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L'achat public responsable a-t-il vocation à  soutenir la performance globale du système de santé ?

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par Emilie POMMIER
Institut Léonard de Vinci - MBA Management Responsable et Performance des Organisations 2015
  

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Chapitre II : La performance globale : enjeux, mesure, limites et risques associés

Partie 1 : Le concept multidimensionnel de performance globale

Aujourd'hui, dans un contexte global d'hyper-information, la performance des organisations est au coeur des attentes des parties prenantes. Mise sur le devant de la scène, décryptée, analysée, sans cesse commentée : elle apparaît comme un antidote au climat économique morose.

Dans sa définition anglo-saxonne, la performance renvoie au « résultat optimal qu'une machine peut obtenir ». Selon les domaines envisagés - la santé, par exemple - la logique de rendement sous-jacente à cette définition sera parfaitement inappropriée77. On lui préfèrera de loin sa version en ancien français, parformer78, et l'idée de « parfaire, améliorer, mener à bien ». Toutefois, la performance a longtemps été appréhendée sur un plan strictement financier, avant que sa signification ne s'élargisse progressivement... Au début des années 1980, tous les modèles financiers de mesure de la performance sont critiqués : l'entreprise n'est pas uniquement au service de ses actionnaires et de ses clients (vision exclusivement externe), elle doit également satisfaire de façon équilibrée l'ensemble de ses parties prenantes - notamment la société civile. Ainsi, dans les années 1990, de nombreux efforts sont menés pour optimiser la mesure de la performance de l'entreprise, en étendant le champ d'analyse bien au-delà des limites financières et en développant le champ temporel, afin d'éviter les seules analyses à court terme.

Les temps ont donc changé. Aujourd'hui, la pérennité d'une entreprise ne dépend plus uniquement de l'impact financier de ses activités ; elle est également liée à ses comportements et à son exercice de l'éthique des affaires. Dans ce cadre, le champ des responsabilités de l'entreprise s'élargit : il ne se limite plus aux seuls actionnaires, mais intègre également des associations, ONG, syndicats, clients, fournisseurs... ; parties prenantes très puissantes de par leur nombre et/ou leur niveau d'influence sur l'organisation. Ces nouveaux acteurs exigent d'être entendus et tout processus d'écoute mis en oeuvre devient une condition essentielle de la performance et de la pérennité de l'entreprise.

77 Agence Nationale d'Appui à la Performance des établissements de santé et médico-sociaux (ANAP), « En quoi les usagers et les citoyens peuvent-ils contribuer à la performance du système de santé ? » (Actes des Universités d'été de la performance en santé, Tours, 28-29 août 2015).

78 Signifiant « parfaire, améliorer, mener à bien » (Le Petit-Robert).

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Afin de bien comprendre comment les modèles théoriques de performance ont accompagné la mutation des Sociétés occidentales, décrypter l'influence relative de ces courants et appréhender la transition - d'un modèle de performance stricto sensu à un modèle de performance globale - il convient de suivre l'évolution de la dimension partenariale, à travers le tableau de synthèse présenté ci-après.

Synthèse des théories sur la RSE79

Théorie

Type de modèle

Brève description

Références clés

THEORIES
INSTRUMENTALES

Obtenir des résultats
économiques à travers les
activités sociétales

Valeur pour l'actionnaire

Maximisation de la valeur long terme

Friedman, 1970 Jensen, 2000

Avantage stratégique compétitif

Investissement social en contexte de compétition

Porter et Kramer, 2002

Stratégies fondées sur les ressources naturelles et la capacité dynamique de l'entreprise

Hart, 1995 Lizt, 1996

Stratégies du bas de la pyramide économique

Prahalad et Hammond, 2002 Hart et Christensen, 2002 Prahalad, 2002

Marketing de causes

Activité altruiste reconnue par la société comme instrument de marketing

Varadarajan et Menon, 1988

Murray et Montanari, 1986

THEORIES
POLITIQUES

Viser un usage responsable
de l'influence politique des
entreprises

Corporate Constitutionalism

La responsabilité sociétale des entreprises provient de l'importance leur influence sur la société

Davis, 1960, 1967

Contrat social

Un contrat social entre entreprises et société

Donaldson et Dunfee,

1994, 1999

Citoyenneté d'entreprise

L'entreprise est conçue comme un citoyen qui a un certain engagement dans et vis-à-vis de la communauté

Wood et Logson, 2002 Andriof et McIntosh, 2001

Matten et Crane, 2004

79 Garriga, et al. (2010).

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Théorie

Type de modèle

Brève description

Références clés

THEORIES
INTEGRATIVES

Intégrer la demande
sociétale

Management par les enjeux

La réponse des entreprises aux problématiques sociales et politiques qui peuvent les impacter de façon significative

Sethi, 1975 Ackerman, 1973 Jones, 1980 Vogel, 1986 Wartick et Mahon, 1994

Responsabilité publique

Loi et processus des politiques publiques pris comme référence pour la performance sociétale

Preston et Post, 1975, 1981

Management des parties prenantes

Prendre en compte les intérêts des parties prenantes de l'entreprise

Mitchell et all, 1997 Agle et Mitchell, 1999 Rowley, 1997

Performance sociétale

Légitimité sociale et processus donnant des réponses appropriées aux enjeux sociétaux

Carroll, 1979 Wartick et Cochran, 1985

Wood, 1991 Swanson, 1995

THEORIES ETHIQUES

Intégrer ce qui est juste pour construire une bonne société

Théorie normative des parties prenantes

Obligations vis-à-vis des parties prenantes de l'entreprise, en référence à des théories morales (Kantiennes, Utilitariste, théorie de justice...)

Freeman, 1984, 1994 Evant et Freeman, 1988 Donaldson et Preston, 1995

Freeman et Phillips, 2002

Phillips et Al, 2003

Droits universels

Cadre fondé sur les Droits de
l'Homme, le droit du travail et
le respect de l'environnement

Global Sullivan Principles, 1999 UN Global Compact, 1999

Développement durable

Vise le développement humain, considérant les générations présentes et futures

Brundtland, 1987 Gladwin et Kennelly, 1995

Biens communs

Orienté vers les biens communs de la société

Kaku, 1997

Alford et Naughton, 2002

Melé, 2002

Conformément à la définition proposée par la Commission européenne, « la responsabilité sociétale d'entreprise est un concept qui désigne l'intégration volontaire, par les entreprises, de préoccupations sociales et environnementales à leurs activités commerciales et leurs relations avec leurs parties prenantes80. »

Pour être qualifiée de « sociétalement responsable », l'entreprise doit impérativement aller au-delà des obligations imposées par les conventions collectives et au-delà des exigences légales en vigueur.

80 Livre Vert (juillet 2001, page 8).

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Une entreprise sociétalement responsable se singularise par le fait, notamment, de :

- se projeter dans l'avenir et de bâtir des stratégies à moyen terme (plutôt que sur le

court terme) ;

- faire participer ses salariés à sa construction, à son évolution, à sa stratégie, à ses

processus de décision ;

- concevoir les ressources humaines comme un domaine stratégique avec des

préoccupations fortes d'épanouissement et d'employabilité des salariés ;

- développer de manière structurée le dialogue avec et entre ses différentes parties

prenantes ;

- fonder la relation client-fournisseur sur un socle de valeurs équitables et durables ;

- mettre l'innovation au coeur de sa stratégie ;

- respecter son écosystème ;

- avoir une forte préoccupation de la société civile et favorise l'implication de ses

représentants dans la vie de la cité.

Les composantes de la RSE (Mercier, 2004 ; Carroll, 1991)

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Schéma de la performance globale (Reynaud, 2003)

Une entreprise sociétalement responsable propose une combinaison de facteurs humains, organisationnels, techniques et financiers qui ne s'avère efficace que dans un contexte donné. En effet, l'expérience révèle que les trois objectifs du développement durable - la prospérité économique, la justice sociale et la qualité environnementale - ne s'harmonisent pas spontanément.

De fait, viser la performance suppose de concilier des intérêts souvent opposés, donc de trouver des arbitrages et des compromis susceptibles de satisfaire les différentes catégories de parties prenantes concernées. Perceptible à travers toute la chaîne de valeur, cet impératif de conciliation répond à une logique transversale ; à l'opposé de l'approche classique verticale, qui découpe l'entreprise en centres de profit. La performance se construit alors dans la coopération, avec le souci de ne présenter aucune défaillance dans la chaîne de valeur.

?Plus que jamais, la performance globale est donc un processus transversal d'arbitrage.

Les domaines couverts par la performance globale, son périmètre, son niveau d'intégration et les indicateurs clés (KPI) sensés la piloter sont intimement liés à la vision et à la place accordée à la responsabilité sociétale au sein de l'entreprise - depuis une vision traditionnelle financière (i.e. une vision « shareholders ») jusqu'à une vision intégrative des parties prenantes (i.e. une vision « stakeholders »). Pour atteindre une performance globale, les indicateurs clés doivent être reconnus tant pas les dirigeants que par les parties prenantes de l'entreprise, suite à une décision obtenue par consensus.

?La performance globale est un processus stratégique intégrateur.

Ce qu'il faut retenir

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?Parce qu'elle naît d'un compromis entre les différentes parties prenantes, la performance globale relève d'une convention sociale co-construite et négociée. Elle peut être rapprochée de la théorie des « communs81 » - développée, notamment, par Elinor Ostrom - qui considère un ensemble de ressources partagées, jugées essentielles à la Société et qui constituent un point de ralliement consensuel de tous les acteurs (par ex : l'air, l'eau, la biodiversité, le savoir, la culture, la santé...).

L'usage veut que la mesure de la performance soit principalement abordée sous l'angle « business case ». Aussi les approches comptables de la performance globale s'efforcent de rapprocher la dimension économique à l'une des deux autres dimensions - sociale ou environnementale (intégrant du « human case » ou du « green case »82). En résultent des approches dites de " comptabilité sociale " ou " écologique ", qui tendent à mettre en lumière les coûts et les investissements liés aux domaines sociaux et environnementaux : coûts cachés83 ; coûts ou investissements visant à améliorer la qualité sociale ou environnementale ; balance coûts-bénéfices qui en découle...

Dans le cadre du Protocole de Kyoto, par exemple, le mécanisme des externalités liées aux émissions de CO2 et autres gaz à effet de serre 84 a fait rentrer directement cet aspect de la performance environnementale dans la performance comptable et financière des entreprises. La bottom line du compte de résultat représentant ainsi une performance financière résiduelle, après la prise en compte de l'ensemble des coûts sociétaux. Ce type d'approche positionne ainsi la performance globale comme une contribution à l'amélioration du couple valeur créée/coûts engendrés85. Mais l'instrumentation comptable de la performance globale reste encore embryonnaire et sujette à de nombreux débats, à commencer par sa compatibilité difficile avec la théorie des communs évoquée précédemment.

81 Ressource partagée par une communauté d'individus et collectivement gérée selon des règles propres.

82 Bieker et Gminder (2001).

83 Savall, 1987.

84 Mécanisme du marché des permis d'émission, réintroduit à partir de 2005.

85 Prolongement de la théorie d'Ernult (2005).

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Partie 2 : La performance globale, exercice de la responsabilité sociétale ou indicateur de mesure ?

Dans la littérature relative à la responsabilité sociétale d'entreprise, les principaux auteurs86 ne définissent pas la notion de « performance sociétale ». La performance est ainsi amalgamée à l'exercice de la responsabilité sociétale, sans que la question de son évaluation ne soit réellement abordée.

Pour autant, le terme « performance » englobe bien aujourd'hui tant la notion d'accomplissement d'un processus, avec les effets qui en découlent (i.e. performance action), que la reconnaissance d'un niveau de réalisation des objectifs (i.e. performance résultats, avec l'idée d'une étape franchie). Cette deuxième définition, largement répandue, présente la performance telle une donnée relative : elle ne présente d'intérêt qu'adossée à la concurrence, dans une logique de comparaison. Certains87 vont même jusqu'à affirmer qu'elle n'existe pas de fait : elle émerge de l'évaluation relative à une référence ou à un objectif.

Force est de constater que les dispositifs actuels d'évaluation de la performance globale sont relatifs aux attentes des parties prenantes et mesurés par des agents extérieurs à l'entreprise : notation extra-financière, classements et prix, enquêtes de réputation (voir tableau ci-dessous). Un phénomène logique, étant entendu que l'évaluation de la performance globale doit permettre l'intégration cohérente des trois dimensions du développement durable, sur des frontières plus larges que le seul périmètre juridique de l'entreprise.

CREATION DE VALEUR DESTINATAIRE DE L'EVALUATION

Pour le(s) actionnaire(s)

Pour les parties prenantes

Destinataires externes :

Comptabilité financière
Reporting financier

Notation extra-financière
Reporting extra-financier

Investisseurs, analystes...

(fonction de rendre compte)

Destinataires internes :

Comptabilité et contrôle de
gestion

Analyse de matérialité

Dialogue social et avec les
autres parties prenantes

Direction, Managers...

(fonction de pilotage)

86 Caroll (1979) et Wood (1991).

87 Bourguignon (1997).

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Différents outils et acteurs partagent l'évaluation de la performance globale. Le présent document n'entend pas établir un recensement exhaustif de ces dispositifs, mais explorer les plus reconnus et utilisés.

Le Balanced Scorecard88 (BSC)

Présenté par ses concepteurs89 comme un tableau de bord facilitant l'évaluation de la stratégie et la mesure de la performance, le BSC est une combinaison de mesures financières et opérationnelles, classées selon quatre dimensions :

? les résultats financiers ; ? la satisfaction des clients ;

? les processus internes ; ? et l'apprentissage organisationnel.

Lors que le Balanced Scorecard est lancé, en 1992 aux Etats-Unis, l'outil est le premier à mettre en exergue l'importance d'indicateurs non-financiers dans l'évaluation de la performance. Un véritable changement de paradigme, pour l'époque ! Pourtant, on reprochera au BSC de créer une hiérarchie entre les quatre dimensions, subordonnant les trois derniers axes aux résultats financiers, et de rester ainsi très orienté résultat : les compétences humaines (axe apprentissage organisationnel) permettent d'améliorer la productivité et la qualité des services (axe processus internes) qui, à leur tour, contribuent à la satisfaction des clients et servent les objectifs financiers de l'entreprise. Plusieurs versions optimisées du modèle verront le jour : depuis le Sustainability Balanced Scorecard90 (SBSC) jusqu'au Total Balanced Scorecard91 (TBSC), en intégrant au passage un cinquième axe - l'axe sociétal92.

?Malgré ses évolutions successives, le Balanced Scorecard se trouve confronté à une réalité : la mesure effective d'une performance intégrée (ou performance globale), qui ne soit pas exclusivement orientée vers les résultats financiers, reste très problématique. Les pratiques restent focalisées sur les indicateurs faciles à renseigner, d'autres aspects plus qualitatifs sont mal pris en compte et les liens de causalité ne sont presque jamais analysés. Selon certains, par ailleurs, « considérer qu'une organisation se comportant en entreprise citoyenne influencera favorablement sa valeur actionnariale, tel que le supposent Kaplan et Norton, constitue pour le moins une assertion restant à démontrer93. »

88 http://balancedscorecard.org/Resources/About-the-Balanced-Scorecard

89 Kaplan et Norton (1998).

90 Hockerts (2001) : extension du BSC initial, composée en partie d'indicateurs mesurant la performance environnementale et sociale des entreprises.

91 Supizet (2002) : le TBSC repose sur une série de relations causales entre les six parties prenantes en jeu : les actionnaires, les clients, les usagers, l'entreprise elle-même en tant que personne morale, les partenaires, le personnel et la collectivité.

92 Bieker (2002).

93 Germain et Trébucq (2004).

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La Triple Bottom Line94 (TBL)

Développée par John Elkington, l'approche anglo-saxonne de la performance globale reprend l'idée d'une triple contribution de l'entreprise à la prospérité économique, à la qualité de l'environnement et capital social, illustrée à travers un triple bilan - social, environnemental et comptable. Ce modèle est aujourd'hui mondialement connu pour son concept des « 3 P » : people, planet, profit.

?Dans la pratique, la TBL reste encore un bilan segmenté en trois parties établies de manière séparée, pour être ensuite compilées, sans tenir compte des corrélations existant entre elles. Un schéma de causalité fait défaut à ce modèle, afin de l'ancrer dans une dynamique intégrative de performance globale.

ISO 2600095

La norme ISO 26000 est un référentiel international qui vise à fournir aux organisations des lignes directrices pour la mise en oeuvre d'une démarche de responsabilité sociétale. Etabli par consensus, ce document donne un cadre de comportement à tout type d'organisation (entreprise, collectivité, ONG, syndicat...) - quelle que soit sa taille ou ses domaines d'actions - dans le respect des grands textes fondateurs.

L'ISO 26000 invite les organisations à articuler leur démarche autour de sept questions

centrales :
· la gouvernance de l'organisation ;
· les droits de l'Homme ;

· les relations et conditions de travail ;
· l'environnement ;

· les bonnes pratiques des affaires ;

· les questions relatives aux consommateurs ;

· et l'engagement sociétal.

La manière dont une entreprise s'inscrit au coeur de la Société et de son environnement, la façon dont elle contribue à la bonne santé et au bien-être de son écosystème, sont autant de facteurs décisifs pour la poursuite de ses activités. C'est la raison pour laquelle ces paramètres sont regardés de près, lors de l'évaluation de la performance globale.

?Si la portée internationale et universelle de la norme ISO 26000 constitue un atout de taille, le fait qu'elle ne soit pas certifiable génère de nombreux débats. Aussi le rôle de l'ISO 26000 est - à date - essentiellement pédagogique, mais il s'agit d'un guide méthodologique dont s'inspirent beaucoup d'autres référentiels. Par ailleurs, cette norme volontaire est souvent considérée comme un référentiel ISO en plus, si ce n'est le référentiel "de trop", du fait qu'elle englobe de nombreux systèmes de management pour lesquels certaines entreprises ont déjà obtenu une certification.

94 http://www.ibrc.indiana.edu/ibr/2011/spring/article2.html

95 http://groupe.afnor.org/animation-iso26000/index.html

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La Global Reporting Initiative96 (GRI)

Né en 1997, de la collaboration entre le Coalition for Environmentally Responsible Economies (CERES) et le Programme des Nations Unies pour l'Environnement (PNUE), la GRI réunit des ONG, cabinets de conseil et d'audit, collectivités territoriales, associations et bien sûr, des entreprises. Fidèles au schéma des « 3 pétales du développement durable », les premières versions de la GRI ont pu être critiquées pour leur absence d'indicateurs de mesure des interactions entre les différentes sources de performance.

Fin 2013, l'organisation répond à ces critiques avec le lancement de la GRI-G4, qui développe ou introduit de nouveaux concepts. Parmi eux, la notion de « Matérialité » ou une incitation forte à focaliser son reporting sur les enjeux RSE les plus pertinents et les plus matériels par rapport à son secteur d'activité. La GRI-G4 met également l'accent sur « l'approche managériale97 », dont la vocation est de fournir des informations détaillées quant au mode d'identification, d'analyse et de réponse de l'entreprise pour ses impacts économiques, environnementaux et sociaux - réels et potentiels - et ce pour chaque enjeu matériel identifié. Une manière de passer d'une logique de transparence et de reporting extra-financier pur à une logique de performance et de pilotage du reporting extra-financier.

?Si la GRI est l'outil de reporting RSE par excellence, dans le monde, il souffre du même écueil que la norme ISO 26000 : il s'agit d'une démarche volontaire, donc non imposée. L'autre difficulté majeure de la GRI est que ce référentiel entre parfois en conflit avec des réglementations légales nationales qui présentent, elles, un caractère obligatoire et dont les consignes de reporting - tant en termes d'indicateurs qu'en termes de méthodologie - n'insufflent pas le même élan que la Global Reporting Initiative.

Les indices boursiers socialement responsables

Apparus en Europe vers la fin des années 1990, les indices boursiers socialement responsables sont des indices tournés vers l'éthique sociale, le développement durable et la préservation de l'environnement.

Les grands indices boursiers socialement responsables en Europe sont : FTSE4Good, Euronext Vigeo, ESI (Ethibel Sustainability Index), Gaïa Index et le DJSI (Dow Jones Sustainability Index World). Tous ces modèles de notation se singularisent par leur choix de méthodologie, des critères d'évaluation ciblés, les zones géographiques considérées, la taille des entreprises comparées ou encore le nombre de titres inclus.

D'après Jean-Philippe Rayssac (Institut RSE management) qui le perçoit comme le questionnaire le plus challengeant, « le DJSI s'appuie sur une analyse approfondie d'un certain nombre de critères tels que la gouvernance de l'entreprise, la ges on des risques, la lu e contre la corrup on ou les normes rela ves à la chaine d'approvisionnement et les

96 https://www.globalreporting.org/standards/g4/Pages/default.aspx

97 DMA pour disclosure of management approach.

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conditions de travail ». Les items à renseigner afin d'intégrer cet indice boursier responsable sont mis à jour régulièrement et la méthode d'analyse fournie par l'agence de notation RobecoSAM est très orientée sur la matérialité des enjeux, avec une approche économique étayée. « [Le DJSI] est reconnu, car il sort de la vision classique de la RSE pour s'intéresser vraiment à la durabilité du business de l'entreprise, ce qu'on ne retrouve pas forcément chez d'autres agences de notation. »

?La principale limite des indices boursiers socialement responsables est que le gage d'évaluation de performance globale qu'ils apportent est exclusivement réservé aux sociétés...cotées en bourse ! La tendance à réduire le paysage économique français aux seules entreprises du CAC 40 est pourtant loin de la réalité. En France en 2013, les PME représentaient 99,8 % de la population des entreprises nationales et près de 60 % de la valeur ajoutée98, avec seulement 562 entités juridiques cotées en bourse ! Qui plus est, en l'absence d'un consensus méthodologique, la portée de ces indices - pourtant reconnus - semble discutable. Cela pourrait être intéressant, par exemple, que les agences attribuant ces indices précisent le niveau de pluralisme des points de vue pris en compte dans leur évaluation.

La notation extra-financière

Le rôle des agences de notation extra-financière consiste à évaluer les politiques environnementales, sociales et de gouvernance (critères dits « ESG ») des entreprises. Ces notations, qui permettent de comparer entre elles les politiques ESG des émetteurs de titres, sont utilisées par les sociétés de gestion - en plus des critères de performance économique habituels - pour composer les fonds ISR99 que celles-ci proposent à leurs clients. Une notation extra-financière peut ainsi être effectuée à la demande d'investisseurs qui veulent estimer la responsabilité sociale d'une entreprise avant de l'intégrer à leur portefeuille. Dans ce cas, la notation est qualifiée de « déclarative » : elle donne lieu à une analyse réalisée à partir de documents publics portant sur l'entreprise ciblée.

Mais la notation extra-financière peut également être sollicitée par une entreprise désireuse d'évaluer sa propre performance globale (ou performance sociétale), indépendamment de toute démarche visant à rejoindre un fond ISR. Il s'agit alors d'une notation dite « sollicitée » ou « approfondie », reposant sur une analyse documentaire " de proximité " : enquêtes terrain, interview des dirigeants, audit auprès des filiales mais aussi auprès des clients et fournisseurs.

98 http://www.bpifrance-lelab.fr/Ressources/Ressources-Bpifrance-Le-Lab/Rapport-sur-l-evolution-des-PME-2014

99 Investissement socialement responsable.

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C'est la comparaison des scores, par secteur, qui permet de dégager un classement global et d'attribuer un rating pour l'entreprise.

Les agences de notation extra-financière, dans la mesure où elles analysent un certain nombre d'organisations selon des critères ESG couvrant les différents volets de la RSE, disposent d'un ensemble de données extra-financières extrêmement qualitatives. Aussi, certaines ont décidé de créer leur propre indice boursier socialement responsable et proposent un accompagnement personnalisé aux entreprises qui souhaiteraient le rejoindre100.

?Comme évoqué dans le cas précédent, la diversité des méthodes employées et les différences de périmètre du champ d'analyse ne permettent pas de dégager un consensus en matière de performance globale. De plus, dans le cas d'une notation « déclarative », le processus d'analyse ESG ne se concentre pas explicitement sur les parties prenantes (contrairement à la notation « sollicitée »). Enfin, si la quasi-totalité des organisations passées au crible des critères ESG sont des sociétés cotées en bourse, la démarche reste parfaitement accessible à une entreprise non cotée qui souhaiterait, par exemple, procéder à une notation « sollicitée », en vue de mieux se comparer à ses concurrents.

La plateforme SaaS101 d'évaluation de la performance globale

Autre acteur sur le marché : les sociétés proposant un outil d'évaluation de la performance globale et de dialogue 2.0. entre acheteurs et fournisseurs. L'un d'eux - EcoVadis102 - se présente comme une plateforme d'évaluation des organisations, au service de pratiques d'achats responsables. Réalisant entre 12 000 et 14 000 évaluations par an, sur 150 secteurs et dans 140 pays, Ecovadis dispose d'un cadre méthodologique inspiré des standards internationaux du développement durable - dont la GRI, le Global Compact et la norme ISO 26000.

Cette méthodologie consiste en un questionnaire comptant entre 20 et 90 questions, adapté selon le secteur d'activités de l'entreprise ciblée ; dont les réponses seront enregistrées depuis la plateforme en ligne puis analysées, avant attribution d'une note sur 100 (valable 1 an). Cette approche s'organise autour quatre thèmes : l'environnement, le social, l'éthique des affaires et les achats responsables. La note obtenue par l'entreprise répondante correspond à la moyenne pondérée de ses quatre notes, par thème103. Pour chacun des thèmes précités, sept indicateurs de management sont analysés, chacun étant évalué selon trois dimensions (les Politiques mises en oeuvre, les actions menées et le pilotage des

100 Toutefois, ce n'est pas le cas de toutes les agences de notation extra-financières, dont certaines ont fait le choix de concentrer leurs activités sur cette seule prestation de services.

101 Software as a service.

102 http://fr.ecovadis.com/what-we-do/

103 Pour information, la note moyenne obtenue sur la plateforme Ecovadis, tous secteurs d'activités confondus, est de 42/100.

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résultats). Ainsi, l'évaluation de la performance globale des entreprises repose sur un ensemble de 84 critères transversaux, adaptés aux caractéristiques du marché considéré. Cette mesure de la performance globale permet à l'entreprise de piloter de façon autonome sa responsabilité sociétale, grâce à un tableau de bord interactif ; d'exploiter et de communiquer ses indicateurs de performance à quiconque la solliciterait sur le sujet104 ; et de visualiser rapidement les axes d'amélioration.

? Outre le fait qu'une entreprise doive payer (certes, une somme minime) pour se soumettre à cette évaluation, il est regrettable que le détail de l'analyse de sa performance ne soit pas disponible, gratuitement, pour tout autre adhérent Ecovadis qui souhaiterait le consulter. Cela permettrait à plusieurs donneurs d'ordre examinant la performance d'un même fournisseur de prendre connaissance des informations RSE le concernant, dans une logique de mutualisation et d'optimisation des coûts.

Parmi les cadres méthodologiques balayés, aucun ne semble apporter de réponse claire à la question complexe de la performance globale ; ni se distinguer de façon unanime et consensuelle comme référentiel " labellisable " de cette mesure.

?Beaucoup peinent à intégrer concrètement les trois volets du développement durable (performance partielle), d'autres proposent une approche sciemment segmentée et orientée (performance dirigée) ; certains sont accessibles à tout type d'acteurs économiques, tandis que d'autres sont implicitement réservés aux organisations les plus matures... On rencontre bien quelques tentatives d'évaluation des interfaces économique-social ou économique-environnemental, mais aucune initiative capable d'intégrer de manière harmonieuse les trois domaines du DD à la fois. Ce serait également un leurre que d'envisager la mesure de la performance globale comme une simple juxtaposition d'un ensemble de « sous-performances thématiques », même selon une logique inclusive.

?La théorie des parties prenantes, quant à elle, ne semble pas compatible, à date (trop prématurée ?), avec la mesure de la performance globale. A l'heure où certaines entreprises s'engagent timidement dans le co-développement de leur stratégie ou de leurs actions RSE, aux côtés des parties prenantes, envisager d'atteindre un compromis sur les indicateurs clés de pilotage de cette performance globale semble illusoire.

?Comme dans toute approche multicritères, l'équilibre entre les différentes dimensions du développement durable dépend des priorités des décideurs et peut évoluer, au fil du temps,

104 Y compris à un autre donneur d'ordres désireux de connaître son niveau de performance globale - tout en bénéficiant de la caution « Ecovadis-checked ».

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« L'achat public responsable a-t-il vocation à soutenir

la performance globale du système de santé ? » | MBA MARPO 2014-2015

 

selon les acteurs et leurs rapports de force. L'évaluation de la performance globale ne peut donc pas être déconnectée du jeu des acteurs qui la mettent en oeuvre.

Et là encore, pour assumer son rôle de façon optimale, un système de mesure de la performance globale doit s'inscrire dans le prolongement de la mission que s'est fixée l'entreprise, des objectifs stratégiques qui en découlent et des moyens mis en oeuvre pour les atteindre. « Vouloir évaluer la performance d'un système d'exploitation quand l'outil de mesure a été créé dans le vide, c'est-à-dire en l'absence de données sur la planification stratégique, ferait prendre le risque de déconnecter la mesure et la stratégie. Autrement dit, de passer à côté du but recherché.105 »

Ce qu'il faut retenir

Il est, aujourd'hui, légitime de se demander si la performance sociétale est réellement un but en soi ou s'il s'agit d'un moyen permettant de servir d'autres objectifs - financiers, par exemple. En témoigne le développement des méthodes de monétarisation des externalités ou de calcul des actifs immatériels, fortement sollicitées par des entreprises qui ne tentent pas uniquement de chiffrer le coût global de leurs impacts mais également de mesurer le ROI106 de leurs actions RSE. La réponse à cette interrogation tient probablement à la dimension temporelle envisagée, selon que l'on évolue dans une organisation court-termiste, constamment rivée sur la bottom line du bilan comptable, ou que l'on bénéfice de la confiance et du soutien d'une équipe dirigeante prête à accepter - dans une certaine mesure - la logique du coût global et du « retour sur investissements différé »... Une certitude : l'échange et le dialogue sont des éléments clés de la performance globale. Pour preuve, le panorama des attentes croisées de la société civile et de la communauté économique - réalisé en 2015 par l'Institut du Management RSE - révèle des décalages significatifs entre l'appréhension des enjeux RSE par les acteurs économiques (plutôt pro-environnementaux) et le grand public (qui exprime nettement une attente sociale)107.

105 Atkinson et al. (1997).

106 Retour sur investissements.

107 Institut Management RSE / CSR Metrics France, « L'Observatoire des enjeux RSE 2015 : état des attentes RSE en France, vues par la société civile et la communauté économique, et leur utilisation dans l'analyse de la matérialité des enjeux RSE des entreprises » (février 2015).

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway