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Les obstacles à  l'autopromotion communautaire des populations à  la base du canton d'Anfoin au Togo.

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par Kossi Mawulé ATCHOTIN
Université de Lomé - Master recherche 2014
  

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Chapitre V: Interprétation des principaux résultats

Cette partie consiste à dévoiler le contenu des données recueillies sur le terrain. Il s'agit d'une démarche explicative dans le contexte de l'étude en tenant compte des hypothèses de départ et à la lumière des travaux antérieurs. C'est également une analyse de contenu des informations recueillies à partir des méthodes quantitatives et qualitatives. Ceci nous permet de voir si l'hypothèse posée au départ s'avère vraie ou fausse.

Ainsi, selon le contexte de l'étude notre interprétation s'articulera autour de trois (3) points suivants : Crise de la solidarité mécanique et échec de l'autopromotion communautaire ; querellesliées à la chefferie traditionnelle, comme obstacles à l'autopromotion communautaire et enfin, proximité spatiale et diffusion du mode de vie

5.1. Crise de la solidarité mécanique et échec de l'autopromotion communautaire

DurkheimEmile, étudiant les formes de solidarité sociale, a réussi à identifier deux formes de solidarité. Il s'agit de la solidarité mécanique qui est l'apanage des sociétés traditionnelles et la solidarité organique, qui est caractéristique des milieux urbains.

Selon Durkheim, la solidarité mécanique, correspondant à une société dans laquelle les individus sont semblables et partagent d'une même manière et d'une même intensité les éléments constituant la conscience collective. Dans cette forme de solidarité, la spécialisation et la division des tâches sont très faibles. L'entraide, la cohésion sociale, l'entente, le communautarisme etc. sont des valeurs que partagent les populations rurales.

Abordant la seconde forme de solidarité, qui est la solidarité organique, l'auteur affirme qu'elle est caractéristique des sociétés modernes et dont les signes distinctifs sont la spécialisation, l'interdépendance et la complémentarité des tâches des individus. Les individus, entendus comme sources autonomes de pensée et d'action, se particularisent. Cette dynamique de singularisation des individus conduit à la modification radicale de la vie sociale avec comme toile de fond, l'affaiblissement progressif et inéluctable de la conscience collective, la perte des valeurs traditionnelles telles que la cohésion sociale, l'entraide, l'entente. Ce qui fait que les individus ne partagent plus toutes les mêmes croyances et que celles-ci ne s'imposent plus à eux avec la même intensité.

Dans le canton d'Anfoin, les valeurs traditionnelles précitées ne sont plus respectées et sont en voie de disparition au profit des valeurs modernes. A la lumière des informations recueillies sur le terrain, la majorité des enquêtés, c'est-à-dire 92 % (confère tableau 5) ont laissé entendre qu'il n'existe plus dans le canton des groupes d'entraide. L'entraide est une aide mutuelle motivée par un sentiment de solidarité. C'est aussi une assistance ou un soutien porté à ceux qui en ont besoin. Les groupes d'entraide, sont donc des groupes solidaires, unis et qui sont animés par un esprit communautaire et d'assistance qu'ils portent à leurs membres. L'entraide est très présente dans la cellule familiale. Or, dans le canton d'Anfoin, le tableau 7 nous renseigne que 28,6 % des personnes interrogées ont affirmé qu'elles ne reçoivent pas du tout de l'assistance de leur famille en cas de difficulté économique ou dans d'autres circonstances. Très peu, en reçoivent rarement. Ainsi, la question de l'entraide rime avec les valeurs de solidarité sociale dont parle DurkheimEmile.

C'est aussi le point de vue de Simmel Georg (2009), qui, s'inscrivant dans la même logique qu'Emile Durkheim, distingue deux sortes de relations sociales : les relations affectives et les relations rationnelles. Selon lui, ces dernières ont pris une importance considérable dans les sociétés modernes du fait de la multiplication des relations marchandes et la ville constitue à ses yeux la forme d'organisation sociale la plus propice aux relations fondées sur la rationalité. Avec la recherche de l'intérêt personnel, l'auteur conclue que la monnaie, une fois devenue une fin en soi, exerce une grande influence sur les contenues de la société et, en particulier, sur la façon de penser et de percevoir le monde. Les passions et les sentiments s'effacent devant les calculs rationnels et la recherche des intérêts. Auparavant interpersonnelle, la monnaie comme la ville ont bouleversé les relations sociales pour leur donner un contenu impersonnel.

Poussant loin notre investigation, les enquêtés se sont prononcés sur les raisons qui justifient cette absence de solidarité et des groupes d'entraide. A cet effet, sur 175 personnes interrogées, 156 soit 89,1 % (Tableau 6 a) soutiennent que c'est la montée de l'individualisme qui en est à la base. Pour d'autres (Tableau 6 b), la solidarité est en voie de disparition dans le milieu et c'est cette raison qui explique la quasi absence des groupes d'entraide dans le canton d'Anfoin.

D'après les travaux de Durkheim Emile (2007), il convient de dire que l'individualisme, la solidarité organique ont phagocyté les valeurs traditionnelles de solidarité qu'on reconnait aux sociétés traditionnelles. Dans cette optique la tradition n'est plus respectée (confère graphique 3) où 98 % des enquêtés le reconnaissent.

Comment se manifeste la perte des valeurs de solidarité dans la dynamique du développement local et de l'autopromotion communautaire ?

Pour Mangin (1989) cité par Bonnal (1995), le développement local c'est pour les sociétés locales, la faculté de relocaliser leur développement, en s'appuyant sur les caractéristiques de leur espace: richesses naturelles, humaines, spécificité de l'espace, organisation sociale propre, tradition culturelle. L'autopromotion communautaire par contre est une démarche d'appui-accompagnement dans laquelle les populations, principales actrices, prennent en charge leur propre développement en tenant compte des potentialités et contraintes endogènes et exogènes.

S'inscrivant dans cette dynamique de développement local et de l'autopromotion, les villages du canton d'Anfoin ont mis en place leur Comité de développement à la base, qui est un organe élu lors d'une Assemblée générale villageoise. Ils ont pour mission d'animer et d'organiser le village pour la mobilisation sociale de la communauté en vue de sa participation active au développement local. C'est pour aborder cette question que nous avons eu un entretien avec le Chef canton d'Anfoin et les Chefs des 3 autres villages qui composent le canton. Les entretiens avec les Chefs du village et le Chef canton nous ont permis de savoir comment s'organise les populations autour de la question du développement de leur milieu et les difficultés qui en sont liées.

En effet, selon les propos du Chef Canton d'Anfoin qui résument celui des autres Chefs de villages :

« Notre canton dispose d'une Association Villageoise de Développement (AVD), conformément au Décret N°2012-005/PR relatif aux comités de développement à la base du 26 février 2012. L'AVD a pour bureau exécutif, le Comité de Développement à la Base (CDB). C'est par souci de canaliser et de soutenir les initiatives de développement et d'amener nos populations à prendre une part active dans le processus de décentralisation et de développement local. »

Abordant les difficultés auxquelles est confronté le CDB, il reconnait qu'avant la naissance du CDB, il existait un Comité Villageois de Développement (CVD), qui s'occupait du développement du canton. Mais le comité se réduisait à la Présidente, et à son Secrétaire à cause de la mésentente entre les membres. Le CVD n'a pas été élu lors d'une Assemblée villageoise et donc ne bénéficiait pas du soutien populaire. Il ajoute : « Avec notre nouveau CDB, nous avons besoin d'être accompagné pour doter notre canton d'un Plan Cantonal de Développement (PCD)».

Toujours, parlant des difficultés il renchérit :

« Nos populations sont entrain de perdre les valeurs traditionnelles qui nous sont léguées par nos ancêtres. La recherche de l'intérêt personnel, l'individualisme et la mésentente nous détruisent. La population ne participe pas aux travaux communautaires et refuse decotiser pour contribuer aux projets de développement financés dans notre canton. C'est l'exemple du projet de réhabilitation de la piste rurale Anfoin -Tannou (6 km). Lors de la mise en oeuvre de ce projet, il nous a été demandé de contribuer en espèce ou en nature à hauteur de 5% du montant totaldu projet, mais la population a refusé de contribuer ».

Ces propos du Chef canton viennent renforcer, les données collectées auprès de la population. Le tableau 8 et le graphique 4 nous renseigne sur ces entraves au fonctionnement des CDB du canton d'Anfoin. Selon les résultats compilés dans ledit tableau, 50 personnes sur les 147, soit 34 % reconnaissent que leur CDB est fonctionnel, mais que c'est la mésentente entre les membres qui entrave à leur fonctionnement. Pour d'autres (32,7 %), les CDB sont fonctionnels mais n'ont pas le soutien populaire. D'autres encore (33,3%), arguent que c'est le manque de réunion qui en est à la base.

Aussi les graphiques 5 et 6 nous montrent les taux de participation de la population aux réunions populaires et aux travaux communautaires.

Des entretiens réalisés avec les membres des bureaux des CDB rejoignent la position des Chefs de village. Selon les propos du Président du CDB Anfoin-Apédomé : « La question du développement de nos villages, interpelle tout le monde mais je ne comprends pas le désintérêt de la population devant les initiatives de développement »

Cependant, l'autre aspect des obstacles internes à l'autopromotion communautaire de la population du canton d'Anfoin a trait au conflit de chefferie traditionnelle.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams