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La participation politique dans les bidonvilles. Les cas de Newton-aéroport et de New-bell Douala.

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par Raouto Crazzilli NANTCHA
Université de Douala - MASTER II- DEA Sociologie  2015
  

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TROISIEME PARTIE :

LES RAISONS ET LES CAUSES DE CETTE FAIBLE IMPLICATION DE LA POPULACE DANS LA GESTION DE LA CHOSE PUBLIQUE

Dans la partie précédente, nous avons épilogué sur la conception qu'ils avaient de la politique et de la participation politique. Ce qui a été possible à travers une analyse de la socialisation politique et la culture politique dans ces milieux. Nous permettant ainsi de toucher du doigt les différentes formes de participation qui sont les leur  ainsi que le niveau d'implication qui s'en dégage. D'où nous avons pu constater qu'ils n'étaient pas suffisamment impliqués dans la gestion de la chose publique. C'est donc ce dernier aspect qui est la raison d'être de cette partie, puisqu'elle aura pour objectifs de ressortir les raisons de cette faible implication politique (I) ainsi que ses causes (II).

CHAPITRE CINQUIEME :

LES RAISONS DE CETTE INSUFFISANTE IMPLICATION POLITIQUE DE LA POPULACE

En recherchant les raisons, nous voulons étudier les motifs de leur faible investissement dans la participation politique. Pour ce faire, voyons la place de la compétence politique, des partis politiques et la désaffection pour la politique.

5-1- LA NOTION DE LA COMPETENCE POLITIQUE ET LA FAIBLE IMPLICATION POLITIQUE DE LA POPULACE

A la question de savoir qu'est-ce que la compétence politique100(*), il faut d'emblée noter que ce terme est d'utilisation plus fréquente en France que dans le monde Anglo-saxon, où son usage ne s'est imposé qu'assez récemment. Totalement absent des premiers écrits de converse, la notion de compétence politique s'est longtemps vue préférée, celle de « connaissance » ou de sophistication politique101(*). Pour DelliCarpini et Keeter102(*), il est essentiellement question de savoir politique (politicsknowledge) ou de citoyen informé (informedcitizen) comme pour mettre ici au devant deux concepts : celui de « réquisits » et de « responsabilité ».

Cette notion revêt deux dimensions à savoir :

- Une dimension cognitive : c'est-à-dire à une connaissance approfondie et ;

- Une dimension politique : qui est cette connaissance approfondie, reconnue, qui confère le droit de juger ou de décider en certaines matières.

Cette notion nous fournit un axe de compréhension de la faible implication de la population, sous deux axes : d'abord celui de l'implication politique et celui du défaut de culture politique.

5-1-1- L'incompétence politique

Afin de mieux comprendre pourquoi nous la mobilisons comme raison, marquons un arrêt sur la conception que Bourdieu Pierre (1979) a de la compétence politique ou de l'incompétence politique. Cet auteur construit sa vision sociopolitique à partir de sa notion de champ politique qu'il définit comme étant :

« Le lieu où s'engendrent, dans la concurrence entre les agents qui s'y trouvent engagés, des produits politiques, problèmes, programmes, analyses, commentaires, concepts, évènements, entre lesquels les citoyens ordinaires, réduits au statut de « consommateurs » doivent choisir. »103(*)

Pour cet auteur, la faculté de bien juger dépend directement des conditions sociales dans lesquelles évoluent l'individu et sa capacité à accéder à une action rationnelle, elle dépend aussi des dispositions sociales héritées (habitus), qui est là, un à priori à la compréhension du politique chez Bourdieu.

C'est cette remise en cause du rationalisme abstrait qui le conduit à poser la question de la compétence politique qu'il définit comme étant la capacité à reconnaitre une question politique et d'y répondre à partir des principes proprement politique. En d'autres termes, c'est la capacité de passer d'une expérience personnelle à un problème d'ordre plus général ou encore, de faire d'un cas particulier l'exemple d'une loi universelle.

Cependant, il relève que tout le monde est loin d'être capable d'une telle montée en généralité. En effet, comme le disait Jérôme Lafargue104(*)(1996), dans les bidonvilles, la conscience des intérêts communs est souvent brisée par l'autonomisation des stéréotypes individuels et par la dépendance. Dans nos deux quartiers, les habitants n'agissent pas de façon unie et cohérente, puisque leur pauvreté aux causes multiples entravent l'esprit de mobilisation. De plus, pour accéder à la parole politique, il faut se sentir capable et autorisé à le faire, puisque la compétence politique n'est pas universelle. Elle dépend directement du capital culturel de chaque individu, hérité de sa famille ou transmis par l'école. Bref, plus la compétence scolaire est élevée, plus l'individu a des chances d'accéder au discours politique. Cependant, la compétence scolaire chez Bourdieu est liée au milieu social d'origine ; ainsi, les compétents en matière de politique sont l'élite culturellement et socialement dominant. Ce qui rejoint déjà cette pensée d'Annick Percheron selon laquelle :

« L'acquisition d'une compétence savante et souvent formelle, la familiarisation avec certains mécanismes de participation pour les enfants des milieux privilégiés et les élèves en bonne situation scolaire ; l'apprentissage, en revanche, par les enfants des milieux défavorisés en mauvaise situation scolaire, de situation d'inégalités et de moyens anomiques de contester un système qui les relègue »105(*).

Ainsi, dans les bidonvilles, leur faible investissement dans la chose publique est dû au fait qu'ils aient un manque de normes, de valeur et de repères politique. Qu'ils auraient pu acquérir si la déperdition scolaire n'était pas importante dans ces milieux. Aussi si la famille n'excluait pas de leurs discussions avec leurs enfants le domaine politique, comme nous confia Grégoire de New-Town III :

«  Nous discutons avec nos enfants, mais rarement de politique »

Rejoignant ainsi Percheron qui relevait que c'est un sujet tabou tout comme la sexualité.106(*)

En outre, Bourdieu dans son interprétation de la compétence politique, distingue les professionnels et les profanes de la politique. En fait, pour entrer dans cette arène, il faut posséder une compétence bien spécifique, car il ne suffit pas d'être compétent politiquement (être autorisé et capable d'émettre un jugement politique), il faut également posséder un habitus politique (histoire politique, sciences économiques, thèmes politiques et un langage particulier) et ce qui est donné par certaines institutions (système scolaire et par l'Etat). En d'autres termes, Pierre Bourdieu relève ici que le champ politique serait équivalent au champ social. Dès lors, on retrouve dans le champ politique les inégalités que l'on retrouve dans d'autres champs108(*). C'est ainsi qu'il il existe des dominants (élites, professionnels, représentants) qui conduisent les autres, les meneurs politiques et des dominés (profanes, les exécutants) qui suivent, dans le sens de Sieyes109(*)(1748):

« La plupart de nos concitoyens n'ont ni l'instruction, ni les loisirs nécessaires pour vouloir décider eux-mêmes des affaires publiques. Leurs avis est donc de nommer des représentants beaucoup plus capables qu'eux-mêmes de décider »

C'est également ce que cette femme ménagère relève

« La politique appartient à ceux qui l'exercent dès le début d'une carrière, par exemple les politiciens : la politique aux politiciens... »

Cette conception apparente le champ politique à un marché politique où se rencontre l'offre apportée par les professionnels et la demande exprimée par les profanes qui sont des consommateurs. En effet, dans les bidonvilles, les habitants n'évoquent la chose politique qu'au moment des élections car estiment qu'ils ne savent comment faire après cet évènement.

Bourdieu soutient également que le fait de participer à la politique est lié plus ou moins à un vif sentiment de compétence (sentiment d'incompétence renvoie à l'incapacité des citoyens à entrer dans les catégories de jugement et d'expression qui leur sont imposés) ; ainsi, plus on se sent compétent plus on participe. Mais lorsque se sentiment est absent, le citoyen exprime son impuissance et s'exclue de la politique.

Notons au finish, que les habitants des bidonvilles ne s'investissent pas fortement dans la politique en raison d'un sentiment d'incompétence que la majorité a en matière politique. Ceci en raison des habitus ou dispositions qu'ils ont acquis de leurs parents à travers la faible socialisation politique de la famille et du faible niveau scolaire corrélé à la déperdition scolaire. Ce qui entraine un défaut de culture politique. Car comme le disait Paul Lazarsfeld110(*)(1948):

« Les individus pensent politiquement comme ils sont socialement »

Ce qui nous amène à analyser la place de la culture politique dans cette faible implication.

* 100Elkins (Stephen), Soltan (Karol), citizen competence and democratic institutions, 1998

* 101 Neumann (Russel), The Paradox of Mass Politics: knowledge and opinion in the American electorate, 1987

* 102Carpini (Michael Delli), Scott keeter, What Americans Know about Politics and Why it Matter, 1996

* 103 Bourdieu (Pierre), La Distinction, Critique Sociale du Jugement, Ed de Minuit, 1979

* 104 Lafargue (Jerome), Contestations Démocratiques en Afrique : sociologie de la représentation au Kénya et en Zambie, Karthala, Paris, 1996

* 105 Percheron (annick), op.cit. 1985 p. 217

* 106107 Ibid. p.226

* 108 www.cours-de-droit.net, le 20 OCTOBRE 2014

* 109Sieyes (Emmanuel), Qu'est-ce que le Tiers-Etat ?

* 110Lazarsfeld (paul) et alii, The People's Choice, 1948

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984