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Conflits hommes-faune sauvage en Inde du sud: déterminants spatiaux et socioculturels


par Paul Badaire
Le Mans Université - Master Gestion des Territoires et Développement Local 2018
  

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1.6. Les conflits hommes-animaux en périphérie de l'Aralam Wildlife Sanctuary

Bien que les études sur les conflits hommes-animaux sauvages dans les pays en développement, et leurs corrélats socio-écologiques, se multiplient, il existe néanmoins un fort biais sur l'Afrique et les éléphants (Graham et al., 2010; Guerbois et al., 2012; Hoare, 1999; Kamau, 2017; Sitati et al., 2005). Les dégradations agricoles par les animaux sauvages en Asie sont relativement peu étudiées (Karanth et Kudalkar, 2017; Linkie et al., 2007), alors que les densités de populations plus élevées augmentent les risques.

En Inde, malgré une densité démographique imposante et des conflits hommes-animaux associés importants, la tolérance envers de nombreuses espèces est élevée grâce au contexte religieux et culturel, et les représailles létales sont rares (Karanth et al., 2013). Cependant, les populations habitants en proximité des AP subissent des dommages majeurs, que ce soit directement par les prédations d'animaux domestiques ou les dégâts agricoles et indirectement sur le bien-être et la sécurité alimentaire (Barua et al., 2013). Étant pour beaucoup dépendants

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des ressources forestières, la restriction de l'accès à ces AP peut de plus renforcer les vulnérabilités des habitants et par conséquent accroître les conflits avec les autorités forestières (Lenin et Sukumar, 2008). Officiellement, la politique de conservation indienne vise à intégrer les parties prenantes locales, mais la mise en oeuvre pratique demeure très inégale (Ogra, 2008).

L'Aralam Wildlife Sanctuary (AWS) est une petite aire protégée de catégorie 4 de l'Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) de 55 km2 située au sud de l'Inde. Les lisières de l'AWS se confondent globalement avec la démarcation entre forêts et sociétés humaines (sauf pour les frontières contigües à d'autres AP et pour un tronçon de 1,5 km à l'ouest). L'accès y étant interdit pour les habitants, et cette interdiction globalement respectée, la grande majorité des conflits hommes-faune sauvage se déroule dans les aires humaines. Ils concernent principalement les herbivores : majoritairement macaques, sangliers, éléphants et sambars (grands cervidés). Les dommages causés sont en grande partie agricoles, bien que les confrontations physiques soient en augmentation (3 personnes sont mortes en 2017 à cause d'éléphants). Les dommages matériels sont minimes, ainsi que les cas de prédation d'animaux domestiques (5 en moyenne par an sur les 5 dernières années). La chasse et toutes mesures pouvant menacer l'intégrité physique des animaux sauvages sont prohibées par le gouvernement. Dans la pratique, il n'y a que peu de cas de braconnage, à la fois pour des raisons culturelles et pratiques (dénonciations courantes). En Inde, les animaux sont souvent associés au religieux et la tolérance est relativement élevée par rapport à d'autres régions du monde (Karanth et al., 2008; Sukumar, 1994).

Les conflits sont donc principalement le fait d'herbivores. Les sources d'eau sont nombreuses dans l'AWS, mais cette dernière étant exclusivement une forêt dense, l'absence de prairie amène les herbivores à chercher des espaces ouverts de pâturages disponibles à l'extérieur. Les limites de l'AWS ne correspondent donc pas à la zone vitale des animaux sauvages l'habitant. Ces conflits apparaissent ainsi essentiellement quand les herbivores sont à la recherche de nourriture hors de l'AWS.

L'ouest de l'AWS, dont j'habite à une douzaine de kilomètres, correspond à l'endroit le plus conflictuel de l'aire protégée et du district de Kannur selon Mr. Rajan, responsable de la division forestière de Kannur. Cette partie est, de plus, habitée par des populations particulièrement vulnérables et ayant peu de moyens pour faire face à ces conflits. Cet espace est une ancienne ferme gouvernementale de 5000 hectares. En 2004, la moitié a été conservée comme ferme gouvernementale, l'Aralam Farm. La seconde moitié, la zone du Programme de Réhabilitation des Adivasi (PRA), a été réservée dans le cadre d'un programme de distribution

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de terres aux peuples autochtones à tradition forestière ; ces derniers ayant perdu progressivement leurs territoires à cause de la réduction de la surface forestière et de l'implantation d'aires protégées. Chaque famille a reçu 4000 m2 de terre pour cultiver et construire une maison. Alors que la culture de ces parcelles était supposée fournir un moyen d'autonomisation financière et alimentaire pour ces familles, les incursions animales en limitent la possibilité d'atteindre cet objectif.

La gouvernance de l'AWS et des conflits hommes-animaux est exclusivement aux mains des gestionnaires de l'AWS. Dans la lignée des directives du gouvernement indien visant à plus intégrer les communautés locales dans la gestion des AP, trois Comités d'Écodéveloppement (EDC) ont été mis en place. Ces EDC n'ont cependant qu'un petit rôle à jouer dans la gestion de l'AWS. Ils servent simplement de relais entre les gestionnaires et les habitants pour mettre en place plusieurs programmes d'aides, comme la distribution de cuisinières au gaz ou l'offre d'emplois à la journée. Les gestionnaires ont néanmoins développé le programme d'écotourisme du parc en s'appuyant principalement sur les EDC. Le tourisme est cependant principalement limité à des groupes d'écoliers des environs.

La démarcation entre l'AP d'Aralam et les espaces utilisés par les humains est abrupte. Il n'y a pas de zone tampon. Ceci renforce les incidences de conflits. La vulnérabilité des habitants en périphérie rend la situation particulièrement problématique, et accroît la précarité des résidents. Cependant, aucune étude n'a été effectuée sur ce terrain spécifique sur les conflits hommes-animaux.

En outre, la dimension spatiale est souvent étudiée de manière peu rigoureuse dans les études sur les conflits hommes-faune en Inde (Karanth et al., 2012). La complexité de la dimension humaine des conflits influe, de plus, sur la capacité des acteurs locaux à partager leurs espaces avec les espèces animales sauvages et est souvent mésestimée. En Inde, le lien entre le contexte socio-spatial, et notamment les biais du sexe et des relations intracommunautaires, et les attitudes envers les actions de conservation sont encore peu étudiés (Ogra, 2009). Plusieurs études se concentrent sur les perceptions des méthodes de compensation gouvernementales (Karanth et al., 2012; Rohini et al., 2017). Les autres études sur les attitudes envers la conservation (Carter et al., 2014; Mir et al., 2015; Ogra, 2009) ont plus été effectuées dans la région himalayenne, aux caractéristiques socio-culturelles très différentes.

Étant donné l'importance des caractéristiques spécifiques du système socio-écologique étudié pour l'étude des conflits hommes-faune sauvage, l'étude de la dimension sociale et de la

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dimension spatiale est nécessaire pour mieux comprendre les conflits hommes-faune sauvage sur ce terrain et proposer des solutions adaptées selon les situations.

Ce mémoire cherchera donc à mieux comprendre les conflits hommes-animaux sauvages à l'ouest de l'AP d'Aralam et leurs déterminants spatiaux et sociaux, afin de proposer des pistes de solutions pour promouvoir la cohabitation entre les hommes et la faune.

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry