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Le processus de légitimation du jeu vidéo


par Germain Bridoux
Sciences-po Lille - M2 - Stratégie et Communication des Organisations 2019
  

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CONCLUSION

Tout d'abord, le jeu a été analysé et défini. Son évolution en tant qu'objet et en tant que pratique a été expliquée. Nous avons vu que les logiques à l'oeuvre dans le processus de création font état d'une spécificité. Le jeu vidéo est à la fois une nouvelle pratique et un nouveau medium qui se fonde sur des concepts et préoccupations différentes des autres arts ou objets culturels. Ces spécificités ont permis l'évolution du jeu vidéo d'un « loisir de garage » à « objet d'étude. Dans les années 1980-1990, un phénomène naît et le jeu vidéo dépasse le cadre qui lui était au départ attribué : il devient une pratique créative. Celui-ci est alors lié à l'art et au débat autour de sa légitimation. La question de la légitimation regroupe plusieurs acteurs et plusieurs enjeux. Les acteurs gravitent tous autour du jeu vidéo et ont des intérêts parfois convergents, parfois divergents. La plus grande convergence de ces intérêts se fait autour d'un espoir de légitimation. Force est de constater que tous ces acteurs forment un bloc qui travaille de fait à la reconnaissance du jeu vidéo. La dynamique qui est lancée par les joueurs, la presse spécialisée, les créateurs ou les éditeurs est une dynamique d'évolution, qui permet au jeu vidéo de se construire à long terme. Même si la raison de cette volonté diffère selon les acteurs, la finalité reste la même : le jeu vidéo est en voie de légitimation. Elle est possible grâce à la spécificité de celui-ci : c'est une nouvelle méthode de création avec un vocabulaire et des instruments propres : la programmation, le gameplay, le gamefeel. La spécificité est un prérequis obligatoire. Elle permet à une nouvelle pratique de ne pas être rattachée à un autre art. Pour ne pas devenir un sous-champ d'un art qui la précède chronologiquement, un medium doit pouvoir prouver qu'il est un nouveau moyen de création. Dans ce cas, la théorisation d'un nouveau medium est primordiale : elle l'inscrit dans le champ de la recherche et permet l'apparition d'une avant-garde qui transforme les codes de production et de compréhension.

Or, cette voie de légitimation s'apparente à un parcours bien défini. Si le jeu vidéo a suivi ce parcours qui va de ses origines à sa reconnaissance grâce à sa spécificité, pouvons-nous appliquer celui-ci à une autre pratique ? A un autre art ? Il semblerait que le cinéma ait suivi un tracé similaire. Le cinéma a émergé en tant que loisir populaire. Sa reconnaissance par

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l'Intelligentsia en tant que forme d'expression valable l'a placé sur la voie de sa légitimation. L'industrie s'est alors séparée en deux parties : une partie qui produit des films populaires et une partie qui produit des films acceptés et reconnus par les catégories sociales avec un capital culturel plus fort. Tout ce qui est considéré comme populaire est rejeté et ne sera pas perçu comme artistiquement légitime. L'industrie devient bicéphale, une partie des films cherche la création artistique, adoubée par les élites tandis qu'une autre recherche le ludique, désavoué par la critique. Ce phénomène est également observé dans le jeu vidéo. Une partie des jeux est étudiée par les chercheurs ou par les défenseurs de l'esthétique, une autre est considérée comme présentant peu d'intérêt (voire considérée comme abrutissante). Cette polarisation entre « le bon goût » et le reste permet d'avoir une partie des jeux vidéo qui sont considérés comme acceptable par les instances et groupes de légitimation. Se met alors en place une analyse prescriptive du jeu vidéo qui consiste à séparer les bons objets des mauvais. Cette séparation morale et subjective a peu de sens, elle est simplement le fait d'une opposition entre populaire et légitime.

En ce sens, nous pouvons constater que la légitimation semble être un processus automatique. Nous avons tenté de la séparer en six étapes distinctes : l'émergence d'une nouvelle pratique, le gain en popularité, la reconnaissance de la spécificité, l'institutionnalisation et la création d'une communauté, la polarisation et enfin l'acceptation de la légitimité artistique. Le passage d'une étape à l'autre est un phénomène de cause à effet. La nature automatique du parcours de légitimation nous a invités à une tentative de compréhension globale du phénomène : si le processus est automatique, une nouvelle pratique a-t-elle besoin de légitimation ? Perçu sous cet angle, le parcours de légitimation prend un autre sens : il serait la résultante des rapports de domination analysés par la sociologie de la culture. Dans une perspective populiste, la légitimation d'un art serait une réhabilitation de la culture populaire. Dans une perspective misérabiliste, le processus de légitimation reviendrait à considérer « la culture du pauvre comme une pauvre culture ». La culture dominée (ou la pratique en voie de légitimation) serait dans l'attente de légitimation par les dominants.

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Il serait intéressant de se pencher sur les implications et les réalités d'une telle théorie. Il faudrait pour cela s'intéresser plus en profondeur au phénomène de « polarisation » à l'oeuvre quand une pratique s'engage dans la voie de la légitimation. Ce travail de recherche fait état de l'évolution du jeu vidéo et de son entrée dans le processus de légitimation qui peut servir de prérequis à une analyse poussée entre la culture vidéoludique populaire et d'Elite. La théorie de la légitimation comme processus de redéfinition d'une pratique avec des codes de la classe dominante n'est pas nouvelle, elle a déjà été développée dans des analyses sur la culture. Pourtant, elle pourrait également servir dans le champ de la recherche sur l'art. Ce champ est séparé entre des recherches philosophiques sur l'esthétisme et des recherches sociologiques sur la culture des groupes sociaux. Il est possible d'imaginer de nouveaux travaux sur le septième, huitième, neuvième, dixième (onzième, douzième...) art qui ferait état d'un changement de définition.

S'intéresser à l'art comme à une « pratique qui suit un processus de légitimation » signifierait repenser les rapports entre l'art et les groupes sociaux. Bien sûr, une telle approche nécessiterait de plus amples recherches. D'abord, il serait intéressant de s'intéresser à la pratique élitiste du jeu vidéo. Ceci requiert une analyse sociologique poussée qui reprendrait les distinctions sociologiques entre dominants et dominés. Si il y a bien une polarisation de la pratique, nous pourrions déterminer si il y a des jeux légitimes et d'autres qui ne le sont pas, et déterminer s'ils servent de moyen de distinction des classes dominantes. Ensuite, une étude approfondie du parcours des futurs arts (en ce moment, un débat cherche à déterminer si la gastronomie aurait sa place en tant que douzième art) servirait à éprouver notre hypothèse de parcours de légitimation. Enfin, une recherche sur la consommation de l'art pourrait servir à comprendre la transformation de définition de l'art qui s'opère, entre les anciennes définitions sur l'esthétisme et les nouvelles définitions sociologiques.

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway