité et tendance au repli.

Relativement, Ferenczi (1929) évoque l'incapacité de nombreux sujets à s'adapter aux frustrations du monde extérieur et de ce fait, tentent de récupérer une toute puissance narcissique dans une modification de ce monde extérieur. Ainsi, de contradictions intrapsychiques à répétition, ils deviennent plus vulnérables et capables de faire un bond vers la névrose.

Honneth (2006) a développé le concept d'individuation. Dans ces travaux, l'auteur souligne combien les profonds changements socioculturels chez le sujet, la multiplication des relations sociales et la délinéarisation des parcours biographiques influent la formation de l'identité individuelle. De ce fait, le conflit interne surviendrait lorsque le sujet aurait du mal à s'adapter à ces changements sociaux qui catalyseraient une forme d'ambivalence des sentiments susceptibles d'agir sur la structuration de la personnalité du sujet.

Pour Loewald (2003), le psychisme individuel ne se développe pas dans un conflit interne mais dans un échange continu avec le monde extérieur. C'est uniquement parce que des schémas d'interaction ont été progressivement intériorisés par le sujet et que ce dernier parvient à organiser ses pulsions dans un espace intrapsychique de communication, que le processus d'individuation peut s'opérer. À défaut d'apparaître comme le lieu d'une maîtrise de soi, le psychisme individuel se présente comme un espace de communication où les pulsions s'organisent par le dialogue intérieur que les sujets, sont aptes à engager. Le psychisme humain s'apparente donc à un dispositif d'interaction intériorisé qui complète le monde vécu de la communication intersubjective où le sujet rencontre l'autre dans divers rôles d'interaction. Dès lors, le conflit interne apparait chez l'auteur, comme la résultante de l'échec de cette communication intrapsychique chez l'individu combiné à l'affaiblissement progressif du moi.

Toutefois, rejetant la théorie piagétienne et les théories de l'influence environnementale dans la genèse des troubles intra-personnels, les morphopsychologues tels que Torre (2013), estiment que le conflit interne n'est ni provoqué par les expériences vécues durant l'enfance encore moins par l'environnement social dans lequel vit le sujet. Les conflits psychologiques seraient davantage susceptibles de se manifester chez les sujets présentant des traits physiques spécifiques les prédisposant à la sujétion de troubles internes. Ainsi, l'influence de l'environnement social impacterait peu sur la survenance de conflits internes à l'individu, mais que certains individus de façon constitutionnelle, présenteraient une probabilité élevée à des troubles internes que d'autres, en dehors de tout contexte social défavorable.

S'inscrivant dans la même dynamique que celle de son prédécesseur, Stettler (2005) pense qu'il existe différents types de visages : allongé, rond, ovale, carré, rectangle, hexagone, triangle, pointe en bas, pointe en haut qui influenceraient tous de façon particulière les sentiments que ressentiraient fréquemment l'individu.

Pour Sigaud(2013), il existe entre les traits de la forme du visage et les traits du caractère,une constante et bien significative relation qui constitue le fondement de l'individualité psychique. Ainsi, l'activité psychique de l'individu serait, non pas déterminée par l'environnement de vie, mais plutôt par les traits caractériels du visage.

Dans ce même contexte, Kenntnis (1778) soutient que la vie intellectuelle et les facultés de l'âme se manifestent surtout au niveau de la structure du crâne et de la forme du visage, du front, du nez et de la bouche. La proportion du corps et le rapport qui se trouve entre ses parties déterminent le caractère moral et intellectuel de chaque individu. De ce fait, la morphologie du crâne et la forme du visage prédisposeraient certains à des crises internes que d'autres.

Cette conception morphopsychologique qui établit exclusivement le lien causal entre traits de visage et conflits intra-individuels, reste muette quant à l'inclusion des facteurs environnementaux dans la genèse des conflits interne à l'individu. Toute chose qui a été prise en compte par d'autres auteurs qui ont analysé les conflits intra-individuels dans une perspective inclusive.

Ainsi, Corman(1937) inclut les traits physiques et les facteurs environnementaux pour expliquer la survenance des conflits intra-individuels. Pour l'auteur, expliquer le comportement interne d'un individu, reviendrait avant tout, à saisir les données tempéramentales en se basant sur des donnéesbiologiques, mais plus loin, en tenant compte du cadre social dans lequel vit l'individu. Le conflit interne s'expliquerait donc à la foispar rapport à la morphologie du visage et simultanément du vécu de l'individu dans un milieu social déterminé.

Cette conception inclusive a également été soutenue par Tardy (1943), qui établit un parallélisme entre le psychique et le physique, comme manifestation d'une unité fondamentale de l'être. Pour lui, même si la démarche morphopsychologique s'appuie sur des traits caractériels du visage pour comprendre le fonctionnement interne à l'individu, il n'en reste pas moins que ces données doivent se greffer à celles du milieu social pour rendre compte des conflits internes à l'individu.

Cette tentative psychologique d'explication des conflits a certes le mérite de nous renseigner sur la dimension intra-personnelle du conflit à travers colère, frustration, ambivalence d'idées, mais omet le volet extérieur à l'individu puisque le conflit en lui-même se veut interactionnel, c'est-à-dire manifeste entre des acteurs sociaux en interaction. Cette idée nous amène à porter un regard sur les contributions portant sur les conflits en milieu organisationnel.

3.1.1.2. Travaux centrés sur les conflits en milieu organisationnel

Les auteurs qui suivent, évoquent la nécessité puis les facteurs explicatifs des conflits en milieu entrepreneurial. Pour eux, les interactions individuelles en milieu organisationnel sont régulièrement parsemées de litiges, condition indéniable de l'enracinement structurel de ces entreprises qui, tout en les jugulant, se solidifient dans l'environnement professionnel concurrentiel.

Dans cette perspective, Rousseau (1990)tente de comprendre les raisons des conflits en entreprise. Pour lui, une organisation qui dure est celle qui sait traverser les crises et affronter les agressions dont elle est l'objet. Longtemps, les conflits organisationnels ont été niés par certains, considérés comme néfastes par d'autres. Aujourd'hui les crises sont jugés inévitables et constituent souvent l'occasion de réajustements et de réadaptations mutuels d'éléments dont l'évolution non synchrone ou même divergente constitue le cheminement même de l'organisation dans son ensemble. Cependant, les conflits n'ont de caractère constructif que s'ils sont résolus pour certains, prévenus pour d'autres, maîtrisés pour tous. En fait, les conflits n'ont de vertu créatrice que dans la mesure où ils sont résolus par une restructuration de l'organisation dans le sens des changements révélés nécessaires. Le conflit n'a donc pas de vertu créatrice en soi ; ce qui est créateur, c'est de comprendre le conflit d'une part, et de le gérer d'autre part.

Dans cette même orientation, Breard et Pastor (2010) estiment que le conflit est présent au quotidien dans la vie de chaque organisation. Sa gestion est toujours extrêmement difficile et laisse souvent démunis les responsables privés ou institutionnels. Peu d'outils sont en effet mis à leur disposition pour les aider dans cette charge. Ces auteurs proposent une réflexion de fond indispensable à l'analyse et à la compréhension des mécanismes d'émergence des conflits et des méthodes pratiques de prévention et de gestion de ces conflits.

Outre ces auteurs, Combalbert (2006)se focalise sur la négociation de crise et la communication d'influence. En effet, issue de la gestion des situations de forcenés et de prise d'otage par les groupes d'intervention, la négociation de crise pour lui, étend aujourd'hui son domaine d'activité au monde de l'entreprise afin d'aider les dirigeants ou les managers à conduire des situations délicates (négociations commerciales à forts enjeux, clients agressifs, personnalités difficiles) ou pour gérer des incidents graves (conflits sociaux durs, menaces, lock-out et séquestrations).

Dans un autre paradigme, Michit et Comon (2005) observent la répétition de plusieurs ensembles de règles de développement des conflits. Quatre grandes classes de conflits y ont été analysées : conflit d'avoir, conflit de pouvoir, conflit de défense d'identité et conflit de libération. Pour ces auteurs, chaque conflit est spécifique dans sa quintessence et nécessite de ce fait une démarche spécifique de résolution.

Pour Lemaire (2010), les conflits en milieu organisationnel doivent être analysés dans une perspective dépendante des types de relations qu'entretiennent les acteurs professionnels entre eux. Ainsi, pour l'auteur, même si les difficultés que rencontrent les entreprises actuelles sont d'ordre financier, infrastructurel, il n'en reste pas moins que la communication interne à chaque structure est l'élément déterminant qui permettrait à chaque entreprise de s'exclure des difficultés professionnelles profondes dans l'environnement entrepreneurial concurrentiel et caractérisé par des bouleversements permanents.

Dans cette perspective, Ratier (2003) pense que la communication revêt d'une importance particulière dans le milieu entrepreneurial car d'elle, dépend la réussite ou l'échec des activités commerciales de l'entreprise. Ainsi, l'auteur pense-t-il que les gestionnaires de la communication insistent sur la nécessité d'une bonne communication entrepreneuriale afin d'anticiper sur d'éventuels problèmes structurels et corolairement d'infléchir sans cesse l'image de l'entreprise.

Mundoni (2007) pense que la communication a une double fonction au sein de l'entreprise. Elle se présente à la fois comme régulation des interactions et interrelations des acteurs du milieu professionnel mais aussi et surtout, permet de distinguer les différentes catégories professionnelles afin d'éviter d'éventuels conflits de compétence et de profil.

Pour Kah (2016), les conflits observés dans certaines structures nationales de prise en charge tels que le Service d'Aide Médicale Urgente (SAMU) s'expliquent par le fait que les Accidentés de Travail et Malades Professionnels (ATMP) sont pris en charge de façon exclusivement thérapeutique alors que cette prise en charge nécessite un traitement binominal c'est-à-dire clinique et psychologique. Ces ATMP seraient pour l'auteur, de plus en plus confrontés à la hiérarchie du SAMU et exposés à des actes de suicide.

Outre cet auteur, Andé (2016), dans l'analyse de la politique sociale au sein de la PETROCI-HOLDING, relève une dépendance intrinsèque de l'orientation de la politique sociale aux objectifs de la structure. A cette donne, l'auteur ajoute une apathie des dirigeants dans la réalisation des projets sociaux et des licenciements abusifs, partiaux dans cet environnement où les dirigeants cherchent uniquement à accroître leur chiffre d'affaire. Relativement, l'auteur noterait des grognes et plaintes fréquentes des employés, caractéristique des conflits internes.

Pour Yeboua (2016), la communication externe de la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale du Plateau souffre de nombreux maux tels que l'insuffisance du budget alloué pour la communication externe, l'incompétence en ressources humaines, l'indisponibilité des services de communication et des outils de communication externe. Ces failles troubleraient le travail professionnel des agents qui, tout en réclamant des moyens, se heurtent à une hiérarchie qui, loin de fournir les outils, conditionnent leur maintien dans l'entreprise, aux résultats qu'ils obtiennent avec ces moyens dits insuffisants. Dans ces conditions, l'auteur dit, assister à des conflits permanents entre hiérarques et subordonnés de cette structure.

A la mairie de Cocody, Mankambou (2016) révèle que les conflits internes sont liés à une gestion partiale des indemnités obligatoires et discrétionnaires. Pour elle, les dirigeants de cette collectivité territoriale occultent les critères de sélection des bénéficiaires d'indemnités puisque ceux-ci seraient influencés par le bord affinitaire et la disponibilité totale au Maire à des fins, non pas d'activités professionnelles, mais plutôt de commérages et de dénigrements des autres acteurs de l'entreprise. Ces conflits seraient fréquents et se solderaient régulièrement selon l'auteur, par des révocations sans motifs explicites de nombreux agents ayant brandi une opinion différente.

Lassarade et Toa (2008) pensent que les méthodes de résolution traditionnelles telles que l'arbre à palabres utilisées dans les entreprises ivoiriennes semblent ne pas être en phase avec les mentalités culturelles des dirigeants et même des salariés aux origines socioculturelles diverses. Ainsi, les conflits internes aux entreprises se révèleraient comme le résultat d'échecs de communication lors d'interactions culturelles propres au contexte socioculturel en Côte d'Ivoire qui voit la permanence de tensions liées au côtoiement des ethnies et à l'affirmation de l'identité culturelle au sein de l'entreprise.

A Cargill West Africa, Odi (2017) impute la nonchalance des activités professionnelles et les grognes des travailleurs en un ensemble de facteurs concernant respectivement l'administration du personnel, la paie et la formation continue. Ainsi, l'auteur pense qu'il faille prendre en compte cette dynamique tripartite si la direction générale souhaite donner un nouvel élan productif à cette entreprise internationale.

A l'instar des entreprises internationales, Silué (2017) s'est intéressé aux difficultés liées au dialogue social au sein de l'Agence Nationale d'Appui au Développement Rural (ANADER). A ce propos, l'auteur rélève un conflit permanent entre trois entités de l'entreprise : la direction, les représentants syndicaux et le personnel. L'auteur affirme que si les travailleurs dans leur ensemble stigmatisent ces représentants syndicaux (délégués syndicaux, délégués du personnel), cela s'explique par cette alliance subitement créée entre la direction et ces syndicalistes désormais qualifiés de corrompus et d'insensibles face aux difficultés sociales des travailleurs de l'ANADER.

Dans la plupart des sociétés de restauration Abidjanaises telles que M'PÖ, Gnirihoua (2017) impute les difficultés structurelles et communicationnelles à une mauvaise définition du profil de poste des employés, au manque d'affiliation de l'entreprise à une banque pour la gestion des salaires et à la promotion du bord culturel dans le processus de recrutement.

Toujours dans le milieu Abidjanais, Yoro (2017) pense que les obstacles au financement de l'habitat à Abidjan sont de plusieurs ordres : difficultés d'insertion sur le marché du travail, faiblesse du niveau de revenu général de la population, faiblesse de bancarisation et des capacités d'accès au crédit. Ces obstacles s'expliqueraient selon lui, par l'absence d'une vision claire de l'habitat, l'absence d'une démarche professionnelle de la gestion des projets et l'inexistence d'un classement pour les entreprises de construction à Abidjan.

Relativement aux instituions de restauration, Coulibaly (2017) pense que les structures chrétiennes en général et catholiques en particulier ne semblent pas échapper à ces difficultés internes. Ainsi à la Direction Nationale de l'Enseignement Catholique de Côte d'ivoire, l'auteur impute la confusion des rôles des acteurs professionnels et la faible maîtrise de leurs mouvements à une absence de sous-direction habilitée pour définir le profil de ces acteurs et les risques liés à l'intégration de l'ensemble de l'ensemble des travailleurs dans un même vecteur motivationnel.

A l'Agence de Gestion Foncière, Yah (2017) affirme que la communication interne qui y est désormais instaurée, est une communication de type « intra muros » et la direction, au lieu d'activer quelques leviers de cette communication interne (notes de service, réunions, mémos, affichage, appels, sms) se résignent à cette nouvelle forme de communication (information de couloir, chuchotement et commérages) qui décrédibilise la structure.

Par ailleurs, Gnabeli et Bazin (1996) estiment que dans l'entreprise Coparci (Bouaké), le « patron » qui, à lui seul concentre tous les pouvoirs, se trouve fréquemment confronté à des travailleurs quiluttent en permanence pour l'amélioration des conditions de travail et de rémunérations (accès aux prêts et aux soins). De ce fait, ces employés profiteraient du climat conflictuel pour dénoncer les défaillances du «patron » réinterprétées au moyen d'une mise en accusation (méchanceté et volonté délibérée de nuire).

Pour Kana (2015), la stratégie de gestion des compétences à la mairie d'Adjamé se trouve biaisée par une absence quasi-totale du profil de poste des employés à laquelle se greffe la médiocrité de quelques agents travaillant sous le tutorat des hiérarques et une impertinence de la formation continue. Ces facteurs sus-cités provoqueraient une mésentente régulière entre les dirigeants et les exécutants, dans cette structure où le bord politique est privilégié dans l'attribution des boni salariaux, des avancements et des révocations.

Dans un autre paradigme, Nibié (2016) impute les conflits au sein du BNETD à un ensemble hétéroclite de facteurs dont le dysfonctionnement de la communication pendant les missions, l'absence de feuille de route clairement élaborée, les difficultés d'hébergement des agents en mission, le manque d'équipements de protection des agents et une absence de politique de récompense.

Pour Zahourou (2015), l'organisation du travail au sein de la bourse régionale des valeurs mobilières d'Abidjan est altérée par un manque de confiance entre dirigeants et subalternes qui se traduisent par un refus des dirigeants de déléguer certaines responsabilités aux subordonnés. Cette difficile collaboration entre ces acteurs organisationnels complexifierait davantage l'exécution des tâches professionnelles, renforcerait les tensions au sein de la structure et provoquerait continuellement un taux remarquable d'absentéisme des agents et des départs volontaires.

Aussi, s'inscrivant dans la dynamique du précédent auteur, Aby (2015), dans l'analyse des conditions de travail des agents des établissements sanitaires (centre de santé d'Angré), pense-t-elle que l'exercice de la profession sanitaire s'effectuant dans les conditions non-ergonomiques (inconfort des meubles, désuétude des appareils du laboratoire, insécurité des agents) renforcerait les plaintes des agents qui revendiqueraient régulièrement des conditions idoines de travail.

Pour Kouadio (2016), la politique commerciale au cabinet EXCEPT média est altérée par l'insuffisance de l'allocation budgétaire, la défaillance de véhicules pour les agents, l'absence de standardiste et une insuffisance des outils de communication externe. Ainsi, tandis que les commerciaux usent de moyens de contournement des failles précités, les hiérarques, eux, exercent une pression sur ces employés qui, à moins d'atteindre les objectifs financiers affichés, restent exposés à des révocations pluriels et à des propos dénigrants.

Pour Zouzou (2016), bien que le cabinet Egard architecture dispose d'un service et d'acteurs en charge des états financiers, les comptables de cette structure seraient soumis continuellement à une pression du Directeur et encouragés par celui-ci à s'inscrire dans une démarche de corruption active des agents du Trésor dans le but d'effectuer des paiements clandestins et parcellaires face au patrimoine financier assez remarquable de l'entreprise. Aussi, l'auteur ajoute-t-il que les agents qui, par dévotion religieuse refusent cette procédure d'inobservation de la législation fiscale et la falsification des pièces comptables, sont expulsés au moyen d'une erreur professionnelle improvisée.

Dans cette dynamique, Koudou (2016) pense qu'au-delà du budget de fonctionnement insuffisant et de l'insuffisance de matériels de fonctionnement, le conseil régional du Goh, selon les dispositions de la loi n?
·98-485 du 04 Septembre 1998 relatives aux missions du conseil régional, rentre régulièrement dans un conflit de compétence avec la mairie de Gagnoa. Ce conflit se percevrait sur le terrain par une dualité entre agents chargés du recouvrement de taxes au sein de la région du Gôh.

Pour Momy (2016), la direction régionale des impôts Abidjan-nord 5, bien qu'ayant opté pour un style de management de type intégratif, exclut les employés de la base de la prise des décisions et inclut tous les acteurs professionnels dans un seul et même moule motivationnel ; une sorte de management collectivo-centré. Ce qui crée selon l'auteur, des grognes sectorielles et des départs volontaires au sein de cette structure financière nationale où agents espéraient un style managérial de type individualo-centré, c'est-à-dire celui qui tient compte de l'aspiration managériale de chaque acteur professionnel.

Dans cette perspective financière, Diarassouba (2017) soutient que le processus de contrôle budgétaire de la société des palaces de Cocody manque de consommables tels que : la formule efficiente et adaptée pour l'élaboration du contrôle budgétaire, une absence de tableau de bord financier et une absence de cartographie pour la gestion des risques budgétaires éventuels. De ce fait, l'auteur affirme que les comptables les plus expérimentés esquissent quelques fois des schémas financiers improvisés qui ne sont salués que s'ils restent sanctionnés par des résultats de croissance du chiffre d'affaire ou le cas échéant, imputés à son auteur qui subit dans bien de cas, des préjudices moraux et financiers.

Pour Diabagaté (2017), le recouvrement fiscal en Côte d'Ivoire reste sujet à une double série de facteurs (endogènes et exogènes). Dans la première, l'auteur évoque la non-imposition des taxes dans le secteur agricole et informel et l'exonération des impôts. Dans la seconde, elle mentionne un problème de confiance et de légitimité des impôts. Ainsi, en milieu interne, tandis que quelques professionnels luttent pour une couverture nationale des impôts sur l'ensemble des activités génératrices de revenus journaliers ou mensuels, ils se heurtent à résistance d'autres collègues sur ce point, caractéristique des désaccords internes à la Direction Générale des Impôts.

A l'instar de ces études axées en organisation financière, des études ont pareillement été effectuées dans d'autres milieux sociaux tels que dans les établissements de santé (Zan-Bi, 2017). Ainsi, dans l'analyse des conditions de prise en charge des accidentés de travail et malades professionnels, l'auteur pense que celles-ci se particularisent par la surfacturation des prestations, le désintérêt des patients, le mauvais accueil du personnel soignant, la divulgation des secrets tenant à l'intimité des patients, le cadre physique défavorable, l'insuffisance du matériel de travail, l'abstention volontaire de prodiguer des soins de qualité. Ces difficultés seraient fortement corrélées à une combinaison de facteurs à la fois internes et externes aux consciences du personnel de santé pour générer une désapprobation des patients manifestée par des murmures ou par leur repli sur soi.

Faulx, Erpicum  et Horion (2005)soutiennent que les tensions en milieu professionnel, sont nombreuses. Une première oppose logique de qualification et logique de compétence. Ainsi, alors que le recrutement par concours et l'appartenance à la fonction publique met l'accent sur la qualification, la construction de l'expertise du conservateur repose sur l'expérience et la compétence. D'autres tensions découleraient aussi selon l'auteur, des hiérarchisations contradictoires qui s'établissent entre les fonctions de collection et de recherche et les fonctions d'animation culturelle et de management dans le milieu professionnel français.

Dans cette dynamique d'appréhension des rixes intra-organisationnelles, Dine (2008) en se fondant exclusivement sur les conflits entre collègues du même statut hiérarchique, affirme que cette typologie de conflit est rarement appréhendée de la manière dont le suggèrent les ouvrages méthodologiques. Ces ouvrages méthodologiques fourniraient peu de tacites directement applicables en la matière et invite par ricochet à une réticence quant à l'usage de ces ouvrages dans la résolution des conflits intra-organisationnels.

Dans le milieu scolaire, Perrenoud (2005) dénote d'après ses investigations, deux types de comportement pouvant faire l'objet de dispute ou de rejet entre collègues. Au niveau des enseignants, l'auteur pense qu'un enseignant fait l'objet de violence et de regards méprisants de la part de ses collègues s'il cumule les actions suivantes : prendre le parti des parents, se comporter en leader et mettre en débat ce qui va de soi. Au niveau des apprenants, l'auteur mentionne qu'un bon apprenant aurait des attitudes inhibitrices de conflit ; en d'autres termes, ce serait quelqu'un qui, dans sa quête d'apprentissage, ne laisserait pas les autres tranquilles, il les «  dérange », ne serait-ce qu'en formulant une autre vision du possible et du nécessaire, en mettant autrement en évidence les responsabilités, en suscitant parfois des culpabilités. Dès lors, assumer une identité de praticien réflexif, ce serait assumer un rapport aux autres qui peut engendrer agacement, rejet, ironie, controverse, lassitude et marginalisation.

3.1.1.3. Travaux centrés sur les conflits générationnels et communautaires

Dans ces travaux, les auteurs s'accordent sur le fait qu'il existe une diversité de conflit dans la sphère sociétale. Il s'agit notamment des conflits générationnels, intercommunautaires, des conflits de succession, .... Pour eux, chaque type de conflit est spécifique dans sa quintessence et nécessite par ricochet une méthode de résolution spécifique à l'unicité problématique posée. Ainsi, pour Délestre (2017),la jeunesse actuelle, on ne peut la définir et l'expliquer facilement. En effet, les tendances d'aujourd'hui, les changements du XXIe siècle, nous conduisent vers une métamorphose radicale de la jeune génération. C'est notamment trop visible dans leur comportement, leur éducation, leurs aspirations. Et ce qui caractérise leur comportement, c'est premièrement leur désir exacerbé de jouir de la liberté. Dans le même temps, on peut affirmer que cette aspiration à l'indépendance suscite directement un nombre infini de conflits entre les adultes et les ados. Même si c'est difficile à comprendre, souvent on peut être témoin d'une divergence d'opinions, d'idées différentes, des problèmes dans une famille, ce qui par conséquent, donne naissance àdes disputes entre des classes d'âge différentes.

Relativement à Délestre (2017) qui s'attarde sur la distance réflexionnelle et actionnelle entre les jeunes et les plus âgés, Miquet-Marty et Preud'homme (2013) pensent les jeunes souffrent aujourd'hui d'une absence de prise en compte au sein des espaces de pouvoir (politiques, institutionnels ou privés). Cet état de fait est accentué par les contraintes économiques, qui ont dans le même temps, mis à mal les perspectives de progression sociétale et créé un sentiment d'impuissance face aux grands enjeux politiques et sociaux. Ainsi, l'idée de « ne pas pouvoir changer les choses » globalement et directement semble avoir rendu la jeunesse cynique, individualiste, désengagée ou même rebelle envers les vieux.

Dans ce même registre, l'Association pour une Fondation Travail-Université (2006) remarque qu'une génération est un groupe particulier dont les membres partagent une proximité en âge et ont traversé, à des étapes déterminantes de leur développement, des événements de vie semblables. Ainsi, caractériser les générations revient donc à identifier ces expériences particulières ainsi que les événements et cadres sociaux auxquels ils réfèrent. Les transformations contemporaines du social, en général, et du monde du travail, en particulier, ont à la fois contribué à produire des générations de travailleurs caractérisées par des attitudes, des attentes et rendu les rapports intergénérationnels complexes et régulièrement considérés comme conflictuels.

Pour Coser (1970), aujourd'hui nous sommes entrés dans la société à quatre générations et celles-ci sont bien visibles. Ces générations cohabitent et construisent leur horizon en référence à des partenaires qui ont entre zéro et quatre-vingt-dix ans. L'identification de ces partenaires est certainement rendue plus complexe par la diversification des familiales induites par l'éclatement et la recomposition des familles auxquelles s'ajoutent les effets d'une notable mobilité géographique. Ainsi, les moyens de construire la sécurité de ces individus issues de générations clivées apparaît dans un contexte ou l'héritage est particulièrement copieux, riche de réalisations solides, conquises de haute lutte et consolidées dans des périodes fastes.

Dans une autre démarche, Ntita (2014) pense quece sont l'absence de communication entre parents et enfants, l'incompréhension des besoins intimes des enfants, les changements psychiques et physiologiques surtout à l'âge de l'adolescence, l'amour excessif des parents qui leur empêche de donner une marge de liberté aux enfants et le refus d'appliquer les conseils des parents sont autant de facteurs qui selon l'auteur, engendrent des divergences d'opinions et même de rixes entre parents et enfants.

Selon khalil  (2015), la strate sociale, la coexistence de différentes ethnies et les difficultés communicationnelles entre parents et enfants, sont les principales causes des conflits de génération. En effet, l'auteur soutient d'abord que beaucoup des parents n'acceptent pas que leurs enfants se marient avec des personnes d'autres strates sociales. Ensuite, le brassage culturel qui engendre un brassage intergénérationnel parsemé de litiges et enfin la difficulté pour les plus âgés de comprendre les attitudes, les choix et comportements de cette nouvelle génération.

Toutefois, même si la littérature est assez fournie en matière de conflits intergénérationnels, cela n'implique pas nécessairement des velléités scripturales sur les conflits intercommunautaires. Bien au contraire, la question y est abordée sous différents angles. Dans cette dynamique, Mbokani (2008) substitue tout conflit en des tensions violentes et pense que le conflit armé du Congo prend sa racine dans une multiplicité des facteurs dont l'effondrement et le manque d'indépendance de l'appareil judiciaire, l'inexistence des services publics tant administratifs que sociaux. Ainsi, dès lors qu'il n'existe plus d'administration, l'auteur pense que les services les plus élémentaires (actes de naissance, les certificats de mariage, certificat de décès, le recensement de la population) restent difficiles à obtenir, et par conséquent, augmente la stigmatisation populaire de cet Etat que nombres de clans armés cherchaient à renverser.

Pour Bisonga (2009), c'est en milieu familial ou intracommunautaire que se perçoit véritablement la question des conflits. Ainsi, les normes contenues dans la loi relative aux actes d'état civil, sont mal comprises et mal intériorisées par les tiers, lors du partage du patrimoine successoral. Relativement, les héritiers et particulièrement le conjoint survivant et les enfants du défunt se sentiraient victimes de spoliation, d'expropriation voir même, d'agressions de tout genre.

Dans cette perspective, Selas (2016) inventorie une typologie tripartite des conflits intra-communautaires dont les uns aussi bien que les autres, génèrent des litiges sanglants au sein de théâtre familier ou intracommunautaire. Il mentionne de ce fait que les conflits dans l'arène communautaire sont catalysés par des facteurs tels que : la succession bloquée par un ou des membres influents de la famille, les divisions successorales et le partage inégalitaire des biens.

Selon la Chambre des notaires (2016), il y a conflit communautaire lorsque les acteurs en présence ont du mal à établir la corrélation entre les supposés droits et leurs droits réels selon les prescriptions des lois en vigueur. De ce fait, cette chambre remarque que les acteurs sociaux qui font preuve de carences normatives, s'en remettent à des notaires, qui eux aussi, paraissent intervenir dans un litige qui aurait pu faire l'objet d'un compromis en milieu intracommunautaire.

Dans le Sud-est du Nigéria, Pérouse (2015) révèle que les conflits communautaires s'articulent autour du partage des ressources de l'or noir. Pour lui, toutes les couches sociales ne bénéficieraient pas au même titre, des ressources issues de l'exploitation de cette richesse. Ce qui susciterait des compétitions et affrontements ethniques entre les majorités et les minorités autochtones dont les principales cibles constitueraient les minorités les plus affirmées (les Ogoni et les Ijaws).

Ces auteurs ont le mérite de nous renseigner sur la nécessité, la récurrence et les facteurs explicatifs des conflits en milieu professionnel et intra-sociétal. Toutefois, cette approche parait généraliste car elle ne prend pas en compte la spécificité des conflits fonciers surtout en milieu rural. Toute chose qui nous amène à analyser les différentes approches abordées par les fonciologues en la matière.

3.1.2. Travaux centrés sur les conflits fonciers et leur gestion

3.1.2.1. Travaux centrés sur les conflits fonciers

3.1.2.2 Travaux centrés sur la saturation foncière

Dans ces écrits, les auteurs montrent l'influence de la rareté des terres, de la croissance démographique rapide imputée aux vagues migratoires successives et incontrôlées, de la saturation foncière et de la pression anthropique dans le déclenchement des conflits fonciers dans zones explorées.

Ainsi, pour Kirat et Melot (2006), dans l'analyse du phénomène dans les contrées d'Isière, Lorie-Atlantique et Seine-Martinique en France, les conflits d'usage renvoient à la confrontation de préférences individuelles et collectives sur l'allocation des espaces et des actifs naturels localisés.

Ces conflits fonciers, révèlent des externalités négatives induites par les changements dans l'allocation des espaces à usage agricole, industriel, résidentiel et récréative. Ainsi, leur nombre, leur proximité géographique et symbolique sur le même territoire, renforcerait la montée des antagonismes entre usagers fonciers.

Toujours en France, Dachary, Gaschet, Lyser , Pouyanne et Virol (2011) montrent dans une approche transversale entre côtes Basque et Charentaise, que le foncier d'une manière générale, fait l'objet d'une concurrence énorme entre différents usagers, notamment dans l'agriculture et le résidentiel. Cela s'est traduit par la pression considérable sur le littoral du fait de son attractivité.

Ainsi, les vagues migratoires sur les territoires littoraux, l'utilisation abusive des territoires pour la construction de logements, l'invocation des politiques foncières, leurs carences dans la maîtrise de l'urbanisation littorale et la multiplication des établissements publics fonciers, sont autant de facteurs qui expliqueraient la survenance des conflits fonciers dans le littoral français.

Par ailleurs, Alkassoum (2006), dans un regard sociologique sur les facteurs liés à l'émergence des conflits fonciers au Burkina Faso, pense que la mauvaise gestion des ressources naturelles est à la base de nombreux heurts dans les zones d'accueil des transhumants. Lesquels espaces seraient à la fois disputés par les agriculteurs, les peulhs et les transhumants.

Dans cette zone du Burkina, l'auteur dénombre 59,1% des conflits comme ceux survenant entre autochtones agriculteurs et peulhs sédentaires, 9,1% entre agriculteurs et transhumants, 13,6% entre agriculteurs eux-mêmes. Cette fréquence assez élevée des conflits fonciers entre agriculteurs et éleveurs s'explique selon l'auteur, par le non-respect des limites des champs, la superposition des droits revendiqués et l'usurpation des titres de propriété.

Dans la même dynamique, Tallet et Paré (1999) analysent les conflits fonciers dans une approche géo-statistique, mettant ainsi en relief la variation pluviométrique et la concentration spatiale des populations dans les zones fertiles.

Pour ces auteurs, l'évolution des conflits fonciers sont à rapprocher des conditions écologiques. De ce fait, l'hétérogénéité des conditions naturelles, la variabilité des sols et la répartition déséquilibrée de la pluviométrie (allant de 350mm à 1250 mm de pluie par an) sont les facteurs qui expliquent l'évolution spatio-temporelle des conflits fonciers au Burkina Faso.

La concentration des populations dans les zones dominées par les plateaux se traduit par le fait que certaines zones Burkinabaises soient plus productives que d'autres et de ce fait, sont plus enclin à la survenance des conflits fonciers.

Dans les contrées malgaches, Rakotovao (2011) révèle que le foncier est à l'origine de nombreux conflits sociaux conduisant d'une part à des clivages et exclusion foncière de certains groupes, et d'autre part, à un ralentissement du développement économique national. Aussi, la récurrence des conflits fonciers dans cette communauté malgache a-t-elle provoqué une course vers les instances juridiques de régulation foncière de sorte que 80% des affaires foncières sont traitées par les tribunaux.

D'un autre point de vue, Kouamékan, Kouadio, Komena et Ballet (2009) pensent que les inégalités socioéconomiques observées en côte d'ivoire font désormais l'objet d'analyse dans leurs relations avec la gestion des ressources naturelles. Cette inégalité se retranscrit parl'accès inéquitable des ruraux, aux ressources. Ainsi, l'émergence de nombreux conflits fonciers ces dernières années serait la résultante de cette structuration inégalitaire de l'accès au foncier.

De ce fait, ces auteurs font ressortir que la contribution du milieu rural à la pauvreté nationale en 2008 était de 75,4% contre 24,6% en milieu urbain (INS, 2008), révélant d'une part que, plus de trois quarts des populations pauvres vivent en milieu rural et d'autre part, que la pauvreté est donc plus rurale qu'urbaine en raison de la difficulté des pauvres à accéder aux ressources non renouvelables.

Dans cette même optique, Traore (2012) soutient que l'absence de règlementation limitant l'accès de l'acquisition massive des terres agricoles en Côte d'ivoire, ouvre la voie au désordre et à l'anarchie. Les hommes politiques se procurent plus de 200,  300 voire 500 hectares de forêt par personne, réduisant considérablement l'espace de cultures des petits paysans, qui s'engagent çà et là, dans de vaines tentatives de récupération de certains lopins de terre pour subvenir à leurs besoins.

D'un autre côté, Merabet (2006) impute la survenance des conflits fonciers en côte d'ivoire, aux flux migratoires successifs et incontrôlés. Pour lui, la population étrangère a crû continument en côte d'ivoire, passant de 1,4 millions à 4 millions en moins d'une décennie. Cette population majoritairement Africaine provient particulièrement du Burkina Faso, 56%, du Mali, 19,8% et de la Guinée 5,8%. La croissance continue des allogènes, se serait faite avec des disparités spatiales qui se sont corrélées à l'évolution des cultures de rentes telles, le café et le cacao.

Pour Le Roy et Lasserve (2012), la situation foncière actuelle de l'Afrique est le résultat d'une évolution. Elle est caractérisée à la fois par une forte croissance de la population, l'intégration à l'économie mondiale, une augmentation significative des surfaces mises en culture, la fragilisation des milieux naturels, une tendance à l'épuisement des sols et des ressources en eau et enfin, l'extension des superficies occupées par les villes. L'accroissement de la demande de terres agricoles se traduit par une pression générale sur le foncier mettant en présence, exploitants agricoles (paysannerie locale), investisseurs nationaux et investisseurs étrangers.

Pour Kouamé (2013), il existe un lien entre l'ampleur des conflits fonciers et les occupations massives de plantations decacao et de café. Ce sont ces occupations de plantations qui déterminent l'ampleur ou l'extension des conflits fonciers.Cela s'explique par le fait que les logiques économiques et politiques englobent une juxtaposition d'intérêts contradictoires qui, non seulement conditionnent les stratégies des acteurs, mais aussi et surtout complexifient les conflits fonciers.

Selon Kouassi (2017), les conflits fonciers et leurs rebondissements actuels s'expliquent certes par la croissance démographique de la population ivoirienne conjuguée aux flux migratoires élevés, mais davantagepar les divergences politiques qui se sont succédées après la mort du premier président Félix Houphouët Boigny. Cette impasse sociétale créée par les élites, a ouvert la voie à un ralliement des populations en ligne identitaire, constituant de ce fait, un terrain propice à des contradictions foncières, voir des rixes entre communautés sédentaires du pays.

Dans un autre regard, Gausset, (2008) affirme que le sud-ouest du Burkina Faso, relativement fertile et peu peuplé, attire depuis quelques décennies un grand nombre de migrants internes cherchant à améliorer leurs conditions de vie. Ce phénomène a pris une telle ampleur que dans plusieurs localités, les « migrants » sont aujourd'hui plus nombreux que les « autochtones ». Un tel flux migratoire en milieu rural ne va pas sans poser des problèmes de cohabitation entre différents groupes, particulièrement au niveau de la gestion du pouvoir et des terroirs. On assiste dès lors à une lutte permanente entre les autochtones et ces migrants.

Cette idée de pression démographique est d'autant plus soutenue par Kakule (2010) qui estime que la problématique foncière en République Démocratique du Congo continue toujours de susciter des inquiétudes. Les pressions démographique et commerciale ainsi que les mouvements de retour des déplacés internes et des réfugiés dans la période post-conflit, engendrent une compétition très ardue pour l'accès et le contrôle de la terre. Ces faits occasionnent très souvent des conflits fonciers qui perturbent la paix sociale.

Pour Zadou, Kone, Kouassi, Adou, Gleanou, Kablan, Coulibaly et Ibo(2011), la Forêt des Marais Tanoé-Ehy est sujette à de fortes pressions anthropiques qui se traduisent par le braconnage, le prélèvement anarchique des ressources naturelles, l'exploitation forestière et les tentatives de défrichements agricoles.

Ainsi, de 15 millions d'hectares de forêt au début du XXème siècle et de douze 12 millions d'hectares à l'indépendance, la couverture forestière de la Côte d'Ivoire est estimée aujourd'hui à environ trois millions d'hectares. Le manque de terres disponibles pour ces auteurs, pousserait certaines populations à s'engager dans l'exploitation agricole des forêts classées.

La situation serait encore plus alarmante dans le domaine rural où certaines forêts de propriété commune restent assujetties au libre accès pour une exploitation anarchique par certains membres du groupe.

Relativement à ces auteurs, Dévérin (2005) estime que la Côte-d'Ivoire connaît l'un des plus forts taux d'immigration au monde: 26 % de sa population. Dans les plantations de cacao, ce sont les burkinabé et les maliens qui collectent les fèves, mais aussi des baoulé ou d'autres allogènes (originaires d'autres zones de la Côte-d'Ivoire). Avec ce nombre croissant de populations (autochtones, baoulés, burkinabè, maliens,...), le défrichage de la forêt et l'extension concomitante des surfaces exploitées se feront dans une opacité juridique totale avec des empiétements fréquents des normes locales, caractéristiques de rixes latentes.

Dans cette logique, Chauveau, Colin, Bobo, Kouamé, Kouassi et Koné (2012) sont d'avis quele conflit ivoirien (2002-2011) a exacerbédes tensions foncières anciennes engendrées par d'intensesmigrations agraires, notamment dans la zone forestière ivoirienne. Cette population qui a cru rapidement sous les effets conjugués de la poussée démographique nationale et des migrations extérieures a engendré une pression foncière, des fractures sociales durant l'ultime phase du conflit ivoirien.

Banzhaf et Drabo (2000) mettent en avant l'inégale répartition pluviométrique et la concentration des populations vers des zones moyennement alimentées en eau. Pour ces auteurs, le processus de dégradation dont souffrent les contrées Burkinabaises est lié à une péjoration climatique générale à laquelle se sont ajoutés les effets démographiques et l'immigration des populations venant des zones encore plus touchées par la désertification. Les rapports entre ces acteurs aux activités différentes (agriculture et élevage), deviennent de plus en plus concurrentiels, avec une mainmise accrue de l'activité agricole sur l'espace foncier et par conséquent une diminution des superficies pâturables.

Dans la même orientation, Mathieu,Matabaro et Tsongo (1994) affirment le Nord-Kivu de la République Démocratique du Congo connait une escalade de violences foncières liées au rétrécissement de l'espace disponible pour des paysanneries de plus en plus nombreuses, à la dépossession foncière de ces mêmes paysanneries, en grande partie organisée par la collusion entre chefs coutumiers, bourgeoisies, urbaines et administrations corrompues. Enfin, par l'incertitude et la précarité croissantes des droits fonciers paysans, résultant à la fois des pratiques foncières clientélistes et opportunistes des chefs coutumiers autochtones.

Pour Ibo (2012), les acquisitions massives des terres interviennent dans un contexte de saturation foncière généralisée. Dans certaines zones comme le Sud-ouest, notamment dans le département de Méagui, les densités de peuplement excède 80 hab/km2 contre 48 hab/km2 au niveau national. Quant à la densité agricole, elle est va au-delà de 100 exploitants au km2. Les agriculteurs sont obligés de replanter certaines vieilles parcelles, pour ceux qui veulent innover.

Cet aspect de saturation foncière a été aussi évoqué par Bonnecase (2001) pour qui, la politique volontariste de mise en valeur de la colonie a favorisé le gonflement des flux migratoires de populations en quête d'espaces de culture dans les premières décennies de l'accession à l'indépendance. Les conflits fonciers apparaissent comme une opposition récurrente, une indexation mutuelle entre autochtones et allogènes, ivoiriens ou non ivoiriens, ceux-ci étant accusés par ceux-là d'occuper une terre qui ne leur appartient pas.

Selon Chauveau, Colin, Jacob, Lavigne et Le Meur (2006), depuis une quinzaine d'années, les problèmes fonciers se multiplient en Afrique de l'Ouest et se caractérisent par une marchandisation foncière croissante et une compétition accrue entre acteurs (entre ruraux et urbains investissant dans la terre), dont la cohabitation foncière est conflictuelle. Par ailleurs, si les premières décennies après l'accession à l'indépendance ont été marquées par la cohésion entre les communautés, il n'en demeure pas moins que de nos jours, la saturation sociale et foncière soit les signes révélateurs d'éventuels litiges fonciers.

Pour Diakité et Coulibaly (2004), la gestion durable du foncier rural s'avère d'autant plus problématique que la compétition pour l'accès à la terre s'intensifie de jour en jour sous les effets conjugués de la pression démographique et pastorale, de la fréquence des déficits pluviométriques et de l'évolution inquiétante du processus de dégradation de l'environnement. Par ailleurs, la superposition du droit positif et des droits coutumiers complique davantage la question foncière en ouvrant la porte à toute sorte de confusions, spéculations, conflits et procès judiciaires qui ne cessent de compromettre à la fois la sécurité foncière et la stabilité sociale des communautés rurales dans le nord de la Côte d'Ivoire.

Selon Tape (2000), les lacunes du système foncier précédent, les enjeux économiques, la difficile intégration sociale des populations allogènes, la saturation sociale et foncière sont des facteurs qui contribuent fortement à l'émergence des litiges fonciers à Soubré.

Dans cette même logique, Houdeingar (2009) pense que les conflits fonciers au Tchad seraient favorisés par le changement des règles d'accès et d'appropriations des terres en raison de la croissance démographique remarquable (hausse de la valeur de certaines terres, monétarisation des échanges et individualisation des rapports sociaux et financiers).

Pour Ghisalberti (2011),la mobilité est la principale caractéristique des populations sahéliennes qui, depuis des siècles, se déplacent non seulement car leur espace d'action est ouvert et peut favoriser les grands mouvements, mais aussi du fait des modalités traditionnelles d'exploitation des ressources naturelles. Dès lors, les populations migrantes fuyant des crises environnementales liées aux sécheresses cycliques, se focalisent dans des localités supposées propices, bouleversant ainsi l'ordre foncier qui y est établi, par des négociations officielles et officieuses, prophylactique à des conflits sectoriels en urbain et rural.

Pour Mfewou (2013), les paysans migrants et la société agro-industrielle de la Bénoué (SAIB), installés en 2000 dans le Nord-Cameroun, à un point névralgique pour la réalisation de son projet rizicole et fruitier, n'ont pas valorisé l'aval du barrage hydroélectrique. En conséquence, cette installation qui a fait déguerpir 36 % des paysans dans ce périmètre irrigué, a occasionné une série de conflits fonciers entre différents acteurs (paysan, SAIB, élites, lamido, nouvelle génération) qui ont été longtemps négligés par l'État. 

Tallet (1998) soutient que l'Ouest du Burkina Faso connaît depuis trente ans un fort courant migratoire. Il pense que l'ampleur des défrichements, la rapidité des changements socio-économiques bouleversent les rapports fonciers traditionnels : multiplication des conflits fonciers, évolution des contrats agraires.

Selon Maldidier (2000), les conflits fonciers sont provoqués par la réorganisation du milieu rural et l'accroissement des inégalités sociales dans les campagnes qui ont engendré d'importantes conséquences sur le plan foncier, ont fait naître une « pénurie » de terres, suite à l'accentuation des mouvements migratoires au début du siècle. Ainsi, la terre est devenue un enjeu d'une compétition foncière que ce soit dans les régions présentant un dynamisme économique marqué, ou dans d'autres où les bonnes terres sont en faible disponibilité.

Pour Kyaghanda (2008), les conflits fonciers dans le nord Kivu peuvent se résumer à trois facteurs à savoir la course aux ressources naturelles, la faiblesse de la réaction de la communauté internationale face aux crimes graves commis à grande échelle en RDC, et enfin la prolifération des milices dues au retrait des armées étrangères autrefois présentes en République Démocratique du Congo.

Toutefois, Ghisalberti (2011), dans une analyse du rapport entre migrations et conflits dans les régions sahéliennes, souhaiterait faire la distinction entre saturation sociale et saturation foncière. Elle pense de ce fait que ce n'est pas parce qu'il y a saturation sociale dans l'ensemble des villages sahéliens qu'il y a nécessairement saturation foncière dans ces village et qu'il n'existe pas de lien direct entre saturation sociale et conflit foncier. Dès lors, l'auteur pense les litiges fonciers au Sahel surviendraient lorsque des migrants négocieraient certes leur installation dans des villages de préférence mais au-delà, tenteraient de s'intéresser et s'investir dans les activités foncières.

Dans cette dynamique, Doevenspeck (2004) pense que l'analyse de la question foncière au Bénin, a montré que l'acquisition de biens fonciers par la population allogène peut mener à une dynamisation des règles institutionnelles du droit foncier traditionnel ainsi qu'à l'explosion des conflits latents entre les habitants de différents villages autochtones. De plus, les débats sur le droit foncier dans la région d'immigration ne sont pas uniquement influencés par les conflits entre propriétaires fonciers et immigrés mais également par les conflits entre les différents groupes de migrants. Dans une « chasse à la terre », ces derniers développeraient des stratégies propres d'acquisition de droits fonciers qui engendrent de nouveaux conflits.

Pour Yonta (2011), si les conflits surviennent et s'intensifient dans le terroir Camerounais, c'est parce que le cours des prix, qui allait toujours croissant, a provoqué une augmentation de la valeur que les paysans accordaient à la propriété foncière. De ce fait, les vieillards ont cessé d'offrir des parcelles de grande superficie à leur progéniture. L'auteur ajoute que non seulement les jeunes étaient surexploités dans les plantations des cultures d'exportation, mais et surtout la rétribution n'était pas proportionnelle aux travaux effectués. Cette situation a généré un conflit entre les jeunes et les vieux au point où les relations de travail devenaient de plus en plus contractuelles que communautaires. L'insatisfaction foncière des jeunes et le souci de devenir autonomes, ont initié les mouvements migratoires des jeunes vers les villes à la recherche d'un emploi.

Toutefois, bien que ces auteurs s'évertuent à expliquer les conflits fonciers par la rareté des terres, le rapport entre croissance démographique et terres disponibles, les vagues migratoires successives et incontrôlées, la saturation foncière, l'aspect des revendications intrafamiliales des terres par les jeunes autochtones semble avoir été omis du discours saturationniste. Cette faille nous amène à analyser d'autres écrits qui considèrent les conflits fonciers comme la résultante des effets d'accaparements claniques et derevendications foncières par les fonts pionniers au sein de l'institution familiale (Ibo, 2006).

3.1.2.3. Travaux centrés sur la revendication foncière des jeunes

Ces travaux se penchent exclusivement sur le positionnement des jeunes (déscolarisés, aventuriers, citadins,...) dans l'arène foncière, revendiquant par ci et là des espaces de culture à leurs ainés ou oncles. Cette revendication ne se fait pas sans heurts aussi bien au niveau de la famille, du lignage qu'au niveau des allogènes. C'est cette idée qui est mise en exergue par Kodjo (2013) pour qui, la société Abouré est traversée par des tensions autour de la distribution intrafamiliale de la ressource foncière et surtout autour de l'héritage. Ces conflits opposent les membres d'une même famille (neveu / neveu ou fils / neveu). Le développement de la culture de l'ananas ayant favorisé une monétarisation croissante de l'accès à la terre, à travers l'ouverture d'un véritable marché locatif, procurant ainsi aux gestionnaires des terres familiales, une rente locative importante dont la redistribution intrafamiliale conduit souvent à des conflits explicites qui opposent majoritairement les jeunes à leurs ainés. Ce conflit puiserait ses racines dans les ventes occultes de parcelles familiales, les dissensions intrafamiliales et intergénérationnelles et dans le discours amer des jeunes tenus contre les étrangers ayant acheté ces terres.

Pour Kana (2017), les conflits fonciers intrafamiliaux à Sinfra seraient à la fois liés à une mauvaise gestion des biens familiaux par l'héritier désigné des terres et à un effet de vengeance foncière des autres membres de la famille. Ainsi, l'auteur affirme que les héritiers désignés des terres familiales dans la tribu Sian (RCI) disposeraient de nombreux pouvoirs familiaux dont ils abusent au quotidien pour brader les terres familiales aux allochtones. De ce fait, les autres membres de la famille qui se seraient sentis frustrés par ces ventes illicites, braderaient à leur tour les portions restantes ou le cas échéant, tenteraient par des moyens physiques et mystiques de revendiquer leur part d'héritage foncier.

En outre, Oumarou (2008), dans une dynamique d'assimilation des conflits de terre en un jeu de pouvoir et de légitimité, pense que la multiplication des litiges et des conflits d'autorité coutumière se ramène à un seul type de problème : les différents jeux de pouvoirs et de légitimité qui s'exercent sur le contrôle de l'espace.

Ainsi, tous les peuples disposeraient d'une série de concepts pour parler et traiter des rapports entre eux ; l'aspect spatial de leur organisation sociale trouve une expression ouverte en paroles et en actes. Le manque de ces espaces lignagers d'échanges auxquels s'ajoutent les inégalités dans la répartition foncière familiale et les revendications plurielles des jeunes génèrent des conflits familiaux difficilement maîtrisables.

Dans cette même perspective, Ibo (2012) pense que le non-respect des clauses des contrats de cession de terre, le poids des sollicitations des autochtones vis-à-vis des étrangers dans le cadre du tutorat, la remise en cause des contrats de cession de terres par les jeunes de retour dans les villages, favorisent les conflits fonciers dans les contrées ivoiriennes.

Pour Toh (2010), les conflits entre populations occultent l'existence des conflits à visée revendicative et antagonique au sein des structures lignagères, des populations autochtones dans des zones forestières, marquées par d'autres cultures d'exportation. Ces conflits sont parfois très meurtriers, comparativement à ceux généralement observés ailleurs dans le monde, mettant en péril l'équilibre social des communautés rurales.

Outre cet auteur, Bologo (2004), dans un décryptage des relations intergénérationnelles et intrafamiliales dans l'Ouest du Burkina Faso montre comment dans un contexte de pressionfoncière, d'affaiblissement des institutions foncières traditionnelles, les transferts intergénérationnels etintrafamiliaux connaissent des mutations profondes. Ces mutations se matérialisent par la manipulation des règles d'héritage, l'individualisation des droits d'usage des terres familiales, etc. La gestion des terres familiales apparaîtcomme un « lieu » de tensions, de conflits entre parents et enfants, entre aînés et cadets et ces conflitsintrafamiliaux entraînent à leur tour assez souvent des conflits intercommunautaires.

Pour Lavigne (2016), les conflits fonciers autour de l'agriculture se cristallisent souvent autour des transferts de droits, soit que les évolutions amènent la nouvelle génération à remettre en cause les accords passés par leurs pères, soit que des ventes soient contestées par des ayants droit familiaux qui n'ont pas donné leur accord et s'estiment spoliés. Le contenu de la cession (vente complète ou cession de droits d'usage) ambiguë et les réinterprétations d'accords passés ou ventes de terres familiales sans l'accord des ayants droits, sont sources fréquentes de conflits au Mali.

Bobo(2012), dans une étude limitée aux familles Autochtones gbâ (centre-ouest ivoirien), montre que les tensions intrafamiliales autour de l'héritage peuvent se transformer en conflits intercommunautaires. L'héritage des terres est devenu objet de compétition et de disputes qui opposent en général des frères et éclatent lorsque l'un des héritiers (l'ainé), disposant du pouvoir de contrôler les terres héritées, exclut ou dispose de façon jugée inéquitable du revenu des terres héritées, procédant ainsi à des cessions clandestines des biens familiaux.

Parallèlement, Zougouri (2006) estime que les interactions entre les migrants moose avec les autochtones Nuna du Burkina Faso se développent dans une relation d'interdépendance entre ces migrants et leurs tuteurs Nuna. Les uns ont besoin de terres de culture et de paix, les autres, de soutiens socio-économiques et politiques.

Les litiges qui opposent les propriétaires fonciers cédants aux exploitants résultent du non-respect ou des interprétations divergentes des termes des contrats de partage mais aussi et surtout des revendications de certains ayants droits installés depuis des décennies en ville et qui retournent définitivement au village en s'intéressant à l'agriculture et à la gestion des terres familiales.

Dans même optique, Kouamé (2010) met en évidence les rapports établis entre les métayeurs et les tuteurs dans la région des agni-Sanwi à Aboisso. Ainsi, l'auteur pense que dans un contexte marqué par la substitution progressive de la culture du caféier et du cacaoyer au profit du palmier à huile et surtout de l'hévéaculture, les relations entre ces ruraux deviennent de plus en plus conflictuelles autour du «  planter-partager » définit dans la plupart des contrats.

Ces conflits sont d'autant plus perceptibles au sein de la famille, où apparaissent des dissensions portant sur des contrats de métayage et cessions clandestins, sur la contestation de la légitimité du droit des cédants, sur l'héritage et sur la confiscation des plantations des défunts au détriment de leurs descendants directs.

Chauveau, Colin, Jacob, Lavigne et Le Meur (2006) s'inscrivent dans cette même orientation en mettant en avant la perception transactionnelle qui est source majeure de conflits autour des « ventes » de terre dans les contrées Burkinabaises, Maliennes et Ivoiriennes. Ainsi, tandis que les « acheteurs » allogènes espèrent en une transaction définitive, les « vendeurs » autochtones, évoquent l'idée d'une transaction partielle puisque la vente des terres pour ces autochtones est fonction de l'origine des allogènes, de leur date d'arrivée et des liens qui existent entre eux et les tuteurs autochtones.

En outre, selonBazaré (2013), la vente des terres en pays Dida n'est pas le fait d'un choix du Dida, mais plutôt une stratégie d'expropriation conçue et pratiquée par les allogènes venus et bénéficiant de l'hospitalité de ce peuple tuteur. On assiste dès lors, à des tentatives de consolidation ou de maintien des parcelles par les uns ou les autres favorisant ainsi, un climat conflictuel à Divo.

Kakule (2011) estime que dans les villages en R.D.C, le processus de retour des déplacés internes et des réfugiés dans la période post-conflit, favorise une compétition très ardue sur la terre suivie d'une vague de revendication des droits primaires ou secondaires entre autochtones et allogènes. Cet enchainement de facteurs dans un cadre d'insécurité foncière, génèrent des conflits fonciers.

Dans cette dynamique des rixes intrafamiliales, Soro et  Colin (2008) proposent un décryptage des relations relatives au contrôle et à la gestion de la ressource foncière, au sein de groupes familiaux de migrants Sénoufo installés en Basse-Côte. Pour ces auteurs, l'individualisation des droits d'usage des terres familiales ne s'accompagne pas d'une individualisation de leur appropriation, et comment l'accès aux terres familiales doit être apprécié au regard des opportunités d'accès à la terre à travers le marché foncier locatif. Ainsi, cette individualisation recentrée exclusivement sur l'individualisation des droits d'usage et non des droits de propriété, regroupent tous les acteurs familiaux autour d'un héritage foncier qui fait dans la plupart des cas, l'objet de joutes au sein de le théâtre familial.

Pour Ibo (2006), les conflits de terre s'expliquent par l'apparition des « jeunes» autochtones, des anciens fonts pionniers de Côte d'Ivoire dans l'arène foncière, procédant régulièrement à des retraits systématiques des allogènes, des terres que leurs parents avaient cédées aux étrangers dans les années 1990.

Ces « jeunes » justifient leurs actions par le manque de terre qui les contraindrait à remettre en cause les contrats passés entre leurs parents et les étrangers.

S'inscrivant dans la dynamique de leurs prédécesseurs, Ouattara et Dakouri (2006) estiment quel'éveil et l'affirmation de plus en plus prononcés de la fibre identitaire régionaliste, « autochtoniste » voire « ethniciste » des jeunes coïncident avec la remise en cause des contrats fonciers d'antan, ainsi que la multiplication des conflits fonciers dans la zone forestière, entre populations autochtones, immigrants nationaux (allochtones) et immigrants non Ivoiriens (étrangers).

Dans cette orientation, Gnabéli (2008) affirme que la production de l'identité autochtone réside dans un repli identitaire des dominants (autochtones), détenteurs des terres par rapport aux dominés (allogènes), détenteurs de biens pécuniaires en milieu rural et urbain ivoirien. Ainsi, dans plusieurs villages du pays, on note le maintien de certains quartiers exclusivement réservés aux autochtones, des expropriations sans motif explicite provoquant de ce fait des frustrations de la communauté allogène  qui, manifestées dans le cadre foncier, génèrent des litiges.

Pour Diop (2007), les problèmes fonciers ne sont compréhensibles que dans leur analyse en rapport avec l'histoire. Ainsi, il pense que l'explication de beaucoup de conflits fonciers actuels en Guinée réside dans l'acharnement des dominants à retrouver leur domination foncière perdue sous Sékou Touré et à la maintenir. Les dominants d'aujourd'hui sont les conquérants d'hier, qui essaient de s'approprier les terres productives (pour la culture de pommes de terre, culture de rente) qu'ils avaient laissées autrefois à ceux qu'ils avaient conquis.

Dans cette optique, Maldidier (2000) affirme que les conflits sont réanimés par le regain de pression des villes sur les campagnes, l'irruption sur le foncier de nouveaux acteurs économiques (tourisme ou l'activité minière, ou même certaines activités industrielles consommatrices d'espace) et des déscolarisés aux appétits fonciers remarquables à telle enseigne qu'ils friseraient les abords de certains massifs forestiers protégés ou sur des sites particuliers sur le littoral au Madagascar.

Selon Mumbere (2012), l'expérience en territoire de Lubero en République Démocratique du Congo révèle que la terre soulève toujours de sérieux problèmes fonciers au sein des familles dus à la succession, au partage et à la gestion de l'héritage foncier.

Dans une autre perspective, Bobo(2012) pense que les conflits intrafamiliaux ne naissent pas de l'héritage en soi mais sont plutôt provoqués par la manière dont les héritiers gèrent l'héritage et des obligations familiales qui découlent de la détention du bien collectif.

Pour Koné(2006), il y a une campagne médiatique autour des conflits entre autochtones et non ivoiriens en Côte d'Ivoire, mais la réalité quotidienne montre que les litiges ou conflits sont autant sinon plus importants entre ivoiriens membres d'une même famille autochtone, entre générations d'une même famille autochtone et entre générations de familles différentes. Les conflits intercommunautaires ne sont que le reflet des tensions intrafamiliales, de la coexistence de générations différentes dans une même famille avec confrontations d'intérêts (jeunes/vieux), de la transmission entre générations (héritage) et de la constitution d'un esprit différent communiqué par la classe des jeunes.

Outre cet auteur, Coulibaly (2015), dans l'analyse du système matrilinéaire en rapport avec les conflits fonciers dans la région de Sanwi, estime que l'institution matrilinéaire, pierre angulaire de la sociabilité Agni semble se présenter comme une niche de conflictualité majeure, au coeur de la définition sociale du droit d'appropriation foncière. Rendue déclinante devant des impératifs de la pression démographique au sein de la famille, l'institution matrilinéaire cherche encore l'alchimie qui garantit à la fois, l'égalité d'accès pour les descendants en ligne utérine et à la ressource foncière familiale. Dans la relation des acteurs familiaux à ce système, on note une propension croissante des héritiers directs à des attitudes d'évitement ou de contournement au détriment de la sollicitation du droit positif en tant que référent de contestation à la conquête des droits fonciers.

Pour Tano (2012), la récession cacaoyère qui a débuté en 1980, a bouleversé les rapports de travail et de production des populations agricoles du sud-ouest. Cette évolution qui a consacré un modèle de subsistance, a mis à mal la cohésion sociale familiale et inter-ethnique à travers les conflits intra-lignagers qu'elle a engendrés. Face à cette situation, l'auteur pense que les producteurs ne se sont pas seulement contentés de trouver des moyens de résolution de ces conflits fonciers, mais au-delà, ils ont innové des mesures préventives.

Ces auteurs, bien qu'exposant sur les conflits intrafamiliaux, négligent l'aspect de la discrimination foncière des femmes au sein de l'arène familiale ou communautaire. Toute chose qui a constitué le fondement des travaux de certains auteurs dont Doka et Monimart (2004), qui estiment que la misogynie foncière s'explique en amont par le rôle ménager attribué à la femme dans l'arène familiale et villageoise et en aval par la nécessité de réajuster ou de rechercher un équilibre social entre la ressource foncière et les bénéficiaires potentiels.

Pour Fatiha (2011), au Maroc, les droits fonciers des femmes se heurtent à deux problématiques majeures : la complexité du système foncier lui-même et le caractère inégalitaire de leur accès. Le système foncier marocain obéit à deux régimes : un régime traditionnel régi par les principes de droit musulman et les coutumes, et un régime moderne d'immatriculation foncière introduit par le protectorat français en 1912. Dans ce contexte, l'accès des femmes aux droits fonciers, se heurte à leur précarité financière et au problème du partage des biens acquis pendant le mariage et lors de sa dissolution. Ce partage n'obéit pas à des règles précises et laisse au juge, une marge d'interprétation avec ce que cela suppose comme part de subjectivité.

Toujours dans cette dynamique d'exclusion foncière de la femme, quelques auteurs évoquent les stéréotypes dont sont victimes certaines minorités sociales. Ainsi, selon Tsongo et Kitakya (2006), les pratiques foncières se diversifient et se transforment sous l'effet des changements démographiques, sociaux, politiques et législatifs. Les acteurs du foncier sont en même temps dans le système coutumier (qui est lui-même mouvant), dans le système moderne (ensemble des lois foncières) et dans le changement lui-même. Et c'est cette volonté des acteurs ruraux de se conformer aux exigences de la coutume au détriment des textes légaux, qui crée ce stéréotype matérialisé au moyen d'une exclusion foncière féministe sur l'échiquier foncier.

Outre cet auteur, Nakabanda (2017) évoque une présence trop affirmée de la coutume dans le processus d'attribution et d'acquisition de la terre dans le terroir africain. Ainsi, l'auteur affirme qu'étant donné que la coutume n'autorise pas la femme à hériter des biens de son père ou de son mari, elle acquiert la terre par l'intermédiaire de ces enfants, de l'époux, ou d'une tierce personne, nonobstant la présence d'une diversité de normes à caractère international et national au Congo.

Dans ce registre, Faye (2008) pense qu'au Sénégal, bien que les lois promeuvent un égal accès à la terre pour tous les citoyens, la question du contrôle de la terre par les femmes se pose encore avec acuité.  En effet, pour l'auteur, si la Constitution du 22 janvier 2001 stipule que « l'homme et la femme ont le droit d'accéder à la possession et à la propriété de la terre dans les conditions déterminées par la loi », la réalité parait tout autre et s'explique par le rôle culturel de la femme qui s'inscrit dans une perspective ménagère.  Dès lors, l'auteur pense qu'en raison de cette misogynie foncière, des stratégies alternatives sont développées par ces dernières, le plus souvent avec l'appui des projets et programmes de développement ou de la société civile pour un accès plus conséquent au foncier.

Par ailleurs, Berriane (2016) affirme qu'au Maroc, après des vagues de revendications foncières des femmes, elles semblent par circulaire ministérielle, avoir été intégrées dans le processus d'attribution des terres aux ayants-droits. Mais dans la pratique, l'auteur mentionne que cette appropriation foncière reste illusoire et les mesures d'accompagnements de cette décision, paraissent ne pas avoir été en amont, planifiées.

Outre cet auteur, Ouédraogo (2009) pense que la prise en compte de femme dans le processus d'attribution des terres en milieu rural, ne réside ni dans l'application des textes règlementaires, encore moins de la coutume, mais dans une vision centriste et même politique qui assemblerait à la fois des éléments du droit et de la coutume dans une dynamique complémentaire.

Toutefois, bien que ces écrits aient le mérite de nous introduire dans la sphère familiale pour révéler les facteurs explicatifs inhérents à la gestion inégalitaire voir partiale des biens familiaux, force serait de constater que ces écrits se focalisent sur les conflits fonciers et non sur leur gestion. D'autres contributeurs en ont fait l'objet de leurs investigations.

3.1.2.4. Travaux centrés sur la gestion des conflits fonciers

Dans ces travaux, les auteurs portent un regard accusateur sur l'Etat à travers le rôle, la responsabilité de ses élus locaux dans la gestion des conflits fonciers. De façon précise, ils pensent que l'inefficacité des systèmes étatiques d'administration foncière, les manquements aux principes de bonne gouvernance foncière, la partialité des dirigeants, le désengagement de l'Etat, l'implication négative et intéressée de certaines autorités administratives et politiques et la pluralité d'acteurs agissants en matière foncière, catalysent les conflits fonciers.

Ainsi, selon le Rapport Afrique n°213 du 12 février 2014, le Burundi est confronté à des problèmes fonciers. Au lieu d'une réforme profonde des systèmes de gestion foncière, les autorités se sont penchées sur une simple révision du code foncier. Or, en l'absence d'un véritable changement dans la gouvernance foncière, les populations sont cristallisés sur le sentiment de spoliation, rendant plus probable l'éclatement de conflits. Cette loi révisée, paraît donc inadaptée aux réalités rurales burundaises et s'ajoute à la mauvaise gestion des acteurs de régulation foncière pour générer des tensions sociales ainsi qu'un taux de malnutrition proche de 75 pour cent.

Relativement à ce rapport, Babo (2006) estime qu'en Côte d'Ivoire, les conflits fonciers comme celui de Tabou apparaissent comme les prolongements de la gestion par l'État des clivages intercommunautaires autour de la terre. L'instrumentalisation dans la gestion de ce type de conflit, dans un environnement politique «exclusionniste » fondé sur l'idéologie de l' «ivoirité » dans un contexte de crise économique et sociale, a plongé le pays dans la guerre en 2002.

Pour Bonnecase (2001), la politique volontariste de mise en valeur des espaces est manipulée par les acteurs ruraux (migrants et autochtones) qui s'organisent politiquement en tant que groupes porteurs d'intérêts différents et qui, de fait, constituent des populations cloisonnées, du point de vue démographique, social et spatial.

Le développement d'une vie politique posée sur des bases largement régionalistes amplifie l'antagonisme entre migrants et autochtones, les uns et les autres ralliant des partis politiques différents. Cette politisation des antagonismes a accentué les rivalités entre ces communautés autochtones et allogènes qui ne se mélangent guère.

Pour Koetschet et Grosclaude (2008), dans de nombreux Etats africains, la question foncière contemporaine s'enracine dans les legs de la période coloniale et les politiques foncières mises en oeuvre après les indépendances (qui ont souvent vu se pérenniser les décalages entre la réglementation foncière et les «pratiques administratives » ou « informelles » de l'État). Ces pratiques limitent les capacités d'interventions de la puissance publique en matière foncière, provoquant ainsi une quasi-inaction de celle-ci dans la gestion, source d'insécurité foncière dans un monde globalisé.

Dans le contexte social Burkinabé, Ouédraogo (2006) pense que le droit foncier « moderne », hérité de l'administration coloniale n'a jamais été appliqué dans les pays développés qui l'ont introduit en Afrique. Ce droit est resté comme « étranger » aux yeux des populations rurales africaines, et sans lien véritable avec les perceptions culturelles et rapports sociaux relatifs à la terre. Les titres de propriété se sont révélés par ailleurs inaccessibles pour la quasi-totalité des exploitants agricoles. On assiste par conséquent à un dualisme juridique de fait (droit coutumier et moderne) au-delà duquel apparaissent l'inefficacité des systèmes étatiques d'administration foncière et les manquements des autorités aux principes de bonne gouvernance foncière, sources de litiges fonciers.

Outre cet auteur, Lavigne (2002) met en évidence les petits contrats élaborés par les ruraux sous le regard coupable des autorités administratives. Les urbains qui achètent des terres veulent sécuriser leur achat et les autochtones en quête d'argent préfèrent garder un flou sur le contenu effectif des transactions foncières sous le regard inactif des administrateurs. Pour lui, l'échec de la gestion des litiges fonciers seraient lié au jeu double des acteurs administratifs qui ont maintenu et durci la prétention du monopole étatique sur la terre en créant un espace d'indétermination sur les règles légitimes, mais concomitamment en ont fait un espace de jeu et de manipulation, qu'ils investissent de façon opportuniste. Mais dans ce jeu, tous les acteurs ruraux (autochtones, allogènes) ne sont pas égaux. Ceux qui peuvent mobiliser ces réseaux à leur profit et ceux qui peuvent utiliser à leur avantage une législation complexe et peu connue.

Dans cette même optique, Dire, Keita et Togo (2008) pensent que les divergences foncières seraient liées à une complicité des propriétaires terriens et desautorités communales de Bancoumana. Ces autorités sembleraient se complaire dans une expectative, se laissant porter au gré des humeurs des propriétaires de terre et du conseil de village qui vendent les parcelles et engagent des procédures d'expropriation foncière des acheteurs qui sont pour la plupart des allogènes.

De plus, dans une analyse conjointe des situations foncières du Bénin, Burkina Faso, Côte d'Ivoire et Mali, Chauveau, Colin, Jacob Lavigne Le Meur (2006) estiment que les problèmes fonciers émergent ou réapparaissent en raison contexte socio-foncier marqué par l'ajustement structurel et le désengagement de l'Etat à faire face aux difficultés. Cette démission de l'Etat se manifeste par des contradictions des politiques publiques et des défaillances des systèmes d'arbitrages sur les conflits.

Relativement, Kana (2014) s'est inscrit dans cette logique d'indexation des agents de l'Etat comme ayant une responsabilité évidente dans le rebondissement après gestion des conflits à Sinfra. Pour lui, la pluralité d'intervenants, la partialité des autorités, la priorisation des affinités dans la résolution des questions foncières, se sont corrélés à une passivité corruptive généralisée dans le système administratif constituant de ce fait des combustibles à l'éclatement de nouveaux conflits fonciers à Sinfra.

Pour Dicko (2007), les conflits liés aux ressources naturelles au Mali, ne peuvent être compris s'ils sont réduits à des phénomènes locaux, isolés et ethniques. La multiplicité des instances de recours en matière de résolution des conflits,  la lenteur et la lourdeur administrative, le manque de moyens à la disposition des agents de l'Etat, ainsi que la corruption des agents des relations sociales seraient les causes de l'exacerbation des conflits et de l'échec en matière de gestion.

Aussi, dans l'ouest du Burkina Faso,Bologo (2004) pense que la multiplication des conflits qui est un indicateur de la dégradation des relations entre acteurs, témoignerait de l'incapacité des autorités coutumières et de l'administration locale à réguler les modes d'accès à la terre. Ces conflits seraient de ce fait, révélateurs d'une crise latente mais profonde.

Aussi, les nouvelles générations d'autochtones auraient-elles de plus en plus de mal à accéder aux terres familiales et lignagères parce qu'elles auraient été affectées par leurs parents à des migrants selon un processus d'acquisition politique.

Toujours dans l'ouest du Burkina Faso,Zongo (2009) montre que les conflits fonciers sont révélateurs des dynamismes sociales en cours et traduisent également des capacités sociales locales à s'approprier les éléments d'un environnement sociopolitique et économique en pleine mutation.

Encore ajoute-t-il que les conflits fonciers expriment une absence d'instances légitimes et légales qui renvoient elles-mêmes aux difficultés qu'éprouve l'Etat à faire accepter ses lois (insatisfaisants et provisoires) après avoir disqualifié et contribué à fragiliser celles qui préexistaient.

Outre cet auteur, Keita (2012) révèle que le marché foncier bamakois est caractérisé par une opacité totale avec l'intervention d'une multitude d'acteurs agissant chacun en fonction de ses moyens financiers, de l'efficacité de son réseau social ou de son statut social. Le retrait de l'Etat comme instance suprême de régulation à la suite de la réforme de la décentralisation, réclamé par la Banque Mondiale et d'autresbailleurs de fonds, a laissé le champ libre aux logiques marchandes, affairistes et à des formes de régulation clientélistes, sources de litiges.

Par ailleurs, De Beauvais (1991) affirme que dans la région de l'Assaba, située dans le sud-est mauritanien, les conflits surgissent et rebondissent vu que le contrôle de la terre est subordonné d'une part à l'appartenance tribale et, d'autre part, à l'insertion statutaire et hiérarchique de chaque individu et de chaque collectivité socio-politique.

Relativement, All-Yom et Madji (2012) pensent que le Tchad connait depuis les deux dernières décennies une recrudescence des conflits agriculteurs et éleveurs, souvent meurtriers. Les mécanismes mis en place pour le règlement de ces conflits sont inefficaces, du fait du manque de volonté politique et de l'implication négative et intéressée de certaines autorités, des responsables politiques et militaires, laissant libre cours à des rebondissements momentanés de ces litiges.

Kaboré (2009), dans une analyse des interactions entre acteurs des villages du Bam et du Yatenga (Burkina Faso) montre que les aménagements, en tant que marqueurs de contrôle foncier, sont instrumentalisés par des acteurs détenant une position privilégiée dans le champ social et politique local à des fins d'acquisition de droits fonciers. Ainsi, les décisions y sont fréquemment contestées, favorisant la recrudescence des conflits.

Toujours, dans la perspective institutionnaliste, Leonard, Chauveau et Lavigne (2012) révèlent que l'absence d'institutions fortes capables d'assurer le respect des règles d'exploitation des ressources naturelles, l'affaiblissement du contrôle de l'accès ont abouti à des conflits, à un accès libre de fait et à une surexploitation foncière dommageable à la durabilité environnementale. Dans cette logique, chaque groupe d'acteurs cherche à contrôler l'action des autres en créant des dispositifs institutionnels et organisationnels fictifs à même d'imposer son pouvoir.

Selon Mathieu, Matabaro et Tsongo (1994), les conflits au Congo s'expliquent par le fait quela gestion foncière a été à la fois un lieu d'enrichissement pour ceux qui contrôlaient la terre et une cause d'inquiétude pour ceux qui ne la contrôlaient pas, c'est-à-dire pour les paysans craignant d'être exclus ou minorisés dans le jeu du pouvoir politique.De ce fait, l'Etat n'arbitrait pas réellement la compétition foncière car il n'avait ni la force, ni la légitimité, ni la volonté, ni les ressources humaines et techniques pour le faire. Aussi, le marché foncier était-il officiellement absent, mais en fait, présent ou émergent sous une forme largement occulte, imparfaite, opaque et tributaire du politique, à travers les mécanismes de corruption et les relations clientélistes.

Dans un autre regard, Kakai (2014) impute la survenance des conflits au Bénin à la corruption foncière des élites urbaines, des courtiers politiques et des acteurs de l'arène politico-administrative Béninoise. En effet, il n'y aurait selon l'auteur, presque pas de régime politique sans scandales de corruption, sans pillage de l'économie en général et de l'économie agraire en particulier. Cette corruption foncière serait bien organisée dans les arcanes du pouvoir aussi bien au niveau local, intermédiaire que central dans une dynamique séquentielle.

Pour Lavigne (2002), la plupart des litiges surviendraient de la confusion des termes « coutumiers » et « moderne » qui sont déjà très ambigus, et plus encore les raisonnements en termes d'opposition entre « coutume » et « modernité ». Les populations africaines en général et celles du monde rural en particulier, tendent à qualifier de « droit moderne » tout ce qui relève du droit étatique écrit, même lorsque les procédures qu'il contient, sont toutes issues du droit colonial. D'autre part, la coexistence des normes « coutumières » et « étatiques » dure depuis plusieurs décennies et l'interprétation lacunaire des acteurs aussi, créent de ce fait, des zones de confusion textuelles là où il y en a pas et des zones de clarté là où la confusion est patente.

Dans cette dynamique, Amalaman (2015) pense que le divorce entre légalité, légitimité et pratiques, qui maintient une large part de la population dans une situation d'extra-légalité s'est conjugué à l'exclusion foncière des non nationaux réinterprétée en des termes de xénophobie pour attiser les conflits dans la plupart des contrées rurales de la Côte d'Ivoire.

Pour Desdoigts et Kouassi (2012), en dépit des nombreuses lois promulguées, depuis l'État colonial en 1935 jusqu'à l'État indépendant en 1998, le droit coutumier ne bénéficie plus d'aucune protection juridique et sa gestion collective et informelle du foncier rural, fait de la résistance. En 2009, 98% des transactions foncières s'effectuent toujours dans le cadre de la coutume et constituent pour beaucoup d'entre elles, des ventes inachevées et inhibitrices de conflits violents.

Pour Maldidier (2000), l'insécurité foncière au Madagascar s'explique par l'impossible aménagement de l'espace rural et urbain, l'intensification agricole, l'aménagement, la gestion problématique des terroirs, la pénalisation des ressources naturelles et le manque de garanties foncières pour les exploitants.

Dans ce même paradigme, Djiré et Dicko (2007) mentionne que les conflits fonciers dans les contrées maliennes, s'expliquent en amont par le handicap lié au formalisme et la lourdeur des procédures administratives, prophylactique à des rebondissements passagers de conflits latents et en aval, par le développement des transactions marchandes, préjudiciables aux groupes vulnérables.

Pour Chouquer (2011), la compréhension de la responsabilité de l'Etat dans la genèse des litiges fonciers au Madagascar,  prend sa source depuis l'indépendance et ses lois inadaptées au contexte évolutif local. Pour l'auteur, depuis les indépendances, les états n'ont, en général, pas modifié la législation sur la terre mais ont, en revanche, cherché à maîtriser le foncier à la fois pour s'assurer une bonne gestion, le contrôle et la redistribution des pouvoirs dans un contexte social où ces lois se sont révélées impraticables. Dès lors, depuis les années 1980, des évolutions radicales se seraient produites au point de replacer des questions foncières au rang des questions particulièrement sensibles au Madagascar.

Par ailleurs, Kinanga  (2012) révèle que dans les contrées congolaises et plus précisément dans le territoire de Lubero, la loi foncière parait comme étrange, inadaptée aux moeurs et basée sur des règles difficilement compréhensibles pour ces populations locales. Elles se sentiraient peu concernées par cette loi et agiraient selon leur coutume sous le regard passif des instances régaliennes résignées.

Pour Vircoulon et Liégeois (2012), depuis des décennies, les agents fonciers au Congo sont trop peu nombreux, trop peu formés, dépourvus de moyens matériels et logistiques et de surcroît, corrompus. Ces défaillances ont permis à certaines élites plus aisées et mieux éduquées, d'enregistrer massivement des terres en leur nom tandis que des groupes plus démunis, ignorant la loi et dans l'impossibilité de payer les frais d'enregistrement et les agents corrompus, continuent d'occuper leurs terres de façon coutumière.

Dans un autre regard, Ferrari et Tshimbalanga (2015) pensent que la faible représentation de l'Etat, surtout dans l'administration foncière, l'appât du gain, la faible protection des droits fonciers, l' attribution des concessions par l'Etat sans enquête préalable de vacance de terre, la facilité de corrompre l'administration foncière pour avoir de faux documents (ou de « vrais documents » obtenus sans respect de la procédure et avec contrepartie financière), l'usurpation de pouvoir par les entités et autorités politico-administratives (délivrance de titres de propriété par les services n'en ayant pas la compétence) sont les principales causes des conflits fonciers au Congo.

Pour Chauveau (2000), les conflits fonciers intercommunautaires observés dans la plupart des contrées rurales ivoiriennes, prennent leurs sources de la polémique sur l'« ivoirité » et de l'idéologie incontestablement xénophobe véhiculée par le pouvoir en place. Outre ce fait, l'auteur note que la presse d'opposition a établi une nette distinction entre la manière dont les cas de violences foncières étaient traités « timidement » lorsque les violences engageaient des non-Ivoiriens ou des populations originaires du Nord et avec fermeté lorsqu'elles concernaient des Baoulé originaires du Centre. C'est donc cette conjugaison de facteurs aux responsabilités administratives situées, que les nordistes et des non-ivoiriens se sont engagés dans une campagne de consolidation foncière, fondement de la plupart des conflits fonciers en Côte d'Ivoire.

Dans cette même dynamique, Koffi (2010) pense que les cours et tribunaux sont engorgés de dossiers de conflits fonciers, trahissant la faible efficacité du système judiciaire. À cela, il faut ajouter une justice inaccessible pour les pauvres, en raison des coûts élevés des procédures, des lenteurs administratives et de la faible couverture judiciaire du territoire national.Le système judiciaire en principe chargé de régler les conflits fonciers se révèle incapable de trouver des solutions efficaces dans le contexte caractéristique des pays africains, où des législations nationales et des coutumes se côtoient.

Dans un schéma géographique différent, Bourgeois (2009) soutient que le village est le point de départ de la majorité des conflits qui touchent de près ou de loin la propriété de la terre. Etant donné que les terres rurales sont toutes sous la propriété d'un chef coutumier, on peut tout d'abord affirmer que les conflits sont particuliers et qu'ils ne se règlent pas toujours selon les lois d'Etat, ainsi que par la justice des Provinces. L'échelle du village est pour autant un angle d'analyse qui semble restreint.

Pour Machozi, Borve, Lonzama , Kahigwa et Tobie (2010), gérer les conflits de terre, c'est réunir certaines qualités indispensables à cette fonction d'acteur de gestion : Etre capable de comprendre et d'appliquer les grands principes qui doivent guider l'action des acteurs dans la résolution des conflits fonciers (rapidité, disponibilité, justice, acceptation, durabilité, patience), être capable de stimuler une réflexion au niveau local sur les possibilités de modes de résolution des conflits fonciers et explorer des stratégies pour renforcer le travail des structures de bases dans le monitoring et la gestion des conflits fonciers.

Dans le terroir ivoirien, Coulibaly (2006) estime que les procédures de règlement des conflits n'aboutissent pas souvent sur des solutions définitives malgré la compétence relative des instances d'arbitrage en présence. Les raisons de cette situation semblent être liées aux stratégies mises en oeuvre par les différents acteurs lors des procédures.

Pour Matiru (2001), la gestion des ressources foncières prend exclusivement en compte la prévention, la négociation, la médiation, l'arbitrage, le jugement et la coercition. Le rejet ou l'omission d'une de ses composantes entraine un dysfonctionnement dans le processus de gestion qui se matérialise par de nouvelles oppositions et de nouveaux conflits.

3.2. Critique des travaux et présentation de notre posture scientifique

Nombreux sont les auteurs qui se sont investis dans la compréhension des conflits fonciers et de leurs mécanismes de gestion. Ainsi, tandis que certains s'inscrivent dans une dynamique essentiellement interne aux acteurs, d'autres se focalisent sur une approche exclusivement externe aux acteurs sociaux.

Dans la première approche explicative (facteurs internes), les auteurs mettent l'emphase sur l'inefficacité des systèmes étatiques d'administration foncière, les manquements aux principes de bonne gouvernance foncière, la partialité des dirigeants, le désengagement de l'Etat, la stigmatisation des acteurs de gestion, les méthodes de gestion inadaptéeset l'implication négative, intéressée et clientéliste de certaines autorités administratives et politiques comme catalyseurs de l'échec en matière de gestion des conflits fonciers.

Dans la seconde approche (facteurs externes), les auteurs s'intéressent auvide juridique en matière de résolution des conflits fonciers, à l'impact de la crise politique ivoirienne sur le tissu rural, à la difficile cohabitation entre normes modernes et culturelles, aux pesanteurs culturelles et au manque de volonté politique comme facteurs explicatifs de l'échec des conflits fonciers.

Cette thèse s'inscrit dans une dynamique globalisante, c'est-à-dire considérant ces deux tentatives d'explication comme mutuellement inclusives pour rendre compte de l'échec de la gestion des conflits fonciers à Sinfra.

Ce serait doncen recadrant notre sujet sous l'angle de la prise en compte de l'ensemble des facteurs agissants que nous pourrions donner un sens original à cette étude.

IV. Problème et Questions de recherche

Les conflits fonciers et leurs mécanismes de gestion posent d'énormes difficultés dans le tissu social de Sinfra et constituent à la fois un enjeu socio-économique, sécuritaire et culturel pour le département. Cette dynamique se trouve résumée dans la question suivante : Comment redynamiser le fonctionnement des mécanismes de régulation foncière pour éviter les effets de résurgence conflictuelle à Sinfra ? C'est à cette tâche que la présente souhaite se consacrer.

En effet, dans notre zone d'étude, une enquête que nous avons effectuée pendant six mois (de Mai 2015 à Juillet 2015 puis d' Octobre 2017 à Décembre 2017) nous a permis d'observer de nombreux conflits fonciers internes aux familles (djahanénin-péhinénin en 2002 et 2010, digliblanfla en 2013), aux communautés sédentaires (sian et nordistes de Sinfra en 2010 et 2011) et des récupérations politiques de cette crise foncière qui s'en ont suivi pendant et après les violences post-électorales de 2010. Ces violences foncières qui ont pour la plupart, émergé de conflits latents (petits crises en communautés sédentaires, rebondissement de joutes foncières ayant connu de séances de gestion coutumières et/ou pénales), ont débouché sur des affrontements sanglants entre autochtones et allochtones avec la destruction incendiaire de quelques villages autochtones (Koblata et Proniani en 2011).

Il s'agit là, des conflits déclarés aux instances de régulation foncière. Mais au-delà, le chef des différentes tribus du département de Sinfra dit recevoir en moyenne deux (02) cas de conflit chaque semaine, soit environ cent - quatre (104) cas de conflits fonciers chaque année (depuis 2009). Outre ce fait, de nombreux villages du département sont aussi le théâtre de litiges fonciers : Degbesséré (03 cas de litiges avec rixe en 2017), Manoufla (02 cas avec blessure à la machette en 2016), Blontifla (05 cas avec dépôt de canaris à proximité des champs en 2017), Tricata (01 cas avec bagarre dans un champ de cacao en 2015), Paabénéfla (04 cas avec menaces de mort et incendie de plantations en 2013), Kayéta (02 cas avec blessures à la daba et du bois de chauffe en 2016) pour ne citer que ceux-là.

Ces quelques faits qui témoignent de la fréquence des conflits fonciers dans la localité étudiée, se greffent à des conséquences à la fois internes et externes aux consciences villageoises. Au niveau des conséquences internes, il faut noter l'atmosphère d'incertitude sociale qui pousse certains villageois (acteurs de conflits) à mener les activités champêtres en nombre important pour éviter des cas d'attaques sectorielles. A cette donne, s'ajoute le sentiment d'insécurité généralisé qui contraint quelques agriculteurs à rester dans leurs domiciles en laissant leurs plantations sans entretien.

Au niveau des conséquences externes, on note une baisse de la production des cultures d'exportation en raison de la position géographique de Sinfra (zone à prédominance cacaoyère, caféière et anacardière).

Devant ces tensions foncières qui jusque-là perdurent, l'Etat n'est pas resté inactif et a engagé des actions concrètes dans le terroir local. Au titre de ces actions, notons la mise en place des Comités Villageois de Gestion Foncière Rurale instaurés dans les quarante-quatre (44) villages du département de Sinfra,l'édiction de dispositions règlementaires (Loi n°98-750 du 18 Décembre 1998, promulguée le 23 Décembre1998 au Journal Officiel de la République et amendée en son article 26 par la loi n°2004-412 du 14 Août 2004 et ses décrets d'application), l'établissement de cent-quatre (104) certificat fonciers dans le département, soit environ 2% des terres locales cadastrées (selon la direction du cadastre de Sinfra, Février, 2016).

Au-delà de ces actions, mentionnons l'instauration d'une collégialité professionnelle et une fluidité communicationnelle entre les différentes entités chargées de gérer les litiges fonciers (autorités traditionnelles, administratives, judiciaires et les unités décentralisées des ministères de l'agriculture et de la construction) et la réunion des éléments concrets du projet de création de l'Agence de gestion Foncière Rurale (AFOR).

Dans ce contexte social prophylactique à la gestion des rixes inter-rurales à Sinfra, les représentants locaux de l'Etat qui avaient désormais une portée plus active, en ont profité pour actionner des leviers de résolution des conflits stagnants. La plupart de ces interventions, à défaut de prendre des positions figées visant l'expropriation de certaines catégories sociales, s'érigeaient dans le cadre des transactions amiables laissant ainsi libre cours à des frustrations passagères, des plaintes fréquentes, des tentatives de corruption dans un contexte déjà alimenté par la crise de 2010 et ses récupérations politico-foncières.

Relativement à ces actions de règlement « médianes », certains y saluaient des décisions de justice impartiales parce qu'y trouvant leur compte tandis que d'autres réfutaient autant que possible ces décisions jugées insatisfaisantes. Dès lors, l'on a assisté à une forme de clanisme entre communautés sédentaires et des tentatives de remise en cause des décisions de justice (traditionnelle, administrative ou pénale) manifestée au moyen de rixes pour la consolidation exclusive de droits de propriété sur la plupart des terres litigieuses.

A l'analyse, il ressort que ces tentatives de règlement bien que prometteuses, n'ont pas eu d'écho favorable auprès de la population dans toute la contrée. Bien au contraire, elles ont constitué des combustibles à un repli identitaire de certaines catégories sociales à l'égard d'autres et à un métamorphisme des interactions entre ruraux, prophylactique à des regains de violences foncières.

Devant l'ampleur de ces litiges fonciers qui se manifestent certes dans le département mais également des d'autres régions ivoiriennes et sous-régionales, la communauté scientifique n'est pas restée inactive. De nombreux chercheurs se sont investis dans la recherche des facteurs explicatifs et par ricochet, des voies de résolution. Trois approches explicatives ressortent de ces recherches : l'approche centrée sur la saturation foncière et les tentatives d'appropriation foncière (Alkassoum (2006 ; Tallet et Paré, 1999 ; Merabet, 2006 et Bonnecase, 2001), l'approche centrée sur le positionnement des jeunes pionniers dans le théâtre foncier familial en dépit des principes culturels (Kodjo, 2013 ; Ibo, 2012 ; Agnissan, 2012 et Coulibaly, 2015) et l'approche centrée sur le jeu trouble des acteurs institutionnels (Chauveau, 2000 ; Lavigne, 2002 ; Kéita, 2012 et Dicko, 2007).

Notre démarche explicative inclut ces trois approches abordées dans la littérature. Pour nous, l'inclusion de ces trois dynamiques dans la sphère explicative, permet de comprendre dans sa totalité, la question du rebondissement des conflits fonciers après des séances de gestion (à Sinfra).

L'approche théorique qui sous-tend une telle réalité sociale, est la théorie constructiviste (Delcourt, 1991 ; Vellas, 2003 ; Bourdieu, 1972). En effet, cette théorie postule que pour comprendre un phénomène social donné, il faut recourir à des facteurs à la fois internes et externes aux consciences individuelles. Autrement, cette théorie recherche la réunion de facteurs endogènes et exogènes dans la compréhension d'un phénomène social donné.

Dans notre cas d'espèce, il est à noter que dans le terroir local ivoirien, en raison du culte rendu à la terre (prescriptions et interdictions), est accompagnée d'un certain nombre de rites agraires.Tout paysan est ou doit être conscient que la terre ne peut être consolidée, défrichée, labourée sans l'accomplissement préalable de pratiques propitiatoires susceptibles de lui assurer l'agrément des génies des lieux et esprits des ancêtres (Agnissan, 1997). La terre à Sinfra a donc des attributs sacrés et c'est à travers le non-respect des règles informelles de cette coutume(facteurs endogènes) d'une part et d'autre part par des implications collatérales (facteurs exogènes) au détriment de cette boussole ancestrale que l'on pourrait véritablement comprendre la genèse des obstacles liés à la gestion des conflits fonciers. Tenter donc de repositionner théoriquement ce sujet reviendrait à considérer la structure agraire et les mécanismes de gestion des conflits fonciers comme un système guidée par une norme sacrée dans lequel interagissent des difficultés. Ces difficultés à la fois internes et externes éclairent l'explication des conflits fonciers naissant des procédures de gestion.

Toutefois,il faut remarquer qu'en dépit des textes juridiques (loi n°98-750 du 23 Décembre 1998 et ses mesures d'accompagnement), des institutions régaliennes en charge du traitement des questions foncières, des Comités Villageois de Gestion Foncières Rurales, des conflits fonciers à Sinfra naissent et s'intensifient.Par conséquent, il parait important dans le cadre de la compréhension de ce sujet, d'identifier en amont les obstacles internes et externes à la gestion des conflits fonciers à Sinfra puis en aval, de rechercher les facteurs explicatifs de ces obstacles.

C'est l'occasion ici de rappeler qu'un tel phénomène social (conflits fonciers) intéresse le champ social de la criminologie qui cherche à élucider le phénomène criminel quel que soit l'angle sous lequel il se présente.

Question principale

Pourquoi la gestion des conflits fonciers entre autochtones et allochtones échoue-t-elle dans le département de Sinfra ?

Questions secondaires

Existe-t-il une relation entre l'échec de la gestion des conflits fonciers entre autochtones et allochtones et les facteurs internes aux acteurs sociauxdans le département de Sinfra ?

Existe-t-il une relation entre l'échec de la gestion des conflits fonciers entre autochtones et allochtones et les facteurs externes aux acteurs sociaux dans le département de Sinfra ?

V. Objectifs- Thèse et Hypothèses

5.1 Objectifs

5. 1.1. Objectif général

Cette étude vise à rechercher les facteurs explicatifs de l'échec de la gestion des conflits fonciers entre autochtones et allochtones dans le département de Sinfra.

5.1.2. Objectifs spécifiques

Ø Rechercher la relation entre échec de la gestion des conflits fonciers et facteurs internes aux acteurs sociaux dans le département de Sinfra.

Ø Rechercher la relation entre échec de la gestion des conflits fonciers et facteurs externes aux acteurs sociaux dans le département de Sinfra.

5.2. Thèse

Les conflits fonciers observés à Sinfra sont complexes et leur gestion échoue à cause des facteurs internes et des facteurs externes aux acteurs sociaux. La réponse à la régulation de ce phénomène réside dans la formulation d'actions qui s'articulent autour de ces facteurs internes et externes aux acteurs.

5.3. Hypothèses

5.3.1. Hypothèse générale

L'échec de la gestion des conflits fonciers dans le département de Sinfra s'expliquent par desfacteurs internes et des facteurs externes aux acteurs sociaux.

5.3.2. Hypothèses spécifiques

H1. L'échec de la gestion desconflits fonciers à Sinfra s'expliquent par des facteurs internes aux acteurs sociaux.

H2.L'échec de la gestion des conflits fonciers à Sinfra s'expliquent par des facteurs externes aux acteurs sociaux.

5.3.3. Construction du cadre opératoire

5.3.3.1. Identification des variables

3.3.1.1. Variable dépendante

La variable dépendante et ses indicateurs peuvent être récapitulés dans le tableau ci-dessous :

TABLEAU1 : Récapitulatif de la variable dépendante et de ses indicateurs

VARIABLE

CRITERES

Echec de la gestion des conflits fonciers

Facteurs internes aux acteurs sociaux

Facteurs internes aux acteurs sociaux

Source : Terrain

5.3.3.1.2. Variables indépendantes

5.3.3.1.2.1. Variables de la première hypothèse

Variable dépendante  : Echec de la gestion des conflits fonciers.

Variable indépendante : Facteurs internes aux acteurs sociaux.

5. 3.3.1. 2.2. Variables de la deuxième hypothèse

Variable dépendante  : Echec de la gestion des conflits fonciers.

Variable indépendante : Facteurs externes aux acteurs sociaux.

5.3.3.2. Précision des indicateurs des variables indépendantes

Les variables indépendantes et leurs indicateurs peuvent être consignés dans le tableau ci-dessous :

TABLEAU 2 : Récapitulatif des variables indépendantes et leurs indicateurs

VARIABLES

INDICATEURS DES VARIABLES

Facteurs internes aux acteurs sociaux

Corruption des acteurs de gestion

Protection tribale des ressortissants

Stigmatisation des acteurs de gestion

Acteurs de gestion eux-mêmes acteurs de conflits

Diversité d'acteurs de gestion et confusion de rôles

Facteurs externes aux acteurs sociaux

Absence de texte pour la gestion des conflits fonciers

Ingérence des autorités gouvernementales dans la gestion et exclusion foncière de minorités

Facteurs démographiques

 

Source : Terrain

VI. Cadre de référence théorique : Théorie constructiviste

Le conflit est un phénomène social complexe et apparait comme la résultanted'interactions entre des acteurs d'un environnement social donné. Cela suppose d'une part, l'existence d'acteurs sociaux et d'autre part, un environnement social dans lequel ces acteurs sont intégrés. Chercher donc à rendre théoriquement compte des conflits fonciers, reviendrait dans le cadre de ce travail, à se fonder sur la théorie constructiviste (Delcourt, 1991 ; Vellas, 2003 ; Bourdieu, 1972) qui unifie l'acteur social et son environnement dans l'explication du social. Les constructivistesrestent à la jonction de l'objectif et du subjectif et postulent en effet, que les faits qui sont censés constituer les problèmes sociaux, sont inséparables des acteurs sociaux.

Dès lors, pour les constructivistes, (Delcourt, 1991 ; Vellas, 2003 ; Bourdieu, 1972), étudier un phénomène social donné, suppose intégrer dans la sphère explicative les facteurs dépendants ou internes aux acteurs sociaux et des facteurs indépendants ou externes aux acteurs sociaux.

L'intégration de l'ensemble des facteurs endogènes et exogènes aux acteurs permet d'éclairer le phénomène étudié.

Les démembrements de cette théorie constructivisteconcernent notamment les théories individualistes ou actionnistes (1) et les théories multifactorielles (2) que nous exposerons.

6.1. Théories actionnistes

6.1.1. Théorie de l'individualisme méthodologique de Boudon

Selon le principe d'individualisme méthodologique, Boudon(1970) énonce que pour expliquer un phénomène social quelconque, il est indispensable de  reconstruire les motivations des individus concernés par le phénomène en question et d'appréhender  ce phénomène comme le résultat de l'agrégation de comportements individuels dictés par ces motivations.

Les comportements individuels constituent selon l'auteur, la source des conflits de tout genre. Et, dans les systèmes  d'interdépendance et d'interaction que constituent les sociétés, les conflits seraient autant de dysfonctionnements. L'agrégation des conduites des différents acteurs, dans un cadre donné (une usine, une administration, un Etat...), conduit à toute une série d'effets non désirés et pervers, parfois violents. L'intérêt de cette théorie est de comprendre globalement les facteurs de l'échec de la gestion des conflits fonciers à partir des choix, motivations et actions des acteurs sociaux.

6.1.2. Théorie de l'acteur de Blumer

Pour Blumer (1969), le comportement humain ne peut se comprendre et s'expliquer qu'en relation avec les significations que les personnes donnent aux choses et à leurs actions.Dans le cas d'espèce, pour comprendre les antagonismes actuels sur le foncier ivoirien et particulièrement à Sinfra, il faut chercher à connaître ou comprendre la valeur ou la signification des choses ou dans le cas d'espèce, de la terre selon les acteurs intégrés dans le système foncier.

On ne pourra donc comprendre la question des conflits fonciers à Sinfra, que par la recherche des significations que la terre et les actions de consolidation ou d'appropriations des uns, représentent pour les autres.

6.1.3. Théorie de l'analyse stratégique de Crozier et Friedberg

Pour Crozier et Friedberg (1977), l'acteur est  celui dont le comportement contribue à structurer un champ c'est-à-dire à construire des régulations. Ainsi, chercher à expliquer la construction des règles sociales, reviendrait à s'intéresser au jeu de ces acteurs sociaux calculateurs et intéressés. Ceux-ci sont autonomes, dotés de rationalité, même si elle est limitée  et rentrent en interaction dans un système qui contribue à structurer leurs jeux. Dans ce contexte, étant donné qu'on ne peut considérer que le jeu des acteurs soit déterminé par la cohérence du  social dans lequel ils s'insèrent, ou par les contraintes environnementales, il faut, pour comprendre le comportement des acteurs, chercher en priorité à comprendre comment se construisent les  actions collectives à partir de comportements et d'intérêts individuels parfois contradictoires. Cette théorie s'inscrit dans une dynamique nomothétique, c'est-à-dire partant des motivations et des actions de l'acteur social pour en venir à une meilleure compréhension du système dans le lequel il s'insère ou est inséré. L'intérêt d'une telle théorie est d'analyser le système social et foncier de Sinfra, à partir des démarches d'actions concrètes des acteurs pour en venir à la compréhension du système foncier local en général.

6.2.Théories multifactorielles

« é t »'

6.2.1 Théorie des élites de Pareto

La théorie de Pareto (1909) est fondée sur une vision fondamentalement conflictuelle de la société. Laquelle est traversée par des tensions et des antagonismes entre les élites (catégorie sociale disposant de pouvoirs) et les couches sociales de la base. Ainsi, tandis que les couches sociales de la base luttent pour la réduction du faussé social entre les élites et elles, les élites, elles, affermissent leur position au sommet de la hiérarchie sociale en plongeant les couches de la base dans le mirage qu'elles luttent en faveur du changement.Dans cette situation, l'auteur pense que pendant que les élites tendent à stabiliser l'ordre social déjà établi, les couches défavorisées tendent à le déstabiliser et le désorganiser pour instaurer un ordre meilleur. L'équilibre sur lequel repose cet ordre ne peut trouver de solution définitive, mais seulement un compromis au moyen de la contrainte par le jeu dialectique du commandement et de l'obéissance.

Dans le département de Sinfra, les élites qui s'apparentent aux autorités locales, voient constamment leurs décisions se heurter à la résistance des acteurs en conflit qui aspirent de plus en plus au changement, même si l'ordre social leur est régulièrement imposé au moyen de larépression.

6.2.2 Théorie du conflit de Freund

Freund (1965) part du postulat que les sociétés contemporaines ne sont pas seulement des sociétés industrielles et démocratiques, elles sont aussi des sociétés conflictuelles. Pour l'auteur, des conflits de toute nature surviennent entre et à l'intérieur des groupes sociaux. Il développe donc la question du tiers (dans le conflit) dont l'intervention se situerait dans un cadre conciliateur et permettrait de rompre la logique du duel entre minorité à majorité, pour asseoir une forme d'entente et d'alliance.

Cette théorie répond aux besoins de cette recherche dans cette localité où les élites locales (coutumières et administratives) essaient fréquemment médiation, négociation et conciliation entre les belligérants des conflits fonciers à Sinfra.

6.2.3 Théorie du complot de Knight

Dans cette théorie conspirationniste, Knight (1976) postule propose de donner une vision de la société perçue comme le produit de l'action d'un groupe occulte agissant dans l'ombre. Loin de la simple rumeur, il s'agit d'un récit théorique qui se prétend cohérent et cherche à démontrer l'existence d'un complot entendu comme le fait qu'« un petit groupe de gens puissants se coordonne en secret pour planifier et entreprendre une action illégale et néfaste affectant le cours des évènements ». La  conspiration secrète  civilecriminelle ou  politique, visée par la théorie du complot, agirait généralement dans l'objectif de détenir ou conserver une forme absolue de pouvoir (politique, économique ou religieux).

Cette théorie a l'intérêt de nous intégrer dans les arcanes de ce réseautage clandestin purement élaboré par« les personnes influentes »de Sinfra et qui voit s'intégrer exclusivement des acolytes ou détenteurs de pouvoir foncier, financier et décisionnel évident, avec une volonté d'assujettissement foncier des acteurs ruraux extérieurs à ce réseau.

6. 2.4Théorie des systèmes de Ludwig (1993)

Dans la théorie des systèmes, l'action humaine engage quatre systèmes principaux : système biologique (motivations élémentaires de l'individu), système de la personnalité : (organisation psychique de l'individu), système social (ensemble des rapports d'interaction) et système culturel (ensemble des valeurs).Il existe ainsi des interactions entre toutes ces composantes (sous-systèmes) du système social global dans lequel les acteurs sociaux se trouvent intégrés.

De ce fait, le théâtre rural de Sinfra en tant que système, est perçu comme un ensemble organisé et hiérarchisé d'acteurs, de rôles, fonctions,... en interaction permanente avec des acteurs ayant des objectifs parfois similaires, différents ou même contradictoires.

A l'analyse, précisons que la perspective théorique consacrée à ces travaux permet de mettre en évidence la théorie constructiviste (Piaget, 1923 ; Bourdieu, 1972) qui inclut desfacteursobjectifs et subjectifs(par rapport à un référentiel) dans l'explication de l'échec dans la gestion des conflits fonciers dans le département de Sinfra.

CHAPITRE II : CONSIDERATIONS METHODOLOGIQUES

Ce chapitre se focalisera sur la description du terrain d'étude, de la population d'enquête, de l'échantillon considéré (I), des méthodes de recherche (II), des techniques de recueil des données (III), des modes d'analyse des données collectées (IV) et des conditions sociales de l'étude (V).

I. Terrain, Population et Echantillon

1. Terrain d'étude

1.1. Champ géographique, caractéristiques socio- démographiques, regroupement historique et activités économiques et raisons du choix

1.1.1. Champ géographique

Selon le rapport provisoire de gouvernance locale du Bureau National d' Etudes Techniques et de Développent (BNETD 2005), Le département de Sinfra s'étend sur une superficie de 1618 km2. Il est limité dans la partie Nord par le Département de Bouaflé, au sud par les départements d'Oumé et de Gagnoa, à l'Est par le district de Yamoussoukro et à l'ouest par le département d'Issia.

Chef-lieu de département, Sinfra est situé à environ 246km d'Abidjan, la capable économique, à environ 77 km de Yamoussoukro, la capitale politique et à 49 Km de Bouaflé, chef- lieu de région. Ce département est situé en zone forestière. Le système hydrographique a des particularités aussi bien régionales que locales.

En outre, la localité de Sinfra est arrosée par un affluent du fleuve Bandama. Les précipitations sont importantes dans cette région et engendrent une moyenne annuelle pluviométrique située entre 1200 mm et 1500 mm / an.

Le Département est caractérisé par une pénéplaine jalonnée d'élévations dans le nord-est où se dressent le mont «  liago » et les chaines « kokoumbo ».

Le site urbain est constitué de deux plateaux (1 à 3% et 5 à 10% en quelques endroits) qui sont intercalés par des bas-fonds et des marigots.

Aussi, deux types de forêt dominent le paysage ; on y rencontre une forêt dense dans le sud et une forêt clairsemée dans le nord.Par ailleurs, on note la présence d'un îlot de savane dénommée «  la plaine des éléphants » qui crée une sorte de rupture dans le paysage naturel.

Aujourd'hui, l'ensemble du couvert végétal fait l'objet d'une exploitation accrue à travers de vastes plantations de cultures vivrières et de rente.

Mais au-delà de ce fait, le Département de Sinfra compte 71 localités dont 54, bénéficient de l'électrification (BNETD, 2005). Cette zone totalise 848 km de route dont 99 km sont bitumées. Les routes sont d'une façon générale des pistes qui mènent dans les localités villageoises. Enfin, la situation géographique de cette zone convient à l'agriculture.

1.1.2. Caractéristiques sociodémographiques

Selon le RGPH (2014), la population de Sinfra est estimée à environ 90.711 habitants. Cette population a connu différentes phases dans son évolution. Déjà en 1975, la population de Sinfra était estimée à environ 67. 789 habitants (RGPH, 1975).Cette population est passée à 120.301 habitants 1988 puis à 170.015 habitants dont 80 .056 femmes et 89.959 hommes (RGPH, 1998), à 186 .864 habitants (RGPH, 2001) avant de régresser en 2014 (90.711 habitants).

Au niveau des caractéristiques, il faut noter que cette population locale est majoritairement jeune et hétérogène constituée d'autochtones « kwênins », d'allochtones et des ressortissants des pays de l'Afrique de l'ouest. Elle comprend les principales communautés religieuses (chrétienne, musulmane, animiste) se compose d'autochtones Gouro, investis principalement dans les activités champêtres, d'allochtones (Baoulé, nordistes...) qui, tantôt investissent dans les activités agricoles, tantôt dans le transport et le commerce, et les non-nationaux (Maliens, Nigériens, Guinéens, Mauritaniens, Libanais, ...) qui sont les opérateurs économiques (BNETD, 2005). On les retrouve dans l'industrie de bois, le commerce de matériaux de bâtiments, de produits alimentaires, phytosanitaires et dans la transhumance. Les Burkinabés, eux, s'intéressent pour la plupart aux activités champêtres.

Les données démographiques se trouvent consignées dans le tableau ci-dessous.

ANNEES

1975

1988

1998

2001

2014

POPULATION LOCALE (HABITANTS)

67.789

120.301

170015

186.864

90.711

Tableau n°3 : Evolution démographique de la population de Sinfra de 1975 à 2014

SOURCE : BNETD (2005)

Ainsi, cette évolution démographique de la population de Sinfra, nous permet de présenter la figure suivante :

Source : RGPH, 2014

A partir de cette figure, l'on peut remarquer que :

- De 1975 à 1988, soit en 13 ans, la population est passée de 67.789 à 120 .301 habitants, équivalant à 52.512 habitants, soit 4.039 habitants /an.

-De 1988 à 1998, soit en 10 ans, la population est passée de 120 .301 à 170.015 habitants, ce qui donne environ 49.714 habitants, soit 4.971 habitants / an.

-De 1998 à 2001, soit 3 ans plus tard, la population de Sinfra est passée de 170 .015 habitants à 186 .864 habitants, soit une croissance de 16 .849 habitants, soit environ 5.616 habitants/ an.

-De 1975 à 1998, soit en 23ans, la population de Sinfra a plus que doublé.

Cet accroissement assez rapide de la population est certes lié à un fort taux de natalité relativement à un faible taux de mortalité mais aussi et surtout à une course, à des vagues de migrations croissantes et incontrôlées des populations allogènes vers les terres locales de Sinfra.On assiste dès lors à un déséquilibre dans le ratio populations/ terres et conséquemment à des compétitions, des luttes pour la consolidation des droits de propriété sur les terres de Sinfra.

- De 2001 à 2014, cette population estimée à environ 186.864 habitants, a considérablement chuté à 90.711 habitants. Ces résultats relativement faibles par rapport au RGPH (2001 : 186 .864 habitants) corroborent certainement les propos des autorités locales qui affirment avoir noté un fort taux d'abstention de la population durant cette campagne de recensement.

1.1.3. Regroupement historique et activités socio-économiques

1.1.3.1. Regroupement historiquedu peuple « Sian »

Selon le chef T. (61, rétraité à Blontifla) « les Gouro de Sinfra vivaient avec les Yacouba et les Gagou à Goele au début du XIe siècle ».Ainsi, la croissance démographique de ces peuples sédentaires, poussera certains d'entre eux en occurrence les Gagou et Gouro à migrer progressivement de l'ouest vers le sud-ouest en quête de terres propices de cultures et d'installation.D'escales en escales, ces peuples vont stagner entre le XVe et le XVIe siècle à « tonla » (Bediala) où les gouro prendront une ascendance démographique.

Ainsi, à partir de « tonla », il y a eu des détachements caractérisés par des affrontements entre ses peuples aux caractéristiques sociodémographiques inégales.

Ces violences ont été imputées à un cas d'adultère commis par un gagou sur un gouro et le refus de réparation du préjudice matériel au peuple Gouro lésé.

Ces violences se soldent par la défaite des gagou du fait de la minorité et leur fuite vers l'est (actuel Oumé) et simultanément, le départ des Gouro vers le Nord, parce que refusant de demeurer sur un espace qui a servi de champ de conflit.

Cette vague de migrants Gouro va stopper sa marche aux abords de « Davo », un affluent du fleuve Sassandra où, passionnés par la pêche, l'activité agricole constituera pour ce peuple, une activité secondaire dont le soin sera aux premiers migrants (nordistes, baoulés) en quête d'espaces d'habitation et de culture.

Selon ce même chef, « Gagou » proviendrait de « Kagou » qui signifie « partez » en Gouro.

La dénomination « Sianfla » aurait donc été donnée en début de XVIIe siècle par les premiers migrants Gouro.

Par ailleurs, à cette époque, les propriétaires terriens « terezan » cédaient ou louaient des parcelles de terre aux premiers migrants allochtones (senoufo, malinké, baoulés,...) et aux non-ivoiriens (burkinabés, maliens, peulh) à cause des invasions fréquentes de plantations par les éléphants, qui étaient en nombre important dans la zone(Chauveau, 2002 ;Meillassoux, 1964).

Ces derniers, reconnus pour leurs aptitudes mystiques, avaient pour tâche, au-delà des prestations champêtres, la surveillance et l'entretien des plantations des « terezan » contre les éléphants et les voleurs de récoltes.

Pour mener à bien cette surveillance, ceux-ci fondaient leurs familles non loin des plantations et ces endroits, prenaient peu à peu l'allure de grands espaces d'habitations avec la mise en place des marchés hebdomadaires, des terrains de jeu et l'organisation d'activités socio-culturelles.

Aujourd'hui, certains paysans gouro, notamment dans le souci de préserver leurs plantations constamment sous la menace des voleurs et des feux de brousse, surveillent leurs différentes cultures pérennes et maraîchères en se regroupant en communauté dans le voisinage de leurs plantations. Ces nouvelles entités ainsi formées (campements) se limitent généralement à un nombre restreint de cases et sont souvent le fait d'une même lignée (Kana, 2010).

Ces migrants allogènes négociaient donc la cession d'une parcelle de terre par le système de « tutorat », créant ainsi une dépendance vis-à-vis de leurs tuteurs à qui, ils reversaient une partie généralement faible de leur revenu annuel (Chauveau, 2002 ; 2006 ; Lavigne, 2002). Nous y reviendrons au chapitre suivant.

1.1.3.2.Activités socio-économiques

Dans le département de Sinfra, la principale source de richesse est l'exploitation agricole et forestière(1), quand bien même il existe des activités quelque peu marginalisées telles que la chasse(2), la pêche(3) et l'élevage (4).

1.1.3.2.1. Exploitation forestière et agricole

Regroupés en général dans les villages, les gouro de Sinfra pratiquent principalement l'agriculture (BNETD, 2005). Leurs activités agricoles sont dominées par les cultures pérennes telles que le café, le cacao et souvent par le coton et l'anacarde et les cultures maraîchères (tomate, oignon, aubergine, piment,...).

Les cultures commerciales sont associées aux cultures vivrières pour contenir les périodes de famine (LeBlanc, 2004).

Dans la pratique, on note que les modalités de semence ou d'implantation ne sont pas excellentes puisqu'elles épuisent les sols, l'usage d'engrais et la jachère sont négligées au profit de la technique sur brulis (technique la plus utilisée dans les contrées rurales de Sinfra). On note aussi une quasi-absence des cérémonies associées aux prémices ou à la récolte, aucun culte n'est voué à l'agriculture et le défrichage des nouvelles terres ne s'accompagne qu'exceptionnellement de sacrifices de poulets (Chauveau, 2002 ; Jacob, 2007).

Mais au-delà, l'exploitation agricole joue un rôle majeur dans l'économie de subsistance, dans l'affirmation de l'identité socio-culturelle des ruraux et c'est autour de cette activité que s'organisent les rapports sociaux les plus étroits et les plus durables (Echui, 1993 ; Meillassoux, 1964).

Les Gouro de Sinfra apprécient en premier lieu le riz et la banane plantain. L'igname et le taro apparaissent comme des cultures d'appoint dont la récolte se fait en période de soudure du riz. Le maïs est trimestriellement cultivé et le manioc est considéré comme une nourriture de disette. La banane qui se récolte toute l'année, permet un étalement de la production vivrière et atténue les disettes les plus graves. A ces plantes qui fournissent l'alimentation de base, s'ajoutent quelques légumes et condiments dont, en particulier le gombo, les courgettes, la tomate et le piment (Meillassoux, 1964).

L'agriculture gouro repose sur deux principes : l'association et la succession des cultures vivrières (riz, igname) et des cultures de rente (cacao, café). (Chauveau et Dozon, 1984).

1.1.3.2.2. Chasse (lupa)

Dans les contrées rurales du Département de Sinfra, la chasse est très marginalisée et dite « secondaire » par les populations locales (BNETD, 2005).

Selon l'ONG Inter-Environnement Wallonie (2002), diverses raisons ont réduit cette pratique en une activité de second ordre :

- La raréfaction du gibier due aux chasses collectives contre les éléphants et d'autres animaux destructeurs de plantations.

- La restriction de la possession des armes à feu excepté le calibre 12, qui lui aussi, par certaines restrictions administratives, limitent son usage à son possesseur.

Dans ces conditions, les gouro de Sinfra ne se livrent généralement qu'à la chasse des rongeurs, des singes, des antilopes, des biches et des oiseaux,... Ainsi, avec des chiens préparés à cet effet, les chasseurs, aux heures tardives de la nuit fouillent les brousses et y débusquent parfois quelques bêtes.

Les chasseurs gouro ou « loupazan » avaient un rôle social déterminant (Meillassoux, 1964 ; BNETD, 2005). Ils constituaient les éclaireurs pendant les déplacements massifs des populations« kwênins ». Ils découvraient lors des expéditions, des terres qu'ils qualifiaient de « vômantèrè » et s'y installaient avec les siens. Ils avaient, par leur art, la possibilité de s'émanciper de la tutelle de leurs ainés et s'installer sur de nouvelles terres à l'écart du groupe.

Toutefois, bien que moins fréquente de nos jours à Sinfra, la chasse remplit une fonction sociale importante ; les produits issus de la chasse constituent pour le meneur et le groupe, un certain prestige et une source de cohésion dans le partage du gibier entre les groupes dénommés « bêyi » et « bêbou » qui, après quelques petites ventes, utilisent leurs différentes parts pour nourrir leurs familles.

1.1.3.2.3. Pêche

Les « kwênins » de Sinfra n'ont pas une grande tradition de pêche à cause du manque de grands cours d'eau dans le département (de Sinfra). La pêche y est saisonnière et ne peut satisfaire les besoins locaux si bien que le marché central est approvisionné par le poisson venant de la mer (Abidjan, San-pédro) et du lac Kossou (Bouaflé) (BNETD, 2005 ; Meillassoux, 1964).

De plus, elle est pratiquée dans les petits barrages ou puits construits par les populations pendant la saison sèche c'est-à-dire entre le mois de décembre et le mois de février.

Les méthodes utilisées y sont encore rudimentaires (filets, nasses, cannes à pêche,..) et les produits issus de cette pêche, après quelques ventes, servent directement à l'alimentation des populations rurales.

1.1.3 .4. Elevage

Dans le passé, les Gouro de Sinfra s'investissaient régulièrement dans la transhumance et le bétail n'était élevé que dans un but strictement alimentaire (BNETD, 2005 ; Meillassoux, 1999). Plus généralement le bétail était sacrifié rituellement lors de cérémonies propiatoires ou expiatoires selon le conseil des sages. La viande en était consommée collectivement ou partagée entre les membres du village ou même de la tribu selon l'ampleur de la cérémonie, avec distillation des os pendant la 2 ou 3 nuits.

Selon l'enquêté M. (Kononfla, 49 ans, planteur),« les hommes riches offraient souvent une tête de gros bétail en guise de dot, à côté d'autres biens. Le meurtre volontaire ainsi que l'adultère commis entre proches (au sein d'un même gouniwuo ou avec la femme de son frère), les insultes graves comme traiter par exemple un homme d'esclave étaient également compensés par la remise d'un boeuf ».

De ce fait, la fonction sociale de l'élevage demeurait liée aux pratiques cérémonielles et religieuses. Le bétail fournissait la matière des échanges sociaux. Par ailleurs, l'existence d'un troupeau abondant permettait de multiplier les manifestations de cohésion sociale et d'alliance. Le gros bétail plus que le petit permettait d'étendre ces manifestations aux groupes les plus larges, parfois à la tribu tout entière, parce qu'il constitueune nourriture hautement appréciée par la population rurale de Sinfra.

Aujourd'hui, c'est le petit bétail (mouton, cabri) qui tend à remplir ces fonctions: il est lui aussi utilisé dans les sacrifices et des alliances et est utilisé dans la composition des amendes, des compensations et des dots comme premier cadeau offert à la mère de la jeune fille.

Il sert également aux rituels villageois tels que l'adoration des rivières « sokpo », du python « ménin san » et des masques sacrés « djê ».  

L'élevage du gros bétail est aujourd'hui de plus en plus monopolisé par les peulhs, maliens, guinéens et certaines autorités (coutumières et administratives) du département.

1.1.4 Raisons du choix du terrain

Trois raisons ont milité en faveur du choix du département de Sinfra.

· La première s'articule autour la bonne connaissance du terrain d'étude. En effet, nous sommes originaires de ce département et nous y avons passé une grande partie de notre adolescence. Les autorités coutumières dans leur majorité et certaines autorités administratives sont des parents  proches ou éloignés; ce qui a facilité les autorisations d'échanges et la mobilisation des données dans les différentes structures de la localité.

· La deuxième raison est relative à la taille de la population d'enquête (90.711 habitants selon les recensements de 2014). Une telle population d'enquête favorise la réussite de cette étude qui serait impertinente dans un environnement caractérisé par un faible effectif, quoique les versants positifs de la gestion des conflits fonciers, au plan coutumier et administratif restent des secrets de polichinelle.

· La troisième est liée à la position géographique du cadre d'étude. En effet, le département est situé en zone forestière et dominée par les plateaux avec une diversité de sols (ferralitiques et ferrugineux, c'est à dire riches en oxyde de fer et en humus) capables de favoriser le développement des cultures aussi bien saisonnières que pérennes (Léon, 1983 ; Brou, Oswald, Bigot et Servat, 2005). A cela s'ajoutent les migrations allochtones et leurs méthodes de consolidation foncière qui font de ce département, un véritable environnement social ou les acteurs sédentaires s'entrechoquent et se disputent de façon récurrente les portions de terre.

2. Population et échantillon

2.1 Population

L'enquête concerne l'ensemble des populations autochtones et allogènes susceptibles de nous aider à comprendre le phénomène étudié. Ainsi, les personnes présentes sur le terrain (autorités administrative, coutumières et administrés) ont été privilégiées au détriment des personnes extérieures au terrain, à l'exception des acteurs de la direction du foncier rural sise dans l'enceinte du ministère de l'agriculture à Abidjan.Rappelons que cette forme d'inclusion des acteurs locaux et d'exclusion des acteurs extérieurs au département s'explique par un souci d'objectivité visant à n'associer que les personnes ressources du département qui observent ou participent à la manifestation ou à la gestion du phénomène.

Cette population se répartit en trois catégories.

La première catégorie  est celle des « autorités administratives ». Ce choix se justifie par leur rôle administratif caractérisé par la gestion de toute question sociale sur leur circonscription de compétence. Outre ce fait, ellesreprésentent les supérieurs hiérarchiques directs des chefs traditionnels et sont au coeur du processus de gestion des litiges fonciers à Sinfra. Elles sont composés du Préfet, du secrétaire général de la préfecture, du Sous-préfet et de ses accesseurs, des acteurs de la direction du foncier du ministère de l'agriculture, du directeur départementale de l'agriculture, des agents des services spécialisés du cadastre et transactions foncières, du direction départementale de la construction, la direction des eaux et forêts, des magistrats du tribunal et des agents de la mairie de Sinfra.

La deuxième catégorie concerne les « autorités coutumières » et se justifie par leur rôle central dans la gestion des questions villageoises en général et foncières en particulier. L'effectif se compose de chefs de villages et de tribus, de leurs notabilités, de chefs de terre, d'assistants, de sages et de suppléants à la notabilité, d'agents des comités villageois de gestion foncière.

La dernière catégorie est celle des « administrés ». Ce choix s'explique par leur participation à la manifestation et à la gestion des litiges de terres à Sinfra. Elle se compose de cultivateurs de tout bord ethnique, de transhumants, d'hommes, de femmes, de religieux, de témoins et victimes des conflits fonciers et de responsables des ONG Ziza et Yiri vivant et exerçants sur les sites enquêtés.

Au niveau du choix des catégories, il faut noter que celles des « autorités administratives » et « autorités coutumières » s'est effectuée de façon raisonnée en raison de leur implication fréquente dans la gestion des conflits fonciers à Sinfra.

Sur le terrain, nous avons élaboré un calendrier de rendez-vous relatif à ces autorités ciblées puisque nous avions connaissance du nombre d'agents, des services à visiter et des personnes ressources auprès desquelles nous pouvions obtenir des informations utiles à notre travail.

Contrairement à cette technique d'échantillonnage par choix raisonné, le choix de la catégorie « administrés » s'est fait de façon hasardeuse vu que nous ne pouvions connaitre ni l'emploi du temps individuel de cette constellation de ruraux, ni leurs domiciles respectifs encore moins leurs champs ou leurs lieux d'exercice professionnel. Nous avons donc établi un emploi du temps personnel que nous avons respecté et adapté au terrain en faisant des visites « surprises » dans les villages et quartiers retenus, nous contentant ainsi des questionnaires et entretiens négociés avec les enquêtés trouvés sur place.

2.2. Echantillon

L'échantillonnage est un procédé qui permet de rassembler dans un sous-ensemble, un échantillon réduit, présentant l'ensemble des caractéristiques de la population initiale.

SelonDiahou (2003), « la détermination de cette population-cible est commandée par le chercheur en fonction des objectifs visés. L'intégration de la dimension spatiale, des principaux groupes en présence peut se traduire par la prise en compte des micro-territoires qui fondent l'unité géographique. »

Nous avons donc subdivisé le département en six (6) strates correspondant aux six (6) tribus : BINDIN (Huafla, Nadiéta, Paabénéfla, Bégouafla, Broufla, Porabénéfla, Zéménafla), GOHI(Bazré, Bounafla, Bindinfla, Gohouo, Koadji, Gonfla)  , NANAN ( Kononfla, Koumodji, Kayéta, Manoufla, Bérita, Baléfla, Diénembroufla, Broufla), PROGOURI (Manoufla, Kouêtinfla, Kouroudoufla, yanantinfla) SIAN(Blontifla, Douafla, Benhuafla, Béliata, Digliblanfla, Bégonéfla, Kouétinfla, Manoufla, Barata, Tricata, Bérita, Dégbésséré, Proziblanfla, Koaizra,Koblata,...), VINAN (Zéménafla, Zougourouta, Djénédoufla, Sanégourifla). Les différentes populations interrogées étaient constituées d'autorités administratives, pénales, coutumières, de villageois, planteurs, religieux,...

Toutefois, vu que le RGPH (2014) a produit peu de données sur certaines variables (sexe, âge, niveau d'instruction scolaire, catégorie socio-professionnelle, répartition démographique par tribu, par village,...), nous avons procédé par stratification des différents villages et quartiers du département en mettant l'emphase d'une part, sur l'indentification des peuples sédentaires (autochtones, allochtones) et d'autre part, sur l'inventaire et l'identification des autorités locales et autres enquêtés.

v Détermination de l'échantillon des autochtones des tribus

Selon le chef des différentes tribus (Mr Z. K.), « la tribu Sian compte seize (16) villages, chaque village compte vingt-cinq (25) lignages puis chaque lignage compte vingt membres (20) dont en moyenne, quatre parents (parents directs et oncles ou tantes) et des enfants.

La tribu Gohi compte six (06) villages, chaque village compte dix (10) lignages puis chaque lignage compte vingt (20) membres.

La tribu Bindin compte sept (07) villages, chaque village compte treize (13) lignages puis chaque lignage compte vingt (20) membres.

La tribu Nanan compte huit (08) villages, chaque village compte quinze (15) lignages puis chaque lignage compte vingt (20) membres

La tribu Progouri compte quatre (04) villages, chaque village compte six (06) lignages puis chaque lignage compte vingt (20) membres.

La tribu Vinan compte également quatre (04) villages, chaque village compte cinq (05) lignages puis chaque lignage compte vingt (20) membres ».

Tribu Sian :

Population estimative : 16 villages × 25 lignages × 20 membres

Population estimative : 8.000 membres.

Estimation des catégories :

Hommes : 16 villages × 25 lignages × 2 membres = 800 individus

Femmes : 16 villages × 25 lignages × 2 membres = 800 individus

Fils et filles : 16 villages × 25 lignages × 16 membres = 6.400 individus

Tribu Gohi :

Population estimative : 06 villages × 10 lignages × 20 membres

Population estimative : 1.200 membres.

Estimation des catégories :

Hommes : 06 villages × 10 lignages × 2 membres = 120 individus

Femmes : 06 villages × 10 lignages × 2 membres = 120 individus

Fils et filles : 06 villages × 10 lignages × 16 membres = 960 individus

Tribu Bindin :

Population estimative : 07 villages × 13 lignages × 20 membres

Population estimative : 1.820 membres.

Estimation des catégories :

Hommes : 07 villages × 13 lignages × 2 membres = 182 individus

Femmes : 07 villages × 13 lignages × 2 membres = 182 individus

Fils et filles : 07 villages × 13 lignages × 16 membres = 1.456 individus

Tribu Nanan :

Population estimative : 08 villages × 15 lignages × 20 membres

Population estimative : 2.400 membres.

Estimation des catégories :

Hommes : 08 villages × 15 lignages × 2 membres = 240 individus

Femmes : 08 villages × 15 lignages × 2 membres = 240 individus

Fils et filles : 08 villages × 15 lignages × 16 membres = 1.920 individus

Tribu Progouri :

Population estimative : 04 villages × 06 lignages × 20 membres

Population estimative : 480 membres.

Estimation des catégories :

Hommes : 04 villages × 06 lignages × 2 membres = 144 individus

Femmes : 04 villages × 06 lignages × 2 membres = 144 individus

Fils et filles : 04 villages × 06 lignages × 16 membres = 384 individus

Tribu Vinan :

Population estimative : 04 villages × 05 lignages × 20 membres

Population estimative : 400 membres.

Estimation des catégories :

Hommes : 04 villages × 05 lignages × 2 membres = 40 individus

Femmes : 04 villages × 05 lignages × 2 membres = 40 individus

Fils et filles : 04 villages × 05 lignages × 16 membres = 320 individus

En termes d'échantillonnage, la technique par choix accidentel a été privilégiée au niveau des autochtones des tribus sus-citées. Nous avons élaboré un emploi du temps de travail que nous avons adapté au terrain en nous contentant des visites surprises dans ces tribus et en privilégiant les entretiens obtenus avec les enquêtés trouvés sur place.

Pour également respecter la question du genre, nous avons retenus autant d'hommes que de femmes et autant de fils que de filles au niveau des familles interrogées.

Echantillon de la population autochtone des tribus

06 hommes × 06 tribus = 36 hommes

06 femmes × 06 tribus = 36 hommes

17 fils× 06 tribus = 102 fils

17 filles× 06 tribus = 102 filles

Le tableau ci-dessous résume les précédentes données.

TABLEAU N°4 : Descriptif quantitatif de l'échantillon autochtone

Catégories d'enquêtés des 06 tribus

Echantillon d'enquête

Hommes

36

Femmes

36

Fils

102

Filles

102

Total

279

SOURCE : TERRAIN

v Détermination de l'échantillon des allochtones dans les zones

La méthode d'échantillonnage de la population allochtone a répondu à l'instar de la population autochtone, a un choix accidentel en raison du manque de données démographiques actualisées.

L'enquête a déterminé seize (16) zones d'occupations allochtones. Les potentiels enquêtés étaient constitués d'hommes, de femmes, de fils et de filles.

Les détails se trouvent synthétisés dans le tableau ci-dessous

TABLEAU N°5 : Descriptif quantitatif de l'échantillon allochtone

Zones d'enquête

Echantillon d'enquête

Brunokro

11

N'Drikro

11

Niamienkro

11

Yaokro

11

Bolokro

11

Katiénou

11

Koffikro

11

Kouadio Bakro

11

Akakro

11

Dramanekro

11

N'Zuékro

11

Gbrizokro

11

Dioulabougou I

11

Dioulabougou II

11

Dioulabougou III

11

Dioulabougou IV

11

Total

176

SOURCE : TERRAIN

v Détermination de l'échantillon des autorités locales

Contrairement aux populations sédentaires qui ont répondu à une méthode accidentelle, les autorités locales, en raison des données liées à leurs effectifs par service, ont été ciblées par choix raisonné.

Tribunal coutumier

Sur les :

Quarante-quatre (44) chefs de villages sur l'ensemble des six (06) tribus, nous avons retenu vingt-huit (28).

Quarante-quatre (44) chefs de terre, nous avons retenu trente (30).

Douze (12) membres par bureau de chefferie ; soit soixante-douze (72) membres au total, nous avons retenu quarante (40).

Tribunal pénal

Sur les douze (12) travailleurs du tribunal, nous avons retenu six (06); soit un (01) juge de jugement, un (01) juge d'instruction et quatre (04) greffiers.

Préfecture

Sur les huit (08) travailleurs de la préfecture, nous avons interrogé : le préfet, le secrétaire général de la préfecture et la secrétaire du préfet.

Sous-préfectures

Sur les quatre (04) sous-préfectures (Sinfra, Kononfla, Kouêtinfla et Bazré) qui comptent environ de dix (08) travailleurs chacune, nous avons interrogé les quatre (04) sous-préfets, les quatre 04 archivistes et quatre (04) autres employés.

Direction départementale de l'agriculture

A cette direction d'environ huit (08) travailleurs, le directeur départemental de l'agriculture et 04 employés du service cadastral ont été interrogés.

Direction départementale de la construction

Trois enquêtés sur six (06), ont été interrogés. Il s'agit du directeur et de deux (02) autres collaborateurs.

Ministère de l'agriculture.

Trois enquêtés ont été interrogés sur les sept (07) identifiés.

TABLEAU N°6 : Descriptif quantitatif de l'échantillon des autorités locales

Zones d'enquête

Population d'enquête

Echantillon d'enquête

Tribunal coutumier

160

98 61,25%

Tribunal pénal

12

06 50%

Préfecture

08

03 37,5%

Sous-préfectures

32

12 37,5%

Direction de l'agriculture

08

05 62,5%

Direction de la construction

06

03 50%

Ministère de l'agriculture

07

03 42,85%

Total

233

130 55,79%

SOURCE : TERRAIN

v Détermination de l'échantillon d'autres enquêtés

D'autres enquêtés ont été associés aux investigations à l'effet de diversifier les sources d'informations. Il s'agit des :

Responsables religieux : neuf (09) personnes y ont accepté de répondre à nos questions

Les témoins ont été identifiés par la technique boule de neige. Leur nombre est de six (06) personnes.

v Détermination de l'échantillon général

TABLEAU N°7 : Descriptif quantitatif de l'échantillon général

Typologie des enquêtés

Effectif

Autochtones

279

Allochtones

176

Autorités locales

130

Autres enquêtés

15

Total

600

SOURCE : TERRAIN

II. Méthodes de recherche

Trois méthodes ont été exploitées. Il s'agit de la méthode dialectique (1), le fonctionnalisme (2) et la méthode systémique (3).

1.Méthode dialectique

Pour N'DA(2015), « c'est une démarche qui part de l'idée de la présence de contradictions dans la réalité elle-même. Elle recherche les incohérences, les oppositions, les ambivalences des choses qui constituent souvent l'essence de la réalité ». En d'autres termes, cette méthode recherche les incompatibilités, les contradictions dans un système social donné (Gurvitch, 1962 ; Brohm, 2003 ; Bruaire, 1993 ; Nadeau, 1999 ; Kervégan, 2005). Elle est une méthode de recherchedocumentaire (Levray, 2014 ; Prost, 1996 ; Bloch, 1993) que le chercheur se doit, par abstraction de se le représenter (Langlois, 1897 ; Seignobos, 1897 ; 1901).

Dans le cadre de ces travaux, cette méthode a présenté un double intérêt :

· Elle a dans un premier temps, permis d'exhumer la « mémoire » documentaire du département de Sinfra pour y récupérer des documents historiques portant le regroupement du peuple « sian », le processus de migration des allochtones, les phases de l'évolution démographique de la population de Sinfra, le processus d'acquisition ancestrale et actuelle des terres, les liens socio- culturels antiques qui existaient entre les autochtones et certains groupes ethniques en vue comprendre les comportements dualistes actuels de ces peuples sédentaires (autochtones et allochtones) de Sinfra. Dans cette mesure, l'on a pu à la fois connaître les différentes vagues de migrations à Sinfra qui ont conduit à cette forme de saturation foncière constatée à Sinfra et connaitre le processus d'évolution du conflit (naissance, évolution et transformation).

· Elle a dans un second temps, permis de comparer les données documentaires, archivistiques mis à notre disposition avec les verbatim recensés sur le terrain afin d'y relever les incompatibilités et les incohérences.

En somme, retenons qu'il a été possible à travers cette méthode, d'établir le lien entre les variables dépendantes (conflit foncier) et indépendantes (pression démographique, consolidation clanique des espaces fonciers familiaux et implication des acteurs institutionnels).

2. Fonctionnalisme

Selon Malinowski (1944), « Chaque coutume, chaque objet, chaque idée et chaque croyance remplit une fonction ».

Pour Mayer et Laforest (1990),« il faut étudier les phénomènes humains dans une logique d'unité, d'interdépendance pour en éclairer les fonctions ».

Le fonctionnalisme suppose donc la stabilité et l'intégration des systèmes sociaux (Kouassi, 2005), qui tendent à ramener l'explication des faits sociaux, à la mise en évidence de leurs fonctions (Mystere, 2009).Autrement, la  méthode fonctionnaliste renvoie à la structure sociale, à la fonction que remplissent les faits sociaux et culturels pour les uns et les autres (Bemb, 2009).Les conflits fonciers seront perçus comme le résultat d'un dysfonctionnement social ou un ensemble social dans lequel, les fonctions n'ont pas été remplies de façon efficiente par les acteurs sociaux.

Cette méthode nous a intéressé dans l'analyse du statut et du poids social des autorités à charge de la question foncière, dans l'organisation et le fonctionnement des différents mécanismes de gestion foncière, mais aussi et surtout, a-t-elle permis d'apprécier le rôle, les fonctions des conflits fonciers à Sinfra et l'écart entre la marge d'exercice des acteurs de l'administration publique et les agissements observés sur le terrain.

3. Méthode systémique

La méthode systémique est une approche globale qui tend à expliquer le social comme un sous ensemble (sous-système) intégré dans un système social (Ludwig, 1993).Il existe des interactions entre tous les éléments et constituants de la société. Tous les secteurs essentiels, les problèmes publics, les solutions, les politiques sociales, les programmes sont considérés et évalués comme des composantes d'un système global.

L'intérêt de cette méthode est de considérer les acteurs sociaux comme des acteurs intégrés et qui interagissent dans un système social. Les facteurs de l'échec de la gestion des conflits fonciers à Sinfra seraient des facteurs liés au système global local, à ses composantes ou à ses acteurs interagissant.

III. Techniques de recueil des données

Selon N'DA (2015), « les techniques sont des procédés opératoires définis, transmissibles, susceptibles d'être appliqués dans les conditions adaptées au genre de problème ou de phénomène en cause ».Autrement, les techniques constituent des canaux utilisés pour atteindre des buts ; lesquels peuvent être d'ordre processuel en ce sens qu'elles suivraient un cheminement méthodique, des étapes pratiques pour une bonne cueillette des informations.

Dans cette étude explicative, nous avons opté pour: la recherche documentaire(1), l'observation (2), le questionnaire (3) et les différents entretiens (4).

3.1. Recherche documentaire

Elle renvoie d'emblée à l'étude de documents relatifs à un domaine d'étude.

Selon N'DA (2015), « le terme document renvoie à toute source de renseignements déjà existante à laquelle le chercheur peut avoir accès .Ces documents peuvent être sonores, visuels, audio-visuels et/ou écrits ».

La recherche documentaire a constitué un travail préalable et essentiel à notre étude. Elle nous a permis de faire la recension des écrits méthodologiques et empiriques antérieurs afin d'avoir une vue générale et claire de notre objet d'étude. Dans la pratique, son apport s'est situé à quatre niveaux :

· Dans un premier temps, elle a consisté en une recension des écrits tenant à la méthodologie de recherche en sciences sociales.

· Ensuite, en une recension des documents spécifiques aux conflits fonciersafin de mettre en évidence les différentes orientations abordées pouvant nous permettre de dégager notre posture scientifique.

· De plus, cette technique nous a permis de recenser des données factuelles à travers quelques visites dans des institutions de l'Etat (Institut National de Statistique, le Service Cadastre du Ministère de l'Agriculture et sa section décentralisée de Sinfra, les Sous-préfectures des différentes tribus). Ces données concernaient le regroupement historique des populations de Sinfra, les procédures de cession des terres en pays gouro, le processus d'acquisition des terres, les facteurs susceptibles d'expliquer les conflits fonciers et les données statistiques sur l'évolution du phénomène dans la localité.

· Dans un second temps, elle a permis à travers ces données factuelles (Bureau National d'Eudes Techniques et de Développement et l'Institut National de la Statistique ) d'avoir des données statistiques relatives à l'évolution démographique de Sinfra dans l'intervalle [1975- 2014].

3.2. Observation

Pour Besnard, Boudon, Cherkaoui et Lecuyer, (1999), «l'observation consiste en la constatation d'un fait à l'aide de moyens d'investigations appropriées. Elle peut être directe ou indirecte, qualitative ou quantitative, effectuée sur le terrain ou en laboratoire ».

N'DA (2015), la conçoit comme une démarche consistant « à regarder se dérouler sur une période de temps donné, des comportements ou des évènements et à les enregistrer ».

Dans ce travail, nous avons opté pour une observation directe qui rengorge à la fois l'observation «  flottante » et l'observation «  participante ».

En ce qui concerne l'observation flottante, elle a consisté en une observation des comportements des acteurs ruraux et administratifs, des autorités locales, de la manifestation des relations sociales conflictuelles, des tensions inter-ethniques fréquentes dans le département de Sinfra et dans la compréhension des fondements culturels auxquels la population « kwênin » reste fortement attachée.

Pendant la phase d'enquête de terrain qui a duré six (0 6) mois, nous avons remarqué « de visu in situ » des cas de violences foncières, des tentatives de règlements de ces conflits de terre par différents tribunaux coutumiers des localités ciblées, ainsi que les règlements de litiges fonciers par la section détachée (Sinfra) du tribunal de Première Instance de Bouaflé.

Nous avons aussi observé quelques cas de conflits qui opposaient les ruraux à l'administration (coutumière et pénale). Ce sont entre autres des contestations verbales, des défiances portant pour la plupart sur les revendications concernant les décisions de justice, le mode de traitement des litiges entre agriculteurs autochtones et allochtones et entre « kwênins » et transhumants, etc.

Cette observation a été possible au moyen d'un certain nombre de matériels de base dont nous nous sommes munis pendant cette phase observatoire : vade-mecum, appareil photo et caméra numérique.

En ce qui est de l'observation participante, nous avons revêtu une « triple casquette » lors des investigations ; tantôt cultivateur intégrédans des groupes sectoriels d'acteurs ruraux ; tantôt, notable sous autorisation particulière du chef de tribu. Finalement, agent enquêteur, observateur des enquêtes de commodo-incommodo pouvant permettre de procéder à la délimitation cadastrale des espaces fonciers.

3.3. Questionnaire

Pour Mucchielli (1989),« font partie de ce qui sera appelé questionnaire, tous les moyens de recherche de réponse, étant entendu que la réponse recherchée est idéalement celle qui, à travers la subjectivité des individus, exprime directement ou indirectement le phénomène social que l'on veut connaître ou comprendre ».

Selon N'DA (2015), « le questionnaire consiste à poser, par écrit, à des sujets une série de questions relatives à leur situation, à leur opinion, à leurs attentes, à leur niveau de connaissance ou de conscience d'un problème ».

A Sinfra, nous avons adressé des questionnaires aux autorités coutumières, administratives, à la population rurale. Ces étaient relatives aux modalités d'acquisitions terres à Sinfra, au déroulement des conflits fonciers, aux obstacles liés à la gestion, aux facteurs explicatifs de ces obstacles ainsi qu'à l'impact d'une gestion partielle ou partiale des litiges fonciers sur la cohésion sociale à Sinfra.

Cela nous a permis de chercher à comprendre, interpréter les réponses, limiter les risques liés à la personnalisation des questions, d'approfondir et de compléter certaines informations par des questions improvisées en vue de dresser des tableaux de distributions statistiques (de type descriptif).

3.4. Entretien

L'entretien peut être défini comme un échange au cours duquel un ou des interlocuteurs expriment des idées, leurs perceptions, leurs expériences tandis que le chercheur, par des questions précises, délimite le champ social d'intervention.

Pour Grawitz (2001),ce terme désigne « un procédé scientifique qui consiste en un processus de communication verbale dans le but de recueillir des informations en relation avec les objectifs que l'on s'est fixés ».

Dans le cadre de cette recherche, nous avons eu recours à l'entretien individuel(1) et au focus-group(2).

3.4.1. Entretien individuel

A ce niveau, les entretiens étaient tantôt directifs et tantôt sémi-directifs.

· Directifs, en ce sens que nous avons élaboré des guides d'entretiens avec des réponses préconçues. De nombreuses données y ont pu être recueillies grâce à des prises de notes et des enregistrements vidéographiques.

· Sémi-directifs, dans la mesure où nous avons distribué un certain nombre de questionnaires aux enquêtés quelques jours avant les échanges afin de leur permettre de se préparer. Nous y avons délimité le cadre d'échanges et de ce fait, permis à ces enquêtés de demeurer dans le canevas d'échange avec une marge de tolérance restreinte lors des interviews.

Dans l'ensemble, les entretiens auprès des autorités locales : Préfet, Sous-préfet, Maire, Directeur départemental de la construction, Directeur départemental de l'agriculture ont porté sur les thématiques suivantes : historique du peuplement et des conflits fonciers à Sinfra, modes de gestion des litiges fonciers, évaluation des procédures judiciaires et extra-judiciaires de gestion, obstacles de la gestion des litiges fonciers à Sinfra et des facteurs explicatifs de ces obstacles.

Pour ce faire, l'option des questions ouvertes était indispensable afin de donner une marge d'expression aux enquêtés. Ce qui n'a pas favorisé le suivi de l'ordre des questions mais plutôt a permis de compléter certaines questions par d'autres, improvisées.

3.4.2. Focus group

Pour Thibeault (2010), « le focus group est une technique d'entretien de groupe d'expression et d'entretien dirigé, qui permet de collecter des informations sur un sujet ciblé ».Il peut aussi« constituer en une technique qualitative dont le but est de recueillir des discussions centrées sur des situations concrètes particulières, des sujets pertinents pour une recherche »(Touré, 2010).

Sur le site d'investigations, cette méthode a semblé la plus fructueuse du point de vue des données collectées.Elle a permis aux enquêtés de se délier la langue, d'être moins stressés, de s'exprimer en toute latitude du fait du groupe et de donner diverses positions recentrées autour de notre objet d'étude. Ainsi, nous avons formé des groupes de cinq à dix enquêtés dans les différents villages et quartiers visités. Ces entretiens se sont articulés pour la plupart autour des facteurs liés à la résurgence des conflits fonciers, à l'évaluation des actions des instances de régulation foncière à Sinfra , aux difficultés liées à la gestion de ces conflits et les facteurs directs ou indirects pouvant catalyser la résurgences de ces litiges fonciers après gestion.

IV. Modes d'analyse des données

Dans de cadre de cette étude, nous avons eu recours à deux méthodes d'analyse des données : la méthode qualitative et la méthode quantitative.

4.1. Analyse qualitative

Elle a consisté à recueillir les opinions, les attitudes, les perceptions diverses et les réactions individuelles et collectives des enquêtés en rapport avec le phénomène étudié. Pour ce faire, elle s'est appuyée sur l'approche phénoménologique et l'analyse culturaliste.

· Phénoménologie

La phénoménologie privilégie le point de vue des sujets de l'action. Elle accorde l'importance à l'interprétation que le sujet donne des évènements qu'il vit (N'DA, 2015).

Elle a certes consisté à recueillir les opinions, les perceptions et les expériences des enquêtés par rapport au phénomène étudié mais au-delà, elle a permis de faire une attention particulière à la gestuelle, au regard, à la communication corporelle, aux hésitations et aux commentaires de ces personnes ressources.

· Culturalisme

Selon Besnard, Boudon, Cherkaoui et Lecuyer (1999), « le culturalisme est un système de pensée anthropologique qui tend à expliquer la culture comme système de comportement appris et transmis dans un système social. »

Son intérêt dans cette étude s'est principalement situé dans l'analyse du système culturel à Sinfra, dans la transmission de l'héritage culturel, dans le rôle des divers rituels d'invocation d'ancêtres dans la gestion coutumière des conflits fonciers.

Aussi, a-t-il permis de comprendre la cohabitation mutuelle de deux systèmes culturels différents (celui des autochtones et celui des allochtones).

4.2.Analyse quantitative

Cette méthode qui permet de quantifier les informations diversifiées relatives aux données du terrain, nous a intéressé dans le regroupement, l'organisation et le classement des informations selon leur degré de convergence.

Elle nous a aussi été significative à travers l'usage des tableaux de distributions statistiques de type descriptif et de pourcentages et du traitement inférentiel des données pour mettre les hypothèses d'étude à l'épreuve des faits.

V. Conditions sociales de l'étude

Pendant le déroulement de nos investigations, nous avons été confrontés à deux difficultés. Ce sont :

· L'indisponibilité des enquêtés : quelques autorités du département (Préfet, Sous-préfets, Président du tribunal, Directeur départemental de l'agriculture), avaient du mal à s'ouvrir vu la délicatesse du sujet et ce, en dépit des autorisations de recherche. Cette difficulté a été contournée par l'insistance et la mise en rapport des liens familiaux.

· L'inaccessibilité à la documentation : Des informations ont été tenues au secret professionnel. Les informations sur la gestion des conflits fonciers (procès-verbaux de décisions de justice, statistiques sur les conflits fonciers gérés, ceux stagnants,...) ont été difficilement traitées faute de supports informationnels. Des témoignages et l'observation de quelques situations nous ont permis de contourner cette insuffisance.

· Difficultés liés aux déplacements : Le terrain d'étude est un champ géographique constitué de six tribus (Bindin : sept villages ; Gohi : six villages ; Nanan : huit villages ; Progouri : quatre villages ; Sian : seize villages et Vinan : quatre villages), soit un ensemble de quarante-cinq villages explorés dans les quatre sous-préfectures (Sinfra, Kononfla, Bazré et Progouri). Les pistes villageoises menant à ces localités souvent reculées, sont inaccessibles aux véhicules et reconnues que par le truchement d'anciens de villages.Cette difficulté a été contournée par l'usage de bicyclettes et de guide durant ces voyages.

DEUXIEME PARTIE :

RESULTATS, ANALYSE ET INTERPRETATION DES RESULTATS, ET DISCUSSION

CHAPITRE III : RESULTATS

I. MODALITES D'ACQUISITION DES TERRES A SINFRA

Les principales conventions à propos du droit d'usage sur la terre peuvent être considérées comme des accords institués entre les individus ou groupes d'individus relativement à l'exploitation des propriétés foncières et de leur contrôle, mais concomitamment du profil social du nouvel acquéreur du bien foncier et aux conditions de gestion de ce bien.

Evoquer des différentes modalités d'acquisition de la terre à Sinfra, reviendrait dans notre travail à nous intéresser aux pratiques dites ancestrales (1), aux pratiques actuelles (2), aux critères de choix du concessionnaire (3) et à ses pouvoirs en matière de gestion du bien foncier collectif (4) à Sinfra.

1.Pratiques ancestrales

Les principales modalités ancestrales d'acquisition des terres à Sinfra concernent la transmission par héritage (1), la transmission par distribution utérine des terres familiales (2), le tutorat (3) et les arrangements par compensation (4).

1.1Transmission parhéritage

Il se fonde sur la conception originale suivant laquelle, la terre a un caractère essentiellement familial, lignager. Ainsi, à la mort d'un parent, ses terres sont partagées entre ses frères et ses fils ; les filles en sont exclues car elles seront appelées à quitter le domicile familial en vue d'un éventuel mariage(Propos recueillis auprès du vieux D. Proniani, un cultivateur de70 ans(entretien effectué en Février, 2015). Autrement, l'héritage est un mode de transmission à caractère exclusivement utérin avec une exclusion de la descendance féminine en raison de la probabilité d'un mariage avenir.

Mais dans certains cas, lorsque le défunt n'a pas de descendants masculins, les sages du village statuent et envisagent la possibilité d'attribuer à titre exceptionnel des terres à ses filles qui désirent les cultiver.

Par ailleurs, selon ce même enquêté, «  la société  kwênin de Sinfra est régie par le patriarcat ». La parenté s'établit donc en ligne masculine d'où la prédominance de la descendance paternelle. Ainsi, les frères et les descendants directs du défunt sont privilégiés dans l'attribution et le partage des biens en général et des terres en particulier.

C'est seulement, lorsque ceux-ci font défaut que les biens reviennent aux collaborateurs, aux cousins du défunt et à leur descendance. Dans tous les cas, les parents de l'épouse et les gendres sont exclus et le partage est fonction de certains critères tels que l'âge, l'influence familiale et lignagère, le sens de la responsabilité et l'engagement dans les activités champêtres. Le partage des richesses est fonction de ces critères à moins que le défunt ait, de façon confidentielle ou par testament, laissé des instructions différentes.

1.2. Transmission par distribution utérinedes terres familiales

Les données obtenues sur le terrain révèlent que la transmission des terres à Sinfra respecte le principe de l'endo-transmissibilité  de la terre. Cela signifie que la donation s'établit en ligne exclusivement utérine, c'est-à-dire entre les membres d'une même famille, d'une même lignée (caractère endo-lignager de la transmission).

Ce mode de transmission s'apparente au mode précédent (héritage) sauf que cette fois-ci, le donateur des terres est vivant et procède lui-même au partage des biens fonciers aux ayants droits (fils, neveux, frères,...)

Une telle conception des choses s'expliquerait par le souci binominal qui consiste à la fois pour le donateur, à procéder lui-même au partage des biens fonciers en dehors de tout testament et aussi pour éviter que les générations lignagères futures viennent à manquer de terres. Celles-ci, étant une richesse importante dans la civilisation agraire en général et chez les gouro en particulier.

Cependant, un planteur à Djamandji (32 ans, entretiens en Mars, 2015) affirme qu' « à titre exceptionnel, cette transmission peut se faire en faveur d'un nouveau résident (considéré comme un membre de la famille), soit en signe de solidarité, soit pour consolider une amitié ». Mais dans ce cas, cette donation s'effectue contre un cadeau symbolique ou des services particuliers rendus aux autochtones « kwênins ».

Généralement, elle se double d'un mariage ou d'une promesse de mariage d'un membre du lignage hôte avec une personne du groupe allochtone, dans le but de perpétuer l'alliance, la solidarité ou l'amitié.

1.3. Tutorat

Dans notre zone d'étude, l'enquêtéS. (de Béliata, 40 ans, planteur) révèle que le « tutorat est une sorte d'institution traditionnelle rurale qui gouverne les relations sociales,caractérisé par des délégations de biens fonciers à des allochtones nécessiteux, contre un droit de reconnaissance permanent envers le tuteur. Cette reconnaissance bien qu'établissant une relation verticale entre ces acteurs, se matérialise par des civilités régulières qui peuvent consister en des assistances financières au tuteur et /ou en des dons de revenus champêtres ».

Dans la pratique, l'établissement de cette relation de tutorat se séquence en deux phases :

- Dans un premier temps,le tuteur ou « tèrèzan » effectue des libations et incantations sur la terre en question en vue de confier la vie et les activités champêtres de l'allochtoneaux ancêtres, garants de la protection mystique.Dès lors, l'allochtonedevient comme un « wouobin » dontle nom et la crédibilité sont fonction de sa promptitude et de ses prestations auprès de sa famille d'accueil.

- Dans un second temps, l'allochtone effectue des travaux champêtres dont les prémices reviennent au tuteur au-delà des civilités régulières et des versements trimestriels ou semestriels de revenus équivalents au dixième de chaque récolte (riz, maïs, manioc et légumes).

Toutefois, il reste à préciser selon ce même enquêté que « l'allochtone est autorisé dans le cadre de cette transmission, à cultiver uniquement des cultures vivrières et à exploiter les palmiers à huiles souvent existants sur l'espace en vue de la commercialisation de vin de palme ».Cette prescription exclut l'allochtone de toute culture de rente sur la terre vu que les clauses du tutorat ne sont généralement pas délimitées de façon temporelle et donc, pourraient s'estomper subitement si l'un des acteurs n'y trouve plus son intérêt.

1.4.Arrangements par compensation

Ils constituent pour l'enquêté G. (Huafla, 64ans, retraité)« une forme controversée du tutorat qui consistait pour le migrant, en la remise d'une somme symbolique comme compensation à l'utilisation temporaire de la portion de terre d'un autochtone gouro. Cette somme étant relativement faible par rapport au coût de l'utilisation temporairede l'espace foncier, s'apparente à un échange déséquilibré (terre / somme) et conditionné par des prestations morales et sociales vis-à-vis du tuteur ». Autrement, cette forme de transmission emprunte au tutorat certaines civilités sociales et morales, mais va plus loin pour dépendre intrinsèquement de la somme compensatoire remise au tuteur en contrepartie au droit d'usage périodique.

Mais, selon d'autres enquêtés tels que TH. (Sanégourifla, déscolarisé, 32ans) « Contrairement au tutorat où l'autochtone-tuteur est plus rigoureux sur la question des prestations matérielles, l'arrangement par compensation prescrit plutôt une certaine souplesse à cet effet ». Ainsi, l'allochtone peut oublier sans conséquences dommageables, de présenter des revenus de certaines cultures moins prisées telles que le maïs, les légumes et des fruits issus de l'extraction du vin de palme. Quant au riz et à l'igname dont la récolte est annuelle, l'allochtone se devra de ne pas faillir à ce devoir de reconnaissance, sous peine de stigmatisation et éventuellement de rupture du contrat (les liant).

Ces modalités d'acquisitions des terres dites ancestrales ont été pour certaines, rejetées dans le contexte évolutif de Sinfra (tutorat, arrangements par compensation) et pour d'autres, conservées (héritage, distribution utérine des terres familiales).

Toutefois, dans un souci de concision, nous n'aborderons pas les points déjà évoqués plus haut (héritage, distribution utérine des terres familiales).

2. Pratiques actuelles

Les modalités d'acquisition actuelles des terres à Sinfra s'articulent autour de l'héritage, de la distribution utérine des terres (déjà évoqués plus haut), du prêt(1), de l'achat / vente(2),de la mise en gage(3)et du métayage ou « zépa »(4).

2.1. Prêt

Le prêt est un système à travers lequel, le propriétaire d'une terre met à la disposition d'un tiers, une partie ou la totalité de sa propriété pour en tirer profit avant que le besoin ne s'impose à lui.

Ainsi,selon le chef Z.de Baléfla(rétraité, 66 ans, Mars, 2015) « le bénéficiaire de ce droit de gestion, exerce comme le propriétaire de la terre, les mêmes fonctions d'occupation, d'exercice, de gestion notamment sur la portion de terre qui lui a été attribuée. Ce droit de propriété qu'exerce le bénéficiaire est différent du droit de propriété exclusif en ce sens qu'il est tenu de rendre compte de sa gestion au propriétaire ». Autrement, à travers une convention de prêt, le bénéficiaire jouit des bénéfices de la ressource foncière qu'il a sollicitée et obtenue auprès de son propriétaire légitime, mais cette jouissance implique en contrepartie, le respect de certaines clauses auprès desquelles, il a obtenu le droit d'exercice.

Ces clauses peuvent être sociales ou foncières.

· Clauses sociales

Elles sont de nature relationnelle et prescrivent très peu de lignes de conduite que le bénéficiaire devra avoir envers son « têrêzan » et octroient plutôt une primauté au respect des valeurs et normes culturelles.

Cette pratique dite ancestrale par certains enquêtés s'observe dans les villages assez reculés de la ville, presque coupées des nouvelles réalités capitalistes du marché actuel, où les populations jusque-là sont restés fidèles aux pratiques culturelles ancestrales.

· Clauses foncières

Cette typologie plus ou moins récente et régulièrement adoptée par les populations rurales, est prescriptive : c'est un système qui met l'accent sur la contrepartie financière ou matérielle équivalente au don, c'est-à-dire que le « têrêzan » attend du bénéficiaire, des gestes en nature de façon régulière (trimestriellement ou annuellement) selon les conventions définies dans le cadre du contrat. Ainsi, en cas de non-respect de ces contrats, l'on peut assister à des conflits entre ces acteurs ruraux.

2.2. Achat / Vente

Elle entre selon les enquêtes, en ligne de compte des pratiques dites coutumières du département et s'établit le plus souvent sur un papier non moins important qui sera visé par les parties en présence et ci-possible des témoins.

Toutefois, vu la récurrence des conflits de non-respect des clauses des contrats de ventes foncières établis à Sinfra, le collectif des chefs traditionnels qui tendent de plus en plus à être des anciens cadres et fonctionnaires retraités, a interdit les ventes sournoises de terre. Elles doivent désormais être effectuées en présence du bureau du tribunal coutumier, qui aura pris soin, avec le chef de terre, de faire une enquête préalable dont l'objectif serait de déterminer si :

- La propriété devant faire l'objet de vente est familiale ou personnelle

- Le vendeur est le seul héritier ou s'il a des frères dans d'autres villes du pays ; ce qui suppose que ceux-là doivent être informés et acceptent la vente.

C'est pourquoi, un chapelet de conditions de transaction a été élaboré par la chefferie traditionnelle afin de suivre et valider les ventes de terres si elles se conforment aux conditions préétablies. Ceci permettrait aux élus villageois de procéder à la pose de bornages traditionnels pouvant servir de délimitations temporaires avant que les propriétaires ne se fassent établir de certificats fonciers définitifs.

Pendant nos enquêtes, les différents chefs des tribus du département disent « avoir entrepris de vastes campagnes d'information et de sensibilisation sur l'interdiction formelle d'élaborer des transactions sournoises, des marchandisations imparfaites, sous peine d'annulation de contrat et de ses effets » (Propos recueilli auprès du porte-parole du collectif des chefs de tribus de Sinfra, Juin, 2016 à Djamandji).

2.3. Mise en gage

Elle est définie par l'enquêté G. de Manoufla (cultivateur, 28 ans, entretien en Juin 2016) comme « un contrat par lequel un propriétaire remet sa terre à un créancier et lui donne le droit de garder et d'exploiter cette terre jusqu'au remboursement de sa dette ». En d'autres termes, la mise en gage est un mode de consolidation foncière qui accorde une jouissance totale au nouvel acquéreur durant la durée du contrat et ne prescrit aucune forme de reconnaissance ou de civilités du créancier à l'égard du propriétaire et vis-versa.

Toutefois, celui-ci reste tenu d'effectuer des culturesexclusivement vivrières sur la portion de terre en raison de l'incertitude de la date de remboursement. Dans certains cas peu fréquents, les conventions entre ces acteurs peuvent prescrire la conservation de l'espace par le créancier en cas de non-respect du chronogramme de remboursement arrêté par ces acteurs.

2.4. Métayage ou « zépa »

Cette pratique assez fréquente dans le Département de Sinfra, peut être perçue comme « un contrat entre un propriétaire terrien et un migrant, spécialisé dans les activités champêtres, qui consiste pour le propriétaire à céder une partie ou la totalité de son espace foncier à ce migrant qui, devra dans une période déterminée, valoriser l'espace de sorte à en faire un champ productif ; une sorte de  planter-partager » (enquêté de la direction départementale de l'agriculture ; Avril, 2015) ;

Cette durée de mise en valeur qui régulièrementvarie entre 5 et 8 ans, est rémunérée selon des conventions départementales, au 1/3 de l'espace cultivé pour le métayeur.

Toutefois, avec cette pression foncière observée depuis quelques temps à Sinfra, il n'est pas rare d'observer des conflits multiples entre ces nouveaux partenaires fonciers. De nombreuses causes y sont parfois évoquées :

- Non-respect de la période de production convenue dans le contrat.

- Décès du donateur et la tentative de redéfinition du contrat par les descendants.

- Nature du contrat qui pose la question de savoir si le métayage s'exerce seulement sur les cultures ou à la fois sur la portion de terre et les cultures.

- Maladies de cacaoyers telles que « le swoollen shoot » qui déciment la plantation de cacaoyers avant le partage (enquêtés de la direction départementale de l'agriculture et certains ruraux ; Avril, 2016).

De ce fait, l'on note de nombreuses divergences entre ces acteurs (nouveaux partenaires), qui se métamorphosent assez rapidement en violencesphysiques, avec une tendance mutuelle d'engloutissement ou de phagocytage de la résistance de l'adversaire par la mise en évidence du réseau social ou des liens socio-affinitaires avec les autorités locales.

Une enquête-interrogation effectuée auprès d'une sous-population de 123 individus de notre échantillon d'enquête (dans le souci de noter les modes d'accès fréquemment observés à Sinfra) a permis d'obtenir les résultats suivants :

Tableau 8 : Fréquence des modalités d'accès fonciers à Sinfra

Modes d'accès

à la terre

Sous

Préfectures

Héritage et autres donations

Prêt

Achat/Mise en gage

Métayage

Total

Sinfra

24 36%

9 13%

15 23%

19 28%

67 100%

Bazré

8 45%

4 22%

2 11%

4 22%

18 100%

Kononfla

11 48%

2 9%

2 9%

8 35%

23 100%

Kouêtinfla

10 67%

1 7%

1 7%

3 20%

15 100%

Total

49 40%

19 15%

20 16%

35 29%

123100%

Source : Terrain

· Sur les 123 enquêtés du département de Sinfra, 49 personnes ont reçu leur bien foncier par héritage et autres donations, soit 40% de l'effectif total.

· 35 individus sur les 123, ont obtenu leur portion de terre par métayage, soit 29% de la population totale.

· 20 enquêtés sur 123 ont acheté leur potion de terre, ce qui correspond à 16% de la population totale.

· 19 personnes sur 123, ont obtenu leur propriété foncière par prêt, soit 15% de l'effectif total.

A l'analyse, l'héritage prédomine les modalités d'accès à la terre, ce qui est lié au fait que dans la coutume gouro, les terres ont été reparties selon les familles, les lignages et tribus par les ancêtres. Chaque village ou lignage était affecté sur des terres sectorielles de sorte à éviter les effets de dispersion des membres, de désordre ou de litiges entre autochtones eux-mêmes. C'est pourquoi dans le département de Sinfra, l'appellation d'un village donne implicitement des informations sur la situation géographique et les limites des différentes portions de terre appartenant aux habitants de cette lignée autochtone.

A titre illustratif, nous pouvons mentionner que dans le village Digliblanfla, selon les distributions et redistributions des ancêtres, les autochtones disposent des forêts « plaplowouo », « voêagloudji », « valsigoêwi », « zablagoli », « goazi », « gloutaplô » que chaque autochtone est censé connaitre (noms, emplacements et limites) de sorte à mieux les transmettre des descendants aux descendants.

L'héritage est donc le moyen de transmission le plus utilisé par la population rurale. Les prêts, mises en gage et ventes que l'on observait depuis quelques temps à Sinfra, ont été progressivement substitués par le métayage qui semble être au confluent de ces deux types de transactions, en ce sens que pour nombre d'enquêtés, il profite autant au propriétaire terrien qu'au métayeur.

Cette pratique relativement nouvelle connait un grand succès dans le département de Sinfra vu que certains autochtones, même infirmes, physiquement affaiblis ou régulièrement absents, peuvent par ce biais, valoriser leur portion de terre sans toutefois s'investir eux-mêmes dans les activités champêtres.

La représentation graphique des différents modes d'acquisition des terres à Sinfra, pourrait donnerla schématisation suivante.

Droit du premier autochtone occupant et ses héritiers : propriétaires originels : Droit perpétuel

Acquisition des terres en milieu rural à Sinfra : propriétaires secondaires

`

Prêt / Mise en gage : Droit d'usage momentané sans droit de propriété

Métayage : Droit de mise en valeur contre une rémunération foncière

Achat: occupation permanente moyennant une contrepartie financière ou matérielle

Figure 2 : Modalités d'acquisition des terres à Sinfra

Source : Terrain

Dans la conception traditionnelle gouro, la terre appartient aux ancêtres (propriétaires originels). Elle est léguée (en héritage) exclusivement aux descendants. Sacrée, la terre dans la coutume kwênin permet l'affirmation de l'identité culturelle et sociale ; elle constitue le préalable pour contracter un mariage ou avoir la possibilité de s'exprimer dans les assemblées villageoises. Les générations se fidélisent à cette consigne ancestrale et la transmettent aux descendants. Cette pratiquebien qu'ancrée dans les valeurs culturelles kwênins,s'effectuait sans aucune prévision migratoire future de certaines populations allogènes en quête d'espaces de cultures ou de refuge.

A partir de la seconde décennie après l'accession à l'indépendance ivoirienne, l'on va assister à des vagues croissantes de migrations des populations allogènes vers les terres nationales en général et des terres du sud-ouest (Sinfra) en particulier, usant de méthodes multiformes pour consolider des droits de propriété foncière à Sinfra :propositions financières (achat, vente), amicale (demande de prêt), protectionniste (métayage) et dépendantiste(tutorat). Ceux-ci constituent désormais des propriétaires secondaires.

3. Critères de choix du nouvel acquéreur

« Pour désigner un successeur dans la gestion des terres de la famille dans nos coutumes ici, celui qui est choisi doit être quelqu'un qui s'investit beaucoup dans les travaux du champ, un rassembleur des membres de la familleet un homme honnête dans la gestion des terres ».(Propos recueillis auprès de l'enquêté B. 59 ans, planteur à Djamandjilors d'entretien effectué en Mai, 2016).

Ces propos traduisent que l'acquéreur des biens fonciers familiaux doit être un cultivateur (1) et un rassembleur (2) qui se distingue par son honnêteté (3).

3.1. Cultivateur

La désignation du successeur des biens fonciers familiaux dans les contrées rurales de Sinfra s'effectue en faveur d'un membre utérin (oncle, cousin, ainé ou cadet) ayant en amont fait ses preuves dans les activités champêtres.Ceci suppose une certaine omniprésence dans les activités champêtres, matérialisée par la possession de cultures de rente (café, cacao). En d'autres termes, il faille que le successeur puisse se vanter à l'égard des autres membres de la famille, de la détention de champs de cacao, café assez vastes, caractéristiques de la richesse en pays gouro.

Pour Z.un enquête de kouêtinfla (67 ans, planteur), « selon les instructions ancestrales que nous suivons depuis des générations, les terres de la famille ne peuvent être confiées à un paresseux puisque qu'il va vendre pour sacrifier la vie des membres de la famille. On ne peut pas aussi les donner à un aventurier car il va les laisser sans les cultiver pour aller à l'aventure. Donc, celui qui travaille beaucoup au champ et a des plantations de cacao et de café est plus apte à gérer la richesse de la famille dans la mesure la nourriture ne va pas manquer à la maison ».

De ce fait, cette position de détenteur de plantations confère au successeur la responsabilité de la subsistance des membres de la famille lors des périodes de famine généralisée « klata » qui s'étend de janvier à Mai, c'est-à-dire durant la période de semence au sarclage du riz.

3.2. Rassembleur

Dans le milieu rural de Sinfra, le successeur au père donateur des terres, dans le registre familial, doit présenter un profil de rassembleur. Pour cela, il doit autant que faire se peut, veiller à l'homogénéité des membres pour éviter les effets de dispersion liés à l'indigence alimentaire et financière caractéristique du monde rural ivoirien.

Outre ce fait, il doit rétablir ou préserver le cadre familial d'échange (réunions hebdomadaires, mensuelles et situationnelles) et circonscrire ses actions dans la préservation de l'unité familiale, condition indispensable pour éviter les conflits internes dont la dégénérescence pourrait désagréger le tissu familial. Cette idée est soutenue par l'enquêté B. de Béliata (31 ans, maçon du village) en ces termes «le successeurdes terres chez nous, doit pouvoir rassembler tous les membres de sa famille pour régler les problèmes en interne. Ce sera à cette condition que les membres constituerons un groupe homogène dont les liens sont soudésà l'intérieur de la cellule familiale ».Autrement, pour l'enquêté, le cadre d'échange familiale que devra instaurer ou préserver l'héritier des terres, sera essentiel au renforcement des relations au sein de l'institution familiale.

3.3. Honnête

« Lorsque un fils hérite des terres, il ne doit pas les vendre et doit empêcher que ses frères aussi les vendent ces terres ». Ces propos recueillis auprès de K. chef de terre à Tricata (cultivateur, 53 ans, lors de l'entretien effectué en Décembre 2015) montrent d'une part que le successeur des terres familiales ne doit en aucun cas, brader les terres et d'autre part, que celui-ci a le devoir d'empêcher que les autres membres (frères, cousins, oncles) vendent aussi les terres quelque soit la difficulté sociale ou financière à laquelle ils sont confrontés.

Durant nos investigations, un enquêté nous racontait que dans le village Zéménafla, un chef de famille a, quelques mois avant sa mort, attribué la gestion des terres familialesà sonfils cadet en raison de la disponibilité de celui-ci à ses soins pendant une longue période de maladie.Ainsi, trouvant les travaux champêtres assez difficiles et la responsabilité familiale colossale, le nouvel héritier se mit à brader les terres familiales à des prix dérisoires dans le but de fournir la nourriture à la famille pendant la période de famine généralisée« Klata » et ce, à l'insu des autres membres de la famille.

Après donc de nombreuses ventes successives, la famille se retrouva avec trois hectares sur un ensemble de vingt hectares au départ, à partager aux quinze membres. Dès lors, un conflit intrafamilial « désordonné » s'engagea entre les membres qui s'accusaient les uns les autres comme étant complices de ces ventes de terres familiales.

Toutefois, il reste à préciser que, même si l'héritier a bradé les terres familiales dans le but de procurer la nourriture pendant ces périodes de disette, cette attitude reste désormais condamnée par les « kwênins » qui ont fait de l'honnêteté, un critère déterminant dans le choix du successeur des terres familiales.

4. Pouvoirs et limites du nouvel acquéreur dans la gestion du bien foncier collectif

4.1.Pouvoirs du concessionnaire

4.1.1. Pouvoir discrétionnaire

Selon 90% des enquêtés, le nouveau concessionnaire des terres familiales dispose d'un pouvoir discrétionnaire quant à la mise en valeur collective des terres, au partage, à la mise en jachère ou en « zépa ».Autrement, c'est au nouveau concessionnaire que revient le pouvoir de décision quant au mode d'utilisation des terres familiales.

En ce qui concerne la mise en valeur collective, le concessionnaire peut user de sa notoriété dans la hiérarchie familiale pour exiger que les terres soient cultivées collectivement pour ainsi revêtir la dénomination « plantation de la famille A. ». De ce fait, les produits issus de cette plantation au fil des années sont cueillis collectivement, vendus et partagés soit équitablement, soit par rapport à l'âge ou encore selon le degré d'investissement physique de chaque membre dans les travaux champêtres. Ce type de plantation est fréquent dans les villages de la tribu Bindin et les villages de la sous-préfecture de Bazré.

En ce qui concerne le partage des terres familiales à des usages personnels, le nouvel héritier peut décider de repartir les terres aux ayants droits pour permettre à chacun d'effectuer les cultures de son choix (cultures vivrières ou de rente). A ce niveau, il dispose d'un pouvoir discrétionnaire et peut ajouter deux ou trois hectares supplémentaires sur sa portion dans le but d'assurer la nourriture quotidienne durant la période de « klata » ou encore partager à part égale les terres et laisser le soin à chacun de se prendre en charge pendant les périodes d'abondance et d'indigence alimentaire. Il faut préciser qu'à ce stade, le partage tient principalement compte des liens utérins avec le parent donateur. Autrement, les fils directs sont davantage privilégiés dans le partage des terres que les cousins ou neveux du donateur, selon la portion générale disponible.

Concernant la mise en jachère, le nouvel héritier peut demander ou exiger aux autres membres de la famille, que certaines portions restent en jachère pour des raisons d'infertilité ou de conflit avec d'autres autochtones se disant propriétaires par legs. Ainsi, cette portion demeurera en jachère durant toute la période d'investigations foncièresafin de situer le véritable propriétaire et simultanément de permettre à la terre de se reconstituer en matières organiques.

Outre ces différents pouvoirs qui relèvent de la compétence du nouveau concessionnaire, se greffe la possibilité de mettre certaines portions sous le « zépa »s'il constate un faible engagement des autres membres de la famille dans les activités champêtres.

4.1.2. Droit de regard sur les récoltes

Pour l'enquêté M. de Blontifla (60 ans, planteur, entretien effectué en Mai, 2016) «le rôle de l'héritier des terres familiales  s'apparente à celui d'un véritable chef de famille, il reçoit en permanence les prémices des récoltes de ses frères et des gens qui travaillent sous le zépa pour lui et sa famille. S'il ne reçoit pas ce qu'on devait lui donner, il peut se plaindre ou prendre des mesures sévères allant jusqu'à refuser la nourriture à ses frères pendant le klata ou rompre le contrat de zépa ». Ces propos de ce chef montrent que le nouvel héritier assume les mêmes responsabilités et bénéficie des mêmes privilèges que le père donateur, mais plus loin caril dispose de pouvoirs pluriels caractérisant sa position hégémonique au sein de l'institution familiale.

Le nouvel acquéreur aurait droit à une part des récoltes des autres membres de la famille et du métayeur, mieux ceux-ci seraient contraints de lui verser des prémices de leurs récoltes sous peine de stigmatisation et de privation future de nourriture pendant les moments de disette ou encore de rupture de contrat de zépa.

Ce pouvoir est d'autant plus affirmé dans certains lignages « Djahanénin et Péhinénin » de Kouêtinfla où le nouvel acquéreur peut même exclure un membre de la famille des activités champêtres ou le rendre dépendant des récoltes de ses frères pendant une période relativement longue.

Schématiquement, les actions sociales du nouvel acquéreur envers les autres membres de la famille pourraient donner succinctement la figure suivante.

Nouvel acquéreur

Activités champêtres supplémentaires

Nourriture durant le klata

Funérailles et autres dépenses

Autres membres de la famille

Figure 3 : Actions du nouvel acquéreur en faveur des membres de sa famille

SOURCE : Terrain

Il ressort de cette figure que le nouvel acquéreur a une triple responsabilité vis-à-vis de ses parents (soutien en temps de deuil, nourriture durant le moment de klata et activités champêtres supplémentaires).

Au niveau du soutien en temps de deuil, il faut noter que la crédibilité d'un époux en pays gouro s'évalue en fonction de sa promptitude et de la nature de ses dons lorsque sa femme est en deuil, faute de quoi, il pourrait l'objet de regards méprisants au sein de la communauté villageoise. Ainsi, en cette période délicate où le frère ou l'oncle en quête d'argent, pourrait être tenté par des ventes clandestines d'espaces familiaux, l'acquéreur des biens familiaux est implicitement contraint de lui venir en aide. Cette aide peut provenir d'une mise en gage collective d'une portion de terre familiale, d'un prêt ou de l'utilisation d'économies familiales car, au-delà de l'individu, c'est la réputation de la famille qui est mise à l'épreuve.

Outre cette responsabilité enverguée, le nouvel acquéreur doit assurer la subsistance de la famille pendant la période de famine villageoise (de Février à Juin) pour éviter les propos dénigrants lors des réunions au sein de la communauté villageoise.L'ensemble de ces activités sociales effectuées pour le bien-être de la famille nécessite un investissement régulier de celui-ci dans les activités champêtres, seule source de revenu des kwênins.

Toutefois, ces actions nécessitent une contrepartie qui concerne principalement le don de prémices des récoltes et une assistance permanente du nouveau concessionnaire dans la gestion du bien collectif. La figure ci-dessous nous en donne les détails.

Membres de la famille

Assistancedans la gestion

Prémices des récoltes

Nouvel acquéreur

Figure 4 : Actions des membres de famille en faveur du nouvel acquéreur

SOURCE : Terrain

A partir de cette figure, il apparait que les membres de la famille, eu égard aux efforts qu'effectue le nouveau chef de famille,font preuve de reconnaissance, même si dans le fond,celle-ci parait obligatoire. Cette reconnaissance « obligatoire » se manifeste par des dons de prémices de récoltes et une assistance permanente à ce nouveau chef de famille dans la gestion de la famille et de ses terres.De ce fait, les décisions prises par celui-ci ne sont pas exclusivement le résultat d'une réflexion personnelle, mais plutôt le fruit d'une concertation générale pour l'intérêt général.

Cependant, le nouveau concessionnaire, même s'il dispose depouvoirs quant à la gestion des terres familiales, ceux-ci connaissent quelques limites.

4.2. Limites du concessionnaire

4.2.1. Bradage des terres familiales

« Mon fils, quand un père désigne un de ses fils pour le succéder, il ne doit jamais vendre les terres, il doit les garder, les partager à ses frères (frères de sang et cousins) et ses papas (oncles). Parce que s'il gère mal et vend les terres à cause de problème qui ne finit jamais, nous, on va encourager et aider ses parents à prendre leurs terres et il va rembourser l'argent qu'il a pris avec eux ». Ces propos recueillis auprès du sage de Djamandji (planteur, 72 ans), montrent que certes celui qui hérite des terres familiales, a en charge la gestion des terres, mais doit en faire bon usage (partage aux ayants droits, cultured'ensemble ou jachère). Il ne doit en aucun cas les vendre, encore moins les mettre en gage personnellement pour des besoins financiers. Ses actions doivent se circonscrire dans la préservation de ce patrimoine familial en vue d'un profit collectif.

Relativement au mode de gestion des terres familiales, l'enquêté G. (38 ans, cultivateur à Béliata ; entretien de Juillet, 2015) nous racontait que dans le village Digliblanfa, le père Zouogouli, à sa mort n'avait qu'un seul fils Gooré, mineur (10 ans). La gestion de ses terres a donc été confiée à son oncle qui les brada les unes après les autres et ce, au moindre problème financier.

A l'âge de vingt-un, âge supposé de la stabilité psychologique chez les kwênins, l'oncle tardait à montrer les terres au jeune Gooré qui errait de plus en plus dans le village. Ainsi, de rencontres en rencontres, les sages demandèrent à l'oncle de restituer quelques portions de terres à l'enfant afin que celui-ci puisse se fonder une famille puisque la tradition recommande d'avoir une terre à cultiver avant d'être apte à concéder un mariage. Mais, la restitution paraissait quasi-impossible puisque d'une part, ceux qui avaient acheté les terres y avaient planté des cultures de rente et d'autre part, qu'il ne restait que les trois hectares de forêts que l'oncle avait réservées à son usage personnel.

Le jeune Gooré intenta une série de procédures coutumière, administrative et pénale contre son oncle qui s'avéraient longues et exposant le jeune à des récupérations ou interprétations fétichistes. Toutefois, il faut préciser que revendiquer sans cesse les terres à ses parents dans le contexte actuel de Sinfra, peut donner lieu à des attaques aux provenances bizarroïdes.

Durant cette série de procédures aux interventions administratives multiples et aux questionnaires sans fin, Gooré sentit des malaises à répétition qui l'ont poussé à négocier de façon sournoise le transport, auprès de bonnes volontés et regagner la capitale économique, en espérant y acquérir une meilleure situation de vie.

4.2.2. Prise de décisions sans consultations préalables

Le nouveau chef de famille, dans l'exercice de son pouvoir familial doit préalablement consulter ses parents faute de quoi, il pourrait faire l'objet de destitution par une réunion entre la famille et le collège des anciens.En effet, même si ses actions s'érigent dans le sens du bien-être de la famille, celles-ci doivent faire l'objet d'approbation préalable par la majorité des membres de la famille.

Dans la plupart des contrées du département, les enquêtés révèlent que de nombreux « nouveaux chefs de famille » sont démis au quotidien de leur fonction paternaliste pour des raisons tenant en des actes autocratiques de ceux-ci et à l'assujettissement foncier des autres membres.

Ainsi, selon 75% des enquêtés, les autorités coutumières ont désormais un oeil plus regardant sur la gestion des biens familiaux par l'héritier désignéafin de prévenir de potentiels conflits intrafamiliaux ou d'expropriation d'allochtones.Ce faisant, le dirigeant de la famille est de plus en plus suivi dans ses actes tant par les acteurs de la chefferie traditionnelle que par ses parents, afin d'éviter le bradage des terres familiales pour des questions financières telles que constatées dans la plupart des villages de la tribu Vinan et Bindin, pendant nos enquêtes.

II. DEROULEMENT DES CONFLITS FONCIERS A SINFRA

Pour A. (29 ans, un planteur de Kayéta), « les conflits fonciers sont récurrents, meurtriers dans les localités de Sinfra et minent les rapports entre les communautés villageoises avec des conséquences parfois dramatiques ». Ces conflits basés sur les ressources naturelles seraient en augmentation croissante aussi bien en fréquence qu'en intensité.

Ainsi, même s'ils sont causés par avidité ou injustice, ces litiges observés dans les zones spécifiques de Sinfra causent selon B. (32 ans, cultivateur à Koumoudji),« de sérieux bouleversements sociaux, mettent en suspens ou détruisent les opportunités de revenus, créent l'insécurité alimentaire, nuisent à l'environnement et fréquemment causent des pertes humaines et matérielles ».Les ménages villageois caractérisés par une paupérisation généralisée, supportent la charge la plus lourde de ces litiges du fait que leurs besoins journaliers et leurs moyens de subsistance seraient directement en rapport avec leur droit de propriété.

Dans ce contexte, évoquer le déroulement de ces litiges fonciers à Sinfra, reviendrait selon nous, à aborder succinctement la typologie des conflits fonciers(1), les acteurs de ces litiges fonciers(2), les moyens utilisés (3) et les lieux (4).

1. Typologie des conflits fonciers à Sinfra

1.1. Conflits intrafamiliaux

Les verbatim obtenus sur le terrain d'étude, révèlent que ce type de conflit survient généralement dans la communauté autochtone. Ces conflits dits intrafamiliaux sont plus fréquents au sein de l'institution familiale où héritiers légitimes, oncles, cousins s'entrechoquent, se heurtent pour s'approprier des portions importantes des terres familiales après le décès du père donateur.

Des divergences qui, au départ se manifestent par des murmures, des querelles, se métamorphosent assez rapidement en violences physiques avec par moment et par endroit la formation des groupes isolés, un clanisme au sein de la famille et des risques de positionnement juvénile dans théâtre foncier familial, avec une remise en question du droit d'ainesse et tous les privilèges liés.

Selon l'enquêté K.(50 ans, cultivateur àDigliblanfla) « ce type de conflit est régulier et les interventions répétées de la chefferie ne donnent pas les résultats escomptés puisque les individus en conflit sont des parents proches, habitent la même maison et donc, sont régulièrement en contact. ». Mais au-delà, ce type de conflit révèle une absence ou une désorganisation du cadre d'expression familial. Les différends intrafamiliaux observés à Sinfra transcenderaient donc le cadre inégalitaire, revendicatif pour traduire un manque d'espaces lignagers d'échanges, de gestion de conflits intrafamiliaux. Une telle conception semble être partagée par certains enquêtés de Progouri tels que G. (34 ans, électricien) pour qui « les réunions hebdomadaires, mensuelles que l'on faisait avant au sein de la grande famille, ont été délaissées parce que les membres disent ne pas avoir le temps ».

D'autres y voient une focalisation sans mesure des fonts pionniers sur la recherche du gain quotidien et personnel, mettant ainsi au second plan l'intérêt de la lignée (Propos recueillis auprès d'un élu gouro, 49 ans, entretiens de Juillet 2015).

1.2. Conflits interfamiliaux

Les conflits entre familles sont fréquents à Sinfra et s'observent aussi bien chez les autochtones que chez les allochtones. Ils ont, selon les propos du chef G. (planteur, 69 ans, Gonfla) « plusieurs origines : vieilles rancunes stimulées par des étincelles, non- reconnaissance des contrats de vente et de prêt des lopins de terre entre ruraux, empiètement des limites des champs et se particularisent à la fois par l'élargissement du réseau de relations sociales et des violences remarquables».

Dans la pratique, ces conflits font intervenir de nombreuses personnes issues des familles, des lignées et se caractérisent par une escalade assez rapide de la violence provoquant des cas de blessures sévères, d'infirmités partielles ou totales chez les belligérants.

Pendant nos investigations, nous avons visité le champ d'un autochtone de kouêtinfla qui présentait des limites imprécises.Ainsi, lors de cette expédition, il apparaissait clair que faute de moyens modernes, les champs des ruraux ont des délimitations naturelles (bas-fonds, termitières, fromagers, palmiers à huile,....) qui, elles-mêmes disparaissent avec le temps. Conséquemment, cette disparition (des limites naturelles) provoque une incertitude relative chez les ruraux, une imprécision totale des limites qui l'étaient déjà partiellement et une confusion des droits caractérisés par des empiètements multiples, des consolidations violentes d'espaces, et le tout, dans un environnement socio-rural politiquement enrhumé.

A cette situation, tandis que certains ruraux espèrent en un plan d'aide étatique de délimitation foncière, d'autres y voient comme solution, une consultation régulière des ancêtres à travers rituels et sacrifices comme le témoignent les propos d'un sage de Digliblanfla (70 ans, propriétaire terrien) « en cas de conflit sur les limites, on invoque les ancêtres qui viennent nous montrer les limites. Dans ce cas, on ne se trompe pas, puisque ce sont les ancêtres qui ont parlé ». 

Pour un diplômé de ce village tels que K. (42 ans, conseiller siégeant au conseil de la notabilité) « cette procédure est trop mythique pour être appliquée avec tous les risques d'erreurs, d'ajouts, d'interprétation occultes des supposés ancêtres ».

1.3. Conflits intercommunautaires

Les conflits entre communautés autochtones et allochtones paraissent pour de nombreux ruraux (focus group effectué auprès des jeunes de Djamandji, Février, 2016) comme « les moins fréquents dans le département mais lorsqu'ils surviennent, provoquent de nombreux dégâts humains et matériels. De petites mésententes entre agriculteurs eux-mêmes ou entre agriculteurs et éleveurs peuvent se transformer rapidement entre conflits sérieux». Partant de ces propos, il parait évident que les causes et enchainements de ces contradictions foncières dans le contexte de Sinfra, n'obéissent pas à des règles mécaniques, mais s'inscrivent dans un processus mouvant dont l'orientation est alimentée à la sève des objectifs des acteurs en interaction.

Un enquêté nous racontait qu'en 2010, un conflit de ce type avait opposé les autochtones Gouro aux ressortissants nordistes du département. De petites mésententes foncières suivies de bagarres entre adolescents (autochtones et allochtones), ont assez rapidement débouché sur des litiges sanglants entre les principales communautés sédentarisées (autochtone et allochtone). Cette dégénérescence abrupte de la violence s'est présentée succinctement en trois phases. D'abord au stade familial avec des disputes et bagarres entre parents ; ensuite au stade lignager avec soutien des parents proches ou lointains et enfin, au niveau communautaire avec en opposition, les principales communautés sédentarisés de Sinfra (autochtone et allochtone).

Les dégâts multiformes enregistrés pendant ces six (6) jours de conflits témoignaient d'une telle brutalité que les autorités ont alerté leurs supérieurs hiérarchiques en vue de trouver une solution partiellement acceptable aux deux parties.

Aussi, il est à remarquer selon les autorités locales (SG de la préfecture, entretiens de Mars 2016), que « dans certains cas de conflit de ce type, les tentatives de gestion se soldent fréquemment par des échecs, puisque ces décisions de justice se heurtent à la résistance des individus en conflit. Ils semblent a priori avoir une attitude de rejet ». En d'autres termes, les populations rurales, loin de se pencher sur l'intérêt social des décisions prises par les autorités locales, s'attardent plutôt sur l'appartenance ethnique, religieuse, politique et communautaire de l'autorité de jugement. Il s'en suit donc une application partielle des décisions ou le cas échéant, un rejet formel.

1.4. Conflits entre agriculteurs et transhumants

Ce sont de loin les conflits les plus fréquents et les plus violents dans le département qui, selon le chef B. (67 ans, cultivateur, Manoufla ; Mars, 2015)« sont généralement consécutifs à des dégâts de cultures mais peuvent porter sur des droits d'accès à l'eau, à la nourriture et aux pâturages  et au nombre augmentant des transhumants».

Ces propos traduisent que les conflits sont en augmentation croissante du fait de l'intéressement supplémentaire d'une catégorie nouvelle d'acteurs : « autorités locales » qui viennent à la fois grossir le nombre de transhumants, de bêtes à surveiller et conséquemment, favoriser des conflits entre ces transhumants et les cultivateurs, aspirant constamment à étendre leurs espaces de culture.

L'augmentation de ces espaces de cultures en effet, se matérialise par une réduction des parcelles traditionnellement utilisés pour les pâturages créant de ce fait un cadre propice à des velléités professionnelles des éleveurs, voir leur exclusion à travers l'occupation des verges, des bas-fonds, des points d'eau, des alentours immédiats des pistes de passage et des parcs à bétails. Ce qui entraine logiquement des dégâts de cultures lors du passage des bêtes qui traversent de façon désordonnée les pistes pour entrer et détruire les cultures de riz et de maïs environnants.

Ainsi, tels que présentés, les conflits entre agriculteurs et transhumants apparaissent simplement comme un problème d'aménagement technique de l'arène foncière. Or le problème, dans la pratique semble plus complexe et sa qualification peut contribuer à en masquer la nature réelle.

Dans la plupart des cas de destructions de cultures observés entre ces acteurs, un enquêté (23 ans, élève vivant à Douafla) affirme que « l'identité du propriétaire des animaux détermine la voie (judiciaire ou amicale) empruntée par la victime. Ainsi, tandis que les dégâts provoqués par les bêtes des élus locaux sont réglés à l'amiable c'est-à-dire à l'échelle du village, ceux provoqués par les animaux des peulhs, guinéens, maliens ont tendance à remonter à l'échelle administrative ou dégénérer en conflit violent avec des coups et blessures entre individus et éventuellement sur les animaux ».

Les agriculteurs de Sinfra ne contestent pas cette différence établie dans le traitement des conflits, ils la justifient au contraire par les rancunes liées au refus permanent des transhumants d'indemniser les victimes en cas de destructions de cultures. Outre ce fait, certains agriculteurs disent avoir le sentiment d'être perçus par les transhumants allogènes, comme des hommes de catégorie sociale inférieure comme les traduisent les propos de certains agriculteurs « lorsque les boeufs gâtent ton champ et tu appelles le propriétaire au champ, il ne t'écoute pas et s'en va. Ils n'ont aucun respect, aucune considération pour nous. C'est pourquoi, nous les amenons devant les autorités pour qu'ils nous dédommagent » (Propos recueillis auprès d'un membre du lignage Djahanénin, Avril, 2015).

Aussi, est-il à noter que les victimes ont des préférences quant aux instances de jugement (Sous-préfecture, Préfecture, Direction départementale de l'agriculture, tribunal coutumier ou pénal de Sinfra) et leur choix répond à des critères souvent peu explicités. Les conflits entre cultivateurs et transhumants apparaissent donc à la fois ceux, gérés par des autorités sus-cités (chiffre apparent) et ceux gérés à l'amiable entre acteurs ruraux eux-mêmes (chiffre noir). La connaissance des chiffres réels de ces conflits résiderait dans la conjugaison (calcul) des différents cas traités par l'ensemble de ces instances.

Toutefois, faute de données archivistiques liées aux litiges gérés dans les autres services, nous nous sommes contentés des chiffres obtenus à la direction cadastrale du département de l'agriculture à Sinfra. Ces chiffres, regroupés par Sous-préfectures, loin de prétendre paraître exhaustifs, tentent seulement d'attirer l'attention sur l'ampleur du phénomène de destruction des plantations à Sinfra.

Années

SINFRA

KOUETINFLA

KONONFLA

BAZRE

TOTAL

Nombre

Superficie ( (ha)

Nombre

Superficie

(ha)

Nombre

Superficie (ha)

Nombre

Superficie (ha)

Nombre

Superficie (ha)

2009

2

3,5 ha

1

2,3 ha

2

3 ha

0

0

3

8,8 ha

2010

1

3,4 ha

0

0

1

2,8 ha

1

2,8 ha

3

9 ha

2011

5

7,98 ha

1

1,25ha

1

1,5 ha

0

0

7

10,73ha

2012

1

1,80ha

2

2,92ha

1

0,54 ha

1

1,72 ha

5

6,98 ha

2013

2

3 ha

1

1,9 ha

1

1,90 ha

2

4,3 ha

6

11,10ha

2014

6

8,39ha

2

3,4 ha

3

0,75 ha

1

1,6 ha

12

14,14ha

TOTAL

17

28,07ha

7

12,77ha

9

9,49 ha

5

10,42ha

36

60,75ha

S/P

Tableau n°9 : Conflits liés à la destruction des plantations à Sinfra de 2009 à 2014.

Source : Direction cadastrale de l'agriculture de Sinfra, 2016

· De 2009 à 2014, les services cadastraux de Sinfra ont enregistré dans la sous-préfecture de Sinfra, 17 cas de destruction de plantations d'une superficie totale de 28,07 hectares.

· Dans ce même intervalle, 7 cas d'une superficie de 12,77 hectares ont été observés à Kouêtinfla.

· Toujours, dans cet intervalle, 9 cas de destructions d'une superficie de 9,49 hectares ont été enregistrés à Kononfla.

· Enfin, 5 cas d'une superficie de 10,42 hectares ont été constatés à Bazré.

· En 2009 et 2010, les services cadastraux ont simultanément enregistré 3 cas de destructions de plantations.

· En 2011, on note 7 cas puis 5 et 6 cas respectivement en 2012 et 2013.

· En 2014, ces services constatent 12 cas de destructions de plantations.

Le nombre remarquable de cas de destructions de plantations dans la sous-préfecture de Sinfra s'explique par le fait que la sous-préfecture de Sinfra est la sous-préfecture centrale du département de Sinfra. Elle est caractérisée par sa densité de la population (115 hab /km2) selon le rapport diagnostic du BNETD, le nombre élevé de ses villages (16), la variété des sols (ferralitiques et ferrugineux), l'hospitalité des peuples autochtones (plus du tiers de la population est allogène). Les cultivateurs et transhumants exercent désormais sur des espaces de plus en plus réduits, créant ainsi des collisions fréquentes entre ces acteurs aux activités antinomiques.

Les proportions assez faibles dans les sous-préfectures de Kouêtinfla, Kononfla et Bazré traduisent que ces localités (moins de 10 villages chacune) sont moins exposées aux effets néfastes de la saturation foncière et de ses impacts sur la nature des relations inter-rurales.

De plus, la croissance des dégâts de plantations relevés en 2010 et 2011(3 et 7 cas) montre que tandis que le nombre de cultivateurs à Sinfra (migrants allochtones et non-ivoiriens, jeunes déscolarisés et citadins) augmente, le nombre de transhumants aussi augmente. Certains cadres et élus locaux y ont vu une activité fluorescente et rentable. Dès lors, les espaces sont de plus en plus réduits, la marge d'expression, de manoeuvre des ruraux devient faible et ces ruraux se voient confondre leurs droits, violer des espaces, interpréter maladroitement et partiellement les textes ou, par méconnaissance, en créer.

Mais au-delà, un regard microscopique de la situation sociale de Sinfra, révèle que lors des violences post-crise, la plupart des transhumants allogènes sont rentrés dans leurs pays, attendant que la situation socio-politique ivoirienne se pacifie. Ce qui semble expliquer ce faible taux de 5 et 6 cas enregistrés respectivement en 2012 et 2013.

La fin de l'année 2013 ou le début de l'année suivante a certes vu revenir tous ces transhumants, mais au-delà, l'arrivée de nouveaux, dans ce secteur complexifiant davantage le climat socio-rural de Sinfra, déjà confligène. Ce qui explique ce taux élevé en 2014 (12 cas).

2. Acteurs des conflits fonciers à Sinfra

Les acteurs des conflits fonciers à Sinfra sont divers. Nous comptons parmi eux, les autochtones(1), les allochtones(2), les exploitants forestiers(3) et les agents de lotissement(4).

2.1. Autochtones

Les résultats obtenus sur le terrain d'étude montrent que les différends entre autochtones sont fréquents dans le département de Sinfra et sont le plus souvent le fait d'une revendication des cadets à l'égard des ainés, des droits de propriété.

Mais au-delà, un enquêté de Djamandji (B., 31 ans, planteur) affirme que « certains facteurs subjectifs ont autant d'impacts dans le déclenchement de ces conflits intracommunautaires. Ces facteurs concernent les vieilles rancunes, la non-reconnaissance de certains contrats tacites de prêt, de vente, de mise en gage et des litiges d'empiètement des limites des champs qui particularisent le contexte rural actuel de Sinfra ».

Tels que présentés, ces facteurs dits objectifs et subjectifs, par le processus conjoint de sollicitation des parents proches ou éloignés et concomitamment de l'extension du réseau de relations sociales, font intervenir de nombreuses personnes issues de la famille nucléaire, de la famille élargie, de la lignée ou des lignées soeurs, des cadres locaux. Il s'en suit une escalade  assez rapide de la violence, avec par moment et par endroit la formation de clans au sein de la famille.Ces entités ainsi formées vont tenter de se positionner dans l'arène foncière en remettant en cause tout droit d'ainesse au sein de la famille et les contrats d'antan établis avec certains migrants.

Toutefois,un enquêté (T., 50 ans, cultivateur à Paabénéfla) affirme que« la gestion de ce type de conflit s'avère problématique puisque les individus en conflit sont des parents proches, habitent les mêmes maisons ou sont des voisins proches, et de ce fait, sont régulièrement en contact ».

Outre ce fait, M.,un enquêté de Yanantinfla(32 ans, déscolarisé) affirme qu'  « un facteur non moins évoqué reste la polygamie, qui constitueune caractéristique majeure des ménages traditionnels gouro, avec un nombre remarquable de concubines et de descendants qui, parfois entrent en conflit lors de l'organisation et le partage de l'héritage foncier ». On assiste dès lors à des ventes anarchiques des espaces familiaux par certains membres de la famille, à des tentatives d'expropriation par d'autres, à des ventes plurielles de la même parcelle, à des bagarres sur l'héritage, à des jets de sorts mystiques,à des destructions de plantations et à des consolidations violentes des espaces restants par les « citadins oubliés », les «  frustrés » de la famille.

A titre illustratif, un enquêté nous racontait que quelques semaines avant notre arrivée sur le terrain, un conflit foncier avait opposé deux frères consanguins qui avaient par héritage, reçu 10 hectares de forêt.

Ainsi, à l'insu du cadet « artiste en herbe » à Abidjan, l'ainé a vendu quatre (4) hectares de ces forêts et en cultivatrois (3) hectares pour lui-même.

De retour de l'aventure (musicale), le cadet qui s'est vu plus ou moins contraint d'accepter les trois (3) hectares restants, tenta d'abord par des voies coutumières et administratives, qui avec le temps se sont avérées vaines, de récupérer les terres à l'acheteur avant de s'en prendre à son ainé.

De bagarres en bagarres, ces deux frères se sont maintes fois retrouvés chez les autorités locales, qui tentaient çà et là de trouver des approches de solutions que l'un ou l'autre trouvait inacceptable, créant ainsi des murmures, des opinions contradictoires, une forme de clanisme au sein de la communauté kwênin.

2.2. Allochtones

Pour Z.(37 ans, étudiant ; entretiens de Février 2016) « les allochtones de Sinfra sont des peuples sédentarisés depuis les premières décennies après l'accession à l'indépendance ivoirienne.Dans la plupart des villages de la zone, ces populations (allochtones) sont installées en grand nombre et disposent d'une position de domination financière par rapport aux autochtones.Ils usent de cette position pour consolider des droits de propriété foncière, étendre leur réseau de relations sociales par des dons, des promesses de dons à ceux qui ont le pouvoir de décider. Il peut s'agir des propriétaires terriens, des chefs de terres ou même des élus locaux ».

Ces propos traduisentla dépossession foncière sans cesse croissante des autochtones au profit de ces allochtones pour cause d'achat, de remise amicale, de prêt, de confiscation politique des terres. Ceux-ci s'étant établis des relations solides avec certains propriétaires terriens et autorités locales, se voient épauler sous une forme voilée en contrepartie de dons « souterrains ». Dès lors, l'enquêté T. de Blontifla (40 ans, diplômé) affirme que « les natifs essaient de plus en plus deredéfinir les rapports avecces nouveaux venus, en vue de  contenir  cette consolidation plurielle des terres », même si ce résultat n'est parfois obtenu que dans l'imaginaire.

Relativement, l'arène rurale de Sinfra apparait donc comme un champ âprement disputé où s'entrechoquent des intérêts variés et divergents d'un ensemble d'acteurs sédentarisés (autochtones et allochtones).

Cette rivalité « permanente » influence l'atmosphère rurale qui s'insécurise au fil du temps avec par moment et par endroit le refus des allochtones de se conformer aux valeurs culturelles gouro, la remise en cause des rituels villageois et par voie de conséquence, des tentatives régulières d'expropriations des allochtones (Discours recueilli auprès d'un cadre gouro, entretien effectué en Mai, 2015).

Ainsi, tandis que certains allochtones semblent se complaire dans cette situation, d'autres migrent vers les forêts les plus reculés du département pour y créer de nouvelles plantations, de nouveaux campements qui, bien que bordant le département, prennent aujourd'hui l'allure de grands villages (Sud : Brunokro, Nord : Yaokro, Ouest : Carrefour campement, Est : N'driko).

2.3 Exploitants forestiers

Selon la loi n°2014- 427 du 14 Juillet 2014 portant code forestier ivoirien, les exploitants forestiers constituent « des personnes morales ou physiques, agréées par l'administration pour assurer l'exploitation forestière, conformément aux dispositions réglementaires en vigueur ».Sur notre champ d'investigations, ces acteurs de l'administration se trouvent régulièrement confrontés à la résistance des populations rurales lors de l'abattage des essences forestières situées dans leurs propriétés. Ceux-ci évoquent tantôt l'idée de probable destruction de plantations, tantôt l'idée de ventede ces essences pour satisfaire les besoins vitaux élémentaires.

Ce type de différend est certes récurent mais paraît peu violent puisqu'il oppose l'Etat à des particuliers et se solde fréquemment par des indemnisations ou des promesses d'indemnisation.

2.4. Agents de lotissement

Ce sont des fonctionnaires de la direction départementale de la construction qui procèdent fréquemment à des découpages parcellaires (lotissement des terrains) en milieu rural et urbain de Sinfra.

Ainsi, consistant en une opération d'aménagement visant à diviser volontairement un espace en lots(habitations, jardins, établissements industriels ou commerciaux), le lotissement des espaces fonciers à Sinfra provoque des tensions multiformes entre propriétaires terriens et agents chargés de lotir (agents cadastraux, experts géomètres). Certaines zones du département ont été, selon les prévisions de l'Etat, exclusivement destinées à l'usage industriel et donc, compensées en numéraire aux « tèrèzans ». Toutefois, les procédures de compensation financière, même si entamées sont lentes (caractéristique de l'administration ivoirienne) et les supposés bénéficiaires gisent parfois dans une attente longue et intenable.

C'est pourquoi, les propriétaires terriens exigent désormais cette compensation financière avant toute entreprise de lotissement, générant ainsi des mésententes entre eux et les agents du terrain, dont l'exercice de la mission est circonscrit dans le tempset l'espace.

Par ailleurs, tandis que cette opposition des propriétaires terriens est perçue par certains administrateurs comme « une entrave au fonctionnement des institutions de l'Etat », d'autres ruraux y voient une « volonté improbe des élus locaux de confisquer leur dû »(Propos recueillis auprès d'un agent de lotissement et un propriétaire terrien en Juillet, 2016).

3. Moyens utilisés

Les acteurs ruraux font usage de moyens à la fois physiques (1), mystiques (2) et relationnels (3) lors des conflits fonciers à sinfra.

3.1. Moyens physiques

Les investigations sur le terrain d'étude ont révélé quedans l'ensemble des contrées de la localité,de nombreux moyens physiques étaient utilisés par les belligérants lors des litiges de terre.

Ainsi, dans le village Zéménafla, T. (29 ans, fermier) affirme que « les litiges de terre sont réguliers chez nous ici et les armes de combats qu'utilisent les populations sont nombreuses et sont aussi dangereuses les unes que les autres. On peut souvent voir des armes blanches telles que les machettes qui sont nos outils de travail, mais au-delà, des fusils de chasse calibre 12 et des flèches traditionnellement empoisonnées dont une petite blessure est suffisante pour provoquer la mort de la victime ».

Partant de là, il apparait que ces ruraux qui associent à la fois armes blanches, fusils de chasse et flèches empoisonnées, utilisent tout ce qui leur tombe sur la main en vue d'affaiblir leurs adversaires. Ces conflits dans leur déroulement, traduisent par ailleursune absence de règlementation locale quant aux moyens de défense homologués.Le terrain d'étude se présente de ce fait comme le théâtre où tous les moyens sont recommandés dans les litiges pour affaiblir la résistance de l'autre.

Il estaussià remarquer dans ces propos,une dysproportionnalité notable souvent constatée dans l'utilisation des armes lors de ces litiges. Ainsi, tandis certains ruraux utilisent des armes blanches,  d'autres peuvent riposter par des armes à feu ou des flèches empoisonnées.

3.2. Moyens mystiques

Les conflits fonciers fréquemment observés à Sinfra sont multiples, violents et revêtent par moment et par endroit, des dimensions métaphysiques. En effet, les propos de G. (35 ans, planteur à Progouri) relatifs aux moyens mystiques utilisés pendant ces conflits, sont poignants « pendant ces litiges de terre, de nombreux canaris cassés contenant des objets bizarres sont exhibés sur les carrefours, les champs, les abords de domiciles de nombreux ruraux. Ces objets censés investis de puissances ou de forces, sont posés, cassés, attachés ou plantés par certains acteurs dans les espaces fonciers de leurs adversaires ». Cette pratique parait récurrente dans le département, et même dans lesvillages environnants où cette constellation de féticheurs (Béninois, dozos, burkinabé, maliens, ou nordistes) baguenaudent dans toutes les contrées rurales.

Pour Bakari (28 ans, cultivateur et transhumant à Porabénéfla)« A Sinfra, presque chaque tas de sable, de gravier, de fagots, de briques, lot de matériaux de construction sur les chantiers, ou même d'écorce d'arbre sont utilisés par certains ruraux, pour faire fétiche ».

Il s'agit généralement pour ces enquêtés de coquilles d'escargot, de petites bouteilles ou même des canaris dans lesquels ces féticheurs font une mixture ou un cocktail d'ingrédients mystiques censés investis de puissances ou de forces issues de divinités. Ces fétiches sont le plus souvent exposés de façon ostentatoire à l'effet de déclencher un sentiment de peur chez les adversaires et de les faire plier si cela ne l'était déjà, physiquement.

Ainsi, depuis un certain temps, les acteurs ruraux semblent avoir pris goût à cette pratique de sorte qu'avant ou pendant ces litiges fonciers, on note une course, un empressement de cette pléiade d'acteurs en conflit vers ces féticheurs en vue de solliciter leur appui mystique.

A ce niveau, les propos du chef G.de Bégouafla (67 ans, retraité) sont révélateurs « les pratiques occultes effectuées par ceux-ci aux abords des domiciles, des plantations sont si intenses que de nombreux ruraux remarquent, au-delà des fétiches, l'apparition d'êtres aux allures bizarroïdes qui harcèlent certains paysans dans leurs champs ». Conséquemment, ceux-ci ressentent des malaises aussi subits que brutaux provoquant de ce fait, une mort assez rapide.

Pour l'enquêté S. de Bégonéta (36 ans, cultivateur) « ce qui est effrayant lors des conflits, c'est les pratiques mystiques car elles occasionnent plus de morts que les violences physiques. Certains accrochent des fétiches dans les champs ou cassent des canaris à côté des plantations, de sorte que tout le monde courre pour trouver protection auprès de féticheurs. Contre ce genre d'attaque difficile à prouver, les populations sont contraintes d'annuler ce pouvoir mystique par un autre pouvoir mystique.

De plus, dans certains cas, des planteurs se font poursuivre par des génies en brousse ; donc ils sont obligés de partir chez les féticheurs en vue de faire des rituels de protection ».

Toutefois, même si cette pratique occasionne de nombreuses pertes en vies humaines, force est de savoir que ces acteurs ruraux tendent à mystifier, à suspecter le moindre objet nouveau, peu douteux devant leurs habitations, leurs plantations pendant les conflits. Ce qui pollue davantage l'atmosphère rurale déjà insécurisée. Dans ce contexte de désordre social caractérisé par cet empressement vers les mystiques, de nombreux individus revêtent des costumes de féticheurs et, par des pratiques spirito-démagogiques, inventent des cérémonies supposées expiatoires en vue de marauder le maximum de biens chez ces acteurs en quête de protection spirituelle.

3.3. Moyens relationnels

«Quand les paysans se battent sur la terre, chacun appelle ses parents proches et éloignés, sa communauté, leurs élus, amis et connaissances afin que chacun, à son niveau puisse  aider à affaiblir les adversaires ». Ces propos recueillis auprès du président de la jeunesse de Porabénéfla traduisent que, bien que les conflits fonciers soient physiques, ils revêtent également un caractère relationnel.

En effet, lors des conflits de terre à Sinfra, les acteurs font appel de façon permanente à leurs parents, élus, amis et connaissances, mais au-delà, ils sollicitent l'appui d'élus locaux, gouvernementaux pour soutiens plurielsen contrepartie de dons, promesses de dons, d'électorat dans cet environnement où le réseau relationnel fiable détermine l'issu des hostilités.

Ces nouvelles entités ingérées, usent à bien d'égards, de leur hégémonie et réseau de relations sociales pour faire obliquer les décisions de justice en faveur de leurs protégés lors de la situation des différentes responsabilités pénales.

Pour G. (42 ans, ex-étudiant de Béliata)« les autorités locales et gouvernementales se trouvent régulièrement impliquéesdans les litiges de terre comme ce fut le cas à Digliblanfla dans la cas Gatta Bi blanc et parfois se contredisent dans les décisions. Mais dans tous les cas, la décision de l'autorité supérieure est celle appliquée en dernier recours ».

Il ressort de ces propos que les autorités locales et gouvernementales, dans leur stratification hiérarchique, se trouvent parfois toutes impliquées, à travers une dynamique locale d'extension du réseau de relations sociales. Celles-ci prennent parfois des décisions qui s'avèrent contradictoires les unes des autres à travers l'interprétation des différents textes (code civil, code pénal et code foncier), selon l'échelonnement pyramidal de la hiérarchie ivoirienne.

Dans la pratique, tandis que certaines autorités se fondent sur le code civil et/ou pénal pour justifier les agissements d'une certaine communauté, d'autres, se basent sur le code foncier pour donner tort à cette communauté. Mais, dans tous les cas, la décision de l'autorité supérieure est celle régulièrement appliquée dans le contexte de Sinfra même si elle choisit un texte inapproprié au détriment d'un autre plus indiqué pour la circonstance.

4.Lieux

Les conflits fonciers à Sinfra se déroulent aussi bien dans les plantations des ruraux (1), en milieu rural (2), qu'en milieu urbain (3).

4.1.Dans les plantations

Les différentes plantations des ruraux de Sinfra se présentent de plus en plus comme le théâtre où l'on observe fréquemment les litiges fonciers à caractère violent dans les contrées rurales de la localité. En effet, les acteurs en conflit disposent de leurs outils de travail(machettes, daba) qui constituent en amont, des armes inquiétantes et susceptibles de générer des blessures mortelles.

Dans le village Digliblanfla, P. une enquêtée nous relatait le récit d'une violente bagarre foncière entre son frère J. et un burkinabé exerçant sous le système « zépa » en 2004.

Selon ses propos, le burkinabé avait obtenu auprès de J. son tuteur, quelques hectares de forêt par le système de « zépa » et de ce fait, était devenu le voisin de champ de celui-ci. Quelques temps plus tard, le burkinabé fait des plants de cacaoà la limite des deux pendant que J. était à la maison pour cause de maladie.

Après son rétablissement, J., qui se rendit au champ, s'aperçut des plants de cacao excédant la limite, puis les coupa avant de rentrer au village ; et ce, à l'insu du burkinabé qui les avait planté.

Un mois plus tard, J. se rend compte de la présence de nouveaux plants de cacao excédant une fois de plus la limite convenue. Mais lorsqu'il se mit à les couper à nouveau, le burkinabé qui était présent sur les lieux voulut l'en empêcher et une bagarre s'engagea entre ces individus armés de machettes.

Cette bagarre assez violente s'est soldée par un coup de machette reçu au bras du burkinabé, provoquantde ce fait, la section de veines et artères. La quantité importante de sang qui s'écoulait a affaibli le burkinabé qui s'est évanouie quelques minutes plus tard.

L'état de santé critique du burkinabé a fait fuir J. du champ qui a trouvé refuge auprès de ses frères autochtones du village.

Toutefois, il est à préciser que les différents rituels que tout tuteur établit sur la terre avant de l'accorder avec son « étranger » à Sinfra, constituent une sorte de pacte ancestral qui interdit simultanément aux deux acteurs de s'exercer conjointement des violences sous peine d'ingérence des ancêtres.

Le blessé a été transféré à la clinique la plus proche dans un état d'inconscience et était peu disponible pour participer aux rituels expiatoires à l'effet de permettre à Joachim d'échapper aux sévices occultes des ancêtres.

Une semaine plus tard, Joachim sentit des malaises répétitifset la mort qui a suivi quelques temps, pendant la convalescence du burkinabé.

4.2. Milieu rural

Les différents villages du département de Sinfra apparaissent depuis quelques temps comme étant le théâtre d'affrontements fonciers violents et protéiformes. En effet, les contradictions foncières qui, pourtant débutent dans les plantations, semblent se métamorphiser progressivement par un processus complexe d'interventions suspectes, corrélé par des soutiens familiaux et extrafamiliaux pour générer des conflits violents entre acteurs ruraux dans l'arène rurale de Sinfra.

Ce culbutage des relations inter-ruralesa été sans ambages mentionné par D. (40 ans, planteur, entretiens effectués en Juin, 2016), un enquêté de Bérita en ces termes « chez nous ici, de nombreux problèmes de terre se règlent par des bagarres au sein du village. Ces bagarres se font souvent entre cultivateurs eux-mêmes, entre familles, entre lignées et quelques fois entre communautés car chacun appelle ceux qu'il peut appeler pour le soutenir. L'année passée, Bouèzan et un baoulé se sont disputés une portion de terre au champ, puis sont venus de façon dispersée du champ. La dispute s'est échauffée au village à cause du nombre considérable d'autochtones et d'allochtones qui intervenaient beaucoup ; ce qui a provoqué une bagarre de deux groupes de personnes.D'un côté, les autochtones et d'un autre, les allochtones qui sont arrivés en masse, soutenir leurs frères. De nombreuses personnes ont été blessées dans cette bagarre et il était difficile de savoir, qui sont ceux qui ont vraiment blessé ? La chefferie du village a réglé le problème en demandant au chef de terre, de déterminer le propriétaire de la portion avant d'entamer des négociations pour calmer les coeurs ».  

De ces propos, il ressort que le milieu rural à Sinfra est le théâtre où se manifestent âprement les revendications foncières entre acteurs ruraux.

4.3. Milieu urbain

Pour K. (22 ans, entretien de Septembre, 2015), un enquêté de Bazré «on voit beaucoup des paysans se battre en ville ; les paysans vivant du côté de la ville se font agresser dans la rue et dans leurs maisons ; les administrateurs voulant intervenir sont aussi pris souvent dans le coup de la violenceet les locaux des services administratifs n'échappent pas à des envahissements momentanés ». Autrement, le milieu urbain de Sinfra est un lieu de prédilection de ces litiges fonciers où des ruraux y vivants font souvent l'objet d'attaques sectorielles dans les rues ou dans leurs habitations.  Ce qui provoque une psychose générale et entraine souvent un ralentissement des activités administratives locales.

A cela, s'ajoutent les envahissements fréquents de locaux des services administratifs pour cause de partialité de certains administrateurs locaux. Relativement ceux-ci, pris dans l'embûche, semblent ne pas échapper à des cas de lynchage qui sont dans la plupart du temps, l'oeuvre non collégialement préméditée, mais l'action de personnes isolées. Le théâtre urbain apparait comme le lieu où les violences foncières sont multiples, fréquentes et variées comme le témoignent les propos de S.de Blontifla (43 ans, Novembre, 2016)« En 2005, le conflit qui a opposé les gouro au nordistes de la localité, a été très dramatique. Les gens se sont affrontés en plein centre-ville et les autorités ont aussi été lynchées car certains n'ont pas eu le temps de fuir leurs bureaux. Le préfet d'alors a instruit les forces de l'ordre de Sinfra qui se sont vus aussitôt débordées par la foule et l'escalade de la violence. Ceux-ci ont demandé un appui des forces de l'ordre de Gagnoa et Yamoussoukro avant que les hostilités ne cessent ».

5. Processus de dégénérescence des conflits fonciers

Les enquêtes effectuées sur le terrain d'étude ont révélé que le processus de dégénérescence de litiges fonciers à Sinfra s'apparente à une combinaison complexe et non stratifiée d'étapes où des acteurs hétéroclites agissent de façon individuelle ou collégiale selon des enchainements variables.En d'autres termes, ce processus de métamorphisme des relations sociales à Sinfra ne répond pas à des règles mécaniques qui supposeraient que telle cause X produit inéluctablement tel effet Y mais plutôt que le processus de dégénérescence est caractérisé par des inactions, des enchainements voir des cumuls d'actions de ces acteurs à des degrés variables. Ceux-ci n'adoptent pas des actions fixées à l'avance mais réagissent en raison de leur attachement ou de l'intérêt porté à telle ou telle question sociale ou foncière.

Dans la pratique, l'enquêté V. (30 ans, cordonnier à Djamandji, Novembre, 2016)affirme que « la plupart des conflits opposant les principales communautés autochtone et allochtone commencent sur des mésententes entre deux ruraux ; puis chacun appelle ses frères et connaissances. Quelques temps plus tard, on voit de petits groupes se former en posant des actions sur le terrain. A partir de là, on a plus affaire à un petit problème entre deux personnes qu'on peut régler facilement, mais plutôt entre deux communautés qui exercent dans le même coin ».

Ce faisant, il semble que les petites mésententes foncières observées fréquemment entre ruraux dans la localité constituent la niche d'une constellation de conflits à caractère communautaire. Les conflits fonciers apparaissent de ce fait, comme étant la résultante des effets conjugués du choc entre acteurs ruraux auxquelles se greffent des implications fraternalistes affichées avec ostentation par ces acteurs belligérants, provoquant par ricochet un clanisme de part et d'autre, un repli identitaire et des actions collégiales catalysant les antagonismes.

Ce processus tel que présenté, pourrait donner la schématisation suivante :

Dispute inter-ruraux

Implication d'acteurs collatéraux

C

Clanisme

Repli identitaire

Interventions plurielles

Conflit généralisé

Figure 5 : Processus de dégénérescence des conflits fonciers à Sinfra

Source : Terrain

III. IMPACTS DES CONFLITS FONCIERS A SINFRA

1. Dans le département de Sinfra

1.1. Dégâts matériels et humains

Les conséquences des conflits fonciers à Sinfra sont nombreuses et se perçoivent tant au niveau des dégâts matériels, qu'humains enregistrés lors de ces litiges. Ces conséquences qui tiennent pour la plupart en des violences physico-matérielles se séquencent de façon binominale.

Au niveau des peuples sédentaires, c'est-à-dire dans le tandem autochtones-allochtones, l'on observe fréquemment des destructions de cultures, de plantations et dans les cas les plus graves, des atteintes à l'intégrité physique des acteurs ruraux.

En effet, pendant les conflits, on observe des attaques sectorielles de part et d'autres des acteurs en conflit. Les paysans ou acteurs ruraux de la localité sont contraints de marcher, exercer, se promener en nombre important faute de quoi, ils font l'objet d'agression physique par des membres d'une autre communauté.

Selon S. B.(19 ans, footballeur à Djamandji, entretien enJuillet, 2016) « les conflits entre nous et les allochtones provoquent souvent de nombreuses pertes. Pendant le conflit qui nous a opposé en 2010, les deux camps ont enregistrés de nombreuses pertes, à telle enseigne que les autorités n'ont jusque -là, pas pu donner des chiffres exacts. De nombreux corps non identifiables et putréfiés ont été retrouvés aux abords des pistes villageoises. On ne savait pas s'il s'agissait de gouro ou d'étrangers. La majorité des pâturages ont été détruits avec les bêtes, les marchés sectoriels ont été saccagés, la nourriture manquait et la peur s'est emparé de l'ensemble des acteurs en conflit. Il y a eu des destructions multiples de cultures, de plantations ; des dépôts de canaris, de fétiches dans de nombreux champs ».

De plus, tandis que l'on observe menaces, guet-apens et agressions physiques entre ces populations sédentaires, les autorités locales semblent eux-aussi, ne pas être épargnées par cette extension de la violence. Ils sont dans de nombreux cas, lynchés, menacés directement ou indirectement ; c'est-à-dire à travers leurs familles, leurs proches.

Selon Chef S. Z.(58 ans, adjoint du chef de village de Baléfla, Mai, 2016) « Les autorités coutumières et administratives ont, à ma connaissance, toujours payé un lourd tribut dans l'ensemble des conflits qui se sont déroulés sous nos yeux. J'ai moi-même été menacé en 2008 puis lynché en 2010 par des individus dont je ne connaissais la provenance. J'ai été secouru par les forces de l'ordre lors de ce lynchage. Mais jusqu'à ce jour, les coupables n'ont véritablement pas pu être identifiés ». Aussi, faut-il remarquer que, pendant que de nombreuses habitations d'autochtones, d'allochtones ou encore d'autorités locales font l'objet de maraudage, de pillage et de saccage, les services administratifs locaux sont pris d'assaut par des sit-in, des envahissements, ouvrant ainsi la voie à toute forme de vandalisme juvénile. Cette agression des autorités locales est tributaire des pratiques démagogiques, partisanes de ceux-ci, qui ayant conscience des clivages ethniques et communautaires, privilégient certaines catégories au détriment d'autres. On assiste à un arrêt momentané des activités professionnelles administratives, coutumières et agricoles pour cause d'insécurité avec des escapades régulières de ces acteurs ruraux et administratifs ; cherchant par-ci et là des refuges.

Pour A. (43 ans, agent du trésor, entretien de Janvier 2016) « les violences foncières de 2002 ont occasionné de nombreux dégâts ; les ruraux de tout bord ethnique étaient pris pour cible les uns par les autres. Les autorités même n'ont pas été épargnées, de nombreux bureaux ont été pillés puis saccagés ; les populations couraient de partout, fuyaient pour se réfugier dans les campements ou villages environnants ; et le tout, avec les rumeurs quotidiennes qui circulaient. Ainsi, des forces de l'ordre extérieures au département ont été sollicitées pour renforcer l'interposition entre les communautés gouro et allochtones de la localité ».

1.2. Politisation de l'atmosphère rurale et insécurité

« Avec l'indépendance, le système foncier en Côte d'Ivoire n'a pas subi de transformation radicale. On a toujours eu affaire à un  Etat, caractérisé par la combinaison de pouvoirsau sein des sociétés paysannes locales ». Ces propos recueillis auprès de Mr D., directeur départemental de la construction de Sinfra (entretien de Mai 2015)montrent que les acteurs de l'Etat dans leur majorité(élites politiques locales) ont conservé de fortes relationsavec le monde rural pour des raisons qui, loin d'être uniquement culturelles, tiennent aussi aux conditions d'exercice des activités régaliennes de l'Etat.

À partir de 1994, la crise politique nationale est marquée par une ethnicisation politique contenue dans le concept de « l'ivoirité »qui, bien que culturel, s'est cristallisé dans les consciences rurales comme le concentré d'une politique d'exclusion ethnique, communautaire et religieuse.

Pour un enquêté de Blontifla (27 ans, cultivateur, entretien de Janvier 2016)« les problèmes de terre ici, sont interprétés par les uns et les autres comme  en termes de politique. Une simple mésentente entre deux personnes de communautés différentes est vue comme un problème politique et le règlement provoque toujours des murmures dans toute la ville ».

Dès lors, il s'ensuit que les acteurs ruraux, administratifs et politiques de Sinfra sont charriés dans ce courant de politisation de la question foncière avec des implications plurielles, des dysfonctionnements récurrents des instances de gestion foncières dans le contexte actuel de Sinfra.

Ces propos de l'enquêté mettent également en avantune ignorance des ruraux en matière de connaissance de la loi foncière actuelle (loi n°98-750 du 23 décembre 1998).Ce faisant, en absence des droits clairement établis pour les populations paysannes locales sur le foncier rural (la terre appartient à l'Etat et seuls les ivoiriens peuvent en être propriétaires: art 1 du code foncier ivoirien ; les non-ivoiriens peuvent bénéficier de titres fonciers sur des terres acquises : art 26 ; les acteurs ont obligation de mettre en valeur leurs terres sous peine de réquisition foncière par l'Etat : art 18), les responsables politiques locales de Sinfra ont et exploitent toujours à profit cette nébulosité pour instrumentaliser les groupes qu'ils classifient en foyers antagonistes. Ces catégories socio-rurales organisées et instrumentalisées sous le couvert politique, se retrouvent permanemment en conflit sous l'arbitrage de l'administration locale, qui tente d'établir les bases d'une réconciliation de façade. Le cycle de violences et d'interventions partisanes reprend et continue, laissant place à des réconciliations superficielles et passagères ; qui elles-mêmes sont régulièrement suivies de conflits successifs dans la localité de Sinfra. Ces conflits ressurgissant, précèdent de longues rencontres de réconciliation, qui se terminent par des échecs de règlement, de nouvelles frustrations et de nouveaux conflits.

Ainsi, le terrain d'étude apparaît âprement comme le théâtre où les acteurs politiques, administratifs, ruraux instrumentalisent les marques de frontières entre identités pour atteindre leurs objectifs.

Toutefois, à côté de ces acteurs administratifs aux attitudes opportunistes, quelques rentiers profitent de cette situation d'insécurité foncière. Et les populations sédentaires se voient se culpabiliser les uns les autres comme responsables de cette instabilité sociale, de cette dégénérescence de la situation ; rendant de ce fait l'équilibre social précaire et politiquement pollué dans la localité de Sinfra.

Selon enquêté L. (51 ans, planteur à Brunokro lors d'entretiens effectués en Mai, 2015) « la politique s'est ingérée dans nos rapports au village ; les cadres de la ville font des entretiens cachés avec d'autres personnes ; ce qui ne favorise pas notre cohabitation. Les conflits entre nous deviennent plus violents et la peur, la méfiance s'installe dans chaque groupe ethnique, communautaire. A cela s'ajoute les rumeurs quotidiennes, les tentatives de règlement qui sont toujours contestées par les parties ; laissant place à des vagues de violences plus sérieuses que les précédentes ».

Une position que semble partager Maître B. (interview effectuée en Fevrier, 2015), greffier du tribunal de Sinfra, pour qui,  « les relations entre ruraux sont de plus en plus antagoniques. Les populations rurales en conflit accusent régulièrement le système administratif d'inaction ou encore d'aggravation de ces litiges. Ainsi, ces ruraux remettent en question de nombreuses décisions prises par certains administrateurs de la localité pour apaiser les tensions rurales. Dans ce cas, l'option violente, c'est-à-dire l'usage des autorités répressives, se solde toujours par des échecs ».

2. Au plan extra-départemental

2.1. Exode rural et tares sociales urbaines

« La récurrence des litiges fonciers observés depuis quelques temps à Sinfra, engendre des vagues de migrations sans cesse croissantes de populations rurales de la localité vers les grandes agglomérations telles qu'Abidjan. En effet, les évictions foncières répétées de certaines populations locales, les frustrations familiales et communautaires, l'incertitude foncière, la réduction permanente des espaces de culture, la savanisation du département, la variation, l'oscillation permanente de pluviométrie, le déséquilibre du ratio efforts champêtres / résultats obtenus, la paupérisation rurale généralisée à Sinfra, la conviction d'une situation meilleure à Abidjan, sont autant de facteurs énumérés par les ruraux de Sinfra pour expliquer ces vagues de migration croissantes sur Abidjan ». Cette affirmation du Secrétaire Général de la Préfecture (Avril, 2016) traduit que ce sont essentiellement les difficultés de la vie paysanne (faiblesse de revenus, l'insuffisance et inadéquation des services Etatiques en milieu rural) qui expliquent cette ruée de ces populations locales vers Abidjan.

Les ruraux de Sinfra semblent ne plus se contenter de leur situation de vie morose et restent attirés par le mirage dans cette agglomération et de ce fait, y accourent en grand nombre, espérant acquérir un mieux-être, de nouvelles conditions de vie.

Cependant, si l'exode rural à Sinfra est l'une des conséquences de la saturation foncière et de la présence exubérante des autorités locales dans l'arène foncière, force serait de savoir que cette désertion des bras valides villageois entraine un engorgement des centres urbains.

Pour l'enquêté B. (26 ans, Douafla, Mars, 2016)«  bon nombre de ces aventuriers pensent que l'unique voie prometteuse, envisageable demeure l'exode rural en vue d'apporter un soutien à la fois économique et matériel aux parents restés sur place. Ainsi, chaque année, chaque mois ou même chaque semaine, de nombreux ruraux désertent les campagnes de Sinfra, se dirigeant, pour la plupart, vers la capitale économique (Abidjan) et les quelques agglomérations (Yamoussoukro) ». Ils y nourrissent l'espoir illusoire d'emplois faciles et parfaitement rémunérés dans le milieu urbain et plus précisément abidjanais. Mais dans la pratique, ces aventuriers se heurtent à une insertion professionnelle quasi-impossible pour ces analphabètes, qui consciemment ou pas, contribuent à accroître et alimenter les bidonvilles, lieux de référence de la pauvreté abidjanaise.

La croissance démographique de cette agglomération s'accompagne de problèmes nouveaux (saturation urbaine et désurbanisation; en plus de celui de l'aménagement technique du territoire).

Face à cette ruée des populations de Sinfra vers cette grande agglomération nationale (Abidjan), il n'est pas rare d'observer un surpeuplement du milieu abidjanais, des problèmes d'organisation administrative et technique, l'habitation, l'hygiène, la communication, l'approvisionnement en eau et en électricité ainsi qu'en denrées alimentaires, l'évacuation des matières usées. Bref, une surcharge des lieux et services publics.

Mais au-delà (des risques mentionnés), se trouvent tares sociales fréquemment observées chez ces migrants en quête de stabilité socio-financière. Ceux-ci baguenaudent, maraudent, errent, chôment, cherchant par-ci et là des petites activités licites ou le cas échéant, illicites afin de satisfaire les besoins vitaux. De ce fait, on observe le plus souvent une augmentation importante du taux de criminalité urbaine, l'apparition de bidonvilles, de quartiers précaires, des lieux de fortune où pourraient résider ces ruraux de plus en plus enclins au commerce du sexe (prostitution), à l'homosexualité, à la consommation des stupéfiants, aux agressions, etc.

Ce faisant, on assiste à une dénudation de cette jeunesse aventurière du monde rural (Sinfra), un ralentissement des activités agricoles locales (activité réservée désormais aux vieillards ou aux femmes) et conséquemment une baisse de la production agricole locale.

Selon B. (39 ans, Mai, 2016), président de la jeunesse de Djamandji « les jeunes des différents villages de Sinfra désertent au quotidien les villages laissant les activités champêtres à ces êtres vulnérables que sont les vieux et les femmes. Ils pensent qu'Abidjan, ils peuvent réaliser tous leurs voeux et y accourent de façon quotidienne. Mais lorsqu'ils n'y trouvent pas un travail à la mesure de leur espérance, ils errent, s'adonnent à des actes peu recommandables faute de transport pour retourner au village ».

2.2. Réduction de la production agricole nationale

La Côte d'Ivoire est un pays dont l'économie repose principalement sur l'agriculture. Ainsi, les conflits fonciers situés dans les zones à prédominance forestière et agricole telles que Sinfra,ont un impact direct sur la rentabilité nationale des cultures d'exportations (café, cacao, anacarde, hévéa,...).

Selon le chef de la tribu Sian Mr Z.(71 ans, retraité, entretiens effectués en Mai, 2016) « pendant les périodes de conflit à Sinfra, les acteurs ruraux sont plus occupés aux confrontations physiques, mystiques plutôt qu'aux activités champêtres. Le sarclage des différentes cultures ne s'effectue pas au moment opportun et les plantes ou cultures restent submergées par les mauvaises herbes ». En d'autres termes, ces plantes restent submergées en raison du climat d'insécurité. Les ruraux ne pouvant courir le risque de se rendre dans leurs plantations individuellement pour couper les fruits à maturité, restent dans la patience d'une solution au litige.

Par ailleurs, vu la lenteur et la lourdeur administrative locale, caractéristique de l'administration ivoirienne, les procédures de gestion lassantes et amollissantes, engagées par les autorités de Sinfra s'éternisent, clouant de ce fait ces ruraux dans une attente interminable et exaspérante avant de vaquer à leurs occupations champêtres. Les plantes non submergées par les mauvaises herbes produisent des fruits qui se décomposent et se putréfient dans les plantations pendant ces moments de conflit ou d'attente solutionniste. Les conséquences qui en résultent s'articulent principalement autour de la réduction production agricole individuelle, communautaire et locale ; ce qui, par ricochet impacte sur la production nationale en raison de la position géographique de Sinfra (zone cacaoyère, caféière et désormais anacardière).

Pour un enquêté(T., 33 ans, planteur à Kouêtinfla ; entretien de Juillet 2016) « les conflits fonciers à Sinfra ont un impact sur la production des cultures de rentes nationales. Pendant les périodes de conflit et de résolution, les paysans ne peuvent se rendre au champ pour récolter les cultures à cause de l'insécurité relative au conflit. Ainsi, la production locale et nationale baisse puisqu'au moment indiqué, les paysans ne sont pas partis couper les fruits de cacao et de café qui sont pourris sur les arbres. La récolte devient faible avec tout l'impact négatif sur la sécurité alimentaire des ruraux et la production agricole nationale ».

Selon le chef de Béliata, J. (72 ans, retraité, entretiens effectués en Avril, 2016) « les conflits fonciers observés à Sinfra ont toujours eu une influence directe ou indirecte sur la production agricole de Sinfra. Ainsi, vu la position géographique du département, il est évident que cette influence remonte à l'échelle nationale ».

Avant d'aborder la question des modes de gestion des conflits fonciers, il est important de rappeler que la plupart des conflits fonciers à Sinfra naissent du processus d'acquisition des terres (transmission par héritage, transmission par distribution utérine des terres familiales, tutorat, arrangements par compensation, prêt, vente, mise en gage et métayage ou « zépa »)et des conventions y afférents. Ces conflits observés autant à l'intérieur de la structure familiale, au niveau extrafamiliale que communautaire ne répond pas à un enchainement fixé d'étapes mais plutôt à des actions non prévisibles liées à ce que la terre représente pour ces acteurs. De ce fait, différents moyens sont dégagés par les acteurs (physiques, mystiques et relationnels) qui, fréquemment s'affrontent sur l'ensemble de l'espace géographique départemental (plantations, milieu rural et milieu urbain). Les conséquences qui en résultent concernent respectivement les impacts internes au département (violences physiques, matérielles,....) et ceux, externes au département (exode rural et difficultés d'insertion professionnelle dans les agglomérations, baissede la production agricole locale en termes de cultures d'exportation).

IV. MODES DE GESTION DES CONFLITS FONCIERS A SINFRA

1 Présentation des acteurs

On distingue parmi lesentités qui interviennent dans la gestion des conflits fonciers à Sinfra, les acteursextra-judiciaires (1) des acteurs judiciaires (2).

1.1. Acteurs extra-judiciaires

Ce sont entre autres la chefferie traditionnelle (1), le comité de gestion foncière rurale (2) et les autorités administratives (3).

1.1.1. Chefferie traditionnelle

L'article 31 de la loi n°2014-451 du 05 Août 2014 portant orientation et organisation générale de l'administration territoriale dispose que « le village est l'entité administrative de base qui est dirigé par une chefferie traditionnelle dont les compétences s'apparentent à celles d'un magistrat local ».

Pour mieux appréhender ces compétences, il serait judicieux d'évoquer succinctement le fondement juridique (1), les attributions (2) et l'organisation (3) de cette chefferie traditionnelle.

1.1.1.1. Statut juridique

Selon l'article 2 de la loi n°2014-428 du 14 Juillet 2014 portant statut des rois et chefs traditionnels « ont la qualité de chef traditionnel, les autorités traditionnelles ci-après : les rois, les chefs de province, les chefs de canton, les chefs de tribu et les chefs de village ». Ils sont désignés selon les us et coutumes de leurs différentes localités (art 3) et bénéficient de privilèges portant sur la possession d'une carte identificatoire, la décoration en cas de mérite et un rang protocolaire lors des cérémonies publiques (art 4). A cela, s'ajoute la protection dont ils font l'objet, contre toute forme de menaces, d'outrages, d'injures et de violences dans l'exercice de leurs fonctions (art 5).

Les chefs traditionnels appartiennent à la famille de la Chambre Nationale des Rois et Chefs Traditionnels qui disposent d'un chapelet de missions dont les principales, restent l'élaboration du répertoire des chefs traditionnels ivoiriens, le respect du statut des chefs, la favorisation des échanges culturels, la protection du patrimoine culturel ivoirien et la prévention, la médiation et la gestion des crises et conflits inter-ruraux(art 9).

1.1.1.2. Attributions

Les chefs traditionnels, selon la loi n°2014-451 du 05 Août 2014 portant orientation et organisation générale de l'administration territoriale, disposent de compétences plurielles :

· En matière de Police Générale : Ils doivent maintenir l'ordre, empêcher tous les rixes et les disputes ainsi que tout tumulte dans les lieux d'assemblée publique. Ils doivent également rendre compte au sous-préfet de leurs actions et de tout fait tendant à troubler l'ordre public.

· En matière de Police rurale : Les chefs traditionnels doivent veiller à la protection des cultures, des plantations et des récoltes notamment en empêchant qu'elles soient détruites par les feux de brousse et les bétails en transhumance. Ils doivent aussi empêcher la divagation des animaux.

· En matière de voirie : Les chefs traditionnels doivent maintenir le village et ses environs immédiats en état de propriété. Ils doivent en outre veiller à la conservation et au bon entretien des pistes villageoises.

· En matière d'hygiène : Les chefs traditionnels doivent veiller à la santé publique des populations et doivent signaler tous les cas de maladies contagieuses ou d'épidémie.

· En matière de justice : Les chefs traditionnels doivent concilier les parties en cas de litige. Leur mandat n'est assorti d'aucune durée et l'exerce donc à vie. Toutefois, ils pourraient l'objet de destitution pour des prises de décisions arbitraires frisant des abus de pouvoir, empêchement absolu d'exercice du pouvoir pour cause de maladie et délit portant à l'honneur de la communauté et aux bonnes moeurs. A cela s'ajoute la neutralité politique dont ils doivent preuve, l'impartialité dans les décisions et la priorisation des intérêts villageois au détriment de ceux, personnels et partisans.

Dans une dynamique ascendante et descendante, les chefs traditionnels constituent le relais entre l'administration et les administrés. A ce titre, ils doivent conjointement faire remonter les préoccupations des administrés auprès des administrateurs et faire appliquer les décisions gouvernementales dans le village dont ils ont la responsabilité.

Ils doivent enfin être soutenus dans leurs tâches par les jeunes ruraux, les femmes, les cadres et élus ainsi que toutes les communautés présentes dans le village, dans le respect de la tradition, le rassemblement, l'humilité à l'égard des administrés et la disponibilité dans la collaboration avec l'administration locale.

1.1.1.3. Organisation

Sur le plan organisationnel, le chef T.de Blontifla (61 ans, retraité)affirme que« la chefferie traditionnelle de Sinfra se compose du chef du village et de la notabilité. Cette notabilité prend en compte le 1er notable (suppléant du chef), le secrétariat général, la trésorerie générale, les représentants des différents lignages fondateurs du village (conseillers), les personnes influentes du village qui peuvent être des anciens cadres, fonctionnaires (membres) et le garant des délimitations foncières locales (chef de terre) ».

Ces acteurs agissent tous à différents niveaux de la procédure de gestion des questions villageoises et la décision du chef de village est souvent le fruit d'une concertation avec ce collège de collaborateurs.

L'organigramme ci-dessous spécifie la position hiérarchique et le rôle de ces acteurs dans l'échelonnement hiérarchique villageois.

Président du tribunal

Chef du village

Suppléant du chef

Premier notable

Secrétariat chargé de la rédaction des procès-verbaux

Secrétariat général

Secrétariat chargé de la collecte des fonds de lachefferie

Trésorerie générale

Agents du CGFR, griot et les proches collaborateurs du chef

Conseillers

Représentants des lignages fondateurs du village

Membres

Personne censée connaître l'ensemble des forêts et leurs propriétaires respectifs

Chef de terre

Figure 6 : Organigramme de la chefferie traditionnelle à Sinfra

Source : Terrain

1.1.2. Comité de gestion foncière rurale (CGFR)

Evoquer le comité de gestion foncière rurale dans notre travail, suppose évoquer succinctement sa composition (1), ses attributions (2) et son fonctionnement (3).

1.1.2.1. Composition

On dénombre selon le décret n°99-593 du 13 Octobre 1999 portant organisation et attributions des comités de gestion foncière rurale (CGFR), plusieurs catégories d'acteurs intervenant au sein de ce comité :

· Les acteurs du Ministère de l'intérieur : Préfet du département et Sous-préfet

· Les représentants des Ministères liés à la terre (Agriculture, Environnement et forêt, logement et urbanisme, infrastructures économiques.

· Les directeurs régionaux et départementaux de l'agriculture et les commissaires-enquêteurs.

· Les Organes Villageois de Gestion Foncière Rurale (CGFR, CVGFR)

· Les Opérateurs Techniques Agréés (OTA) qui appartiennent au Bureau National d'Etudes Techniques et de Développement et les experts géomètres agréés.

Toutefois, dans cette composition, il faille distinguer ceux qui interviennent promptement (experts géomètres et les OTA du BNETD) de ceux qui siègent permanemment dans ce comité (administrateurs locaux et villageois).

Dans la composition, les OTA et les experts-géomètres qui interviennent promptement (Acteurs débout), sont sollicités en vue de certaines délimitations foncières (individualisation des parcelles) et de la pose de bornes.

A côté de cette catégorie d'acteurs, les membres siégeant (Acteurs assis) en permanence au sein de ce comité, se composent de :

v Ceux qui ont le droit de voter :

- Représentants des Ministères liés à la terre (Agriculture, Environnement et forêt, logement et urbanisme, infrastructures économiques,...).

- Représentant des services du cadastre de la direction départementale de l'agriculture.

- Six représentants des communautés rurales, des villages et des chefs coutumiers désignés sur proposition pour une durée de trois ans renouvelables.

v Ceux qui ont le droit de donner leur avis :

- Gestionnaire du Plan Foncier Rural

- Personnes concernées par les questions qui doivent faire l'objet de vote du comité.

- Représentants des comités villageois.

- Toute personne utile à la bonne fin des travaux du comité

Dans la pratique, le Sous-préfet, président du CGFR mobilise les différentes entités (ministérielles, départementales et villageoises) de ce comité, puis les dote d'outils nécessaires à l'étude, à la prévention et à la gestion de l'ensemble des dossiers fonciers sur son territoire d'exercice.

La matérialisation de la composition du CGFR, selon les enquêtés,pourrait donner la schématisation suivante :

Sous-préfet

Acteurs assis

Acteurs débout

Représentants des Ministères

Opérateurs Techniques Agrées

Experts géomètres

Chefferie traditionnelle

Agents cadastraux

Figure 7 : Organigramme du Comité de Gestion Foncière Rurale de Sinfra

Source : Terrain

1.1.2.2. Attribution

Selon l'article 3 du décret n°99-593 du 13 octobre 1999, « le comité est l'organe de gestion foncière rurale ».A ce titre, il délibère obligatoirement :

v Sous forme d'avis conforme qu'il rend:

- Pour valider les enquêtes officielles de constat des droits fonciers coutumiers.

- Pour se prononcer sur les oppositions ou réclamations qui subviennent au cours des procédures d'immatriculation des terres du domaine foncier concédé.

- Pour résoudre les conflits les conflits non-gérés au cours des enquêtes foncières.

- Pour implanter des opérations de reboisement.

- Pour implanter les projets d'urbanisation.

v Sous forme d'avis simples sur les implications foncières des différents projets de développement rural

- Il peut être saisi pour avis simple, par les autorités compétentes de toute question relative au domaine foncier rural.

- Il peut prendre unilatéralement la décision d'étudier toute question relevant de sa compétence aux fins de propositions aux autorités compétentes.

- Il est obligatoirement informé de l'établissement des certificats fonciers et des actes de gestion les concernant.

1.1.2.3. Fonctionnement

Ce comité fonctionne de façon hétérodoxe et ne peut délibérer valablement qu'en présence des ¾ des membres lors de la première convocation du Sous-préfet. Ce ne sera qu'après une seconde convocation sur le même ordre du jour que ce comité délibèrera sans condition de quorum.

Les dossiers de délibérations y compris les avis et propositions du comité, sont communiqués au Préfet du département afin que celui-ci donne suite aux propositions formulées, dans un délai de deux semaines.

1.1.3. Autorités administratives

Les autorités collatérales intervenant fréquemment dans la gestion des questions foncières concernent le Préfet (1) et le Sous-préfet (2).

1.1.3.1. Préfet

Par l'ordonnance n° 2011-262 du 28 septembre 2011 portant organisation générale de l'administration territoriale de l'Etat, le Préfet du département de Sinfra est nommé par décret pris en Conseil des Ministres (Art 22).A ce titre, ses responsabilités sont nombreuses et s'étendent aux limites du département. Il doit donc veiller à l'exécution des lois, des règlements et des décisions du pouvoir exécutif, diriger, animer, coordonner et contrôler les activités des services administratifs et techniques du département et, d'une manière générale, de l'ensemble des services administratifs civils de l'Etat intervenant dans le département.

Outre cette responsabilité, le préfet doit assurer la gestion des personnels de l'Etat placés sous son autorité pour tous les actes de gestion courante relevant des attributions déléguées aux Ministres.

De plus, responsable de l'ordre, de la sécurité et de la salubrité publics dans le département, il reçoit, centralise et exploite toutes les informations relatives à la sureté de l'Etat, à l'exercice des libertés publiques, aux catastrophes de toute nature ainsi qu'à tout évènement troublant ou susceptible de troubler l'ordre, la sécurité, la tranquillité et la salubrité publics (Art 4).

1.1.3.2. Sous-préfet

Selon l'ordonnance n° 2011-262 du 28 septembre 2011 portant organisation générale de l'administration territoriale de l'Etat, le Sous-Préfet est le représentant de l'Etat dans la Sous-Préfecture et agit sous la subordination hiérarchique du Préfet de département (art 29). A ce titre, il contrôle, coordonne et supervise l'action des chefs de villages du territoire de la Sous-Préfecture et les activités des agents des services administratifs et techniques de sa circonscription.

Le Sous-Préfet est responsable du maintien de l'ordre public sur l'ensemble du territoire de sa circonscription administrative et peut requérir l'aide des Forces de l'ordre de sa localité si nécessaire (Art 33).

A ces tâches, se greffent celles de la convocation, de la présidence de sa sous-préfecture et de la transmission des délibérationsau préfet de département (Art 32).

1.2. Acteurs judiciaires

Les acteurs intervenant dans l'échelonnement procédural du tribunal pénal de Sinfra sont regroupés au sein du siège (1), du parquet (2) et du greffe (3).

1.2.1. Siège

Le siège de la section détachée de Sinfra comprend selon maître B.(Greffier au tribunal pénal de Sinfra, entretien de Janvier 2016 hors des locaux du tribunal) « le président du tribunal et le juge en charge de l'instruction qui ont tous deux, des profils de poste distincts ».

v Président du tribunal :Magistrat du siège assurant la direction et la gestion administrative du tribunal. Dès lors, il dispose de fonctions juridictionnelles propres en matière de requêtes ou de référés. C'est lui qui préside l'audience, c'est-à-dire qu'il gère le déroulement du procès et les débats. Il peut siéger seul ou se faire assister par le substitut résident (Procureur de la République) selon le principe de  collégialité juridictionnelle.

v Juge d'instruction :Le juge d'instruction est un magistrat qui intervient avant l'éventuel procès pénal. Son rôle se situe en milieu pré-procès, il a à charge d'effectuer toutes les diligences et investigations dans le but de révéler ce qui se rapproche le plus de la vérité dans une question pénale, civile ou foncière. En d'autres termes, il se doit de réunir tous les éléments permettant de déterminer si les charges à l'encontre de personnes poursuivies sont suffisantes, recevables afin que celles-ci soient jugées.Aussi, vu qu'il instruit à charge et à décharge, le juge d'instruction doit donc procéder à tous les actes d'information utiles, vu que ceux-ci soient de nature à démontrer la culpabilité ou l'innocence d'une personne. 

Dans le cadre de ses fonctions, il peut notamment procéder à l' audition de témoins, ordonner des  perquisitions, des saisis ou des écoutes téléphoniques, effectuer des confrontations, prescrire des examens médicaux ou psychologiques, ... Il possède également la faculté de recourir à la force publique et de délivrer des mandats d'arrêt, de dépôt, d'amener et de comparution. A l'encontre de la personne suspectée d'avoir commis l'infraction, il peut prendre un certain nombre de mesures et notamment une  mise en examen.

1.2.2. Parquet

Relativement au siège, le parquet du tribunal de Sinfra comprend exclusivement le substitut résident (Procureur de la République).

Selon le maître B. (Greffier au tribunal pénal de Sinfra, entretien en Janvier 2016 hors des locaux du tribunal),  « le procureur de la République intervient sur information des services de police, de gendarmerie, mais également des services de l'Etat ou à la suite d'une plainte d'un particulier, lorsqu'une infraction est commise dans le ressort du tribunal de grande instance dans lequel il exerce ses fonctions. Il procède ou fait procéder à tous les actes nécessaires à la recherche et à la poursuite des auteurs d'infractions pénales. A cette fin, il dirige l'activité des agents de la police judiciaire au sein du commissariat de Sinfra et contrôle de ce fait, les placements et les prolongations de garde à vue, les interpellations... »Autrement, le procureur a l'opportunité des poursuites. Il peut, s'il estime cette solution opportune, engager les poursuites lorsque l'infraction est établie. A ce stade, plusieurs possibilités s'offrent à lui:

- Il peut classer l'affaire sans suite, notamment quand l'auteur de l'infraction n'est pas identifié ou est irresponsable (minorité ou démence).

- Préalablement à sa décision,il peut déclencher l'action publique et mettre en oeuvre des mesures alternatives aux poursuites : rappel à la loi, composition pénale, mesure de réparation des dommages ou médiation pénale entre l'auteur des faits et la victime, orientation de l'auteur des faits vers une structure sanitaire, sociale ou professionnelle.

En matière de contravention ou de délit, il peut renvoyer l'auteur devant un tribunal (tribunal pour enfant, juridiction de proximité, tribunal de police, tribunal correctionnel).

- En matière de crime ou de délit complexe, il peut ouvrir une information par la saisine du juge d'instruction qui est alors chargé de l'enquête.

Au procès, le procureur présente oralement ses réquisitions devant les tribunaux et la cours mais n'assiste pas au délibéré. Outre ces compétences, le procureur met en oeuvre localement la politique pénale définie par le Garde des sceaux, dirige et coordonne l'application des contrats locaux de sécurité mis en oeuvre par les collectivités territoriales.

1.2.3. Greffe

Le greffe du tribunal de Sinfra se compose selon Maître P. (Magistrat au tribunal pénal de Sinfra, entretien effectué en Mars, 2016) «de 09 greffiers, de 03 interministériels, de 02 éducateurs spécialisés et d'un assistant social dont les compétences sont spécifiques à leurs postes ».

v Greffiers : Le greffier est l'auxiliaire de justice le plus proche du juge puisqu'il est chargé tout au long de l'instance judiciaire, de garantir le respect et l'authenticité de la procédure.Les greffiers sont divisés en deux corps :les greffiers et les greffiers en chef.

En ce qui concerne les 07 greffiers du tribunal de Sinfra, ils sont responsables du bon déroulement de la procédure et de l'authenticité des actes établis par les magistrats au cours du procès. A ce titre, ils informent les parties, contrôlent l'écoulement des délais, dressent les procès-verbaux, rédigent certaines décisions et s'assurent du respect par le juge du formalisme des actes juridictionnels. Leur présence est obligatoire à l'audience, de même que leur signature sur les décisions juridictionnelles du juge.Ils sont également chargés de la tenue de certains registres du tribunal, comme le répertoire général qui comprend l'intégralité des affaires enrôlées, ou le registre d'audience appelé aussi « plumitif ».

Outre ces compétences communes, le greffier en chef et son adjoint possèdentcertaines attributions particulières, comme la délivrance de certificats de  nationalité ou le contrôle des comptes de tutelle ainsi qu'une fonction fondamentale d'encadrement et de gestion de la juridiction. Ils sont en effet responsables du fonctionnement des services du greffe, de la gestion de son personnel, et du budget de fonctionnement de la juridiction dont ils assurent la préparation.

v Interministériels : Ils ne constituent pas des agents à part entière de la justice de Sinfra. Ce sont des fonctionnaires affectés par l'Etat qui vacillent concomitamment dans la plupart des services administratifs de la localité (tribunal, préfecture, sous-préfecture, mairie, trésor, ...).Ils sont exclusivement habilités à des tâches administratives au sein du tribunal et sont à la fois exclus de la procédure pénale et de la participation aux audiences.

v Educateurs spécialisés :Ce sont des agents de la structure dont le profil de poste concerne la prise en compte des mineurs délinquants. Dans la pratique, ils effectuent des enquêtes sociales auprès de la famille, des amis, des voisins en vue de connaître la personnalité du mineur pour mieux le resocialiser. Après investigations, ils peuvent décider d'admonester le mineur, le placer dans un centre de réinsertion ou même en détention préventive.

v Assistant social :Il est selon maître B., (greffier au tribunal de Sinfra, entretiens de Août 2016)« le médiateur entre les personnes en demande et les instances sociales, politiques et juridiques ».A cet effet, il épaule les personnes vulnérables (enfant, personnes du 3e âge, femmes) en difficultés économiques, sociales ou psychologiques (endettement, violence conjugale, enfant en danger, violences injustifiées sur enfant, demande de logement) afin de favoriser à la fois leur bien-être, leur insertion sociale et leur autonomie.

Pour ce faire, il écoute, soutient, accompagne, conseille ou oriente les personnes en fonction de leurs demandes et de leurs besoins. Son travail repose sur la notion de relation d'aide et sur une méthode précise lui permettant de recueillir les données nécessaires à la compréhension de la situation, d'analyser la demande, d'établir un plan d'action et d'évaluer le résultat de ses interventions.

En somme, relativement aux propos des enquêtés, la composition du tribunal de Sinfra pourrait s'apparenter à l'organigramme ci-dessous :

Siège 

Juge d'instruction

Président

Parquet 

Procureur de laRépublique

Greffe 

Assistant social

Educateurs spécialisés

Interministériels

Greffiers

Figure 8 : Organigramme du tribunal pénal de Sinfra

Source : Terrain

2. Présentation des différentes procédures de gestion

2.1. Procédure coutumière

2.1.1. Fondement ancestral

La procédure de gestion des conflits fonciers à Sinfra se fonde, selon un chef traditionnel (entretiens effectués de Janvier 2015 à Mai2016 dans la tribu Vinan) « sur des rites et rituels sacrés que nous effectuons depuis des générations. Ces rituels et libations que nous établissons sur la terre, servent de ciment à nos communautés, conformément aux sens d'associer, relier et se recueillir. Pour nous, il faut associer les ancêtres dans nos activités, notre quotidien, notre vie car nous estimons qu'ils nous voient, sont attentifs à nos besoins et prennent soin de nous.Donc, nous les appelons quand on manque de pluie, en cas d'épidémie, d'initiation des adolescents au masque Djê, d'intronisation d'un chef et pour régler les palabres de terre ».

Partant de ces propos, il apparait que la population sédentaire rurale de Sinfra accorde une place prépondérante aux rituels et libations en vue d'ingérer les ancêtres dans la gestion des questions villageoises en général et des questions foncières en particulier.Dans cette mesure, les ancêtres se voient attribuer des rôles d'acteurs de gestion au sommet de la hiérarchie pyramidale. Ils transcendent le cadre de la passivité pour se présenter comme de véritables acteurs actifs de la gestion, une sorte de juridiction coutumière suprême (les points suivants donneront les détails de leur intervention).

2.1.2.Procédurede gestion

La procédure de gestion des conflits fonciers à Sinfra varie selon le type de conflit en présence : conflits intrafamiliaux (1), conflits interfamiliaux et intercommunautaires (2) et conflits agriculteurs et transhumants (3).

2.1.2.1. Procédure de gestion des conflits intrafamiliaux

Dans le contexte intrafamilial, deux cas de figures se présentent. Les belligérants peuvent solliciter l'aide d'un oncle pour la gestion du différend (1) ou s'en remettre au tribunal coutumier (2).

2.1.2.1.1. Procédure de gestion par l'oncle

2.1.2.1.1.1. Plainte

La plainte se fait selon Z. (35 ans, planteur de djamandji) « par appel ou sollicitation d'un oncle proche qui a connaissance de l'histoire de la famille, qui a eu des liens étroits avec le père donateur avant sa mort et qui a toujours eu une attitude paternaliste envers les descendants de son défunt frère ». De ces propos, il ressort que la plainte concernant la gestion d'un conflit intrafamilial est déposé chez un oncle assez proche du défunt père et qui a suivi avec attention le processus d'attribution des terres à ces descendants.

Après réception verbale de la plainte par téléphone ou par un vaguemestre, l'oncle après consultation de son emploi du temps professionnel et/ou familial, propose une date à ses « fils » pour une séance d'écoute et ci-possible de règlement.

Dans la plupart des cas observés, l'enquêté L. affirme que la convention sur la date de la séance familiale d'écoute «  dure environcinq jours à une semaine pour deux ».

Après avoir fixé collégialement cette date, les « fils », par le biais de l'héritier désigné, reçoivent instruction de créer un cadre de paix avant la date convenue.

2.1.2.1.1.2. Séance d'écoute et tentative de règlement

« L'oncle peut venir seul ou appeler des ainés et frères pour l'aider à résoudre la question ». Ces propos recueillis auprès de l'enquêté K. (planteur à progouri, entretien de Novembre 2016) montrent que l'oncle a le choix en matière de gestion de la gestion. Il peut venir seul s'il estime être en mesure de la régler la question ou solliciter l'aide de frères s'il note d'autres implications traditionnelles ou sent la nécessité d'associer toute la famille afin d'éviter un conflit qui peut désagréger le tissu familial.

A une séance ouverte qui voit participer tous les membres de la famille, le conseil familial se réunit pour écouter les belligérants, les femmes, enfants et autres frères. Ainsi, après avoir écouté les acteurs du conflit familial, l'oncle ou le conseil familial donne la parole aux autres membres de la famille pour leur part de vérité concernant la situation qui prévaut à la maison.

Après avoir écouté les différents intervenants, l'oncle ou le conseil de famille essaie de situer les choses concernant l'ordre hiérarchique et hégémonique des choses dans la tradition gouro, les confidences du défunt père et les souhaits en son absence avant de décider d'une solution qui privilégie l'intérêt de la famille et qui préserve l'unité des membres du groupe.

Une ou deux personnes sont désignées dans le groupe pour veiller ou suivre l'application de la décision et faire des rapports verbaux (appels téléphoniques, déplacements et explication de l'évolution des choses à ou aux oncles).

Il est également à noter que dans la tradition gouro, l'oncle est considéré comme ayant les mêmes droits que le père géniteur et ses décisions ne font et ne doivent aucunement faire l'objet de contestation par les fils.

Dans le second cas, les membres de la famille rejettent cette esquisse familiale et sollicitent directement le tribunal coutumier.

2.1.2.1.2. Procédure de gestion par le tribunal coutumier

Dans le cadre familial, lagestion des conflits de terre se structure exclusivement autour de la plainte (1), de la séance d'écoute et de la décision du tribunal sur la base des interventions d'oncles (2).

2.1.2.1.2.1 Plainte

Le dépôt de la plainte ou « tôla tchi »se fait à deux mille (2.000) francs CFA en vue de permettre l'enregistrement de sa déposition parmi les questions à résoudre. Le tribunal coutumier programme une séance d'écoute et l'urgence de la question est évaluée selon deux thématiques bien précises : ordre des questions à résoudre et leur importance sociale.

2.1.2.1.3Séance d'écoute et association des oncles pour la gestion

Selon I. (déscolarisé à Blontifla, entretien de Juin, 2016) « quand il y a un problème de terre au sein d'une même famille, la question est sensible puisque les individus habitent la même maison et si le jugement n'est pas bon, ils peuvent se faire mal à la maison ». Il apparait donc que vu la sensibilité et la délicatesse des conflits fonciers intrafamiliaux, les chefs coutumiers dressent une oreille attentive à cette séance d'écoute et font intervenir succinctement accusateur, accusé, sachants de la famille et oncles pour avoir de nombreux outils pouvant permettre de comprendre et d'élucider la question tout en évitant les prises de position figées susceptibles de provoquer des regains de violences intrafamiliales.

Dans cette dynamique, l'intervention des oncles est cruciale dans l'issue à trouver au conflit : ils sont comme des pères au sens strict du terme et doivent peser les mots tout en insistant et plaidant pour le maintien des liens fraternels et la grandeur d'esprit face à ce genre de problème.

Après avoir écouté les protagonistes, les observateurs directs et indirects, les chefs coutumiers donnent un verdict amiable pour à la fois réunir, consolider les liens familiaux et préserver l'unité du groupe catalyseur de la paix familiale.

2.1.2.2. Procédure de gestion des conflits interfamiliaux, intercommunautaires

La procédure de gestion des conflits fonciers interfamiliaux et intercommunautairespar les différents tribunaux coutumiers de Sinfra répond selon 90% des chefs traditionnels (interviews réalisées de Février 2015 à Avril 2015), à un processus linéaire qui part de la plainte (1), au verdict (5) en passant succinctement par la convocation des parties (2), le déplacement sur l'espace (3) et la séance de jurement (4).

2.1.2.2.1. Plainte

Dans les contrées rurales de Sinfra, le chef T. (61 ans, retraité à Djamandji) affirme que «  processus de gestion des conflits fonciers part de la déposition d'une plainte de l'une ou l'autre partie des belligérants ».

Cette déposition « tôla tchi » consiste en la saisine des autorités traditionnelles par un acteur rural se disant propriétaire d'une portion de terre litigieuse. A cet effet, l'accusation ou l'accusateur s'acquitte d'une somme de deux mille (2.000) francs CFA en vue de permettre l'enregistrement de sa déposition parmi les questions à résoudre.

Dès lors, l'information de la déposition est portée à la connaissance de l'accusé par le biais du griot, pour lui permettre à la fois de verser également la somme de deux mille(2.000) francs CFA dont le délai d'exécution n'excède pas trois jours et de s'apprêter pour la première séance d'écoute et ci-possible, de règlement.

Après acquittement de ce montant par les deux parties, la chefferie procède à l'information de l'ensemble de la communauté villageoise par le canal de ce mêmegriot qui, avec une cloche artisanale et un bâtonnet métallique, sillonne les grandes artères du village pour informerles administrés, à voix audible.

Cette séance d'information permet à tous les sachants de la répartition foncière ancestrale et de ce litige foncier spécifique, de se prononcer lors de la prochaine convocation des parties.

Selon le même chef T. (61 ans, retraité à Djamandji) « Une à deux semaines après la déposition de la plainte, la chefferie convoque les parties ainsi que tous les sachants, à une séance d'écoute qui se tient régulièrement les mercredis ».

2.1.2.2.2 Convocation des parties

A cette première étape de la gestion coutumière des litiges fonciers, le tribunal traditionnel, après avoir informé l'ensemble de la communauté villageoise de la tenue d'une première séance d'écoute, fait comparaître les deux parties, dans une séance publique sous les arbres prévus à cet effet (arbres à palabre).

Lors de cette séance, la chefferie écoute successivement l'accusateur, l'accusé, les sachants avant d'en venir aux témoins. A ce niveau, le tribunal intente une transaction amiable pour estomper le cours de la procédure. Mais si l'une ou l'autre des parties refuse, la procédure suit son cours normal et la séance est ajournée à une semaine avant le déplacement du bureau de la chefferie, des protagonistes, le comité de gestion foncière, des sachants, parents, amis sur l'espace faisant l'objet du conflit.

2.1.2.2.3. Déplacement sur l'espace conflictuel

Pour le chef de Tricata (chef S., 69 ans)« le déplacement de la chefferie, des protagonistes et des sachant sur la terre qui fait l'objet de litige, est une phase délicate et purement mystique où les ancêtres agissent sévèrement envers celui qui a tort. Les protagonistes reprennent les explications en illustrant leurs propos par soit les activités champêtres menées dans le champ, soit tout ce qu'il faut pour attester leurs propos. Ils se munissent donc de nid d'écureuil, d'un coq blanc ou rouge chacun et de 10 litres de vin de palme».

Cette phase apparait assez délicate car elle ouvre la voie à une implication des ancêtres et semble ne pas épargner le protagoniste qui, à tort, s'approprie l'espace d'autres ruraux.

La charge financière du déplacement de ce comité de gestion revient aux belligérants qui se munissent à la fois de tout le nécessaire pour la séance de jurement.Concrètement, il s'agira pour chacun des protagonistes, avant cette première expédition sur la terre conflictuelle, de débourser la somme de cinq mille (5.000) francs en plus de pot de dix (10) litres de vin de palme, d'un coq blanc ou rouge et d'un nid d'écureuil. Puis, le comité en séance plénière donne encore la possibilité aux deux parties de désister puisque cette prochaine étape se soldera inéluctablement par la mort d'une des parties.

Cette phase réflexive s'étend sur une ou plusieurs semaines ; période pendant laquelle, les formules occultes d'interruption de la procédure par une partie, en raison de la conscience de leurs erreurs d'appropriation foncière par maraudage, sont tolérées par la chefferie. Ainsi, le bureau de la chefferie se charge de la restitution de l'espace au véritable propriétaire ; et ce, de façon sournoise pour éviter les effets ignominieux chez le repenti-actif, puisqu'il pourrait s'agir d'un acteur villageois dont la réputation ne doit être salie ou d'un père de famille.

Toutefois, en cas d'insistance des deux parties à aller à la séance de jurement, la chefferie traditionnelle, après des semaines d'attente, convoque uniquement protagonistes et témoins ainsi que son comité de gestion pour se rendre secrètement sur l'espace conflictuel en vue de passer à la séance de jurement.

2.1.2.2.4. Séance de jurement

C'est une séance tenue à huis clos entre le bureau de la chefferie, les belligérants et un témoin de chaque protagoniste.

A ce niveau, le plaignant est le premier à prendre la parole et à marcher le long de la limite de son champ, suivi de son témoin. Mon monologue doit exclusivement se circonscrire sur l'indication des limites de son champ et l'invocation de ses ancêtres qui lui ont légué cette portion de terre.

Ainsi, suivi de son témoin, il marche le long de sa propriété foncière, tout en indiquant les termitières, bas-fonds, palmiers à huile ou fromagers qui bordent cette propriété et simultanément, celui-ci invoque ses ancêtres en vue de les associer à la gestion de la question.

Pendant qu'il marche le long sa portion de terre, le plaignant se fait frotter le dos avec le nid d'écureuil préparé à cet effet, par son témoin.

Pour le chefT. (61 ans, retraité à Djamandji) « l'accusateur puis l'accusé doivent chacun à son tour, faire le tour de leurs propriétés respectives; peu importe qu'il s'agisse d'1, 2 ou 100 hectares ».

Ensuite, la chefferie fait intervenir l'accusé qui suit la même procédure en invoquant lui aussi, ses ancêtres donateurs.

Après cette phase, les coqs sont tués sur le champ, le sang est relativement éparpillé sur l'espace conflictuel. Puisà la hâte, on coupe du bois de chauffe pour y mettre du feu, les coqs sont préparés, consommés par tout le collège des participants à la séance, puis les os sont distillés sur l'espace en question avant de revenir au village.

De retour au village, la chefferie ajourne la séance à une, deux voire trois (1, 2 voire 3) semaines afin de donner le temps aux ancêtres d'agir et de punir celui qui a tort.

2.1.2.2.5.Verdict ancestral

C'est la phase terminale de cette procédure lanternante qui s'étend fréquemment surdeux ou trois (2 ou 3) mois. Au bout d'un intervalle d'une à trois semaines, l'un des protagonistes trouve la mort de façon mystérieuse et le sang s'écoule de son nez comme marque du passage des ancêtres.

Après la mort de l'un des acteurs en conflit, la chefferie en séance publique, autorise au« survivant » de récupérer sa portion de terre, parce qu'il a été jugévéritable propriétaire selon les ancêtres.

Toutefois, il est à préciser selon ce collectif des chefs traditionnels de « Sian »(entretien de Mai, 2016) que « cette phase de jurement, jusque-là n'a encore jamais laissé impuni celui qui a tort lors d'un différend foncier. C'est pourquoi, avant d'y arriver, nous prévenons les parties du danger de cette étape et les encourageons à arrêter la procédure ».

2.1.2.3. Procédure de gestion des conflits entre agriculteurs et transhumants

2.1.2.3.1. Plainte

« Elle se fait comme toutes les autres plaintes avec une somme de 2000 f et une date pour régler le problème. Mais c'est souvent difficile puisque c'est difficile de savoir si ce sont les boeufs de tel ou tel transhumant ». En d'autres termes, la procédure concernant la plainte reste intacte : dépôt de la plainte contre paiement d'une somme de deux mille francs (2000f), mais celle de la détermination des boeufs destructeurs et de leur propriétaire parait plus problématique.

Dans ce cas d'espèce, en l'absence de preuves formelles prouvant l'implication directe des boeufs d'un transhumant dans la destruction ou le saccage de plantations, il reste difficile d'établir la responsabilité et par ricochet, d'engager une procédure de dédommagement.

Dans la plupart des cas, S. (cultivateur à Sanégourifla, Novembre 2016) affirme « Tu es au village le soir et matin, quand tu vas au champ,  tu trouves ton champ dévasté avec des boeufs à l'intérieur. Donc ce sont eux ». De ces propos, il revient qu'il est difficile de déterminer les boeufs dévastateurs vu que les planteurs dès dix-huit (18) heures du soir, sont à la maison et le constat se fait le matin avec un intervalle de temps assez considérable pour permettre à n'importe quel transhumant de promener ses boeufs, dévaster la plantation et s'éclipser.

Ainsi, à défaut de prendre des positions partiales, les plaignants planteurs sont sommés dans bien des cas par le tribunal traditionnel, de prouver le lien entre les boeufs trouvés sur place et le saccage des plantations.

2.1.2.3.2Transaction amiable et indemnisation

A cette étape, le tribunal intente une transaction amiable sur la basedes preuves traduisant l'intentioncriminelle du transhumant et sa responsabilité directe dans le saccage de plantations.

Ce type de transaction n'aboutit que par l'acceptation des deux parties sur les clauses de la transaction ; ce qui n'est pas le cas dans la plupart des situations observées sur le terrain.

Le cas de figure ci-contre exprime mieux cette complexité à trouver une solution amiable lorsqu'il s'agit des conflits entre agriculteurs et transhumants.

Un enquêté (K., 46 ans, planteur à Kouêtinfla, entretiens d'Août 2015) nous racontait que trois mois avant notre arrivée sur le terrain d'étude, la gestion d'un conflit foncier avait provoqué des murmures au sein de la communauté villageoise. Il s'agit d'un conflit qui a opposé G., une autochtone du village Kouêtinfla à K., un jeune transhumant.

En effet, G. qui était partie effectuer des travaux dans son champ de maïs, constata que son champ avait été dévasté par des boeufs. Ainsi, dans la recherche d'éventuels coupables, retrouva le transhumant K., suivi de son troupeau aux abords de son champ. Elle prit donc sa machette puis blessa une bête avant de rentrer au village pour entamer une procédure d'indemnisation. La chefferie traditionnelle gouro, dans la gestion du conflit, donna raison à G. et exigea une indemnisation immédiate en tenant compte des dimensions du champ de maïs et de sa valeur pécuniaire. Une décision qui a été fortement contestée par la communauté allochtone qui l'a trouvée purement affinitaire, avant de remonter à l'échelle administrative.

A ce niveau, la plaignante du village devenue l'accusée de cette nouvelle procédure et le plaignant se retrouvèrent face à un juge qui avait des antécédents fonciers avec certains autochtones de la localité. De ce fait, la décision rendue de cette juridiction fut qu'au lieu de prétendre vouloir se faire indemniser par le transhumant, ce serait plutôt G. qui devait dans un bref délai, indemniser le transhumant K. pour la bête blessée. Cette nouvelle décision a créé un choc social au sein de la communauté gouro et attisé la stigmatisation des allochtones (décideurs, transhumants et cultivateurs) de la localité.

2.2. Procédure pénale de gestion

2.2.1. Fondement normatif

La gestion du domaine foncier rural ivoirien s'appuyait principalement sur un ensemble clivé de démarches qui cumulaient pratiques coutumières, décrets et arrêtés de l'époque coloniale. Dès lors, tandis que les détenteurs coutumiers cédaient ou louaient des terres aux migrants en dehors de tout contexte légal, l'administration s'efforçait d'établir des bases textuelles de ces transactions.

Relativement, de nombreux textes ont été élaborés et ceux-ci se sont vus amendés au fil des années jusqu'à déboucher sur la loi foncière actuelle (loi n°98-750 du 23 Décembre 1998).

Quelles sont ces normes qui ont permis de règlementer le foncier national avant et après l'indépendance ivoirienne ?

2.2.1.1. Mesures en vigueur avant l'indépendance

2.2.1.1.1. Décret du 25 Novembre 1930

Ce décret règlemente l'exploitation pour cause d'utilité et l'occupation temporaire des espaces en Afrique occidentale française promulguée par arrêté 2980 AP du 19Décembre 1930. Ce texte prévoit que les indigènes s'approprient les terres à des fins exclusivement d'exploitation agricole. En ce sens, les terres ne pouvaient être consolidées pour une exploitation future, elles devaient être mises à profit dans l'immédiat et dans l'intérêt public.

Aussi, ce décret fixe-t-il les conditions d'expropriation des indigènes pour cause de non-exploitation des espaces consolidés. En son article 1, il dispose « l'exploitation pour cause de nullité publique, s'opère en Afrique occidentale française par l'autorité de justice. En d'autres termes, l'exploitation à des fins personnelles constatées par l'autorité de justice, entrainait inéluctablement l'expropriation de l'indigène.

Par ailleurs, ce texte mentionne que les tribunaux ne peuvent prononcer l'exploitation qu'autant que l'utilité publique en a déclaré et constaté dans les formes prescrites.

Toutefois, les terres formant la propriété collective des indigènes ou que les chefs indigènes détiennent comme représentants des collectivités indigènes conformément aux règles de droit coutumier local, restent soumises aux dispositions de la règlementation domaniale qui les concerne.

Les conditions d'expropriation des indigènes pour cause de travaux publics se trouvent précisées aux termes de l'article 3 de ce décret qui dispose que«le droit d'expropriation résulte :

- De l'acte qui autorise les opérations telles que la construction des routes, chemins de fer ou ponts, travaux urbains, travaux militaires,...

- De l'action qui autorise les travaux ou opérations par une loi, un décret ou un arrêté du gouverneur général en conseil de gouvernement.».

Concernant les formalités et modalités d'indemnisation des personnes expropriées, ce décret prévoit que les propriétaires intéressés (chefs des travaux) disposent d'un délai de 2 mois à dater des publications et notifications pour faire connaître les personnes concernées (fermiers, locataires ou détenteurs de droits réels) faute de quoi, ils resteraient seuls chargés envers ces derniers, des indemnités que ceux-ci pourraient réclamer.  

2.2.1.1.2. Arrêté n°83 du 31 Janvier 1938

Cet arrêté règlemente l'aliénation des terrains domaniaux en Côte d'Ivoire ; autrement la mise à disposition des terrains domaniaux à des fins d'utilisation industrielles ou de travaux publics.Il désigne sous le vocable de « concessions rurales », les terrains situés en dehors des centres urbains et réservés ou utilisés en principe pour des entreprises agricoles et industrielles.

Relativement, les investisseurs bénéficient de certains avantages liés à la mise en valeur des espaces, dont le principal reste prescrit en l'article 2 du présent arrêté « les terrains ruraux sont attribués à titre onéreux à des clauses et à des conditions spéciales qui sont insérées dans un cahier de charges annexé par l'activité d'octroi ».

Aussi, la libre concurrence de structures spécialisées dans les travaux publics et industriels était-elleautorisée par l'administration coloniale qui évaluait les propositions faites dans un délai de 2 mois. Cette mise en adjudication se présentait comme une forme d'évaluation de propositions lorsque l'administration se trouvait saisie par deux ou plusieurs demandes concurrentes.

L'article 3 fixe la stratification procédurale pour l'obtention d'une concession provisoire, qui prend en compte les acteurs administratifs et la souscription à certaines modalités administratives. Il dispose que « quiconque veut obtenir une concession provisoire d'un terrain doit, par l'intermédiaire et sous-couvert de l'administration du cercle, adresser au lieutenant-gouverneur une demande timbrée énonçant nom, prénoms, qualités, régime matrimoniale et nationalité,... ».

2.2.1.2. Mesures en vigueur après l'indépendance

Au lendemain de l'indépendance, la Côte d'Ivoire amorce un développement grâce à la mise en valeur des espaces ruraux (développement des cultures d'exportations et d'essences forestières) provoquant des vagues de migrations internes et externes vers les terres nationales en général et forestières en particulier.

Dès lors, il s'est avéré nécessaire de repenser la question foncière dans la perspective d'adapter ces textes aux réalités démographiques nouvelles de ce pays.

De nombreux décrets et arrêtés y ont été élaborés dans le cadre du domaine foncier.

v Arrêté n°673 MFAEP-CAB du 20 Avril 1962 portant création du service du cadastre ivoirien (J.O du 10-05-1962 p516)

v Rapport du 29 Mars 1962 sur le projet de loi portant code domanial (J.O du 13-06-1962).

v Loi n°71-338 du 12 Juillet 1971 relative à l'exploitation rationnelle des terrains détenus en pleine propriété.

v Loi 71-338 du 12 Juillet 1971 relative à l'exploitation des terrains ruraux pour insuffisance de mise en valeur (J.O du 5-08-1971).

v Décret de 1971 sur les procédures domaniales : reconnaissance limitée des droits coutumiers.

v Loi de 1984 rendant l'enregistrement obligatoire pour les baux conduisant à l'appropriation des terres.

v Loi n°98-750 du 23 Décembre 1998 portant organisation et règlementation du foncier rural.

Dans un souci de concision, nous ne proposerons que le texte de 1971(1) et la loi de 1998 (2) en raison de leur correspondance aux réalités socio-rurales actuelles.

2.2.1.2.1. Loi n°71-338 de Juillet 1971

Cette loi dispose en son article 1 que « tout propriétaire des terrains ruraux est tenu de mettre en culture et de maintenir en bon état, la production, l'intégrité des terres qu'il exploite ».Autrement, cette loi s'apparente à une forme d'incitation des ruraux au développement des activités agricoles émergentes (cultures de rentes).

Cette mise en valeur s'appliquait à l'exploitation des produits agricoles, à l'élevage et à l'usage industriel. Les terrains ruraux acquis en pleine propriété à quelque titre que ce soit et dont la mise en valeur n'a pas été assurée par les conditions fixées, peuvent faire l'objet d'un retour en totalité ou en partie du domaine de l'Etat en vue de leur utilisation à des fins économiques et sociales.

Aussi, cette loi précise-t-elle que le défaut de mise en culture, de tout entretien et de toute production qu'il s'agisse des cultures ou des produits de l'élevage, sur une période de 10 ans sur les terres consolidées, entraine une appropriation des terres par l'Etat.

2.2.1.2.2. Loi n°98-750 du 23 Décembre 1998 et la procédure

de délivrance du certificat foncier

2.2.1.2.3. Loi n°98-750 du 23 Décembre 1998

Cette loi constitue l'instrument juridique à partir duquel les droits fonciers coutumiers peuvent être transformés en droit de propriété. Elle se caractérise par trois innovations majeures : l'encouragement des ruraux à mettre en valeur les terres (art 18), la résolution conjointe des questions liées aux expropriations répétées de certaines populations (art 4) et l'identité foncière des allogènes sédentarisés (art 26).

En ce qui concerne la mise en valeur des terres et gestion du domaine foncier rural, cette loi prévoit en son article 18 que « la mise en valeur d'une terre du domaine foncier rural résulte de la réalisation soit d'une opération de développement agricole, soit de toute opération réalisée en préservant l'environnement et conformément à la législation et la règlementation en vigueur ».

Relativement aux expropriations de certaines personnes, cette loi dispose que les acteurs sociaux et ruraux, dans le but d'attester leur droit de propriété sur les espaces fonciers, se fassent établir un certificat foncier aux termes de l'article 4 de ladite loi.Lequel certificat foncier s'apparente à l'acte par lequel l'administration constate l'occupation paisible et continue d'une terre du domaine foncier rural par une personne ou groupement informel d'ayants droits se disant détenteurs des droits coutumiers.

Concernant l'identité socio-foncière accordée aux allogènes sédentarisés, cette loi prévoit en son article 26 que ces acteurs ayant consolidés des espaces fonciers à travers des contrats avec des propriétaires terriens nationaux, soient reconnus propriétaires de ces espaces qu'ils exploitent.

Concernant la procédure de délivrance du certificat foncier, elle reste soumise selon termes des dispositions du décret n° 99-594 du 13 Octobre 1999 fixant les modalités d'application au domaine foncier rural coutumier de la loi n°98-750 du 23 Décembre 1998, à une série stratifiée de dix-neuf étapes. Ces étapes se résument grosso-modoà la rédaction de la demande, au dépôt de cette demande, à l'ouverture du dossier d'enquête, au layonnage du périmètre à délimiter, à la désignation du commissaire-enquêteur, au règlement des frais d'enquête, à l'ouverture de l'enquête foncière, à la constitution de l'équipe d'enquête officielle, au recensement des droits coutumiers, au constat des limites de la parcelle, à l'établissement du plan de délimitation, au contrôle du dossier de délimitation, à l'annonce de la publicité d'enquête, à la séance publique de présentation, à la clôture de la publicité des résultats d'enquête, au constat d'existence des droits de propriété, à la validation du dossier d'enquête, à la préparation et signature du certificat foncier, à l'enregistrement-diffusionet enfin, à la publication du certificat foncier.

2.3. Procès pénal

2.3.1. Saisine de la justice

Selon le maître B. (entretien effectué au tribunal ; Mars, 2016)« En cas de litiges fonciers, la partie plaignante saisit le tribunal par assignation d'un huissier de justice qui cite les parties à comparaître ». En d'autres termes, la partie plaignante ne saisit pas directement la justice mais s'en remet à un acteur administratif entreposé (huissier de justice) dont les compétences lui confèrent le pouvoirde saisir par assignation, la justice et concomitamment de citer les parties belligérantes à comparaître.

Dès lors, une date est fixée pour une séance d'écoute non publique, permettant ainsi de constituer un dossier qui sera remis au juge d'instruction à des fins d'investigations.

2.3.2.Phase d'instruction

C'est la phase qui met en scène le juge d'instruction dont le rôle consistera, dans une impartialité relativement totale, à procéder aux investigations qu'il juge utiles à la manifestation de la vérité.Pour ce faire, le maître D. (entretien de Juin, 2015) affirme que « l'instruction peut se fonder principalement sur les avis du comité villageois de gestion foncière, de la chefferie traditionnelle locale et du chef de terre, mais aussi, sur de nouvelles investigations en dehorsde tout rapport des autorités coutumières pré-citées. A ce titre, ceux-là apparaissent comme simples témoins, dans le cadre du jugement ». Dans cette mesure, le juge d'instruction semble être doté de prérogatives importantes qui le confèrent la latitudede se fonder sur les investigations déjà menées par les instances coutumières ou les remettre en cause et procéder personnellement à de nouvelles disquisitions en dehors de tout pré-acquis. Dès lors, il constitue donc une équipe de personnes « qualifiées » sur le terrain à des fins de nouvelles enquêtes.

Ainsi, disposant d'éléments suffisants, il peut prendre une ordonnance de renvoi de l'affaire devant la juridiction de jugement, s'il estime qu'il existe à l'encontre du mis en examen des charges suffisantes portant sur des coups et blessures lors de ces litiges fonciers. Dans le cas contraire, il rend une ordonnance de non-lieu et sollicite l'appui du comité villageois de gestion foncière pour une gestion coutumière.

2.3.3. Phase de jugement

« Dans le cadre de la résolution des questions foncières, nous travaillons en étroite collaboration avec le comité villageois de gestion foncière et les autorités traditionnelles qui interviennent lors des jugement en tant que témoins ». Ces propos recueillis auprès du juge d'instruction du tribunal de Sinfra (Avril, 2016) montrent que le président du tribunal ne rend son jugement que sur la base d'interventions combinées d'accusateur, d'accusé, de témoins et du rapport issu d'investigations du juge d'instruction.

Toutefois, il faut préciser que, même si les conflits de terre constituent des questions à nomenclature civile, le président du tribunal de Sinfra peut appliquer simultanément les dispositions du code civil et du code pénal dans les cas de violences foncières ; et ces décisions peuvent consister en des dédommagements pécuniaires, des peines privatives de liberté ou des peines avec sursis.

Après le verdict, la partie perdante du procès dispose d'un délai de trente jours pour faire appel ou se conformer à la décision.

2.4. Procédure de gestion par les autorités administratives

La procédure de gestion des litiges fonciers par les autorités administratives de Sinfra se limite généralement à la médiation (1), à la négociation (2) et à la conciliation (3).

2.4.1. Médiation

Selon un enquêté de la sous-préfecture de Sinfra(49 ans, archiviste) lors d'entretiens effectués en Juin, 2016) « les autorités préfectorales et sous-préfectorales constituent des médiateurs, dont le rôle consiste à aider les partiesprenantes à chaque étape du processus de médiation. Le médiateur aide à cerner le conflit, àétablir clairement les différents points de vue, à rechercher les causes et les effets du conflit, àétudier ses antécédents, à élaborer des suggestions concrètes pour sa résolution, à parvenir àdes accords satisfaisants et à trouver des solutions acceptables ».Autrement, ces autorités dans la médiation élaborent un cadre d'échanges entre les protagonistes en vue de déterminer les points de divergence déterminants dans la recherche de solutions satisfaisantes. Partant de là, cette médiation des autorités locales de Sinfra, s'apparente à un processus de concertation volontaire entre parties en conflit initié par ces autorités locales, afin de faciliter la communication et conduire les parties à trouver collégialement une solution.

Le succès d'une telle méthode suppose dans bien de cas, le rétablissement des relations inter-rurales, la préservation de la réputation des acteurs, ou l'image des parties prenantes et l'adhésion des parties à un ensemble de valeurs communes.

2.4.2. Négociation

Les enquêtés tels que F. (41 ans, administrateur à la Sous-préfecture) révèle dans notre zone d'étude que « les autorités aident les parties opposées, sur la base des négociations consensuelles, à jouer le rôle majeur dans la recherche de solutions acceptables pour tous. Les individus en conflit identifient eux-mêmes leurs besoins et leurs intérêts, et s'entendent pour trouver des solutions avantageuses pour tous ».Dès lors, les autorités locales, dans le cadre de la négociation, associent les belligérants dans la recherche de solutions consensuelles tout en favorisant la communication entre les parties durant tout le processus.

Dans la pratique, ces autorités locales forment une équipe (Préfet ou Sous-préfet ou encore leurs représentants, secrétaires et les protagonistes) dont le nombre est fonction des enjeux qu'implique ce conflit foncier. Il s'agira pour cette équipe de mener un ensemble d'actions séquentielles qui partent de l'identification du litige à la mise en oeuvre des solutions, en passant succinctement par clarification des enjeux, la recherche des causes, l'évaluation des conséquences négatives et larecherche des solutions.

A ce niveau, les solutions les plus fréquentes sont celles de type gagnant-gagnant ou perdant-perdant. Dans le premier cas, chaque protagoniste se préoccupe de l'intérêt de l'autre. Il ne s'agit donc pas de rechercher le meilleur compromis de partage des gains mais de trouver un accord qui augmente les gains de chacun.

Dans le second cas, il s'agit d'une interaction où la somme de décisions individuelles visant à maximiser l'intérêt de chacun, aboutit à une combinaison de décisions minimisant l'intérêt de tous. Ici, cette forme de gestion s'appuie une perte relativement faible de part et d'autre des acteurs en conflit. Dans la plupart des cas de conflits négociés, un enquêté (B., 29 ans, policier à la préfecture) affirme que «  les solutions trouvées dans le cadre des négociations favorisées par les autorités administratives, sont facilementapplicables, puisque les parties en conflit élaborent elles-mêmes leurs solutions.

2.4.3. Conciliation

Cette méthode de gestion des conflits fonciers consiste, selon une enquêtée (Madame C., 32 ans, secrétaire du Préfet) « à rapprocher les positions divergentes des parties en conflit ».Ainsi, après la négociation qui a débouché sur les formules gagnant-gagnant ou perdant-perdant, les autorités préfectorales et sous-préfectorales concilient les protagonistes en les tenants au strict respect des propositionsqu'elles ont contribué à élaborer ; lesquelles serontconsignées par écrit.

Par ailleurs, il parait important de retenir que la procédure de gestion administrative des conflits fonciers part de la médiation des autorités préfectorales et sous-préfectorales qui élaborent avec les protagonistes, des formules négociées de gagnant-gagnant ou de perdant-perdant en tenant compte des enjeux et intérêts de tous les acteurs en conflit. Le schéma ci-dessous donne les détails de cette procédure administrative.

MEDIATION

NEGOCIATION

CONCILIATION

Figure 9 : Procédure de gestion par les autorités administratives de Sinfra

Source : Terrain

V.Facteurs explicatifs de l'échec de la gestion des conflits fonciers

D'après les verbatim recueillis sur le terrain d'étude, l'échec en matière de gestion des conflits fonciers à Sinfra s'explique par la conjugaison des facteurs internes aux acteurs (1) et des facteurs externes à ces acteurs (2).

5.1. Facteurs internes aux acteurs sociaux

Plusieurs facteurs internes aux acteurs expliquent l'échec de la gestion des conflits fonciers. Les principales sont : corruption des acteurs de gestion et gestion affinitaire des conflits fonciers (1), protection tribale des ressortissants (2), stigmatisation des acteurs de gestionet expropriation foncière des allochtones (3), acteurs de gestion eux-mêmes acteurs de conflits (4) et diversité d'acteurs de gestion et confusion de rôles (5).

5.1.1 Corruption des acteurs et gestion affinitaire des conflits fonciers

Dans la plupart des villages explorés du département de Sinfra,33% des enquêtés révèlent que les décideurs locaux ont une attitude partiale dans la gestion des crises foncières. Ceux-ci ont tendance à privilégier les acteurs ruraux dont le pouvoir de corruption est certain. A ce titre, les propos de F. (19 ans, élève en Terminale au Lycée Henri Konan Bédié et vivant à Djamandji) sont éloquents « pour avoir raison dans un conflit de terre à Sinfra ici, tu dois avoir l'argent comme les opérateurs économiques allochtones ou avoir de vastes portions de terre comme certains propriétaires terriens. Sinon, ce n'est pas sûr. Les autorités de Sinfra sont entrain de faire de grands champs d'hévéa partout à Sinfra et plus de la moitié des pâturages de Sinfra, même si ce sont les peulhs qui gèrent, leur appartient. Alors qu'avant, ils vivaient seulement de leurs pensions pour les retraités et de leurs salaires, pour les fonctionnaires. Hum, en un petit temps, ils ont tous eu de nombreux champs de cacao, d'hévéa et de pâturages ». De ces propos, il ressort que le nombre croissant des champs de grande envergure et pâturages des décideurs de la localité, repartis dans l'ensemble du département, ont des provenances douteuses ; mieux que ces biens constituent des contreparties à l'orientation volontaire des décisions de justice (traditionnelle ou pénale) en faveur de ceux qui ont un pouvoir pécuniaire et foncier évident.

Ainsi, ces décideurs locaux qui ne disposaient que de leurs revenus mensuels ou de petits dons reçus pêle-mêle, se retrouvent aujourd'hui, selon l'enquêté avec des avoirs assez remarquables (champs, pâturages, petits et grands commerces) dont l'atermoiement d'obtention prête à regard. Dans ce contexte, tandis que certains expliquent cet enrichissement rapide des autorités du département, par la conservation progressive des dons reçus au fil du temps en oblitérant continuellement les traces de ces arrangements souterrains dans la sphère administrative, d'autres y voient un réseautage purement élaboré par ces praticiens du droit local avec des acolytes (autochtones et allochtones) en vue de se procurer des possessions remarquables pouvant leur permettre d'être à l'abri du besoin financier.

Dans la pratique, les autochtones et allochtones, détenteurs de pouvoirs s'inscrivant dans une dynamique de préservation de biens fonciers pour leurs descendances futures, annexent expressément des espaces appartenant à d'autres ruraux (peu connus et pauvres), pour ensuite solliciter les « autorités locales » (membres de ce réseau) afin d'engager des procédures de résolution sans fondement juridique, ni investigations préalables, mais paraissant effrayant pour ces analphabètes qui préfèrent, dans de nombreux cas, abandonner leurs espaces.

De plus, dans ce réseau qui voit uniquement s'intégrer autorités et détenteurs de pouvoirs financiers ou fonciers, il s'avère difficile de voir un propriétaire terrien, un allochtone aisé, avoir tort dans la gestion d'un conflit foncier. Les autres ruraux lésés par les appropriations massives de leurs espaces, assistent incapables à cet enrichissement croissant de ceux qui ont un pouvoir foncier, financier et décisionnel.

En plus de ce réseautage qui est manifeste dans l'arène sociale et administrative de Sinfra, le vieux G. (64 ans, retraité à Bégonéta ; entretien de Septembre 2016) affirme qu' « avec les derniers faits politiques, les gouro et allogènes se supportent difficilement. Et puis, les cadres d'ici ont tendance à protéger et donner raison aux individus de la même ethnie, même s'ils n'ont pas raison dans le litige. Cette situation rend nos rapports difficiles entre nous-mêmes et entre nous et les cadres de Sinfra ».

Il ressort que ces rurauxobservent fréquemment quelques cas de gestion des conflits fonciers, pipés par l'appartenance ethnique et sectaire.

Ainsi, pour cette catégorie hétéroclite d'acteurs ruraux repartis dans les contrées des six tribus, l'obliquité des décisions de justice relativement aux conflits de terre dans le département, sont fortement influencées par la coloration de l'identité ethnique, religieuse et communautaire des acteurs en conflit et ce ; avec tous les risques de biais expressément orchestrés par ces geôliers de la procédure normative.

Par ailleurs, les praticiens du droit à Sinfra, au regard des conflits post-électoraux ethnicisés dans le département, tendent de plus en plus à protéger les ruraux du même groupe ethnique ou religieux, pour qui, leurs prises de position s'apparentent plus à une question de « tutorat » à l'égard des membres d'une communauté, qu'à une volonté d'établir une quelconque justice. Dans ce contexte, l'enquêté Z. (34 ans, planteur à Kouêtifla ; entretien de Mai, 2016) affirme que « dépuis que les gens-là ont incendié nos villages de Koblata et Proniani, chaque ethnie a établi des liens forts avec les gens d'en haut et à chaque problème, ils vont les voir pour gérer sa ». En d'autres termes, chaque communauté recours sans ambages à l'autorité, à même de ne point considérer le problème en question et de donner lui raison sur la simple base d'affinités ethnique, religieuse et tribale.

Dès lors, la gestion des conflits fonciers à Sinfra ne se fonde plus sur les textes légaux (code pénal, code de procédure pénale, code civil, code foncier) comme le croiraient de nombreux acteurs sociaux, mais davantage sur des textes virtuels, affinitaires, internes à chaque communauté et encrés dans les consciences des élus locaux, comme le concentré d'une politique intra-ethnique ou intracommunautaire qui, de ce fait, n'en font qu'une application littérale en cas de conflit foncier entre les peuples sédentarisés de Sinfra.

Relativement à cette gestion affinitaire, un enquêté (K., 46 ans, planteur à Kouêtinfla, entretiens d'Août 2015) nous racontait que trois mois avant notre arrivée sur le terrain d'étude, la gestion d'un conflit foncier avait provoqué des murmures au sein de la communauté villageoise. Il s'agit d'un conflit qui a opposé G., une autochtone du village Kouêtinfla à K., un jeune transhumant.

En effet, G. qui était partie effectuer des travaux dans son champ de maïs, constata que son champ avait été dévasté par des boeufs. Ainsi, dans la recherche d'éventuels coupables, retrouva le transhumant K., suivi de son troupeau aux abords de son champ. Elle prit donc sa machette puis blessa une bête avant de rentrer au village pour entamer une procédure d'indemnisation. La chefferie traditionnelle gouro, dans la gestion du conflit, donna raison à G. et exigea une indemnisation immédiate en tenant compte des dimensions du champ de maïs et de sa valeur pécuniaire. Une décision qui a été fortement contestée par la communauté allochtone qui l'a trouvée purement affinitaire, avant de remonter à l'échelle administrative. A ce niveau, la plaignante du village devenue l'accusée de cette nouvelle procédure et le plaignant se retrouvèrent face à un juge qui avait des antécédents fonciers avec certains autochtones de la localité. De ce fait, la décision rendue de cette juridiction fut qu'au lieu de prétendre vouloir se faire indemniser par le transhumant, ce serait plutôt G. qui devait dans un bref délai, indemniser le transhumant K. pour la bête blessée. Cette nouvelle décision a créé un choc social au sein de la communauté gouro et attisé la stigmatisation des allochtones (décideurs, transhumants et cultivateurs) de la localité.

5.1.2 Protection tribale des ressortissants

Pendant le déroulement de nos investigations dans le département de Sinfra, de nombreux enquêtés à l'image de G. (maçon à Bégonéta, entretien de Septembre, 2016) insistait sur le fait que « dans certains services, beaucoup de travailleurs sont de la même ethnie ou de la même religion ».  En d'autres termes, de nombreux agents issus des services décentralisés de l'Etat appartenaient au même groupe ethnique, communautaire, religieux ou politique. Ainsi, cette pression du bord ethnique et politique a, non seulement orienté les objectifs organisationnels étatique en faveur des objectifs partisans du groupe ethnique, mais aussi et surtout a été facteur d'exclusion de certains groupes minoritaires. Ces minorités se sont vues contraintes d'une certaine façon d'adhérer à cette vision nouvelle communiquée (repli identitaire, l'adhérence vitale à un groupe), sous peine d'étiquetage et de privation foncière en raison de supputations sur l'appartenance communautaire.

Dès lors, ce travail professionnel exercé dans les différents services locaux, étant donc pipé par une volonté de protection des membres de la communauté sienne, manque quelques fois d'objectivité et de sérieux pour ces élus. C'est cet état de fait que l'enquêté Z. (cultivateur à Sanégourifla) mentionnait en ces termes « il faut que tu connaisses un cadre comme le préfet, le sous-préfet, le commandant de brigade ou que tu sois de la même groupe avec eux sinon, ton affaire va rester comme ça ».

Il ressort que ce protectionnisme tribal de ruraux donne non seulement lieu à des déviations d'objectifs organisationnels, structurels mais plus loin, à des abus de toute nature et de toute sorte (évictions foncières arbitraires, frustrations successives).

Dans la pratique, des affrontements sectoriels surgissentdans certaines contrées du département entre groupes ou communautés.Ceux-ci justifient sans ambages leurs hostilités réciproques par leur appartenance ethnique, confessionnelle ou régionale et revêtent parfois des proportions inquiétantes.

A cette situation, il est à noter qu'en raison de la configuration plurale de la société de Sinfra, le fonctionnement des institutions locales se trouve fragilisé par l'instrumentalisation, à divers égards du registre socio-identitaire (positionnement des cadres gouro et allochtones, organisation des partis politique, élections, accès aux privilèges matériels et symboliques de l'Etat etc.). Une instrumentalisation qui, parce qu'elle est très souvent génératrice d'exclusion et donc de frustration, se révèle potentiellement confligène.

Ainsi, dans les risques liés aux effets combinés de l'exclusion et de la frustration de minorités sociales, certains fulminent, les émotions négatives se cristallisent et les préjugés qui façonnent localement les représentations sociales favorisent les logiques de crispation identitaire qui se manifestent par un retrait social ou par des rixes et joutes de restauration de la situation de départ.

Les interactions entre acteurs ruraux et étatiques paraissent donc floues et fluctuantes entrainant négociations et renégociations constantes dans une situation foncière locale ambiguë et incertaine.

Toutefois, loin d'expliquer exclusivement cette situation conflictuelle à Sinfra par des joutes singulières entre communautés opposées, ces conflits sont davantage traductrices des carences des acteurs de l'Etat en matière de gouvernance et d'arbitrage de ces conflits ruraux. Ils révèlent combien la société de Sinfra peut être exposée au risque de confrontation violente dans la mesure où ceux qui apparaissent comme les acteurs régulateurs procèdent très souvent à l'aggravation ou à l'extrapolation des querelles de clocher par des interventions suspectes, intéressées, démagogiques et clientélistes.Cela est d'autant plus perceptible au sein des instances de régulation foncière à Sinfra où l'on voit alterner jugements arbitraires et partisans. Certaines décisions de justice y sont prononcées en fonction de l'appartenance ethnique, communautaire, religieuse ou politique de l'une ou l'autre des parties en présence.

Les enquêtes foncières sont effectuées de façon partielle, partiale et orientée selon des objectifs partisans. Il s'en suit que certaines décisions de justice prises sont pipées par le bord affinitaire encourageant ainsi certains ruraux à vérifier au préalable l'appartenance ethnique ou religieuse de l'autorité de jugement avant d'adopter une attitude d'obéissance ou de rejet de la décision.

On assiste fréquemment à des contestations publiques des décisions de justice, comme ce fut le cas à Proziblanfla dans une joute entre un autochtone (Niantien) et un allochtone (baoulé) en 2012.

En effet, l'allochtone, après avoir exercé plusieurs années des travaux champêtres sous la coupole de tutorat, s'appropria une portion de terre de son tuteur Niantien, estimant être la compensation à ces années de disponibilité et de services rendus à son tuteur. Le propriétaire terrien Niantien, lui affirmait que ces prestations entraient en ligne de compte du bénéfice que lui, le propriétaire devait tirer de ce tutorat.

Quelques semaines plus tard, à travers un processus de manipulation clientéliste, loin d'observer une joute interindividuelle, l'on a assisté à un conflit entre communautés sédentarisées de la localité (gouro et allochtone). Face à cette situation de risque de dégénérescence en violence, les autorités coutumières se sont expressément dessaisies de cet échiquier de résolution afin de laisser le soin au tribunal pénal de Sinfra.

Après un mois d' « investigations », les autorités pénales ont approuvé cette réquisition de la portion de terre par l'allochtone baoulé. Une décision qui a mis en branle l'ensemble de la communauté gouro qui a rejeté énergiquement cette décision et a pris des mesures à la fois physiques et mystiques pour sécuriser l'espace conflictuel.

Au regard de cette remise en cause de la décision par la communauté gouro, les magistrats ont instruit quelques gendarmes pour veiller à la matérialisation de la décision et permettre à l'allochtone d'exercer en toute quiétude. L'accalmie sociale apparente favorisée par la présence des forces de l'ordre, a encouragé l'allochtone à cultiver cette terre qui avait précédemment fait l'objet de nombreuses invocations des esprits du marigot « sokpo », du masque « djê », du python « ménin san ». Il s'en est suivi la mort brutale et rapide de l'allochtone baoulé quelques semaines plus tard.

5.1.3 Stigmatisation des acteurs de gestion et expropriation des allochtones des espaces fonciers

Des négociations engagées auprès des quatre sous-préfectures (Sinfra, Bazré, Kononfla et Kouêtinfla) ont permis de recueillir les procès -verbaux des dix dernières affaires foncières réglées entre les autochtones et les allochtones dans l'année 2016. Les détails se trouvent synthétisés dans le tableau ci-dessous.

Tableau 10: Procès-verbaux des affaires réglées

S/P

Population

Sinfra

Bazré

Kononfla

Kouêtinfla

Total

Autochtones

04

05

03

04

16 40 %

Allochtones

06

05

07

06

24 60%

Total

10

10

10

10

40 100%

Source : Terrain

Il ressort de ce tableau qu'en 2016 :

- sur 10 affaires foncières réglées par la Sous-préfecture de Sinfra, 06 décisions, soit 60% des cas ont été favorables aux allochtones

- dans la sous-préfecture de Bazré, 05 cas, soit 50% ont été favorables à chacun peuple sédentaire.

- Dans les sous-préfectures de Kononfla et Kouêtinfla, les allochtones l'emportent avec simultanément 07 et 06 décisions, soit environ 70% et 60%.

- En somme, sur un total de 40 affaires, 24, soit 60% ont été favorables aux allochtones contre 16 ou 40% pour les autochtones.

Ces chiffres, à première vue, semblent révéler l'attitude pacifique et non confligène des allochtones, mais dans la pratique ces chiffres traduisent sensiblement que quelques décisions ont été orientées en raison en raison du statut socio-matériel des allochtones et de leur influence sociale.

Des entretiens effectués auprès de quelques responsables de ces sous-préfectures ont révélé que des décisions de justice ont été expressément modifiées pour créer un calme social dans cet environnement ou les rivalités politiques se transportent dans la sphère foncière.

A partir de ces décisions, il était important pour nous de connaitre le niveau de stigmatisation des acteurs de gestion eu égard à leur attitude partiale dans la gestion des conflits fonciers à Sinfra.

A cette fin, un questionnaire a été adressé à 25 individus retenus par choix raisonné dans chaque sous-préfecture. Les données recueillies ont été regroupées dans le tableau ci-dessous :

Tableau 11: Niveau de stigmatisation des acteurs de gestion

S/P

Niveau

Sinfra

Bazré

Kononfla

Kouêtinfla

Total

Faible

04

06

13

03

26 26%

Moyen

12

11

03

08

34 34%

Elevé

09

08

09

14

4040%

Total

25

25

25

25

100 100%

Source : Terrain

A l'analyse de ce tableau, il ressort que :

-Sur 100 individus dans l'ensemble des quatre (04) sous-préfectures, 26, soit 26% ont un niveau de stigmatisation faible des acteurs de gestion.

- 34 ou 34% des enquêtés stigmatisent moyennement les acteurs de gestion.

- 40 individus ou 40% des enquêtés stigmatisent fortement les acteurs de gestion.

Ce niveau élevé de stigmatisation des acteurs de gestion (40%) est lié aux effets conjugués de l'accumulation de frustrations (décisions arbitraires) et ce rejet social de ces acteurs pourtant censés garantir la justice et l'égalité des droits des citoyens. Les autochtones dans leur majorité, ont trouvé comme moyen de contournement de ces décisions arbitraires, l'exclusion foncière de ces allochtones privilégiés par les acteurs de gestion. De ce fait, les autochtones, tentent des appropriations massives de parcelles autrefois octroyées aux allochtones. Ils procèdent donc dans cette atmosphère, par des examens et réexamens de ces contrats en vue de débusquer des incohérences, des imprécisions pouvant constituer un prétexte suffisant pour redéfinir le contrat ou le cas échéant, exproprier les allochtones de ces domaines. Ces contrats qui figurent pour la plupart sur des « petits papiers » sont souvent égarés, mal conservés ou encore imprécis, occasionnant une satisfaction des autochtones gouro qui peuvent intenter de nouvelles ventes de ces parcelles ou encore les conserver à leur usage personnel. Ainsi, pris au « piège » de la minorité ethnique et communautaire, certains allochtones se voient racheter leurs propres terres ou expropriés selon des méthodes pacifiques ou violentes. On assiste donc à un climat dualiste entre ces peuples, dans un environnement où chacun cherche à étendre son réseau de relations sociales. Cette dualité, ces contradictions foncières, se soldent fréquemment par des menaces d'exclusion, des harcèlements permanents des allochtones sur la probabilité d'une éventuelle expulsion.

Toutefois, un fait non moins évoqué, reste les incendies criminelles perpétrées par certains allochtones lors des violences post-électorales de 2011, dans les villages Koblata et Proniani (Sinfra). Ces incendies qui ont, selon les autorités locales, occasionné le décès de 50 autochtones, ont attisé une stigmatisation des nordistes de la localité et par voie de conséquence des allochtones. Les allochtones semblent désormais de plus en plus isolés, écartés des centres de décisions. Cet étiquetage est d'autant plus perceptible au niveau de l'institution familiale, lignagère et intracommunautaire autochtone où l'on assiste à des sensibilisations occultes de certains cadres gouro sur l'isolement, la mise en quarantaine ou même l'expulsion des allochtones dans la majorité des contrées rurales gouro.

Toutefois, il est à noter que ces incendies sont l'oeuvre des groupes isolés aux intentions criminelles et non l'action conjointe de l'ensemble des allochtones vivants à Sinfra. Ceux-ci sont désormais stigmatisés dans leur ensemble sous la nomenclature « allochtone » et expropriés en masse pour ceux qui ne disposent des contrats d'achats ou de contrats douteux.

Selon des entretiens effectués dans quelques villages à prédominance allochtone telles que Brunoko et carrefour campement (situés à une quinze de kilomètres du centre-ville), l'enquêté T. (34 ans, cultivateur à Brunokro)« Depuis la crise, les gouro inventent de nombreux arguments irréalistes pour nous chasser des forêts ».

Pour le préfet N. (67 ans, Préfet hors grade, entretiens d'Avril 2015)  « la situation sécuritaire entre les ruraux de Sinfra s'est principalement dégradé depuis les violences post-électorales de 2011 ».

Certains expropriés tels que L. (ancien planteur de Djamandji, entretien d'Avril, 2015) pensent que « ces peuples qui étaient aussi hospitaliers ont beaucoup changé avec nous. Tout ce qu'ils veulent aujourd'hui, c'est de nous arracher toutes les terres, même celles que nous avons achetées ». Ce scepticisme des propriétaires terriens« kwênins » s'explique par une volonté univoque d'exproprier, d'un refus de cohabitation d'avec ces peuples allochtones.

5.1.4 Acteurs de gestion eux-mêmes acteurs de conflits

Nos investigations menées à Sinfra révèlent que dans de nombreuses contrées du département, les « élus locaux » autrefois sans terre, se retrouvent aujourd'hui avec des portions remarquables de terre et des champs aux dimensions étonnantes. En effet, pour certains autochtones de la tribu Progouri, ils useraient de leur position hégémonique pour intimider les propriétaires terriens gouro et s'approprier une partie de leurs terres. C'est dans ce cadre que l'enquêté F. de Djamandji (39 ans, cultivateur, entretien de Février 2016) affirme « quand les vâ de Sinfra demandent des terres à nos parents, ils ne peuvent pas refuser sinon....Ne me demande pas, toi-même tu sais ce qui va arriver. Donc, tous les planteurs leur ont donné des terres et maintenant, ils ont plus de terres que la plupart des kwênins et des champs d'hévéa, de cacao dans presque toutes les sous-préfectures de Sinfra ». De ces propos, il ressort que cette réquisition massive des terres des autochtones par les autorités, se présente comme une forme d'appropriation foncière symbolique c'est-à-dire celle s'effectuant avec la complicité de ces victimes autochtones qui, conscients de leur position sociale inférieure participent à leur propre appauvrissement foncier. Ceux-ci, aspirant au quotidien à leur protection individuelle et celle de leurs biens fonciers face à des allochtones jugés à la fois nombreux et corrupteurs, accordent des portions importantes de terres à ces autorités locales afin de s'insérer sous une forme de couvert protectionniste lors d'éventuels conflits fonciers avec d'autres ruraux allochtones.

Ainsi, à partir de cette appropriation foncière axée sur la promotion de l'influence locale et des pouvoirs y afférents, ces décideurs locaux ont acquis des nombreux espaces sur lesquelles ils y ont effectué pour quelques- uns, des champs d'hévéa, de cacao, de café, d'anacarde afin de mettre leurs familles à l'abri des besoins vitaux élémentaires et pour d'autres, la transhumance à grande échelle.

Par ailleurs, pour éviter les regards suspects, la plupart de ces plantations et pâturages que nous avons visités, se situaient sur des terrains reculés, à l'extrémité de chaque sous-préfecture (champs d'hévéa et d'anacarde situés sur l'axe routier Sinfra-Progouri, champs de coton, cacao et café, sur l'axe Sinfra-Bazré, cinq pâturages de cheptel à Zéménafla, Djamandji, tricata, Tiézankro II et Progouri ).

A cette situation de consolidation massive des terres, tandis que certains autochtones semblent dénoncer à voix basse et qualifier cette forme de consolidation comme étant politique, de nombreux ruraux semblent se complaire dans cette situation d'octroi incontrôlé des terres et vont plus loin pour demander à être des « gnananwouzan » ou « tréklé » permanents de ces élus, sans véritable contrepartie financière.

Outre ce fait, un facteur non moins évoqué reste les possessions des chefs traditionnels en termes de cheptels, de pâturages,... qui traduisent leur souplesse mieux leur quasi inaction lorsque les boeufs dévastent les champs puisqu'il peut s'agir de leurs propres animaux.

Ainsi, un enquêté affirme « qu'avant quand un boeuf gâtait le champ de quelqu'un, les chefs étaient sévères et beaucoup d'amendes étaient fixées. Mais aujourd'hui, il n'y a plus rien, je dis bien rien. Prie seulement que les boeufs ne dévastent pas ton champ ». De là, il apparait dans un passé récent, les chefs traditionnels infligeaient des amendes importantes et d'autres mesures de sureté (interdiction de promener les animaux dans certaines zones champêtres) aux transhumants. Ceci a eu pour conséquence de réduire considérablement les cas de destruction de culture et créé un cadre social plus ou moins pacifique.

Mais l'enquêté affirme que par un processus corruptif bien ficelé et camouflé de dons en échanges de décisions pipées, les chefs traditionnels sont presque tous devenus des détenteurs de pâturages. Les décisions désormais prises dans un conflit foncier opposant un planteur à un pasteur sont connues d'avance (le pasteur a toujours raison) puisqu'il pourrait s'agir des animaux de l'acteur même qui gère le problème ou d'un collègue aussi membre de ce réseau clientéliste.

L'enquêté affirme également que dans quelques cas rares, les planteurs s'ils n'ont pas été soumis à une périlleuse procédure scientifique de recherche de preuves pour déterminer la responsabilité des transhumants, se font indemniser avec des sommes forfaitaires qui leur sont accordées dit-on pour estomper une procédure dans laquelle ils ne peuvent avoir raison.

5.1.5 Diversité d'acteurs de gestion et confusion de rôles

Les acteurs administratifs sollicités dans le cadre des conflits fonciers à Sinfra concernent  selon P. (59 ans, commerçante à Blanfla) :

« - Les acteurs de l'administration centrale (Préfet, Sous-préfet).

-Les acteurs de la justice (Procureur, juge, greffiers).

-Les acteurs de la répression (Gendarmerie, police).

-Les acteurs de la chefferie traditionnelle (Chefs de tribus, de villages, de terre et notabilité).

- Les acteurs cadastraux de la direction départementale de l'agriculture.

-Les acteurs des comités villageois de gestion foncière rurale ».

Cette pluralité d'acteurs qui interviennent concomitamment, simultanément ou succinctement dans les conflits fonciers, pose quelques fois des problèmes de confusion des rôles, de conflits de compétences, d'imprécision dans les actions individuelles et collectives à poser, d'incompréhension entre ces praticiens du droit formel et informel. Ceux-ci parfois se contredisent, s'entrechoquent, se heurtent en interprétant les textes, créant ou perpétuant un doute corrosif chez ces ruraux qui, pour la majorité, sont analphabètes.

Cette contradiction se perçoit à travers les interprétations divergentes de la loi n° 98-750 du 23 Décembre 1998 modifiée par la loi n° 2004-412 du 14 Août 2004, de ses décrets complémentaires et mesures d'accompagnement (le décret n°99-593 du 13 octobre 1999, le décret n°99-594 du 13 Octobre 1999, arrêté n°147 MINAGRA du 9 décembre 1999, arrêté n°0002 MINAGRA du 8 février 2000,  décret n°99-595 du 13Octobre 1999, arrêté n°085 MINAGRA du 15 juin 2000, arrêté n°102 MINAGRA 6 Septembre 2000, arrêté n°139 MINAGRA du 6 Septembre 2000, arrêté n°140 MINAGRA du 6 Septembre 2000, arrêté n°033 MINAGRA du 28 Mai 2001, arrêté n°041 MEMIDI MINAGRA du 12 Juin 2001, loi n°2001-635 du 9 octobre 2001).

La procédure de gestion des conflits fonciers à Sinfra se trouve donc biaisée et partiellement exécutée. Cela est d'autant plus perceptible à travers des omissions, des enchaînements ou des cumuls que des nombreux ruraux disent constater dans la chronologie des étapes usuelles. Autrement, cette procédure paraît orientée au su ou à l'insu de ces praticiens du droit local qui, intentionnellement ou non, entretiennent un flou procédural et juridique. Ainsi, les décisions prises par certaines autorités au bas de la stratification administrative, sont au quotidien remises en cause par des instances supérieures.

Selon le chef K. (68 ans, planteur, Chef du village kouêtinfla, entretien effectué en Mars 2016) « les décisions que nous prenons sont souvent annulées par notre hiérarchie ».

De plus, 65% des ruraux interrogés affirment que  les décideurs prennent dans beaucoup de cas, des décisions différentes sur le même problème de terre, à telle enseigne que même si tu n'as pas raison ici, tu peux avoir raison ailleurs.

Cette aporie procédurale effectuée le plus souvent de façon hétérodoxe par les autorités locales de Sinfra est tributaire du profit que peuvent à la fois tirer ceux qui ont le pouvoir de décider et ceux qui ont sollicité expressément cette catégorie de décideurs au détriment d'une autre. En d'autres termes, les litiges fonciers sont soumis par les ruraux aux « décideurs » susceptibles d'effectuer des investigations « fictives »afin d'obliquer les décisions de justice en leur faveur.

Ainsi, lorsque la décision est favorable à une des parties en conflit, cette décision est radicalement rejetée par la partie « perdante » dans des atermoiements courts avec une sollicitation des instances supérieures pouvant effectuer de nouvelles « investigations » à même de leur donner suite favorable.

Dans cette logique de contradiction entre décideurs locaux de Sinfra, denombreux ruraux accusent un favoritisme dans le recrutement de certains acteurs de référence en matière foncière. Ceux-ci présentent une incompétence et un manque de savoir-faire relatifs à leur fonction. Lesquelsse manifestent par des lacunes criardes aussi bien au niveau de la connaissance de la loi foncière qu'au niveau des procédures légales applicables en la matière.

Les investigations effectuées sur le terrain d'étude ont révélé que nombre de ces administrateurs locaux ne disposaient pas de la loi foncière et se contentent jusque-là de quelques enseignements reçus lors des séminaires de formation ou des informations reçues pêle-mêle. De ce fait, même si la plupart des interventions de ces décideurs s'érigent dans des transactions amiables, celles-ci sont sans fondement juridique et paraissent inappropriées dans le contexte socio-foncier de Sinfra. La procédure de justice qui devait être nourrie à la sève de la loi foncière afin d'alimenter la coloration de la décision foncière, se trouve orientée de façon lacunaire, clientéliste, intéressée et illogiques par ceux qui le pouvoir de décider, même si cette décision peut faire et fait souvent l'objet de révocation par des instances supérieures.

En somme, il faille retenir que les facteurs internes aux consciences individuelles ont une influence évidente dans l'explication de l'échec de la gestion des conflits fonciers à Sinfra. Le dire ne sous-entend pas rejeter l'impact environnemental ou mieux les facteurs externes(aux acteurs sociaux) dans l'explication de l'échec de la gestion. Ces facteurs endogènesviennent, selon les données du terrain se greffer aux facteurs exogènes pour rendre compte de l'échec de la gestion des litiges fonciers à Sinfra.

5.2. Facteurs externes aux acteurs sociaux

Ces facteurs s'articulent d'emblée autour de l'absence de texte pour la gestion des conflits fonciers (1), Ingérence des autorités gouvernementales dans la gestion des conflits fonciers(2) et des facteurs démographiques (3).

5.2.1 Absence de texte pour la gestion des conflits fonciers

La loi n° 98-750 du 23 décembre 1998 relative au domaine foncier rural telle que modifiée par la loi n° 2004-412 du 14 août 2004 est l'instrument juridique à partir duquel le constat d'existence continue et paisible de droits coutumiers donne lieu à délivrance par l'autorité administrative d'un Certificat Foncier collectif ou individuel (art 8).Elle est organisée autour de cinq chapitres : définition et composition du domaine foncier rural (chapitre 1), propriété, concession et transmission du domaine foncier rural (chapitre 2), mise en valeur et gestion du domaine foncier (chapitre 3), dispositions financières et fiscales (chapitre 4), et dispositions transitoires (chapitre 5) et chaque chapitre est scindé en deux sections.

Cette loi en effet, même s'il est vrai qu'elle reste et demeure le seul instrument juridique pour règlementer la question du foncier en Côte d'Ivoire, force est de reconnaître qu'elle s'attarde sur la définition du domaine foncier, les conditions de sa mise en vigueur et comme toujours, met en évidence les dispositions financières pour asphyxier davantage financièrement les planteurs désireux de se faire établir des titres de propriété. Mais en ce qui concerne la question de la résolution des conflits de terre, gage du développement pacifique des interactions rurales, cette loi et ses éditeurs démissionnent. De ce fait, les conflits fonciers naissent et s'intensifient (104 conflits identifiés chaque année par le chef de la tribu Sian) en opposant les principales populations sédentaires du terroir local en général (autochtones et allochtones) ou plus précisément celles de Sinfra et ce, sous le silence complice des législateurs et de la loi foncière de 1998 qui ne tient pas compte des besoins de gestion des conflits. Ainsi, loin de vouloir régler la question des conflits fonciers en prenant en compte les modalités d'acquisition ou d'attribution des terres, des configurations du phénomène pour poser les bases normatives de la gestion, les législateurs se sont limités seulement en la désignation du foncier rurale et des conditions financières pour se faire immatriculer les terres.

Par ailleurs, avec cette démission plurielle (législateurs, société civile,...), les procédures de gestion des conflits fonciers restent focalisées sur un jumelage improvisé entre pratiques culturelles et normes jurisprudentielles, traduisant une forte probabilité d'échec de la gestion desdits conflits.Les populations s'en remettant aux acteurs les plus habilités à régler leur question (acteurs coutumier, acteurs de l'administration locale, acteurs de la justice), se retrouvent encore en conflits pour des raisons de partialité, de frustration et de sentiment de dépossession foncière.

Dans le cadre coutumier, les acteurs de gestion s'inscrivent dans une dynamique culturelle et ancestrale. Mais dans le cadre administratif ou moderne, les acteurs ne disposent d'aucun instrument de gestion et se fient à leur intuition, instinct ou autre, immergeant l'ensemble des protagonistes dans un vaste univers subjectif et d'interprétations personnalisées.

5.2.2 Ingérence des autorités gouvernementales dans la gestion des conflits fonciers

Les investigations menées à Sinfra ont permis de comprendre que les autorités extra-locales ou gouvernementales ont tendance à s'impliquer à tort ou à raison dans le processus de gestion des conflits fonciers.

Outre ce fait, nous pouvons noter que les conflits post-électoraux à la fois ethnicisés et communautarisés à Sinfra, ont attisé les divergences sociales et surtout foncières avec une présence quasi permanente et dans des dimensions occultes « des élus politiques gouvernementaux» qui, intentionnellement ou non, ont entretenu un climat de méfiance réciproque entre ces peuples sédentaires.

Nous pouvons illustrer ces propos par un récit relaté par R., un autochtone de Digliblanfla (entretien de Janvier, 2016) concernant un conflit foncier, qui depuis 2011 n'a encore été solutionné.

Selon l'enquêté R., ce conflit qui remonte à 1960, oppose le chef du village Digliblanfla G. à un ressortissant nordiste. En effet, en 1960, le père de G. a octroyé gratuitement 12 hectares de forêts à un ami malinké sous le système de tutorat. Quelques années plus tard, le malinké se suicide sous prétexte que sa femme l'aurait cocufié en raison de ses difficultés à procurer.

En 1983, soit 23 ans plus tard, des feux de brousse ont embrasé les cultures du défunt malinké. En 1996, le père de G. procéda au partage de ses parcelles de terre à ses enfants, y compris celle, anciennement octroyée au défunt (celui n'avait pas de descendant). Aussitôt, des travaux ont été entrepris par les fils dont G., de sorte à en faire un champ de cacao. Mais en avril 2011, c'est-à-dire après les violences post-électorales,des hommes armés arrivent dans le village Digliblanfla et se saisissent de G. Ces hommes lui demandent de restituer l'espace qu'il cultivait illégalement puisque «  le défunt était l'ami à notre père, donc il nous a légué l'espace » (propos recueilli auprès d'un de ces hommes au cours d'une séance d'explication initiée par les magistrats de la cour d'appel de Daloa).

Toutefois, bien que ces hommes estimaient être les « héritiers », ils ne connaissaient ni l'emplacement de cette terre, encore moins la superficie ou les limites. G. refusa de les y conduire. Donc ces hommes le battent sévèrement et exigent une rançon de 160.000F prétextant représenter l'amende pour utilisation illégale d'espace et un enfermement dans une prison improvisée dans les locaux de la gendarmerie de Sinfra.

Ainsi,  sous l'effet des coups et des menaces, G. conduit ses geôliers sur l'espace en question.

L'administration locale (à travers les différentes structures) qui avait déserté pendant la période conflictuelle, a quelques mois plus tard été saisie du dossier. Pendant cette période alimentée par violences post-électorales, la majorité des autorités de la localité se sont successivement auto-dessaisies du dossier, craignant d'éventuelles représailles de ces hommes armés. Elles ont porté l'information à leurs supérieurs hiérarchiques qui l'ont eux aussi, transmise au Président de la République actuel, qui a aussitôt ordonné la restitution de l'espace à G.

Ce verdict présidentiel a été célébré comme une fête dans la plupart des villages du département.

Toutefois, les gendarmes chargés de veiller à la matérialisation de la décision présidentielle ont, sur le terrain, démissionné car, refusant de s'engager sur « un espace méconnu pour eux, et contre des adversaires armés, qui maitrisent désormais le terrain » (Propos recueilli auprès d'un gendarme, 46 ans, MDL chef).

Depuis lors, l'enquêté N. (cultivateur à kouêtinfla, entretien de Février 2016) affirme que « ces hommes récoltent les cabosses plantés par la famille G. ».

En 2014, quelques élus, informés par la communauté villageoise autochtone ont saisi la justice de Sinfra, qui après délibération a exigé la restitution de l'espace à G. Mais, en dépitde ce second jugement en faveur de G., l'enquêté R. affirme que « ces hommes ont fait appel de cette décision à la cour d'appel de Daloa ».

Les échanges que nous avons sollicités et obtenus auprès du magistrat en charge de l'instruction, ont révélé un harcèlement quasi-quotidien de celui-ci de part et d'autre des acteurs en conflit et à travers eux, des communautés en conflit. Ce magistrat (49 ans, Juge d'instruction à la cour d'appel de Daloa, entretien de Septembre 2016) affirme «  recevoir au quotidien des appels de ruraux, d'élus locaux et gouvernementaux pour que l'instruction soit orientée en leur faveur ». Jusqu'à ce jour, cette enquête est toujours en cours.

5.2.3 Facteurs démographiques

Pour K. (planteur à Koumoudji, entretien de Mai, 2016) « avant pour régler un problème de terre, ça ne prenait pas beaucoup de temps parce qu'il n'y avait pas beaucoup de personnes chez et chez les wouobin ». De ces propos, il ressort que la gestion rencontrait moins de difficultés dans un contexte de faible démographie et de faibles flux migratoires. Aujourd'hui, avec la croissance démographique des populations autochtones, les migrations allochtones et les migrations de transhumants, la gestion des conflits fonciers n'est plus en raison le nombre d'acteurs en présence, des implications, des enjeux économiques,....Bref, la gestion est inscrite dans un champ social où les acteurs et les enjeux économiques et la protection des acquis ou la consolidation des biens fonciers sont fréquents.

Comment s'est donc présentée cette évolution démographique aux yeux des enquêtés pour que ceci influence la gestion des conflits fonciers à Sinfra ?.

v Accroissement rapide des populations autochtones

Selon le Dr N., (53 ans, médecin généraliste à l'hôpital général de Sinfra, entretien effectué en Septembre 2015) « Nous recevons depuis quelques années, un nombre de naissances qui va augmentant. Le taux de natalité est passée de 5 à 9 naissances/ jour dans l'intervalle 2004-2014, soit environ 3.285 naissances/an ».

Dans ces propos, il faille noter que le département de Sinfra connait un taux de natalité important sur ce territoire aux dimensions statiques (1618 km²). Cette croissance démographique déjà linéaire (186.864 habitants en 2001) conjugué à ce taux de natalité sur une superficie départementale statique de 1618km², donne un ratio habitants/ superficie de 115 habitants/km². Dès lors,le contexte rural et foncier actuel de Sinfra serait caractérisé parune forte densité de population (115 habitants/km².), contrainte d'exercer sur des espaces de plus en plus réduits du fait de la demande foncière sans cesse croissante de cette population native. La matrice du paysage, initialement constituée de forêts denses et clairsemées, s'est progressivement modifiée par ce nombre remarquable d'agriculteurs autochtones, laissant ainsi place à une savanisation du paysage, une fragmentation de l'écosystème forestier.

Ces changements sont principalement dus à des perturbations anthropiques (constructions de villages, défrichements abusifs). L'accroissement rapide des populations autochtones de Sinfra et les pratiques agricoles non durables ont modifié les modalités d'occupation du sol dans le département. Les écosystèmes forestiers ont été substitués au fil du temps, par des écosystèmes anthropisés menaçant alors la biodiversité de cette zone.

Relativement, on assiste à un processus d'avancée progressive des espaces de culture qui frisent les bordures de pistes villageoises, un surpâturage des espaces, une savanisation progressive des grands espaces forestiers qui caractérisaient la région forestière de Sinfra.

Toutefois, la conséquence première de cette augmentation rapide de la population autochtone (majoritairement agricole) sur le même espace (superficie départementale n'augmente pas) est le mode d'exploitation abusif de la terre, des défrichements massifs de portions et des techniques axées sur le brulis, avec une fréquence quasi nulle de la jachère. Cette exploitation abusive de la terre à Sinfra a infertilisé le sol à telle enseigne que les champs de ces occupants sont aujourd'hui de moins en moins productifs.

Relativement, un représentant local de l'Agence Nationale d'Appui au Développement Rural (Mr S. conseiller au développement rural et des techniques de production agricoles, entretiens de Décembre 2015) pense que « les terres locales sont de moins en moins fertiles en raison de leur utilisation abusive, de la non-intégration des engrais et de l'usage des techniques sur brûlis, peu recommandés aux usagers ruraux ».A cette information, les ruraux de Béliata disent être conscients du risque d'infertilisation des terres dans l'usage des méthodes indiquées ci-dessus, mais affirment ne pas avoir le choix, puisqu'ils devraient surexploiter le sol en vue de subvenir aux besoins de leurs familles. En ce sens, l'enquêtée B. (35 ans, ménagère à Djamandji ; entretiens de Mai 2016) affirme « nous avons de petits espaces de cultures, nous sommes donc obligés de les surexploiter pour faire nos plantations. De plus, la méthode sur brûlis est rapide et pratique ».

Aussi, le climat de méfiance qui s'est installé depuis peu entre autochtones, allochtones et transhumants, compromet-t-il aujourd'hui les vieilles pratiques partenariales, amicales et tutorales entre ces peuples sédentarisés. Lequel climat semble inquiéter à la fois les détenteurs de biens pécuniaires (allochtones) et les détenteurs de biens fonciers (autochtones), comme le soulignent certains enquêtés. Ainsi, pour Z. (34 ans, planteur à Djamandji, entretiens de Décembre 2015) « on vivait ensemble avec les étrangers de chez nous, mais depuis moins d'une dizaine d'années, de nombreux problèmes de terre ont commencé à nous diviser. Parmi ces problèmes, de nombreux ont été sanglants, alors que cela ne devait jamais arriver entre un propriétaire et son étranger ; du coup la méfiance s'est installée entre nous au point où l'on se demande si c'était une bonne idée de les accepter chez nous ».

Des propos que semblent attester certains transhumants guinéens et maliens de la zone : « aujourd'hui, pour avoir un petit coin pour travailler, c'est dur hein. Souvent les gouro là refusent l'argent qu'on leur donne. Vraiment, la situation ne nous arrange pas ». On assiste donc à un flou social entre des actions conjointes d'expropriation des allochtones et de récupération de ces espaces pour ceux qui disposent des terres, et d'appropriations par méthodes souterraines, occultes sous forme de marchandisations imparfaites, démagogiques et clientélistes pour ceux qui ont le pouvoir d'achat.

v Migrations croissantes des allochtones

La période de colonisation ivoirienne a été révélatrice d'énormes potentialités naturelles en Côte d'Ivoire (richesse des sols, pluralité d'essences forestières). De ce fait, une politique d'exploitation agricole intensive a été mise en place par les colons, nécessitant ainsi, une forte main-d'oeuvre sous régionale, recrutée des espaces de l'Afrique Occidentale Francophone. Dès son accession à l'indépendance, les autorités d'alors se sont inscrites dans cette même logique en vue de bâtir un Etat économiquement fort, sur des fondements essentiellement agricoles, faisant de l'agriculteur, l'un des principaux artisans du développement économique ivoirien.

Les efforts salutaires consentis dans ce secteur ont certes permis de hisser la Côte d'Ivoire au premier rang en matière d'exportation de cacao et de troisième, en matière de café, mais au-delà, ont favorisé une politique d'immigration interne et externe incontrôlée vers les terres nationales pour certains (non-ivoiriens) et les terres locales, pour d'autres (allochtones).

Cette immigration s'est à la fois manifestée par des déplacements croissants des populations non-ivoiriennes en raison de l'impact économique amorcée qualifié de « miracle ivoirien » et des migrations internes de populations allochtones vers les zones plus fertiles de l'ouest et principalement dans les villes du sud-ouest. Ces populations (allochtones et non-ivoiriennes), pour la majorité sans qualification professionnelle vont se cantonner dans les zones rurales de Sinfra pour se spécialiser dans les activités de transhumance ou d'exploitation agricole, négociant par des méthodes multiformes (tutorat, achat, prêt, métayage), la consolidation d'espaces fonciers.

Selon le rapport diagnostic produit par le BNETD, le département de Sinfra a enregistré de 1975 à 1988, une croissance démographique d'environ 4.039 habitants/ an. Ce chiffre en constante progression est passé à environ 4.971 habitants/ an de 1988 à 1998 et à environ 5.616 habitants /an dans l'intervalle 1998- 2001. Cette population de 186.864 habitants (en 2001) vivante sur une superficie départementale de 1618 km² équivaut à une densité moyenne de 115 habitants / km². De telles données témoignent certes d'un fort taux de naissance, mais davantage d'un taux de migration interne et externe assez important. On assiste dès lors à une démographie galopante, une saturation foncière avec une influence directe ou indirecte sur la réduction des espaces individuels, la création de plantations, de pâturages aux abords des pistes villageoises, des contraintes de cohabitation entre cultivateurs et transhumants, quand bien même leurs activités paraissent antinomiques.

Dans ce contexte, les interactions entre acteurs ruraux se soldent fréquemment par des joutes singulières portant sur des empiètements pluriels, des destructions de plantations, des confusions sur les droits de propriété, des remises en cause de contrats, des expropriations multiples et des consolidations violentes de portions de terre. La terre apparait comme l'unique source de sécurité alimentaire et par ricochet, de survie. Les décisions de justice visant à déposséder certains, y sont officiellement acceptées mais dans la pratique, rejetées avec une prédisposition (de ces acteurs) à la violence (physique et mystique) dont l'issu situerait le véritable propriétaire de portions confligènes.

Par ailleurs, un fait non moins évoqué reste le caractère d'hospitalité ancrée dans la coutume gouro. Chaque kwênin se devait d'avoir un « étranger » chez lui sous peine de stigmatisation, de rejet et le cas échéant, de mise en quarantaine vu que « ne pas avoir un étranger chez soi serait signe de méchanceté selon les ancêtres » (Discours recueilli auprès du chef de kouêtinfla, Chef Z., plus de 60 ans, planteur à Djamandji en Novembre 2015). Les autochtones étaient implicitement contraints de faciliter l'arrivée et l'installation de migrants relativement aux instructions ancestrales.

Aussi, est-il à préciser que les autochtones disposaient de portions assez vastes à leurs yeux, à telle enseigne qu'ils pensaient qu'en donner quelques dizaines d'hectares n'affecteraient pas l'étendue des terres pour la génération à venir.

Selon Mr I., secrétaire principal de la Sous-préfecture (entretiens de Décembre 2015)« nos parents, lorsqu'ils donnaient les terres par amitié ou contre un service rendu, ne prévoyaient pas que ces terres, à un certain moment, allaient manquer. Les proportions de terre sans fin qu'ils voyaient, sont illusoires aujourd'hui du fait des dons sans mesure ».

Une position que semble partager le président de la jeunesse de blontifla (P. 43 ans, entretiens de Décembre 2015) pour qui « les jeunes autochtones de sinfra sont aujourd'hui désoeuvrés, ils manquent constamment de terres dans leur propre village et hésitent souvent entre errance et consolidation violente d'espaces de culture ».

v Augmentation du nombre de transhumants

Dans un focus-group organisé avec la jeunesse de Béliata, F., le président des jeunes (lors entretien de Juin, 2016) affirme que « les chasseurs de boeufs qui n'étaient pas beaucoup il y a quelques années seulement à Sinfra, sont devenus nombreux, trop nombreux dans nos villages ». Il ressort de ces propos du président de la jeunesse de Béliata quela croissance démographique actuelle de Sinfra est certes liée aux effets conjugués des naissances autochtones et allogènes, mais force est de reconnaitre l'importanceles flux d'arrivants allochtones et non-ivoiriens à des fins pastorales. En effet, le paysage rural de Sinfra dominé par un clivage végétatif (forêts denses, forêts clairsemées et savanes arborées) semble correspondre aux exigences de la transhumance. Ainsi, par un processus de collaboration entre les allogènes de Sinfra et ceux, restés dans leur ville ou pays natal, le département va assister à une migration progressive de ces allogènes vers Sinfra, à l'effet de développer de cette activité pastorale, prometteuse dans le département.

De plus, selon un peulh transhumant de Djamandji (entretien de Juin, 2015), « ici, la terre est bonne et la pluie qui ne vient pas trop, arrangent notre travail ». Autrement, les variations pluviométriques allant de 1.200 à 15.00 mm de pluie dans le département, ont davantage attiré ces pasteurs vers la localité où ils s'activent désormais à intégrer une transhumance d'animaux venant des pays voisins (Burkina Faso, Mali et Guinée) à la mobilité pastorale déjà existante, saturant davantage l'espace rural de Sinfra dominé par les activités agricoles.

De ce fait, ces pasteurs (anciens et nouveaux) vont se voir négocier en permanence de petits espaces pour la construction de pâturages au cheptel ou le cas échéant, créer des enclos aux abords des pistes villageoises, des points d'eau, des verges, des plantations de certains cultivateurs de la localité. Ce voisinage improvisé pour des raisons de rareté d'espaces aux activités pastorales, n'est pas sans conséquences négatives pour ces acteurs (cultivateurs et pasteurs) aux activités antinomiques. En effet, lorsque les pasteurs promènent le bétail dans les pistes villageoises ou champêtres assez étroits, les animaux font des intrusions momentanées dans les champs des cultivateurs avant se faire ramener par ces pasteurs. Mais cette intrusion bien que temporellement courte, laisse des dégâts qui complexifient au quotidien la relation déjà dualiste entre pasteurs et agriculteurs de la localité.

Dans ces conditions, les autochtones cultivateurs mènent des campagnes de sensibilisation au sein de la communauté native afin de durcir les modalités d'acquisition d'espaces pour la transhumance et dans de nombreux cas, défrichent tous leurs différentes terres afin de néantiser l'espace adéquat pour la transhumance. A ce titre, l'enquêté G. (40 ans, cultivateur à Djamandji, entretien de Décembre 2015) affirme que « les propriétaires de boeufs sont devenus trop nombreux dans notre village et ils laissent leurs animaux détruire nos plantations. C'est pourquoi, nous avons décidé de les pousser à partir d'eux-mêmes, en travaillant sur toutes nos terres ».Dès lors, il ressort que les cultivateurs de Sinfra usent de nombreux moyens (utilisation de l'ensemble de leurs terres, refus de cession des terres) pour contenir le surpâturage de ce nombre croissant de transhumants et la réduction des pâturages existants. Une décision qu'ils estiment pouvoir contenir les flux migratoires de pasteurs et de leurs animaux supposés envahir le département et errer dans l'ensemble des contrées de la localité.

v Réduction des espaces accordés aux transhumants et Occupation des forêts et parcs environnants le département

Les investigations menées dans notre zone d'étude montrent que le développement assez remarquable des activités agricoles à Sinfra ades conséquences sur la réduction des espaces pâturables. En effet, l'évolution démographique de la localité a accentué la demande locale en denrées alimentaires ; ce qui a, selon le Préfet N. « permis à la population de développer et de diversifier les activités de production (intégration de l'hévéaculture, de l'anacarde et du palmier à huile) dans le but de répondre à cette demande sans cesse croissante » (entretien d'Octobre 2016).

Ainsi, en accordant la primauté aux activités agricoles, les activités de transhumance ont été rétrogradés à un niveau secondaire voir tertiaire dans le processus de couverture alimentaire de la localité. Cela s'explique par le fait que ces transhumants, minoritaires (par rapport aux agriculteurs) forment des groupes sociaux distincts, souvent dispersés dans l'ensemble des villages des différentes tribus et paraissent soumis à un processus progressif d'exclusion à telle enseigne que les espaces qu'ils utilisent pour des besoins de pâturage et par ricochet de transhumance, sont continuellement réduits par ces cultivateurs majoritaires.

Pour un pasteur guinéen de la localité (entretien d'Août, 2016) «  les gouro d'ici nettoient tous les terrains même les terrains qu'on nous a dit qu'on va nous donner ». Il ressort donc qu'au-delà des forêts indiquées pour des fins d'agriculture, les savanes clairsemées (Sian, Nanan et Vinan) souvent propices au développement des activités pastorales, semblent ne pas être épargnées par les défrichages de masse par les agriculteurs sédentaires.

Dans cette mesure, ces éleveurs sont au quotidien délogés de leur lieu de transhumance locale puis relogés dans des espaces plus réduits créant chez eux des sentiments de peur, de repli sur soi et de contestation.

Le cycle d'expulsion foncière reprend et continue de sorte que les espaces concédés à ces éleveurs deviennent minimes, peu utilisables pour les exigences pastorales et ces éleveurs restent contraints d'abandonner ces espaces au profit d'autres, même s'ils restent conscients que ces nouvelles occupations seront d'une durée relativement courte avant de nouvelles expropriations.

Cette réduction successive des espaces concédés aux transhumants a connu une croissance remarquable depuis l'année 2010. Le tableau ci-dessous donne quelques détails de l'évolution du nombre de pâturages dans l'intervalle 2010 à 2015 dans les différentes tribus du département.

Tableau 12 : Evolution des pâturages de 2010 à 2015

Tribus

Années

Bindin

Gohi

Nanan

Progouri

Sian

Vinan

Total

2010

8

6

9

4

14

7

48

2011

7

6

7

3

12

7

42

2012

5

4

7

3

8

5

32

2013

4

3

5

2

6

4

24

2014

4

3

4

1

5

4

21

2015

2

1

3

1

3

2

12

.

Source : Terrain

Il ressort de ce tableau que :

· Dans la tribu Bindin, sur 8 pâturages enregistrés en 2010, il ne reste que 2 en 2015

· Dans la tribu Gohi, sur les 6 pâturages enregistrés en 2010, il ne reste qu' 1 en 2015

· Dans la tribu Nanan, sur les 9 pâturages connus en 2010, 3 sont fonctionnels en 2015

· Dans la tribu Progouri, tandis qu'en 2010 les pâturages étaient au nombre de 4, ce nombre a chuté à 1 pâturage en 2015

· Dans la tribu Sian, le nombre de pâturages qui était estimé à 14, est passé à 3 en 2015

· Dans la tribu Vinan, en 2010 le nombre de pâturage estimé à 7, est passé à 2 en 2015

· Dans l'ensemble des tribus du département, sur les 48 pâturages enregistrés en 2010, il n'en reste que 12 en 2015.

La baisse considérable du nombre de pâturages durant l'intervalle 2010 à 2015 (de 48 à 12) s'explique par le fait que la croissance démographique galopante de Sinfra (naissances et migrations), loin de se caractériser par une certaine parité des acteurs s'investissant dans les deux activités majeures du département (agriculture et transhumance), a bien au contraire traduit cette inégalité entre ces acteurs (population s'investissant en majorité dans les activités agricoles). Ce faisant, les transhumants ont et continuent de connaître une réduction considérable de leur espace d'activités, voir leur expropriation progressive de certains domaines fonciers. Ceux-ci présentant des caractères minoritaires, se voient abandonner leurs espaces d'activités au profit d'autres avec tous les risques de nouvelles évictions par ces agriculteurs majoritaires. Dès lors, la réduction continuelle des espaces de transhumance à Sinfra, ne répond plus exclusivement à un besoin de développement des activités agricoles par les autochtones, mais aussi et davantage à une volonté d'affirmation sociale et de consolidation des terres pour la descendance avenire face à des migrants jugés trop nombreux dans la zone.

Par ailleurs, le vieux S. (plus de 80 ans, planteur à Douafla, entretien de Mars 2016) affirme qu'« Avant, lorsque les habitants du village devenaient beaucoup et que le village était surpeuplé, on demandait aux nouveaux venus de créer de nouveaux villages dans des endroits où il y a forêt. C'est le cas de flacouanta où les nouveaux habitants sont venus vers l'actuel Djamandji pour créer les villages Béliata, Digliblanfla, Bégonéta et Kouêtinfla ». Autrement pour cet enquêté, à Sinfra, les déplacements des peuples sédentaires sont fonction de l'engorgement des villages déjà occupés. Ainsi, lorsque les ruraux remarquent une certaine saturation des villages, ils exigent aux nouveaux venus et aux jeunes ayant atteint l'âge de la majorité, de faire des expéditions et s'installer sur de nouvelles terres afin d'y fonder leurs familles et y cultiver la terre. Conformément à cette façon de procéder, de nombreux villages parallèles ont vu le jour dans le département (Proziblanfla, Proniani, Dégbesséré, Tiézankro I et II) et au-delà des frontières du département jusqu'aux environs du parc national de la marahoué à proximité de l'axe routier Bouaflé-Daloa.

Cette présence des habitations et des champs de plus en plus rapprochés du parc de la marahoué a des conséquences tenant à des intrusions fréquentes des ruraux dans cette aire protégée avec tous les risques de chasse des principales espèces animalières y vivantes (éléphants, buffles, hippopotames,...). C'est dans ce cadre qu'un agent de l'Office Ivoirien des Parcs et Réserves (OIPR) (Mr B. 52 ans, agent chargé de la planification des aires protégées, entretiens de Mars 2016) affirme que «  le parc national de la marahoué, malgré le dispositif sécuritaire mis en place à savoir les nombreux miradors positionnés de façon stratégique, fait l'objet d'intrusion par des ruraux venant pour la plupart du département de Sinfra. Cette superficie de 101. 000 ha est assez vaste pour une surveillance efficiente de la réserve et de la population animale qui y vit ». Partant de ces propos, il ressort que le parc national de la marahoué fait l'objet d'intrusion fréquente par des ruraux (en provenance de Sinfra) en quête d'espace de culture.

Et même si de nombreux facteurs sont évoqués par les enquêtés pour expliquer cette situation : inconséquences des décisions de l'Etat, laxisme et corruption du personnel du parc, insuffisance des moyenshumains et matériels destinés à la protection, ce parc reste sujet à des défrichements agricoles et un braconnage intensifs par des ruraux déserteurs des contrées saturées de Sinfra et hantés par le désir pressant de développer leurs activités agricoles pour y combler la période de famine« klata ».

CHAPITRE IV. ANALYSE ET INTERPRETATION DES RESULTATS, DISCUSSION ET SUGGESTIONS

I. ANALYSE ET INTERPRETATION DES RESULTATS

Cette partie sera consacrée à l'identification du lien entre la variable dépendante (échec de la gestion conflits fonciers) et les variables indépendantes (facteurs internes aux acteurs et facteurs externes aux acteurs) (1), des effectifs des critères des variables indépendantes par sous-préfecture (2) pour ainsi déboucher sur la vérification des hypothèses de l'étude (3).

1.1 Identification du lien entre la variable dépendante (échec de la gestion des conflits fonciers) et les variables indépendantes (facteurs internes et facteurs externes aux acteurs)

La présente étude veut comprendre s'il existe ou pas un lien entre l'échec de la gestion des conflits fonciers et les facteurs internes et externes aux acteurs du département de Sinfra.

Pour ce faire, des questionnaires ont été succinctement soumis à un échantillon de 317 enquêtés locaux.

Le tableau suivant synthétise la distribution statistique des données:

Tableau n° 13 : Distribution statistique des données de l'hypothèse générale

 

Echec de la gestion

Pas Echec de la gestion

Total

Facteurs internes

126

74

200  

Facteurs externes

42

75

117

Total

168

149

317

Formule de détermination du Khi deux:

La formule pour déterminer le Khi deux se présente comme suit :


Avec

Formulons les hypothèses :

- L'hypothèse H 0 postule qu'il n'existe pas de lien entre l'échec de la gestion des conflits fonciers et les facteurs internes et externes aux acteurs du département de Sinfra.

- L'hypothèse H1 postule qu'il existe un lien entre ces deux variables (indépendantes : facteurs internes et externes aux acteurs; dépendante : échec de la gestion) dans le département de Sinfra.

Calculons les effectifs théoriques 

Tableau n° 14 : Calcul des effectifs théoriques de l'hypothèse générale

 

Echec de la gestion

Pas d'échec de la gestion

Total

Facteurs internes

105,99

94,00

200

Facteurs externes

62,00

54,99

117

Total

168

149

317

Calculons la différence entre effectifs observés et effectifs théoriques

Tableau n° 15 : Calcul de la différence des effectifs observés et des effectifs théoriques de l'hypothèse générale

 

Echec de la gestion

Pas d'échec de la gestion

Facteurs internes

126 - 105,99= 20.01,

74 - 94,00 = 20,00

Facteurs externes

42 - 62,00 = -20,00

75- 54,99 = 20,01

Elevons les effectifs obtenus au carré

Tableau n° 16 : Calcul des effectifs obtenus au carré concernant l'hypothèse générale

 

Echec de la gestion

Pas d'échec de la gestion

Facteurs internes

(20,01)² = 400,40

(20,01)² = 400,40

Facteurs externes

(-20,00)² = 400

(20,00)² = 400,00

Divisons termes à termes des résultats obtenus par les effectifs théoriques calculés

Tableau n° 17 : Division des résultats obtenus par des effectifs théoriques de l'hypothèse générale

 

Echec de la gestion

Pas d'échec de la gestion

Facteurs internes

400,40/105,99 = 3,77

400,40 / 94,00 = 4,25

Facteurs externes

400,00 / 62,00= 6,45

400,00 / 54,99= 7,27

Total

10,22

11,52

Déterminons la valeur de Khi deux calculé

Valeur de Khi deux calculé = Somme des totaux 

X² = 10,22 + 11,52

X² = 21, 74

Déterminons le degré de liberté (ddl)

Ddl = (nombres de lignes - 1)  (nombres de colonnes - 1)

Ddl = (2 - 1)   (2 - 1)

Ddl = 1et Khi lu au seuil de 0,05est 3,84(Pearson)

Khi 2 calculé (21, 74) > Khi 2 lu (3,84) alors, nous rejetons l'hypothèse H 0 et nous affirmons qu'il existe un lien significatif (khi 2 calculé très supérieur à khi 2 lu) entre les obstacles liés à la gestion et la fréquence des conflits fonciers dans le département de Sinfra.

1.2 Effectifs des critères de la variable indépendantepar sous- préfecture

Après avoir établi ce lien entre les variables dépendante (échec de la gestion) et indépendantes (facteurs internes et externes aux acteurs), il parait important pour nous de préciser d'après les données, les effectifs en termes d'occurrence des paramètres observables (de la variable indépendante), mais cette fois, dans chacune des quatre sous-préfectures du département de Sinfra en lien avec les indicateurs de la variable indépendante.

Pour rappel, les indicateurs de la variable indépendante (échec de la gestion des conflits fonciers) se présentent comme suit :

Variable indépendante et critères

Tableau n° 18 : Rappel de la variable indépendante et de ses critères

VARIABLE INDEPENDANTE

CRITERES

Echec de la gestion des conflits fonciers

Facteurs internes aux acteurs

Facteurs externes aux acteurs

 

Présentons les effectifs (occurrence des paramètres) dans les quatre sous-préfectures (Sinfra, Kononfla, Bazré et Kouêtinfla) du département de Sinfra avec le même échantillon de 317 enquêtés.

Tableau n° 19 : Effectifs des indicateurs de la variable indépendante dans les sous-préfectures

 

Sinfra

Kononfla

Bazré

Kouêtinfla

Total

Facteurs internes

95

43,37%

39

17,8%

40

18,26%

45

20,54%

219

69,08%

Facteurs externes

50

51, 02,%

22

23,15%

16

16,84%

10

10,2%

98

30,91%

Total

145

45,74%

61

19,24%

56

17,66%

55

17,35%

317

100%

A l'analyse du tableau, notons que :

Les facteurs explicatifs de l'échec de la gestion (facteurs internes et facteurs externes) se perçoivent aussi bien à Sinfra (145 : 45,74%), à Kononfla (61 : 19,24%), à Bazré (56 : 17,66%) qu'à Kouêtinfla (55 : 17,35%).

Les paramètres relatifs des indicateurs de cette variable dépendante (échec de la gestion) concernent respectivement : Facteurs internes aux acteurs (219 : 69,08%) et facteurs externes aux acteurs (98 : 30,91).

Ces indicateurs sont plus observés dans la sous-préfecture de Sinfra (145 : 45,74%) que dans les sous-préfectures de Kononfla (61 : 19,24%), Bazré (56 : 17,66%) et Kouêtinfla (55 : 17,35%).

Il faut aussi remarquer que parmi les indicateurs, les facteurs internes aux acteurs(219 : 69,08%) restent plus affirmés que les facteurs externes aux acteurs (98 : 30,91%).

1.3 Vérification des hypothèses de l'étude

1.3.1 Vérification de l'hypothèse H 1

Rappelons l'hypothèse 1 :

H1 : L'échec de la gestion des conflits fonciers à Sinfra s'explique par des facteurs internes aux acteurs.

Etablissons test de Khi 2 pour voir s'il existe un lien entre échec de la gestion des conflits fonciers et facteurs internes aux acteurs et ce, à partir des données consignées dans le tableau suivant :

Rappelons que N= 79 d'après le tableau précédent (tableau des effectifs des sous-préfectures).

Tableau n° 20 : Distribution statistique des données de l'hypothèse 1

 

Echec de la gestion

Pas d'échec de la gestion

Total

Facteurs internes

74

46

120 

Pas de facteurs internes

31

49

80

Total

105

95

200

Formulons les hypothèses H0 et H1:

- L'hypothèse H0 postule qu'il n'existe pas de lien entre échec de la gestion des conflits fonciers et facteurs internes aux acteurs

- L'hypothèse H1 postule qu'il existe un lien entre échec de la gestion des conflits fonciers et facteurs internes aux acteurs.

Calculons les effectifs théoriques 

Tableau n° 21 : Calcul des effectifs théoriques de l'hypothèse 1

 

Echec de la gestion

Pas d'échec de la gestion

Total

Facteurs internes

63

57

120

Pas de facteurs internes

42

38

80

Total

105

95

200

Calculons la différence entre effectifs observés et effectifs théoriques

Tableau n° 22 : Calcul de la différence des effectifs observés et des effectifs théoriques de l'hypothèse 1

 

Echec de la gestion

Pas d'échec de la gestion

Facteurs internes

74 - 63 = 11

46 - 57 = - 11

Pas de facteurs internes

31 - 42 = - 11

49 - 38 = 11

Elevons les effectifs obtenus au carré

Tableau n° 23 : Calcul des effectifs obtenus au carré concernant l'hypothèse 1

 

Echec de la gestion

Pas d'échec de la gestion

Facteurs internes

(11) ² = 121

(-11) ² = 121

Pas de facteurs internes

(-11) ² = 121

(11) ² = 121

Divisons termes à termes des résultats obtenus par les effectifs théoriques calculés

Tableau n° 24 : Division des résultats obtenus par des effectifs théoriques de l'hypothèse 1

 

Echec de la gestion

Pas d'échec de la gestion

Total

Facteurs internes

121 / 63 = 3,36

121 / 57 = 2,12

5,48

Pas de facteurs internes

121 / 42 = 2,88

121 / 38 = 3,18

6,06

Total

6,24

5,3

11,54

Déterminons la valeur de Khi deux calculé

Valeur de Khi deux calculé = Somme des totaux 

X² = 6,24 + 5,3

X² = 11, 54

Déterminons le degré de liberté (ddl)

Ddl = (nombres de lignes - 1)  (nombres de colonnes - 1)

Ddl = (2 - 1)   (2 - 1)

Ddl = 1et Khi lu au seuil de 0,05est 3,84(Pearson)

Khi 2 calculé (11,54) > Khi 2 lu (3,84) alors, nous rejetons l'hypothèse H 0 et nous affirmons qu'il existe un lien significatif (khi 2 calculé supérieur à khi 2 lu) entre l'échec de la gestion et les facteurs internes aux acteurs locaux.

1.3.2 Vérification de l'hypothèse H 2

Rappelons l'hypothèse 2:

H1 : L'échec de la gestion s'explique par des facteurs externes aux acteurs locaux.

Etablissons test de Khi 2 pour voir s'il existe un lien entre échec de la gestion des conflits fonciers et facteurs externes aux acteurs et ce, à partir des données à partir des données consignées dans le tableau suivant :

Rappelons que N= 117 d'après le tableau précédent (tableau des effectifs par sous-préfectures).

Tableau n° 25 : Distribution statistique des données de l'hypothèse 2

 

Echec de la gestion

Pas d'échec de la gestion

Total

Facteurs externes

44

26

70

Pas de facteurs externes

14

33

47

Total

58

59

117

Formulons les hypothèses H 0 et H1 :

- L'hypothèse H0 postule qu'il n'existe pas de lien entre échec de la gestion des conflits fonciers et facteurs externes aux acteurs

- L'hypothèse H1 postule qu'il existe un lien entre échec de la gestion des conflits fonciers et facteurs externes aux acteurs.

Calculons les effectifs théoriques de H2

Tableau n° 26 : Calcul des effectifs théoriques de l'hypothèse 2

 

Echec de la gestion

Pas d'échec de la gestion

Total

Facteurs externes

34,70

35,29

70

Pas de facteurs externes

23,29

23,70

47

Total

58

59

117

Calculons la différence entre effectifs observés et effectifs théoriques

Tableau n° 27 : Calcul de la différence des effectifs observés et des effectifs théoriques de l'hypothèse 2

 

Echec de la gestion

Pas d'échec de la gestion

Facteurs externes

(44 -34,70) = 9,3

(26 - 35,29) = - 9,29

Pas de facteurs externes

(14- 23,29) = - 9,29

(33- 23,70) = 9,3

Elevons les effectifs obtenus au carré

Tableau n° 28 : Calcul des effectifs obtenus au carré concernant l'hypothèse 2

 

Echec de la gestion

Pas d'échec de la gestion

Facteurs externes

(9,3)² = 86,49

(- 9,29)² =86,3

Pas de facteurs externes

(- 9,29)² =86,3

(9,3)² = 86,49

Divisons termes à termes des résultats obtenus par les effectifs théoriques calculés

Tableau n° 29 : Division des résultats obtenus par des effectifs théoriques de l'hypothèse 2

 

Echec de la gestion

Pas d'échec de la gestion

Total

Facteurs internes

86,49 / 34,70 = 2,49

86,3 / 35,29 = 2,44

4,93

Pas de facteurs internes

86,3 / 23,29 = 3,7

86,49 / 23,70 = 3,64

7,34

Total

6,19

6,08

12,27

Déterminons la valeur de Khi deux calculé

Valeur de Khi deux calculé = Somme des totaux 

X² = 6,19 + 6,08

X² = 12,27

Déterminons le degré de liberté (ddl)

Ddl = (nombres de lignes - 1)  (nombres de colonnes - 1)

Ddl = (2 - 1)   (2 - 1)

Ddl = 1et Khi lu au seuil de 0,05est 3,84(Pearson)

Khi 2 calculé (12,27) > Khi 2 lu (3,84) alors, nous rejetons l'hypothèse H 0 et nous affirmons qu'il existe un lien très significatif (khi 2 calculé très supérieur à khi 2 lu) entre l'échec de la gestion et les facteurs externes aux acteurs locaux.

II. DISCUSSION

Ce chapitre s'articule autour du rappel du niveau de validation de l'objectif général, de l'hypothèse générale, des théories de référence (1) et de la présentation des limites de l'étude (analyse qualitative et quantitative) avant d'ouvrir le champ d'éventuellespistes de réflexion (2).

1. Rappel du niveau de validation de l'objectif général, de l'hypothèse générale et des théories de référence

1.1. Rappel du niveau de validation de l'objectif général

Cette présente étude portant sur la gestion des conflits fonciers à Sinfra, s'est fixée pour objectif de rechercher les facteurs explicatifs de l'échec de la gestion des conflits fonciers entre autochtones et allochtones dans le département de Sinfra.

Au regard donc des données obtenues sur le terrain, il ressort que la gestion des conflits fonciers dans le département est biaisée par des facteurs internes aux acteurs (corruption des acteurs de gestion et gestion affinitaire des conflits fonciers, protection tribale des ressortissants, stigmatisation des acteurs de gestion et expropriation foncière des allochtones, acteurs de gestion eux-mêmes acteurs de conflits et diversité d'acteurs de gestion et confusion de rôles) et des facteurs externes à ces acteurs (absence de texte pour la gestion des conflits fonciers, Ingérence des autorités gouvernementales dans la gestion des conflits fonciers, facteurs indirects tels que les facteurs démographiques).

De ce fait, nous pouvons affirmer que notre objectif général est atteint.

1.2. Rappel du niveau de validation de l'hypothèse générale

Avant le déplacement sur le terrain, nous avons postulé que l'échec de la gestion des conflits fonciers dans le département de Sinfras'expliquent par des facteurs internes aux acteurs (corruption des acteurs de gestion et gestion affinitaire des conflits fonciers, protection tribale des ressortissants, stigmatisation des acteurs de gestion et expropriation foncière des allochtones, acteurs de gestion eux-mêmes acteurs de conflits et diversité d'acteurs de gestion et confusion de rôles) et des facteurs externes à ces acteurs (absence de texte pour la gestion des conflits fonciers, Ingérence des autorités gouvernementales dans la gestion des conflits fonciers, pesanteurs culturelles et effets de la crise post-électorale).

Après confrontation des résultats, il est ressorti que les actions collectives ou individuelles des acteurs et les implications externes de façon inclusive, expliquent l'échec de la gestion des conflits fonciers dans le département de Sinfra.

Nous pouvons donc affirmer que notre hypothèse générale est validée.

1.3. Rappel du niveau de validation des théories de référence

L'élaboration de ce travail s'est appuyée sur la théorie constructiviste (Delcourt, 1991 ; Vellas, 2003 ; Bourdieu, 1972). Ces auteurs postulent en effet que le social ne se définit ni comme une réalité objective « en soi », ni comme un produit de rationalités subjectives « pour soi », mais comme des « constructions » élaborées par des acteurs. Cette théorie qui intègre l'ensemble des facteurs objectifs et subjectifs dans l'explication du social,englobe à la fois les théories actionnistes et les théories multifactorielles.

En ce qui concerne les théories actionnistes, nous nous sommes appuyés sur :

- L'individualisme méthodologique de Boudon (1970).

Boudon (1970) postule que pour expliquer un phénomène social, il faut reconstruire les motivations des acteurs concernés par ce phénomène.

- La théorie de l'acteur de Blumer (1969).

Blumer (1969) affirme que pour comprendre le comportement des acteurs sociaux, il faut recourir non pas à la signification des choses dans leur forme intrinsèque, mais plutôt à la signification des choses, selon les acteurs spécifiques de cette société.

- Théorie de l'analyse stratégique de Crozier et Friedberg(1977)

Pour Crozier et Friedberg (1977), chercher à comprendre le comportement des acteurs sociaux supposechercher en priorité à comprendre comment se construisent les  actions collectives à partir de comportements et d'intérêts individuels parfois contradictoires.

Concernant les théories sociologiques du conflit, nous avons retenu :

- La théorie des élites de Pareto (1909).

Pour Pareto (1909), la société est en permanence traversée par des antagonismes entre les élites (catégorie sociale disposant des pouvoirs) et les couches sociales de la base (catégorie pauvre et lésée).

- Théorie du conflit de Freund (1965).

Freund (1965) postule que les sociétés contemporaines ne sont pas seulement des sociétés industrielles et démocratiques mais aussi des sociétés conflictuelles qui nécessitent l'intervention d'un tiers dont les compétences s'apparentent à un juge chargé de la médiation, de la négociation et de la conciliation.

- Théorie du complot de Knight (1976)

Dans cette théorie conspirationniste, Knight (1976) cherche à démontrer un complot entendu comme le fait qu'un petit groupe de personnes « puissantes » se coordonne en secret pour planifier et entreprendre une action illégale et néfaste, affectant les intérêts de la masse.

- Théorie des systèmes de Ludwig (1993) est une approche globale qui tend à expliquer le social comme un sous ensemble (sous-système) intégré dans un système social.

Dès lors, nous pouvons affirmer que la théorie constructiviste et ses démembrements (théories actionnistes et multifactorielles) ont permis non pas exclusivement, mais inclusivement de poser des assises théoriques au travail.

2. Limites de l'étude et pistes de réflexion

2.1. Analyse qualitative et quantitative

2.1.1 Analyse qualitative

La question des conflitsfonciers et leur gestion pose d'énormes difficultés dans le tissu social ivoirien. Devant ces difficultés, diverses explications ont pu être inventoriées dans la littérature.Vu le nombre important des écrits sur la question, la discussion sera segmentée autour des facteurs internes aux acteurs, des facteurs externes aux acteurs et des propositions de solutions.

2.1.1.1 Facteurs internes aux acteurs

Les investigations menées à Sinfra révèlent que les « élus locaux » autrefois sans terre, se retrouvent aujourd'hui avec des portions remarquables de terre et des champs aux dimensions étonnantes issues d'une réquisition des terres aux propriétaires terriens. Et cette réquisition se présente comme une forme d'appropriation foncière symbolique c'est-à-dire celle s'effectuant avec la complicité de ces victimes autochtones qui, conscients de leur position sociale inférieure participent à leur propre appauvrissement foncier. A cela, il faut ajouter le concept « tèrè kiniwouzan » qui traduit une forme d'appropriation politique des terres par ce réseau créé dans les arcanes de l'administration publique local et qui voit s'intégrer uniquement des acteurs aux pouvoirs (foncier, pécuniaire ou décisionnel) évidents.

Ces recherches valident donc les travaux de Koetschet et Grosclaude (2008)qui pensent que certaines pratiques informelles et administrativeslimitent les capacités d'interventions de la puissance publique en matière foncière, provoquant ainsi une quasi-inaction de celle-ci, source d'insécurité foncière dans un monde globalisé.

Notre étude valide également les enquêtes de Dicko (2007) au Mali. En effet, l'auteur penseque certes la multiplicité des instances de recours en matière de résolution des conflits,  la lenteur et la lourdeur administrative, le manque de moyens à la disposition des agents de l'Etat sont des facteurs à prendre en compte, mais que l'exacerbation des conflits fonciers seraient fortement liés la corruption des agents de l'administration. Notre terrain montre à cet effet que les instances de régulation foncière sont dotées de consommables de première nécessité (code foncier, civil et pénal, principes coutumiers, instauration des CVGFR, organisation du processus d'immatriculation des terres rurales) mais que l'administration locale est polluée par la corruption de sorte que la plupart des occasions sont saisies de façon opportuniste par ces élites locales ; ce qui génère frustrations et rancunes chez les ruraux.

Nos résultats confirment ceux de Keita (2012) qui révèle que le marché foncier bamakois est caractérisé par une opacité totale avec l'intervention d'une multitude d'acteurs agissant chacun en fonction de ses moyens financiers, de l'efficacité de son réseau social ou de son statut social. Notre contribution en la matière précise que la gestion du foncier à Sinfra fait intervenir un nombre important d'entités locales (justice traditionnelle, administrative et pénale) presque toutes, disponibles à toute forme de négociation clientéliste. Et dans des cas assez fréquents, l'obliquité de la décision de justice est fonction du réseau de relation sociale des acteurs sédentaires, de leur pouvoir d'achat ou de leur influence locale ou extra-locale.

Les données obtenues à Sinfra confirment les recherches de Lavigne (2002) pour qui, les litiges fonciers sont liés au jeu double des acteurs administratifs qui ont maintenu et durci la prétention du monopole étatique sur la terre en créant un espace d'indétermination sur les règles légitimes, mais concomitamment en ont fait un espace de jeu et de manipulation, qu'ils investissent de façon opportuniste.

Nous validons également d'autres recherches. De ceux-ci, notons les travaux de Koffi (2010) qui mentionne que les cours et tribunaux sont engorgés de dossiers de conflits fonciers, trahissant la faible efficacité du système judiciaire. À cela, il faut ajouter une justice inaccessible pour les pauvres, en raison des coûts élevés des procédures, des lenteurs administratives et de la faible couverture judiciaire du territoire national.Le système judiciaire en principe chargé de régler les conflits fonciers se révèle incapable de trouver des solutions efficaces dans le contexte caractéristique des pays africains, où des législations nationales et des coutumes se côtoient. Sur le terrain d'étude, on note également de telles dissensions entre les textes et les actions sur le terrain.

Nous validons aussi les travaux de Bourgeois (2009) qui soutient que le village est le point de départ de la majorité des conflits qui touchent de près ou de loin la propriété de la terre. Etant donné que les terres rurales sont toutes sous la propriété d'un chef coutumier, on peut tout d'abord affirmer que les conflits sont particuliers et qu'ils ne se règlent pas toujours selon les lois d'Etat, ainsi que par la justice des Provinces. L'échelle du village est pour autant un angle d'analyse qui semble restreint. Sur le terrain, le chef de terre semble ne pas participer à toutes les séances de gestion des conflits fonciers et même lorsqu'il est là, son impartialité fait douter selon les enquêtés de Sinfra.

Pour Machozi, Borve, Lonzama , Kahigwa et Tobie (2010), gérer les conflits de terre, c'est réunir certaines qualités indispensables à cette fonction d'acteur de gestion : Etre capable de comprendre et d'appliquer les grands principes qui doivent guider l'action des acteurs dans la résolution des conflits fonciers (rapidité, disponibilité, justice, acceptation, durabilité, patience), être capable de stimuler une réflexion au niveau local sur les possibilités de modes de résolution des conflits fonciers et explorer des stratégies pour renforcer le travail des structures de bases dans le monitoring et la gestion des conflits fonciers. Sur le terrain d'étude, l'attitude partiale des acteurs de gestion est si affirmé qu'ils sont désormais stigmatisés dans leur ensemble et les populations semblent ne plus se soucier de l'orientation des décisions mais plutôt de l'appartenance ethnique, tribale ou religieuse de l'autorité de gestion.

Dans le terroir ivoirien, Coulibaly (2006) estime que les procédures de règlement des conflits n'aboutissent pas souvent sur des solutions définitives malgré la compétence relative des instances d'arbitrage en présence. Les raisons de cette situation semblent être liées aux stratégies mises en oeuvre par les différents acteurs lors des procédures. Notre étude valide ces données et mentionne que la plupart des cas de gestion, laisse des goûts amers chez certains et des rancunes qui créent un cadre propice à des conflits avenirs.

Notre étude confirme également les travaux de Matiru (2001) pour qui, la gestion des ressources foncières prend exclusivement en compte la prévention, la négociation, la médiation, l'arbitrage, le jugement et la coercition. Le rejet ou l'omission d'une de ses composantes entraine un dysfonctionnement dans le processus de gestion qui se matérialise par de nouvelles oppositions et de nouveaux conflits. Nos travaux mentionnent à ce sujet qu'à défaut de texte structurant l'action des acteurs de gestion, les actes sont engagés de façon personnelle, subjective, sans base textuelle matérialisée par des ratées, des omissions plurielles.

Toutefois, nos résultats infirment quelques travaux. De ceux-ci, notons ceux de Chauveau (2000), pour qui les conflits fonciers intercommunautaires observés dans la plupart des contrées rurales ivoiriennes prennent leurs sources dans la nette distinction entre la manière dont les cas de violences foncières étaient traités « timidement » lorsque les violences engageaient des non-Ivoiriens ou des populations originaires du Nord et avec fermeté lorsqu'elles concernaient des Baoulé originaires du Centre. Nos résultats répondent par la négative et mentionnent qu'à Sinfra, ce n'est pas la coloration ethnique ou religieuse qui influence le traitement des violences foncière mais plutôt l'appartenance à un réseau de relations sociales fortes. Ainsi, si certains sont privilégiés par rapport à d'autres, cela ne s'explique pas (sur notre terrain) par la coloration identitaire mais par l'appartenance à ce réseau constitué essentiellement de détenteurs de pouvoirs foncier, financier et décisionnel.

Nos travaux infirment également d'autres recherches (Kaboré, 2009 ; Kinanga, 2012 ; Tshimbalanga, 2015). Il ressort de leurs recherches, la faible représentation de l'Etat surtout dans l'administration foncière et le caractère étrange des nouvelles lois foncières comme facteurs inhibiteurs de litiges. Notre contribution en la matière mentionne qu'à Sinfra, l'Etat a une forte représentation et a engagé des actions concrètes de sensibilisation sur l'intérêt d'immatriculer les terres rurales. Donc, les litiges ne seraient ni dépendant de la représentation locale de l'Etat dans le terroir, encore moins du niveau de connaissance ou d'acceptation de la loi foncière mais que certains acteurs de l'administration procèdent à des appropriations massives de terres  et à une forme de protection des membres intégrés dans leur réseau au détriment des autres ruraux qui murmurent au quotidien et essaient autant que possible de changer cet ordre.

2.1.1.2 Facteurs externes aux acteurs

Les données du terrain révèlent que l'évolution démographique de Sinfra (croissance démographique autochtone, migrations allochtones et l'augmentation du nombre de transhumants) ne facilite pas véritablement la gestion des conflits fonciers qui met désormais en jeu de nombreuses implications et enjeux dans cette atmosphère sociale alimentée par la corruption, le protectionnisme et l'affinité. Dans la pratique, notons que le département de Sinfraconnait un taux de natalité important sur ce territoire aux dimensions statiques (1618 km²). Cette croissance démographique déjà linéaire (90.711 habitants selon le RGPH 2014) conjugué à ce taux de natalité (5 à 9 naissances par jour)et des migrations de populations en quête d'espaces de culture de développement d'activités pastorales, catalyse une forme de saturation foncière propice à toute action individuelle ou collective visant à accroître les terres personnelles au détriment des règles coutumières instaurées (rites culturels, interdits,...).

Ces travaux confirment les recherches deAlkassoum (2006) pour qui, la mauvaise gestion des ressources naturelles au Burkina Faso est à la base de nombreux heurts dans les zones d'accueil des transhumants. Lesquels espaces seraient à la fois disputés par les agriculteurs et les transhumants.Nos travaux étayent ces propos et mentionnent qu'à Sinfra, le foncier est prioritairement accordéaux activités agricoles et les défrichements massifs d'espaces au fil des années, ont considérablement réduit les espaces autrefois accordés aux activités de transhumance, désormais considérée comme une activité secondaire voir tertiaire. Dans ce contexte, les collisions entre ces entités aux professions antinomiques (agriculteurs et pasteurs) sont fréquentes surtout lors du passage des bêtes sur les pistes villageoises provoquant des intrusions momentanées et des destructions de plantations des agriculteurs.

Notre travail valide également les recherches de Tallet et Paré (1999)qui analysent le lien entre les variations pluviométriques et la répartition spatiale des populations rurales du Burkina Faso. Ces auteurs pensent que les migrations croissantes des populations vers les zones fertiles et propices à l'agriculture, favorisent la saturation sur ces espaces et corollairement, des conflits fonciers entre les natifs et les migrants. Les données de notre terrain montrent que la localité de Sinfra, fertile et appropriée à l'ère culturale, s'est trouvée sujette à des formes incontrôlées de migrations de sorte qu'aujourd'hui, le paysage foncier se trouve saturé et surexploité par les peuples sédentaires de la localité qui essaient mutuellement de s'exproprier sur les quelques espaces restants, générant ainsi litiges entre ces peuples.

Les études effectuées dans les contrées malgaches(Rakotovao, 2011) sont aussi validées au regard de nos résultats. Pour l'auteur, la course pour l'appropriation des terres conduit d'une part,à des clivages et exclusion foncière de certains groupes, et d'autre part, à un ralentissement du développement économique national. Dans notre zone d'étude, on assiste à une véritable course à la consolidation des terres ; d'un côté, les autochtones réclamant en permanence des attestations d'achat de terres aux allochtones dans un but d'expropriation foncière et de l'autre, les allochtones, usant de voies parfois détournées pour consolider clandestinement des terres à des ayants droits.Il s'en suit évidemment des conflits entre ces acteurs fréquemment en contact. Si ces conflits comme dans la plupart des cas observés, se situent dans la période de cueillette des cabosses de cacao ou des cerises de café, les acteurs stagnent dans leurs domiciles craignant de faire l'objet d'attaques sectoriels. Les fruits se putréfient dans les champs et l'impact se ressent véritablement sur la production locale et nationale en raison de la position géographique de la localité de Sinfra (zone cacaoyère, caféière et désormais anacardière).

Notre recherche étaye également les travaux de Kouamékan, Kouadio, Komena et Ballet (2009)qui imputent la survenance des conflits fonciers, à l'accès inéquitable des ruraux, aux ressources. Cet accès inéquitable aux ressources s'est traduite sur notre terrain d'étude, par l'identité des catégories communautaires : d'un côté, les autochtones, propriétaires de terres et de l'autre, les allochtones, demandeurs d'espaces.

Nous approuvons aussi les travaux de Merabet (2006) qui impute la survenance des conflits fonciers en côte d'ivoire, aux flux migratoires successifs et incontrôlés. Les données statistiques de notre terrain en effet, révèlent que de 1998 à 2001, soit en 3 ans, la population de Sinfra est passée de 170 .015 habitants à 186 .864 habitants, soit une croissance de 16 .849 habitants ou encore 5.616 habitants/ an. Et de 1975 à 1998, soit en 23ans, la population de Sinfra a plus que doublé. Ces données restent fortement attestées par l'observation des flux de migrations croissantes vers Sinfra.

Outre ces travaux, notre étude valide également les recherches de Zadou, Kone, Kouassi, Adou, Gleanou, Kablan, Coulibaly et Ibo(2011). Ceux-ci affirment que la Forêt des Marais Tanoé-Ehy est sujette à de fortes pressions anthropiques qui se traduisent par le braconnage, le prélèvement anarchique des ressources naturelles, l'exploitation forestière et les tentatives d'exploitation agricole des forêts classées. Notre contribution en la matièreatteste également que la saturation foncière actuelle de Sinfra a contraint certains ruraux à migrer et s'installer dans les alentours du parc de la Marahoué où ils y développent clandestinement des cultures agricoleset le braconnage.

Enfin, nos travaux valident les réflexions de Bonnecase (2001) pour qui, les conflits fonciers apparaissent comme une opposition récurrente, une indexation mutuelle entre autochtones et allogènes, ivoiriens ou non ivoiriens, ceux-ci étant accusés par ceux-là d'occuper une terre qui ne leur appartient pas.Dans notre zone d'enquête, il ressort également des tensions sociales et foncières fréquentes entre les peuples sédentarisés qui s'accusent mutuellement d'utiliser des terres qui ne leur appartiennent pas ou plus.

L'étude mentionne également que les héritiers désignés des terres familiales dans les différentes tribus de Sinfra disposent de nombreux pouvoirs familiaux dont ils abusent pour brader les terres familiales aux allochtones mais également que les autres membres de la famille, frustrés par ces ventes illicites, bradent à leur tour, les portions restantes ou le cas échéant, revendiquent par des moyens physiques et mystiques leur part d'héritage foncier. Cette dynamique valide les recherches de Kodjo (2013) pour qui, la société Abouré est traversée par des tensions autour de la distribution intrafamiliale de la ressource foncière entre (neveu / neveu ou fils / neveu) et surtout autour de la gestion de l'héritage.

Notre étude valide également les recherches deOumarou (2008) pour qui, les peuples disposent d'une série de concepts pour parler et traiter des rapports entre eux ; l'aspect spatial de leur organisation sociale trouve une expression ouverte en paroles et en actes. Le manque de ces espaces lignagers d'échanges auxquels s'ajoutent les inégalités dans la répartition foncière familiale et les revendications plurielles des jeunes, génèrent des conflits familiaux difficilement maîtrisables. Notre contribution en la matière, précise que le cadre coutumier de Sinfra est un espace d'échange traditionnel qui offre la possibilité de règlements amiables fondés sur la tradition gouro. Mais le refus de certains allochtones de se conformer à la culture Gouro au détriment de la leur, provoque un choc de cultures qui se matérialise par des divergences foncières.

Notre étude valide aussi les travaux de Ibo (2012) qui pense que le non-respect des clauses des contrats de cession de terre, le poids des sollicitations des autochtones vis-à-vis des étrangers dans le cadre du tutorat, la remise en cause des contrats de cession de terres par les jeunes de retour dans les villages, favorisent les conflits fonciers dans les contrées ivoiriennes. Une telle perspective est soutenue (d'après les verbatim) dans notre travail, sous une nomenclature d'appropriation de terres par les ayants droits et d'expropriation des allochtones ayant égaré leur attestation de vente ou encore présentant des contrats d'achats douteux. Ainsi, les citadins, déscolarisés, aventuriers ou les « frustrés » des familles gouro qui, en raison de la difficile intégration professionnelle à Abidjan, retournent s'investir dans des activités agricoles et procèdent fréquemment en des examens et réexamens des contrats de vente établis entre leurs parents et les migrants allochtones en vue d'y déceler des incohérences pouvant constituer des prétextes suffisants à des évictions foncières d'allochtones. Dans ces conditions, à partir des rixes inter-rurales, on en arrive à un conflit communautaire généralisé par un processus de métamorphisme conflictuel (dispute inter-ruraux, implication d'acteurs collatéraux, clanisme, repli identitaire, actions et interventions plurielles et conflit généralisé) à Sinfra.

Ces travaux confirment également d'autres recherches (Bologo, 2004 ; Coulibaly, 2015; Bobo, 2012 ; Mumbere, 2012 ;Soro et  Colin, 2008 ; Zougouri, 2006). Il ressort de leurs recherches que le cadre familial apparaîtcomme un « lieu » de tensions foncières, de conflits entre parents et enfants, entre aînés et cadets et ces conflitsintrafamiliaux entraînent à leur tour assez souvent des conflits intercommunautaires. Notre recherche effectuée à Sinfra mentionne à cet effet que la gestion des terres familiales est accordée à un ayant droit caractérisé par l'honnêteté, sa dévotion dans les activités champêtres et sa capacité à rassembler les membres de la famille autour d'un but commun et préserver les biens familiaux pour le seul et unique intérêt de la famille. Toutefois, lorsque celui-ci échoue dans cette mission en se prêtant à des formes de bradage des terres au moindre souci financier, il se heurte à des résistances des autres ayants droits et des oncles et tantes, considérés dans la culture gouro comme des parents au sens étymologique du terme.

Au niveau de la misogynie foncière, notre travail valide celui de Tsongo et Kitakya (2006). Ceux-ci estiment que les acteurs du foncier sont en même temps dans le système coutumier (qui est lui-même mouvant), dans le système moderne (ensemble des lois foncières) et dans le changement lui-même. Et c'est cette volonté des acteurs ruraux de se conformer aux exigences de la coutume au détriment des textes légaux, qui crée ce stéréotype matérialisé au moyen d'une exclusion foncière féministe sur l'échiquier foncier.

Cependant, même si notre étude confirme certaines contributions antérieures, il n'en demeure pas moins que d'autres, restent invalides au regard de notre terrain. Il s'agit notamment des travaux de Kouamé (2010) qui met en évidence les rapports établis entre les métayeurs et les tuteurs dans la région des agni-Sanwi à Aboisso. L'auteur pense que de nombreux litiges surviennent au niveau du «  planter-partager » définit dans la plupart des contrats. Nos travaux mentionnent à ce sujet que le métayage (planter-partager) qui une innovation dans le tissu rural de Sinfra, engendre très peu sinon pas de conflit dans les tribus visitées et constitue une dynamique à laquelle les autochtones gouro sont fortement attachés puisqu'au truchement de cette méthode, certains aventuriers peuvent à distance, mettre leur portion de terre en valeur.

Nos travaux infirment également les investigations de Gnabéli (2008) qui soutient que dans plusieurs villages du pays, on note le maintien de certains quartiers exclusivement réservés aux autochtones, des expropriations sans motif explicite provoquant de ce fait des frustrations de la communauté allogène  qui, manifestées dans le cadre foncier, génèrent des litiges. A Sinfra, la donne est toute différente et révèle au contraire, une forme d'intégration des populations sédentarisées dans les mêmes villages et tribus. Ainsi, dans l'ensemble des tribus visitées, les populations autochtones et allochtones semblent cohabiter. Et c'est évidemment cette cohabitation qui favorise des formes de collaboration intéressée entre héritiers (nécessiteux financiers) et allochtones (nécessiteux fonciers) créant un terrain propice à des crises familiales et ces influences extrafamiliales.

Au niveau de la misogynie foncière, notre étude infirme les recherches de Monimart (2004) qui impute l'exclusion foncière des femmes par la nécessité de réajuster ou de rechercher un équilibre social entre la ressource foncière et les bénéficiaires potentiels. Dans notre zone d'étude, la réalité parait tout autre et montre au contraire que la misogynie foncière s'explique par le rôle purement ménager attribué à la femme dans la coutume gouro, sa probabilité à contracter un mariage et à quitter le domicile familial.

Notre recherche infirmeles travaux de Kouassi (2017)pour qui, la croissance démographique et les migrations exercent une influence faible sur la nature des conflits mais que ceux-ci, seraient davantage liésaux divergences politiques qui se sont succédées après la mort du premier président Félix Houphouët Boigny.Notre étude révèle plutôt que la croissance démographique du peuple Sian conjugué aux migrations (allochtones) a ouvert la voie à une forme d'anarchie dans la consolidation des terres et a entrainé par ricochet, des velléités dans la résolution de ces conflits.

Notre étude infirme également les travaux de Chauveau, Colin, Bobo, Kouamé, Kouassi et Koné (2012). Ces auteurs en effet affirment que la crise socio-politique de 2002 à 2011 a engendré une pression foncière, des fractures sociales durant l'ultime phase du conflit ivoirien. Nos résultats montrent plutôt que ce n'est pas la crise de 2002 à 2011 qui a occasionné la pression foncière constatée dans les zones forestières notamment à Sinfra, mais au contraire la pression démographique et les collisions foncières fréquentes entre autochtones et allochtones qui ont favorisé une stigmatisation mutuelle (frustrations, sentiment d'exclusion et rancunes) entre ces peuples sédentaires et le tout, dans une atmosphère sociale politiquement polluée et prophylactique à des conflits fonciers sectoriels.

Nos recherches invalident aussi les travaux de Ghisalberti (2011) pour qui, ce n'est pas parce qu'il y a saturation sociale dans l'ensemble des villages sahéliens qu'il y a nécessairement saturation foncière (dans ces village) et qu'il n'existe pas de lien direct entre saturation sociale et conflit foncier. Mais que les litiges fonciers au Sahel surviendraient lorsque des migrants négocieraient certes leur installation dans des villages de préférence mais au-delà, tenteraient de s'intéresser et s'investir dans les activités foncières. Nos travaux précisent que ce n'est pas parce que des migrants installés sur un territoire autochtones, négocient des terres de culture qu'il y a nécessairement conflit foncier à Sinfra. Mais que ces conflits naissent et émergent deet dans la formulation des procédures engagées pour acquérir les terres (corruption passive, négociation clandestine, empiètement de la coutume,...).

Nos travaux invalident enfin les recherches de Faye (2008) qui révèlent qu'au Sénégal, les femmes, en raison de cette misogynie foncière, ont développédes stratégies alternatives pour contourner la coutume. Notre terrain d'étude mentionne que les femmes gouro éduquées et ancrées dans la coutume locale, restent inactives, mieux contribuent à leur propre discrimination foncière (auto-exclusion).

2.1.1.3Propositions de solutions

Au regard de la récurrence des litiges fonciers et de l'échec fréquent des méthodes de résolution, des propositions ont pu être inventoriées par des auteurs. Parmi ces propositions, nous pouvons rappeler celle de Kodjo (2013) qui se singularise par la création et le renforcement des mariages ethniques. Nos solutions vont plus loin et proposent au-delà des mariages ethniques, de renforcer les alliances ethniques et d'organiser des activités socioculturelles intégratives à l'effet de réduire la stigmatisation réciproque des peuples sédentaires entre eux et par ricochet, de favoriser la réconciliation de ces populations qui ont de plus en plus de mal à vivre ensemble.

D'autres solutions (Dicko, 2007 ; Keita, 2012 ; Koetschet et Grosclaude, 2008 ; Kakai, 2014)mentionnent également des sanctions disciplinaires contre les acteurs administratifs coupables de corruption passive dans le traitement des litiges de terre. Notre contribution en la matière, valide certes ces sanctions mais au-delà, priorise la formation des agents de l'Etat sur la connaissance de la loi foncière. Les investigations effectuées dans notre zone d'étude,ont révélé que nombre de ces administrateurs locaux ne disposent pas de la loi foncière et se contentent de quelques enseignements reçus lors des séminaires de formation ou des informations reçues pêle-mêle.Ce qui catalyse une contradiction criante entre les différentes entités, traduisant non pas nécessairement des décisions arbitraires en raison de dons clandestins, mais davantage de lacunes normatives sévères en matière foncière.

Outre la promotion des sanctions disciplinaires contre les agents corrupteurs ou corrompus de l'arène sociale, quelques propositions (Merabet, 2006 ; Kouakan, Kouadio, Komena et Ballet, 2009) soutiennent le besoin de doter le secteur agricole de moyens plus efficaces. En la matière, même si ces auteurs ont le mérite de soumettre une idéologie positive et opportuniste visant à repositionner le secteur agricole sous-régional, il n'en demeure pas moins que ces auteurs ne situent véritablement les axes sur lesquels intervenir. Notre contribution en la matière précise que même si la distribution gratuite des engrais aux populations locales et l'octroi fortuit d'outils utilisés dans le cadre agricole constituent un souhait envergué, cela pourrait néanmoins permettre d'accroître la production locale en denrées alimentaires. Outre ces suggestions, nous proposons la construction d'usines de transformation des produits vivriers afin d'offrir une activité complémentaire ou de substitution à ces populations sédentaires et de réduire par conséquent les conflits violents sur des portions de terres presqu'insignifiantes.

D'autres contributeurs (Alkassoum, 2006 ; Zongo, 2009) émettent l'idée de sensibiliser les pasteurs sur la nécessité de surveiller leurs troupeaux lors de leurs pistes villageoises ou à proximité des champs. Notre contribution adhère à cette idée mais va plus loin et souhaite la détermination des itinéraires (artères tertiaires ou pistes peu empruntées) pour le passage des pasteurs et leurs animaux à l'effet de réduire les collisions fréquentes telles que constatées pendant nos enquête et ce, entre ces acteurs ruraux aux activités antinomiques (agriculteurs et transhumants).

2.2. Analyse quantitative

Dans le cadre de cette recherche, nous avons succinctement utilisé les techniques suivantes : recherche documentaire, observation, questionnaire et entretiens.

Au niveau de la recherche documentaire, les informations recueillies sur internet manquaient de précision quant à la spécificité foncière de Sinfra, pour les unes et inadaptées au contexte socio-foncier actuel ivoirien, pour les autres. C'est donc pour contourner cette insuffisance et simultanément pour réduire les risques de biais de leurs travaux que certainsont opté pour l'entretien sémi-directif des groupes ciblés (Dossou, 2006) et d'autres, pour des entretiens structurés et sémi-structurés corrélés aux discussions et commentaires des acteurs concernés (Dicko, 2006).

Toutefois, même si la recherche documentaire dans le cadre de notre étude, a présenté peu d'écrits spécifiques aux conflits fonciers dans le département de Sinfra, elle a néanmoins permis d'asseoir la conceptualisation des termes explicites et implicites, la revue de littérature, le cadre de référence théorique et la bibliographie contrairement à Rokotovao (2011) qui a exclusivement mis l'emphase sur les différents interviews.

Concernant notre observation de terrain qui s'est voulue à la fois passive et participante, nous nous sommes heurtés à des modifications comportementales des enquêtés du fait de notre présence. Outre ce fait, notre subjectivité (appartenance ethnique, tribale et religieuse) a quelque peu déteint sur la présentation des faits (les investigations) et leur interprétation. De plus, vu que la perception humaine reste limitée, nous nous sommes fiés à ce que nous avons vu sur le terrain sans nous préoccuper de voir le degré d'influence de notre présence sur le mode d'agissement des acteurs. Cependant, bien que notre présence et notre subjectivité semblent avoir influencé d'une part, les agissements des ruraux et d'autre part l'interprétation des résultats, l'observation sur le terrain a tout de même permis de capter, suivre, comprendrede visu in situ, les actions des acteurs ruraux au moment où ils agissaient. Elle a aussi permis de comprendre la distance entre les actes posés par les acteurs ruraux et les explications qu'ils en donnent plus tard, contrairement à d'autres auteurs qui se sont exclusivement penchés sur la documentation, l'enquête-interrogation et l'interview (Tapé, 2000) et sur la recherche documentaire et la participation aux festivités de réjouissance à Divo (Bazaré, 2014).

Au niveau du questionnaire, il comporte quelques inconvénients portant sur la difficulté d'identifier l'enquêté qui répond aux questions, le caractère superficiel des réponses (les enquêtés ont tendance à donner la première réponse qui leur vient à l'esprit, sans profondément réfléchir)et l'impossibilité de compléter ou d'approfondir certaines questions. Toutefois, malgré ces failles, nous avons opté pour cette technique puisqu'elle nous a permis de travailler avec un grand échantillon (600 personnes), d'éviter les coûts (déplacements, appels téléphoniques) et de limiter les effets liés à la personnalité des interviewers. Une technique qui, relativement à ses désavantages, s'est vu rejetée par certains auteurs (Ibo, 2011) au profit de l'observation directe et des entretiens (individuels et focus group) et par d'autres (Oumarou, 2008) qui ont opté pour la pré-enquête et l'observation participante.

En ce qui concerne l'entretien, nous nous sommes focalisés sur l'entretien individuel et les groupes focaux. Lesquels ont mis les enquêtés dans un état de défense face à des questions jugées sensibleset a nécessité des moyens coûteux (déplacement, recherche du nécessaire pour libations et rituels villageois, évitements de questions et ajournement de rendez-vous). Toutefois, en dépit de ces failles, cette technique nous a permis de recueillir les informations directement auprès des enquêtés (connaissances, opinions, réactions), de tester les hypothèses (de l'étude) à l'épreuve des faits, de connaître la valeur symbolique de la terre chez les « kwênins » et les allochtones en vue de comprendre leurs comportements actuels sur le foncier. Cette technique a été écartée de la démarche méthodologique de certains (Kodjo, 2013) qui ont préféré la recherche documentaire, l'observation et l'enquête-interrogation et par d'autres (Gnabéli, 2008) dont les travaux se sont exclusivement fondés sur trois enquêtes préalablement effectuées (2004-2007), (2005-2007) et (2007-2008).

Dès lors, ce présent travail portant sur la gestion des conflits fonciers entre autochtones et allochtones dans le département de Sinfra, mérite certainement une crédibilité en ce sens qu'il s'est appuyé sur des techniques hétéroclites dont les unes ont pu combler les failles des autres à l'effet de rendre compte des réalités conflictuelles autour du foncier à Sinfra.

2.3. Pistes de recherche

Dans l'analyse de la situation foncière à Sinfra, de nombreux champs semblent n'avoir pas ou ont été très peu explorés pour les chercheurs. Il s'agit entre autres, des champs tels que :

- Discrimination foncière des minorités dans le département de Sinfra.

- Risques liés aux modes d'acquisition des terres et conflits fonciers à Sinfra.

- Conflits fonciers entre agriculteurs et exploitants forestiers à Sinfra.

- Gestion de l'héritage foncier et conflits intrafamiliaux dans le département de Sinfra.

En somme, de nombreux champs restent jusqu'à ce jour très peu explorés dans le département de Sinfra.

II. SUGGESTIONS

Faire des suggestions visant à réduire les violences foncières à Sinfra, reviendrait dans le cadre de notre travail, à nous intéresser simultanément aux responsabilités de l'Etat (1), aux responsabilités des ONG et partenaires du développement rural (2) et à celles des peuples sédentaires (3).

1. Responsabilités de l'Etat

1.1. Construire des usines dans la localité

Pour réduire sensiblement cette série d'occupation massive des terres réservées à l'usage industriel dans le Département de Sinfra, il faille que l'Etat réalise ce plan directeur relatif à la construction des usines de transformation du café et du cacao dans la zone. Même si les peuples sédentarisés de Sinfra sont régulièrement en conflit pour acquérir ou maintenir leur droit de propriété sur les terres, l'objectif ne parait pas forcement une haine quelconque des uns envers les autres, mais la crainte de demeurer sans activités face aux charges personnelles et familiales quotidiennes ou encore, errer dans le village. C'est pourquoi, la construction de ces usines de transformation du café et cacao (usine centrale à Douafla et les usines annexes reparties dans les différentes tribus) permettra à ces ruraux d'avoir une activité de substitution et bien rémunérée que celle des travaux champêtres scabreux et nécessitant en permanence un investissement physique remarquable.

Dans ces conditions, les ruraux de Sinfra, en quête non pas forcement de terres mais de moyens pour subvenir à leurs besoins, seraient moins disposés à des rixes singulières ou collectives et dédramatiseraient quelques peu, les débordements de limites qui faisaient jusqu'à ce jour, l'objet de heurts et joutes violents.

1.2. Distribuer gratuitement des engrais aux agriculteurs

La croissance démographique des peuples de Sinfra a provoqué une sorte de saturation sociale et foncière dans la localité. Cela, bien qu'ayant catalysé la réduction des espaces individuels et collectifs, a davantage contraint les cultivateurs locaux à surexploiter les terres avec un ignorantisme criard des techniques d'utilisation des engrais. Et même si, ces ruraux souhaitaient s'en procurer, la plupart manquerait de moyens financiers pour acheter ces engrais. Ainsi, il apparait judicieux pour l'Etat de planifier une vaste campagne de distribution des engrais aux ruraux de Sinfra, en ayant préalablement mené une étude sur la composition granulométrique des sols sur lesquels exercent ces planteurs.

Dans la pratique, il serait question de confier l'étude texturale des terres de Sinfra aux spécialistes en la matière avant de convoyer massivement des engrais selon la spécificité de chaque contrée et de les distribuer par le biais des autorités (Préfet, Sous-préfet, agents cadastraux de la direction départementale de l'agriculture, Chefs traditionnels) à ces ruraux qui gisent constamment dans ce besoin et qui trouvent comme voie de contournement l'expropriation des autres.

Ce sera seulement à cette condition que ces ruraux développeraient une pluralité culturale sur leurs espaces aujourd'hui réduits et seraient moins enclins à s'approprier les espaces des autres par des moyens physiques, mystiques et relationnels.

1.3. Former les autorités locales sur la loi foncière

Pour Maître B. (Greffier au tribunal pénal de Sinfra, entretiens de Septembre 2016) « les décideurs locaux ne suivent pas de formations spécifiques sur le foncier et ses lois. Elles ont une formation générale qui tient compte de la gestion administrative et non sur un problème particulier comme le foncier ». Autrement, ces entités qui dirigent le département ne disposent pas d'ingrédients suffisants pour rendre des décisions foncières en dépit de leurs habilitations relatives à cet effet.

Ainsi, il serait sans doute nécessaire pour les décideurs nationaux, d'inclure dans la formation des représentants des structures décentralisées de l'Etat, une formation spécifique sur la loi foncière, les procédures d'immatriculation et les méthodes appropriées de gestion des litiges fonciers. Cela réduirait considérablement les jugements sur la base des supputations et les contradictions décisionnelles telles qu'observées pendant notre séjour, entre les différentes entités administratives (Préfet, Sous-préfet, direction départementale de l'agriculture, chefs traditionnels et tribunal pénal) de Sinfra.

Aussi, cela permettra-t-il à ces décideurs, sans concertation préalable, de circonscrire leurs visions dans le même vecteur décisionnel, gage de crédibilisation de cette administration locale de plus en plus critiquée à Sinfra.

1.4. Contraindre les élus locaux à faire preuve d'impartialité

Pour réduire sensiblement les décisions jugées arbitraires par certaines franges de la population de Sinfra, le couvert protectionniste sous forme tribal des ressortissants, la corruption foncière et ses effets collatéraux, il serait question pour ces élus locaux, représentants de l'Etat, de conformer leurs décisions de justice aux textes nationaux (code pénal, code civil et code foncier) et non sur la base d'affinités. Ce sera l'occasion pour l'Etat de créer une cellule de control des agents affectés de l'Etat : une sorte de surveillance directe de ces élus à l'effet de réduire les dérives affinitaires, corruptives et interpersonnelles d'une catégorie bien spécifiée d'acteurs administratifs.

Dans la pratique, il ne serait plus question d'affecter dans d'autres localités, les élus coupables de corruption active ou passive, comme l'on le remarque souvent dans l'administration publique, mais plutôt de leur donner une sanction disciplinaire aussi sévère qu'intimidante en vue de dissuader d'éventuels décideurs qui tendraient à privilégier leurs intérêts au détriment de ceux de la masse.

1.5. Déterminer des itinéraires pour les transhumants

Le passage des transhumants et de leurs troupeaux aux abords des champs des cultivateurs provoquent fréquemment des intrusions de ces bêtes dans les plantations ; créant de ce fait des dégâts de culture et conséquemment des litiges entre ces transhumants et les agriculteurs, propriétaires de ces champs. Ainsi, il serait question de déterminer des pistes villageoises à des fins de transhumance.

Concrètement, il s'agira tout en déterminant ces pistes villageoises, de dénommer certains itinéraires pour le passage des pasteurs et de leurs troupeaux à l'effet de réduire les collisions entre ces acteurs ruraux aux activités antinomiques.

Il ne s'agira pas de repartir des pistes villageoises selon ces deux catégories d'acteurs (telle piste pour les cultivateurs et telle autre pour les pasteurs), mais plutôt de restreindre les passages désordonnés des troupeaux sur les artères principales et secondaires de Sinfra. Ces pistes déterminées constitueront des voies, non pas exclusivement réservées au passage de ces pasteurs et de leur bétail, mais utilisées par toutes les couches sociales tout en leur réservant la priorité. Quant aux autres pistes, elles seraient uniquement réservées aux acteurs ruraux et sévèrement consignées pour ces transhumants et leurs troupeaux. Ce sera surement à cette condition que les conflits entre agriculteurs et transhumants de Sinfra, connaîtrons une baisse continuelle.

1.6. Réduire le coût d'immatriculation des terres

La procédure d'immatriculation des terres nécessite selon le chef Z. (Chef de la tribu Sian, retraité, entretiens effectués en Mai, 2016) « une demande (10.000f), la validation de l'enquête, les frais liés à la collecte des consommables de première nécessité pour l'enquête (200.000f), les honoraires de l'opérateur Technique Agréé (150.000F) et les frais de bornage (25.000f/ hectare) ». Cette démarche qui part de la demande d'enquête à l'immatriculation de la terre en passant succinctement par la validation, l'établissement du certificat foncier et la gestion du certificat, fait intervenir de nombreuses autorités gouvernementales (Ministre de l'Agriculture, Ministre des finances), préfectorale (Préfet), sous-préfectorale (Sous-préfet), auxquelles s'ajoutent les agents de la direction départementale de l'agriculture et des Opérateurs Techniques Agréés du Bureau National d'Etudes et des Techniques de Développement dont la plupart, accomplissent leurs missions aux frais du demandeur d'immatriculation (c'est-à-dire le planteur). Cette procédure longue et éreintante paraît coûteuse pour cette frange de ruraux dominée par l'indigence économique et alimentaire, caractéristique de la vie paysanne en Côte d'Ivoire.

Partant de ce constat, il apparait évident que pour permettre à l'ensemble des ruraux de Sinfra de bénéficier de titres fonciers, il faille que l'Etat subventionne ces frais trop élevés pour ces ruraux gisant dans l'indigence financière, matérielle et alimentaire.

Concrètement, il serait question pour l'Etat, de prendre en charge tous les frais en excluant peut-être la demande d'enquête (10.000f) aux frais du demandeur. Ce sera seulement à cette condition que les ruraux de Sinfra, dans leur majorité pourront se faire établir des titres de propriété foncière et bénéficier de bornages autour de leurs parcelles (susceptibles de réduire les expropriations et appropriations constatées durant les investigations).

1.7. Mettre en pratique le projet de création de l'AFOR

Selon le décret n° 2016-590 du 3 Août 2016 portant création de l'Agence Foncière Rurale (AFOR), cette structure aura pour mission de simplifier significativement les procédures d'immatriculation et de sécurisation du foncier rural, d'en amoindrir le coût, d'élaborer des stratégies et programmes de sécurisation du foncier rural et de mobiliser les ressources y afférentes dans le but de réduire les conflits fonciers récurrents dans l'ensemble du pays et plus particulièrement à Sinfra. Elle permettra d'assurer la pleine application des dispositions de la législation relative au domaine foncier rural et en particulier, de la loi n° 98-750 du 23 décembre 1998 relative au domaine foncier rural en permettant par ricochet, de réduire sensiblement les risques de conflits fonciers et de renforcer la paix et la cohésion sociale.

Toutefois, ce projet, dans sa phase matérielle n'a pas encore vu le jour dans l'ensemble des localités du pays et semble plus que jamais nécessairepour réduire les conflits fonciers dans cette atmosphère rurale actuellede Sinfra.

2. Responsabilités des ONG et partenaires du développement rural

2.1.Allouer des fonds pour soutenir les projets de développement local

Les ONG (Mizélé, Kavoukiva,...) et partenaires du développement local (Centre de Recherche et d'Action pour la Paix), dans le but d'aider indirectement à réduire les conflits fonciers à Sinfra, doivent circonscrire les actions dans des aides financières aux projets de développement. Il s'agira pour eux, de s'intégrer dans le vécu des populations en vue d'allouer des budgets conséquents pour financer au moment opportun, une partie des futures usines de transformation des matières premières locales (café, cacao,...). Ce projet de financement devra suivre une procédure stratifiée composée en cinq grandes étapes : la dimension personnelle (la démarche), la dimension sociale (association des ruraux au projet), la dimension technique (la maquette et les conditions de réalisation), la dimension économique (le financement) et la dimension temporelle (le timing imparti pour la réalisation).

Ainsi, tout en s'investissant à fond dans cette perspective, il s'agira aussi pour ces ONG et partenaires au développement, d'aider les agriculteurs de Sinfra dans la gestion de leurs ressources naturelles et de leurs produits agricoles (entretien et conservation) en vue de la commercialisation.

2.2. Organiser des activités socio-culturelles intégratives

Les conflits post-électoraux à la fois ethnicisés et communautarisés dans le département de Sinfra, ont attisé une sorte de stigmatisation réciproque des principaux peuples sédentaires (kwênins et allochtones) qui depuis lors, s'excluent mutuellement du théâtre foncier local. Relativement, il parait nécessaire pour les ONG et partenaires du développement local, d'initier les activités socio-culturelles non pas, partisanes mais intégratives pour tenter de réconcilier ces populations qui ont du mal à cohabiter.

Il s'agira d'allouer des fonds pour organiser des foires, des matchs de football ou autres activités socio-culturelles avec la participation de toutes les couches sociales du département en vue d'intégrer l'ensemble de ces populations à ce processus de réconciliation véritable.

Il s'agira aussi d'évaluer les dégâts humains et matérielles lors de l'incendie des villages Proniani et Koblata lors des violences post-électorales et de dédommager les « Kwênins » à l'effet de réduire un tant soit peu cette rancune gardée depuis la crise post-électorale de 2010.

Après cette réparation de préjudice, il sera question de demander aux sages gouro de sceller cette réconciliation par des libations et incantations avec invocation d'ancêtres pour permettre à ces ruraux de nouer de nouvelles relations basées sur la confiance, l'entraide et la complémentarité. Ce sera en inscrivant les actions des ONG et autres partenaires dans ce vecteur de réconciliation que ces peuples sédentarisés auront moins de mal à vivre ensemble.

2.3. Aider à réduire les stigmates de la crise post-électorale

La période de crise a été une période où les populations autochtones et allochtones se sont prises simultanément pour cible. De ce fait, les dégâts multiformes causés par ces violences étaient à la fois physiques et psychologiques. Dès lors, pour espérer retrouver la solidarité organique qui existait entre ces populations clivées, il serait judicieux d'initier des prises en charge psychologique et matérielles de ces populations, dont certains gisent aujourd'hui dans le dénuement presque total. Cette assistance psycho-matérielle permettra à ces populations de combler quelques insuffisances matérielles et d'avoir moins de pensées rétrospectives.

Il s'agira aussi de procéder à des campagnes de restitution des espaces fonciers consolidés sous la menace des armes, aux véritables propriétaires.

3. Responsabilités des peuples sédentarisés

3.1. Renforcer les alliances inter-ethniques

Les alliances interethniques ont longtemps été expérimentées par la plupart des peuples de la Côte d'Ivoire. Les problèmes d'ordre culturel, religieux, militaire et juridique se réglaient au niveau de la famille, du clan, de la tribu ou au niveau des groupes alliés. Cette procédure de gestion des problèmes sociaux exclusivement circonscrite dans la sphère familiale a permis d'entretenir un jeu d'alliances interethnique que les acteurs ruraux de Sinfra ont entretenu depuis des décennies sous une forme de cohésion sociale entre ces peuples. Ainsi, les conflits fonciers à répétition avec ses résurgences identitaires observés depuis quelques temps à Sinfra, traduisent que la solidarité organique qui régissait la société Gouro a laissé place à un individualisme mécanique où les acteurs se focalisent uniquement sur leurs intérêts. Dans ce contexte, il serait opportun de renouer avec les alliances interethniques entre les autochtones et allochtones à l'effet de revenir à cette solidarité organique, cette cohésion sociale entre ces peuples et conséquemment de préserver ces populations de conflits fonciers à répétition. Cela, tout en permettant aux populations de retrouver un équilibre psycho-social, renforcera cette paix si sensible à Sinfra.

3.2. Renforcer les mariages inter-ethniques

Le renforcement de la cohésion entre peuples de Sinfra, par le biais des mariages inter-ethniques est une condition indispensable pour réduire quelques peu les rivalités entre ceux qui possèdent les biens fonciers (autochtones) et ceux qui possèdent les moyens financiers (allochtones). Cela aura des impacts à un triple niveau :

- Au niveau du maillage des acteurs ruraux. En effet, si les gouro se rendent compte que les allochtones de Sinfra, ne constituent pas seulement des allochtones au sens étymologique du terme mais sont plutôt un clivage d'acteurs composés d'allochtones et d'un nombre important d'autochtones nés de mariages inter-ethniques, ceux-ci seraient plus souples dans la procédure de cession de terres et moins déterminés à exproprier ces allochtones des terres.

- Au niveau des allochtones, ces mariages inter-ethniques encourageraient ceux-ci à éviter les voies de contournement de la procédure d'acquisition des terres, mais seraient plutôt enclin à suivre une démarche légale qui, qui de tout façon n'a pas de raison d'être chinoisée (en tenant compte de ces mariage inter-ethniques).

- Au niveau de la collaboration autochto-allochtone devenue complexe ces derniers temps. Ces mariages favoriseraient une sorte de confiance réciproque entre ces peuples qui deviendraient par ce processus, des parents éloignés et excluraient simultanément cette communication en ligne utérine, tribale ou communautaire telle que constatée durant nos investigations.

3.3. Intégrer les allochtones dans les CGFR

Pour réduire quelque peu les frustrations successives des minorités de Sinfra (l'ensemble des décisions sociales et foncières sont prises sans leur participation et leur point de vue), il serait question de procéder à une intégration incrémentale des allochtones de la localité dans les centres de décisions sociales et foncières. Cette invitation des allochtones dans ces centres de décision partirait de leur intégration dans les comités de gestion foncière rurale et des notabilités villageoises afin de leur permettre de se sentir impliqués dans la prise des décisions sociale et foncière les concernant. De ce fait, ils seraient plus disposés à respecter les décisions qui seront non pas le résultat de la concertation exclusivement autochto-autochtones, mais le fruit du travail d'une équipe dont ils se sentiraient fortement représentés, c'est-à-dire un ensemble de représentants des principales communautés sédentarisées du département (autochtones et allochtones).

3.4. Condamner les appropriations clandestines d'espaces

Les populations rurales de Sinfra et en particulier les autochtones exercent les activités champêtres dans la peur constante des allochtones qui rodent dans la plupart des contrées rurales en vue de trouver un membre d'une famille autochtone à qui, proposer une somme en vue d'un achat clandestin d'espace. C'est pourquoi, il apparait judicieux de renforcer les campagnes de sensibilisation initiées par le collège des chefs traditionnels du département de Sinfra en vue de l'interdiction formelle de ventes ou d'achats clandestins de terres auprès d'un membre quelconque d'une famille donnée.

Dans la pratique, il s'agira de scinder cette période de campagne de sensibilisation en deux phases :

- Phase 1 : Organiser des réunions villageoises et concertations extra-villageoises en vue d'informer et de sensibiliser la population rurale et urbaine de Sinfra sur l'interdiction des ventes illicites des terres familiales et des risques encourus par les éventuels contrevenants.

- Phase 2 : Traduire les contrevenants, c'est-à-dire celui, coupables de corruption active et son acolyte, coupable de corruption passive devant les autorités compétentes à l'effet de leur infliger une sanction exemplaire pour eux et intimidante pour les éventuels contrevenants.

CONCLUSION

La gestion du foncier et des conflits y afférents sont importants pour la société ivoirienne et cruciaux pour le monde rural. En vue de les examiner dans le contexte particulier de Sinfra, nous nous sommes fixés les objectifs suivants :

Objectif général :

Rechercher les facteurs explicatifs de l'échec de la gestion des conflits fonciers entre autochtones et allochtones dans le département de Sinfra.

Objectifs spécifiques :

Ø Rechercher la relation entre échec de la gestion des conflits fonciers et facteurs internes aux acteurs sociaux dans le département de Sinfra.

Ø Rechercher la relation entre échec de la gestion des conflits fonciers et facteurs externes aux acteurs sociaux dans le département de Sinfra.

Pour atteindre ces objectifs, nous nous sommes posés les questions de recherche suivantes :

Question principale :

Ø Pourquoi la gestion des conflits fonciers entre autochtones et allochtones échoue-t-elle dans le département de Sinfra ?

Questions secondaires

Ø Existe-t-il une relation entre l'échec de la gestion des conflits fonciers entre autochtones et allochtones et les facteurs internes aux acteurs sociaux dans le département de Sinfra ?

Ø Existe-t-il une relation entre l'échec de la gestion des conflits fonciers entre autochtones et allochtones et les facteurs externes aux acteurs sociaux dans le département de Sinfra ?

La réponse à ces questions a nécessité la formulation des hypothèses suivantes :

Hypothèse générale

L'échec de la gestion des conflits fonciers dans le département de Sinfra s'expliquent par desfacteurs internes et des facteurs externes aux acteurs sociaux.

Hypothèses spécifiques

H1. L'échec de la gestion des conflits fonciers à Sinfra s'expliquent par des facteurs internes aux acteurs sociaux.

H2. L'échec de la gestion des conflits fonciers à Sinfra s'expliquent par des facteurs externes aux acteurs sociaux.

En vue de la vérification de ces hypothèses, nous avons effectué le déplacement dans le département de Sinfra, notre terrain d'étude où nous avons interrogé un échantillon de six cent (600) enquêtés. Ces enquêtés, regroupés sous les vocables « autorités administratives », « autorités coutumières » et « administrés » ont tantôt répondu à un choix raisonné (autorités administratives et coutumières), tantôt à un choix accidentel (administrés).

La recherche documentaire, l'observation, le questionnaire et les différents entretiens ont permis de répondre aux questionnements de cette étude. Les méthodes dialectique et fonctionnaliste ont constitué les paradigmes utilisés dans le cadre de ce travail.

Au demeurant, les données issues des investigations ont été analysées aussi bien qualitativement (analyse phénoménologique et culturaliste) que quantitativement (élaboration des tableaux de distribution statistique de type descriptif et de pourcentage).

Cette étude s'est appuyée sur la théorie constructiviste (Piaget, 1923 ; Bourdieu, 1972) dont les démembrements concernent les théories actionnistes (théorie de l'individualisme méthodologique de Boudon, théorie de l'acteur de Blumer et théorie de l'analyse stratégique de Crozier et Friedberg) et les théories multifactorielles (théorie des élites de Paréto, théorie du conflit de Freund, la théorie conspirationniste de Knight et théorie des systèmes de Ludwig) utilisées.

Aux termes de notre enquête sur le terrain, nous avons obtenu les résultats suivants :

Les gouro de Sinfra, originaires de l'ouest du pays, vont à partir du XVIe siècle, s'installer à « Sianfla » où ils accueilleront et faciliteront l'installation des premiers migrants allochtones (senoufo, malinké, baoulé, ...) qui, négociaient auprès d'eux, la cession d'une parcelle de terre par le système de « tutorat », créant ainsi une dépendance vis-à-vis de leurs tuteurs à qui, ils reversaient une partie généralement faible de leur revenu annuel.

A cette époque, ces propriétaires terriens « terezan » cédaient avec une certaine facilité des portions remarquables à ces allochtones en raison de leurs aptitudes mystiques et de leurs possibilités à les protéger contre des invasions fréquentes des éléphants, qui étaient en nombre important dans la zone.

Ainsi, par le processus simultané de naissances et des vagues de migrations, le foncier à Sinfra va connaître une véritable saturation. Cette saturation va ouvrir la voie à toute forme de vente ou d'achat clandestin de terres, en dehors de tout contexte légal ou socialement admis. D'un côté, les autochtones (vendeurs) en quête de finances et d'un autre, les allochtones (acheteurs) en quête de terre.

A l'intérieur des familles autochtones où l'héritier des terres familiales est désigné selon les critères de rassemblement, d'honnêteté et de dévotion dans les travaux champêtres, on y note une corruption passive de ces héritiers qui se prêtent à des négociations sournoises de portions de terres familiales auprès d'acolytes allochtones, charriant ainsi tous les membres de la famille dans un bradage collectif des biens familiaux ou des conflits de récupération des espaces vendus. De ce fait, des conflits fonciers violents naissent au sein de l'institution familiale, entre différentes familles ou communautés. Les moyens physiques, mystiques et relationnels sont utilisés par les belligérants pour s'approprier des terres, objet de ces litiges.

Ces conflits que l'on observe aussi bien dans les plantations, en milieu rural qu'urbain, ne répond pas à un enchainement d'actions fixées à l'avance, mais d'une combinaison d'actions d'acteurs aux sensibilités différentes qui réagissent non pas selon la valeur intrinsèque des terres litigieuses, mais plutôt selon leur appréhension et la valeur qu'ils accordent personnellement à la terre.

Les procédures de gestion de ces conflits fonciers diffèrent selon que l'on se trouve dans le cadre villageois, administratif ou pénal.

Au niveau de la procédure villageoise, elle varie selon le type de conflit en présence. Lorsqu'il s'agit des conflits intrafamiliaux, la gestion s'articule autour de deux actions principales : plainte, séance d'écoute et association d'oncles pour la gestion.

Lorsqu'il s'agit des conflits interfamiliaux et intercommunautaires, la procédure de gestion part de la plainte au verdict en passant succinctement par la convocation des parties, le déplacement sur l'espace conflictuel et la séance de jurement.

Et enfin, dans le cadre des conflits entre agriculteurs et transhumants, la démarche de résolution se structure autour de la: plainte, transaction amiable et indemnisation.

Concernant le cadre pénal, celui-ci répond à une démarche tripartite composée à la fois de la saisine de la justice par voie d'huissier, de la phase d'instruction et de celle du jugement pénal.

Au niveau administratif, à défaut de moyens de répression, la procédure reste exclusivement focalisée sur la médiation, la négociation et la conciliation.

Toutefois, malgré l'implication de ces acteurs hétéroclites, la gestion de ces conflits fonciers reste entravée par des obstacles qui se structurent autour des facteurs internes aux acteurs (corruption des acteurs de gestion et gestion affinitaire des conflits fonciers, protection tribale des ressortissants, stigmatisation des acteurs de gestion et expropriation foncière des allochtones, acteurs de gestion eux-mêmes acteurs de conflits et diversité d'acteurs de gestion et confusion de rôles) et des facteurs externes à ces acteurs (absence de texte pour la gestion des conflits fonciers, Ingérence des autorités gouvernementales dans la gestion des conflits fonciers et facteurs indirects) internes aux acteurs et externes aux acteurs.

En ce qui concerne le chapitre de la discussion, l'étude au regard des données du terrain, a confirmé l'objectif général, validé l'hypothèse générale et les théories de référence avant d'engager le volet de la confrontation de nos résultats avec les résultats des auteurs recentrés dans la revue de littérature et d'esquisser quelques pistes pour les travaux futurs.

Relativement, nous avons fait des suggestions tenant à la responsabilité de l'Etat, des ONG et partenaires du développement local et aux peuples sédentaires.

Concernant les suggestions visant l'Etat ivoirien, il s'agit de :

- Construire des usines de transformation du café et du cacao dans la localité en vue de désengorger quelque peu le théâtre foncier local et d'octroyer à ces ruraux une activité de substitution.

- Mener une campagne de distribution des engrais à l'effet de fertiliser quelque peu ces sols surexploités par les ruraux.

- Former les acteurs institutionnels sur la connaissance de la loi foncière n°98-750 du 23 Décembre 1998 en vue d'éviter les contradictions décisionnelles telles qu'observées pendant nos investigations.

- Contraindre les autorités locales à faire preuve d'impartialité entre belligérants lors des conflits fonciers sous peine de sanctions disciplinaires ou même de révocation.

- Déterminer des itinéraires spécifiques aux transhumants pour réduire les conflits entre agriculteurs et pasteurs.

- Réduire le coût d'immatriculation des terres pour permettre à cette population paysanne caractérisée par l'indigence économique et alimentaire de pouvoir se faire établir des titres de propriétés foncières.

- Mettre en pratique le projet de création de l'Agence Foncière Rurale qui a une vue panoramique et des habilitations susceptibles de favoriser la réduction des conflits fonciers à Sinfra.

Outre ces suggestions visant l'Etat, nous avons fait des suggestions à l'endroit des ONG locales et des partenaires du développement rural. Ainsi, il s'agit entre autres d':

- Allouer des fonds pour soutenir les projets de développement social et agricole du département de Sinfra.

- Organiser des activités socio-culturelles intégratives pour tenter de réconcilier ces populations qui ont de plus en plus de mal à vivre ensemble.

- Aider à réduire les stigmates de la crise post-électorale en vue d'ôter du psychisme collectif, cette stigmatisation réciproque des peuples sédentaires de Sinfra.

Enfin, nous avons fait des suggestions tenant à la responsabilité des peuples sédentaires. Il s'agit entre autres de :

- Renforcer les alliances inter-ethniques

- Renforcer les mariages inter-ethniques

- Intégrer les allochtones dans les Comités de Gestion Foncière Rurale pour leur permettre de se sentir intégrés dans la gestion des questions communes en général et foncières en particulier.

- Condamner les appropriations clandestines d'espaces à l'effet d'aider les propriétaires terriens à moins vivre sous la crainte d'une quelconque vente illégale de terres par des ayants droits.

L'originalité de cette recherche se trouve effectuée en ce sens qu'elle a su inclure des facteurs multiples (migrations croissantes des allochtones, revendications intrafamiliales et son extension extrafamiliale et l'ingérence opaque et opportuniste des agents locaux de l'Etat) dans l'explication des difficultés liées à la gestion des conflits fonciers à Sinfra.Toute chose qui n'était suffisamment abordée par les contributions antérieures, qui se sont structurées autour des écrits centrés de la saturation foncière, le positionnement des fronts pionniers dans le théâtre foncier et l'implication des acteurs institutionnels.

Ces informations issues de cette recherche, bien que peut être intéressantes, mieux pratiques, ne sont pas exhaustives et ne sauraient mettre un terme aux recherches sur le phénomène de la gestion des conflits fonciers notamment dans le département de Sinfra. La science se voulant révolutionnaire, nous espérons que d'autres investigations seront menées sur la question en vue de son actualisation et de son approfondissement.

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Ø NORMES, DECRETS ET ARRETES

ARRETE n°0002 MINAGRA du 08 Février 2000 portant modèles officiels du certificat foncier individuel et du certificat foncier collectif

ARRETE n°99-595 du 13 Octobre 1999 fixant la procédure de consolidation des droits des concessionnaires provisoires de terres du domaine foncier rural.

ARRETE n°085 MINAGRA du 15 Juin 2000 fixant les modalités de réalisation et de présentation des plans des biens fonciers du domaine foncier rural coutumier.

ARRETE n°111 MINAGRA du 06 Septembre 2000 définissant le formulaire de constat d'existence continue et paisible de droits coutumiers sur un bien foncier du domaine rural.

ARRETE n°111 MINAGRA du 06 Septembre 2000 définissant le procès-verbal de recensement des droits coutumiers et des documents annexes.

ARRETE n°111 MINAGRA du 06 Septembre 2000 définissant les formulaires de requête d'immatriculation d'un bien foncier rural : objet d'un certificat foncier.

ARRETE n°140 MINAGRA du 06 Septembre 2000 définissant les formulaires de demande de bail emphytéotique sur un bien foncier, objet d'un certificat foncier.

ARRETE n°140 MINAGRA du 06 Septembre 2000 définissant les formulaires d'approbation et de validation des enquêtes foncières rurales officielles.

ARRETE n°033 MINAGRA du 28 Mai 2001 définissant le formulaire de procès-verbal de clôture de publicité des enquêtes foncières officielles.

ARRETE n°033 MEMIDI/MINAGRA du 21 Juin 2001 relatif à la constitution et au fonctionnement des comités de gestion foncière rurale.

ARRETE n° 147 MINAGRA du 9 Décembre 1999 portant modèle officiel du formulaire de demande d'enquête en vue de l'établissement du certificat foncier et précisant les compétences du Sous-préfet

DECRET de 1971 sur les procédures domaniales : reconnaissance limitée des droits coutumiers.

DECRET n°99-593 du 13 Octobre 1999 portant organisation et attributions des comités de gestion foncière rurale.

DECRET n°99-594 du 13 Octobre 1999 fixant les modalités d'application au domaine foncier rural de la loi n° 98-750 du 23 Décembre 1998.

RAPPORT du 29 mars 1962 portant création du cadastre ivoirien (JO du 10-05-1962)

RAPPORT n° 62-71 du 5 mars 1962 sur le projet de loi portant code domanial (JO du 13-06-1962)

RECUEIL DE TEXTES(2003) : Direction du foncier et du cadastre ivoirien.

LOIn°71-338 du 12 juillet 1971 relative à l'exploitation rationnelle des terrains ruraux détenus en pleine propriété.

LOI n°71-338 du 12 Juillet 1971 relative à l'exploitation des ruraux pour insuffisance de mise en valeur (JO du 05-08-1971).

LOI de 1984 rendant l'enregistrement obligatoire pour les baux conduisant à l'appropriation des terres.

LOI n° 98-750 du 23 Décembre 1998 modifiée par la loi N° 2004-412 du 14 Aout 2004 portant code foncier rural ivoirien

2. DOCUMENTS ELECTRONIQUES

DEFINITION DE CONFLIT

http://www criminologie.com

Consulté le 06 Juillet 2016.

DEFINITION DE FONCIER

www. encyclopedia universalis

Consulté le 16 Juillet 2016.

DEFINITION D'AUTOCHTONE

www. Memoireonline

Consulté les 03, 04 et 05 Août 2016.

DEFINITION D'ALLOCHTONE

www. encyclopedia universalis

Consulté le 06 Juillet 2016.

DEFINITION DE VIOLENCE

www.bibliotheque.auf.org/doc

Consulté le 13 Juillet 2016.

DEFINITION DE CRIME

http://www.cegos.fr

Consulté le 13 Août 2016.

DEFINITION DE CRISE

http://www.talentsoft.fr

Consulté le 13 septembre 2016.

DEFINITION DE DEVIANCE

www.unesco.org/csi/pub/info/seacam6

Consulté le 12 Juin 2016.

RECENSION ECRITS EMPIRIQUES

http:// www memoireonline

Consulté du 20 Août au 30 Août 2016.

PRESENTATION PHYSIQUE DU DEPARTEMENT DE SINFRA

www. Rezo ivoire. Net

Consulté le 22 Septembre 2016

PRESENTATION FONCTIONNELLE DU DEPARTEMENT DE SINFRA

www. La référence internet de la Côte d'Ivoire. Consulté le 22 Septembre 2016

ANNEXES

ANNEXE 1 :CARTOGRAPHIESET COUPURES DE PRESSE

ANNEXE 2 :DOCUMENTS COUTUMIERSET ADMINISTRATIFS

ANNEXE 3 :LOI FONCIERE ET LES NORMES COMPLEMENTAIRES

ANNEXE 4 :QUESTIONNAIRES ET GUIDES D'ENTRETIEN

ANNEXE 5 :ARTICLE

ANNEXE 1 : Cartographies et coupures de presse

Carte 1 : Département de Sinfra

Carte 2 : Quelques villages du département de Sinfra

Coupure 1: Palais de justice de Sinfra

Coupure 2 : Tribunal coutumier de la tribu Sian

Coupure 3 : Litige foncier à Akouédo (Décembre 2018)

ANNEXE 2

DOCUMENTS COUTUMIERS ET ADMINISTRATIFS

Document 1 : Lettre de stage

Document 2 : Acte de vente de terre en milieu rural à Sinfra

Document 3 : Acte de cession de terre en milieu rural à Sinfra

Document 4 : Acte de vente de jachère en milieu rural à Sinfra

Tableau 1 : Répartition par villages de la tribu BINDIN

Tableau 2 : Répartition par villages de la tribu GOHI

Tableau 3 : Répartition par villages de la tribu NANAN

Tableau 4 : Répartition par villages de la tribu PROGOURI

Tableau 5 : Répartition par villages de la tribu SIAN

Tableau 6 : Répartition par villages de la tribu VINAN

ANNEXE 3

LOI FONCIERE N°98-750 DU 23 DECEMBRE 1998 PORTANT ORGANISATION ET REGLEMENTATION DU FONCIER RURAL IVOIRIEN

La loi n° 98-750 du 23 décembre 1998 relative au domaine foncier rural telle que modifiée par la loi n° 2004-412 du 14 août 2004


CHAPITRE I :DEFINITION ET COMPOSITION DU DOMAINE FONCIER RURAL

Section I.  - Définition.................................................................................
 

Article 1 : Le Domaine Foncier Rural est constitué par l'ensemble des terres mises en valeur ou non et quelle que soit la nature de mise en valeur. Il constitue un patrimoine national auquel toute personne physique ou morale peut accéder. Toutefois, seuls l'État, les collectivités publiques et les personnes physiques ivoiriennes sont admis à en être propriétaires.


SectionII.-Composition..............................................................................

Article 2 : Le Domaine Foncier Rural est à la fois..............................................:
-hors du domaine public............................................................................,
-hors des périmètres urbains......................................................................,
- hors des zones d'aménagement différé officiellement constituées....................,
- hors du domaine forestier classé. Le Domaine Foncier Rural est composé :
à titre permanent.......................................................................................:
- des terres propriété de l'État.......................................................................,
-des terres propriété des collectivités publiques et des particuliers,
des terres sans maître à titretransitoire:..........................................................
- des terres du domaine coutumier,

- des terres du domaine concédé par l'État à des collectivités publiques et des particuliers

Article 3 : Le Domaine Foncier Rural coutumier est constitué par l'ensemble des terres sur lesquelles s'exercent :.....................................................................
 - des droits coutumiers conformes aux traditions,........................................
 - des droits coutumiers cédés à des tiers............................................ .........


CHAPITRE II : PROPRIETE, CONCESSION ET TRANSMISSION DU DOMAINE FONCIER RURAL.....................................................................................

Section I. - La propriété du Domaine Foncier Rural..........................................
 

Article 4 : La propriété d'une terre du Domaine Foncier Rural est établie à partir de l'immatriculation de cette terre au Registre Foncier ouvert à cet effet par l'Administration et en ce qui concerne les terres du domaine coutumier par le  Certificat Foncier . Le détenteur du  Certificat Foncier doit requérir l'immatriculation de la terre correspondante dans un délai de trois ans à compter de la date d'acquisitionduCertificatFoncier.................................................................

Article 5 : La propriété d'une terre du Domaine Foncier Rural se transmet par achat, succession, donation entre vifs ou testamentaire ou par l'effet d'une obligation.

Article 6 : Les terres qui n'ont pas de maître appartiennent à l'État et sont gérées suivant les dispositions de l'article 21 ci-après. Ces terres sont immatriculées, aux frais du locataire ou de l'acheteur. Outre les terres objet d'une succession ouverte depuis plus de trois ans non réclamées, sont considérées comme sans maître :
- les terres du domaine coutumier sur lesquelles des droits coutumiers exercés de façon paisible et continue n'ont pas été constatés dix ans après la publication de la présente loi,
- les terres concédées sur lesquelles les droits du concessionnaire n'ont pu être consolidés trois ans après le délai imparti pour réaliser la mise en valeur imposée par l'acte de concession. Le défaut de maître est constaté par un acte administratif.

Article 7 : Les droits coutumiers sont constatés au terme d'une enquête officielle réalisée par les autorités administratives ou leurs délégués et les conseils des villages concernés soit en exécution d'un programme d'intervention, soit à la demande des personnes intéressées. Un décret pris en Conseil des Ministres détermine les modalités del'enquête.....................................................................................

Article 8 : Le constat d'existence continue et paisible de droits coutumiers donne lieu à délivrance par l'autorité administrative d'un Certificat Foncier collectif ou individuel permettant d'ouvrir la procédure d'immatriculation aux clauses et conditions fixées par décret.................................................................................................

Article 9 : Les Certificats Fonciers collectifs sont établis au nom d'entités publiques ou privées dotées de la personnalité morale ou de groupements informels d'ayants droit dûment identifiés...............................................................................................

Article 10 : Les groupements prévus ci-dessus sont représentés par un gestionnaire désigné par les membres et dont l'identité est mentionnée par le Certificat Foncier .
Ils constituent des entités exerçant des droits collectifs sur des terres communautaires.
L'obtention d'un Certificat Foncier confère au groupement la capacité juridique d'ester en justice et d'entreprendre tous les actes de gestion foncière dès lors que le Certificat est publié au Journal Officiel de la République.


Section II. - La Concession du Domaine Foncier Rural.................................
 

Article 11 : Le Domaine Foncier Rural concédé est constitué des terres concédées par l'État à titre provisoire antérieurement à la date de publication de la présente loi.

Article 12 : Tout concessionnaire d'une terre non immatriculée doit en requérir l'immatriculation à ses frais..........................................................................
La requête d'immatriculation est publiée au Journal Officiel de la République. Elle est affichée à la préfecture, à la sous-préfecture, au village, à la communauté rurale, à la région, à la commune et à la chambre d'agriculture, concernés où les contestations sont reçues pendant un délai de trois mois...................................................
A défaut de contestation et après finalisation des opérations cadastrales, il est procédé à l'immatriculation de la terre qui se trouve ainsi purgée de tout droit d'usage.
En cas de contestations, celles-ci sont instruites par l'autorité compétente suivant les procédures définies par décret pris en Conseil des Ministres............................

Article 13 : Sauf à l'autorité administrative en charge de la gestion du Domaine Foncier Rural d'en décider autrement, l'immatriculation prévue à l'article 12 ci-dessus est faite au nom de l'État..............................................................................
Les terres ainsi nouvellement immatriculées au nom de l'État sont louées ou vendues à l'ancien concessionnaire ainsi qu'il est dit à  l'article 21 ci-après.................

Article 14 : Tout concessionnaire d'une terre immatriculée doit solliciter, de l'Administration, l'application à son profit de   l'article 21 ci-après............................

Section III. - La cession et la transmission du Domaine Foncier Rural...............

Article 15 : Tout contrat de location d'une terre immatriculée au nom de l'État se transfère par l'Administration sur demande expresse du cédant et sans que ce transfert puisse constituer une violation des droits des tiers...........................
Les concessions provisoires ne peuvent être transférées.....................................
La cession directe du contrat par le locataire et la sous-location sont interdites..........

Article 16 : Les propriétaires de terrains ruraux en disposent librement dans les limites de  l'article 1 ci-dessus........................................................................................

Article 17 :  Le Certificat Foncier peut être cédé, en tout ou en partie, par acte authentifié par l'autorité administrative, à un tiers ou, lorsqu'il est collectif, à un membre de la collectivité ou du groupement dans les limites de  l'article 1 ci-dessus.


CHAPITRE III : MISE EN VALEUR ET GESTION DU DOMAINE FONCIER

Section I. - Mise en valeur du Domaine Foncier Rural


Article 18 : La mise en valeur d'une terre du Domaine Foncier Rural résulte de la réalisation soit d'une opération de développement agricole soit de toute autre opération réalisée en préservant l'environnement et conformément à la législation et à la réglementation en vigueur.................................................................................
Les opérations de développement agricole concernent notamment et sans que cette liste soit limitative.......................................................................................:
- les cultures.............................................................................................
- l'élevage des animaux domestiques ou sauvages.............................................
- le maintien, l'enrichissement ou la constitution de forêts,

-l'aquaculture................................................................................................,
-les infrastructures et aménagements à vocation agricole..................................,
- les jardins botaniques et zoologiques......................................................,

- les établissements de stockage, de transformation et de commercialisation des produits agricoles..............................................................................................

Article 19 : L'autorité administrative, pour faciliter la réalisation des programmes de développement ou d'intérêt général peut, nonobstant le droit de propriété des collectivités et des personnes physiques, interdire certaines activités constituant des nuisances auxdits programmes ou à l'environnement......................................

Article 20 : Les propriétaires de terres du Domaine Foncier Rural autres que l'État ont l'obligation de les mettre en valeur conformément à l'article 18 ci-dessus. Ils peuvent y être contraints par l'Autorité dans les conditions déterminées par décret pris en Conseil des Ministres...................................................................................................

Section II. - Gestion du Domaine Foncier Rural de l'Etat.................................

Article 21 : Aux conditions générales de la présente loi et des autres textes en vigueur et à celles qui seront fixées par décret, l'Administration gère librement les terres du Domaine Foncier Rural immatriculées au nom de l'État..........................................

Article 22 : Les actes de gestion prévus à l'article 21 ci-dessus sont des contrats conclus directement entre l'Administration et les personnes concernées.
Les contrats de location sont à durée déterminée et comportent obligatoirement des clauses de mise en valeur. En cas de non 'respect de ces dernières, le contrat est purement et simplement résilié ou ramené à la superficie effectivement mise en valeur.
Le non- respect de toute autre clause du contrat peut également être sanctionné par la résiliation...............................................................................................
Dans ce cas, les impenses faites par le locataire sont cédées par l'État à un nouveau locataire sélectionné par vente des impenses aux enchères. Le produit de la vente est remis au locataire défaillant après déduction des frais éventuels et apurement de son compte vis-à-vis de l'État.................................................................................
 

CHAPITRE IV : DISPOSITIONS FINANCIERES ET FISCALES........................
 

Article 23 : La location des terres du Domaine Foncier Rural de l'Etat est consentie moyennant paiement d'un loyer dont les, bases d'estimation sont fixées par la loi de Finances.
Article 24 : Les collectivités et les particuliers propriétaires de terres rurales sont passibles de l'impôt foncier rural tel que fixé par la loi..........................................
Article 25 : En cas de non-paiement du loyer ou de l'impôt prévus aux articles 23 et 24 ci-dessus et outre les poursuites judiciaires prévues par les textes en vigueur, les impenses réalisées par le locataire constituent le gage de l'État dont les créances sont privilégiées même en cas d'hypothèque prise par des tiers............................
 

CHAPITRE V : DISPOSITIONS TRANSITOIRES..........................................
 

Article 26 : Les droits de propriété de terres du Domaine Foncier Rural acquis antérieurement à la présente loi par des personnes physiques ou morales ne remplissant pas les conditions d'accès à la propriété fixées par  l'article 1 ci-dessus sont maintenus à titre personnel.................................................................
Les héritiers de ces propriétaires qui ne rempliraient pas les conditions d'accès à la propriété fixées par  l'article 1 ci-dessus disposent d'un délai de trois ans pour céder les terres dans les conditions fixées par  l'article 16 ci-dessus ou déclarer à l'autorité administrative le retour de ces terres au domaine de l'Etat sous réserve d'en obtenir la location sous forme de bail emphytéotique cessible.....................................
Les sociétés maintenues dans leur droit de propriété en application des dispositions ci-dessus et qui souhaiteraient céder leurs terres à un cessionnaire ne remplissant pas les conditions d'accès à la propriété fixées par  l'article 1 ci-dessus déclarent à l'autorité administrative le retour de ces terres au domaine de l'État sous réserve de promesse de bail emphytéotique au cessionnaire désigné.....................................................

CHAPITRE V : Procédure de délivrance du certificat foncier

La procédure de délivrance du certificat foncier aux termes des dispositions du décret n° 99-594 du 13 Octobre 1999 fixant les modalités d'application au domaine foncier rural coutumier de la loi n°98-750 du 23 Décembre 1998, répond à une série stratifiée de 19 étapes qui partent de la rédaction de la demande à la publication du certificat foncier.

v Rédaction de la demande

Le demandeur retire contre paiement d'une somme de 10.000 francs CFA, le formulaire de demande d'enquête officielle à la Direction Départementale de l'Agriculture qu'il remplit, signe, date et y indique son Opérateur Technique Agrée.

Résultat 1 : la demande est remplie

v Dépôt de la demande

Une fois remplie, la demande est déposée à la Sous-préfecture pour vérification sur les points suivants :

· La demande est remplie correctement, de manière complète et lisible,

· La photocopie de la pièce d'identité est jointe au dossier.

Après ces vérifications, il est délivré un accusé de réception au demandeur. Le Sous-préfet transmet la demande à la Direction Départementale de l'Agriculture.

Résultat 2 : la demande est reçue et remise à la DDA

v Ouverture du dossier d'enquête

Dès réception de la demande, le Directeur Départementale de l'Agriculture ouvre un dossier d'enquête officielle auquel, il attribue un numéro. Il inscrit ce numéro et la date de réception sur la fiche de demande d'enquête et celle-ci est prise en compte.

Résultat 3 : le dossier d'enquête est ouvert

v Layonnage du périmètre de la parcelle à délimiter

Dès le dépôt de sa demande, le demandeur ouvre des layons d'une largeur de 2 à 3 mètres autour de sa parcelle et pose des piquets à chaque changement de direction. Ces piquets doivent être entretenus jusqu'au bornage de la parcelle.

Résultat 4 : le périmètre de la parcelle est layonné

v Désignation du commissaire-enquêteur

Le jour ouvré suivant l'ouverture du dossier d'enquête, le Directeur Départemental de l'Agriculture propose la désignation d'un commissaire-enquêteur par une lettre adressée au Sous-préfet. Le Sous-préfet prend la décision de désignation du commissaire-enquêteur dans les jours ouvrés suivant la réception de la proposition du Directeur Départemental de l'Agriculture.

Résultat 5 : le commissaire-enquêteur est désigné

v Règlement des frais d'enquête

Le demandeur achète succinctement la liasse foncière au prix variant selon les localités et règle les frais de déplacement du commissaire-enquêteur dont l'ensemble équivaut à environ 200.000 francs CFA. Six (06) déplacements sont prévus par l'enquête :

· Le déplacement relatif à la publicité d'ouverture de l'enquête, à la constitution de l'équipe d'enquête et au recensement démographique ;

· Le constat de layonnage de la parcelle ;

· Le déplacement relatif au recensement des droits coutumiers ;

· Le déplacement relatif au constat des limites avec l'Opérateur Technique Agrée ;

· Le déplacement relatif à l'ouverture de la publicité des résultats ;

· Le déplacement relatif à la clôture de la publicité des résultats.

Résultat 6 : les frais de l'enquête sont payés

v Ouverture de l'enquête foncière

Le Sous-préfet déclare l'ouverture de l'enquête selon le formulaire prévu. La déclaration de l'enquête est affichée à la Sous-préfecture, à la Direction Départementale de l'Agriculture, au village et en tout lieu utile et annoncée par communiqué diffusé à la radio nationale ou locale. Le Sous-préfet en informe les représentants de l'administration au sein du CGFR.

Résultat 7 : l'enquête officielle est ouverte

v Constitution de l'équipe d'enquête officielle

Le commissaire-enquêteur se rend dans le village où se trouve la parcelle et sur laquelle l'enquête est commandée. Il constitue l'équipe d'enquête officielle comprenant un représentant du conseil de village, un représentant du CGFR et le chef de terre, le chef de lignage ou le chef de famille.

A l'équipe d'enquête, se joignent obligatoirement les voisins limitrophes, le demandeur et toute personne pouvant concourir à la bonne fin de l'enquête.

Le commissaire-enquêteur dirige cette équipe dont la liste est affichée et communiquée à la Directeur Départementale de l'Agriculture. Le directeur transmet cette liste au Sous-préfet en sa qualité de président du CGFR.

Résultat 8: l'équipe d'enquête officielle est constituée

v Recensement des droits coutumiers

Cette phase prend en compte l'établissement de la fiche démographique et l'établissement du procès-verbal de recensement des droits coutumiers.

· Etablissement de la fiche démographique : La fiche démographique établit la liste des personnes concernées par l'enquête. La « qualité » figurant sur le formulaire précise le lien de la personne avec la parcelle : détenteur de droits coutumiers, locataire (avec ou sans contrat écrit), exploitant, travailleur, gestionnaire, voisin, sachant. Aussi, convient-il de préciser qu'outre les informations pré-cités, le lien de parenté des déclarants avec le demandeur du certificat foncier se trouve nécessaire.

· Etablissement du procès-verbal de recensement des droits coutumiers : Le commissaire-enquêteur dresse le procès-verbal de recensement en style direct, séance tenante. A ce niveau, il est souhaitable que le déclarant n 1 soit le demandeur :

- la personne physique, ou le représentant d'une personne morale (entité publique ou privée) s'agissant d'un certificat foncier individuel.

- le représentant d'un groupement de détenteurs de droits coutumiers collectifs.

Chaque déclarant doit signer et apposer son empreinte digitale. L'enquête permettra

- d'enregistrer les déclarations des personnes susceptibles de donner des informations sur les prétendus droits coutumiers du demandeur.

- d'identifier tous les occupants et en particulier ceux avec lesquels le futur titulaire du certificat foncier conclura un contrat de location, si un tel contrat n'a pas été déjà conclu.

- de révéler des droits modernes existants sur la parcelle (titres fonciers, concessions, permis d'occuper, etc).

v Constat des limites de la parcelle

L'Opérateur Technique Agréé constate avec le demandeur et les voisins limitrophes, les limites de la parcelle et remplit le formulaire de constat des limites. Il y fait mention des noms de tous les voisins limitrophes en indiquant leur identité et leur position géographique avant de faire signer demandeur, voisins et commissaire-enquêteur.

Résultat 9 : le constat des limites est établi

v Etablissement du plan de délimitation

L'opération de levée s'exécute à la requête du demandeur après le marquage des limites et éventuellement le rafraîchissement des layons. La pose des bornes est faite au moins aux points d'intersection des amorces des limites. L'Opérateur Technique Agrées doit se conformer aux normes d'établissement définies par arrêté. Les frais d'intervention de l'Opérateur Technique Agréé qui s'élèvent à environ 150.000 francs CFA et les frais de bornage à 25.000 francs/ hectare, sont à la charge du demandeur.

Résultat 10 : le plan de bornage est établi

v Contrôle du dossier de délimitation

L'Opérateur Technique Agréé transmet le plan du bien foncier au cadastre de la Direction Départementale de l'Agriculture qui vérifie si la parcelle concernée n'a pas fait l'objet de titre foncier ou de concession provisoire. Il effectue un contrôle de cohérence et enfin un contrôle final en visant ledit plan. L'Opérateur Technique Agréé remet le dossier de délimitation validé techniquement au demandeur, qui le remet au Commissaire-enquêteur afin qu'il engage la publicité.

Toutefois, en cas de levée non conforme, la reprise du plan est effectuée aux frais de l'Opérateur Technique Agréé.

Résultat 11 : le dossier de délimitation est contrôlé et visé par le cadastre

v Annonce de la publicité de l'enquête

Le Commissaire-Enquêteur annonce le lieu et la date de la séance publique de présentation des résultats de l'enquête. Cette annonce se fait par affichage au village concerné, c'est-à-dire celui auquel est rattachée la parcelle, objet de l'enquête, à la Sous-préfecture, à la Direction Régionale de l'Agriculture, à la Direction Départementale de l'Agriculture et au Service des Affaires Domaniales Rurales (là où il existe).

Résultat 12 : la publicité de l'enquête est annoncée

v Séance publique de présentation

Il s'agit de présenter les résultats à la population du village en présence des membres du CGFR. La présentation des résultats consiste pour le Commissaire-Enquêteur à lire et à faire traduire en langue locale :

· La fiche démographique ;

· Le procès-verbal de recensement des droits coutumiers ;

· La fiche d'identification des litiges ;

· La fiche de constat des limites ;

· Un tirage du plan du bien foncier ;

· Une attestation de désignation du gestionnaire et la liste des codétenteurs (pour un bien foncier collectif).

Résultat 13 : les résultats de l'enquête sont présentés

v Clôture de la publicité des résultats de l'enquête

Le Commissaire-Enquêteur en accord avec le CGFR, organise la séance publique de clôture de la publicité.

Des remarques sont formulées sur une fiche, lues par le secrétaire du CGFR, discutées et consignées par le Commissaire-Enquêteur et signée par les parties présentes, notamment le demandeur, le président et le secrétaire du CGFR, l'autorité coutumière et le Commissaire-Enquêteur. La publicité est close et le procès-verbal signé et remis au président CVFR pour le compte dudit comité.

Résultat 14 : la publicité est close

v Constat d'existence des droits de propriété

Dans un délai de 07 jours après la clôture de la publicité, le CGFR se réunit pour délibérer sur l'existence et l'étendue des droits coutumiers et constate ou non que l'exercice de ces droits se fait de façon paisible et continue.

· L'enquête est approuvée :

Ø L'enquête ne révèle aucune contestation, ni opposition : le président du CVGFR remplit, date et signe l'attestation d'approbation des résultats de l'enquête et le constat ou non que l'exercice de ces droits se fait de façon paisible et continue.

Ø L'enquête révèle une opposition : la procédure de constat d'existence paisible et continue est suspendue et ajournée à une période de quinze jours. Pendant cette période, le CVGFR essaie de régler le différend à l'amiable. Si la tentative aboutit, une attestation de règlement est établie par le CVGFR et dans le cas contraire, le CVGFR transmet immédiatement le dossier litigieux au CGFR pour incompétence.

· L'enquête n'est pas approuvée

Ø Le CVGFR peut demander au commissaire-enquêteur d'effectuer un complément d'enquête ou de reprendre celle-ci. Les mêmes formalités de publicité sont observées.

Résultat 15 : le constat d'existence continue et paisible est établi ou rejeté

v Validation du dossier d'enquête par le CGFR

En cas de délivrance du constat d'existence continue et paisible par le CVGFR, le CGFR délivre l'attestation de validation (dans un délai d'un mois) qui sanctionne le respect de la procédure et la régularité de la procédure d'Enquête Officielle. Ceci signifie que toutes les pièces établies et recueillies au cours de l'enquête figurent dans le dossier, qu'elles ont été remplies correctement et signées par les parties concernées.

En cas de litiges non réglés par le CVGFR, le CGFR essaie de les régler à l'amiable dans un délai d'un mois. Le CGFR peut s'appuyer sur des compétences extérieures au village.

Le Sous-préfet notifie la validation au demandeur et transmet le dossier au Directeur Départemental de l'Agriculture pour préparer le Certificat Foncier. Dans le cas où le demandeur est insatisfait, il peut introduire une ultime demande d'enquête dans un délai maximum de six mois, à compter de la validation de l'enquête.

Résultat 16 : le dossier est validé et le demandeur est informé

v Préparation et signature du Certificat Foncier

Le Directeur Départemental de l'Agriculture contrôle la régularité formelle de l'enquête et établit le projet de Certificat Foncier et le projet de cahier de charges qu'il soumet sans délai à la signature du Préfet de département.

Celui-ci signe et fais quatre autres copies conformes du Certificat Foncier et du cahier des charges. Ensuite, il fait signer le futur titulaire, après lecture et explication du contenu.

Résultat 17 : le certificat foncier est établi et signé

v Enregistrement et diffusion du certificat foncier

· Enregistrement : Le Certificat Foncier est enregistré à la Direction Départementale de l'Agriculture, c'est-à-dire enregistré dans le registre de Certificats Fonciers suivant un ordre chronologique.

Il est tenu dans chaque Direction Départementale de l'Agriculture, un registre des Certificats Fonciers, dont les pages sont cotées, paraphées par le Directeur Régional de l'Agriculture. Ce paraphe des pages du registre s'effectue préalablement à sa première utilisation.

Le Certificat Foncier est timbré en un original et une copie conforme aux frais du titulaire et cacheté à la préfecture.

· Diffusion : Les cinq exemplaires du Certificat Foncier sont ainsi répartis :

- le Certificat Foncier signé et timbré, est archivé à la Direction Départementale de l'Agriculture ;

- la copie conforme timbrée du Certificat Foncier est remise au titulaire ou à son représentant porteur d'un mandat, légalisé par le Sous-préfet ;

- une copie conforme est archivée à la Sous-préfecture ;

- une copie conforme est transmise à la Direction Régionale de l'Agriculture ;

- une copie conforme est transmise à la Direction du Foncier Rural.

Résultat 18 : le Certificat Foncier est enregistré et diffusé

v Publication

Le Certificat Foncier est publié au Journal Officiel de la République de Côte d'Ivoire par le Préfet de département dans un délai d'un mois.

4.2.2.1.3.2.3. Morcellement d'un bien foncier entre ayant droits

Le morcellement d'un bien foncier entre ayants droits nécessite l'intervention d'un Opérateur Technique Agréé. Celui-ci établit les nouveaux plans du bien foncier et les constats de limites, suivant les procédures mentionnées dans les étapes n°11 et n°12. Le Directeur Départemental de l'Agriculture prépare de nouveaux certificats fonciers qu'il soumet à la signature du Préfet de département. Le Certificat Foncier est annulé à la diligence du Préfet.

4.2.2.1.3.2.4. Fusion de deux ou plusieurs biens fonciers

Deux ou plusieurs biens fonciers contigus immatriculés, peuvent faire l'objet d'établissement d'un nouveau plan par un Opérateur Technique Agréé suivant les procédures mentionnées dans les étapes n°11 et n°12. Le Directeur Départemental de l'Agriculture prépare un nouveau certificat foncier qu'il soumet à la signature du Préfet de département. Les Certificats Fonciers sont annulés à la diligence du Préfet.

4.2.2.1.3.2.5. Transfert de Certificat Foncier par succession, vente ou donation

Le certificat foncier est cessible par succession, vente et donation. Pour ce faire, les deux parties (donateur et récepteur) déclarent la cession au Directeur Départemental de l'Agriculture qui en prend acte. La déclaration de cession s'effectue par un acte sous-seing, signé par les deux parties.

Ø En cas de succession : l'héritier ou les héritiers présentent des documents justificatifs au Directeur Départemental de l'Agriculture, notamment l'acte de notoriété. Dès lors, le Directeur Départemental de l'Agriculture prépare un ou plusieurs nouveaux certificats fonciers selon le cas et fait annuler le certificat foncier initial à la diligence du Préfet.

Ø En cas de vente : les deux parties déclarent la vente au Directeur Départemental de l'Agriculture. La déclaration de cession est constatée par un acte sous-seing privé, signé par les deux parties et le DDA prépare un nouveau certificat foncier et fait annuler l'initial à la diligence du Préfet.

Ø En cas de donation : le donateur déclare l'acte de donation au DDA et lui indique l'identité et l'adresse du ou des donataires. La donation est constatée par un acte sous-seing privé par les deux parties et cet acte est accompagné de nouveaux plans cadastraux en cas de plusieurs donataires. A ce niveau, chaque plan morcelé doit porter le nom du nouveau titulaire. Le DDA prépare de nouveaux certificats fonciers et fait annuler l'initial à la diligence du Préfet.

ANNEXE 4

QUESTIONNAIRES ET GUIDES D'ENTRETIENS

Questionnaire adressé aux chefs traditionnels

Identification de l'enquêté

Noms et prénoms :

Age :

Statut professionnel :

Lieu d'habitation :

Autochtone ou allochtone :

US 1 Présentation de la localité

1. Quelle est l'origine de Sinfra ?

2. Quelles sont les différentes phases du regroupement des populations à Sinfra ?

3. Quelle est la superficie de Sinfra et quelle est sa distance relativement aux départements environnants et aux grandes agglomérations du pays ?

4. Quels sont les peuples majoritaires à Sinfra ?

5. Quels sont les peuples minoritaires à Sinfra ?

6. Quelles sont les activités principales de peuples vivants à sinfra ?

7. Comment se faisait l'accueil des premiers migrants allochtones ?

8. Comment s'octroyait les terres aux premiers migrants allochtones ?

9. Les modalités d'octroi ont-elles changé ?

Oui

Non

Si oui, quelles sont les nouvelles modalités ?

US 2 : Description des conflits fonciers

10. Quels sont les types de conflits fonciers à Sinfra ?

11. Quels sont les moyens fréquemment utilisés dans ces conflits fonciers à Sinfra ?

12. Quels sont les lieux de ces conflits fonciers ?

13. Quel est le processus de dégénérescence des conflits fonciers à Sinfra ? 

14. Quelles sont les configurations de ces conflits fonciers à Sinfra ?

15. Quels sont les acteurs des conflits fonciers à Sinfra ?

16. Quels sont les critères de choix de l'héritier des terres familiales ?

17. Quels sont ces pouvoirs et limites ?

18. Quelles sont les conséquences :

Pour les peuples sédentaires ?

Pour le Département ?

Pour la Côte d'Ivoire ?

US 3 : Mécanismes de gestion

19. Quels sont les modes de gestion des conflits fonciers ?

20. Quels sont les acteurs ?

21. Quelles en sont les procédures ?

Au niveau des chefs traditionnels ?

Au niveau des acteurs de l'administration locale ?

22. Pensez-vous que ces procédures donnent-elles satisfaction aux populations ?

Oui

Non

Pourquoi ?

23. Pensez-vous que la politique s'est ingérée dans les relations entre ruraux ?

Oui

Non

Pourquoi ?

24. Combien de conflits fonciers gérez-vous en moyenne

Par semaine ?

Par mois ?

Par année ?

US 3 : Facteurs liés à la fréquence des conflits fonciers

23. Quels sont selon vous les facteurs qui expliquent les conflits fonciers à Sinfra ?

24. Pensez- vous qu'il y a des obstacles  à la gestion des conflits fonciers à Sinfra ?

Si Oui, Lesquels ?

25. Qu'est-ce qui expliquent ces obstacles à la gestion des conflits fonciers à Sinfra ?

26. Que proposez-vous pour réduire ces conflits fonciers à Sinfra ?

27. Pensez- vous que pour réduire les conflits fonciers à Sinfra, il faut prendre en compte l'Etat, les partenaires du développement local et ruraux ?

Expliquez ?

Questionnaire adressé aux magistrats du TPI

Identification de l'enquêté

Noms et prénoms :

Age :

Statut professionnel :

Lieu d'habitation :

Autochtone ou allochtone :

US 1 Présentation de la localité

1. Quelle est l'origine de Sinfra ?

2. Quelles sont les différentes phases du regroupement des populations à Sinfra ?

3. Quelle est la superficie de Sinfra et quelle est sa distance relativement aux départements environnants et aux grandes agglomérations du pays ?

4. Quels sont les peuples majoritaires à Sinfra ?

5. quels sont les peuples minoritaires à Sinfra ?

6. Quelles sont les activités principales de peuples vivants à sinfra ?

7. Comment se faisait l'accueil des premiers migrants allochtones ?

8. Comment s'octroyait les terres aux premiers migrants allochtones ?

9. Les modalités d'octroi ont-elles changé ?

Oui

Non

Si oui, quelles sont les nouvelles modalités ?

US 2 Description des conflits fonciers

10. Quels sont les types de conflits fonciers à Sinfra ?

11. Quels sont les moyens fréquemment utilisés dans ces conflits fonciers à Sinfra ?

12. Quels sont les lieux de ces conflits fonciers ?

13. Quel est le processus de dégénérescence des conflits fonciers à Sinfra ? 

14. Quelles sont les configurations de ces conflits fonciers à Sinfra ?

15. Quels sont les acteurs des conflits fonciers à Sinfra ?

16. Quels sont les critères de choix de l'héritier des terres familiales ?

17. Quels sont ces pouvoirs et limites ?

18. Quelles sont les conséquences :

Pour les peuples sédentaires ?

Pour le Département ?

Pour la Côte d'Ivoire ?

US 3 Organisation et fonctionnement du TPI

19. Comment le TPI est-il organisé ?

20. Comment fonctionne le TPI de Sinfra en matière de gestion des conflits fonciers ?

21. Comment intervient-il en la matière ?

22. Quelle est la procédure de règlement des conflits fonciers ?

23. De quel ordre relève les conflits fonciers ?

Civil

Pénal

Autre à préciser

24. Le tribunal fonctionne-t-il différemment selon que l'on se situe dans le cadre civil ou pénal ?

25. Comment agissez-vous lorsque deux individus réclament la paternité d'un espace dans le terroir de Sinfra ?

26. Pensez-vous que ces procédures donnent-elles satisfaction aux populations ?

Oui

Non

Pourquoi ?

27. Etes-vous quelques confrontés à des pressions d'hommes politiques dans le cadre des décisions de justice?

Oui

Non

Si oui. Pourquoi ?

28. Combien de conflits fonciers gérez-vous en moyenne

Par semaine ?

Par mois ?

Par année ?

Quels sont selon vous les facteurs qui expliquent les conflits fonciers à Sinfra ?

29. Pensez- vous qu'il y a des obstacles  à la gestion des conflits fonciers à Sinfra ?

Si Oui, Lesquels ?

30. Qu'est-ce qui expliquent ces obstacles à la gestion des conflits fonciers à Sinfra ?

31. Que proposez-vous pour réduire ces conflits fonciers à Sinfra ?

32. Pensez- vous que pour réduire les conflits fonciers à Sinfra, il faut prendre les en compte l'Etat, les partenaires du développement local et ruraux ?

Expliquez ?

Questionnaire adressé aux élus locaux

Identification de l'enquêté

Noms et prénoms :

Age :

Statut professionnel :

Lieu d'habitation :

Autochtone ou allochtone :

US 1 : Présentation de la localité

1. Quelle est l'origine de Sinfra ?

2. Quelles sont les différentes phases du regroupement des populations à Sinfra ?

3. Quelle est la superficie de Sinfra et quelle est sa distance relativement aux départements environnants et aux grandes agglomérations du pays ?

4. Quels sont les peuples majoritaires à Sinfra ?

5. quels sont les peuples minoritaires à Sinfra ?

6. Quelles sont les activités principales de peuples vivants à sinfra ?

7. Comment se faisait l'accueil des premiers migrants allochtones ?

8. Comment s'octroyait les terres aux premiers migrants allochtones ?

9. Les modalités d'octroi ont-elles changé ?

Oui

Non

Si oui, quelles sont les nouvelles modalités ?

Expliquez ?

US 2 : Description des conflits fonciers

10. Quels sont les types de conflits fonciers à Sinfra ?

11. Quels sont les moyens fréquemment utilisés dans ces conflits fonciers à Sinfra ?

12. Quels sont les lieux de ces conflits fonciers ?

13. Quel est le processus de dégénérescence des conflits fonciers à Sinfra ? 

14. Quelles sont les configurations de ces conflits fonciers à Sinfra ?

15. Quels sont les acteurs des conflits fonciers à Sinfra ?

16. Quels sont les critères de choix de l'héritier des terres familiales ?

17. Quels sont ces pouvoirs et limites ?

18. Quelles sont les conséquences :

Pour les peuples sédentaires ?

Pour le Département ?

Pour la Côte d'Ivoire ?

US 3 : Modes de gestion des conflits fonciers

19. Quels sont les modes de gestion des conflits fonciers ?

20. Quels sont les acteurs ?

21. Quelles en sont les procédures ?

Au niveau des chefs traditionnels ?

Au niveau des acteurs de l'administration locale ?

22. Pensez-vous que ces procédures donnent-elles satisfaction aux populations ?

Oui

Non

Pourquoi ?

23. Pensez-vous que la politique s'est ingérée dans les relations entre ruraux ?

Oui

Non

Pourquoi ?

24. Combien de conflits fonciers gérez-vous en moyenne

Par semaine ?

Par mois ?

Par année ?

US 4 : Facteurs explicatifs des conflits fonciers et des obstacles à la gestion


25. Quels sont selon vous les facteurs qui expliquent les conflits fonciers à Sinfra ?

26. Pensez- vous qu'il y a des obstacles  à la gestion des conflits fonciers à Sinfra ?

27. Pensez- vous qu'il existe un lien entre les obstacles à la gestion et les conflits fonciers à Sinfra ?

28. Pensez-vous qu'il existe un lien entre la pression démographique et les conflits fonciers dans le département de Sinfra ?

29. Pensez-vous qu'il existe un lien entre la consolidation clanique des espaces fonciers familiaux et les conflits fonciers dans le département de Sinfra ?

30. Pensez-vous qu'il existe un lien entre l'implication des acteurs institutionnels et les conflits fonciers dans le département de Sinfra ?

31. Qu'est-ce qui expliquent ces obstacles à la gestion des conflits fonciers à Sinfra ?

32. Que proposez-vous pour réduire ces conflits fonciers à Sinfra ?

33. Pensez- vous que pour réduire les conflits fonciers à Sinfra, il faut prendre les en compte l'Etat, les partenaires du développement local et les ruraux ?

Expliquez ?

Questionnaire adressé aux ruraux

Identification de l'enquêté

Noms et prénoms :

Age :

Statut professionnel :

Lieu d'habitation :

Autochtone ou allochtone :

US 1 : Présentation de la localité

1. Quelle est l'origine de Sinfra ?

2. Quelles sont les différentes phases du regroupement des populations à Sinfra ?

3. Quelle est la superficie de Sinfra et quelle est sa distance relativement aux départements environnants et aux grandes agglomérations du pays ?

4. Quels sont les peuples majoritaires à Sinfra ?

5. quels sont les peuples minoritaires à Sinfra ?

6. Quelles sont les activités principales de peuples vivants à sinfra ?

7. Comment se faisait l'accueil des premiers migrants allochtones ?

8. Comment s'octroyait les terres aux premiers migrants allochtones ?

9. Les modalités d'octroi ont-elles changé ?

Oui

Non

Si oui, quelles sont les nouvelles modalités ?

Expliquez ?

US 2 : Description des conflits fonciers

10. Quels sont les types de conflits fonciers à Sinfra ?

11. Quels sont les moyens fréquemment utilisés dans ces conflits fonciers à Sinfra ?

12. Quels sont les lieux de ces conflits fonciers ?

13. Quel est le processus de dégénérescence des conflits fonciers à Sinfra ? 

14. Quelles sont les configurations de ces conflits fonciers à Sinfra ?

15. Quels sont les acteurs des conflits fonciers à Sinfra ?

16. Quels sont les critères de choix de l'héritier des terres familiales ?

17. Quels sont ces pouvoirs et limites ?

18. Quelles sont les conséquences :

Pour les peuples sédentaires ?

Pour le Département ?

Pour la Côte d'Ivoire ?

US 3 : Modes de gestion des conflits fonciers

19. Quels sont les modes de gestion des conflits fonciers ?

20. Quels sont les acteurs ?

21. Quelles en sont les procédures ?

Au niveau des chefs traditionnels ?

Au niveau des acteurs de l'administration locale ?

22. Pensez-vous que ces procédures donnent-elles satisfaction aux populations ?

Oui

Non

Pourquoi ?

23. Pensez-vous que la politique s'est ingérée dans les relations entre ruraux ?

Oui

Non

Pourquoi ?

24. Combien de conflits fonciers gérez-vous en moyenne

Par semaine ?

Par mois ?

Par année ?

US 4 : Facteurs explicatifs des conflits fonciers et des obstacles à la gestion


25. Quels sont selon vous les facteurs qui expliquent les conflits fonciers à Sinfra ?

26. Pensez- vous qu'il y a des obstacles  à la gestion des conflits fonciers à Sinfra ?

27. Pensez- vous qu'il existe un lien entre les obstacles à la gestion et les conflits fonciers à Sinfra ?

28. Pensez-vous qu'il existe un lien entre la pression démographique et les conflits fonciers dans le département de Sinfra ?

29. Pensez-vous qu'il existe un lien entre la consolidation clanique des espaces fonciers familiaux et les conflits fonciers dans le département de Sinfra ?

30. Pensez-vous qu'il existe un lien entre l'implication des acteurs institutionnels et les conflits fonciers dans le département de Sinfra ?

31. Qu'est-ce qui expliquent ces obstacles à la gestion des conflits fonciers à Sinfra ?

32. Que proposez-vous pour réduire ces conflits fonciers à Sinfra ?

33. Pensez- vous que pour réduire les conflits fonciers à Sinfra, il faut prendre les en compte l'Etat, les partenaires du développement local et les ruraux ?

Expliquez ?

ANNEXE 5 :

ARTICLE

Année Académique 2016-2017

VENTES ILLICITES DE TERRES ET

CONFLITS INTRAFAMILIAUX DANS LA TRIBU SIAN

KANA Jean Noel Pacôme

Doctorant en Criminologie, option : sociologie criminelle

Université Felix Houphouët Boigny d'Abidjan

Pacomekana@gmail.com

08.66.34.11

45.94.46.63

Résumé : Cette étude vise à rechercher le lien entre ventes illicites des terres et conflits intrafamiliaux dans la tribu Sian. Elle s'appuie sur la théorie de l'acteur de Blumer (1969) qui postule que pour comprendre le comportement humain (relations foncières conflictuelles), il faut recourir à la signification que les personnes donnent aux choses (terre) et à leurs actions (ventes illicites).

Cette enquête a été effectuée auprès d'une population de 190 individus repartis selon les catégories (autorités coutumières, administratives, pénales et ruraux et cultivateurs) dans les 16 villages que constitue la tribu Sian. L'usage des techniques telles que l'observation et les différents entretiens, a permis de répondre aux questionnements de l'étude.

Au demeurant, les données issues du terrain ont permis de noter que d'une part, les héritiers désignés des terres familiales disposent de nombreux pouvoirs familiaux dont ils abusent pour brader les terres familiales aux allochtones. D'autre part, que les autres membres de la famille, frustrés par ces ventes illicites, bradent à leur tour, les portions restantes ou le cas échéant, revendiquent par des moyens physiques et mystiques leur part d'héritage foncier.

MOTS CLES : vente - illicite - terre - conflit - intrafamilial

Abstract: This study aims to investigate the link between illegal land sales and intra-family conflicts in the Sian tribe. It is based on the theory of the actor of Blumer (1969) who postulates that in order to understand human behavior (conflicting land relationships) one must resort to the meaning that people give to things (earth) and to their actions Sales).

This survey was carried out among a population of 190 individuals divided into categories (customary, administrative, criminal and rural authorities and farmers) in the 16 villages of the Sian tribe. The use of techniques such as observation and the various interviews, allowed to answer the questions of the study.

On the other hand, data from the field made it possible to note that, on the one hand, designated heirs of family land have many family powers which they abuse to sell off family land to non-natives. On the other hand, other members of the family, frustrated by these illicit sales, brave in their turn, the remaining portions or, if need be, claim their share of land inheritance by physical and mystical means.

KEY WORDS: sale - illicit - land - conflict - intrafamilial

I. Introduction

Les mouvements migratoires constituent un sujet d'étude central qui veut comprendre les logiques de développement du monde rural (Merabet, 2006).

Ainsi, longtemps considérée comme le « moteur » de l'économie ouest-Africaine, la Côte d'Ivoire a orienté dès son accession à l'indépendance, sa politique socio-économique sur l'exploitation forestière et la production agricole avec un accent particulier sur les cultures de rentes telles que le café et le cacao (Club UA-CI, 2010), favorisant ainsi des vagues d'immigration externe des populations vers les zones forestières dans le but de construire un Etat moderne (Gnabeli, 2007). Cette ruée vers les terres nationales va créer une certaine anarchie dans l'occupation des parcelles et générer des conflits entre exploitants ruraux (Merabet, 2006; Gausset, 2008).

Dans cet esprit, de nombreuses populations vont déserter leur zone d'occupation au profit de zones plus fertiles et moins engorgées du sud-ouest (Club UA-CI, 2010) telles que Sinfra. La terre dans cette localité constitue désormais un enjeu économique, social et politique notable (Lasserve et Le Roy, 2012) pour les autochtones et les migrants si bien que l'installation des allochtones, les procédures d'octroi et de vente des terres s'est effectué selon des procédures variantes et mitigées (Deluz, 1965 ; Meillassoux, 1964). Ces transactions élaborées entre les autochtones gouro et les allochtones s'effectuaient de gré à gré ou figuraient sur des « petits papiers » sous forme de marchandisations imparfaites (Chauveau, 1997 ; Lavigne, 1998). Cette forme d'octroi des terres à ces premiers migrants, a provoqué des vagues de migrations croissantes de nouveaux allochtones cherchant des terres fertiles pour l'amélioration de leur condition de vie (Gausset, 2008 ; Kouamé, 2013).

Relativement, la localité de Sinfra a été confrontée à de fortes pressions anthropiques (Zadou, Kone, Kouassi, Adou, Gleanou, Kablan, Coulibaly et Ibo, 2011) et se présente comme un lieu de tensions, de conflits entre parents et enfants, entre aînés et cadets dans la gestion des terres familiales (Bologo, 2006) fortement recherchées par ces allochtones. Les autochtones y seraient de plus en plus enclin à des ventes illicites des espaces familiaux au profit de ces nouveaux migrants allochtones et simultanément procèderaient à des retraits systématiques des terres que leurs parents avaient cédées aux allochtones (Ibo, 2005). C'est cette question qui sera au centre de notre préoccupation dans cet article.

Il s'agit de rechercher et comprendre le lien qui existe entre les ventes illicites des parcelles dans la tribu Sian et les conflits fonciers intrafamiliaux. A cet objectif, nous postulons en amont qu'il existe une relation causale entre ventes illicites des terres et les conflits intrafamiliaux dans la tribu Sian.

La théorie de l'acteur de Blumer semble répondre aux besoins de cette recherche. En effet, pour Blumer (1969), le comportement humain ne peut se comprendre et s'expliquer qu'en relation avec les significations que les personnes donnent aux choses et à leurs actions. Partant de là, la signification des actions de ventes illicites des terres familiales à Sinfra aurait une signification différente pour l'acteur agissant, l'acteur subissant ou l'observateur parce qu'elle s'enracinerait dans une situation unique et individuelle avec les effets de subjectivité dans l'appréciation des situations. On ne pourra donc comprendre la question des ventes illicites de terres et les revendications sous forme violente au sein de l'institution familiale à Sinfra, que par la recherche de la signification que d'une part la terre représente pour les uns et d'autre part, que les ventes illicites des terres familiales représentent pour les autres.

Quelle relation existe-t-elle entre ventes illicites des terres et conflits intrafamiliaux dans la tribu Sian ? A cette question principale, découlent des questions secondaires : Qui hérite des terres familiales ? Quelle est la marge d'exercice de son autorité au sein de la structure familiale ? Quelles sont les configurations de ces ventes illicites ?.

Ce travail s'articulera donc autour d'une approche explicative de la gestion des terres familiales et des ces conflits au sein de l'institution familiale.

Cette contribution sera organisée autour des points suivants : pouvoirs et limites de l'héritier des terres (1), types de ventes illicites (2), processus de vente (3) et les moyens de revendication utilisés par les autres membres de la famille (4).

II. Méthodologie

v Site et participants

Le cadre choisi pour abriter cette recherche est la tribu Sian. Elle s'étend, comme la sous-préfecture de Sinfra sur une superficie de plus de 1500 km2 et est limitée dans la partie Nord par le Département de Bouaflé, au sud par les départements d'Oumé et de Gagnoa, à l'est par le district de Yamoussoukro et à l'ouest par le département d'Issia (BNETD 2005).

Centre-ville du département de Sinfra, cette tribu a connu une croissance démographique assez rapide. Ainsi, de 67. 789 habitants en 1975, cette population est passée à 120.301 habitants en 1988, à 170.015 habitants en 1998 et à 186 .864 habitants en 2001(INS, 2003). La population locale est majoritairement jeune et hétérogène constituée d'autochtones « kwênins », d'allochtones et des ressortissants des pays de l'Afrique de l'ouest.

L'enquête a été menée auprès d'un échantillon de 190 individus repartis dans les 16 villages que constitue la tribu Sian. Cet échantillon a été regroupé en deux catégories sociales :

ï Catégorie 1 : autorités coutumières, administratives et pénales

ï Catégorie 2 : ruraux et cultivateurs

Le choix de ces catégories d'enquête s'est effectué tantôt de façon raisonnée (autorités administratives et autorités coutumières), tantôt de façon accidentel (ruraux, cultivateurs).

v Instruments de recueil des données

Trois instruments ont été exploités : la documentation, l'observation et les différents entretiens (entretien individuel et groupes focaux) pour recueillir les données du terrain.

Dans la documentation, nous avons effectué une recension des contributions antérieures à l'effet d'avoir une vue générale et claire sur notre objet d'étude.

Au niveau de l'observation, nous avons dans un premier temps suivi le déroulement des ventes clandestines des espaces familiaux et dans un second temps, les moyens utilisés par les membres des familles pour revendiquer leur droit de propriété foncière.

Enfin, des entretiens individuels et focus group effectués auprès des héritiers des terres et des membres des familles ont permis d'obtenir des données sur le mode de gestion de l'héritage foncier familial, les corruptions et tentatives de corruptions récurrentes dont font l'objet l'héritier et les impacts négatifs des ventes illicites sur le tissu familial.

v Méthodes d'analyse des données

L'étude s'est appuyée sur deux méthodes d'analyse des données : Analyses quantitative et qualitative.

Au niveau quantitatif, les données issues du terrain ont permis de dresser un tableau de distribution statistique de type descriptif.

Au niveau qualitatif, les méthodes phénoménologique et culturaliste ont été privilégiées pour mettre l'emphase à la fois sur l'expérience vécue par les participants à l'enquête et surl'analyse du système culturel de la tribu « Sian » (mode de désignation de l'héritier, transmission de l'héritage culturel, ...).

III. Résultats

Les résultats s'articulent autour de quatre axes : les pouvoirs et limites de l'héritier des terres familiales (1), la typologie des ventes illicites (2), le processus de vente (3) et les moyens utilisés par les membres de la famille pour revendiquer leur droit de propriété foncière à l'héritier (4).

1. Héritier des terres familiales : pouvoirs et limites

La gestion des terres familiales s'effectue par le biais d'un héritier (cultivateur, rassembleur et honnête) dont les compétences s'apparentent certes à celle d'un véritable chef de famille, mais aussi qui dispose de pouvoirs discrétionnaires qui s'étendent au niveau de la gestion du patrimoine foncier familial.

En effet, selon l'enquêté B. de Djamandji (46 ans, planteur ; entretien effectué en Mai, 2016) « Pour désigner un successeur dans la gestion des terres de la famille dans nos coutumes ici, celui qui est choisi doit être quelqu'un qui s'investit beaucoup dans les travaux du champ, un rassembleur des membres de la famille et un homme honnête dans la gestion des terres ». Autrement, la désignation du successeur des biens fonciers familiaux dans les contrées rurales de Sinfra s'effectue en faveur d'un membre utérin (oncle, cousin, ainé ou cadet) ayant en amont fait ses preuves dans les activités champêtres.Ceci suppose une certaine omniprésence dans les activités champêtres, matérialisée par la possession de cultures de rente (café, cacao). Outre ce fait, il doit veiller à l'homogénéité des membres pour éviter les effets de dispersion liés à l'indigence alimentaire et financière caractéristique du monde rural ivoirien. Par ailleurs, il doit rétablir ou préserver le cadre familial d'échange (réunions hebdomadaires, mensuelles et situationnelles) et circonscrire ses actions dans la préservation de l'unité familiale, condition indispensable pour éviter les conflits internes dont la dégénérescence pourrait désagréger le tissu familial.

A cette responsabilité, se greffe la nécessite pour le nouvel héritier d'être honnête vis-à-vis des autres membres de la famille. Ceci suppose que le successeur des terres familiales ne doit en aucun cas brader les terres et concomitamment, empêcher que les autres membres (frères, cousins, oncles) vendent aussi les terres quel que soit la difficulté sociale ou financière à laquelle ils sont confrontés.

Les enquêtes révèlent que, le nouveau concessionnaire des terres familiales dispose d'un pouvoir discrétionnaire quant à la mise en valeur collective des terres, au partage, à la mise en jachère ou en « zépa ». Autrement, c'est à lui que revient la décision du partage des terres qui s'élabore selon l'âge, les liens utérins avec le défunt donateur ou la disponibilité dans les travaux champêtres, la culture collective ou le « zépa » (forme de remise d'une portion de terre à un allochtone en vue d'en faire un champ productif de culture de rente et à rémunéré l'allochtone au 1/3 de l'espace cultivé).

Dès lors, le nouvel héritier assumerait les mêmes responsabilités et bénéficierait des mêmes privilèges que le père donateur ; plus loin, ce nouvel acquéreur disposerait de pouvoirs pluriels caractérisant sa position hégémonique au sein de l'institution familiale. Celui-ci aurait droit à une part des récoltes des autres membres de la famille et de l'hôte (zépa) ; mieux ceux-ci seraient contraints de lui verser des prémices de leurs récoltes sous peine de stigmatisation et de privation future de nourriture pendant les moments de disette (klata) ou encore de rupture de contrat de zépa.

Toutefois, selon un enquêté (K., 51 ans, cultivateur à Blontifla), les pouvoirs du nouvel héritier connaissent des limites et ceux-ci se particularisent à travers la disposition unilatérale des terres familiales, au bradage et à des prises de décisions sans consultation préalable des membres de la famille. A ce sujet, il affirme « Mon fils, quand un père désigne un de ses fils pour le succéder, il ne doit jamais vendre les terres, il doit les garder, les partager à ses frères (frères de sang et cousins) et ses papas (oncles). Parce que s'il gère mal et vend les terres à cause de problème qui ne finit jamais, nous, on va encourager et aider ses parents à prendre leurs terres et il va rembourser l'argent qu'il a pris avec eux ». Ces propos recueillis auprès de cet enquêté montrent que celui qui hérite des terres familiales doit en faire bon usage (partage aux ayants droits, culture d'ensemble ou jachère). Il ne doit en aucun cas les vendre, encore moins les mettre en gage personnellement pour des besoins financiers. Ses actions doivent se circonscrire dans la préservation de ce patrimoine familial en vue d'un profit collectif.

2. Typologie de ventes illicites

2.1. Ventes clandestines

Pour certains enquêtés de Blontifla à l'image de S. (45 ans, élu gouro), « Le principe fondamental du système foncier traditionnel « kwênin » était que tout individu membre de la collectivité villageoise ait accès à la terre, afin de pouvoir assurer sa subsistance et celle de sa famille ». Autrefois, le système rural à Sinfra était marqué par la faible densité démographique, une abondance de terres et le caractère largement autocentré et non monétarisé du bien foncier. Souvent purement formel pour les habitants du village ou les membres du lignage, le pouvoir de contrôle de l'autorité foncière autochtone devenait effectif vis-à-vis des étrangers au village. Pour un étranger à la communauté, l'accès à la terre dans le cadre du système coutumier traditionnel s'apparentait à une dépendance caractéristique d'un processus plus large d'intégration à cette communauté, à travers une relation de tutorat. Cette relation était censée perpétuer la relation uniquement verticale entre ces acteurs : patron (autochtone) et subordonné (migrant) auquel des droits sur la terre sont délégués sous un principe d'économie morale qui se matérialise par des civilités, des actes de reconnaissance envers le tuteur.

L'intégration des communautés villageoises à l'économie de marché depuis quelques décennies à Sinfra, s'est traduite par l'introduction, dans les systèmes de culture du département de Sinfra, de spéculations arbustives (caféier, cacaoyer et aujourd'hui l'hévéaculture) qui, à la différence des cultures vivrières, occupent le sol pendant de nombreuses années consécutives. La demande en terre, devenue source de valeurs marchandes, a considérablement augmenté sous les effets conjugués de la croissance démographique et l'intéressement supplémentaire de cette constellation d'acteurs nécessiteux, du fait des perspectives de gain procurées par l'usage de la terre dans les contrées rurales de Sinfra. Pour les nouveaux venus, l'accès à la terre s'est manifesté sous forme d'attribution d'un droit de culture sur forêt noire ou sur friche, par l'achat de forêt ou encore par l'achat d'une plantation à un planteur allochtone ou allogène quittant la région. Cet accès a été largement tributaire de l'hospitalité du peuple tuteur, des prédispositions mystiques, de la prophylaxie occulte des migrants et de la volonté des autochtones à se conformer aux principes culturels ancestraux.

Aujourd'hui, cette propension au respect des normes culturelles et des liens amicaux de type dépendantiste tendent à laisser place à des actions de ventes des terres personnelles, mieux à des ventes illicites de terres familiales. En effet, cette pratique assez fréquente dans la région consiste à des marchandisations imparfaites, occultes de l'héritage foncier par certains membres de structure familiale, qui, usant de leur situation d'hégémonie familiale, vendent des portions de terre à des particuliers allochtones ou même non-ivoiriens. La plupart de ces transactions s'élaborent seulement sur la base de conventions de ventes sans certification par les autorités locales. Très peu de ces « arrangements » font l'objet d'acte notarié ou de certificat foncier comme l'exige la loi foncière (Art 12 et 14 de la loi n° 98-750 du 23 Décembre 1998). Ces transactions sont souvent arrangées par des intermédiaires locaux. Ils ont une certaine facilité de négociation et ont des liens assez étroits avec les paysans car, natifs de la communauté. Les paysans, pour la majorité, analphabètes font l'objet dans certains cas de harcèlements par des propositions d'achats quotidiens. Ces intermédiaires font recours à de fausses promesses et des artifices tels que les fausses rumeurs d'expropriation de leurs terres prévues par l'Etat ; et le tout, dans le but de convaincre de nombreux paysans de vendre leurs parcelles.

Dans ces conditions, tandis l'intermédiaire reçoit de commission de part et d'autre des acteurs de la transaction, les autochtones « vendeurs » justifient leurs gestes par la faiblesse des moyens économiques. Autrement, par le besoin d'améliorer leurs conditions financières afin de subvenir à leurs besoins sociaux de base ou encore par la survenance de problèmes sociaux qui nécessitent une urgence réactionnelle tels que des cas de maladies graves, le décès d'un parent direct ou les parents de son épouse, ou encore compenser une dette afin d' éviter les effets de déshonneur.

Dès lors, les ventes illicites des terres familiales observées avec beaucoup d'acuité dans les contrées rurales de Sinfra, ressemblent plutôt à bradage qu'à une affaire économique pour ceux qui ont le droit d'hériter (oncles, ainés) au sein de l'institution familiale.

2.2. Multiples cessions

Les enquêtes effectuées dans la zone d'étude révèlent que la majorité des terres de la tribu Sian font régulièrement l'objet de cessions multiples à divers allochtones par les détenteurs de l'héritage familial. De ce fait, les cadets (citadins, déscolarisés, aventuriers) essaient de bouleverser l'ordre établi par leurs ainés ou oncles en se positionnant au coeur du débat foncier familial ou lignager. Dans de nombreux cas, ils rejettent tous contrats établis sans l'accord familial et réclament des attestations d'achats aux allochtones exerçant sur des parcelles « achetées ».

Après de fréquentes vérifications des contrats passés, il s'en suit des expropriations ou des tentatives d'expropriations violentes ou pas, des appropriations de terres soit à des fins de nouvelles ventes ou d'usage. En effet, même si les jeunes de Sinfra s'approprient les terres anciennement vendues aux allochtones, l'objectif ne paraît pas nécessairement l'utilisation agricole ; ces évictions foncières traduisent le plus souvent la volonté d'une seconde vente des terres consolidées, à des prix plus élevés. On assiste alors à un effritement de la structure familiale caractérisé par l'ignorantisme du cadre de discussion familial, des remises en cause de la hiérarchie familiale, des ventes plurielles des espaces familiaux, l'élaboration de contrats occultes de vente, des ventes simultanées de la même parcelle. En un mot, l'institution familiale se désagrège et apparaît comme le théâtre où chaque membre de la famille vend des parcelles pour son profit personnel.

A titre illustratif, nous pouvons évoquer le cas d'une autochtone de Digliblanfla (Philomène) qui a assisté à la vente de la quasi-totalité des portions familiales par ses frères (Claude, Joachim) et dont l'unique justificatif était l'indigence économique. Ainsi, toutes ces cessions ont été effectuées sans un retour réflexif sur la situation foncière de leur frère cadet, venu à l'aventure à Abidjan.

De retour au village en raison de la difficile intégration professionnelle dans cette agglomération, Roger s'est vu dépossédé de toute portion pouvant l'objet d'usage agricole. Toutefois, tandis que celui-ci tentait par des voies coutumières et administratives, de récupérer certains espaces, les allochtones qui ont acheté ces terres, venaient massivement porter plaintes pour double ou triple cession.

3. Processus de vente

Le processus de ventes illicites des terres familiales s'effectue selon B. (64 ans, planteur à Béliata) à travers « des arrangements entre un propriétaire de terre et un payeur suivis de leurs témoins. Ces arrangements se font assez rapidement puisque les autres ne doivent pas savoir que leur frère est entrain de vendre une partie de leur terre». Autrement, les transactions illicites des terres dans la majorité des contrées de la tribu Sian, répond à une procédure non séquentielle, mais hâtive en dehors de tout contexte légal supposant l'inclusion d'un notaire, des parents proches et de la chefferie traditionnelle. Ces ventes élaborées souvent dans la précipitation, engendrent quelques fois des litiges dans la délimitation de la parcelle ayant fait l'objet de vente, dans l'élaboration d'un papier servant de base textuelle à la vente et dans le processus d'après achat.

Schématiquement, le processus de vente pourrait s'apparenter à la figure suivante :

FIGURE 1 : Processus de vente de terres familiales

Acheteur : allochtone

Vendeur : autochtone

Terre

Témoin de l'acheteur

Témoin du vendeur

SOURCE : Terrain

4. Revendication foncière des ayants droits

4.1. Usage de moyens physiques et mystiques

Les investigations sur le terrain d'étude ont révélé que dans l'ensemble des contrées de la zone d'étude, de nombreux moyens physiques et mystiques étaient utilisés par les membres de la famille lors des litiges de terre.

Ainsi, dans le village Tricata, Z. (43 ans, planteur) affirme que « les litiges de terre à l'intérieur des familles sont réguliers ici et les moyens utilisés par les frères sont aussi dangereux les uns que les autres. On peut souvent voir l'utilisation d'armes blanches telles que les machettes qui sont nos outils de travail, mais aussi, des fusils de chasse calibre 12 et des flèches traditionnellement empoisonnées ».

Partant de là, il apparait que ces membres de la famille qui associent à la fois armes blanches, fusils de chasse et flèches empoisonnées lors des litiges fonciers, utilisent tout ce qui leur tombe sous la main en vue d'affaiblir et générer une certaine peur chez leurs parents en vue d'abandonner la terre à leur profit. Ces conflits dans leur déroulement, traduisent par ailleurs une absence de règlementation coutumière et administrative quant aux moyens de défense homologués en matière intrafamiliale. La majorité des familles de la tribu Sian, se présentent de ce fait comme le théâtre où tous les moyens sont recommandés dans les litiges pour affaiblir la résistance de l'autre. Il est aussi à remarquer dans ces propos, une dysproportionnalité au niveau des armes utilisées par les uns et les autres lors de ces litiges. Ainsi, tandis certains ruraux utilisent des armes blanches,  d'autres peuvent riposter avec des armes à feu ou des flèches empoisonnées.

A côté de ces moyens matériels, s'ajoutent des moyens mystiques fréquemment utilisés par les belligérants dans l'arène familiale. Il s'agirait généralement pour ces enquêtés, de coquilles d'escargot, de petites bouteilles ou même des canaris dans lesquels certains membres des familles font une mixture ou un cocktail d'ingrédients mystiques censés investis de puissances ou de forces issues de divinités. Ces fétiches sont exposés de façon ostentatoire devant la chambre, le champ ou la cuisine des autres membres de la famille en vue de déclencher un sentiment de peur chez et de les faire plier si cela ne l'était déjà, physiquement.

Ainsi, depuis un certain temps, les acteurs semblent avoir pris goût à cette pratique de sorte qu'avant ou pendant ces litiges fonciers intrafamiliaux, on note une course, un empressement de cette pléiade d'acteurs en conflit vers ces féticheurs en vue de solliciter leur appui mystique.

Dès lors, de nombreux cas de décès sont enregistrés au quotidien dans la sphère familiale, créant ainsi une méfiance généralisée des uns envers les autres et une désagrégation du tissu familial.

Relativement aux moyens physiques et mystiques utilisés, la chefferie de la tribu affirme avoir enregistré durant l'intervalle de Mars 2015 à Mars 2016, 83 conflits intrafamiliaux sur l'ensemble des 16 villages de la tribu. Ces résultats sont consignés dans le tableau ci-dessous :

TABLEAU 1 : Moyens utilisés lors des conflits

Villages

Moyens physiques

Moyens mystiques

Blontifla

04 44,44%

05 55,55%

Douafla

05 62,50%

03 7,50%

Proniani

03 75,00%

01 25,00%

Benhuafla

01 50,00%

01 50,00%

Béliata

03 37,50%

05 62,50%

Digliblanfla

04 44,44%

05 55,55%

Bègoneta

03 42,85%

04 57,14%

Kouétinfla

06 42,85%

08 57,14%

Manoufla

01 33,33%

02 66,66%

Barata

01 50,50%

01 50,50%

Tricata

02 66,66%

01 33,33%

Bérita

01 33,33%

02 66,66%

Dégbesséré

00 00,00%

02 100%

Proziblanfla

00 00,00%

01 100%

Koizra

01 100%

00 00,00%

Koblata

03 42,85%

04 57,14%

Total

38 45,78%

45 54,21%

SOURCE : Terrain

Il ressort de ce tableau que les villages Blontifla (07 conflits), Douafla (08 conflits), Béliata (08 conflits), Digliblanfla (09 conflits), Bègoneta (07 conflits), Kouétinfla (14 conflits) et Koblata (07 conflits) ont enregistré plus de conflits intrafamiliaux que les autres villages de la tribu Sian. Cela s'explique par le fait que ces villages sont pour la plupart regroupés dans les alentours du centre-ville où cette constellation d'allochtones au pouvoir d'achat remarquable, vivent. Ainsi, les « kwênins » de ces villages restent plus exposés à des risques de corruption active des allochtones, en quête d'espaces de culture et de ventes clandestines des espaces familiaux.

De plus, le taux relativement élevé de moyens mystiques (54,21%) par rapport aux moyens physiques (45,78%) se traduit par le fait que les « kwênins » qui, pour la majorité sont animistes, restent profondément attachés aux rituels, à l'invocation d'ancêtres et à la sollicitation fréquente des mystiques qui errent dans ces contrées villageoises. Cette course vers ces mystiques parait si ancrée dans les pratiques gouro qu'en cas de conflit au sein de l'institution familiale, on note un empressement des membres de la famille vers ces mystiques, pour solliciter leur appui à divers égards. De ce fait, de nombreux individus de la même famille se voient quelques fois, solliciter l'intervention du même mystique dans le cadre d'un même conflit familial.

4.2. Expropriation des allochtones

Le contexte rural de Sinfra, marqué par un antagonisme permanent autochto-allochtones, est certes imputé à une croissance démographique accélérée et une rareté des terres cultivable, mais aussi et surtout à un clivage identitaire et une difficile cohabitation entre ces peuples au profil distinct.

En effet, 90% des enquêtés révèlent que les vagues croissantes de migrations allochtones à Sinfra, l'hospitalité de ce peuple tuteur, l'octroi incontrôlé des terres à ces allochtones, loin de favoriser l'établissement de relations amicales durables et une solidarité organique comme le souhaiteraient certains ruraux, ont catalysé l'émergence d'un climat conflictuel caractérisé par la méfiance, les divergences foncières et des résurgences identitaires.

Ainsi, tandis que les allochtones de la localité essaient de s'approprier le maximum d'espaces par des méthodes plurielles (achat, tutorat, métayage), les autochtones, eux aussi, tentent des appropriations massives de parcelles autrefois octroyées aux allochtones. De ce fait, ils procèdent par des examens et réexamens de ces contrats en vue de débusquer des incohérences, des imprécisions pouvant constituer des prétextes suffisants pour redéfinir le contrat ou le cas échéant, exproprier les allochtones de ces domaines. Ces contrats qui figurent pour la plupart sur des « petits papiers » sont souvent égarés, mal conservés ou encore imprécis, occasionnant une satisfaction des autochtones gouro qui peuvent intenter de nouvelles ventes de ces parcelles ou encore les conserver à leur usage personnel. Ainsi, pris au « piège » de la minorité ethnique et communautaire, certains allochtones se voient racheter leurs propres terres ou expropriés selon des méthodes pacifiques ou violentes. On assiste donc à un climat dualiste entre ces peuples, dans un environnement où chacun cherche à étendre son réseau de relations sociales. Cette dualité, ces contradictions foncières, se soldent fréquemment par des menaces d'exclusion, des harcèlements permanents des allochtones sur la probabilité d'une éventuelle expulsion.

Mais au-delà de ce fait, les incendies criminelles perpétrées par certains allochtones lors des violences post-électorales de 2011 dans les villages Koblata et Proniani (Sinfra), occasionnant le décès de 50 autochtones, ont attisé une stigmatisation des nordistes de la localité et par voie de conséquence des allochtones. Les allochtones semblent désormais de plus en plus isolés, écartés des centres de décisions. Cet étiquetage est d'autant plus perceptible au niveau de l'institution familiale, lignagère et intracommunautaire autochtone où l'on assiste à des sensibilisations occultes de certains cadres gouro sur l'isolement, la mise en quarantaine ou même l'expulsion des allochtones dans la majorité des contrées rurales gouro.

Toutefois, il est à noter que ces incendies sont l'oeuvre des groupes isolés aux intentions criminelles et non l'action conjointe de l'ensemble des allochtones vivants à Sinfra. Ceux-ci sont désormais stigmatisés dans leur ensemble sous la nomenclature « allochtone » et expropriés en masse pour ceux qui ne disposent des contrats d'achats ou de contrats douteux.

Selon des entretiens effectués auprès de G. (29 ans, planteur) à Brunoko, village à prédominance allochtone (situé à une quinze de kilomètres du centre-ville), « Depuis la crise, les gouro inventent de nombreux arguments irréalistes pour nous chasser des forêts ».

Pour le préfet N. (entretiens effectués en Avril, 2016) « La situation sécuritaire entre les ruraux de Sinfra s'est principalement dégradé depuis les violences post-électorales de 2011 ». Certains expropriés à l'image de K. (56 ans, cultivateur à Blontifla) pensent que « ces peuples qui étaient aussi hospitaliers, ont beaucoup changé avec nous. Tout ce qu'ils veulent aujourd'hui, c'est de nous arracher toutes les terres, même celles que nous avons achetées ». Ce scepticisme des propriétaires terriens s'explique par une volonté univoque d'exproprier, d'un refus de cohabitation d'avec ces peuples allochtones.

IV. Discussion et conclusion

Compte tenu de ce qui précède, il apparait que les ventes illicites de terres dans la tribu Sian, constituent d'une part la résultante de la mauvaise gestion des terres familiales par l'héritier désigné et d'autre part, que les autres membres de la famille seraient charriés dans ce courant d'hypothèque des biens familiaux pour s'adonner à des ventes clandestines, mieux à des ventes multiples des mêmes portions de terres. Dès lors, les aventuriers, citadins, déscolarisés ou les « frustrés de la famille »seraient de plus en plus enclin à se positionner au centre du débat foncier familial pour remettre en cause les contrats de vente ( contrats figurant sur de petits papiers) et user de moyens à la fois pacifiques et violents pour exproprier les allochtones (nouveaux détenteurs des droits fonciers) des terres achetées.

Ce travail s'appuie sur la théorie de Blumer (1969) pour qui, comprendre le comportement social d'un individu suppose comprendre non pas, la signification des choses dans leur forme intrinsèque, mais plutôt la signification que ces choses ont pour lui.

Notre étude confirme donc les résultats de recherches antérieures de Coulibaly (2015), dans l'analyse des conflits fonciers familiaux dans le système matrilinéaire de la région de Sanwi. Ainsi, dans les conflits internes à l'institution Agni, l'auteur noterait une propension croissante des héritiers directs dans l'usage des moyens multiformes (armes blanches) et des attitudes d'évitement ou de contournement du droit positif. Toutefois, nos résultats obtenus dans la tribu Sian semblent différer de celle du peuple Dida (Bazaré, 2014) pour qui, la vente de terre à Divo n'est un choix du Dida, mais une stratégie d'expropriation conçue par les allochtones, venus bénéficier de l'hospitalité de ce peuple tuteur. Nos enquêtes révèlent plutôt que les membres des familles kwênin s'adonneraient individuellement à des ventes clandestines des espaces familiaux pour intenter par la suite des procédures villageoises d'expropriation de ces allochtones, qui seraient à la fois pris au piège de la minorité et coupables d'achats sournois de parcelles.

TABLE DES MATIERES

TABLE DES MATIERES

DEDICACE I

REMERCIEMENTS II

LISTE DESTABLEAUXET FIGURES III

LISTE DESSIGLES IV

INTRODUCTION 1

PREMIERE PARTIE :CONSIDERATIONS THEORIQUE

ET METHODOLOGIQUE 5

CHAPITRE I :CONSIDERATIONS THEORIQUE 6

I. Justification du choix du sujet 6

1.Motivation personnelle 6

2. Pertinence sociale 7

3. Pertinence scientifique 7

II. Définition des concepts 8

1. Concepts explicites 8

1.1Gestion  8

1.2Conflit 12

1.3Foncier 17

1.4Autochtone 19

1.5Allochtone 22

2.Concepts implicites 24

2.1Système agraire 24

2.2Violence 27

2.3Crime 31

2.4Crise 32

2.5Déviance  35

III. Revue de littérature 38

3.1 Exposédes travaux 38

3.1.1Travaux centrés sur les conflits en général 39

3.1.1.1Travaux centrés sur les conflits psychologiques 39

3.1.1.2Travaux centrés sur les conflits en milieu organisationnel 45

3.1.1.3Travaux centrés sur les conflits générationnels

et communautaires 53

3.1.2Travaux centrés sur les conflits fonciers et leur gestion 56

3.1.2.1Travaux centrés surles conflits fonciers 56

3.1.2.2Travaux centrés surla saturation foncière 56

3.1.2.3Travaux centrés sur la revendication foncière des jeunes 64

3.1.2.4Travauxcentrés sur la gestion des conflits fonciers 71

3.2Critique des travaux et présentation de notre posture scientifique 79

IV.Problème et Questions de recherche 80

V.Objectifs- Thèse et Hypothèses 84

5.1Objectifs 84

5.1.1 Objectifsgénéral 84

5.1.2 Objectifs spécifiques 84

5.2 Thèse 85

5.3 Hypothèses 85

5.3.1 Hypothèses générale 85

5.3.2 Hypothèsesspécifiques 85

5.3.3Construction du cadre opératoire 85

5.3.3.1Identification des variables 85

5.3.3.1.1Variable dépendante 85

5.3.3.1.2Variablesindépendantes 86

5.3.3.1.2.1Variables de la première hypothèse 86

5.3.3.1.2.2Variables de la deuxième hypothèse 86

5.3.4Précision des indicateurs des variables indépendantes 86

VI.Cadre de référence théorique : La théorie constructiviste 87

6.1Théories actionnistes 87

6.1.1Théorie de l'individualisme méthodologique de Boudon 87

6.1.2Théorie de l'acteur de Blumer 88

6.1.3Théorie de l'analyse stratégique de Crozier et Friedberg 88

6.2Théories multifactorielles 89

6.2.1Théorie des élites de Pareto 89

6.2.2Théorie du conflit de Freund 89

6.2.3Théorie du complot de Knight 90

6.2.4Théoriedes systèmes de Ludwig(1993) 90

CHAPITRE II :CONSIDERATIONS METHODOLOGIQUES 91

I. Terrain,Population et Echantillon 91

1. Terraind'étude 91

1.1Champ géographique, caractéristiques socio- démographiques,

regroupement historique etactivités économiques

et raisonsdu choix 91

1.1.1Champ géographique 91

1.1.2Caractéristiques sociodémographiques 92

1.1.3Regroupement historique et activités socio-économiques 94

1.1.3.1Regroupement historique du peuple « Sian » 94

1.1.3.2Activités socio-économiques 95

1.1.3.2.1Exploitation forestière et agricole 95

1.1.3.2.2Chasse (lupa) 96

1.1.3.2.3Pêche 97

1.1.3.2.4Elevage 97

1.1.4Raisons du choix du terrain 98

2. Populationet Echantillon 99

2.1 Population 99

2.2 Echantillon 101

II.Méthodes de recherche 107

1.Méthode dialectique 107

2.Fonctionnalisme 108

3. Méthode systémique 109

III. Techniques de recueil des données 109

3.1Recherche documentaire 110

3.2Observation 110

3.3Questionnaire 111

3.4Entretien 112

3.4.1Entretienindividuel 112

3.4.2Focus group 113

IV.Modes d'analyse des données. 113

4.1Analyse qualitative 114

4.2Analyse quantitative 114

V.Conditions sociales de l'étude 115

DEUXIEME PARTIE : RESULTATS, ANALYSE ET INTERPRETATION

DES RESULTATS ET DISCUSSION 116

CHAPITRE III :RESULTATS 117

I.MODALITES D'ACQUISITION DES TERRES A SINFRA 117

1.Pratiques ancestrales 117

1.1Transmission par héritage 117

1.2Transmission par distribution utérine des terres familiales 118

1.3Tutorat 119

1.4Arrangements par compensation 119

2.Pratiques actuelles 120

2.1Prêt 120

2.2Achat/Vente 121

2.3Mise en gage 122

2.4Métayage ou « zépa » 122

3.Critères de choix du nouvel acquéreur 127

3.1Cultivateur 127

3.2Rassembleur 128

3.3Honnête 128

4.Pouvoirs et limites du nouvel acquéreurdans la gestion du bien

foncier collectif 129

4.1Pouvoirs du concessionnaire 129

4.1.1Pouvoir discrétionnaire 129

4.1.2Droit de regard sur les récoltes 130

4.2Limites du concessionnaire 133

4.2.1Bradage des terres familiales 133

4.2.2Prise de décisions sans consultations préalables 134

II.DEROULEMENT DES CONFLITS FONCIERS A SINFRA 135

1.Typologie des conflits fonciers à Sinfra. 135

1.1Conflits intrafamiliaux 135

1.2Conflits interfamiliaux 136

1.3Conflits intercommunautaires 137

1.4Conflits entre agriculteurs et transhumants 138

2.Acteurs des conflits fonciers à Sinfra 142

2.1Autochtones 142

2.2Allochtones 143

2.3Exploitants forestiers 144

2.4Agents de lotissement 144

3.Moyens utilisés 145

3.1Moyens physiques 145

3.2Moyensmystiques 146

3.3Moyens relationnels 147

4.Lieux 148

4.1Dans les plantations 149

4.2Milieu rural 150

4.3Milieu urbain 150

5.Processus de dégénérescence des conflits fonciers 151

III.IMPACTS DES CONFLITS FONCIERS A SINFRA. 153

1.Dans le département de Sinfra 153

1.1Dégâts matériels et humains 153

1.2Politisation de l'atmosphère rurale et insécurité 154

2. Au plan extra-départemental 156

2.1Exode rural et tares sociales urbaines 156

2.2Réduction de la production agricole nationale 158

IV.MODES DE GESTION DES CONFLITS FONCIERS A SINFRA. 160

1.Présentation des acteurs 160

1.1Acteurs extra-judiciaires 160

1.1.1Chefferie traditionnelle 160

1.1.1.1Statut juridique 160

1.1.1.2Attributions 161

1.1.1.3Organisation 162

1.1.2Comité de gestion foncière rurale CGFR 163

1.1.2.1Composition 163

1.1.2.2Attribution 165

1.1.2.3Fonctionnement 166

1.1.3Autorités administratives 166

1.1.3.1Préfet 166

1.1.3.2Sous-préfet 167

1.2Acteurs judiciaires 167

1.2.1Siège 167

1.2.2Parquet 168

1.2.3Greffe 169

2.Présentation des différentes procédures de gestion 173

2.1Procédure coutumière 173

2.1.1Fondement ancestral 173

2.1.2Procédure de gestion 173

2.1.2.1Procédure de gestion des conflits interfamiliaux 173

2.1.2.1.1Procédure de gestionpar l'oncle 174

2.1.2.1.1.1Plainte 174

2.1.2.1.1.2Séance d'écoute et tentative de règlement 174

2.1.2.1.2Procédure depar le tribunal coutumier 175

2.1.2.1.2.1Plainte 175

2.1.2.1.3Séance d'écoute et association des oncles pour la gestion 175

2.1.2.2 Procédure de gestion des conflits interfamiliaux,

Intercommunautaires 176

2.1.2.2.1Plainte 176

2.1.2.2.2Convocation des parties 177

2.1.2.2.3Déplacement sur l'espace conflictuel 177

2.1.2.2.4Séance de jurement 178

2.1.2.2.5Verdict ancestral 179

2.1.2.3Procédure de gestion des conflits entre agriculteurs

et transhumants 179

2.1.2.3.1Plainte 179

2.1.2.3.2Transaction amiable et indemnisation 180

2.2Procédure pénale de gestion 181

2.2.1Fondement normatif 181

2.2.1.1Mesures en vigueur avant l'indépendance 181

2.2.1.1.1Décret du 25 Novembre 1930 181

2.2.1.1.2Arrêté n°83 du 31 Janvier 1938 182

2.2.1.2Mesures en vigueur après l'indépendance 183

2.2.1.2.1Loi n°71-338 de Juillet 1971 183

2.2.1.2.2Loi n°98-750 du 23 Décembre 1998 et la procédure

de délivrance du certificat foncier 183

2.2.1.2.3Loi n°98-750 du 23 Décembre 1998. 183

2.3Procès pénal 186

2.3.1Saisine de la justice 186

2.3.2Phase d'instruction 186

2.3.3Phase de jugement 187

2.4Procédure de gestion par les autorités administratives 187

2.4.1Médiation 187

2.4.2Négociation 188

2.4.3Conciliation 189

V. Facteurs explicatifs de l'échec de la gestiondes conflits fonciers 190

5.1Facteurs internesaux acteurs sociaux 190

5.1.1Corruption des acteurs et gestion affinitaire des conflitsfonciers 190

5.1.2Protection tribale des ressortissants 193

5.1.3Stigmatisation des acteurs de gestion et expropriation

des allochtones des espaces fonciers 196

5.1.4Acteurs de gestion eux-mêmes acteurs de conflits 199

5.1.5Diversité d'acteurs de gestion et confusion de rôles 201

5.2.Facteurs externesaux acteurs sociaux 203

5.2.1Absence de texte pour la gestion des conflits fonciers 203

5.2.2Ingérence des autorités gouvernementales dans la gestion

des conflits fonciers 204

5.2.3Facteurs démographiques 206

CHAPITRE IV :ANALYSE ET INTERPRETATION DES RESULTATS,

DISCUSSION ET SUGGESTIONS 216

I.Analyse et interprétation des résultats 216

1.1Identification du lien entre la variable dépendante(échec de la gestion

desconflits fonciers)et les variablesindépendantes (facteurs internes

et facteurs externes aux acteurs) 216

1.2Effectifs des critères de la variable indépendante par sous-préfecture 219

1.3Vérification des hypothèses de l'étude 220

1.3.1Vérification de l'hypothèse H1 220

1.3.2Vérification de l'hypothèse H2 222

II.Discussion 225

1.Rappel du niveau de validation de l'objectif général, de l'hypothèse générale

et des théories de références 225

1.1Rappel du niveau de validation del'objectif général 225

1.2Rappel du niveau de validation de l'hypothèse générale 225

1.3Rappel du niveau de validation des théories de référence 226

2.Limites de l'étude et pistes de réflexion 227

2.1Analyse qualitative,quantitative 227

2.1.1Analyse qualitative 227

2.1.1.1Facteursinternes aux acteurs 228

2.1.1.2Facteursexternes aux acteurs 231

2.1.1.3Propositions de solutions 237

2.2Analyse quantitative 239

2.3Pistes de recherche 241

III.Suggestions 242

1.Responsabilités de l'Etat 242

1.1Construire des usines dans la localité 242

1.2Distribuer gratuitement des engrais aux agriculteurs 242

1.3Former les autorités locales sur la loi foncière 243

1.4Contraindre les élus locaux à faire preuve d'impartialité 244

1.5Déterminer des itinéraires aux transhumants 244

1.6Réduire le coût d'immatriculation des terres 245

1.7Mettre en pratique le projet de création de l'AFOR 245

2.Responsabilités des ONG et partenaires du développement rural 246

2.1Allouer des fonds pour soutenir les projets de développement local 246

2.2Organiser des activités socio-culturelles intégratives 246

2.3Aider à réduire les séquelles de la crise post-électorale 247

3.Responsabilités des peuples sédentarisés 248

3.1Renforcer les alliances inter-ethniques 248

3.2Renforcer les mariages inter-ethniques 248

3.3Intégrer les allochtones dans les CGFR 249

3.4Condamner les appropriations clandestines d'espaces 249

CONCLUSION 251

REFERENCESBIBLIOGRAPHIQUES 257

ANNEXES 281

TABLE DES MATIERES 345






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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci