5.
2èmePARTIE
6. PRESENTATION ET
ANALYSE DES RESULTATS
CHAPITRE III: REPRESENTATIONS
SOCIALES FAITES DES DECHETS ET MODES DE
GESTION DES DECHETS ADOPTES PAR LES COMMUNAUTES DE KPOMASSE.
Ce chapitre est consacré au recensement des discours
populaires sur les déchets ménagerset des modes de gestion des
déchets solides ménagers dans la commune de Kpomassè. Il
est subdivisé en: représentations sociales faites des
déchets à Kpomassèet modes de gestion des déchets
solides ménagers adoptés par les communautés de
Kpomassè.
3.1. REPRESENTATIONS SOCIALES FAITES DES DECHETS A
KPOMASSE.
Il s'agit ici des politiques, des savoirs populairesau sujet
des déchets solides ménagers et l'environnement dans la commune
deKpomassè.
3.1.1. Politique de la gestion des déchets solides
ménagers.
Le secrétaire général de la mairie et le
chefservice technique affirmentqu'«avant le conseil communal actuel
qu'aucun dispositif de gestion des déchets n'existait mais,
qu'à l'installationdu nouveau conseil communal, la mairie a signé
un contrat avec les femmes balayeuses pour assurer la salubrité de la
commune contre l'assistance en matériels de nettoyage (balaie, houe,
râteaux, savons etc.». Les femmes balayeuses affirment
qu'«elles ont cessé de balayer les places de la commune de
Kpomassèà cause du manque de motivation de la part des
autorités communales.». Une femme H.A du groupement des femmes
balayeuses dit:«les autorités ne nous donnent rien pour le
travail qu'on fait. Si elles nous donnaient au moins les outils, on ferait le
balayage de la ville.»
Jusqu'à l'enquête de terrain, la commune de
Kpomassè ne disposait d'aucun contrat avec des structures de collecte
des déchets; ceci montre que les autorités de la commune de
Kpomassè se soucient peu des conséquences des déchets sur
leur environnement ce qui justifiela quantitéélevéede
déchets observée dans la commune de Kpomassè.
3.1.2. Représentations sociales faites de
l'environnement à Kpomassè.
La majorité des personnes interrogéesassimile
l'environnement au cadre de vie et d'autres l'assimilent à l'entourage
immédiat mieux certaines personnes ne savent pas ce qu'est
l'environnement. En définitive, les communautés de la commune de
Kpomassè font des représentations diverses de l'environnement ce
qui influence leurs comportements vis-à-vis de celui-ci.
3.1.3. Représentations sociales faites des
déchets.
Les représentations sociales faites des déchets
dépendent du niveau d'instruction des enquêtés.
Pour comprendre une activité sociale «un comportement
humain», WEBER (1922) invite à
investir le sens que l'acteur qui l'exécute lui donne, selon lui toute
analyse sociologique doit partir de l'acteur social de l'action sociale. Pour
cela, il est à retenir que dans la sémiologie populaire
Sahouè«Odun» peut correspondre à
l'étymologie française «déchets» qui signifie
tout ce qui peut être jeté sur les dépotoirs sauvages
(Odun-ta). Les élus locaux soit (14%de l'échantillon) et
autres instruis interrogés connaissent ce qu'il faut appeler
déchets, ils définissent le déchet comme: «tout
ce qui n'est plus utile et susceptible d'être abandonné par son
détenteur». Par contre, 80% des ménages
interrogés ignorent ce qu'est ledéchet ménager. Unefemme
A. P commerçante du marché de Tokpa-Domè dit:
«Les déchets sont les affaires de blancs et les maladies ne
proviennent pas des déchets parce que si c'était le cas nous
serions toutes mortes depuiscar nous y sommes habituées».
Cette représentation sociale faite des déchets se rapporte
à l'idée de SARDAN et al. (2002) à
propos de l'hygiène « l'hygiène est une affaire des
blancs». Quant àun chef de ménage K. F à
Tokpa-Domè: «Nous considérons comme déchets toute
chose sale qui dégage des odeurs nauséabondes et susceptible
d'être jetée mais une fois que la chose ne dégage pas
d'odeurs nauséabondes et qu'elle peut être encore utilisé
elle n'est pas déchet». Il n'est pas rare d'entendre dire que:
«seul les gens des villes parlent de déchets car pour les
communautés des campagnes seul sont appelés déchets les
objets pourris». Dans les arrondissements de Kpomassè-centre
et Sègbohouè, près de la moitié des ménages
connaissent ce qui peut être appelé déchets et sont avertis
des risques qu'ils courent parce que ces communautés ont
bénéficiées de l'expérience des fonctionnaires qui
vivent au milieu d'elles; ils ajoutent«Les maladies de choléra,
de bilharzioses, de paludismes et surtout les maladies microbiennes sont
causées par les ordures». Et d'autres pensent
que:«les ordures et excréta mal gérés favorisent
l'émergence de graves affections du sang et de la peau». Les
maladies les plus citées par les enquêtés sont dansl'ordre
de: la diarrhée, le choléra, le paludisme, la fièvre
typhoïde et l'ulcère de brûlisetc.
Les ménages de Kpomassè équipés de
latrines évoquent les raisons qui les ont poussés à la
construction des latrines familiales, un chef de ménage M.F affirme que:
«le manque d'espace dû à l'urbanisation, la
nécessité de préservation de l'intimité, la
nécessité d'être à l'aise pour satisfaire ses
besoins, de mettre à l'aise les visiteurs et le besoin de
sécurité». Pour la plupart des acteurs sociaux de la
commune de Kpomassè seulsles excréta méritent d'être
appelés déchets; pour cela, elles accordent plus d'importance aux
excréta. Un chef de ménage H. F dit que:«c'est une honte
et une violation de la tradition pour une personne d'être surprise en
train de déféquer dans la brousse mais nousavons tous peur du
changement brusque, celui de quitter l'air libre c'est-à-dire les
brousses, les dépotoirs sauvages où nous nous sentons à
l'aise quand nous faisons nos besoins naturels pour des cases sombres que
constituent les latrines».La majorité des
représentations sociales faites des déchets partent toutes d'un
principe de vie en vigueur dans la commune de Kpomassè celui de «la
solidarité entre l'homme, la terre, les animaux etles
végétaux». Selon ce principe de vie, l'homme de
Kpomassè trouve son énergie vitale et son équilibre dans
cette symbiose avec les animaux, la terre etles végétaux. Les
animaux qui vivent dans la maison avec cet homme trouvent leur ration
alimentaire dans les déchets produits par ce dernier. Les animaux qui
consomment au quotidien ces résidus s'engraissent et
coûtenttrès chères sur le marché. Vu les avantages
de cette solidarité, il est difficile aux communautés de
Kpomassè de se débarrasser des déchets parce que tout
participe de l'équilibre de la création. Il est ancré dans
l'esprit de la communauté de Kpomassèque les déchets
enfouis dans la terre par les porcs grâce à leurs troncs
enrichissent la terre. Les potagers qui sont tout autour de la maison trouvent
de fertilisants dans ce geste fatal des porcs et sont traités avec les
cendres de la cuisine puis nourris des excréta des animaux
domestiques.Les autorités locales malgré leur niveau
d'instruction sont très acquis à cette solidaritéce qui
fait qu'elles ne se sentent pas obligées d'appliquer les
règlementations en vigueurs ou d'élaborer des lois
répressives pour garantir la gestion efficiente des déchets.A
Kpomassè, les excréta, les résidus de maïs et autres
déchets biodégradables sont recyclés par la terre c'est un
acquis culturel chez toutes les communautés. Elles disent
que:«la terre s'occupe déjà de la gestion des
déchets pour elles alors, il ne saurait exister encore de déchets
pour lesquels il faut payer l'enlèvement».A Kpomassè
quand les communautés disent «Odun», elles font
allusions à tous les déchets sans distinction entre solides
ménagers, biomédicaux et industriels.Les dépotoirs
sauvages sont désignés sous la dénomination
«Odun-ta», ces derniers reçoivent les déchets
et les excréta issus des activités quotidiennes des
communautés de Kpomassè. «Nukãm? ou
adaa»chez les sahouè correspond à excréta et les
latrines quel que soit la forme sont
appelées«adaado». Tous ceux-ci sont perçus
comme une source d'amendement des terres et d'additifs à
l'équilibre de la végétation.Lescommunautés de
Kpomassè ont appris de leur culture des pratiques qui sont
interprétées de moins hygiéniques par l'observateur de
l'extérieur mais acceptées de toute la communauté.
Déféquer dans les latrines dans cette communauté est
perçu comme une violation de la symbiose qui existe entre les hommes, la
terre, les animaux et lesvégétaux. Les excréta qui sont
déposés sur le sol sont issus des aliments consommés par
l'homme et il se doit de les retourner à la terre qui les lui fournit
pour la reconstitution de cette dernière. Pour ces communautés,le
système cosmique gagne plus à transformer ses propres
déchets que l'homme paye pour son enlèvement. Cet
enlèvement constitue pour les communautés un frein, un choc
à la solidarité et requiert un coup financier; il est alors
préférable de laisser la terre s'en occupé. La culture de
Kpomassè est si ancrée dans le subconscient des acteurs sociaux
qu'elle a formaté les habitudes des communautés de telle sorte
que les latrines sont abandonnées ou transformées en magasin au
profit de la brousse et des dépotoirs sauvages.La terre au-delà
du recyclage des déchets essentiels pour sa reconstitution joue un
rôle important dans les rituels de la divinité sakpata qui est le
dieu de la terre. Tout comportement qui tend à rompre cette harmonie qui
existe entre l'homme et la terre provoque la colère de ce dieu. Les
conséquences de cette colère sont les maladies et
l'appauvrissement des terres or l'enlèvement des déchets pour des
lieux lointains est un des comportements qui participent de la rupture de cette
harmonie. Les communautés de Kpomassèsont attachées
à la culture de la solidarité, à l'équilibre du
système cosmique dans lequel elles vivent. Pour ces faits, elles
préfèrent adopter les pratiques culturelles et non celles
capitalistesde gestion des déchets dans l'hygiène et
l'assainissement de leur environnement.
En somme, les représentations sociales faites des
déchets, de l'environnement et même les politiques adoptées
par les autorités de la commune de Kpomassè sont des facteurs qui
expliquent la gestion anomique des déchets. Ainsi la première
hypothèse de cette recherche est confirmée.
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