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La pisciculture dans l'arrondissement de Fokoué (ouest Cameroun). Contribution à  l'anthropologie du développement.

( Télécharger le fichier original )
par Fabrice NEMPE MANGOUA
Université de YaoundeI - Master 2010
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITE DE YAOUNDE I

************

FACULTE DES ARTS, LETTRES ET

SCIENCES HUMAINES

************

DEPARTEMENT D'ANTHROPOLOGIE

THE UNIVERSITY OF YAOUNDE I

************

FACULTY OF ARTS, LETTERS AND

SOCIAL SCIENCES

************

DEPARTMENT OF ANTHROPOLOGY

La pisciculture dans l'arrondissement de Fokoué (Ouest Cameroun): contribution à l'anthropologie du développement

Mémoire présenté et soutenu en vue de l'obtention du Master en Anthropologie

Spécialisation : Anthropologie du développement

Par :

Fabrice NEMPE MANGOUA

Licencié en Anthropologie

Sous la direction de :

Godefroy NGIMA MAWOUNG

Maître de conférences

Novembre 2010

A la famille MANGOUA

1. REMERCIEMENTS

La réalisation de ce travail n'aurait été possible sans l'encadrement et le soutien de personnes que nous ne remercierons jamais assez. Il s'agit de :

Ø Notre Directeur de mémoire, le Dr. Godefroy NGIMA MAWOUNG qui, en dépit de ses nombreuses responsabilités, n'a ménagé aucun effort dans le suivi de ce travail.

Ø Le Chef de Département d'Anthropologie, le Professeur MBONJI EDJENGUÈLÈ

Ø Le Directeur de l'ESSTIC, le Professeur Laurent Charles BOYOMO

Ø Les enseignants pionniers du Département d'Anthropologie : Pr. Paul NKWI NCHOJI, Dr. David NKWETI, Dr. Luc MEBENGA TAMBA, Dr. Célestin NGOURA, Dr. Antoine SOCPA, Dr. Flavien NDONKO, dont les enseignements, depuis les années antérieures, nous ont fourni les bases de l'anthropologie.

Ø Leur postérité académique, Dr. AWAH KUM, Dr. Ignace Bertrand NDZANA, Dr. Paul ABOUNA, Dr. Innocentia AWOH, Mme Antoinette EWOLO NGAH, M. Paul OTYE ELOM, M. Charles AOUDOU

Ø Dr. Olivier MIKOLASEK, Dr. Victor POUOMOGNE et Dr. Minette TOMEDI-EYANGO de l'université de Dschang, pour leurs critiques constructives.

Ø Monsieur Jean Marie ESSOMBA, qui a guidé nos premiers pas dans l'enquête de terrain, et dont les précieux conseils ont permis de peaufiner ce travail.

Ø Tous nos informateurs, en particulier M. Antoine MO'O TETSOPGANG TILAA, pour son hospitalité et sa disponibilité.

Ø Mes chers parents, Sébastien Léopold MANGOUA et Dorette Chantal PONE, mes frères Hermann TCHUINTE, Igor WANKO et Cyrille CHAKAM, qui m'ont toujours soutenu et encouragé dans toutes mes entreprises.

2. ACRONYMES

AFNOR: Association Française de Normalisation

CELY: Comité d'Etude de la Langue Yemba

CEREHT : Centre de Recherche sur les Hautes Terres

CIRAD: Centre International de Recherche Agricole en Développement

COPIFOPEM: Collectif des Pisciculteurs de Fokoué et Penka-Michel

EVAD : Evaluation de la Durabilité

GIC: Groupe d'initiative Commune

IRAD: Institut de Recherche Agricole pour le Développement

MINADER: Ministère de l'Agriculture et du Développement Rural

OCHA : Observatoire Cidil de l'Harmonie Alimentaire

PIC : Pisciculture Intensive Camerounaise

PNUD : Programme des Nations Unies pour le Développement

PROPELCA : Projet Opérationnel Pour l'Enseignement des Langues du Cameroun

REPARAC : Renforcement des Partenariats dans la Recherche Agronomique au Cameroun

SIL : Société Internationale de Linguistique

3. SIGLES

AVZ : Agents de Vulgarisation de Zone

DSCN : Direction de la Statistique et de la Comptabilité Nationale

FAO: Food and Agriculture Organization

IITA: Institut International d'Agriculture Tropicale

ONG : Organisation Non Gouvernementale

PCP : Pôle de Compétence en Partenariat

PIB : Produit Intérieur Brut

PNVRA : Programme National de Vulgarisation et de Recherche Agricole

PSSA : Programme Spécial pour la Sécurité Alimentaire

PVCOC : Projet pour une Pisciculture Villageoise rentable dans les régions Centre et Ouest Cameroun

SPSS: Statistical Package for Social Sciences

WFC: World Fish Center

4. LISTE DES CARTES

Titres Pages

Carte 1 : localisation de l'arrondissement de Fokoué

Carte 2 : localisation du département de la Menoua dans la Province de l'Ouest

5. LISTE DES PHOTOS

Photo 1 : un silure (Nempe F. 2008)

Photo 2 : un tilapia (Nempe F. 2008)

Photo 3 : une carpe (Nempe F. 2008)

Photo 4: un « kanga » (Nempe F. 2008)

Photo 5 : un étang à moitié plein (Nempe F. 2008)

Photo : une séance de pêche à la senne (Nempe F. 2008)

Photo 7 : une séance de pêche par la capture à mains nues (Nempe F. 2008)

Photo 8 : une récolte de silure (Nempe F. 2008)

Photo 9 : une récolte de carpe (Nempe F. 2008)

Photo 10 : une récolte de tilapia (Nempe F. 2008)

Photo 11 : une récolte de « kanga » (Nempe F. 2008)

Photo 12 : Deux pisciculteurs dans une livraison de « kanga » à domicile (Nempe F. 2008)

6. LISTE DES FIGURES

Figure 1 : Paradoxe de l'homnivore selon Paul Rozin 1976)

Figure 2 : Déterminants du prix du poisson d'eau douce élevé

Figure 3 : Déterminants de l'offre de poisson d'eau douce élevé

Figure 4: influence des croyances des consommateurs sur le développement de la

Pisciculture

7. LISTE DES GRAPHIQUES

Graphique 1 : Caractéristiques des personnes interrogées par sexe et par âge

 

Graphique 2 : Distribution de la population d'étude selon les raisons de la consommation du poisson

 

Graphique 3 : Distribution de la population d'étude selon les préférences dans les types de poisson d'eau douce élevé

 

Graphique 4 : Distribution de la population d'étude selon les préférences liées à la texture de la chair du poisson

 

Graphique 5 : Distribution de la population d'étude selon les préférences liées à état souhaité du poisson au moment de l'achat

 

Graphique 6 : Distribution de la population d'étude selon la nature de la relation consommateur/producteur

 

Graphique 7: Distribution de la population d'étude selon la préférence du lieu d'achat souhaité du poisson

 

Graphique 8 : Distribution de la population d'étude selon les critères de choix du poisson d'eau douce élevé

 

Graphique 9 : Distribution de la population d'étude selon les raison du premier achat de poisson d'eau douce élevé en milieu urbain

 

Graphique 10 : Distribution de la population d'étude selon les raison du premier achat de poisson d'eau douce élevé en milieu rural

 

8. LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1 : Inventaire des pisciculteurs et des étangs - sources : Rapports d'activités annuels des Délégations régionales du MINEPIA, et IRAD / WorldFish Center 

Tableau 2 : Résultats de l'analyse financière de quelques systèmes de pisciculture commerciale (source : FAO/TCP/CMR/3103)

Tableau 3 : fréquences sur les raisons de consommation du poisson

 

Tableau 4 : fréquence sur les préférences des consommateurs selon le type de poisson

 

Tableau 5 : fréquences sur les préférences liées à la texture de la chair du poisson

 

Tableau 6 : fréquences sur l'état souhaité du poisson au moment de l'achat

 

Tableau 7 : fréquences sur les relations entre consommateurs et producteurs

 

Tableau 8 : fréquences sur le lieu d'achat souhaité du poisson

 

Tableau 9 : fréquences sur les critères de choix des consommateurs

 

Tableau 10 : des fréquences sur les critères de différenciation entre le poisson d'eau douce et le poisson de mer établi par les consommateurs

 

Tableau 11 : fréquences sur les raisons du premier achat en milieu urbain

 

Tableau 12 : fréquences sur les raisons du premier achat en milieu rural

 

Tableau 13 : liste des informateurs (agro-pisciculteurs)

 

9. TABLE DES MATIERES

REMERCIEMENTS ii

ACRONYMES iii

SIGLES iii

LISTE DES CARTES iv

LISTE DES PHOTOS iv

LISTE DES FIGURES iv

LISTE DES GRAPHIQUES v

LISTE DES TABLEAUX v

RESUME xiii

ABSTRACT xiv

INTRODUCTION 1

1. LE CONTEXTE 1

2. LA JUSTIFICATION DU CHOIX DU SUJET 3

3. LE PROBLEME 4

4. LA PROBLEMATIQUE 4

5. LES QUESTIONS DE RECHERCHE 6

5.1. La question principale 6

5.2. Les questions secondaires 6

6. LES HYPOTHESES DE RECHERCHE 6

6.1. L'hypothèse principale 6

6.2. Les hypothèses secondaires 6

7. LES OBJECTIFS DE RECHERCHE 7

7.1. L'objectif principal 7

7.2. Les objectifs secondaires 7

8. LA METHODOLOGIE 7

8.1. Méthodes et techniques de collecte des données 7

8.1.1. La méthode qualitative 7

8.1.2. La méthode quantitative 9

8.2. Définition des concepts 10

8.2.1. Pisciculture 10

8.2.2. Développement rural 10

8.3. La revue de littérature 10

8.3.1. Les travaux menés sur la pisciculture et le poisson au Cameroun 10

8.3.2. Des auteurs ayant travaillé sur la pisciculture et le développement rural 11

8.3.3. Le concept d'innovation 12

8.3.4. Anthropologie et innovation 13

8.3.5. Le point sur le changement des habitudes alimentaires 14

8.3.6. Le point sur la notion de rejet alimentaire 15

8.3.7. Le point sur le mangeur humain 16

8.4. Les théories explicatives 16

8.4.1. Le holisme 17

8.4.2. L'individualisme méthodologique. 18

8.4.3. Le paradoxe de  l'Homnivore 19

8.5. Plan de rédaction 22

CHAPITRE I : CADRE PHYSIQUE ET HUMAIN DE L'ETUDE 24

9. Présentation de l'arrondissement de Fokoué 24

9.1. Le milieu physique 26

9.1.1. Le relief 26

9.1.2. Le climat 26

9.1.3. La faune 26

9.1.4. La flore 27

9.1.5. L'hydrographie 27

9.1.6. La pédologie 27

9.2. Le milieu humain 28

9.2.1. Un rappel historique 28

9.2.2. L'organisation sociale 29

9.2.3. La vie politique 30

9.2.4. Le contexte économique 31

9.2.5. Les habitudes alimentaires 31

9.2.6. L'artisanat 33

9.3. Contexte historique de la pisciculture dans l'arrondissement de Fokoué et au Cameroun 34

9.4. Situation actuelle du secteur de la pisciculture 37

9.4.1. Pisciculture en eau douce 37

9.5. Rentabilité économique de la pisciculture 41

9.6. La pratique de la pisciculture à Fokoué 43

9.6.1. Les types de poissons d'eau douce élevés 43

9.6.2. L'espace piscicole : l'étang 46

9.6.3. La nutrition des poissons 47

9.6.4. La pêche 48

9.6.5. Les croyances locales liées à la pisciculture 50

9.6.6. Les mesures préventives 51

9.6.7. Les modes de préparation culinaires 52

CHAPITRE II : MODES DE DISTRIBUTION, DE TRANSFORMATION ET DE CONSOMMATION DU POISSON D'EAU DOUCE ELEVE 53

10. Identification des produits consommés 53

11. Identification des pratiques alimentaires liées au poisson d'eau douce élevé 54

11.1. Les pratiques de distribution 54

11.1.1. La logique marchande 54

11.1.2. La distribution selon la logique non-marchande 55

11.2. Les pratiques d'approvisionnement 55

11.2.1. L'approvisionnement au bord de l'étang 55

11.2.2. L'approvisionnement sur le marché local 56

11.2.3. L'approvisionnement au domicile du pisciculteur 56

11.2.4. L'approvisionnement sur commande 56

11.3. Les pratiques de transformation et de préparation du poisson d'eau douce élevé 56

11.3.1. La transformation 57

11.3.2. La préparation culinaire 57

11.3.3. La prise alimentaire du poisson d'eau douce élevé 58

12. Les prix pratiqués 59

12.1. Les différences liées aux caractéristiques de qualité du poisson 59

12.2. Le moment de la vente 60

12.3. La capacité de négociation de client 60

12.4. Le type de client 60

13. Les déterminants du prix du poisson d'eau douce élevé 62

13.1. Le coût de la production 62

13.2. La politique des prix 63

13.3. La confrontation entre offre et demande 63

14. L'offre de poisson d'eau douce élevé 64

14.1. La disponibilité et la variété 65

14.2. Les caractéristiques du poisson d'eau douce élevé 66

CHAPITRE III : PRESENTATION ET ANALYSE DES STATISTIQUES DESCRIPTIVES SUR LES PREFERENCES ET LES PRATIQUES DANS LA CONSOMMATION DU POISSON D'EAU DOUCE ELEVE 69

15. Analyses descriptives 69

15.1. Définition de quelques variables explorées 69

15.2. Précisions sur quelques modalités de réponses 69

15.3. Caractéristiques des individus enquêtés 70

15.4. Les raisons de la consommation du poisson à Dschang 71

15.5. Les préférences dans la consommation du poisson d'eau douce élevé 72

15.6. Les difficultés liées à la préparation du poisson d'eau douce élevé 73

15.7. Les préférences liées aux aspects organoleptiques du poisson 74

15.7.1. Le goût du poisson 74

15.7.2. La texture de la chaire 74

15.7.3. L' « état » du poisson 75

15.8. La relation entre producteur et consommateur 77

15.9. Les critères de choix du poisson d'eau douce élevé par les consommateurs 79

15.10. Les raisons du premier achat du poisson d'eau douce élevé 81

CHAPITRE IV : ESSAI D'INTERPRETATION SOCIO-ANTHROPOLOGIQUE 84

16. Des facteurs explicatifs de l'intégration problématique de la pisciculture dans les Exploitations Familiales Agricoles 84

16.1. Les facteurs socioculturels ou « holistes » 84

16.1.1. Les habitudes alimentaires 84

16.1.2. L'espace culinaire 85

16.1.3. Les croyances locales 86

16.1.4. La conception endogène et exogène de l'innovation piscicole : des logiques parfois opposées 88

16.2. Les facteurs socio-économiques 89

16.2.1. Le niveau de vie des paysans 89

16.2.2. Le pouvoir d'achat des populations 89

16.3. Les facteurs individualistes 89

16.3.1. Les perceptions liées aux caractéristiques organoleptiques du poisson d'eau douce élevé 89

16.4. « Faire la pisciculture » : Une pratique non objectivable 91

16.5. Le poisson d'eau douce élevé et ses représentations 92

16.6. Un aliment « suspect » 92

16.7. Un aliment identitaire 92

16.8. Un aliment de prestige 93

16.9. Un aliment « bon pour la santé » 93

16.10. Les comportements des consommateurs à l'égard du poisson d'eau douce élevé 93

16.10.1. La composante cognitive 94

16.10.2. La composante affective 94

16.10.3. La composante conative 94

16.11. Des consommateurs néophobes 95

16.12. Des consommateurs néophiles 96

16.13. La construction des représentations liées à la qualité du poisson d'eau douce élevé 96

16.13.1. La composante salubrité 97

16.13.2. La composante nutritionnelle 97

16.13.3. La composante hédoniste 97

16.13.4. La composante relationnelle 98

16.14. Le processus perceptuel des consommateurs 98

16.15. La subjectivité des perceptions 99

16.16. La distorsion de la perception 99

16.17. Le processus d'adoption du poisson d'eau douce élevé par les consommateurs 100

16.18. La construction des préférences alimentaires autour du poisson d'eau douce élevé 100

16.19. L'influence des caractéristiques individuelles 101

16.20. L'influence de la socio-culture 101

16.21. Le poisson d'eau douce élevé : une innovation alimentaire pluridimensionnelle 102

16.21.1. Au niveau de l'aliment 102

16.21.2. Au niveau des techniques de préparation culinaire 102

16.21.3. Au niveau social 102

16.21.4. Au niveau économique 103

16.22. Le poisson d'eau douce élevé : un produit de substitution, une réponse à un besoin 104

16.23. Les moyens d'internalisation du poisson d'eau douce élevé par les consommateurs 105

16.23.1. Le principe de flaveur 105

16.23.2. La familiarisation comme moyen d'internalisation 105

16.23.3. Le rôle des expériences de préparation et de consommation 106

16.23.4. Les relations sociales 106

16.24. La contribution de la pisciculture au développement rural 106

16.25. Accroitre le rôle de la pisciculture dans le développement rural 108

16.26. L'intégration de la pisciculture dans le développement : du niveau rural au niveau national 109

CONCLUSION 110

BIBLIOGRAPHIE 114

ANNEXES 124

10. RESUME

Le présent travail de recherche s'intitule Pisciculture et développement rural dans l'arrondissement de Fokoué : contribution à une anthropologie des moyens de subsistance. Il a pour projet initial de saisir les causes profondes qui inhibent le développement de la pisciculture dans cet arrondissement. Pour ce faire, la question centrale qui sous-tend notre argumentaire se formule de la manière suivante : qu'est-ce qui explique la difficulté des paysans de Fokoué à intégrer la pisciculture dans les Exploitations Familiales Agricoles, malgré les avantages dont elle est pourvoyeuse ? Les réponses à cette question ont fait appel à une démarche aussi bien qualitative que quantitative. Après collecte et analyse des données de terrain, force est de constater que les freins au développement et à la vulgarisation de la pisciculture sont d'abord d'ordre socioculturel. Des habitudes alimentaires à la conception endogène de l'innovation piscicole, en passant par l'espace culinaire et les croyances locales sont autant de facteurs qui font en sorte que la pisciculture tarde à prendre son envol.

Ces freins sont aussi socioéconomiques. Le niveau de vie des pisciculteurs ne permet pas à ces derniers de pratiquer la pisciculture de manière durable, et le faible pouvoir d'achat des populations rend difficile l'accès au poisson d'eau douce élevé. Les déterminants individuels ne sont pas en reste. A travers la vue, le gout et le toucher, les perceptions liées aux caractéristiques organoleptiques du poisson d'eau douce élevé sont à l'origine du désintéressent de nombreuses personnes par rapport à la consommation de ce type de poisson. Par ailleurs, les discours des paysans quant à leur implication dans la pisciculture ne reflètent pas toujours leur comportement, traduisant ainsi l'existence d'autres enjeux, notamment la recherche de financements auprès des institutions de recherche. Un regard parallèle sur ces résultats témoigne de l'élaboration d'un système de représentation dans lequel des individus associent l'élevage de poisson d'eau douce dans leur milieu, à une activité dite « suspecte », invraisemblable. Pour les consommateurs de ce type de poisson, on y associe l'équilibre nutritionnel du corps, l'identité culturelle et du prestige.

D'un autre côté, les données empiriques ont mis en exergue un schéma comportemental où l'on retrouve d'une part, des consommateurs néophobes, pour qui le poisson d'eau douce élevé constitue un danger potentiel par son ingestion et suscite de ce fait méfiance et réticence. D'autre part, on a des consommateurs néophiles, qui trouvent dans le fruit de la pisciculture, un objet de curiosité et un moyen de varier ou d'enrichir leur alimentation. En dernière instance, nous avons pu relever auprès d'autres consommateurs, de façon mesurable, des tendances préférentielles qui accordent de grandes chances au poisson d'eau douce élevé, d'être intégré de manière permanente dans les habitudes alimentaires des consommateurs. Cette possibilité serait alors l'atout majeur pour l'intégration de la pisciculture dans les Exploitations Familiales Agricoles des paysans de Fokoué.

11. ABSTRACT

The title of the present research work is Fish farming and rural development in Fokoué: contribution to an anthropology of the mean subsistence. It has for initial project to understand the deep reasons that inhibit the development of fish farming in this area. In this way, the central question that underlies our argumentation is formulated in the following manner: what explains the difficulty of the peasants of Fokoué, to integrate fish farming in the Agricultural Domestic Exploitations, in spite of the advantages it supplies? The answers to this question called on qualitative and quantitative methods. After collection and analysis of data, strength is to note that obstacles to the development and vulgarization of fish farming are first sociocultural. From food habits to the endogenous conception of the fish farming innovation, passing by culinary space and the local beliefs are as many factors that make so that the fish farming is long in taking its takeoff.

These obstacles are also socio-economic. The poverty of fish farmers doesn't allow them to practice their activity in a lasting manner, and the weak spending power of the populations makes difficult the access to the elevated freshwater fish. The individual determinants are not in rest. Through view, taste and touch, the perceptions linked to the «organoleptic» characteristics of the elevated freshwater fish are to the origin of dismissal of some people in relation to the consumption of that kind of fish. A parallel look on these results reveals the development of a representation system in which individuals associate the raising of freshwater fish in their middle, to the idea of suspicion, of improbability. For the consumers of this type of fish, one associates the nutritional balance of the body, the cultural identity and the prestige.

On another side, empiric data have put in inscription a behavioral diagram where one recovers on the one hand, some neophobic consumers, for who the elevated freshwater fish constitutes a potential danger by its ingestion and causes distrust and reticence. On the other hand, one has neophilic consumers, who find in the elevated freshwater fish an object of curiosity and a means to vary or to enrich their food. In last process, we could raise from the consumers, in a measurable way, some preferential tendencies that grant big odds to the elevated freshwater fish, to be integrated in a permanent manner in the food habits of the consumers. That possibility would be the major asset for the integration of fish farming in the Agricultural Domestic Exploitations of the peasants of Fokoué.

INTRODUCTION

1. LE CONTEXTE

Les moyens de subsistance et d'acquisition des revenus en milieu rural regroupent principalement l'agriculture et l'élevage. Ces activités contribuent de manière significative au développement rural et à la sécurité alimentaire des populations. Seulement, un regard porté sur les conditions de vie de ces populations semble démontrer que le travail agro-pastoral ne suffit pas à améliorer le quotidien. Ce qui amène les paysans à s'intéresser à des activités différentes, voire novatrices et susceptibles de leur apporter des solutions. De ce fait, la pratique d'une nouvelle activité de production dans une société donnée, implique l'introduction d'un produit alimentaire nouveau dans cette société. Ceci nous conduit au concept d'innovation alimentaire. Avant de poursuivre notre propos introductif, il n'est pas inutile de clarifier le concept d'innovation alimentaire, pour mieux circonscrire notre objet d'étude.

Dans son acception la plus simple, l'innovation est une chose, une idée ou un procédé nouveau. C'est l'action d'apporter ou de créer quelque chose de nouveau ou d'agir d'une manière nouvelle. Dans l'ordre de l'alimentaire, il s'agirait pour une communauté de personnes, d'intégrer dans leur système alimentaire un aliment qui n'y figure pas. Une dynamique qui donne lieu également à des mutations plus ou moins visibles dans les modes de préparation culinaires y afférents et l'élaboration d'un système de représentation et des perceptions relatifs à cet aliment.

Vu sous cet angle, l'innovation alimentaire est un phénomène observable dans toutes les sociétés humaines. Au Cameroun, on peut évoquer l'exemple du « kossam » introduit dans les habitudes alimentaires des populations urbaines, dans la ville de Yaoundé (Essomba, 2004). Le cas qui a retenu notre attention et donc celle de l'anthropologie du développement, fait référence au poisson d'eau douce dans l'arrondissement de Fokoué (Dschang).

Parlant du poisson, puisqu'il est au centre de notre étude, il représente une source importante de protéines animales (Delgado et al, 2003, Huang et Bouis 1996). Son importance pour la sécurité alimentaire au Cameroun est essentielle avec plus de 44% des apports en protéines animales, soit 7,6 % des apports en protéines totales et 11% de la consommation alimentaire des ménages (DSCN 1998). C'est un aliment consommé partout dans le monde, car il constitue une source de protéines (17 à 20%) sensiblement identique à la viande. Il apporte aussi une grande quantité de sels minéraux et de vitamines nécessaires à la santé humaine. Une petite quantité de poisson intégrée à une préparation culinaire à base de céréales ou de tubercules, améliore la valeur nutritionnelle du plat. Le manque de protéines animales peut entraîner chez l'enfant par exemple, un déséquilibre physique et intellectuel. Pour toutes ces raisons, il devient bénéfique de consommer du poisson, car il contribue à l'équilibre du corps et jouit d'un intérêt social, culturel et économique. De toutes les catégories de poisson consommable et consommé, celle qui nous intéresse est issue de la pisciculture.

La pisciculture désigne l'élevage des poissons en eaux douces, saumâtres ou salées. Elle est une branche de l'aquaculture qui, elle, est un terme générique renvoyant à toutes les activités de production animale ou végétale en milieu aquatique. Au Cameroun en général et dans l'Ouest du pays en particulier, la pisciculture date de 1948 (Kouam, 2003). Cette activité a pris, au cours de l'année 1952, un départ remarquable en région Bamoun. Le Sultan de Foumban, chef spirituel des Bamoun, donna l'exemple en faisant creuser le premier, un étang au début de cette même année. En avril, il en existait une dizaine, 300 en août, 800 au début du mois d'octobre. Leur nombre continue de s'accroître et dépasse actuellement le millier. Ces résultats n'ont pas manqué d'impressionner les populations voisines (notamment les Dschang) qui, peu portées aux innovations, avaient accueilli avec méfiance en 1951 cette nouvelle activité. Jusqu'à nos jours, la pisciculture demeure une solution pour pallier les importations de poisson congelé et constitue, pour les producteurs, une source consistante de revenus et de protéines de qualité. Elle est donc d'un apport certain pour le développement des populations concernées. D'après Soua et al (2004), la production moyenne tourne autour de 2t/ha par an. Quant à Pouomogne, (1998), le potentiel de production dans les milieux respectant l'environnement est estimé à 20.000 tonnes. La grande partie des produits issus de cette activité est orientée vers l'autoconsommation et le marché rural (Oswald et Pouomogne, 2000). Mais, le Cameroun importe encore le poisson congelé pour un montant moyen de 20 milliards de FCFA par an (WFC, 2003).

Contrairement à l'agriculture, la pisciculture est une activité récemment introduite dans l'arrondissement de Fokoué. Elle n'est pas marquée du sceau de la tradition, mais peut plutôt être considérée comme une innovation. De ce point de vue, le produit qui en ressort, à savoir le poisson d'eau douce élevé, ne fait pas partie des habitudes alimentaires des populations locales. Face à un système de production alimentaire d'un genre nouveau qu'est la pisciculture dans l'arrondissement de Fokoué, ce travail porte son attention sur les paramètres socioculturels qui ne facilitent guère son intégration dans Exploitations Familiales Agricoles des paysans. Cette étude s'inscrit dans le champ de l'anthropologie du développement. En effet, la pisciculture est une activité potentiellement lucrative dans l'arrondissement de Fokoué. Les efforts consentis à travers l'appui de certains organismes et institutions (Coopération Française ; IRAD ; CIRAD ; REPARAC ; Université de Dschang) ont pour objectif de la développer de façon durable dans cette localité. En plus de ses apports sur le plan nutritionnel, elle peut générer des revenus et contribuer ainsi au développement rural. C'est pourquoi ce thème suscite l'intérêt de l'anthropologie du développement. Mais, présentées de cette manière, toutes ces raisons ne suffisent pas à justifier le choix de ce sujet.

2. LA JUSTIFICATION DU CHOIX DU SUJET

· Raison personnelle

Dans la province du Centre où nous résidons, le poisson d'eau douce a toujours fait partie des denrées quotidiennement vendues dans les marchés de la ville. Ils sont très appréciés par les consommateurs et attirent beaucoup de clients, d'autant plus qu'ils se vendent généralement vivants, gage de leur bonne qualité. Pourtant, lors d'un voyage dans la région de Dschang, un fait inhabituel a attiré notre attention. La présence du poisson d'eau douce à l'état vivant sur le marché local a produit un effet contraire à ce que nous avons souvent observé chez les consommateurs du Centre. En effet, à la vue de ces poissons, beaucoup de personnes sont effrayées. Pendant que certains prennent la fuite, d'autres se tiennent à distance pour les observer. Cette attitude a suscité en nous le désir de comprendre comment les individus peuvent réagir et surtout la place qu'ils peuvent accorder à un élément nouveau qui s'introduit dans leur culture.

· Raison scientifique

Notre recherche documentaire relève qu'il existe de nombreux travaux menés sur le thème du développement rural. Cependant, nous nous sommes rendu compte que, ceux-ci s'appesantissent généralement sur l'agriculture, l'artisanat, l'élevage bovin, ovin et l'aviculture. Quant à l'élevage de poisson, qui gagne de plus en plus du terrain, il semble moins susciter l'intérêt des spécialistes du social. Pour cette raison, nous avons souhaité y apporter une modeste contribution, à travers une réflexion sur la pisciculture et le développement rural dans l'arrondissement de Fokoué.

3. LE PROBLEME

Tout individu aspire au mieux-être. Les paysans de l'arrondissement de Fokoué dans le département de la Menoua, ne dérogent pas à ce principe. L'agriculture qu'ils pratiquent traditionnellement et la vente des produits qui en dérivent, leur permettent de résoudre une partie de leurs problèmes quotidiens. Seulement, le niveau de vie de ces populations permet de constater que, l'exploitation vivrière du sol s'avère insuffisante pour améliorer leurs conditions de vie, d'où la recherche de solutions dans d'autres activités génératrices de revenus. A cet effet, le milieu naturel ambiant, notamment la qualité du sol, le climat et la configuration du relief, présentent des caractéristiques propices à la construction des étangs et favorables à l'élevage de poisson. Dans le même sens, l'intervention de l'Institut de Recherche Agricole pour le Développement (IRAD) et de la Faculté des Sciences Agronomiques (FASA) de l'Université de Dschang sur le site, a permis de démontrer un réel potentiel exploitable pour la pisciculture, compte tenu de ses avantages sur le plan économique et nutritionnel. Au vu de tous ces atouts, on se serait attendu à ce que la pisciculture soit considérée comme une manne et soit pratiquée à grande échelle. En outre, le projet de Renforcement des Partenariats dans la Recherche Agricole au Cameroun mis en oeuvre à partir de l'année 2006 visait à encourager et à subventionner la pratique de la pisciculture dans cet arrondissement, à travers  la Construction des Innovations en Partenariat (CIP) : le cas de la pisciculture dans les Exploitations Familiales Agricoles des Hautes Terres de l'Ouest et de la Plaine des Mbos.

Pourtant, malgré le potentiel environnemental, les subventions accordées et les avantages économiques et nutritionnels liés à l'élevage du poisson d'eau douce dans l'arrondissement de Fokoué, l'intégration de la pisciculture dans les Exploitations Familiales Agricoles reste problématique.

4. LA PROBLEMATIQUE

Le développement rural se présente sous divers aspects, mais il est plus particulièrement assimilé au développement du secteur agricole, qu'on considère généralement qu'il est le mieux à même de réduire la pauvreté et garantir la sécurité alimentaire. La pisciculture constitue une composante importante parmi les systèmes de production et d'exploitation agricole. Elle revêt une importance à caractère économique, car la commercialisation du poisson d'eau douce élevé, en tant que produit issu de cette activité, peut permettre à ses praticiens d'accroitre leurs revenus et améliorer leurs conditions de vie.

Outre le revenu, les avantages de la pisciculture dans le développement rural concernent la santé, la nutrition, la réduction de la vulnérabilité et la durabilité de l'exploitation agricole. Selon M. Halwart du département des pêches à la FAO (2005), la pisciculture pratiquée dans le cadre de petits systèmes de production fournit des protéines animales de haute qualité et des acides gras essentiels, des vitamines et des minéraux, surtout pour les groupes vulnérables tels que les femmes enceintes et les mères allaitantes, les nourrissons et les enfants d'âge préscolaire, à des prix qui sont généralement abordables, même pour les segments les plus pauvres de la communauté.

Par ailleurs, à titre d'avantages indirects, il convient de citer la disponibilité accrue du poisson sur les marchés locaux, ruraux et urbains, ainsi que la réduction concomitante des dépenses des ménages grâce à une consommation moindre d'autres produits de l'exploitation constituant des sources de revenu. Eu égard à tous ces atouts, il n'est guère surprenant que la production piscicole ait rapidement progressé depuis les années 1970, et ait été le secteur de production alimentaire ayant connu la croissance la plus rapide dans de nombreux pays depuis près de deux décennies (taux de croissance de plus de 11% par an depuis 1984), Halwart, 2005.

La pisciculture jouit donc d'un intérêt économique et nutritionnel certain, au regard de son rôle dans l'acquisition des moyens de subsistance en milieu rural et de ses apports dans l'alimentation des populations. C'est ainsi que dans d'autres univers culturels lointains, la pisciculture a été introduite et vulgarisée avec succès, notamment en République Centrafricaine (Deceuninck, 1982) et au Sénégal (Diouf, 1990).

Au Cameroun, la pisciculture pratiquée est uniquement celle en étangs et en eau douce (Satia, N.B.P., 1991). Dans l'ouest du pays, plus précisément dans l'arrondissement de Fokoué (Dschang), l'élevage de poisson a été introduit dans le but d'aider les paysans à accroitre leurs revenus. A ces débuts, le produit de la pisciculture était destiné à l'autoconsommation. Il se limitait simplement à une consommation par les familles de quelques producteurs. Mais, en raison des moyens financiers très limités, des techniques d'élevage rudimentaires et des difficultés liées au creusage des étangs, la pisciculture à Fokoué a connu une période d'inactivité. Quelques années plus tard, avec l'arrivée des Peace Corps (ONG américaine), puis la Coopération Française, et d'autres institutions de recherche telles que l'IRAD, le CIRAD et la FASA de l'université de Dschang, les pisciculteurs ont acquis de nouvelles connaissances et techniques leur permettant d'améliorer leur rendement. Aussi, face à des récoltes plus conséquentes, les producteurs (organisés en un GIC) ont décidé de passer d'une pisciculture d'autoconsommation à une pisciculture marchande. Quelque temps après les premières expériences de vente, on a pu observer que les pisciculteurs abandonnaient peu à peu leurs étangs. C'est ainsi qu'on est passé de près de 40 pisciculteurs à moins d'une dizaine. En plus, de nouvelles interventions des ONG et des institutions de recherche n'ont pas suffi à susciter de façon durable, l'intérêt des paysans pour la pisciculture. C'est la situation qui nous a amené à nous poser les questions suivantes :

5. LES QUESTIONS DE RECHERCHE

5.1. La question principale

Qu'est-ce qui explique la difficulté des paysans de Fokoué à intégrer la pisciculture dans les Exploitations Familiales Agricoles, malgré les avantages dont elle est pourvoyeuse ?

5.2 Les questions secondaires

· Comment les populations se représentent-elles le poisson d'eau douce élevé ?

· Quels comportements ces populations adoptent-elles à l'égard du poisson d'eau douce élevé ?

· Quels sont les déterminants de la consommation et de la non-consommation du poisson d'eau douce élevé ?

6. LES HYPOTHESES DE RECHERCHE

6.1. L'hypothèse principale

La difficulté des paysans à intégrer la pisciculture dans les Exploitations Familiales Agricoles est due aux habitudes alimentaires des populations, aux représentations qu'elles ont du poisson d'eau douce élevé et aux contraintes financières liées à la pratique de la pisciculture.

6.2 Les hypothèses secondaires

· Les populations se représentent le poisson d'eau douce élevé comme un aliment « suspect », car inhabituel.

· Les populations Dschang adoptent deux types de comportement face au poisson d'eau douce élevé. Certains s'en méfient et refusent même de s'en approcher, tandis que d'autres font preuve de curiosité, ils sont attirés, ils veulent découvrir ce nouvel aliment.

· Les déterminants de la consommation et de la non-consommation du poisson d'eau douce élevé sont socioculturels et économiques, mais également liés aux propriétés organoleptiques du poisson.

7. LES OBJECTIFS DE RECHERCHE

7.1. L'objectif principal

Expliquer la difficulté des paysans de Fokoué à intégrer la pisciculture dans les Exploitations Familiales Agricoles, malgré les avantages dont elle est pourvoyeuse

7.2. Les objectifs secondaires

· Voir comment les populations se représentent le poisson d'eau douce élevé

· Voir quels comportements les populations adoptent à l'égard du poisson d'eau douce élevé

· Identifier les déterminants de la consommation et de la non-consommation du poisson d'eau douce élevé

8. LA METHODOLOGIE

Cette partie fait état des techniques et de l'outillage mobilisés pour la collecte et l'analyse des données de l'étude. Selon Mbonji Edjenguèlè (2005),

« La méthode est la manière d'aborder l'objet d'étude, le chemin parcouru, la voie à suivre par l'esprit humain pour décrire ou élaborer un discours cohérent, atteindre la vérité de l'objet à analyser. »

Ainsi, pour collecter les données dont nous avions besoin, notre recherche sur terrain a été scindée en deux phases à savoir une enquête qualitative et une enquête quantitative.

8.1. Méthodes et techniques de collecte des données

8.1.1. La méthode qualitative

La phase qualitative de notre recherche avait pour objectif de recueillir les informations relatives au système de production du poisson d'eau douce, les dits et les non dits traduisant les perceptions, les représentations, les croyances et les comportements y afférents.

L'ensemble de nos informateurs était constitué d'une part de 9 pisciculteurs (les plus actifs) résidant dans l'arrondissement de Fokoué, car c'est la principale zone où s'exerce la pisciculture. D'autre part, nous avons ciblé une dizaine de ménages où le poisson d'eau douce élevé est consommé, afin d'en déterminer les modalités, représentations, les perceptions.

· Les entretiens approfondis

Ils ont été menés d'abord auprès des pisciculteurs, pour comprendre le procédé de production du poisson d'eau douce élevé, les pratiques qui sont prises en compte dans la gestion des étangs, les différentes destinations du produit et les difficultés liées à l'activité piscicoles. Puis auprès des ménages sélectionnés. A ce niveau, il a été question d'aborder les modes de transformation et de consommation du poisson d'eau douce élevé. Cela nous a également permis de saisir les représentations, les perceptions et surtout la place que ces populations accordent à ce type de poisson.

· L'observation directe

Nous avons assisté aux vidanges des étangs, afin d' identifier les types d'acteurs qui participent à cette activité ainsi que les types de poissons qui sont péchés , fumés, séchés , consommés et vendus. Ensuite, nous avons eu l'occasion de relever tous les gestes posés par les différents acteurs. Cette étape de l'enquête s'est déroulée lors de la pêche sur le terrain. Par ailleurs, au moment de la commercialisation, l'observation nous a également permit de relever les attitudes, les comportements des consommateurs face à ce type de poisson.

· La méthode des « itinéraires »

Les méthodes des « itinéraires » à été mise au point par Dominique Desjeux (1998), pour étudier les phénomènes de consommation alimentaire. Elle consiste à suivre l'itinéraire d'un acteur dans son rapport avec un produit alimentaire, de sa production jusqu'à ses différents usages, en passant par les pratiques de distribution et de transformation. En plus, cette méthode prend en compte les divers autres acteurs qui interviennent dans ce processus. Selon Desjeux, en partant plus des pratiques des acteurs, que de leurs motivations ou de leurs intentions, elle permet de reconstruire ce qui «conditionne» les choix des acteurs, c'est-à-dire les structures du quotidien. Elle recherche au sein de ces structures, les marges de manoeuvre des acteurs, la part de routine et de changement qui organise les usages domestiques.

Appliquée à notre étude, la méthode des « itinéraires » nous à permis de suivre les trajectoires du poisson d'eau douce élevé et de son consommateur, à partir de la pêche, de la distribution, de la transformation jusqu'à la consommation.

· Les causeries spontanées

Les causeries spontanées sont celles que nous avons menées inopinément, dans un cadre informel. C'est le cas des causeries qui ont eu lieu pendant un repas avec un informateur, durant la marche pour se rendre à l'étang ou encore pendant la vente des poissons. Nous avons intégré cette technique à notre démarche parce qu'elle permet d'obtenir des informations assez pertinentes lorsque le chercheur et son informateur se trouvent dans une situation « hors enquête » et donc, dans une atmosphère de relative confiance et de détente.

8.1.2. La méthode quantitative

A l'issue de notre enquête qualitative, la récurrence de certains points de vue a donné lieu à l'élaboration d'un questionnaire dont l'objectif était de quantifier les données obtenues sur les préférences des consommateurs par rapport aux différents types de poisson, les critères de choix, les fréquences de consommation, les modes et difficultés liées à la préparation de ces poissons...

· Le questionnaire

Le questionnaire, qui s'étend sur quatre pages, comporte une section sur les variables sociodémographiques des enquêtés et une section sur relatives au thème proprement dit. Plus concrètement, il est fait de questions fermées et de quelques questions ouvertes qui mesurent les variables identifiées au cours de l'enquête qualitative. Celles-ci portent sur les préférences, perceptions et les pratiques liées à la consommation du poisson d'eau douce élevé.

L'enquête a été réalisée uniquement auprès des personnes ayant déjà consommé le poisson d'eau douce élevé au moins une fois. Etant donné que ces personnes sont peu nombreuses, nous avons recouru à l'aide des pisciculteurs qui nous ont orientés vers ces clients. C'est ainsi que nous avons décidé d'enquêter 100 personnes, sur les 106 identifiées. Nos enquêtés ont alors été réparties de manière égale entre la zone rurale (Fokoué) et la zone urbaine (ville de Dschang).

· L'analyse statistique

Les données recueillies par questionnaire pour les besoins de cette recherche ont donné lieu à un traitement d'enquête. Celui-ci a consisté au dépouillement assisté par ordinateur, qui comprend lui-même trois phases à savoir la catégorisation, le codage et la synthèse des données sur des fiches. Ce traitement a aboutit à des tableaux de fréquences et des graphiques réalisés à partir du logiciel Statistical Package for Social Sciences (SPSS) et Microsoft Office Excel 2003. Cette méthode a l'avantage de manipuler très rapidement un grand nombre de variables et de conférer une certaine clarté aux résultats lorsque les ressources de la présentation graphique des informations sont mises à profit.

8.2. Définition des concepts

8.2.1. Pisciculture

La pisciculture est une branche de l'aquaculture qui désigne l'élevage des poissons en eaux douces, saumâtre ou salée (Wikipédia.htm, 2010). Elle renvoie également à l'élevage intensif de poisson et de crustacés d'eau douce et de mer dans des bassins ou des cages d'élevage. Cet élevage est parfois appelé aquaculture qui, au sens strict du terme, comprend également la culture des plantes aquatiques. On peut situer l'origine de la pisciculture au début de l'élevage de la carpe, il y a plus de deux mille ans (Encarta, 2009).

8.2.2. Développement rural

Le développement rural est un ensemble coordonné d'actions de développement, d'aménagement et de réaménagement entreprises ou conduites en milieu rural par une commune, dans le but de sa revitalisation et de sa restauration, dans le respect de ses caractéristiques propres et de manière à améliorer les conditions de vie de ses habitants au point de vue économique, social et culturel (Wallonne, 1991). Le développement rural consiste donc à mettre en valeur le potentiel des communautés rurales en favorisant l'implication des citoyens, la concertation et le partenariat entre les différents acteurs d'un territoire rural. Les ruraux deviennent alors en partie responsables de l'évolution et du développement de leur communauté et acteurs importants de la scène rurale en jouant un rôle de premier plan.

8.3. La revue de littérature

8.3.1. Les travaux menés sur la pisciculture et le poisson au Cameroun

Ø D'entrée de jeux, précisons que la seule étude menée sur le poisson d'eau douce au Cameroun est celle des stratégies de commercialisation du poisson d'eau douce frais sur le marché de Yaoundé, réalisée par Soua Mboo Nelly Nicaise et James Gockowski (2004) de l'International Institute of Tropical Agriculture (IITA). Elle s'insère dans le cadre des activités de recherche PCP Grand sud 2004. Dans cette étude, les auteurs avaient pour objectif de déterminer la structure du marché, identifier les principaux acteurs impliqués et établir les relations entre acteurs tout en dégageant les principaux atouts et contraintes de l'activité. Il en ressortait alors que, le poisson, denrée hautement périssable est donc disponible sur le marché mort et/ou vivant en fonction des espèces (tilapia, 'kanga'' et silure). Toutefois la saisonnalité du produit induit des hausses et des baisses de prix sur le marché. Cette étude montre également la prépondérance des femmes dans la vente du poisson (contrairement à fokoué) et leur habilité à s'adapter à un circuit de commercialisation avec des moyens relativement modestes alors que les hommes se retrouvent essentiel en amont du processus. La délimitation de ce travail dans un champ strictement économique confère à notre étude une certaine originalité, car nous nous intéressons plutôt aux aspects socio-anthropologiques de la consommation du poisson d'eau douce élevé.

Ø Grosse (2009), Economiste, enseignant-chercheur, de l'Ecole supérieure d'agro développement international, a conduit une étude intitulée La place du poisson dans la consommation alimentaire des villageois des régions Centre et Ouest du Cameroun. En montrant que le poisson est très présent dans les habitudes alimentaires des villageois des zones d'intervention du PVCOC (Projet pour une Pisciculture Villageoise rentable dans les Régions Centre et Ouest du Cameroun) et qu'il apparaît clairement comme la principale source protéique animale, cette étude a mesuré la consommation de poissons et la participation de celle-ci à l'apport protéique animale des villageois des zones concernées. L'analyse des enquêtes réalisées auprès des villageois des zones d'intervention du PVCOC en régions Centre et Ouest du Cameroun a fait clairement apparaître le rôle clé du poisson dans leur alimentation. En effet, il participe à 52% des repas au Centre et 80% à l'Ouest. Les dépenses hebdomadaires en poisson atteignent 2491 FCFA au Centre et 2089 FCFA à l'Ouest. Ces dépenses représentent une consommation annuelle de poisson frais par personne comprise entre 34 et 37 kg.

Le développement et la vulgarisation de la pisciculture offre des possibilités de lutter contre la pauvreté et conjointement d'améliorer la nutrition des populations rurales. Ainsi, les efforts fournis dans ce sens, tel que nous l'avons observé dans l'arrondissement de Fokoué, ont été expérimentés sous d'autres cieux. Il s'agit donc maintenant d'avoir un bref aperçu de quelques expériences piscicoles similaires et particulièrement intéressantes, qui ont eu lieu dans d'autres univers culturels.

8.3.2. Des auteurs ayant travaillé sur la pisciculture et le développement rural 

Ø Deceuninck (1982), dans son ouvrage Etudes nationales pour le développement de l'aquaculture en Afrique a démontré le lien entre la pisciculture et le développement rural en République Centrafricaine. La pisciculture y a été introduite dans les années 1952 et a connu son apogée vers les années 1958 avec 12000 à 20000 étangs appartenant à des pisciculteurs ruraux. Selon cet auteur, le Projet régional PNUD/FAO (1968-1978) mis en oeuvre, avec pour objectif la formation et la recherche piscicole, a permis d'améliorer les conditions de vie des populations en poussant la production de 1-2 T/ha/an à 4-10 T/ha/an. La pisciculture fait désormais partie de la vie socio-économique des communautés rurales Centrafricaines. Cet impact est le résultat d'une action de la vulgarisation dans le milieu rural pendant de nombreuses années et sa pénétration connaît encore un progrès constant. Par ailleurs, Deceuninck ajoute que des pisciculteurs de plus en plus jeunes se lancent dans la pisciculture, assurant ainsi la pérennité de cette activité. Etant surtout une « affaire d'homme », une étude sociologique est actuellement en cours dans les alentours de Bangui pour voir comment le phénomène est perçu par les femmes.

Ø Au Sénégal, Papa Samba Diouf (1990) relève que la pisciculture artisanale de petite production marchande, intégrée aux systèmes de production agricole existants (comme celle pratiquée à Fokoué), est celle qui correspond le mieux aux communautés rurales. Elle a l'avantage de fournir aux paysans des revenus supplémentaires et de ne pas demander des investissements très lourds.

Ø Les travaux de Haling, Ben Yami et Lisac (1977) sur la pisciculture gabonaise mentionnent que celle-ci est utile pour tenter de remédier aux carences en protéines animales dans l'alimentation des populations rurales. Pour ces auteurs, la contribution de la pisciculture au développement rural passerait par une relance de cette activité, comme d'améliorer la production alimentaire de la population, particulièrement en milieu rural où le déficit en protéines animales est inquiétant.

Ainsi, des trois cas d'expérimentations piscicoles évoqués ci-dessus, il apparait que, malgré quelques obstacles, la pisciculture constitue un atout pour développement de communauté rurale, à travers la production et la commercialisation du poisson.

Il existe d'autres cas, qu'il n'est pas nécessaire d'évoquer ici car, notre objectif était simplement de montrer que les expériences d'implantation de la pisciculture ont été tentées ailleurs et qu'elles ont attiré l'attention des sciences de l'Homme. Rappelons le encore, notre souci dans cette partie du travail était d'abord de démontrer que l'introduction de la pisciculture au Cameroun en général et dans l'arrondissement de Fokoué en particulier n'est pas une exclusivité en Afrique subsaharienne. Ensuite, il était question de mettre en évidence le point de vue de certains auteurs, sur le lien entre la pisciculture et le développement rural car, cela pourrait aider à éclairer davantage notre problématique. Sous un autre angle, la pisciculture dans l'arrondissement de Fokoué est une innovation, ce qui nous amène également à faire le point sur ce concept.

8.3.3. Le concept d'innovation

Une innovation est définie comme une idée, une pratique ou un objet qui est perçu comme nouveau par un individu ou une autre unité d'adoption (Rogers, 2003). De nombreuses idées nouvelles sont des innovations technologiques et la plupart de ces technologies ont deux composantes : une composante matérielle qui consiste en l'ensemble des dispositions matérielles (objets physiques) qui font partie de cette technologie (ex : un étang), puis une composante immatérielle que constitue le savoir faire inhérent à cette technologie (ex : les connaissances relatives aux techniques de pêche et à l'entretien des étangs). Les caractéristiques d'une innovation telles que perçues par les membres d'un système social, déterminent son niveau d'adoption. Rogers (2003) distingue cinq variables qui sont considérées comme les attributs d'une innovation : avantage relatif, compatibilité, complexité, triabilité et observabilité.

8.3.4. Anthropologie et innovation

Pour Pierre Yves Guiheneuf (1993), l'anthropologie a peu étudié l'innovation, qui n'est généralement pas considérée par la discipline comme un objet scientifique. Son étude s'est souvent fondue dans celle du changement social. Cependant, plusieurs travaux en socio-anthropologie y font référence. Selon la façon dont ils abordent l'innovation, on peut distinguer les points de vue suivants:

a- L'innovation en tant que processus de diffusion

Dans cette rubrique, le point de vue dominant est le paradigme épidémiologique. Son porte-drapeau est l'américain Everett Rogers, dont l'étude pionnière portait sur la diffusion du maïs hybride dans l'Iowa. C'est cette école, qui a suscité depuis lors des milliers d'études de cas, qui a mis en évidence la courbe en S qui décrit le rythme d'adoption d'une innovation dans un milieu donné, et qui classe la population en 5 groupes à savoir les innovateurs précoces, les adopteurs précoces, la majorité précoce, la majorité tardive et les retardataires.

b- L'innovation en tant qu'enjeu social

Cette école, assez ancienne, étudie l'innovation dans les enjeux locaux, et notamment les rapports de pouvoir. Son étude pionnière a porté sur la diffusion du maïs hybride dans le Sud-Ouest de la France. A partir d'une analyse de la place occupée dans la société par les porteurs de l'innovation, ces travaux ont montré que l'innovation a des impacts sociaux qui ne s'arrêtent pas à son adoption : elle peut s'intégrer dans des stratégies visant à pérenniser ou au contraire à bouleverser la structure sociale.

c- L'innovation en tant que production du savoir populaire

Paul Richards, socio-anthropologue anglais, s'est intéressé aux petites innovations techniques, permanentes mais peu reconnues. Il les interprète comme une forme de RD paysanne, de recherche populaire.

d- L'innovation en tant que réinterprétation

Norman Long ou Jean-Pierre Darré illustrent bien cette école, qui étudie la réinterprétation des messages reçus par les paysans, et la capacité de ces derniers à produire du sens sur l'innovation. Ils mettent l'accent sur le calcul stratégique des innovateurs.

Ces points de vue ne sont pas nécessairement exclusifs. Ce qui peut être dangereux en revanche, c'est de s'enfermer dans des courants de pensée à caractère dogmatique comme l'utopisme paysan ou l'exaltation des systèmes de signification locaux. D'ailleurs, certains principes concernant l'innovation et connus depuis le début du siècle, sont largement admis. Par exemple:

- le principe de désarticulation (adoption par parties de paquets techniques proposés aux paysans)

- le principe de détournement (une innovation est adoptée pour satisfaire d'autres objectifs que ceux envisagés à l'origine).

L'innovation est toujours un jeu interactif, dans lequel les médiateurs (innovateurs, agents de développement...) ont une grande importance.

8.3.5. Le point sur le changement des habitudes alimentaires

Toutes les sociétés humaines sont soumises à un environnement en constante mutation, ayant une influence considérable sur le mode de vie de celles-ci. Les habitudes alimentaires constituent ainsi l'une des composantes de la vie socioculturelle les plus enclines au changement. Ce phénomène a retenu l'attention des spécialistes des sciences humaines et sociales, notamment les socio anthropologues, car relevant du socioculturel.

Ø Jean-Pierre Poulain (1997) évoque des bouleversements de type sociologique survenus en France dans les années 1990, et qui ont modifié les modes de vie et surtout, de manière fondamentale, les liens qui unissent les mangeurs aux aliments. Pour cet auteur, le changement ou l'évolution dans la le domaine de l'alimentaire se situe dans la nature de la relation que l'Homme entretient avec ses aliments. Ce ne sont plus des objets banals réduits à une simple consommation, mais de nouveaux aliments sur lesquels il projette du sens, de la symbolique. Il fait attention, il s'interroge sur ce qu'il mange. Cependant, l'auteur ne s'arrête pas sur la relation de l'Homme à l'aliment, il mentionne également la nature des aliments qui sont consommé suite au changement :

« On mange de moins en moins de pain, de pommes de terre, de légumes secs, et on consomme de plus en plus de viande, de biscuiterie, de jus de fruits, de vin d'appellation contrôlée... Les valeurs de la qualité se substituent à celles de la quantité. Dans un premier temps, la viande, aliment riche par excellence, se charge d'une symbolique sociale forte : en manger tous les jours, c'est accéder au bien-être, c'est prendre une revanche »

Ø Au Cameroun, selon les écrits de Dongmo (1987), le changement des habitudes alimentaires observé chez une couche de la population relativement aisée, est lié à l'entrée dans le pays des produits alimentaires importés. Il note en 1987 sur les importations alimentaires :

« Les aliments importés entrent très peu dans l'alimentation des villes. Leur prix élevé les destinent à une minorité de consommateurs, expatriés ou camerounais occidentalisés ».

Des changements qui suivent une trajectoire descendante, car selon lui, les habitudes alimentaires se modifient du haut en bas de l'échelle sociales. Par la suite, l'auteur soutient que ces changements sont le résultat d'une ouverture des cultures camerounaises, mais aussi une conséquence de l'invasion coloniale car,

« Le contact avec le colonisateur, en dépit de la ségrégation spatiale qui a pu s'opérer, a été renforcé par la volonté de ces derniers de « civiliser » et par là même d'apporter la « bonne nourriture de l'Europe. »

8.3.6. Le point sur la notion de rejet alimentaire

La question du rejet alimentaire a été abordée par plusieurs anthropologues et sociologues de l'alimentation. Parmi eux, Claude FISCHLER (1989) insiste sur le fait que les êtres humains sont anxieux face à la nourriture. Cette anxiété vient du fait qu'incorporer une substance est perçu comme nous menant inévitablement à ingérer ses qualités et ses défauts. Le sentiment de peur et d'angoisse face à un aliment inconnu est à l'origine de cette attitude de rejet, car pour Fischler, les cultures humaines passées et présentes ont toutes crée leurs catégories du comestibles et du non comestible.

Dans le même ordre d'idées, Paul ROZIN (1980) estiment que le rejet alimentaire vaut pour toutes les cultures, et que les motivations pour lesquelles on accepte ou on rejette un aliment sont de trois ordres : la première est d'ordre sensoriel-affectif, la deuxième est liée aux conséquences anticipées de ce que nous croyons être le résultat de l'ingestion, et s'articule essentiellement sur les effets physiques. Puis, la troisième porte sur ce que l'Homme sait des origines de l'aliment.

Par ailleurs, ROZIN pensent que la plupart des aliments qui entrent dans la catégorie de l'aversion sont des aliments acceptables dans une culture donnée, mais que certains individus appartenant à cette culture n'aiment pas. C'est dire que le phénomène de rejet alimentaire n'est pas seulement déterminé par des facteurs culturels, mais aussi individuels, d'où notre recours à l'individualisme méthodologique comme modèle d'analyse.

8.3.7. Le point sur le mangeur humain

L'étude de l'alimentation humaine relève de plusieurs obédiences scientifiques. Dans la sociologie et l'anthropologie de l'alimentation, l'Homme que Jean-Pierre Poulain (2005) appelle le « mangeur » se caractérise en six points essentiels :

Le mangeur est un être biologique : manger est le résultat d'un état physiologique de manque.

Le mangeur est un être social : son modèle alimentaire est influencé par l'âge, le sexe, la position dans la hiérarchie sociale.

Le mangeur est un être culturel : l'appartenance à un groupe social détermine les choix d'un individu au niveau des choix des aliments, de leurs préparations culinaires et de leurs modes de consommation.

Le mangeur est un être de raison : les décisions alimentaires résultent d'un raisonnement en termes de coûts/avantages.

Le mangeur est un être de passion : l'alimentation s'inscrit dans un ordre de désir

Le mangeur est un gastronome : l'alimentation peut être esthétisée et constituer le support à des expériences sociales.

Le point de vue de l'auteur sur les caractéristiques du mangeur semble ne pas prendre en considération l'aspect psychologique, une dimension pourtant inéluctable dans l'étude du rapport entre l'Homme et son alimentation.

8.4. Les théories explicatives

Avant de présenter les différents paradigmes qui nous permettront d'interpréter les données de terrain, nous sommes bien d'accord avec Raymond Quivy et Luc Van Campenhould (1988) qu' « il n'est jamais inutile de repréciser une dernière fois la question de recherche ». Notre étude essaye de répondre à la question suivante : Qu'est-ce qui explique la difficulté des paysans de Fokoué à intégrer la pisciculture dans les Exploitations Familiales Agricoles, malgré les avantages dont elle est pourvoyeuse ? En d'autres termes, il s'agira d'appréhender les différents paramètres, les représentations et les comportements qui peuvent aider à la compréhension des problèmes liés à l'adoption de l'innovation piscicole dans l'arrondissement de Fokoué. Pour ce faire, les paradigmes sollicités seront tirés du holisme, de l'individualisme méthodologique et du paradoxe de l'Homnivore.

8.4.1. Le holisme

Holisme vient du grec holos qui veut dire tout, totalité, entier. C'est l'idée selon laquelle les propriétés d'un système ne peuvent être déterminées ou expliquées à partir des seuls composants du système. Ce mot fut inventé par l'homme politique et intellectuel sud-africain Jan Christiaan Smuts (1926) qui le définissait comme la tendance dans la nature à former des touts plus grands que la somme de leurs parties grâce à l'évolution créatrice. Il a été également étudié par des auteurs tels qu'Emile Durkheim et Talkot Parsons.

Dans les sciences humaines et sociales, le holisme pose comme postulat que:

· le tout social est supérieur à la somme des parties ; il influence et conditionne significativement le comportement ou le fonctionnement des parties (holisme ontologique). Le tout social étant la socio-culture, les parties renvoyant aux individus qui la composent, il faut retenir dans ce postulat que, ce sont les habitudes, acquises de manière collective au sein d'une société, qui façonne les comportements de ses membres et sous-tendent leurs actions et leurs réactions.

· le comportement des individus doit être déduit de lois sociales, de forces ou d'objectifs qui s'appliquent au système social comme un tout, et ceci à partir de la position ou de la fonction des individus dans ce tout (holisme méthodologique). Non loin différent du premier, ce postulat laisse comprendre que, pour saisir le sens des agissements des individus qui partagent le même mode de vie, il faut interroger la culture.

L'approche holiste en sciences humaines s'intéresse aux motivations et pratiques sociales des individus pris d'une manière collective au sein de la société. Elle se propose d'expliquer les comportements des individus en se référant au corps culturel dans lequel ils vivent. Selon ce courant de pensée, la société recèle des contraintes qui assujettissent les individus, les amenant parfois de façon inconsciente à intérioriser les principales normes et valeurs de leur milieu. Cet aspect des choses s'illustre parfaitement à travers le phénomène de l'enculturation au cours duquel l'individu intériorise des comportements, des manières de penser et de sentir, en somme toute une culture qui permettra d'expliquer ses agissements ou ses croyances. Ainsi les manières d'agir et de penser de ceux-ci ne peuvent être expliquées qu'en se référant à l'univers culturel et les normes, valeurs, coutumes et traditions qu'il impose à ses membres.

Selon Emile Durkheim, le holisme, appliqué aux systèmes humains par essence complexes, consiste à expliquer des faits sociaux par d'autres faits sociaux. La société exerce une contrainte (pouvoir de coercition) sur l' individu qui doit intérioriser (ou « naturaliser ») les principales règles et les respecter. Les comportements individuels sont donc socialement déterminés.

En somme, ce qui nous intéresse dans la théorie holiste est son postulat de base, à savoir que les comportements, les actions, les réactions des individus peuvent être expliqués en se référant au contexte socioculturel dans lequel ils sont produits.

Mais, dû au fait que tout individu, bien qu'étant influencé par sa culture dans ses actes, ses choix qu'il opère, les représentations et les perceptions qu'il développe face à un objet ou une situation qui se présente à lui, il dispose indéniablement d'un libre arbitre qui lui permet de tenir compte de ses propres motivations. Cette nuance justifie notre recours également à l'individualisme méthodologique.

8.4.2. L'individualisme méthodologique.

L'individualisme méthodologique est une théorie qui doit son nom à Joseph Schumpeter. Contrairement au holisme qui situe la saisie du comportement humain dans son appartenance à un corps social, l'individualisme propose une compréhension de l'homme selon ses propres motivations. En effet, pour un individualiste tel que Raymond Boudon (1979) et François Bourricaud (1982), l'individu est l' « atome logique de l'analyse », car il constitue l'élément premier de tout phénomène social. Comme postulat de base de ce courant de pensée, Boudon, cité par Mbonji Edjenguèlè (2005), soutient que pour analyser les phénomènes sociaux, il faut 

« Identifier les acteurs (...), comprendre les comportements de ces acteurs (...), et expliquer comment ces comportements individuels produisent le phénomène macroscopique que l'on cherche à étudier ».

L'individualisme méthodologique pose comme principe que la société n'est que la production collective d'individus plus ou moins autonomes et rationnels, ce qui ne dispense pas de regrouper les acteurs sociaux en catégories, mais s'oppose à l'idée selon laquelle existe dans les sciences sociales des lois générales gouvernant les comportements humains, qu'il existe un déterminisme social.

Au sens large, nous pouvons caractériser l'individualisme méthodologique par trois postulats :

· seuls les individus ont des buts et des intérêts;

· le système social, et ses changements, résultent de l'action des individus ;

· tous les phénomènes socio-économiques sont explicables ultimement dans les termes de théories qui se réfèrent seulement aux individus, à leurs dispositions, croyances, ressources et relations.

Ainsi, pour l'individualisme méthodologique, c'est «l'individu» qui est à l'origine de l'action et du comportement. Il repose sur l'idée que chacun dispose d'une capacité d'action indépendante du «groupe», dont il fait usage de façon rationnelle en mobilisant les informations à sa disposition et en tentant d'obtenir les meilleurs résultats possibles.

Certains épistémologues des sciences sociales, à l'instar de Friedrich Von Hayek et Karl Popper en premier lieu, ont insisté sur l'importance du principe de l'individualisme méthodologique dans les sciences sociales. Pour ces auteurs, expliquer un phénomène social, c'est toujours en faire la conséquence d'actions individuelles.

Ainsi, convoquer l'individualisme méthodologique en tant que seconde composante de notre modèle d'analyse pour comprendre la difficulté des paysans de Fokoué à intégrer la pisciculture dans leurs Exploitations Familiales Agricole, nous semble utile.

Si le social est le résultat d'une agrégation d'actions, d'attentes et d'aspirations individuelles et qu'en mettant ensembles les comportements des individus on aboutit à un effet collectif, alors convoquer l'individualisme méthodologique dans notre étude revient à accorder une attention particulière aux comportements des paysans dans leur rapport à l'innovation piscicole. Il s'agira plus concrètement de voir comment les paysans de Fokoué, pris individuellement, réagissent face à l'innovation piscicole et l'usage qu'ils en font.

8.4.3. Le paradoxe de  l'Homnivore 

Développée par le sociologue français Claude Fishler dans son ouvrage L'Homnivore en 1990, la théorie du paradoxe de « l'Hominivore » postule que l'homme évolue dans un espace de double contrainte où il est d'une part « poussé à la diversification, à l'innovation, à l'exploration, au changement... Mais d'autre part, et simultanément, il est contraint à la prudence, à la méfiance, au « conservatisme » alimentaire : tout aliment nouveau, inconnu, est en effet un danger potentiel. Le paradoxe de l'Homnivore se situe dans le tiraillement, l'oscillation entre ces deux pôles, celui de la néophobie (prudence, crainte de l'inconnu, résistance à l'innovation) et celui de la néophilie (tendance à l'exploration, besoin de changement, de la nouveauté, de la variété) ».

Par ailleurs, pour comprendre le mangeur qualifié par Claude Fischler d' Homnivore, il présente ses principales caractéristiques :

Ø Premièrement, tous les mangeurs élaborent un système classificatoire entre le consommable et le non-consommable, qui n'est pas purement fonctionnel, mais qui renvoie à des représentations, à de l'imaginaire. Autrement dit, la rationalité des mangeurs n'est pas purement nutritionnelle ou économique, elle inclut des valeurs.

Ø Deuxièmement, manger signifie incorporer, c'est-à-dire s'attribuer les qualités nutritionnelles de l'aliment, mais aussi ses qualités symboliques, voire magiques, selon le principe « je deviens ce que je mange » (Manger magique, 1994).

Ø Troisièmement, l'Homnivore est face à un paradoxe, car il est en même temps néophile (il aime tester de nouvelles nourritures) et néophobe (il a peur de ce qui est nouveau).

Pour cet auteur, le paradoxe du mangeur est régulé par le système culinaire (ordre du mangeable), les modes de préparation et de consommation, qui permettent l'acceptation d'un nouvel aliment (gustativement, associé selon l'espace culturel) (Poulain, 2002b).

Conjointement avec le paradoxe de l'Homnivore, le principe de l'incorporation (Fischler, 1990), démontre que l'attitude du consommateur face à un aliment inconnu est régie par ce qu'il pense être la conséquence possible de son ingestion. L'application du principe de l'incorporation dans le fait alimentaire dépend cependant du caractère rationnel ou irrationnel de la pensée du consommateur. D'une part, ce dernier peut éprouver de l'angoisse dans la mesure où il redoute une conséquence négative, telle qu'une intoxication, ou alors chercher à absorber les propriétés nutritionnelles suite à l'ingestion de cet aliment. A ce niveau, le principe de l'incorporation est fondé sur une pensée rationnelle, car vérifiable par objectivation. D'autre part, si le consommateur chercher à s'approprier les qualités symboliques de l'aliment, ou encore à se reconstruire une identité, dès lors le principe de l'incorporation est basé sur une pensée irrationnelle. En nous inspirant de Paul Rozin, qui a repris la théorie de Claude Fischler, nous avons schématisé le paradoxe de l'Homnivore de manière synoptique

Je suis ce que je mange

Irrationnelle

(Identité)

Rationnelle

(Intoxication)

PRINCIPE D'INCORPORATION

Méfiance

Attirance

Nouveauté

NEOPHOBIE

NEOPHILIE

HOMNIVORE

PARADOXE DE L'HOMNIVORE

Figure 1 : Paradoxe de l'Homnivore selon Paul ROZIN (1976)

Irrationnelle

(Identité)

Rationnelle

(Intoxication)

PRINCIPE D'INCORPORATION

Méfiance

Attirance

NEOPHOBIE

NEOPHILIE

8.5. Plan de rédaction

Notre étude qui s'intitule Pisciculture et développement rural dans l'arrondissement de Fokoué : contribution à une anthropologie des moyens de subsistance, s'ouvre sur un texte introductif qui pose les fondements théoriques et méthodologiques du travail. Puis, le corps de l'étude s'articule en deux parties comportant chacune deux chapitres.

Dans la PREMIERE PARTIE (cadre ethnographique), le chapitre I fait d'abord une monographie du site de l'étude. Il présente la configuration spatio-temporelle de la zone de l'étude, tout en faisant le lien avec la pratique de la pisciculture. Il donne également une description sommaire du mode de vie global de la population. Ensuite, ce chapitre décrit l'activité piscicole dans l'arrondissement de Fokoué, telle qu'elle existe au moment de nos investigations. Le chapitre II s'attèle à nous restituer les données de terrain, à travers les modes de distribution, de transformation et de consommation du poisson d'eau douce élevé.

La DEUXIEME PARTIE (cadre analytique et interprétatif) commence par une présentation et une analyse des statistiques descriptives sur les préférences et les pratiques dans la consommation du poisson d'eau douce élevé. C'est le chapitre III. Ensuite, nous proposons dans le chapitre IV, un essai d'interprétation socio-anthropologique des freins à l'intégration de la pisciculture dans les Exploitations Familiales Agricoles.

La conclusion se charge de reprendre de manière synthétique les différents points qui auront constitué l'ossature ce travail, pour aboutir à des perspectives qui permettront probablement d'enrichir le débat sur le sujet d'étude.

PREMIERE PARTIE :

CADRE ETHNOGRAPHIQUE

CHAPITRE I : CADRE PHYSIQUE ET HUMAIN DE L'ETUDE

1. Présentation de l'arrondissement de Fokoué

Ce chapitre fait d'abord une description détaillée du milieu physique de l'étude. A travers le relief, le climat, la faune, la flore, l'hydrographie et la pédologie, il s'agit également de voir comment les atouts du milieu naturel favorisent l'activité piscicole. Ensuite, il est question d'avoir une vision globale du mode de vie de notre population d'étude en insistant sur les aspects qui peuvent contribuer à la compréhension du fait étudié.

Carte 1 : localisation de l'arrondissement de Fokoué

Source et réalisation : CEREHT (Centre de Recherche sur les Haute Terre) Univ-Dschang-FLSH cerehtuds@yahoo.fr Dec 2004

Carte 2 : localisation du département de la Menoua dans la Province de l'Ouest

Source et réalisation : CEREHT (Centre de Recherche sur les Haute Terre) Univ-Dschang-FLSH cerehtuds@yahoo.fr Dec 2004

2. Le milieu physique

La localité de Dschang est comprise entre la savane d'altitude et la forêt montagnarde; Les bas-fonds sont recouverts d'une végétation très dense. Le relief est très accidenté; la ville repose sur un socle ancien recouvert de formations volcaniques. La zone urbaine occupe essentiellement un ensemble de collines. Les fonds des vallées sont occupés par des marigots et des terrains marécageux.  La ville est soumise au régime climatique d'altitude. C'est le climat équatorial de type camerounien.

L'arrondissement de Fokoué est situé dans le département de la Menoua province de l'Ouest du Cameroun. Il se localise entre le 5°20' et le 5°22' de latitude nord et entre le 5°10' et 5°15' de longitude Est. Cet arrondissement couvre 25 km². (Voir carte)

3. Le relief

Fokoué se trouve à une altitude d'environ 1400m. Son relief est vallonné et est constitué de collines aux pentes parfois très abruptes (45%). Le plus haut sommet de Fokoué est le mont « Ewet ». On note aussi la présence d'un plateau, celui de « Ndoungfem ». Des montagnes jonchent la région.

4. Le climat

Il est de type « camerounien » d'altitude avec une saison des pluies qui va de mi-mars à mi-novembre et une saison sèche qui va de mi-novembre à mi-mars. Il faut noter à cet effet que la période des vidanges coïncide avec les premiers mois de la saison sèche. Ceci constitue une difficulté dans la mesure où le remplissage des étangs après la vidange n'est pas aisé à cause de l'assèchement des points d'eau. Les éléments caractéristiques de ce climat sont :

· La température moyenne est de 20,2°C. Les mois les plus frais sont ceux de juillet et d'août, alors que le mois de février demeure celui le plus sec

· L'indice pluviométrique moyen est de 1853,8mm ;

· L'insolation est d'environ 1432,8 heures par an ;

· La vitesse moyenne des vents est de 1070,55m/s

5. La faune

La faune existante est encore relativement diversifiée. Parmi les familles d'animaux rencontrées dans cette zone nous pouvons citer celles des cercopithecidea, des cephalophinae, des, thryonomyidae et des cricetidae. La faune aquatique est quant à elle représentée par les clarias camerounesis, clarias jaensis, oreochromis niloticus.

6. La flore

Le paysage domestique est essentiellement agricole. Ici, le tapis herbacé a tendance à disparaître au profit des cultures, des pâturages et des habitations. Le paysage bocager est constitué des clôtures fermées d'un treillis horizontal de rachis de raphia appuyés sur des tiges d'arbre ou d'arbustes provenant bien souvent de boutures plantées en lignes, ainsi que des arbres d'ombrage et surtout des fruitiers installés autour des maisons. Notons ici que les troncs de lophira lanceolata servent à l'implantation des porcheries sur les étangs en raison de leur propriété particulière (imputrescible). De même que les troncs de pinus sp et d'eucalyotus rencontrés à Fokoué sont sciés et servent pour la porcherie et la construction des charpentes des maisons. Les pâturages et les jachères sont souvent remarquablement envahis par hypa rrhenia cymbaria, imperata cylindrica, pennisssetum purperum, pteridum aquilinim... (Letousey, 1985). Ces pâturages et champs en friche sont les lieux par excellence de collecte des intrants d'origine végétale de la compostière intra-étang. En somme, la végétation de Fokoué apporte un plus en ce qui concerne la nutrition du poisson. Notamment, à travers l'agriculture et les végétaux qui entrent dans la composition des compostières.

7. L'hydrographie

Fokoué possède un ruisseau appelé « mbouh » qui traverse le village dans sa partie Nord-Ouest. On note la présence des sources qui coulent le long des raphias des bas fonds. Non seulement elles alimentent les étangs en eau de bonne qualité, mais elles approvisionnent également les populations en eau potable

8. La pédologie

Les sols de notre zone d'étude sont de deux types :

· Des sols hydromorphes dans les bas-fonds qui sont constitués par l'accumulation des débris organiques et minéraux arrachés des parois des collines grâce à l'action érosive des pluies. Ces sols sont de couleur noire, riches en humus. Ils constituent le lien par excellence du maraîchage et de construction des étangs piscicoles du fait de la proximité d'un point d'eau relativement permanent. Ces sols essentiellement constitués d'argiles et de limon sont relativement imperméables et retiennent bien l'eau dans les étangs. Ils constituent le substrat idéal pour la construction des étangs.

· Des sols ferralitiques, pauvres en matières organiques et de couleur rouge. Ces sols ne sont pas souvent favorables à l'agriculture, sauf en cas d'apport important d'engrais ou de minéraux. La composition granulométrique de ces sols est dominée par une grande proportion d'éléments grossiers (gravillon et sable). Les étangs construits sur ce type de sol sont très poreux et on y enregistre des taux d'infiltration incompatibles avec la fertilisation des étangs (délégation d'arrondissement du MINADER de Fokoué, 2004).

Dans l'ensemble, le milieu physique de la région de Fokoué réunit un certain nombre de conditions favorables au développement de la pisciculture. Le relief, le climat, la faune, la flore, l'hydrographie et la pédologie, toutes les composantes de l'environnement présentent un éventail d'atouts qui peuvent être exploités par les pisciculteurs.

9. Le milieu humain

Fokoué a une population d'environ 6000 habitants pour une superficie de près de 25 km². Sa densité est de 240 habitants au km². Sa population est majoritairement constituée de Bamiléké. 90% de la population s'intéresse aux activités agricoles. Et 10% au petit commerce. Dans le village, on dénombre 66% de chrétiens et 44% d'animistes. Une petite communauté musulmane est représentée par les Bororo qui font paître leurs bovins dans les pâturages environnants. (Délégation d'arrondissement du MINADER de Fokoué, 2004).

10. Un rappel historique

Le grand chef de ce village s'appelait Leke'Ane. Leké' - abréviation de Leke'ane . Le nom du village s'appelle : Atsan prononciation originale - Foleke'Atsan c'est - à - dire chef leke' de Atsan ; On avait prononcé Foleke' Atsan et l'Européen allemand a entendu Foréke' - Dschang.

Le premier chef de groupement est venu de Foto. A cause de la dispute du trône il s'est détaché de Foto pour s'installer de l'autre côté de Asentsa (rivière qui traverse la ville de Dschang, appelée actuellement Dschang Wata).Il a trouvé sur place plusieurs petits chefs qu'il a conquis pour former le village.

Les noms des differents chefs :

1. Tanju'njhù

2. Atsa'ngune

3. Leke' ane surnom Kwhulikon - victime de lance - il a été assassiné avec une lance par un homme de Foto - ce qui a provoqué une guerre de 9 ans entre les Foréké - Dschang et les Foto

4. Asonzia

5. Nken - mbu surnom Ngu'a Ntschhu. Comme ornement il affichait sur sa barbe une plume << ngou >> - oiseau aux plumes rouges. Ngu'a Ntschhu veut dire <<ngou>>à la bouche. Il a fait des enfants de très grande taille.

6. Ndon - mbu Paul, surnoms a) Saamelogo - Casse - rocs : Très puissant en guerre, il écrasait toute résistance ennemie sur son passage. b) Nken- nek, surnom ironique -qui presse les yeux Comme il avait le larmoiement, il essuyait sauvent ses yeux. Il a vu l'arrivée des premiers européens allemands et les a installés dans l'actuelle ville de Dschang. Il était estimé par le capitaine allemand << Hauptmann >> commandant la ville de Dschang. Celui - ci a fait du chef Ndon - mbu le Burgermester (le Maire) le jour de l'intronisation de ce Burgermester , Hauptmann invita tous les chefs à danser le << ngou >> à la chefferie de Foréké - Dschang devant les deux grands : Le Burgermester et le commandant. Au lit de mort Ndon - Mbu a recommandé à son héritier de mettre fin à l'inimitié qui existait entre Foréké - Dschang et les Foto. Il est mort le 9 avril 1925, après avoir été baptisé quelques jours auparavant par le RP GONTIER sous le nom de Paul.

7. Ju'messi Mathias, né en 1900 il a hérité le trône en 1925 et est mort le 1re mai .1966

8. Ju'messi Edmond chef depuis mai 1966.

FOKOUE : Koué - force, courage. Le premier chef fuyant devant les Bali s'installa d'abord au mont Vet et puis à l'emplacement actuel et le village porta son nom. Il s'appelait Kouemo (l'enfant courageux) les autres chefs qui lui succédaient sont :

Ngùenang, Fokemkeng Fondonga', Fondjiambong, Focthimba, Tessa Gilbert, Tessa Tchimba Henri

11. L'organisation sociale

L'organisation sociale et politique des Dschang impose le respect de l'autorité comme valeur cardinale la société Bamiléké est composée de multiple villages indépendants les uns des autres, avec à leur tête un chef, autorité politique et religieuse de la communauté. Le chef, appelé fo'o, est un descendant de la dynastie fondatrice du village. Son autorité est globale et s'étend sur tous les domaines : personnes, biens, terres. Afin de limiter son pouvoir qui frôle celui de la divinité, le chef est entouré d'un conseil de notables ; les 9 comme on les appelle en ce fondant sur leur nombre. Le conseil, qui reçoit la désignation du successeur au trône après avoir prêté serment d'en garder le secret jusqu'à la mort du chef est doté des pouvoirs importants. Bien qu'il puisse s'en passer, le chef n'agit jamais sans prendre son avis, et ses décisions sont généralement le résultat d'un consensus. Il est à noter que les membres du conseil des 9 sont inamovibles, puisqu'on y accède par voie de succession. Cette forme d'éligibilité confère à ces membres une certaine indépendance vis à vis du chef, celui- ci n'ayant pas le pouvoir de les démettre. En dehors du conseil des notables, le pouvoir politique repose aussi sur l'existence d'une multitude de sociétés plus ou moins secrètes, donc l'autorité dans leur domaine de compétence peut frôler la souveraineté.

La pratique de la pisciculture dans cette zone est le fruit de multiples programmes et projets de vulgarisation de cette activité par les corps de la paix américains à partir de 1996 et des services en charge de l'élevage et de la pêche. Cela se traduit sur le terrain par la présence d'une cinquantaine d'étangs piscicoles dont certains sont abandonnés. On note aussi le regroupement des pisciculteurs, en particulier le GIC du collectif des pisciculteurs intensifs de Fokoué et de Penka Michel (COPIFOPEM).

12. La vie politique

Elle est organisée et gérée par le Chef et ses collaborateurs. La vie politique tourne autour de la chefferie, qui est un grand domaine comprenant de nombreuses cases, suivant l'importance du village et du harem du chef. De grandes cases abritant les sessions de différents grands conseils de notables ou les conseils privés du chef s'intercalent entre les habitations des épouses du chef, qui vivent chacune dans son foyer en compagnie de ses enfants. Ces immeubles de taille relativement importante porte le nom du conseil qui y siège. Ainsi il existe donc autant de cases de conseils qu'il y a de conseils dans la chefferie. Les cases de conseil ont un caractère sacré : en dehors de la mère du chef, aucun membre de la gent féminine ne peut y pénétrer, pendant ou en dehors des sessions. Le service et l'entretien des lieux sont assurés par des serviteurs du chef. L'entrée dans ces lieux de débat est formellement interdite à toute personne non-membre du dit conseil. Avant la pénétration européenne, la chefferie, chef-lieu du village ou capitale de la cité dans le cas des villages indépendants ( Lah-Lepeù ) , était le lieu où se réglait toutes les questions politiques , sociales et économiques du village . Pour chaque type, le chef s'entourait des cadres coutumiers appropriés. Les principales affaires débattues dans ce lieu concernaient les questions de frontières, la levée des impôts, le règlement des litiges, les négociations commerciales, etc. Toutes les chefferies Bamiléké n'ont pas le même rang. On distingue deux grandes catégories :

1) Les chefferies de Lah-Lepeù : villages jamais dominés ni vaincus et indépendants. Ces chefferies sont généralement considérées comme des chefferies supérieures.

2) Les chefferies de Lah-To' : petit village dépendant d'une grande chefferie qui, soit les a soumises, soit les a offert sa protection. Dans ce cas, la chefferie supérieure assure les relations extérieures, les rapports politiques avec les autres villages, la défense et la sécurité du village sous protectorat. La chefferie supérieure peut comprendre plusieurs chefferies sous protectorat. Ces derniers ont un chef qui est considéré par le pouvoir central comme une sous chefferie construite selon les mêmes principes que la chefferie supérieure, mais avec une ampleur et une architecture moins étendue que celle-ci.

L'administration coutumière du village est assurée par les organes coutumiers locaux, mais les grands conseils de notables disparaissent au profit des conseils de la chefferie supérieure dont la juridiction s'étend uniformément aux chefferies sous protectorat. Toutefois, l'avis des chefs ou des notables des chefferies sous protectorat est requis pour toutes les questions concernant leurs localités. Par ailleurs, les notables des villages placés sous protectorat intègrent, avec leur rang et leurs titres, les grands conseils analogues de la chefferie supérieure.

13. Le contexte économique

Aujourd'hui, Dschang est une ville agricole, universitaire et touristique, riche d'histoire influencée par le passé colonial et les chefferies Bamiléké. Avec ses 15000 étudiants, et 230 écoles, la ville de Dschang est une petite ville de province très dynamique, très différentes des autres villes du Cameroun. Avec l'ouverture récente de la route Mélong-Dschang qui désenclave totalement la région, et met Douala à 3h de route, ce sont de nombreuses opportunités qui s'ouvrent à la ville. Le café, le cacao et le thé font partie des cultures de rente exploitées historiquement et qui ont assuré la richesse de la région.

14. Les habitudes alimentaires

Grâce aux terres fertiles de la Menoua, la région de Dschang regorge de produits vivriers qui viennent enrichir le répertoire alimentaire des populations. On y trouve une multitude de plantes potagères telles que la banane plantain, la patate douce, le macabo, le manioc, l'igname, les carottes, le haricot, le mais, le poireau, les pommes de terres, le choux etc. cet environnement offre aussi une riche palette de fruits : ananas, mangue, goyave, banane douce, papaye, avocat, pastèque, noisette, corossol, mandarine, cerise, fruit noir etc.

Par ailleurs, on note également dans le milieu Dschang la présence de certains produits végétaux dont la fonction va au-delà de la simple consommation alimentaire. Ainsi, le Lipi'h en langue yemba, désigné sous le nom de « Kola » en français, est un fruit amer qui peut être rouge ou blanc et gluant selon l'espèce. L'utilisation de la kola est très symbolique dans la tradition Bamiléké en général et chez les Dschang en particulier. Il symbolise l'amitié et la paix. Ainsi, lorsqu'on tend une noix de kola à une personne, cela équivaut au souhait de bienvenu et à une invitation à l'entente mutuelle. C'est celui qui reçoit qui est chargé de diviser la noix qui peut comporter entre 3 et 6 quartiers. Lorsque la noix comporte un nombre pair de quartiers, cela symbolise une relation d'égalité. Par contre, lorsque ce nombre est impair, cela signifie que dans la relation en cours, il doit y avoir un rapport de respect de l'un envers l'autre.

On a également le ndeundeu, un fruit local en forme de cigare qui grandit à l'ombre des zones humides. Grâce à son goût de sucré anisé, le ndeundeu est très convoité par les jeunes, qui le considèrent comme un bonbon local. Traditionnellement, c'est un fruit qui a beaucoup de vertus, notamment la protection contre les esprits maléfiques. Il est également utilisé en pays Bamiléké dans la préparation de la plupart des produits de la médecine traditionnelle. Le ndeundeu est par ailleurs souvent utilisé lors du règlement de conflits. Lorsqu'après une discussion, le ndeundeu est partagé par les protagonistes, cela marque le signe de la fin des conflits.

· Les plats traditionnels

Une observation de la gastronomie Dschang fait état de plusieurs plats sans lesquels l'Homme dschang ne peut affirmer qu'il a « bien mangé ». Il s'agit de :

Le Kwa'Ndzap C'est le plat typique de l'alimentation Dschang. Il est fait à base de macabo pilé, servi avec des feuilles de légumes verts (ressemblant aux épinards). Il se mange avec les mains.

Le pilé de pommes C'est un mélange de pommes de terre et de haricots rouges ou noirs pilés, cuit avec de l'huile de palme rouge. Dans la région, le pilé peut aussi être fait à base de macabo ou de bananes vertes.

Le Guessang goh, «  gâteau de maïs » est un gâteau fait de maïs écrasé, moulé dans des feuilles de bananes et cuit à la vapeur. Il se consonne mélangé aux feuilles de "légumes" sautées.

Le Koki , plat originaire de Bazou dans le département du Koung-khi, le Koki est une préparation épicée à base de haricots et d'huile de palme, cuite à la vapeur dans une feuille de bananier fumée.

Le Messang, « couscous de maïs aux légumes » est sans doute le plat le plus consommé de la région. C'est une pâte de farine de maïs bouillie pour obtenir une pate mole. Cette pâte s'accompagne de légumes verts (sorte d'épinard) ou de plusieurs sauces parmi lesquelles le "Phieu" ou "Nkwui", sauce gluante de couleur verte foncée, ou le ndolè fait à base de légumes amers et d'arachides bouillies.

Le Taro à la sauce jaune, est un plat typique du Nord-Ouest qui se consomme fréquemment à Dschang. Le taro est un tubercule que l'on pile jusqu'à obtenir une pâte grisâtre. On le déguste alors avec un ou deux doigt ce met avec la fameuse sauce jaune, à base d'huile de palme et d'un mélange d'une dizaine d'épices, de champignons et de viande.

Le Ndolé, légume vert de type épinard, légèrement amer, se prépare avec des arachides bouillies. Selon la région, on rajoute de la viande, du poisson fumé ou des crevettes, qui rajoutent un arôme supplémentaire à la préparation. Le Ndolé se consomme surtout avec du couscous de maïs ou des plantains bouillis.

Toute cette gastronomie locale peut s'accompagner de vin de raphia, extraite de bambou de raphia ou du palmier à huiler. Ce vin se boit sucré, moyennement alcoolisés ou plus fermenté.

15. L'artisanat

La région de Dschang est réputée pour son artisanat de choix et de qualité. En effet, les savoir-faire locaux ancestraux se perpétuent à travers les générations dans plusieurs activités :

La sculpture sur bois : pratiquée depuis très longtemps à Dschang, la sculpture sur bois occupe une bonne frange de la population qui l'exerce comme activité principale. La production est constituée de divers objets tels que les masques, les sièges, les gadgets multiformes ou des tableaux présentant des scènes de la vie quotidienne.

La poterie : En tant qu'activité artisanale qui a occupé beaucoup de paysan dans la Menoua, la poterie reste aujourd'hui un art pratiqué encore dans les localités comme Fokamezo dans le groupement Bafou, où les femmes s'évertuent à mouler de l'argile pour former des objets tels que marmites, pots, pipes, gobelets, cendriers, ...selon une technique artisanale très singulière.

Le raphia : L'artisanat sur raphia est l'une des vieilles techniques de fabrication artisanale en zones tropicales. Dans cette catégorie, on trouve à la fois des objets utilitaires : meubles, plafonds, gadgets, ainsi que des objets ornementaux.

Parmi les autres types d'artisanat de la région, citons aussi les forges traditionnelles, le perlage, la fabrication et la teinte du tissu traditionnel.

16. Contexte historique de la pisciculture dans l'arrondissement de Fokoué et au Cameroun

La pisciculture a été introduite au Cameroun en 1948 par l'administration coloniale dans le cadre d'un plan de développement relativement ambitieux. Ce plan était articulé autour de la mise en place d'un réseau de stations aquacoles (pour la production d'alevins, notamment de Tilapia zilii), d'un service chargé de l'animation et de la vulgarisation, et de la construction de près de 10 000 étangs et barrages. Ce plan a été poursuivi après les premières années de l'indépendance jusqu'à la fin des années 60. L'inadaptation des choix technologiques, combinée à une approche trop interventionniste, s'est traduite par un abandon progressif de la plupart des infrastructures publiques et privées. Dès lors, trois grandes périodes peuvent être distinguées dans l'historique de la pisciculture au Cameroun.

· Dans les années 70 

Entre 1969 et 1972, une génération de projets a permis de relancer le secteur en renforçant le niveau de formation des cadres et techniciens en pisciculture et en proposant de nouvelles formes de pisciculture (polyculture clarias / tilapia, production contrôlée de Clarias gariepinus, intégration élevage-pisciculture, aménagement des étangs). On mentionnera notamment les activités conduites dans le cadre d'un projet régional basé à Bangui, financé par le PNUD et exécuté par la FAO. Dans l'ex-Cameroun oriental, les Volontaires du Corps de la Paix américain et certaines ONG comme OXFAM ont permis de renforcer les capacités des services de vulgarisation. C'est également à cette époque que la carpe commune (Cyprinus carpio), de souche israélienne, a été introduite au Cameroun.

En 1972, un Fonds national forestier et piscicole a été mis en place, dont l'un des objectifs était de financer, suivre et exécuter un programme piscicole à l'échelle de l'ensemble du territoire. Ce fonds a notamment permis le développement du nombre de stations aquacoles gouvernementales. En 1973, un projet national financé par le PNUD et exécuté par la FAO a également vu le jour afin d'appuyer le développement de la pisciculture au Cameroun. Les activités de ce projet, dont le siège était basé à Foumban, prévoyaient de la formation, de la promotion de techniques plus intensives de pisciculture et des activités de démonstration de systèmes de pisciculture commerciale. Mais ce projet, pour raisons budgétaires, a cessé en 1976. Dans le même temps, à partir de 1974, le champ d'intervention des Volontaires du Corps de la Paix a été élargi à toutes les Régions ayant une vocation et un potentiel piscicoles. Dans ce cadre, les systèmes de pisciculture intensive de carpe, dans un premier temps, puis de pisciculture extensive de tilapia dans les étangs de barrage dans les Régions du Centre, du Sud et de l'Est, dans un deuxième temps, ont été promus. En 1978, la Banque Mondiale a appuyé un nouveau projet de développement dans la Région de l'Est. Ce projet portait sur le renouvellement ou la construction de 6 000 étangs privés de 300 m² en moyenne, la réhabilitation de la station aquacole de Bertoua, la construction d'un centre de démonstration piscicole et le renforcement des services de vulgarisation.

· Des années 80 jusqu'à la première moitié des années 90 

En 1980, la responsabilité administrative du secteur de la pisciculture a été transférée du Département des forêts à la Direction des pêches du nouveau ministère en charge de l'élevage et des industries animales, le MINEPIA. Ce changement de tutelle a renforcé l'intérêt apporté par les bailleurs de fonds au sous-secteur. Ainsi, l'USAID a soutenu entre 1980 et 1984 un programme de relance de la pisciculture villageoise dans les Régions du Nord-Ouest et de l'Ouest (formation des encadreurs, réhabilitation de stations piscicoles, accompagnement des initiatives locales). La coopération canadienne, à travers le CRDI, a appuyé entre 1987 et 1991 un projet de recherche sur la pisciculture intégrée à l'élevage de porc et de poulet dans ces mêmes Régions. Les systèmes ont démontré leur rentabilité, mais des problèmes sanitaires associés aux élevages ont mis un frein au développement de ces systèmes.

En 1988, l'administration, avec l'appui des Volontaires du Corps de la Paix, a lancé un projet d'appui à la pisciculture intensive camerounaise (PIC), en promouvant les systèmes de monoculture du tilapia en étangs de dérivation. Six Régions ont été concernées par ce projet: Adamaoua, Centre, Est, Ouest, Littoral et Sud. Ce système de production a rencontré certains problèmes techniques comme les problèmes de surcharge des étangs en alevins. Mais ce projet, dont la durée s'est étalée jusqu'en 2000, a permis de favoriser l'émergence d'un noyau de pisciculteurs aujourd'hui plus ou moins autonomes sur le plan de la conduite des élevages, même si les systèmes sont nettement perfectibles y compris sur le plan de la gestion économique. Au début des années 90, un projet de rizipisciculture dans la Région du Nord (Lagdo), appuyé par la coopération hollandaise, en relation avec la lutte biologique contre les mollusques vecteurs de la bilharziose, a été mis en oeuvre, avec des résultats très mitigés. Entre 1991 et 1995, un projet financé par la coopération belge a permis d'appuyer la station de Foumban dans la production d'alevins de Clarias.

· De la deuxième moitié des années 90 jusqu'à nos jours

Depuis une quinzaine d'années, une approche moins interventionniste, moins tournée vers l'atteinte de résultats quantifiés (ex. construction de x étangs), prenant davantage en considération les aspects de rentabilité et d'autonomie des systèmes de production, et consacrant le principe de la participation des promoteurs à toutes les étapes du projet semble se démarquer. Ainsi, entre 1994 et 1997, la coopération française a appuyé un projet de développement de la pisciculture à Yemossoa en s'appuyant sur des outils de recherche-action Des projets de recherche participative mis en oeuvre récemment ont confirmé la pertinence de cette approche et permis de laisser entrevoir, après plusieurs décennies de balbutiements, le décollage de la pisciculture au Cameroun. Il s'agit du projet de recherche participative paysans-chercheurs mis en oeuvre entre 2000 et 2005 par le WorldFish Center, sur financement de la coopération du Royaume Uni (environ 1,5 millions $EU), qui a beaucoup travaillé sur le renforcement des liens entre les marchés et les petits producteurs, et permis de raviver les activités de production d'alevins de Clarias. Il s'agit aussi du projet REPARAC (Renforcement du Partenariat en Recherche Agronomique au Cameroun), financé par la coopération française entre 2006 et 2008 (environ 1 million $EU), et impliquant notamment le CIRAD (organisme de recherche français), et du Projet pour une Pisciculture Villageoise rentable dans les régions Centre et Ouest Cameroun (PVCOC), financé par la Commission européenne (environ 785 000 €) et couvrant la période 2005-2010.

En parallèle, des actions de promotion, de manière participative, de la pisciculture non commerciale au titre de la diversification agricole, ont été conduites dans le cadre du Programme Spécial pour la Sécurité Alimentaire (PSSA) initié par la FAO1(*). Une trentaine d'étangs piscicoles ont ainsi été construits entre 2002 et 2005.

En fin d'année 2003, le Gouvernement a par ailleurs validé un document de politique générale intitulé `Cadre stratégique pour le développement durable du secteur' qui précise un certain nombre de principes et d'orientations à suivre pour une pisciculture durable, notamment sur le plan de la rentabilité économique, et responsable. Ce document marque un certain tournant dans l'histoire du secteur au Cameroun. C'est dans ce contexte porteur d'espoirs et riche d'enseignements divers, que se situe l'exercice de planification du développement du secteur.

17. Situation actuelle du secteur de la pisciculture

1. Pisciculture en eau douce

1. Systèmes de production

Les critères permettant de caractériser les différents systèmes de production piscicole au Cameroun font encore parfois débat2(*). Un large consensus est en revanche établi aujourd'hui en ce qui concerne la nécessité de distinguer deux grands types de pisciculture ; à savoir : une pisciculture commerciale dont l'élément principal est la recherche du profit quel que soit le système de production (intensif, semi-intensif, extensif), le niveau d'investissement et le degré d'intégration horizontale ou verticale des filières ; et une pisciculture non commerciale dont l'élément principal est l'insertion des systèmes de production piscicole (le plus souvent extensifs) au titre de la diversification agricole et de la sécurité alimentaire au niveau local.

Le Cadre stratégique de la pisciculture de 2003, tout en considérant qu'un système d' pisciculture est « une combinaison de type d'unité de culture, de niveau d'intensité, d'espèces élevées et d'échelle ou dimension de l'exploitation », distingue ainsi deux grandes catégories de producteurs :

· Les producteurs commerciaux (de petite, moyenne ou grande échelle), qui achètent des intrants (y compris le capital et la main-d'oeuvre) et assurent la vente des produits sur les marchés, dans une optique de maximisation des profits. Les producteurs concernés sont par ailleurs peu ou pas dépendants de l'aide publique pour pérenniser leurs entreprises. 

· Les producteurs non commerciaux, qui peuvent également acheter des intrants (principalement alevins et aliments), mais qui dépendent principalement de la main-d'oeuvre familiale et de la vente sur place du produit. Pour ces producteurs, la pisciculture ne constitue par ailleurs qu'une activité parmi d'autres au sein de l'exploitation agricole, encouragée au titre de la diversification des sources de revenus, de l'optimisation des ressources en eau et d'une stratégie de minimisation des risques de faillite suite à une mauvaise récolte ou une chute du marché des produits agricoles. 

La frontière entre ces deux types de pisciculture est parfois difficile à établir. Ce qui peut expliquer le manque de lisibilité des données et des statistiques disponibles sur la pisciculture au Cameroun. Cela est aussi de nature à poser des problèmes sur le plan juridique lorsqu'il s'agira de définir, le cas échéant, les différents systèmes de production au sein des deux grands types de pisciculture.

Dans tous les cas, les systèmes de production au Cameroun sont par ailleurs des systèmes de polyculture de Oreochromis niloticus (tilapia) et Clarias gariepinus (silure) en association parfois avec Heterotis niloticus (kanga), Parachanna obscura (poisson à tête de serpent) et/ou Cyprinus carpio (carpe), cette dernière espèce ayant surtout été vulgarisée dans les régions des hauts plateaux. Des systèmes d'intégration de l'élevage de porcs ou de poulets sont également pratiqués.

Les rendements de production varient pour leur part entre 100 et 500 kg/ha/an pour les systèmes les plus extensifs (cycles de production jusqu'à 2 années), entre 1,5 à 2,5 t/ha/an pour les systèmes semi-intensifs (cycles de production de 6 à 12 mois) et jusqu'à 10 t/an pour les systèmes les plus intensifs.

Le tableau 1 récapitule la situation concernant le nombre actuel de pisciculteurs et d'étangs dans 7 des 10 Régions du Cameroun. Parmi les 3 Régions manquantes (Nord, Extrême Nord, et Adamaoua), seule la Région de l'Adamaoua recense, en raison de conditions biophysiques favorables, des exploitations de pisciculture en étang.

Tableau 2 : Inventaire des pisciculteurs et des étangs - sources : Rapports d'activités annuels des Délégations régionales du MINEPIA, et IRAD / WorldFish Center

Régions

Nombre de

pisciculteurs

Nombre d'étangs

Superficie (ha)

Adamaoua

-

-

-

Centre

550 (534)

856

116,0 (23,4)

Littoral

28

66

2,8

Est

987

1 274

257,0

Ouest

287 (197)

434

24,9 (17,0)

Nord-Ouest

1 054

1 510

15,0

Sud

409

826

99,9

Sud-Ouest

187

230

2,9

Total

3 502

5 196

518,5

( ) : Travaux spécifiques conduits par le WorldFish Center et l'IRAD entre 2005 et 2007

Dans les Régions où l'on dispose d'informations plus détaillées, on peut souligner que les fermes à petite échelle (i.e. taille inférieure à 0,5 ha) sont les plus représentée en termes d'effectifs. Dans le cas de la Région du Sud, elles représentent par exemple 87% de l'effectif. En termes de superficie totale, et donc de contribution à la production piscicole totale, les chiffres sont en revanche inversés : les fermes de taille supérieure à 0,5 ha, et devant être rangées dans la catégorie de la pisciculture commerciale, représentent, toujours dans la Région du Sud, environ 73% du total en superficie cumulée. Ce qui atteste de l'importance de la pisciculture commerciale dans le cadre de l'objectif de sécurité alimentaire du pays, malgré sa faible représentativité en termes de nombre d'exploitations.

Les tendances évolutives montrent qu'après une longue période de démarrage qui a duré près de 40 ans, et au cours de laquelle la production et le nombre de producteurs ont suivi une évolution en dents de scie, notamment sous l'influence des différents projets qui se sont succédés, la pisciculture semble connaître une progression continue depuis la deuxième moitié des années 90.

18. Autres formes de pisciculture

La pisciculture - au sens de l'élevage d'organismes aquatiques - fait principalement référence, dans le contexte camerounais, à l'élevage du poisson d'eau douce, i.e. la pisciculture. D'autres formes de pisciculture existent, qui compte tenu de la portée du présent document, doivent être mentionnées même s'il est peu probable que celles-ci feront partie des priorités dans le cadre du plan de développement. Celles-ci comprennent : la pisciculture marine, la pisciculture de poissons d'ornements et les opérations d'aménagements de petits plans d'eau à des fins d'augmentation de la productivité biologique `naturelle'.

Pour ce qui est de la pisciculture marine, quelques essais de production de crevettes d'eau douce ou d'eau saumâtre seraient en cours dans les environs de la ville de Kribi, avec l'appui de l'ONG `Bleu Cameroun' et de la société de concept `Azul'. La production de post larves se ferait dans les eaux maritimes et les bassins d'élevage sur la côte. Le projet, qui associerait un privé, est encore dans sa phase d'initiation. A noter qu'une écloserie existe déjà à Kribi.

Le Cadre stratégique précise par ailleurs que, du point de vue stratégique, la pisciculture marine et les autres systèmes de production côtière ne sont pas différents des systèmes continentaux et que les principes énoncés pour la pisciculture devraient s'appliquer de la même façon. Il est toutefois rappelé que les régions côtières sont constituées d'écosystèmes délicats qui, tout en étant fragiles, sont très productifs et demandent des études de l'environnement approfondies. La nécessité de promouvoir une gestion intégrée des zones côtières, en concertation avec les autres usagers, est également soulignée.

Des expériences sur la pisciculture des poissons ornementaux destinés à l'exportation sont conduites depuis le début des années 2000, avec l'appui du WorldFish Center, et en collaboration avec un groupe de femmes des villages environnants de la ville de Kribi/Sud.

Quant à la pêche basée sur des opérations de forçage de la productivité biologique (qualifiées parfois de `pêches amplifiées' ou `aménagements aquacoles'), de nombreuses expériences concernant la mise en valeur des Yaérés (plaines d'inondation) sont souvent mentionnées. Les travaux de recherche action menés dans le cadre du projet `Evaluation de la Durabilité de la pisciculture' (EVAD) au Cameroun décrivent cette forme de pisciculture traditionnelle ancestrale caractéristique de la plaine des Mbos dans le département de la Ménoua3(*). V. Pouomogné décrit par ailleurs la pêcherie d'alevins de silures (Clarias jaensis et Clarias gariepinus) à des fins de pisciculture dans la rivière Nkam dans les Régions du Littoral et de l'Ouest4(*). Ainsi en 2006, ce sont près de 350 000 alevins (essentiellement C. jaensis) destinés à la pisciculture qui ont été prélevés dans le bassin de la Nkam.

19. Rentabilité économique de la pisciculture

La question de la rentabilité des exploitations se situe au coeur du processus de développement de la pisciculture en Afrique sub-saharienne en général. Des études économiques et des analyses financières récentes de projet tendent à montrer que des modèles d'exploitation piscicole au Cameroun (allant de systèmes extensifs bien gérés à des systèmes semi-intensif à intensif avec apport accru d'aliments) peuvent s'avérer rentables et suffisamment attractifs pour des investisseurs potentiels, dès lors que certaines conditions sont réunies.

Les résultats provisoires d'analyses financières réalisées dans le cadre du projet TCP/CMR/3103 sur deux systèmes d'exploitation `classiques' de pisciculture commerciale existant au Cameroun confirment ces assertions (cf. tableau 5). Il s'agit du système de polyculture sur une exploitation individuelle de 2 ha d'étangs de production (= type 1) et du système de polyculture sur un groupement villageois de plusieurs pisciculteurs à petite échelle dont la superficie totale cumulée est de 0,5 ha d'étangs de production (= type 2) 5(*).

Tableau 2 : Résultats de l'analyse financière de quelques systèmes de pisciculture commerciale (source : FAO/TCP/CMR/3103)

 

Type 1

Type 2

Taux d'actualisation

14 %

14 %

Montant total d'investissements

56,1 millions FCFA

16,6 millions FCFA

Répartition dans le temps de l'investissement

3 ans

2 ans

Durée de vie utile de l'investissement (étangs et retenue)

20 ans

20 ans

Valeur actualisée nette (VAN) du cash-flow

83 millions FCFA

14,5 millions FCFA

Taux de rentabilité financière (TRI)

30 %

27,7 %

Délai de récupération du capital initial

4,9 ans

5 ans

L'objet de ces analyses économiques est également de déterminer des normes d'exploitation objectives permettant de garantir la rentabilité financière de l'activité piscicole et de l'inscrire dans la durabilité. L'intérêt de ces modélisations réside également dans l'analyse des trois principaux facteurs affectant la rentabilité (analyse de sensibilité), à savoir : le prix des alevins, le prix de l'aliment, et le prix de vente du poisson d'élevage.

En ce qui concerne les alevins, on peut noter qu'une augmentation d'environ du double du prix des alevins, qui pourrait résulter logiquement d'une amélioration de leur qualité (souche améliorée), se traduirait par une augmentation du poste `alevins', mais qui serait largement compensée par une amélioration des rendements de production, sous réserve bien sûr d'une alimentation correcte. Si ce n'était pas le cas, alors on assisterait à une baisse importante des TRI qui s'établiraient ainsi à 16,4% pour le type 1 et à 13,4% pour le type 2.

Pour l'aliment, si l'on fait l'hypothèse que des industriels locaux peuvent produire des granulés à un prix de 500 FCFA/kg, alors cela se traduirait par une diminution des TRI qui s'établiraient respectivement à 21,3% et 18,2% pour les exploitations de type 1 et de type 2. Toutefois, tout comme dans le cas des alevins, l'aliment devrait être d'une bonne qualité, à même d'améliorer significativement la production de poisson marchand et d'enrayer les effets négatifs de la hausse des prix.

20. La pratique de la pisciculture à Fokoué

2. Les types de poissons d'eau douce élevés

· le silure

Le silure est l'une des nombreuses espèces de poissons-chats appartenant à l'ordre des siluriformes et à la classe des Ostéichthyens. Ces poissons sont caractérisés par une large bouche entourée de barbillons, des nageoires fréquemment munies d'épines et sont souvent dépourvus d'écailles. Ils vivent dans les eaux douces, les estuaires et les mers côtières de tous les continents, à l'exception de l'Antarctique. On compte aujourd'hui 14 espèces identifiées de silures (genre Silurus). C'est un poisson discret et solitaire, lucifuge (qui évite la lumière), vivant d'ordinaire dans les zones les plus profondes de son habitat. Les femelles pondent alors entre 20 et 30 000 oeufs par kg de leur poids, toujours dans une eau d'une température supérieure à 20°C, à la fin du printemps. Certains spécimens dépassant les 2,60 m et les 110 kilogrammes, le silure a longtemps été accusé d'être extrêmement vorace ; on sait aujourd'hui qu'il n'en est rien, seule la sous-estimation de sa population expliquant la diminution corrélative des populations de crustacés, d'amphibiens de et surtout de brèmes dont il se nourrit. À noter qu'il mange aussi des silures mais en cas de manque de nourriture dans son entourage.

Photo1 : un silure (Nempe F. 2008)

· le tilapia

Le tilapia est un poisson d'eau douce, de l'ordre des perciformes et de la famille des cichlidés, comprenant environ 40 espèces originaires de la zone éthiopienne. Les tilapias sont caractérisés par un corps assez court et trapu, recouvert de petites écailles cycloïdes (écailles rondes dont les bords sont émoussés) ou cténoïdes (rondes, avec des bords en dents de scie). Ils mesurent en moyenne de 10 à 30 cm de long. Leur bouche est garnie de deux à trois rangées de dents. Le tilapia peut atteindre jusqu'à 45 cm de longueur avec un poids d'environ 2 kg. L'échelle de température privilégiée est de 22 à 32 °C. Le rythme de croissance et le taux d'alimentation ralentissent quand la température descend sous les 21 °C. Il est intéressant de noter qu'il existe des preuves selon lesquelles les Égyptiens élevaient le tilapia dans des étangs il y a plus de 3 000 ans. Le tilapia est souvent appelé « saint-pierre » parce que, selon la légende, ce serait ce poisson que saint Pierre aurait capturé quand le Christ lui a demandé de mouiller ses filets dans la mer de Galilée. Certaines espèces de Tilapia ont déjà été introduites dans certains plans d'eau douce d' Amérique centrale et d'Asie du Sud Est car elles présentent des caractéristiques intéressantes pour le type d'élevage : un régime alimentaire polyvalent (planctonophage, végétarien ou omnivore) ; un indice de conversion alimentaire et une croissance généralement élevés ; une grande résistance au manque d'oxygène ; une reproduction rapide et facile ; un faible degré de parasitisme, ce qui diminue les pertes causées par une baisse dans le taux de croissance et par la mortalité ; une chair de bonne qualité et de prix abordable et une tolérance aux eaux à température relativement élevée.

Photo 2 : un tilapia (Nempe F. 2008)

· la carpe

La carpe est un nom vernaculaire utilisé pour désigner des poissons d' eau douce de la famille des Cyprinidae (ou cyprinidés). Ce terme est ambigu car il peut désigner génériquement l'ensemble de la famille, voire de l'ordre. Les adultes ne pèsent généralement pas plus de 2,3 kg, mais des spécimens pesant plus de 35 kg ont été répertoriés. Les carpes fraient entre mai et juillet, les femelles pondent parmi les plantes aquatiques. Elles prospèrent de façon optimale dans les eaux assez chaudes, en particulier dans les lacs peu profonds au fond vaseux. En hiver, elles s'engourdissent, cessent de se nourrir et se tiennent près du fond ; en période de sécheresse, elles peuvent même s'enfouir dans la vase et survivre ainsi plusieurs semaines. Les carpes sont prolifiques et se reproduisent rapidement ; elles font l'objet d'une pisciculture importante en Europe, en Asie, en Afrique du Sud et, à plus petite échelle, aux États-Unis. Se nourrissant au fond des cours d'eau, elles agitent la vase et déracinent la végétation, en chassant souvent d'autres poissons ; d'un autre côté, elles peuvent survivre en eau stagnante ou polluée, là où les autres poissons ne peuvent pas vivre.

Photo 3 : une carpe (Nempe F. 2008)

· le « kanga »

De son nom scientifique hétérotis niloticus, le « kanga » est une espèce typiquement soudanienne, mais introduite dans les zones forestières où elle s'acclimate facilement. Il est connu dans les régions du Lac Tchad, la rivière du Chari, et celle de la Bénoué. Depuis 1955, il est introduit dans certaines rivières du Sud Cameroun, comme le Nyong et la Sanaga. Son régime alimentaire se compose d'insectes, de graines de graminées et de phytoplancton. C'est le poisson le plus récemment introduit dans les étangs de Fokoué, venu de la région d'Akonolinga.

Photo 4: un « kanga » (Nempe F. 2008)

3. L'espace piscicole : l'étang

Un étang (estang, latin stagnum) est une étendue d'eau stagnante, peu profonde, de surface relativement petite (jusqu'à quelques dizaines d'hectares), résultant de l'imperméabilité du sol. Il s'agit d'un plan d'eau, continental, d'origine naturelle ou anthropique. À l'origine les étangs ont été aménagés principalement pour la pisciculture, les ressources de l' agriculture ou de l' élevage n'étant pas suffisantes dans les régions où le sol était à la fois pauvre et marécageux. Certains étangs sont toujours exploités pour la production de poissons d' eau douce, d'autres sont entretenus pour le simple agrément ou pour constituer une réserve d'eau douce pour la consommation, l' irrigation ou l'arrosage. La plupart des étangs sont le résultat d'aménagements humains, soit par l'établissement d'une digue sur un cours d'eau, soit par curage d'un endroit naturellement humide et alimenté par les eaux de pluie, de source, de ruissellement ou en creusant jusqu'en dessous de la nappe phréatique. La formation d'un étang nécessite une alimentation en eau et un sol assez imperméable ou une communication avec la nappe phréatique. L'alimentation peut consister en un canal prélevant l'eau sur un cours d'eau naturel. Il est fréquent que le cours d'un ruisseau ait été utilisé pour créer un chapelet d'étangs se déversant les uns dans les autres. La digue d'un étang est constituée par un amas de terre, de cailloux et d' argile ou très rarement par un mur- barrage en béton ou en maçonnerie. La plantation d'un étang n'est pas neutre pour son environnement. Son impact peut être positif ou néfaste. S'il détourne l'eau d'une rivière, ou se déverse dans un ruisseau, le réchauffement de l'eau de l'étang en été peut avoir des conséquences importantes sur l'évolution de la faune et de la flore du cours d'eau. Lors de sa vidange brutale, l'étang injecte dans le cours d'eau récepteur des matières minérales et organiques modifiant la composition de l'eau courante mais par sa végétation (plantes flottantes et enracinées, phytoplancton...), il contribue à l'épuration de l'eau.   Les étangs, particulièrement s'ils sont facilement vidangeables ou aménagés pour cela, permettent depuis longtemps une production importante de poisson.

Photo 5 : un étang à moitié plein (Nempe F. 2008)

4. La nutrition des poissons

La nutrition des poissons dépend des moyens financiers de chaque pisciculteur. En effet, pour nourrir les poissons, certains se contentent des déchets de cuisine tels que les épluchures de banane ou de plantain, de pommes de terre, de tubercules ou des restes de nourriture avariée. Ces éléments fournis par l'agriculture peuvent servir à nourrir les porcs dont l'enclos est construit sur pilotis au-dessus de l'étang. Les déjections de ces porcs constituent une nourriture riche pour les poissons tandis que leurs urines fertilisent l'eau. Ainsi, pour faire de la pisciculture, il faut également pratiquer l'agriculture et l'élevage. Par ailleurs, les pisciculteurs utilisent aussi la bouse de vache ou de cheval, du remoulage (produit obtenu après une deuxième mouture de la farine d'une céréale), du son mélangé (résidu de la mouture des céréales, constitué de l'enveloppe de leurs grains). L'inconvénient réside dans le fait que ces aliments ne sont pas produits par les ménages. Ils s'achètent à des prix parfois au-dessus du pouvoir d'achat des pisciculteurs. La compostière est un moyen simple de nourrir les poissons. C'est un enclos construit avec des bambous fins sur la berge de l'étang. On y jette des déchets de cuisines et des herbes. Leur décomposition après quelques semaines diffuse dans l'eau des éléments organiques et des matières minérales qui servent de nourriture aux poissons.

5. La pêche

La pêche se pratique par une vidange. D'abord, elle consiste à vider toute l'eau de l'étang à travers un épais tuyau. Ensuite d'attraper les poissons qui se cachent dans la boue. Pour un étang moyen, il faut attendre environ deux heures pour que l'eau soit évacuée. Pendant ce temps, deux ou trois personnes sont placées à l'autre extrémité du tuyau pour attraper les poissons qui s'échappent. Une fois que l'étang est presque à sec, les pécheurs entrent dans la vase et à l'aide de paniers, ils capturent les poissons. Un procédé plus conventionnel requiert l'utilisation d'une senne (grand filet) tenue par cinq personnes. Deux aux extrémités et trois au milieu pour tirer la senne vers le bord. Une dernière personne se tient hors de l'eau pour récupérer les poissons. Ensuite, les poissons récoltés sont mis dans un récipient d'eau propre dans le but de les nettoyer et de les maintenir en vie, car il est important pour les clients d'acheter leur poisson encore vivant. Cela leur apporte une certaine assurance quant à la qualité de ce poisson. Les petits sont triés et renvoyés dans l'eau.

La vidange permet aux pisciculteurs de se procurer une quantité de poissons non négligeable. L'argent issu de la commercialisation de ce poisson permet de subvenir à une partie des besoins de la famille. Toutefois, il demeure toujours une difficulté : la vidange s'effectue une fois par an (entre le 24 et 31 décembre), ce qui représente une longue période d'attente pour profiter des bénéfices de la pisciculture. Un équipement de pêche tel que la senne ou la canne à pêche permettrait aux pisciculteurs de prélever par moment la quantité de poissons nécessaire pour satisfaire la commande d'un client, sans avoir à attendre la fin de l'année pour vidanger. En outre, lorsque la quantité de poissons récoltée dans les vidanges est importante et que la commercialisation est difficile, il se pose un problème de conservation. C'est ce qui amène les pisciculteurs à solliciter une formation dans les techniques de fumage. Ils pourraient à cet effet conserver leur poisson plus longtemps et surtout le revendre plus cher qu'à l'état frais.

Photo 6 : une séance de pêche à la senne (Nempe F. 2008)

Photo 7 : une séance de pêche par la capture à mains nues (Nempe F. 2008)

Photo 9

Photo 8

Photo 11

Photo 10

Photos d'une récolte de silure (photo 8), de carpe (photo 9), de tilapia (photo 10) et de « kanga » (photo 11)

6. Les croyances locales liées à la pisciculture

L'activité piscicole à Fokoué implique une cohabitation avec des êtres surnaturels. En effet, il ressort des entretiens avec des pisciculteurs qu'il existe des totems qui nuisent au développement de la pisciculture. (Ce sujet semble tabou car bon nombre de pisciculteurs nient leur existence. Seul deux d'entre eux en font mention dans nos entretiens). Nous avons ainsi pu répertorier un certain nombre d'élément qu'ils identifient comme des totems. Il y a le /mpehntse /qui signifie « le chien de l'eau ». Il est aussi appelé /mbúlù /qui veut dire « super ». Ce nom vient du qualificatif « super » communément donné aux chefs traditionnels en vertu du respect qui lui est du. C'est donc le totem du chef. Il s'agit de la loutre, un mammifère carnivore aquatique. Il peut atteindre 75 cm de longueur. Une longue queue, la tête large et plate, avec des oreilles courtes et arrondies ; le museau arrondi porte des narines latérales en forme de fentes. Les oreilles et les narines peuvent être fermées quand l'animal plonge. La fourrure est châtain, les pattes sont courtes mais puissantes, et les pieds palmés sont munis de griffes. Les loutres vivent dans des terriers, généralement situés au bord de l'eau et comportant une entrée sous l'eau. Elles mangent des poissons et de petits mammifères, des oiseaux, des grenouilles et des écrevisses. Cet animal nuit au développement de l'activité piscicole en dévorant les poissons dans l'eau.

Un autre totem fait référence à un serpent ánú qui est selon les pisciculteurs, envoyé par quelqu'un pour dévorer les poissons. La mise à mort de ce serpent entraîne la mort de son maître. A moins que ce dernier ne reconnaisse devant ses détracteurs qu'il est effectivement le maître du serpent. Ainsi on pourra lui sauver la vie en lui faisant consommer un mélange d'herbes préparé par une personne initiée. Il pourra donc regagner un autre serpent de la même espèce sans lequel il ne peut vivre. Cependant, l'efficacité de ce traitement est tributaire d'un délai d'exécution. Ce délai dépend de l'endroit du corps où l'animal a été frappé. S'il s'agit de la tête, il faudra rapidement agir en moins de trois jours. Sur les autres parties du corps, on dispose d'une semaine pour « reconduire » le totem.

L'arc-en-ciel nungem est également perçu comme un totem. Il agit à travers un petit lézard aquatique. Lorsque ce dernier veut sortir de l'eau, sa respiration dégage une grande chaleur qui peut être nocive pour les personnes présentes dans la zone de l'étang. Puis, une petite pluie survient et c'est à ce moment-là qu'il sort de l'eau. Sa respiration dégage une vapeur qui va donc former un arc-en-ciel. Ce lézard est nuisible dans la mesure où il est capable d'assécher complètement un petit étang. Les totems n'agissent pas seulement dans le cas de la pisciculture, ils interviennent également dans l'agriculture. Leur passage dans les champs rend les cultures rougeâtres puis sèchent complètement. En dehors de ces totems, on note aussi la présence de prédateur tel que le  ndòkfáòntse  c'est-à-dire le canard sauvage. D'autre l'appelle ngàmtsè  qui signifie la poule de l'eau.

7. Les mesures préventives

Les pisciculteurs ont mis au point un certain nombre de méthodes pour contrecarrer l'action des totems dans la gestion des étangs. Ainsi, une plante appelée  panzemzemoh  qui veut dire « rouge d'un seul côté » est plantée  autour de l'étang. C'est une plante dont les feuilles sont rouges d'un côté et violet foncée de l'autre. Elle est dotée de pouvoirs magico-religieux qui empêchent les totems de dévorer les poissons. Des pièges sont également installés.

Pour le cas des oiseaux pêcheurs séng et des canards sauvages, les pisciculteurs utilisent de l'urée qu'ils infusent dans l'eau de l'étang. L'urée est un composé cristallin incolore, produit d'excrétion de l'ammoniac issu de la dégradation des protéines chez les êtres vivants. L'urée est abondamment présente dans l'urine des mammifères, y compris celle de l'homme. On en trouve également des traces dans les excréments des poissons et d'autres animaux, ainsi que dans diverses moisissures, les feuilles et les graines de nombreux légumes et céréales. Cette substance leur permet de rendre l'eau verte afin que les poissons soient invisibles aux yeux des oiseaux.

8. Les modes de préparation culinaires

Pour la consommation des poissons des étangs, les pisciculteurs « connaisseurs » pensent que chaque type de poisson a une technique propre de cuisson. Pour le tilapia, quelques entretiens ont révélé que la technique adéquate consiste à le rouler d'abord dans la farine et le faire frire longuement afin que ses arrêts deviennent croustillants. Il peut donc être mangé en toute sécurité. C'est ce que nous avons également constaté dans la pratique.

Quant au silure, il est beaucoup plus consommé sous forme de bouillon. Pour cela, il faut d'abord le nettoyer avec de l'eau tiède salée pour le débarrasser de sa peau glissante (qui a un goût amer). La méconnaissance de cette technique constitue un frein pour l'achat et la consommation de ce poisson par les populations. En plus, il est plus apprécié par les ménages sous la forme fumée, qu'ils ont d'ailleurs eu l'habitude de consommer.

Le kanga pose également quelques problèmes. Sa chair molle contient trop d'eau selon quelques consommateurs. C'est pour cela qu'une restauratrice du coin décide d'innover en le faisant cuire à la braise pour sécher toute l'eau et rendre la chair plus ferme. Lorsque ces poissons ne sont pas consommés directement ils sont fumés par une technique locale.

La première phase de cette étude nous permet d'appréhender le phénomène de l'intérieur. Elle nous révèle l'existence d'un caractère magico-religieux. En effet, des animaux totems interviennent dans la gestion des étangs de manière défavorable. Cet aspect n'est pas sans conséquence puisqu'il entrave le développement de la pisciculture et peut décourager les jeunes qui veulent s'y lancer. La seconde phase de notre étude nous conduira à définir de manière quantitative tous les facteurs qualitatifs qui influencent le choix des consommateurs et des non consommateurs.

CHAPITRE II : MODES DE DISTRIBUTION, DE TRANSFORMATION ET DE CONSOMMATION DU POISSON D'EAU DOUCE ELEVE

Dans ce chapitre, nous commençons par identifier les types de poisson d'eau douce qui sont élevé et consommés, en utilisant les termes locaux qui traduisent partiellement la manière dont ces poissons sont perçus. Ensuite, nous voyons comment les données obtenues à l'issue des entretiens et des observations permettent de relever les différents manières dont consommateurs s'approvisionnent en poisson d'eau douce élevé, les procédés de transformation auxquels ils ont recours, tant pour la préparation que pour la conservation, et la consommation dans toute ses déclinaisons.

· Identification des produits consommés

S'interroger sur la nature des produits consommés est la première préoccupation de tout chercheur qui s'intéresse à l'alimentation d'une société (Bricas, 1996). Dans la socio-culture des consommateurs, il existe des vocables pour désigner les différents types de poisson d'eau douce élevés. Mais avant, il importe de relever la distinction que ces derniers établissent entre le poisson de mer, habituellement consommé et le nouveau type de poisson qui leur est proposé.

Dans la langue locale (yèmba), le terme utilisé pour désigner l'étang est : /epwemesé/ cela veut dire : « le trou du poisson », qui est différent de /nstémeséh/ qui signifie « l'eau qui contient les poissons ». L' /épwemesé/ est le trou qu'une personne creuse pour y élever les poissons. C'est donc l'étang qui appartient à quelqu'un. Or le /nstémeséh/ est un cours d'eau où les poissons vivent naturellement. Ainsi, en partant des termes locaux qui désignent les espaces d'où viennent les deux types de poisson, on en arrive à conclure que le poisson d'eau douce élevé renvoie à l'altérité, à ce qui vient d'ailleurs.

S'agissant alors des produits consommés, les quatre types de poissons identifiés n'ont pas d'appellations traditionnelles dans la langue yemba. Cela pourrait se justifier par le caractère nouveau de la pisciculture dans cet arrondissement. Toutefois, la première distinction faites par les consommateurs est liée à la nature du type de poisson, à savoir le poisson frais, fumé ou sec. Il y a le /msèfí/ qui veut dire   le poisson frais et le /búnga/ qui désigne le « poisson sec ». Les vocables alloués à certains poissons résultent d'un certain nombre d'expériences qui permettent aux populations de les qualifier, et donc de les nommer.

· Le tilapia est localement appelé /tchehmoli/ pour signifier qu'il faut « laisser l'enfant dormir avant de préparer ». Cette appellation traduit une perception liée à la sécurité et à la santé car le tilapia a beaucoup d'arrêts. Pour cela, Il faut donc attendre que l'enfant soit endormi avant de le préparer, de peur qu'il ne se prenne des arêtes dans la gorge.

· Le silure est designer par le terme /selefu/, pour indiquer « le poisson de la plaine ». Par cette appellation, les populations veulent signifier qu'il s'agit d'un poisson qui n'appartient pas à leur univers culturel.

· Pour la carpe et le kanga, il n'existe pas de terme local pour les désigner, ils conservent leurs noms d'origine.

· Identification des pratiques alimentaires liées au poisson d'eau douce élevé

Les pratiques correspondent à des manières de faire habituelles, soit individuelles soit collectives. Dans la sphère de l'alimentation, notamment en ce qui concerne le poisson d'eau douce élevé, trois catégories de pratiques sont identifiables, à savoir les pratiques de distribution, les pratiques d'approvisionnement, les pratiques de transformation et de préparation des aliments, les pratiques du « manger » ou de consommation.

1. Les pratiques de distribution

Celles-ci correspondent à la manière dont les pisciculteurs s'organisent pour assurer une offre satisfaisante de poisson d'eau douce élevé auprès des populations. Les méthodes dont ils usent pour la distribution de leur poisson obéissent à deux logiques :

1. La logique marchande

La logique marchande est celle qui consiste à vendre le poisson pour gagner de l'argent. A ce niveau, l'activité est purement lucrative et les producteurs mettent en place des stratégies de commercialisation. Selon eux, « pour pouvoir vendre le poisson, il faut le faire connaitre, il faut le vanter », c'est-à-dire en parler aux gens pour attiser leur curiosité. D'une part, une campagne publicitaire est menée dans le village. Les producteurs passent de maison en maison pour faire savoir aux populations que les pêches auront bientôt lieu et que le poisson sera disponible. La nouvelle circule « de bouche à oreille ». Notons également que parfois, des publicités sont faites en zone urbaine (ville de Dschang), dans une radio de la place (Radio yemba). L'annonceur informe le grand public du lieu et de la date des pêches. D'autre part, des affiches sont collées dans les endroits populaires tels que la place du marché, à la sortie de l'église et à l'entrée de la chefferie. Dans les deux cas, les personnes qui sont intéressées peuvent se rendre au lieu indiqué pour acheter leur poisson. Sur place, chaque personne passe sa commande. La quantité demandée est emballée dans un plastique et pesée avant d'être servie. La pesée permet aux pisciculteurs de contrôler la quantité de poisson pêché et vendues Par ailleurs, les producteurs se rendent chez les personnalités influentes du village telles que le chef, le Sous-préfet, les notables et autres élites pour faire la promotion de leur produit. Quelques fois cependant, la distribution du poisson par les producteurs ne suit pas toujours la perspective d'un profit financier.

2. La distribution selon la logique non-marchand

La logique non-marchand est celle où le producteur offre gratuitement du poisson aux gens qui l'entourent (parents, amis, voisins). Etant donné qu'il s'agit là d'un aliment encore méconnu de beaucoup de personne, cette forme de distribution est une manière de « faire connaître le poisson », de le vulgariser, d'amener les gens à s'y intéresser. De la sorte, les producteurs laissent aux consommateurs le temps d'apprécier le poisson, de faire passer le message pour essayer de convaincre les sceptiques. Par ailleurs, ce don de poisson par le producteur à ses proches lui permet de « soigner son image », éléments important dans son rapport avec les consommateurs. Autrement dit, offrir le poisson à ses proches confère au producteur une image favorable à son activité car, au moment de la vente, ceux-là seront plus disposés à acheter ce poisson.

2. Les pratiques d'approvisionnement

Cette catégorie de pratique est importante à saisir dans la mesure où elle aide à comprendre comment s'effectuent les choix des consommateurs vis-à-vis du lieu d'approvisionnement. Ainsi, trois principaux lieux d'approvisionnement en poisson d'eau douce ont été identifiés :

1. L'approvisionnement au bord de l'étang

Les producteurs donnent l'occasion aux populations de venir jusqu'à l'étang s'approvisionner en poisson. Cette pratique leur permet aussi de faire connaître leur nouvelle activité, de faire « voire comment ça se passe », en un mot de démystifier la pisciculture aux yeux des incrédules. Les consommateurs achètent donc leur poisson directement sorti de l'eau. Selon les dires de quelque uns,

« Quand nous voyons comment ça sort de l'eau et on achète directement, on est sûr que c'est de la bonne qualité et que le goût  sera bon».

Rappelons en outre, que les personnes venues s'approvisionner au bord de l'étang bénéficient parfois d'une baisse des prix, voire des petits dons, car leur présence sur les lieux est un signe d'encouragement adressé aux pisciculteurs. Beaucoup de ces personnes sont éblouis de voir des poissons vivants sous leurs yeux. C'est un véritable spectacle car, pour la plupart

« Ce que nous voyons tout le temps c'est le maquereau congelé. Maintenant, si la pisciculture réussit chez nous on pourra avoir du poisson vivant et ça doit être plus bon ».

Pour ceux qui ne parviennent pas à se rendre à l'étang, le poisson est amené vers un autre point d'approvisionnement.

2. L'approvisionnement sur le marché local

Le poisson qui n'a pas été vendu à l'étang est placé dans des grandes marmites d'environ 50 litres remplies d'eau pour le garder en vie, puis transporté vers le marché local. Sur place, beaucoup de gens viennent voire le poisson vivant pour la première fois. Signalons également que lorsque la quantité de poisson pêchée est importante, les producteurs vont le vendre en ville.

3. L'approvisionnement au domicile du pisciculteur

Il peut arriver que le producteur ramène une partie du poisson qu'il a péché chez lui, quand une journée entière ne pas suffit pas pour tout vendre. A cet effet, un grand bac construit en béton pour assurer l'étanchéité est placé derrière la maison pour contenir les poissons.

4. L'approvisionnement sur commande

Ce type d'approvisionnement est généralement réservé à des clients plus exigeants sur la qualité du poisson. Les annonces passées à la radio par les pisciculteurs peuvent intéresser certains consommateurs de la ville, ou des structures telles que les poissonneries ou les restaurants. Les quantités de poisson commandées sont mises à part avant d'exposer le reste sur le marché. Dans le cas où le client réside en ville, soit il fait le déplacement vers le village pour récupérer son poisson, soit le producteur l'achemine jusqu'en ville. Dans ce dernier cas, le coût du transport qui oscille entre 700 et 1500 FCFA pour une personne avec bagage sera pris en compte dans le prix de vente du poisson. Soulignons que la cherté d'une annonce publicitaire à la radio constitue un obstacle à la commercialisation du poisson hors de la zone de production. De ce fait, les pisciculteurs ont des « délégués » qui sont chargés de passer l'annonce chez des vendeurs réguliers tels que les poissonniers et les restaurateurs.

3. Les pratiques de transformation et de préparation du poisson d'eau douce élevé

Nous entendons par transformation les opérations techniques qui visent à modifier la qualité d'un produit pour le rendre consommable. Par préparation, il faut entendre les opérations de mélange ou de combinaison des produits, souvent effectué à l'occasion de la cuisson pour obtenir des plats (Bricas, 1998). Les pratiques de transformation et de préparation du poisson d'eau douce élevé sont peu connues des populations, ce qui freine quelque peu sa consommation. Néanmoins, au fil du temps et à travers avec les personnes venant d'ailleurs, les consommateurs apprennent à s'accommoder à ce type de poisson. C'est ainsi que l'on va distinguer les transformations en vue de la conservation et les préparations culinaires en vue d'une consommation immédiate.

1. La transformation

La transformation du poisson d'eau douce élevé est pratiquée pour deux raisons, à savoir le conserver plus longtemps et le vendre à un meilleur prix. Pour cela, les producteurs ont adopté deux techniques de transformations.

ü Le fumage : La technique utilisée pour fumer le poisson est qualifiée d' « archaïque » par ceux qui la pratiquent. Ils se servent de la moitié d'un fût ouvert au-dessus et percé vers le bas. Ils y mettent des braises, puis des déchets tels que les épluchures de banane ou de plantain. Ils classent ensuite les poissons sur un grillage huilé afin qu'ils ne collent pas et le recouvre de feuilles de bananier et d'une tôle. Le fumage dure le temps d'une nuit.

ü Le séchage : la technique du séchage est moins pratiquée que la première. Elle consiste à ouvrir le poisson pour le vider de ses entrailles, puis à le saler et enfin l'exposer au soleil pendant quelques jours

2. La préparation culinaire

Nous l'avons dit plutôt haut, la préparation culinaire du poisson d'eau douce élevé n'est pas familière aux populations locales. De ce fait les techniques utilisées leur ont été apprises par des vulgarisateurs. Trois techniques culinaires ont donc été identifiées :

ü La préparation sous forme de bouillon : elle consiste à faire cuire le poisson dans une eau à laquelle les ingrédients habituels ont été ajoutés (condiments verts, piment, sel...) la préparation en bouillon est plus adaptée pour le silure et la « kanga », selon ceux qui s'y connaissent.

ü La préparation par friture : il s'agit simplement de faire cuire le poisson en le plongeant dans une matière grasse bouillante. Cependant, cette technique n'est appropriée que pour le tilapia car, selon les propos recueillis, c'est un poisson qui contient beaucoup d'arêtes qui rendent sa consommation très difficile et quasiment impossible pour les enfants. Ainsi, pour les « connaisseurs », la technique adéquate consiste à

« Le rouler d'abord dans la farine et le faire frire longuement afin que ses arêtes deviennent croustillantes. Il peut donc être mangé en toute sécurité  »

C'est ce que nous avons également constaté dans la pratique.

ü La préparation sous forme de rôti : il est question de faire cuire le poisson en le passant au gril, au four ou à feu vif. Le rôti est la forme de préparation adaptée à la carpe.

3. La prise alimentaire du poisson d'eau douce élevé

Il faut entendre par prise alimentaire toute ingestion de produit solide ou liquide ayant une charge calorique (Poulain, 2002). La prise alimentaire peut se décomposer en repas et hors repas. Manger du poisson d'eau douce élevé, chez nos consommateurs, s'insère dans ces deux cadres de prise des repas, dont les conditions évoquées sont décrites comme suit :

· La dimension temporelle :

Elle prend en compte le moment de la journée et la durée de la prise. Manger le poisson d'eau douce ne tient pas compte du moment de la journée, par rapport aux autres aliments quotidiens. Quand on en dispose, on l'intègre dans les prises de repas habituelles, avec les autres aliments.

· La structure de la prise :

Elle comprend pour le repas le nombre de prise et ses combinatoires, et le hors repas le nombre et la nature de la prise, solide, liquide ou combinée. Lorsque le poisson d'eau douce est intégré à un repas, il se limite généralement à une seule prise, car la petite quantité achetée par le consommateur, faute de moyen, ne lui permet pas d'en multiplier les prises. Il est le plus souvent combiné à la banane plantain, aux pommes de terre, aux tubercules de manioc, au macabo...lorsque la prise est hors repas, elle peut se faire plusieurs fois indépendamment du moment de la journée, car constituée de petits parts et sans combinatoire. A ce niveau, la prise est plus sous forme solide (friture de tilapia le plus souvent) et s'apparente au grignotage.

· La dimension spatiale :

Une distinction s'opère entre les prises à domicile et les prises hors domicile. La prise à domicile se fait en famille, et parfois en compagnie des amis ou des voisins, tant il est vrai qu'en Afrique noire on est tous frères. Dans ce cas, la préparation du poisson d'eau douce élevé chez le pisciculteur par exemple donne parfois lieu à un petit rassemblement des proches où chacun vient « goûter » le nouveau type de poisson. La prise hors domicile à lieu principalement au restaurant de la place ou au domicile d'un parent ou d'un ami.

· La logique de choix :

il est question ici de voir si le mangeur a lui-même décidé de ce qu'il consommait à l'intérieur d'une offre plus ou moins ouverte ou si son choix a été délégué à un proche. D'après les observations faites, il y a lieu de dire que dans l'offre que constituent les quatre types de poisson d'eau douce élevé, les mangeurs enquêtés disposent d'une liberté de choix dans ce qu'ils veulent consommer, un choix sous-tendu par des motivations propre à chacun d'eux, et que nous avons analysé dans le dernier chapitre.

· L'environnement social :

Il postule que la prise alimentaire peut avoir lieu dans un contexte solitaire ou socialisé. Ces deux cas s'appliquent à la consommation du poisson d'eau douce élevé dans la mesure où il est consommé seul, entre amis ou en famille.

· Les prix pratiqués

Pour ce qui est des prix pratiqués, ils s'élèvent à 1200 FCFA/kg pour le silure, 1000fcfa/kg pour le tilapia et 1200 ou 1500 FCFA pour la carpe. Le « kanga » est vendu à l'unité selon son poids, le montant à débourser pouvant aller de 2000 à 2500 FCFA, car c'est le poisson le plus gros et plus rare à trouver. Dans l'achat de ces poissons, les consommateurs tiennent comptent du nombre par unité de poids. Le maquereau qui est vendu à environ 500 ou 700 FCFA/kg est délaissé au détriment du tilapia qui coûte 1000fcfa/kg. Pour cause, un kilogramme de maquereau représente deux poissons de taille moyenne or un kilogramme de tilapia représente 6 ou 7 poissons de petite taille. Par ailleurs, nous avons identifiés quelques facteurs qui entrainent la variation de ces prix à savoir les différences liées aux caractéristiques de qualité du poisson, le moment de la vente, la capacité de négociation du client et le type de client.

1. Les différences liées aux caractéristiques de qualité du poisson

Les différents types de poisson qui sont vendus possèdent tous des caractéristiques différentes, traduisant leur qualité, selon les consommateurs. Des différences au niveau de ces caractéristiques, perçues par le consommateur donne lieu à une révision du prix. Ainsi, les gros poissons (comme le silure et le kanga) sont valorisés par rapport aux poissons de taille moyenne (comme la carpe) et de petite taille (comme le tilapia). Certains clients refusent donc de débourser de l'argent pour les poissons de petite taille. De même, un poisson à moitié mort sera vendu moins cher qu'un poisson bien vivant.

2. Le moment de la vente

Il influence le prix du poisson dans la mesure où celui-ci perd de sa valeur au fur et à mesure que l'on s'éloigne du moment où il a été pêché. Le client payera donc plus cher un poisson qui vient d'être pêché, par rapport à un poisson qui se vend en fin de journée.

3. La capacité de négociation de client

Selon que le client est habile à négocier avec le vendeur, qu'il dispose de temps ou non pour marchander, le prix effectivement payé est variable. Nous nous sommes rendu compte que sur le marché, certains clients usent de leur volubilité pour bénéficier d'un prix réduit.

4. Le type de client

Selon que l'acheteur connait ou non le vendeur, il y a une légère variation sur le prix du poisson. La somme demandée à un parent pour l'achat du poisson ne sera pas la même pour un étranger.

Photo 12 : Deux pisciculteurs dans une livraison de « kanga » à domicile (Nempe F. 2008)

· Les déterminants du prix du poisson d'eau douce élevé

Indépendamment de la nature et du type de poisson (frais, fumé ou séché, cuisiné et servi), trois éléments déterminent leurs prix.

Prix

Confrontation offre /demande

Coût de la production

Politique des prix

Subvention des institutions de recherche

Capacité de négociation des clients

Coût de la construction de l'étang

Prix fixés par les producteurs

Relation entre producteur et consommateur

Coût de l'achat des alvins

Coût de la nutrition des poissons

Coût du transport

Figure 2 : Déterminants du prix du poisson d'eau douce élevé

1. Le coût de la production

Se lancer dans la pisciculture nécessite que l'on dispose d'un certain capital pour supporter la construction d'un étang, l'achat des alevins, la nutrition de poissons et leur transport jusqu'aux différents lieux de vente.

En effet, la construction de l'étang n'est pas l'affaire d'une seule personne. C'est un travail colossal, physiquement éprouvant et qui demande beaucoup de temps (2 à 3 mois selon le rythme de travail). Pour cela, le propriétaire de l'étang, en plus des membres sa famille, sollicite l'aide de quelques jeunes du village, contre de petites rémunérations.

Une fois que la construction de l'étang est achevée, puis rempli d'eau par déviation d'une source, il faut acheter les alevins (jeunes poissons que l'on utilise pour repeupler les étangs, les rivières ou les élevages de poisson). Pour avoir ces alevins, il faut aller chercher loin, notamment à Foumban et Akonolinga où se trouvent des stations d'alevinage. Cela implique donc des frais transports, sans que l'on soit pour autant sûr de trouver satisfaction.

Lorsque l'étang à été empoissonné, il faut maintenant leur assurer une bonne nutrition pour espérer avoir beaucoup de gros poissons au moment de la pêche et faire des bénéfices. Pour cela, les déchets de cuisine ne suffisent plus à nourrir correctement les poissons. Les pisciculteurs vont dans les boulangeries de la ville pour acheter les déchets de pâtisserie et d'autres nourritures spéciales, qui vont favoriser une croissance rapide des poissons.

Enfin, après 11 à 12 mois d'élevage, les poissons sont assez gros pour être consommés. La pêche est donc organisée (nous l'avons décrite dans le chapitre 2). Les poissons, stockés dans des grandes marmites d'eau doivent être immédiatement transportés vers les points de ventes. Pour l'approvisionnement de la ville, les producteurs doivent trouver un véhicule qui acheminera le poisson jusqu'à l'endroit voulu.

Au final, les moyens financiers, les efforts physiques et le temps engagés dans la pratique de la pisciculture viennent déterminer les prix du poisson.

2. La politique des prix

La pisciculture à Fokoué est une activité qui a été subventionnée dès le départ par l'Institut de Recherche Agricole pour le Développement (IRAD), la Coopération Française et l'université de Dschang. A cet effet, les producteurs ont bénéficié de certaines aides financières qui leur permettant de supporter les charges liées à leur activité, et cela a eu pour effet de jouer sur les différents prix de poisson.

Par ailleurs, ces prix sont fixés de manière consensuelle par les pisciculteurs (organisés en GIC) de telle sorte qu'il n'y ait pas de concurrence entre ces derniers.

3. La confrontation entre offre et demande

L'offre de poisson d'eau douce qui est représentée par le pisciculteur face à la demande qui est représentée par le consommateur et ses attentes donne lieu à une interaction dont l'issue à un effet déterminant sur le prix du poisson. En effet, un consommateur qui dispose d'une certaine agilité dans la négociation peut parvenir à acheter du poisson à un prix inférieur à la valeur normale. De même, le fait que le producteur a à faire à client qui est soit un parent, un ami ou même un voisin jouent également dans le sens d'une réduction arbitraire.

Le prix auquel les producteurs vendent donc leur poisson n'est pas fixé de façon aléatoire. Il prend en compte toutes les formes d'énergie mobilisées dans la réalisation de leur activité. Cependant, ces prix sont également liés à l'offre du poisson et les facteurs qui la déterminent.

· L'offre de poisson d'eau douce élevé

Sans faire référence à l'équilibre économique classique offre-demande, il est évident que la consommation finale observée du poisson d'eau douce élevé, résulte de la confrontation entre l'offre à disposition chez les pisciculteurs et la propension à consommer chez les populations. Celle-ci est déterminée par les préférences du consommateur et de sa capacité d'accès à ce produit alimentaires achetées ou servi. Déclinons tout d'abord les déterminants de cette offre.

L'offre, qu'elle résulte d'une propre production paysanne en tant que produit de son activité agro-piscicole, ou produit des exploitations familiales agricoles ou encore qu'elle soit vendue sur le marché local, dans les réseaux de grande distribution (marché urbain), au domicile du producteurs ou fait tout simplement l'objet d'un don, est caractérisée par une certaine disponibilité et plus ou moins de variétés. Les denrées alimentaires, pour parler ici du poisson d'eau douce élevé, présenteront des caractéristiques spécifiques et des prix qui influenceront les choix des consommateurs. A travers un graphique inspiré du modèle de Bricas, Padilla, Khaldi et Haddad (2002), nous représentons ci-dessous les déterminants de l'offre de poisson d'eau douce sur le site d'étude.

1. La disponibilité et la variété

Les facteurs déterminants la disponibilité et la variété du poisson d'eau douce élevé sont de différents ordres, selon qu'il est à l'état frais (fraichement sorti de l'étang), transformé (fumé ou séché) ou cuisiné et servi hors domicile (restaurant ou gargote).

Pour le poisson frais, la disponibilité et la variété dépendent tout d'abord des capacités locales de production. En milieu rural, l'alimentation de la population est traditionnellement basée en grande partie sur l'autoconsommation ou sur les aliments largement disponibles localement. La gamme des produits consommés est souvent limitée mais les agriculteurs/pisciculteurs consommateurs ont souvent une connaissance fine des différences de qualité des produits qu'ils cultivent (ou des poissons qu'ils élèvent). Dans le cas où les disponibilités locales c'est-à-dire le poisson d'eau douce élevé sur place s'avèrent limitées en quantités ou en variétés en raison de conditions agro-écologiques défavorables ou des pratiques magico religieuses néfastes, les possibilités de recours à des approvisionnements plus éloignés sont alors déterminantes. C'est le cas de certains approvisionnements qui s'effectuent à Santchou, un village voisin où la pisciculture est également pratiquée. Pour le consommateur, l'offre est alors conditionnée par les modalités de transport, particulièrement pour ceux résidant en zone urbaine.

Pour permettre un étalement de l'approvisionnement dans l'espace et dans le temps, la transformation d'une partie du poisson pêché est nécessaire. Cette transformation de l'alimentation contribue de plus à accroître la variété car elle autorise la consommation de produits jusque-là inconnus dans le répertoire local. La diversification des produits transformés est alors largement liée aux capacités d'innovations des pisciculteurs dans un contexte où les moyens financiers sont dérisoires et la technologie nécessaire pour ces opérations est rudimentaire.

Disponibilités et variétés sont aussi déterminées par les capacités de restauration hors domicile. En effet, parmi les producteurs que nous avons interrogés, deux d'entre eux (des femmes) possèdent un restaurant où elles cuisinent et vendent le poisson d'eau douce issu de leurs étangs. Elles affirment faire des bénéfices substantiels, car certains poissons sont très prisés, comme en témoigne Madame Tessa, l'une des tenantes de restaurant :

« Quand j'ai une bonne récolte, c'est ça que je prépare pour vendre au restaurant. Les gens apprécient beaucoup ces poissons, surtout le silure et le tilapia. Ils aiment le tilapia parce que je le sert en entier, sans couper, puisqu'il n'est pas très gros ».

Cette forme de restauration favorise une connaissance et une certaine vulgarisation du poisson d'eau douce élevé chez des populations parfois sceptiques. Mais encore, la restauration n'est pas qu'un lieu de prise de repas, c'est aussi un lieu de socialisation alimentaire permettant d'une part des rencontre et d'autre part de découvrir et accéder à de nouvelles préparations culinaires qui ne font pas partie du répertoire familiale.

2. Les caractéristiques du poisson d'eau douce élevé

Le poisson d'eau douce élevé mis sur le marché, présente des caractéristiques qui influenceront les choix et les préférences des consommateurs. Nous avons pu en distinguer cinq, relatives au gout, à la valeur nutritionnelle, aux aspects sanitaires, à la commodité et à l'image socioculturelle qui y est associée.

Les caractéristiques organoleptiques du poisson d'eau douce élevé (gout, couleur, forme, texture) sont largement déterminantes dans les choix des consommateurs. Mais ces caractéristiques sont aussi tributaires de certaines conditions de production et de distribution. Par exemple, les producteurs doivent s'assurer que lors du transport du poisson de l'étang jusqu'aux différents lieux de vente, il reste vivant car, l'état vif est un critère de qualité important pour un bon nombre de consommateurs.

En ce qui concerne les aspects nutritionnels, les déterminants sont presque similaires. Les chaînes courtes entre la production et la vente ou entre la production et la transformation du poisson d'eau douce élevé favorisent le maintien des nutriments. Si de nos jours, il y a une prise de conscience sur l'impact de la technologie sur la destruction ou la préservation des nutriments (Besançon, 2000), cela semble également être le cas pour certains consommateurs, comme une enquêtée qui affirme que :

« Avant d'acheter ce poisson-là la première fois, moi j'ai d'abord cherché à savoir comment et par qui ça été élevé, parce qu'il y a des produits chimiques que certains peuvent utiliser et ça tue la qualité du poisson. Je préfère le naturel, ce qui sort de l'eau et on prépare directement. »

La priorité est donc accordée aux poissons vivants, qui renvoient à l'idée de fraicheur, du « naturel » et par conséquent à ce qui est bon pour le corps.

Par ailleurs, la distanciation entre consommateur et producteur, autrement dit le recours à des approvisionnements éloignés, se traduit par une suspicion accrue des consommateurs par rapport à la qualité sanitaire du poisson d'eau douce élevé. Cet état des choses se manifeste dans les comportements, par le fait que les consommateurs urbains qui veulent se procurer du poisson hésitent à le faire. Pour cause, ces derniers en ville alors que les lieux de ravitaillement se trouvent dans le village (à 20 ou 21 km de la ville). Dès lors ces consommateurs urbains se retrouvent dans une situation de doute, car le fait d'être très éloigné des producteurs et de ne pas connaitre qui ils sont génère une suspicion qui s'applique également à leur produit.

Les caractéristiques de commodité d'acquisition, de conservation, de d'usages culinaires sont liées à des savoir-faire élaborés localement, et dont le niveau de maitrise des consommateurs influence leurs choix.

Les caractéristiques du poisson d'eau douce élevé ne se limitent pas aux seules dimensions objectivement mesurables. Chaque type de poisson, par sa nature, son origine, ses propriétés organoleptiques, est porteur d'images et de valeurs socioculturelles aux yeux des consommateurs. Ces images socioculturelles que nous analyserons dans le prochain chapitre sont assimilables à des représentations et jouent un rôle déterminant dans les choix des consommateurs.

DEUXIEME PARTIE :

CADRE ANALYTIQUE ET INTERPRETATIF

CHAPITRE III : PRESENTATION ET ANALYSE DES STATISTIQUES DESCRIPTIVES SUR LES PREFERENCES ET LES PRATIQUES DANS LA CONSOMMATION DU POISSON D'EAU DOUCE ELEVE

Avant de présenter, analyser et interpréter nos résultats, il est important de clarifier les principales variables utilisées afin d'éviter toute ambiguïté. Selon Madeleine Grawitz (1993), une variable est tout caractère soumis à une analyse sociologique dont les valeurs ne sont pas forcément numériques. Les précisions que nous donnons ici sont donc celles prises en compte dans notre réflexion.

· Analyses descriptives

1. Définition de quelques variables explorées

· Critère de choix : il s'agit des différents paramètres dont les consommateurs tiennent compte lorsqu'ils décident d'acheter ou non le poisson d'eau douce. Ce sont : le goût, la taille, la couleur, le prix, la fraîcheur, l'origine, et la commodité.

· Appréciation : c'est le jugement exprimé par les consommateurs qui se basent sur des critères qui leur sont propres. Ce jugement traduit leur satisfaction ou insatisfaction.

· Difficulté de préparation : il s'agit ici des problèmes, des obstacles croisés par les consommateurs au moment des différentes préparations culinaires des poissons d'eau douce.

· Premier achat : il est question à travers cette variable de faire ressortir les diverses raisons et motivations qui ont amené les consommateurs à s'intéresser aux poissons d'eau douce pour la première fois.

2. Précisions sur quelques modalités de réponses

Une modalité est un sens équivalent à valeur d'une variable, d'un caractère (Madeleine GRAWITZ (1993). Nous allons ici en définir quelques-unes pour être plus précis dans nos analyses.

· Le goût : c'est la saveur perçue à la consommation (de ce qui se boit ou ce se mange)

· La fraîcheur : c'est l'état de ce qui n'est pas altéré par le temps ou par l'âge.

· Naturel : le qualificatif naturel renvoie à ce qui n'est pas obtenu synthétiquement et non traité chimiquement ou par des procédés industriels.

· Le prix : dans le cas de cette étude, le prix désignera simplement la valeur monétaire attribuée à chaque type de poisson.

· La commodité : elle renvoie à la facilité d'utilisation d'une chose. Parlant du poisson d'eau douce, il s'agit donc de la facilité à les cuisiner.

· L'origine : il s'agit de l'espace géographique où les poissons ont été élevés.

3. Caractéristiques des individus enquêtés

Les individus interrogés au cours de l'enquête quantitatives sont de sexe masculin et féminin. Agés de 15 ans et plus (voir graphique 1), on note parmi eux des travailleurs (52,5%), des sans-emploi (8,2%), des étudiants (11,5%), des ménagères (22,4%) et divers autres occupations qui constituent 5,5%. Pour ce qui est du statut matrimonial, nous avons des marié(e)s (77,9%), des célibataires (16,7%), des concubins (2,7%), et des veufs (ves) (2,7%). Nous avons également 99,2% de catholiques et 0,8% de protestants.

15

22

25

27

29

31

33

35

37

39

42

44

46

48

50

52

54

56

61

78

Age

0

5

10

15

20

25

30

Occurrences

Sexe

Masculin

Féminin

Graphique 1 : Caractéristiques des personnes interrogées par sexe et par âge

4. Les raisons de la consommation du poisson à Dschang

Dans l'élaboration cette enquête, nous avons trouvé importants de chercher à savoir pourquoi les gens consomment du poisson de manière générale, sans distinction au niveau de leur nature (surgelé importé, d'eau douce ou d'eau douce élevé). Ceci nous a permis de comprendre la place qu'occupe le poisson dans l'alimentation de ces populations, avant de nous intéresser davantage au poisson d'eau douce élevé. Ainsi, parmi les personnes que nous avons interrogés, les raisons évoquées sous-tendant la consommation du poisson sont diverses. D'aucuns affirment le consommer parce qu'ils le considèrent comme un aliment sain, dénué de toute souillure et « bien pour la santé des enfants ». Pour d'autres, le poisson est un aliment complet, c'est-à-dire qui contient tous les éléments dont l'organisme a besoin. Ils traduisent cette idée en disant « le poisson à tout, c'est même mieux que la viande ». Une autre partie des enquêtés dit consommer le poisson par plaisir, pour son goût agréable. D'autres enfin disent le consomment par habitude.

Graphique 2 : Distribution de la population d'étude selon les raisons de la consommation du poisson

Tableau 3 : fréquences sur les raisons de consommation du poisson

 

Fréquence

Pour cent

Pourcentage valide

Pourcentage cumulé

Valide

Aliment complet

58

15,8

15,8

15,8

 

Aliment sain

221

60,4

60,4

76,2

Pour le plaisir

85

23,2

23,2

99,5

Par habitude

2

,5

,5

100,0

Total

366

100,0

100,0

 

5. Les préférences dans la consommation du poisson d'eau douce élevé

Tel qu'indiqué ci-dessous (Voir Figure 2), le poisson le plus apprécié par les consommateurs est d'abord le silure (59%). Une piscicultrice de l'arrondissement de Fokoué, tenant également un petit restaurant affirment se faire plus de bénéfice les jours où le silure est sur le menu du jour. Cette tendance préférentielle pour le silure est due à une technique de préparation culinaire sous forme de bouillon. Puis, le tilapia dont le niveau d'appréciation s'élève à 28% des consommateurs, à pu convaincre ces derniers par le gout de sa chair. La carpe est également consommée, mais reste moins appréciée (13%) que le silure et le tilapia. Pour le kanga, le niveau d'appréciation se révèle difficile à évaluer. Les producteurs affirment que c'est un poisson dont l'élevage est très complexe, parfois associé à des phénomènes mystiques inexplicables :

« Le kanga est plus difficile à produire que les autres poissons. Quand on met ses alvins dans l'étang pour qu'ils grandissent, à la fin on récolte peut être un seul. Nous on pense que c'est un poisson qui disparait dans l'eau et on ne comprend pas comment »

explique un pisciculteur.

Préférences des consommateurs selon les types de poisson

Silure

59, 4%

Tilapia

27, 7%

Carpe

12, 9%

Silure

Tilapia

Carpe

Graphique 3 : Distribution de la population d'étude selon les préférences dans les types de poisson d'eau douce élevé

Tableau 4 : fréquence sur les préférences des consommateurs selon le type de poisson

 

Fréquence

Pour cent

Pourcentage valide

Pourcentage cumulé

Valide

Silure

161

44,0

59,4

59,4

 

Tilapia

75

20,5

27,7

87,1

 

Carpe

35

9,6

12,9

100,0

 

Total

271

74,0

100,0

 

Manquante

Système manquant

95

26,0

 
 

Total

366

100,0

 
 

6. Les difficultés liées à la préparation du poisson d'eau douce élevé

La préparation culinaire du poisson d'eau douce élevé de manière « appropriée » n'est pas connue de la plupart des populations rurales. Ce fait, comme nous le verrons plus loin, a une influence majeure sur le rejet ou l'acceptation du poisson d'eau douce élevé. Ainsi, un important nombre de consommateurs ruraux (74%) éprouve des difficultés à préparer certains poissons, les plus difficiles étant le silure et le tilapia (voir Figure 3). Ceci peut s'expliquer par le fait que tous les aliments auxquels les Dschang sont habitués se cuisinent selon des techniques locales, transmises de génération en génération, ce qui n'est pas le cas pour le poisson d'eau douce élevé, perçu ici comme un aliment étranger, qui sort de la quotidienneté alimentaire de ces derniers. De ce fait, ne pas savoir cuisiner un aliment implique indubitablement s'y désintéresser, voire le rejeter. En revanche, dans la zone urbaine, nous observons qu'une proportion de consommateurs relativement élevée (60%) n'éprouve aucune difficulté à accommoder ces poissons. D'après les témoignages recueillis, nous pouvons en déduire que si cette dernière catégorie de consommateurs (les 60%) est plus élevée, c'est à cause du cosmopolitisme de la région. En effet, la ville de Dschang accueille des individus de cultures divers (centre, littoral, sud...) où le poisson d'eau douce est un aliment courant. Ces derniers n'ont donc pas de difficultés à cuisiner ces poissons qui figurent déjà dans le répertoire alimentaire de leur culture d'origine.

7. Les préférences liées aux aspects organoleptiques du poisson

1. Le goût du poisson

Les préférences relatives au goût du poisson d'eau douce élevé s'exprime chez les consommateurs de diverses manières. Certains pensent que les poissons de petite taille ne peuvent pas avoir un goût agréable. Selon eux, ces poissons, notamment les tilapias, ne sont pas arrivés à maturation. Ils estiment donc qu'il est inutile de dépenser de l'argent pour en acheter. Ici, on note que la taille du poisson détermine son goût, et par ricochet son acceptation ou son rejet. Par ailleurs, le goût occupe la deuxième place, après la fraîcheur, dans les critères de choix des consommateurs, constituent ainsi l'un des facteurs qui expliquent l'intérêt de certains consommateurs pour ces nouveaux poissons. Il convient de noter ici que, le goût qui intervient dans cette relation de d'acception et de rejet entre le consommateur et le poisson d'eau douce élevé, ne relève pas du socioculturel, mais des facteurs individuels des consommateurs tels que leurs motivations, leurs intérêts, leurs perception même du poisson d'eau douce élevé. C'est ce qui explique notre recours à l'individualisme méthodologique dans l'étude de ce phénomène.

2. La texture de la chaire

Outre le goût dont la nature est déterminante dans les préférences des consommateurs par rapport au poisson d'eau douce élevé, on note aussi l'influence d'une caractéristique plus tangible à savoir la texture de la chair. Nous entendons par là une chair tendre ou une chair ferme. L'enquête révèle que la grande partie de la population (88,3%) estime qu'un poisson dont la chair molle n'est pas bon à manger. Elle préfère nettement une chair plus ferme (voir graphique)

11,2%

88,3%

0,5%

0

10

20

30

40

50

60

70

80

90

Tendre

Ferme

Indifférent

Préférences liées à la texture de la chair du poisson

Série1

Graphique 4 : Distribution de la population d'étude selon les préférences liées à la texture de la chair du poisson

Tableau 5 : fréquences sur les préférences liées à la texture de la chair du poisson

 

Fréquence

Pour cent

Pourcentage valide

Pourcentage cumulé

Valide

Tendre

41

11,2

11,2

11,2

 

Ferme

323

88,3

88,3

99,5

 

Indifférent

2

,5

,5

100,0

 

Total

366

100,0

100,0

 

3. L' « état » du poisson

Par « état » du poisson, nous voulons signifier le fait que le poisson soit mort ou vivant au moment de l'achat par le consommateur. A cet effet, 94% des personnes voudraient que leurs poissons soient encore vivants au moment où ils les achètent (voir graph.) pour ces derniers, avoir du poisson vivant c'est avoir du poisson de bonne qualité. Nous pouvons expliquer cette préférence et/ou perception par le fait que, les dits consommateurs ont toujours été habitués au poisson surgelé importé qu'ils ont même fini par qualifier de « bourratif ». De surcroit, il y a selon eux, un doute qui sur la qualité nutritionnelle de ce type de poisson. Au cours de notre enquête, un consommateur émet le commentaire suivant : 

« Le poisson que nous on achète a la poissonnerie, on mange ça parce qu'on ne peut pas faire autrement ! Parfois, même si c'est un poisson qui commence à pourrir, vous ne pouvez pas savoir parce que c'est congelé, il n'y a pas d'odeur. Donc, quand on l'occasion de manger un poisson bien frais comme ce que ces gens-là viennent nous vendre, on a quand même la preuve que c'est bien, puisque c'est encore vivant (...) donc on se débrouille ! »

A ce niveau, les consommateurs associent l'idée du « vivant » à ce qui est bon à manger.

Etat souhaité du poisson au moment de l'achat

Mort

6%

Vivant

94%

Mort

Vivant

Graphique 5 : Distribution de la population d'étude selon les préférences liées à état souhaité du poisson au moment de l'achat

Tableau 6 : fréquences sur l'état souhaité du poisson au moment de l'achat

 

Fréquence

Pour cent

Pourcentage valide

Pourcentage cumulé

Valide

Mort

22

6,0

6,0

6,0

 

Vivant

344

94,0

94,0

100,0

 

Total

366

100,0

100,0

 

8. La relation entre producteur et consommateur

La décision des consommateurs d'accepter ou de rejeter le poisson d'eau douce élevé, est aussi influencée par la nature des rapports qu'ils entretiennent avec les producteurs de ce type de poissons. Ainsi, plus le lien social avec le pisciculteur est fort, plus on est disposé à consommer son poisson. Le graphique ci-dessous fait état de la typologie des relations qui existent entre ces deux principaux acteurs. On se rend alors compte qu'en milieux rural, la grande partie des consommateurs est constituée des parents des producteurs.

8%

36%

22%

20%

14%

0

5

10

15

20

25

30

35

40

"asso"

Parenté

Inconnu

Amitié

Voisinage

Relation consommateur/ producteur

Série1

Graphique 6 : Distribution de la population d'étude selon la nature de la relation consommateur/producteur

Tableau 7 : fréquences sur les relations entre consommateurs et producteurs

 

Fréquence

Pour cent

Pourcentage valide

Pourcentage cumulé

Valide

"Asso"

4

8,0

8,0

8,0

 

parent

18

36,0

36,0

44,0

Inconnu

11

22,0

22,0

66,0

Amitié

10

20,0

20,0

86,0

Voisinage

7

14,0

14,0

100,0

Total

50

100,0

100,0

 

Outre cette proximité relationnelle, les consommateurs sont également soumis à l'influence d'une proximité spatiale en ce sens qu'ils éprouvent des réticences à consommer le poisson d'eau douce élevé lorsqu'ils savent que cela vient de loin, d'un étang très éloigné de leur lieu d'habitation. Un lien est établi par les consommateurs, entre le milieu où ils vivent et le milieu d'où proviennent les aliments qu'ils doivent incorporer. C'est dire que ces derniers sont plus rassurés lorsqu'ils savent que l'aliment, notamment le poisson, provient de leur propre milieu. Par ailleurs, une autre perception des consommateurs liée à cet aspect est exprimée de la manière suivante par certaines personnes:

« Quand nous-mêmes nous voyons comment on pèche ce poisson là ça donne envie de gouter. Parfois on préfère être là quand ça se passe ».

Alors, des consommateurs qui recherchent du poisson frais sont rassurés sur sa qualité lorsqu'ils assistent à la pêche. C'est pourquoi 72% des personnes interrogées en zone rurale souhaiteraient s'approvisionner au bord de l'étang. Pour ces personnes, c'est aussi l'occasion de voir, de découvrir quelque chose de nouveau, un élément étranger qui se prête à un spectacle suffisamment inhabituel pour attirer des foules. Cette tendance est moins importante en zone urbaine à cause de la distance. (Voir graphique)

Graphique 7: Distribution de la population d'étude selon la préférence du lieu d'achat souhaité du poisson

Tableau 8 : fréquences sur le lieu d'achat souhaité du poisson

 

Fréquence

Pour cent

Pourcentage valide

Pourcentage cumulé

Valide

Sur le marché local

163

81,1

81,1

81,1

 

Au bord de l'étang

35

17,4

17,4

98,5

livraison à domicile

3

1,5

1,5

100,0

Total

201

100,0

100,0

 

9. Les critères de choix du poisson d'eau douce élevé par les consommateurs

Pour les consommateurs de poisson d'eau douce, un certain nombre de critères sont pris en compte au moment de l'achat. A des degrés différents, il s'agit de la fraîcheur/goût, de la fraîcheur, du goût, du prix, de la couleur, et de la taille. Au cours de l'enquête, 38,8% des consommateurs déclarent privilégier le double critère fraîcheur/goût du poisson au moment de l'achat, tandis que 32,5% de consommateur qui mettent uniquement la fraîcheur en première ligne. Une part moins importante de ces consommateurs (18%) considère que le goût est le principal facteur dont il faut tenir compte lors de l'achat du poisson d'eau douce. La taille, la couleur et surtout le prix du poisson sont aussi des critères présents, mais d'une ampleur très négligeable. Par ailleurs, compte tenu de la pauvreté économique, du pouvoir d'achat faible dans les ménages de la localité, nous avons cherché à savoir pourquoi le critère prix est moins pris en compte dans l'achat du poisson d'eau douce élevé. Rappelons également que le nouveau type de poisson est vendu plus cher que le poisson surgelé importé (entre 1000 et 1500 FCFA/kg) a cet effet, un enquêté nous répond :

« Le poisson d'eau douce est un peu plus cher que le maquereau qu'on achète souvent dans les boutiques du quartier, mais la qualité est là. Donc, quand on a l'occasion d'en manger on fait des efforts »

18%

8,5%

1,6%

0,5%

32,5%

38,8%

0

10

20

30

40

Goût

Taille

Couleur

Prix

Fraîcheur

Goût et fraîcheur

Les critères de choix des consommateurs

Série1

Graphique 8 : Distribution de la population d'étude selon les critères de choix du poisson d'eau douce élevé

Tableau 9: fréquences sur les critères de choix des consommateurs

 

Fréquence

Pour cent

Pourcentage valide

Pourcentage cumulé

Valide

Goût

66

18,0

18,0

18,0

 

Taille

31

8,5

8,5

26,5

Couleur

6

1,6

1,6

28,1

Prix

2

,5

,5

28,7

Fraîcheur

119

32,5

32,5

61,2

Goût et fraîcheur

142

38,8

38,8

100,0

Total

366

100,0

100,0

 

Il faut également noter que la totalité des consommateurs établissent une différence entre le poisson d'eau douce qui leur est nouvellement proposé et les poissons de mer habituellement commercialisés dans la ville, particulièrement le maquereau et le bar  surgelés  qui sont perçus comme des bourratifs. Ils reconnaissent ces poissons de mer comme étant déjà dépourvus de leur saveur et surtout de leur valeur nutritionnelle à cause d'une très longue période de surgélation. Cette différence est liée à la fraîcheur (68%), au goût (20%) et 12% pour ceux qui estiment que ce sont ces deux éléments qui marquent la différence. (Voir Tableau1)

Tableau 10 : des fréquences sur les critères de différenciation entre le poisson d'eau douce et le poisson de mer établi par les consommateurs

 

Fréquence

Pour cent

Pourcentage valide

Pourcentage cumulé

Valide

Fraîcheur

34

68,0

68,0

68,0

 

Goût

10

20,0

20,0

88,0

fraîcheur et goût

6

12,0

12,0

100,0

Total

50

100,0

100,0

 

10. Les raisons du premier achat du poisson d'eau douce élevé

Les raisons qui ont poussé les populations à acheter le poisson d'eau douce élevé pour une première fois sont multiples. Cependant, elles varient selon que l'on est en zone rurale ou en zone urbaine. Sur le graphique ci-dessous, nous pouvons observer que les consommateurs urbains sont attirés vers le poisson d'eau douce d'abord grâce aux promotions et publicités (54%) faites par les producteurs dans la ville de Dschang. Puis d'autres en on entendu parler et s'y sont intéressés (36%). Nous pouvons en déduire que ces résultats reflètent d'une certaine manière la néophilie alimentaire qui habite l'imaginaire des consommateurs, c'est-à-dire cette attirance, ce désir de découvrir, de déguster un aliment nouveau.

9%

8%

2,5%

80,6%

0%

0

10

20

30

40

50

60

70

80

90

Entendu parler

Informé sur les qualités nutritionnelles

Connaissance du pisciculteur

Promotion sur le lieu de vente

Goûté

Raison du premier achat en milieu urbain

Série1

Graphique 9 : Distribution de la population d'étude selon les raison du premier achat de poisson d'eau douce élevé en milieu urbain

Tableau 11 : fréquences sur les raisons du premier achat en milieu urbain

 

Fréquence

Pour cent

Pourcentage valide

Pourcentage cumulé

Valide

Entendu parler

18

9,0

9,0

9,0

 

Informé sur les qualités nutritionnelles

16

8,0

8,0

16,9

 

Connaissance des pisciculteurs

5

2,5

2,5

19,4

 

Promotion sur le lieu de vente

162

80,6

80,6

100,0

 

Total

201

100,0

100,0

 

8%

16%

22%

10%

44%

0

10

20

30

40

50

Entendu parler

Informé sur les qualités nutritionnelles

Connaissance du pisciculteur

Promotion sur le lieu de vente

Goûté

Raisons du premier achat en milieu rural

Série1

Graphique 10: Distribution de la population d'étude selon les raison du premier achat de poisson d'eau douce élevé en milieu rural

Tableau 12 : fréquences sur les raisons du premier achat en milieu rural

 

Fréquence

Pour cent

Pourcentage valide

Pourcentage cumulé

Valide

Entendu parler

4

8,0

8,0

8,0

 

Goûté

22

44,0

44,0

52,0

 

Informé sur les qualités nutritionnelles

8

16,0

16,0

68,0

 

Connaissance des pisciculteurs

11

22,0

22,0

90,0

 

Promotion sur le lieu de vente

5

10,0

10,0

100,0

 

Total

50

100,0

100,0

 

CHAPITRE IV : ESSAI D'INTERPRETATION SOCIO-ANTHROPOLOGIQUE

Notre question de départ était de savoir ce qui explique la difficulté des paysans de Fokoué, à intégrer la pisciculture dans les Exploitations Familiales Agricoles, malgré les avantages qu'elle apporte. A partir des données collectées et analysées, nous essayons dans ce chapitre, d'apporter des éléments de réponses en tenant compte de la posture théorique que nous avons adoptée. Ainsi, seront abordés successivement les freins à l'intégration de la pisciculture dans les Exploitations Familiales Agricoles, les représentations qui tournent autour du poisson d'eau douce élevé, les comportements adoptés par les consommateurs à l'égard de ce poisson. Nous verrons également les différents facteurs qui entrent dans la construction des préférences alimentaires liées au poisson d'eau douce élevé, les représentations inhérentes à sa qualité et le processus d'adoption du nouveau produit par les consommateurs. Pour finir, nous analyserons les moyens par lesquels le poisson d'eau douce élevé peut être internalisé par les consommateurs.

· Des facteurs explicatifs de l'intégration problématique de la pisciculture dans les Exploitations Familiales Agricoles

Les données disponibles permettent de mettre en évidence trois types de facteurs qui nous renseignent sur le difficile développement de la pisciculture dans l'arrondissement de Fokoué. Ces facteurs sont d'ordre socioculturel, économique et individualiste.

1. Les facteurs socioculturels ou « holistes »

1. Les habitudes alimentaires

L'ordinaire alimentaire en vigueur chez les Fokoué recèle une large palette de produits consommables, dont le poisson d'eau douce élevé ne fait habituellement pas partie. L'agriculture étant la principale activité de subsistance, on y retrouve prioritairement des légumes, des tubercules, des céréales et des fruits. Le poisson consommé dans la région est de deux types : le /bunga/ « poisson sec » est la forme la plus rependue. Il entre dans la composition de nombreux mets et s'avère économiquement accessible pour la plupart des ménages. Le second type de poisson est le /msèfi/ « poisson frais ». Pour les personnes interrogées, il renvoie généralement au poisson surgelé importé, perçu également comme un bourratif. Dès lors, le poisson d'eau douce élevé intervient dans ce système alimentaire comme un élément étranger, élément singulier qui renvoie pour certains à une intrusion dans la quotidienneté alimentaire locale. Cette posture des membres de la socio-culture fokoué à l'égard du poisson d'eau douce élevé qui est le produit de la pisciculture, ne peut être favorable à son développement. On s'aperçoit alors que les habitudes alimentaires des populations déterminent d'une certaine manière leurs comportements par rapport à un produit ou à un aliment nouveau. En d'autres termes, si les populations ne s'intéressent pas au poisson d'eau douce élevé, c'est en partie parce qu'ils n'y sont pas habitués. C'est ce qu'affirme un de nos enquêtés : 

« Ce poisson-là, nous on ne connait pas ça ici, ce n'est pas de chez nous ».

Il s'agit de l'influence d'un système alimentaire dont les règles portent sur le choix des produits mais aussi sur la manière de les cuisiner, car si nous ne consommons tout ce qui est biologiquement comestible, c'est que tout ce qui est biologiquement mangeable n'est pas culturellement comestible (Fischler, 1990). Ainsi, pratiquer une nouvelle activité de production dans une société donnée, met à la disposition de celle-ci un produit alimentaire qui sort de l'ordinaire. Il n'est donc pas étonnant de se retrouver en présence d'un système de production alimentaire qui ne cadre pas avec la réalité socioculturel du milieu dans lequel il est inséré.

2. L'espace culinaire

Entendu comme l'ensemble des opérations techniques, symboliques et rituelles qui participent à la construction de l'identité alimentaire d'un produit naturel et le rendent consommable (Poulain, 2002), l'espace culinaire des populations étudiées ne dispose pas des techniques appropriées pour la préparation culinaire du poisson d'eau douce élevé. En effet, ce type de poisson possède des propriétés physiologiques qui exige la maitrisent de techniques particulières pour leur préparation. La méconnaissance ou l'ignorance de ces techniques déterminent chez les populations leur décision de consommer ou non le poisson d'eau douce élevé. A titre illustratif, nous avons pu observer le cas du silure dont la peau nu et gluante lui donne un gout amer et pratiquement immangeable si cela n'est pas cuisiné de façon appropriée. C'est l'idée qu'exprime une ménagère dans les termes suivants : 

« Comment voulez-vous qu'on achète un poisson qu'on ne sait même pas préparer ? J'ai essayé le poisson qu'on appelle silure sur la braise, ça n'a pas marché, personne n'a mangé à la maison ».

Ces propos traduisent l'influence d'un espace culinaire locale sur les comportements alimentaires de ses membres. Selon les spécialistes du marketing, le succès d'une activité commerciale dans le domaine alimentaire repose essentiellement sur les capacités du produit à satisfaire les consommateurs. Dans ce sens, la commodité, entendue comme la facilité d'utilisation, est une des composantes qui permettrait aux consommateurs d'adopter un produit. Ce qui n'est pas toujours le cas avec le poisson d'eau douce élevé. L'on entendra alors des pisciculteurs dire par exemple : 

« Nous ne sommes pas très motivés dans la pisciculture ici, puisque le poisson que l'on essaye de produire, beaucoup de gens disent qu'ils ne savent pas comment le préparer, donc ils ne peuvent pas l'acheter ! ».

L'espace culinaire, vu sous cet angle, explique dans une mesure le doute des paysans de Fokoué à s'engager de manière durable dans la pisciculture.

Cependant, il importe de faire un distinguo entre la zone rurale (Fokoué) et la zone urbaine (ville de Dschang), où une partie du poisson pêché est vendue. L'enquête par questionnaire montre que le pourcentage le plus élevé (74%) de personnes éprouvant des difficultés dans la préparation culinaire du poisson d'eau douce élevé vit en zone rurale. Nous pourrions l'expliquer par le fait que cette société est géographiquement et culturellement éloignée des régions où le poisson d'eau douce est habituellement consommé. Par contre, nous avons pu observer qu'une proportion moins importante (35%) de personnes rencontrant des difficultés dans la préparation de ces poissons réside en zone urbaine. A cet effet, nous dirons que ce contraste résulte du fait que la population urbaine est plus cosmopolite, car on y retrouve des individus de cultures diverses, dont les Béti du Centre et du Sud, ou encore les côtiers du Littoral, où le poisson d'eau douce est un aliment ordinaire.

3. Les croyances locales

Par croyances locales, nous entendons des convictions non fondées ou motivées rationnellement et partagées de manière collective par les membres d'une société donnée. Vu sous cet angle, le poisson d'eau douce élevé fait l'objet de certaines croyances qui ont une influence déterminante sur les comportements des consommateurs, et par là même sur l'avenir de la pisciculture. D'après les propos recueillis, ces croyances peuvent être analysées à trois niveaux à savoir l'élevage, le produit et le producteur.

a- Au niveau de l'élevage

A Fokoué, village où la pisciculture est pratiquée, les populations croient que les étangs où l'on élève le poisson d'eau douce, sont fréquentés par des « totems » qui se matérialisent de diverses manières. Selon les dires des uns et des autres, ils apparaissent sous forme animal (la loutre), ou d'élément de la nature (arc-en-ciel). La cohabitation entre les êtres surnaturels et le poisson d'eau douce élevé rend ce dernier non consommable aux yeux des populations. De la sorte, celles-ci cherchent par le refus de consommation, à se prémunir contre le danger que représente l'incorporation d'un aliment ayant un quelconque rapport avec des phénomènes magico-religieux. La conséquence logique de cette croyance est que les pisciculteurs sont découragés car, dans ce contexte, même une opinion individuelle sur l'existence de ces phénomènes peut finir par être partagée par un grand nombre de personnes.

b- Au niveau du produit

La plupart des enquêtés dans l'arrondissement de Fokoué n'ont auparavant jamais vu un silure. C'est un poisson dont le corps ondule et possède une tête plate. Cela fait que ces personnes croient que ce sont des serpents, comme l'affirme une femme âgée lorsque nous lui demandons si elle en a déjà consommé :

« Ici, il y a des gens qui élèvent des serpents dans l'eau, ça ce ne sont pas des poissons ».

Cette croyance n'a pour effet que d'entretenir les craintes et les suspicions à l'égard du poisson d'eau douce élevé. Par ailleurs, son effet est d'autant plus prégnant qu'elle est répandue au sein de la population par le « bouche à oreille ».

c- Au niveau des producteurs

Les pisciculteurs de Fokoué n'échappent guère au système de croyance que les populations se construisent autour du poisson d'eau douce élevé. En effet, pour les consommateurs, les pisciculteurs sont les seuls à savoir comment et avec quoi ces poissons sont élevés. C'est pour cela que certains consommateurs prennent la peine de demander avec quoi ces poissons sont nourris. En plus, on croit que le rapport, ou mieux, le contact entre le producteur et le poisson qu'il élève lui-même le « dénature », dans la mesure où le dit poisson ne peut plus être considéré comme pur et naturel. Ainsi, l'on ne veut pas manger le poisson « d'un producteur qui se comporte mal avec les gens ».

Producteur

(dont on croit que le contact avec le poisson dénature ce dernier)

Poisson d'eau douce élevé (assimilé à un serpent pour le cas du silure)

Elevage des poissons (associé à des pratiques magico-religieuses)

Consommateur

(dont la réticence face à la consommation du poisson inhibe le développement de la pisciculture)

Figure 4: influence des croyances des consommateurs sur le développement de la pisciculture

4. La conception endogène et exogène de l'innovation piscicole : des logiques parfois opposées

a- La conception endogène de l'innovation piscicole

La pisciculture vient trouver un système de production alimentaire déjà en place, à savoir l'agriculture. De ce fait, elle est considérée par certains comme un élément perturbateur car, ceux qui consacraient tout leur temps à l'agriculture et à la vente des produits vivriers, sont désormais partagés entre plusieurs activités, parfois difficiles à gérer. En plus, la pisciculture y est apportée par des personnes extérieures au réseau social et culturel des populations. A ce niveau, notons que les promoteurs de la pisciculture sont des chercheurs venus de divers horizons, (province du Centre, du Sud, Europe). La gestion de cette inter-culturalité, entre chercheurs et producteurs est parfois une source de tension, ayant des effets sur l'enthousiasme des pisciculteurs.

Pour d'autres, les promoteurs de la pisciculture et toutes les institutions qu'ils représentent, sont des occasions de tirer parti de ces nouvelles relations. Que ce soit au niveau de l'achat des alevins, du matériel de pêche, ou des moyens de transport du poisson vers la ville, toutes les occasions sont bonnes pour profiter de la présence des promoteurs. On peut dire que, le regard que les paysans de Fokoué posent sur l'innovation piscicole dans leur milieu de vie, ne porte pas en lui les germes d'un avenir prometteur pour la pisciculture et n'emprunte pas la même trajectoire que le regard exogène de l'innovation piscicole.

b- La conception exogène de l'innovation piscicole

Les spécialistes du développement tel que Olivier de Sardan (1995), définissent l'innovation comme un ensemble de techniques, de savoirs ou de formes d'organisations inédites (en général sous forme d'adaptations locales à partir d'emprunts ou d'importations) sur les techniques, savoirs (savoir-faire) et modes d'organisation en place. Appliquée à l'activité piscicole étudiée ici, cette conception voudrait que les paysans de Fokoué intègrent de manière permanente, les techniques et les savoirs relatifs à une pratique « plus moderne » de la pisciculture. Bourdieu cité par Roland Treillon (1993), parle d'une «  intériorisation de l'extériorité» c'est -à -dire une acquisition d'un savoir nouveau.

2. Les facteurs socio-économiques

1. Le niveau de vie des paysans

L'élevage de poisson est une activité relativement onéreuse à Fokoué, selon les objectifs de production que l'on vise. La construction de l'étang nécessite du matériel, de la main d'oeuvre (les membres de la famille ne suffisent pas). Une fois que l'étang est construit, il faut l'empoissonner avec des alevins que l'on va chercher hors du village. Il y a également la nutrition des poissons. Ceux des pisciculteurs qui souhaitent avoir une bonne production sont contraints d'acheter des compléments nutritifs pour les poissons. A la fin, c'est-à-dire après la récolte, il faut acheminer une partie du poisson en ville (Dschang), car la demande rurale n'est pas assez importante pour épuiser le stock de poisson disponible. Ainsi, il y a les moyens financiers liés à la construction des étangs, à l'achat des alevins, à la nutrition des poissons, et à leur transport vers les points de vente. Les paysans savent que l'arrivée des organismes de recherche et des ONG est limitée dans le temps. Une cohabitation avec eux nous a permis de déceler d'autres enjeux, en dehors du développement de la pisciculture. En effet, certains paysans se sont intéressé à la pisciculture pour bénéficier des subventions des Organismes en place. Ceci fait qu'après leur départ, ces « pseudo-pisciculteurs » abandonnent leurs étangs.

2. Le pouvoir d'achat des populations

Pour pouvoir produire du poisson à des fins commerciales, il faut avoir la certitude de pouvoir le vendre. Les populations de Fokoué vivent dans la pauvreté, c'est un fait. Avec un pouvoir d'achat faible, très peu de personnes sont en mesure d'acheter le poisson d'eau douce élevé. Dès lors, il n'est pas évident pour le producteur de retrouver avec un surplus de poisson non vendu, et quand les moyens de conservations sont rudimentaires.

3. Les facteurs individualistes

1. Les perceptions liées aux caractéristiques organoleptiques du poisson d'eau douce élevé

a- la vue

La vue est le sens qui permet à l'Homme de percevoir les objets du monde extérieur grâce à ses yeux. C'est à travers la vue que s'établie le premier rapport du consommateur au poisson d'eau douce élevé. En ce sens, les informations qu'il perçoit de ce type de poisson participent à la manière donc il se représente, ses préférences, ses choix. Une analyse de ces informations nous permet d'en saisir les influences sur le comportement de la population.

· La taille : Notre enquête révèle que la taille du poisson a une influence sur les choix des consommateurs. En effet, ceux-ci préfèrent plus les poissons de grandes tailles et considèrent qu'ils sont plus délicieux que les autres. Pour eux,

« Quand le poisson est bien gros, c'est que c'est bon ! ».

C'est la raison pour laquelle le silure est plus apprécié que les autres poissons (59%), à cause de sa grande taille. De même, le tilapia attire moins de consommateurs (28%) puisqu'il est de petite taille.

· La forme : Certes le silure est très apprécié, mais nous avons également constaté que ce poisson fait l'objet de quelques réticences, à cause de sa morphologie que certaines personnes assimilent à celle d'un serpent. Par conséquent, elles deviennent encore plus méfiantes et sceptiques.

· La couleur : dans l'apparence du poisson d'eau douce élevé, la couleur également détermine d'une certaine manière les comportements et les attitudes des consommateurs. C'est ce qu'exprime une ménagère lorsqu'elle dit :

« Avec la couleur un peu jaune de la carpe, ça donne envie de gouter ».

b- le goût

En sciences humaines, il est indéniable que le gout résulte une construction sociale. Seulement, cette caractéristique s'applique généralement aux aliments qui font partie des habitudes alimentaires d'une société donnée. Alors, en présence d'un aliment non familier, nous retiendrons la caractéristique selon laquelle le gout résulte d'une combinaison d'informations qui procèdent de plusieurs sens (Fishler, 1990). Les perceptions, les appréciations et les préférences relatives au gout du poisson d'eau douce élevé s'expriment chez les consommateurs selon des motivations individuelles mais aussi culturelles, car la différentiation progressive des gouts entre individus découle d'un processus culturel résultant de l'apprentissage. De la sorte, chacun perçoit l'aliment à sa manière, aliment dont le gout résulte d'une part de la sensation gustative et d'autre part, de l'interprétation de cette sensation par rapport à un référentiel.

c- Le toucher

Le toucher est le sens qui permet de percevoir les contacts, les températures et les textures grâce à la peau. Le contact avec le poisson d'eau douce élevé révèle des textures qui sont de nature à ôter toute envie à certaines personnes d'en consommer. C'est le cas du silure dont la peau nue est recouverte d'une substance visqueuse. Par ailleurs, on note aussi que la grande partie de population (88,3%) estime qu'un poisson dont la chair est molle n'est pas bon à manger. Ils préfèrent nettement une chair plus ferme.

4. « Faire la pisciculture » : Une pratique non objectivable

Les facteurs du non adoption de la pisciculture dans les Exploitations Familiales agricoles ne sont pas seulement liés à un conditionnement socioculturel, un contexte économique précaire ou des déterminants individuels. Le séjour que nous avons passé auprès des paysans nous a permis de comprendre que ces facteurs sont aussi à chercher dans leurs comportements, relevant tant du collectif que de l'individuel. En effet, parlant de « faire la pisciculture », il y a ce que les paysans disent et il y a ce qu'ils font. On observe dans leurs comportements une distance entre le discours et la pratique.

Dans le discours, les paysans font preuve d'un engagement sans précédent, d'une volonté de pratiquer la pisciculture de manière intensive et à grande échelle. C'est ainsi que, nous avons pu entendre l'un d'eux dire lors d'une de leurs réunions :

« Nous sommes prêts à faire de la pisciculture et à vendre le poisson dans tout le village, même jusqu'à un niveau départemental. Tout ce qui nous manque ce sont les financements ».

Lorsque des réunions sont organisées avec la présence des chercheurs, les paysans y assistent de manière ponctuelle et massive. Bref, si l'on devait s'enquérir de l'évolution de la pisciculture dans l'arrondissement de Fokoué, à partir des discours des paysans, alors on affirmerait sans ambages que la pisciculture à toutes ses chances de réussir.

Pourtant, dans la pratique, « faire la pisciculture » n'est pas totalement objectivable. Il y a bien un décalage entre ce qui est dit et ce qui est fait, car les données ne permettent pas de relever ce que poulain (2002) appelle un « comportement réel ». En effet, la plupart des paysans de Fokoué ne pratiquent pas réellement la pisciculture. A ce sujet, une illustration prégnante nous vient à l'esprit. Une tournée avait été organisée par le collectif des chercheurs, où il était question de visiter les étangs. Nous avons le souvenir que certains d'entre eux étaient quasiment inaccessible, car abandonnés par leurs propriétaires. Les chemins qui y menaient étaient envahis par les mauvaises herbes, preuve que personne n'y était allé depuis longtemps. Tout ceci montre que la pratique de la pisciculture dans l'arrondissement de Fokoué est approximative. Par ailleurs, un autre fait significatif qu'il convient ici de relever est que lors des réunions où les chercheurs étaient absents, on constatait également de nombreuses absences du côté des paysans. Au vu de ce qui précède, nous nous posons inéluctablement la question de savoir pourquoi les paysans veulent faire croire qu'ils s'investissent, ou sont prêts à s'investir dans la pisciculture, alors que les observations témoignent du contraire. En d'autres termes, où se situe leur intérêt dans le projet d'asseoir la pisciculture dans leur arrondissement ?

5. Le poisson d'eau douce élevé et ses représentations

Des représentations analysées ci-dessous, la première est la plus répandue au sein de notre population d'étude. Par ailleurs, les autres représentations évoquées nous permettent simplement de comprendre que la manière dont la consommation du poisson d'eau douce élevé est vue, peut contribuer à l'adoption de la pisciculture. Car, consommer le poisson élevé dans l'arrondissement de Fokoué, c'est permettre aux pisciculteurs d'écouler leurs produits et ainsi redynamiser la production.

6. Un aliment « suspect »

Les sociétés humaines en général et la société Dschang en particulier dispose d'un appareil de catégorie (Fischler, 1990 et Lahlou 1998), d'une pensée classificatoire leur permettant de catégoriser le comestible et le non comestible. A cet effet, un produit qui n'appartient pas à la catégorie du comestible est potentiellement dangereux. Les Dschang qualifient le poisson d'eau douce élevé d'aliment « suspect ». Selon eux, des poissons tels que le silure, le tilapia, la carpe et le kanga vivent dans les eaux des mers et des rivières, et ne peuvent donc pas se retrouver dans l'Ouest du pays. Alors,

« Dire qu'on élève ces poissons-là ici à Dschang, c'est quand même suspect »,

affirme un enquêté. Cette suspicion est la conséquence d'une difficulté à ranger ce type de poisson dans l'ordre du « culturellement mangeable ». Mettre un aliment dans sa bouche, c'est incorporer quelque chose d'extérieur, étranger à soi. Quand cet aliment étranger semble suspect, il peut provoquer une certaine peur, donner l'impression d'être envahi par quelque chose de nuisible. L'Homme Dschang a donc besoin de connaitre ce qu'il mange, afin de réduire l'écart entre l'identité du mangeur et l'identité du mangé. Claude Fischler l'a bien rappelé en soulignant que, face à l'angoisse alimentaire et sa perception du risque, le consommateur éprouve le besoin de connaitre et de savoir ce qu'il mange, il ne veut plus ingérer d'Objet Comestible Non Identifié.

7. Un aliment identitaire

Outre la fonction première de l'alimentation qui est de nourrir, elle s'avère également porteuse d'une dimension identitaire, c'est-à-dire relative au sentiment d'appartenance à un groupe ou à une communauté spécifique. La population concernée par notre étude est constituée d'individus issus de régions et de provinces voisines, venus s'installer à Dschang pour diverses raisons dont les affectations, les mutations, les raisons académiques pour les étudiants... du fait de ces déplacements, les migrants perdent peu à peu les habitudes alimentaires inhérentes à leurs milieux d'origine. Alors la commercialisation du poisson d'eau douce élevé représente pour certain une occasion de renouer avec les mets de leur culture, comme le dit si bien une enquêtée originaire du Centre et affectée à la sous-préfecture de la Menoua :

« Moi je préfère les silures, ça va me rappeler le bon ndomba de chez nous ».

Ainsi, on recherche à travers l'incorporation alimentaire, à reconstruire une identité, à renouer avec un paysage plus ou mythifié, à affirmer une appartenance géographique et culturelle plus ou moins diluée par l'urbanisation (Corbeau et poulain, 2002).

8. Un aliment de prestige

A partir de nos entretiens, nous avons pu comprendre que la consommation du poisson frais à Fokoué revêt un caractère relativement prestigieux. Ceci peut s'expliquer d'une part, par le choix des dates de vidange, qui se tiennent généralement entre le 24 et le 31 décembre. A cette période de fête, tout le monde s'efforce de trouver des moyens pour s'acheter du « poisson bien frais », et de préférence le poisson d'eau douce élevé. D'autre part, le silure fumé accompagne le taro à la sauce jaune, qui est un met honorifique, servi à des personnes très respectées. Par ailleurs, le caractère prestigieux du poisson d'eau douce élevé vient de son prix. Il est vendu plus cher que tous les autres types de poisson. À cet effet, consommer le poisson d'eau douce élevé est un luxe que tout le monde ne peut s'offrir.

9. Un aliment « bon pour la santé »

D'après nos entretiens, les populations de Fokoué reconnaissent dans le poisson frais d'excellentes vitamines et protéines pour le corps, contrairement à la viande qui selon eux entraîne souvent des maladies.

Pour le tilapia, il est apprécié par certaines personnes grâce à son apport en sang dans le corps. En effet, lors d'un entretien, une piscicultrice affirme avoir soulagé son enfant de deux ans atteint de kwashiorkor en le nourrissant régulièrement avec la chair du tilapia. D'autres recommandent vivement sa consommation pour la croissance des nourrissons et le maintien des personnes âgées, car ils représentent la couche la plus vulnérable de la société.

10. Les comportements des consommateurs à l'égard du poisson d'eau douce élevé

A l'issue des informations provenant du poisson d'eau douce élevé et les perceptions qu'en a le consommateur, ce dernier va développer des comportements à l'égard des différentes situations qui se présentent à lui. Le comportement est l'ensemble des attitudes et des réactions objectivement observables d'un être humain. L'attitude, elle, est une variable prédictive du comportement d'achat du consommateur. Aussi, un produit aura-t-il d'autant plus de chance d'être accepté et consommé par une personne que celle-ci possède un sentiment positif à son égard.

Une observation minutieuse des consommateurs face au poisson d'eau douce élevé nous permet de relever trois composantes qui caractérisent leurs comportements et attitudes : une composante cognitive, affective et conative. Ces composantes traduisent respectivement ce que les consommateurs savent du poisson d'eau douce élevé, ce en pensent globalement et ce qu'ils ont l'intention de faire vis-à-vis de celui-ci. De manière plus précise :

1. La composante cognitive

De l'attitude fait référence aux croyances du consommateur envers le poisson d'eau douce élevé. Ces croyances sont les conséquences des informations que ce dernier a perçues du produit suite à des expériences antérieures d'achat ou de consommation. Dès lors, on a des consommateurs qui croient par exemple que les pisciculteurs élèvent aussi des serpents dans les étangs, ceci à cause de l'information perçue relative à la forme de ce poisson. De même, d'autres croient que manger du poisson d'eau douce élevé est bénéfiques pour leur santé, en raison de son état de fraicheur.

2. La composante affective

Elle traduit l'attachement que le consommateur porte au poisson d'eau douce élevé. Elle renvoie à un jugement global, à un sentiment, qu'il soit positif ou négatif. Ainsi, après l'avoir consommé, certains disent par exemple « j'aime beaucoup la chair de ce poisson, ça me plait » tandis que d'autres disent plutôt « le tilapia que j'ai essayé a trop d'arêtes, ce n'est pas bon à manger » 

3. La composante conative

Cette composante indique l'intention que le consommateur a d'agir dans un sens ou dans un autre vis-à-vis du poisson d'eau douce élevé. Par exemple, les consommateurs qui ont un sentiment positif à l'égard ce poisson, soit après l'avoir simplement vu ou après l'avoir consommé auparavant, décident de l'acheter et de la consommer à nouveau.

A présent, il convient de voir comment les consommateurs réagissent concrètement lorsqu'ils sont en présence du poisson d'eau douce élevé. Deux comportements antagoniques ont pu être observés :

11. Des consommateurs néophobes

Le caractère nouveau et surtout non familier du poisson d'eau douce élevé suscite méfiance et réticence chez les consommateurs Dschang. Il s'agit là de l'expression d'une angoisse face à l'inconnu, face à l'étranger. Par ailleurs, si tous les mangeurs élaborent un système classificatoire entre le consommable et le non consommable, nous pensons que le rejet exprimé dans ce cas est sous-tendu par trois types de motivations.

Le premier type est d'ordre sensoriel-affectif. A ce niveau, le rejet est fondé sur les propriétés sensorielles de l'aliment. Ainsi, tel que nous l'avons évoqué plus haut, le gout, la taille, la forme la texture au toucher et la couleur du poisson d'eau douce élevé n'appartiennent à aucune catégorie reconnue dans le référentiel culturel Dschang. Ces propriétés sont des signes, des indicateurs de l'altérité, de ce qui n'est pas connu, de ce dont il faut se méfier. C'est ainsi que des gens prennent la fuite, tandis que d'autres s'éloignent et observe d'un air quasi stupéfait. En somme, le rejet face à un aliment nouveau peut être perçu comme un dispositif de l'organisme et de l'esprit humain pour se protéger de l'inconnu.

Le second type de motivation est inhérent aux conséquences anticipées de ce que les consommateurs Dschang croient être le résultat de l'ingestion du poisson d'eau douce élevé. Il s'agit des conséquences physiques telles que l'intoxication, les malaises...cet aspect du rejet alimentaire traduit chez le consommateur un souci préserver leur santé physique car consommer le poisson d'eau douce élevé reviendrait à incorporer, à faire entrer en soi un élément étranger dont ils ignorent les conséquences possibles sur leur corps. C'est ainsi que nous avons pu entendre dire :

« Moi je ne peux pas manger ça, je ne sais pas ce que ça peut me faire dans mon corps ».

Pour finir, le troisième type de motivation est lié à ce que les consommateurs Dschang savent de l'origine du poisson d'eau douce élevé. Les observations et les informations qui ont été recueillies sur ce plan montrent que si certains consommateurs manifestent un rejet par rapport à la consommation du poisson d'eau douce élevé, c'est en raison de leur ignorance sur les origines de ce poisson. Dans un sens, les connaissances sur le produit ont une influence déterminante sur les comportements et les attitudes des consommateurs envers ce dernier. Pour le cas de cette étude, beaucoup de consommateurs Dschang ignorent tous des origines du poisson d'eau douce élevé. Cette ignorance se situe à deux niveaux :

D'une part au niveau du produit. D'où vient ce poisson ? Comment est-il arrivé jusqu'ici ? Ces interrogations démontrent l'importance pour les consommateurs de savoir ce qu'ils vont consommer, et les informations y afférentes permettent d'évacuer l'incertitude, le doute, bref réduire la distance entre le mangé et le mangeur.

D'autre part au niveau du producteur (le pisciculteur). Pour certains consommateurs, il est aussi important de connaitre celui qui élève le poisson, dans la mesure où cette information permet d'établir la confiance entre le producteur et le consommateur, et rassure ce dernier sur la qualité du produit. A cote de cette peur, cette méfiance, ce doute, nous retrouvons aussi une partie de la population qui adopte une attitude inverse.

12. Des consommateurs néophiles

L'introduction du poisson d'eau douce élevé dans l'ordinaire alimentaire des populations Dschang ne suscite pas que rejet et méfiance. Tel que nous l'avons développé dans la partie méthodologie, notre enquête par questionnaire était adressée uniquement aux personnes ayant déjà eu à consommer le poisson d'eau douce élevé. Il en ressort que 80,6% des personnes interrogées en zone urbaine affirment avoir consommé le poisson d'eau douce élevé par curiosité. Ce résultat reflète une tendance à l'innovation, à l'exploration, bref une disposition à s'ouvrir à d'autre culture et à découvrir de nouveau aliments. Un enquêté nous dit à cet effet :

« Ça m'intéresse aussi de gouter pour voir, puisqu'on ne voit pas souvent ce genre de poisson ici ».

La curiosité semble donc être la principale motivation qui pousse les consommateurs à s'intéresser au poisson d'eau douce élevé.

13. La construction des représentations liées à la qualité du poisson d'eau douce élevé

La notion de qualité, appliquée à l'étude de la consommation alimentaire dans les sociétés humaines demeure assez ambiguë pour ce qui est de son acception. Certains (comme l'AFNOR, 1987) ont définit la qualité comme l'ensemble des propriétés caractéristiques d'un produits ou service qui lui confèrent l'aptitude à satisfaire des besoins exprimés ou implicites. Cette définition comporte des insuffisances en ce sens que, les besoins peuvent évoluer avec le temps impliquant une révision périodique des exigences pour la qualité ou encore qu'il n'y a pas une prise en compte du caractère relatif de cette notion. C'est dans le but d'éviter ces écueils qu'il nous a semblé judicieux d'attribuer à la notion de qualité le sens de « ce qui est demandé par le plus grand nombre », autrement dit une réponse adaptée à un besoin.

Les perceptions des consommateurs Dschang en rapport avec la qualité du poisson d'eau douce élevé sont fondées sur plusieurs composantes qui interagissent.

1. La composante salubrité

La salubrité se définie comme le caractère de ce qui contribue ou est favorable à la santé. Un aliment salubre a donc une action favorable sur l'organisme. Sur ce point, les consommateurs Dschang sont d'avis que, manger du poisson d'eau douce a un effet bénéfique pour leur santé. C'est ce qu'exprime un enquêté lorsqu'il dit :

« En tout cas nos parents disaient que c'est le poisson qui est la meilleure vitamine pour le corps. Au lieu de consommer beaucoup de viande on peut consommer le poisson. La viande peut donner certaines maladies alors que le poisson n'a pas de problème, c'est bon pour la santé ».

Rappelons, entre autres, que l'importance de la composante salubrité se trouve d'autant plus confortée par le fait que les consommateurs disposent d'un moyen objectif de la contrôler. En effet, ils ont la possibilité de se rendre au lieu de l'étang pour assister à la pêcher, et ainsi vérifier par eux-mêmes l'état de fraicheur du poisson qu'ils voudront consommer. Un enquêté traduit cette idée en déclarant qu' 

« Un poisson qui n'a pas été touché par quelqu'un, que tu vois toi-même pêcher, c'est bien ! »

2. La composante nutritionnelle

Selon les entretiens qui ont été menés, l'aspect nutritionnel semble gagner la primauté dans les différentes composantes qui sous-tendent les perceptions des consommateurs par rapport à la qualité du poisson. Ainsi, le poisson d'eau douce élevé possède les éléments nutritifs à assimiler par l'organisme afin de jouir d'un meilleur équilibre physique. Les ménagères enquêtées l'ont certainement comprit, avant d'associer la chair du tilapia à l'alimentation des tous petits enfants afin de « les aider à bien grandir ».

3. La composante hédoniste

Outre la vocation première de l'acte alimentaire qui est de calmer la sensation de faim, la recherche du plaisir fait également partie des buts recherchés et des caractéristiques qui permettent aux consommateurs d'apprécier qualitativement les aliments. Pour conforter cette idée, Tremolière affirmait que

« Le plaisir est dans tous les cas le sommet de la pyramide qualité, la pierre angulaire, le déterminant ultime des comportements alimentaires »

Dans la consommation du poisson d'eau douce élevé, les populations intègrent le plaisir comme composante essentielle leur permettant d'affirmer que le poisson est de bonne qualité. Cette valeur hédoniste, cette recherche du plaisir et de la satisfaction reste étroitement liée à l'expérience personnelle du consommateur avec le consommé car les sensations ne sont pas perçues de façon identique chez les uns et les autres. Ainsi, manger du poisson d'eau douce met le consommateur en relation avec l'aliment, où ses sens lui permettent d'en apprécier la saveur et d'en tirer du plaisir.

Par ailleurs, il est assez significatif de mentionner que la notion de plaisir, ou la composante hédoniste est une dimension plurifactorielle dont les éléments sont hiérarchisés et pondérés de façon individuelle en laissant une large part à l'irrationnel, à l'image et la représentation (Bolnot, 1996).

4. La composante relationnelle

Si le fait de manger répond à un triple besoin qui s'exprime par le maintien de la vie, la recherche de la bonne santé et la quête du plaisir, nous observerons en outre que la consommation du poisson d'eau douce élevé met en exergue une autre dimension liée au partage et à la convivialité. En effet, rappelons déjà que la distribution de ce poisson selon la logique non-marchand relève du don. A travers ce geste, la qualité du poisson, telle que perçue par ceux qui le reçoivent, se trouve en encore plus valorisée par un sentiment de convivialité. Une convivialité qui est également ressentie lors des différentes prises, à domicile (en famille, autour du feu de bois), ou hors domicile (entre amis dans un restaurant ou sur la place du marché).

Le comportement des individus à l'égard du poisson d'eau douce élevé, prend sa source en partie dans les informations provenant de ce poisson. L'étude du phénomène perceptuel est alors capitale pour comprendre le mécanisme du comportement du consommateur.

14. Le processus perceptuel des consommateurs

Kotler et Dubois (2002) définissent la perception comme

« Le processus par lequel un individu choisit, organise et interprète des éléments d'information externes pour construire une image cohérente du monde qui l'entoure ».

Nos données empiriques permettent de comprendre que le processus perceptuel des consommateurs enquêtés s'articule en deux phases distinctes.

D'une part, on a la sensation qui permet au consommateur d'enregistrer les stimuli par ses sens. C'est dire que la construction de la perception du consommateur commence par les informations que ses sens lui permettent de capter. Ici, il s'agit notamment de la forme, de la couleur, de la texture et du gout du poisson d'eau douce élevé. Ces informations sont donc enregistrées par la vue, le toucher, et le gout. Les informations ainsi captées par le consommateur ne suffisent à élaborer les perceptions inhérentes au poisson d'eau douce élevé, ce qui nous conduit à la seconde phase.

D'autre part, on a l'interprétation, qui permet au consommateur d'organiser l'information reçue et de lui donner une signification. Autrement dit, associer une information sensorielle émanant du poisson d'eau douce élevé à une image mentale qui fait sens pour le consommateur. C'est de cette manière que la plupart de ceux-là associent l'état de fraicheur du poisson avec l'image de la santé en disant « quand c'est bien frais, c'est bon pour la santé ». De même, certains associent la forme du silure qui ressemble a un serpent à l'image du danger, de la peur, d'où des réticences.

Par ailleurs, bien qu'étant tous exposés aux même stimuli, c'est-à-dire recevant les même informations qui proviennent du poisson d'eau douce élevé, chaque consommateur interprète les informations reçues d'une manière qui lui est propre, d'où le caractère subjectif des perceptions.

15. La subjectivité des perceptions

La perception à l'égard du poisson d'eau douce élevé est également subjective en ce sens qu'elle varie d'un consommateur à un autre. Elle peut dépendre des caractéristiques et du vécu d'un consommateur. C'est le cas par exemple de monsieur Nupioleh qui raconte que

« Dans le temps moi j'ai d'abord travaillé dans un port, donc je connais beaucoup d'espèce de poisson. Et quand on a commencé à élever le poisson ici à Fokoué, ce n'était pas quelque chose d'étrange pour moi. »

Une personne n'ayant jamais vécu dans une zone où les cours d'eau sont inexistants ne saurait tenir pareil discours. Ainsi, deux personnes bien que partageant la même aire culturelle donneront une interprétation différente à un même stimulus, en fonction de leur vécu.

Mais encore, certains consommateurs manifestent une tendance à faire correspondre leur perception avec leur vision intrinsèque de la réalité.

16. La distorsion de la perception

Toutes les informations issues du poisson d'eau élevé sont interprétées en fonction des schémas mentaux des consommateurs. Toute information est perçue de manière à s'intégrer à la structure cognitive du consommateur. Cela signifie que ces informations sont interprétées par le consommateur en fonction de ses croyances initiales. Pour mieux saisir cet aspect de la perception, nous nous referons à un non-consommateur qui dit

« Le poisson congelé que nous consommons est vraiment de mauvaise qualité et maintenant on nous parle du poisson d'eau douce. Je ne pense pas que ce soit différent, tout ça c'est le même poisson »

Le consommateur va déformer une information qui contraire à ses croyances de manière à ce qu'elles soient cohérentes avec ces dernières. Ainsi, s'il considère un produit donné comme de piètre qualité, toute information indiquant le contraire sera distordue pour être conforme à sa structure cognitive existante.

17. Le processus d'adoption du poisson d'eau douce élevé par les consommateurs

Le processus d'adoption d'un nouveau produit par le consommateur comporte un enchainement d'étapes qui n'aboutit pas nécessairement à l'achat effectif. Certaines caractéristiques du produit nouveau, que nous avons déjà évoquées plus haut, favorisent ou desservent sa diffusion. De même les caractéristiques propres au consommateur déterminent en partie son comportement face à l'innovation. Différents modèles ont été proposés pour décrire le processus d'adoption d'une innovation par le consommateur. Parmi ces modèles qui s'appuient pour la plupart sur le paradigme triptyque déjà évoqué, (cognitive, affective et conative), nous avons retenu celui de Rogers (1983). Le modèle de Rogers identifie cinq phases dans le processus d'adoption d'un produit nouveau, qui correspondent au processus observé chez nos consommateurs :

v La prise de conscience : le consommateur voit le poisson d'eau douce élevé lorsqu'il est exposé sur le marché, ou alors il en entend parler, soit venant des pisciculteurs, soit venant d'autres personnes qui ont eu à le consommer.

v L'intérêt pour le produit : en situation d'information incomplète, le consommateur cherche à récolter des informations sur le poisson d'eau douce élevé. Pour cela, il va par exemple se rendre à l'étang où a lieu la pêche pour voir de ses propres yeux, ou encore il se rendre au domicile du producteur, lorsque le poisson est vendu à domicile.

v L'évaluation : à partir des informations recueillies, le consommateur apprécie les avantages éventuels qu'il tirerait de la consommation ou de l'utilisation du poisson d'eau douce élevé. Ces avantages s'expriment notamment en termes de gout, de nutriment, de prestige...des avantages qu'il va ensuite comparer avec le poisson congelé. C'est cette évaluation qui le motive ou non à essayer de consommer le produit.

v L'essai : le consommateur s'essaye donc à la consommation du poisson d'eau douce élevé, suite à un achat ou à un don, afin de s'en faire une idée réelle.

v L'adoption : le consommateur, convaincu par une sensation gustative agréable, après consommation, décide d'adopter le poisson d'eau douce élevé.

18. La construction des préférences alimentaires autour du poisson d'eau douce élevé

Au sortir d'une analyse des discours des consommateurs, il nous semble important de relever que, la gamme de poisson d'eau douce qui s'offre à ceux-ci donne lieu à une élaboration des préférences dont les fondements sont liés aux caractéristiques individuelles des consommateurs, à leur socio-culture et aux propriétés organoleptique des poissons.

19. L'influence des caractéristiques individuelles

D'entrée de jeu, nous avons relevé chez les consommateurs une tendance à la recherche de la variété. Dans le domaine alimentaire, il semble particulièrement important d'explorer le rôle de cette variable individuelle, puisque l'Homme est contraint par son statut biologique d' « omnivore » et doit donc varier ses consommations. Cette recherche de variété dans le domaine alimentaire est définie par Van Trijp et Steenkamp (1992) comme

« Le facteur de motivation qui a pour but d'apporter une variation dans la stimulation grâce à une consommation variée des produits alimentaires, indépendamment de la valeur fonctionnelle ou instrumentale des différentes alternatives ».

C'est ainsi que l'on entend des consommateurs affirmer qu'ils s'intéressent au poisson d'eau douce élevé pour se dégager de la routine qu'est la consommation du poisson surgelé importé.

Par ailleurs, une autre variable individuelle a été observée, non moins importante ou différente de la première, faisant référence à une tendance exploratoire chez certains consommateurs. Celle-ci conduit à multiplier les expériences de consommation et donc à créer un certain niveau de familiarité avec le produit. Pourtant, la familiarité est un facteur explicatif important des préférences alimentaires (Lahlou, 1998) et augmente l'acceptabilité d'un produit (Fischler, 1990). C'est dire que pour certains consommateurs, s'adonner aux pratiques de transformation et de consommation de ces poissons, même à titre d'essai ou de simple expérience, participe de manière consciente ou inconscient à la construction des préférences par rapport à des types particuliers de poissons.

20. L'influence de la socio-culture

Le système alimentaire Dschang, dont fait partie le poisson surgelé importé joue un rôle dans l'élaboration des préférences des consommateurs, dans le mesure où ceux-ci cherchent parfois, parmi les nouveaux types de poisson, ceux qui sont plus assimilables au poisson surgelé importé. De fait, ces consommateurs procèdent par « analogie », en faisant ainsi le rapprochement entre les caractéristiques du nouveau type de poisson et celles du poisson de mer. C'est pourquoi on verra se manifester un réel intérêt pour le tilapia par exemple, qui s'apparente le plus à certaines variétés de poisson surgelé, contrairement au silure, dont les caractéristiques physiques s'en éloignent.

21. Le poisson d'eau douce élevé : une innovation alimentaire pluridimensionnelle

De l'introduction du poisson d'eau douce élevé à Dschang jusqu'à nos jours, le phénomène reste perçu indifféremment par les consommateurs et les non- consommateurs comme une innovation alimentaire. Une innovation qui revêt un caractère pluridimensionnel car, elle est exprimée et observable au niveau de l'aliment, au niveau des techniques de préparation culinaire, au niveau social, et au niveau économique.

1. Au niveau de l'aliment

L'innovation au niveau de l'aliment réside dans la nature même dudit aliment. Le poisson d'eau douce élevé sort de l'ordinaire alimentaire des populations locales. En effet, celles-ci ont toujours eu l'habitude de consommer du poisson de mer surgelé importé, du poisson fumé et surtout du poisson sec appelé « bunga ». Ainsi, même si en fin de compte il s'agit toujours de poisson, les consommateurs sont passés à quelque chose de différent, qui leur permet de gouter à de nouvelles saveurs. Seulement, une innovation au niveau de l'aliment implique indéniablement une innovation dans les procédés de transformation.

2. Au niveau des techniques de préparation culinaire

Les différents procédés matériels et immatériels qui entourent la transformation d'un objet du statut d'aliment au statut de met correspondent à une manière de faire qui est propres à toute socio-culture. En effet, pour les consommateurs, adopter un nouvel aliment dans leurs habitudes alimentaires signifient également adopter de nouvelles techniques culinaires. Rappelons encore que, le poisson d'eau élevé est très complexe pour ce qui de sa préparation. Cela exige des techniques de transformation bien précises, pour pouvoir trouver satisfaction dans sa consommation.

3. Au niveau social

La pratique de la pisciculture par des individus vivant dans le même milieu a donné lieu à un regroupement de ces personnes selon qu'ils partagent la même culture et surtout la même activité. Ainsi, à Fokoué, les pisciculteurs se sont regroupés pour former le GIC COPIFOPEM (Collectif des Pisciculteurs Intensifs de Fokoué et Penka Michel). A travers cette organisation, ils synchronisent leurs efforts pour s'assurer que le poisson soit disponible le jour du marché. Ils s'entraident également lors des pêches en assistant leurs confrères.

Par ailleurs, le besoin de commercialiser le poisson d'eau douce élevé de façon plus rentable les amène à sortir de leur village pour se rendre en zone urbaine. Les différents déplacements que cela entraine leur donne l'occasion de rencontrer de nouvelles personnes venant d'horizons divers, une manière d'enrichir leur capital social.

4. Au niveau économique

L'innovation au niveau socio-économique s'applique seulement aux producteurs de poisson d'eau douce élevé. D'une part, pour ces derniers, les moyens d'acquisition des revenus pour les familles se limitaient aux activités agricoles, à l'élevage de porc et l'artisanat, dont les produits étaient vendus sur le marché local. Avec l'introduction de la pisciculture, ils peuvent désormais accroître leurs revenus de manière considérable.

Après avoir examiné les différentes manifestations de l'innovation liée au poisson d'eau douce élevé et de ceux qui le produisent, il nous semble à présent important de s'intéresser aux conditions dans lesquelles cette innovation s'est mise en place. Pour pouvoir parler d'innovation, il faut que l'on observer une nouvelle manière de faire, un procédé nouveau, un nouveau produit et plus précisément, dans le cadre de cette étude, l'introduction du poisson d'eau douce élevé. Ceci s'est fait et se fait en tenant compte d'un certain nombre de conditions à savoir : un avantage réel, un coût supportable, une introduction progressive et des réactions différenciées.

· Un avantage réel

L'innovation doit apporter un avantage réel à ceux qui l'adoptent, en comparaison à ce qui existait précédemment. Concernant le poisson d'eau douce élevé, l'avantage s'explique dans le fait que les populations sont en présence d'un aliment de meilleure qualité sur le plan nutritionnel. En effet, contrairement au poisson surgelé importé, le poisson élevé dans les étangs contient encore toutes ses propriétés nutritionnelles, utiles à l'organisme du consommateur. Du coté des pisciculteurs, on peut parler d'avantage réel dans la mesure où leur activité vient apporter un gain supplémentaire à leur revenu initiale. Mais, l'avantage perçu dans l'innovation ne suffit pas à donner entière satisfaction aux différents bénéficiaires, il faudrait encore qu'ils aient les moyens de se l'acheter.

· Un coût supportable

L'innovation ne doit pas induire des dépenses insupportables. Les moyens mis en jeux et les efforts consentis par les pisciculteurs pour l'élevage du poisson d'eau douce justifient la cherté de ce produit par rapport au poisson surgelé importé. Néanmoins, compte tenu du niveau de vie relativement bas et du faible pouvoir d'achat des ménages de la région, les tarifs de vente du poisson d'eau douce élevé ont été révisés, de manière à convenir à toutes les bourses. Les populations locales peuvent ainsi se procurer du poisson de qualité à un prix raisonnable. Mais, malgré ces dispositions, le poisson d'eau douce élevé ne peut être adopté du jour au lendemain.

· Une introduction progressive

L'adoption du produit de la pisciculture par les populations locales, ne saurait se faire machinalement. Du fait de son caractère nouveau, elle requiert une introduction progressive, sans bouleverser les habitudes alimentaires en vigueur. C'est pourquoi les producteurs procèdent parfois à des dons de poisson dans leur entourage, pour laisser aux consommateurs le temps de déguster, d'apprécier et de se familiariser avec le nouvel aliment. De la sorte, les pisciculteurs peuvent espérer conquérir un marché de plus en plus grandissant, sans toutefois faire l'unanimité au sein des consommateurs.

· Des réactions différenciées

Il est rare qu'une innovation convienne à tout le monde, de la même façon. C'est pourquoi l'on observe des réactions différenciées chez les consommateurs vis-à-vis du poisson d'eau douce élevé. D'un côté, on a ceux qui rejettent, du fait de l'étrangeté, de l' « inhabitude ». De l'autre côté, on a des curieux, des personnes ouvertes à l'innovation, au changement, à la nouveauté. Toutes ces réactions et attitudes prennent leur origine d'une part dans le poids de la collectivité, dans un ensemble de produit de consommation qui n'intègre pas le poisson d'eau douce élevé, en un mot, dans la culture. D'autre part, les comportements observés résultent de l'individualité de chaque consommateur.

22. Le poisson d'eau douce élevé : un produit de substitution, une réponse à un besoin

La pratique de la pisciculture dans l'arrondissement de Fokoué répond de manière prééminente à un besoin exprimé par les populations, celui de fournir un poisson de meilleure qualité que le poisson surgelé importé. Monsieur Ngameni Asaï, (65 ans, pisciculteur), disait déjà à cet effet que

« Ça fait partie des protéines animales, on en a besoin ! Et comme nous n'avons pas de cours d'eau comme dans le Sud, il faut avoir des étangs pour obtenir le poisson ».

Sa consommation n'a pas toujours fait l'unanimité au sein des populations, notamment dans ses débuts. Mais aujourd'hui, avec une production de plus en plus importante, le poisson d'eau douce élevé a conquis de nombreux consommateurs et tend à se substituer progressivement au poisson surgelé importé. Cette dynamique observée dans l'ordinaire alimentaire de notre population d'étude s'explique par le fait que celle-ci trouve dans le poisson d'eau douce élevé, un aliment « bon pour la santé » et, qui plus est, un produit qui leur offre la possibilité de varier son alimentation au niveau des apports et des saveurs.

23. Les moyens d'internalisation du poisson d'eau douce élevé par les consommateurs

Le corpus empirique obtenu sur la consommation du poisson d'eau douce élevé nous permet de dégager ce que nous avons choisi d'appeler les catalyseurs de l'adoption de cet aliment. En d'autres termes, il s'agit des moyens qui contribuent au processus d'internalisation du poisson d'eau douce élevé dans les habitudes alimentaires des populations.

1. Le principe de flaveur

Du terme « flaveur » proposé par Le Magnen (1985), ce principe consiste à associer un aliment nouveau à des ingrédients traditionnellement utilisés, afin de le rendre consommable. Selon Nathalie Rigal (1996),

« L'assaisonnement d'un plat nouveau par le principe de flaveur permettrait de le rendre plus familier et ainsi plus acceptable ».

Ainsi, dans la cuisson du poisson d'eau douce élevé, les consommateurs y associent des condiments, des épices et d'autres ingrédients usuels pour donner à l'aliment un gout facilement assimilable aux différentes préparations quotidiennes. Ce procédé leur permet d'adopter le poisson d'eau douce élevé dans les habitudes alimentaires en lui conférant « des saveurs proches de ce que l'on connait déjà ».

2. La familiarisation comme moyen d'internalisation

La théorie de la familiarisation postule que, voir régulièrement un produit nouveau favorise l'augmentation de l'appréciation puisque l'individu cherche à rendre ses représentations conformes à ses gouts et à son comportement (Rigal, 2000). Elle renvoie à un mécanisme basé sur l'expérience visant à rendre familier un produit inconnu ou rejeté, à travers ce que l'on appelle « les effets positifs de l'exposition », un procédé qui n'est pas étranger aux spécialistes du marketing. Ainsi, de nombreux consommateurs finissent par s'intéresser au poisson d'eau douce élevé parce qu'ils en ont entendu parler à plusieurs reprises. A ce niveau, la familiarisation vient effectivement agir comme moteur qui facilite l'internalisation du poisson d'eau douce élevé dans les habitudes alimentaires.

3. Le rôle des expériences de préparation et de consommation

La préparation culinaire et la consommation d'un aliment met en relation le consommateur et le consommé. Cette relation participe à la banalisation de l'aliment, car

« Quand on prépare quelque chose qu'on ne connait pas comme ce poisson d'eau par exemple, on apprend à le connaitre et peut être à aimer aussi ! »

Tout ce passe donc comme si, plus on est impliquer dans la préparation de l'aliment, plus on est disposé à l'accepter et à l'adopter. Il en est de même pour les expériences de consommation, dans la mesure où, le fait pour certains consommateurs de gouter à ce produit suscite en eux une envie de recommencer. Dès lors, une consommation à répétition donne lieu à des préférences en faveur de l'aliment.

4. Les relations sociales

Les choix alimentaires en rapport avec la consommation du poisson d'eau douce élevé sont à certains niveaux déterminés par les relations sociales entre producteur et consommateur. En effet, l'organisation sociale en milieu rurale est caractérisée par un vaste réseau de relations sociales qui va au-delà de la simple famille nucléaire. Ainsi, « au village », tout le monde connait tout le monde. C'est dans ce type de configuration d'interaction que se situe la relation entre les pisciculteurs de Fokoué et les consommateurs de poisson d'eau douce. Alors,

« On mange ce poisson là parce qu'on connait les gens qui élèvent ça, on a confiance » nous affirme un informateur.

Outre la relation producteur/consommateur qui détermine une part des comportements de ces derniers, on retrouve également une relation entre consommateurs qui n'est pas négligeable dans le processus de choix alimentaires. De ce fait, certaines personnes réticentes au départ finissent par « essayer de gouter » au poisson d'eau douce élevé parce qu'il ont vu un proche le faire. En fin de compte, les consommateurs recherchent un lien direct ou perçu comme tel, qui les rassurerait sur les qualités du produit qu'ils vont ingérer, que se soit un lien consommateur/consommateur, qui permettrait une sensibilisation et un partage d'information grâce au bouche à oreille, ou un lien direct entre producteur et consommateur (Gurviez et Kreziak, 2004).

24. La contribution de la pisciculture au développement rural

La pisciculture recouvre divers systèmes de production végétale et animale à l'intérieur des terres et dans les zones côtières et elle vient souvent en complément d'autres systèmes de production alimentaire. En ce qui concerne les pauvres qui vivent en milieu rural, notamment dans l'arrondissement de Fokoué, la pisciculture peut compléter les cultures vivrières. Souvent, la capture ou la culture d'espèces aquatiques constitue la base de la sécurité alimentaire et permet d'utiliser le bétail ou le poisson d'élevage comme source de revenu. Dans ce sens, la pisciculture deviendrait alors une composante intéressante et importante des moyens de subsistance en milieu rural, notamment lorsque la pression démographique et la dégradation de l'environnement rendent les conditions de vie difficiles.

Les systèmes de pisciculture extensive ou semi-intensive assurent encore la majeure partie de la production piscicole. Le système pratiqué étant celui qui consiste à élever du poisson dans des étangs, il peut être associé à la culture de la terre et aussi à l'élevage de porc. Il est assez difficile d'évaluer la contribution de ces types de production piscicole dans la mesure où les données de production à petite échelle et de production dispersée ne figurent pas dans les statistiques officielles et où les produits sont généralement consommés ou commercialisés localement. L'alevinage et la création de réseaux de frayage, l'association de la pisciculture et des cultures vivrières dans les plaines inondables et dans les régions montagneuses de l'Ouest, le maintien et le rétablissement de la biodiversité aquatique grâce à l'utilisation de méthodes de gestion simples comptent parmi les exemples d'activités piscicoles ayant un impact positif sur les pauvres, vivant en milieu rural. Dans les régions côtières, l'élevage de crabes de boue, d'huîtres, de moules, de coques, de crevettes, de poissons et la culture d'algues donnent du travail aux pauvres des régions rurales, essentiellement sous la forme de main-d'oeuvre pour assurer la récolte des semences et des aliments pour les animaux.

La pisciculture peut créer des « emplois indépendants », y compris pour les femmes et les enfants, et assure un revenu par la vente d'un produit dont la valeur peut être relativement élevée. Chez les femmes, l'avantage peut se situer au niveau des procédés de transformations (fumage, séchage) du poisson d'eau élevé et sa commercialisation au niveau local. Chez les enfants, surtout les non scolarisés, la pisciculture est un moyen de mettre le temps à profit, en s'impliquant dans les séances de pêche, parfois contre une petite rémunération. Elle offre également des opportunités de revenu, surtout dans les exploitations les plus importantes, dans les réseaux d'approvisionnement en semences, dans les chaînes de commercialisation et dans les services de soutien à la fabrication et aux réparations.

Un avantage important, quoique souvent négligé, plus particulièrement en ce qui concerne les systèmes intégrés d'agriculture et de pisciculture, tient au fait qu'ils contribuent à améliorer l'efficacité et la durabilité de l'exploitation. Les sous-produits agricoles, tels que le fumier et les résidus de culture, peuvent servir d'engrais et de fourrage dans les installations piscicoles commerciales et à petite échelle. La pisciculture pratiquée dans les rizières contribue à la lutte intégrée contre les ennemis des cultures ainsi qu'à la gestion intégrée de vecteurs importants pour la santé de l'homme. Les étangs prennent de l'importance en tant que réservoirs d'eau in situ pour l'irrigation et l'abreuvement du bétail dans des régions exposées à des pénuries d'eau saisonnières.

25. Accroitre le rôle de la pisciculture dans le développement rural

La tendance actuelle à accroître la production peut être maintenue soit par l'intensification soit par l'extension des surfaces réservées à la production piscicole. Dans les terres intérieures, l'expansion des systèmes de culture du sol offre le plus de possibilités dans la mesure où, sur les terres agricoles ordinaires des petites exploitations et des exploitations commerciales, la pisciculture peut être intégrée à l'agriculture. L'intégration de la pisciculture et des systèmes d'irrigation offre des possibilités considérables, d'autant plus que la pisciculture peut également utiliser des terres qui ne sont pas aptes à l'agriculture, les marécages et les terres salines, par exemple. En outre, une grande diversité de ressources aquatiques intérieures offre la possibilité d'intégrer la pisciculture dans le développement rural. Cela nécessite une planification intersectorielle et une coordination institutionnelle qu'il est souvent difficile d'obtenir et qui peut entraîner des coûts considérables. Les difficultés et les coûts sont liés aux structures et aux procédures bureaucratiques souvent lourdes des organismes gouvernementaux, à la complexité des questions scientifiques, techniques et économiques entrant en ligne de compte et au nombre potentiellement élevé de décisions qui doivent être prises en connaissance de cause.

La pisciculture est loin d'avoir réalisé son potentiel de production alimentaire mondiale. La décision de créer, en 2001, un sous-comité sur la pisciculture dépendant du comité des pêches (COFI) de la FAO traduit bien l'importance que les gouvernements membres de la FAO attachent à la pisciculture comme outil de développement national. De nombreuses rencontres internationales récentes ont reconnu le rôle que la pisciculture pouvait jouer au niveau du développement économique national, de l'approvisionnement en vivres à l'échelle mondiale et de la sécurité alimentaire et ont déclaré que ce secteur pouvait encore plus contribuer aux moyens de subsistance des populations.

Dans les terres intérieures, les systèmes de culture du sol offrent le meilleur potentiel car la pisciculture peut être intégrée aux systèmes de production agricole des petites exploitations paysannes. La pisciculture côtière contribue au développement rural en réduisant la pauvreté et en permettant la diversification des moyens d'existence de ceux qui pratiquent la pêche de subsistance. Il a été reconnu que ce sont des questions d'ordre social, économique et institutionnel qui freinaient le plus une plus grande contribution de la pisciculture au développement rural. Pour tirer parti de tout son potentiel, le secteur piscicole doit adopter de nouvelles approches au cours des décennies à venir. Ces approches varieront forcément selon les régions et les pays, et le défi consiste à mettre au point des approches qui soient à la fois réalistes et réalisables dans chaque contexte social, économique, environnemental et politique. En cette période de mondialisation et de libéralisation du commerce, ces approches doivent non seulement être axées sur l'accroissement de la production mais également sur la réalisation d'un produit qui soit abordable, acceptable et accessible à tous les secteurs de la société.

26. L'intégration de la pisciculture dans le développement : du niveau rural au niveau national

Les potentialités avérées de la pisciculture peuvent faire de celle-ci une partie intégrante des plans de développement national élaborés en collaboration avec les parties concernées et comportant des mécanismes de rétroaction permettant aux pauvres d'influencer le développement. La planification de la pisciculture pourrait également être intégrée aux plans de gestion des ressources en eau dans les terres intérieures et aux plans de gestion des côtes dans les régions littorales, ainsi qu'à d'autres interventions économiques et de sécurité alimentaire dans les zones rurales.

En outre, la pisciculture doit faire partie intégrante du développement communautaire, contribuer à la mise en place de systèmes de subsistance durables, favoriser le développement humain et améliorer le bien-être social des pauvres. Les stratégies et règlements applicables à la pisciculture pourrait encourager l'adoption de méthodes de gestion et de culture pratiques et viables, qui s'inscrivent dans une optique de protection durable de l'environnement tout en étant socialement acceptables.

CONCLUSION

Au terme de ce travail qui s'intitule Pisciculture et développement rural dans l'arrondissement de Fokoué : contribution à une anthropologie des moyens de subsistance, il importe à présent de rappeler les grands moments qui l'ont articulé.

Ce travail s'inscrit dans la problématique du développement rural, axé notamment sur le développement d'un nouveau secteur d'activité à savoir la pisciculture. En effet, les paysans de l'arrondissement de Fokoué sont des agriculteurs qui vivent du produit de leur activité. Mais, soucieux de leur bien-être, et compte tenu des conditions environnementales qui plaident en leur faveur, ces derniers décident d'associer l'élevage de poisson à l'agriculture, afin d'accroitre leurs revenus. De surcroit, l'action des organismes de recherche (IRAD, CIRAD, FASA), vise le développement et la promotion de la pisciculture dans cet arrondissement, à travers un soutien technique et financier. En dépit de ces avantages, la pisciculture tarde à prendre son envol dans l'arrondissement de Fokoué. Telle est le dilemme qui a suscité en nous la réflexion que constitue ce travail.

A cet égard, notre ambition était d'essayer d'apporter une réponse à la question de savoir ce qui explique la difficulté des paysans à intégrer la pisciculture dans les Exploitations Familiales Agricoles. Pour traiter cette question que nous avons choisie comme fil conducteur, trois questions subsidiaires ont été formulées à savoir comment les populations se représentent le poisson d'eau douce élevé ? Quelles sont les comportements que les populations adoptent vis-à-vis du poisson d'eau douce élevé ? Et quels sont les déterminants de la consommation et de la non- consommation du poisson d'eau douce élevé ?

La réponse provisoire que nous avions proposée à notre question centrale est que la difficulté des paysans à intégrer la pisciculture dans les Exploitations Familiales Agricoles est due aux habitudes alimentaires des populations, aux représentations qu'elles ont du poisson d'eau douce élevé et aux contraintes financières liées à la pratique de la pisciculture. A la première question secondaire, nous avions émis l'hypothèse selon laquelle les populations se représentent le poisson d'eau douce élevé comme un aliment « suspect », car inhabituel. A la deuxième question secondaire, correspondait l'hypothèse que les populations Dschang adoptent deux types de comportement face au poisson d'eau douce élevé. Certains s'en méfient et refusent même de s'en approcher, tandis que d'autres font preuve de curiosité, ils sont attirés, ils veulent découvrir ce nouvel aliment. Enfin, notre troisième question secondaire avait pour hypothèse Les déterminants de la consommation et de la non-consommation du poisson d'eau douce élevé sont socioculturels et économiques, mais également liés aux propriétés organoleptiques du poisson.

La vérification de ces hypothèses a fait appel à une méthodologie axée sur un aspect qualitatif et un aspect quantitatif. Dans l'aspect qualitatif, il était d'abord question de s'entretenir avec les agro-pisciculteurs, afin d'appréhender, de leur point de vue, l'innovation qu'est la pisciculture. Ensuite, il s'agissait de s'intéresser d'abord aux non-consommateurs de poisson, puis à un certain nombre de ménage où le poisson d'eau douce élevé est consommé, dans le but saisir les perceptions et les représentations liées à cet aliment. En dernier ressort, il a été utile de participer aux différentes pêches organisées et surtout d'accompagner les agro-pisciculteurs vers les points de ventes, pour relever les comportements des consommateurs à l'égard de ce poisson. Les techniques mobilisées furent donc l'entretien semi-directif, l'observation directe, les causeries spontanées et l'itinéraire des pratiques.

Dans l'aspect quantitatif, notre objectif était de mesurer les tendances préférentielles des consommateurs, relatives au poisson d'eau douce élevé. Les principales variables explorées étaient les préférences dans les types de poisson d'eau douce élevé, les préférences liées à la texture de la chair, les préférences liées à état souhaité du poisson au moment de l'achat, la nature de la relation consommateur/producteur, les préférences du lieu d'achat souhaité du poisson, les critères de choix du poisson, les raisons du premier achat de poisson d'eau douce élevé en milieu urbain et les raisons du premier achat de poisson d'eau douce élevé en milieu rural. Pour ce faire, nous avons élaboré un questionnaire que nous administré à 100 personnes, repartie de façon égale entre l'arrondissement de Fokoué et la ville de Dschang, et ayant consommé le poisson d'eau douce élevé. Les données obtenues à l'issue de cette enquête ont été traitées et analysées sur SPSS, Excel et Power point.

Les principaux résultats auxquels nous sommes parvenus sont les suivants :

Premièrement, les raisons qui expliquent la difficile intégration de la pisciculture dans les exploitations familiales agricole par les paysans, sont à chercher dans la socio-culture et le niveau de vie des populations. En effet, le poisson d'eau douce élevé ne fait pas partie des habitudes alimentaires de ces populations, ce qui rend difficile sa consommation et par conséquent, rend la pisciculture sans intérêt pour certains. De même, l'espace culinaire ne dispose guerre de l'outillage approprié pour la préparation de ce type de poisson, cela décourage les consommateurs. Par ailleurs, il existe dans l'imaginaire des populations, des croyances selon lesquelles la pratique de la pisciculture est liée à des phénomènes magico-religieux, ou encore que certains poissons seraient plutôt des serpents. Ces croyances à l'égard du poisson d'eau douce élevé jouent en défaveur de sa consommation. Il a été également noté que le problème étudié trouve sa source dans la conception endogène de l'innovation. D'un autre côté, le faible niveau de vie des paysans ne leur permet pas entretenir l'activité piscicole de manière durable, après le départ des organismes de recherche. Cela amène certains d'entre eux à faire de la pisciculture non pas s'assurer un revenu permanant, mais bénéficier des subventions accordées. Nous avons également relevé le faible pouvoir d'achat des populations, ne leur permettant pas toujours d'acheter le poisson d'eau douce élevé, qui coute déjà plus cher que le poisson congelé.

Deuxièmement, les discours des enquêtés ont permis de mettre en exergue un système de représentation où, d'une part, les non-consommateurs associent le poisson d'eau douce élevé au mot « suspect », pour signifier qu'il est improbable que l'on puisse élever des poissons dans une région où les cours sont presqu'absents. Pour les consommateurs, ils associent l'ingurgitation du poisson d'eau douce élevé, l'équilibre nutritionnel du corps, l'identité culturelle et le prestige.

Troisièmement, les comportements des consommateurs à l'égard du poisson d'eau douce élevé se forment à partir de ce qu'ils en savent (composante cognitive), de ce qu'ils en pensent (composante affective), et de ce qu'ils ont l'intention d'en faire (composante conative). L'observation de nos consommateurs vis-à-vis du poisson d'eau a permis de relever deux principales attitudes. D'un côté, on a des consommateurs néophobes, qui font preuve de réticence quant à la consommation du poisson d'eau douce élevé, compte tenu de son caractère nouveau, voire étrange. C'est la manifestation d'une peur et d'une angoisse face à l'inconnu. D'un autre côté, on retrouve des consommateurs néophiles, qui manifestent un certain engouement dans la consommation du poisson d'eau douce élevé. Cet intérêt se manifeste chez cette catégorie de consommateur par un approvisionnement régulier.

Notons par ailleurs que le poisson d'eau douce élevé est perçu par les populations et les producteurs eux-mêmes comme une innovation alimentaire. Une innovation qui est ressentie au niveau de l'aliment de part sa nature même, au niveau des techniques de préparation culinaire y afférents, au niveau social par le regroupement des agro-pisciculteurs en un GIC, et au niveau économique, en tant nouvelle forme d'acquisition des moyens de subsistance. Le poisson d'eau douce élevé est également considéré comme un produit de substitution, car sa consommation vient supplanter de manière progressive celle du poisson surgelé importé qui était habituellement consommé. Il répond ainsi à un besoin exprimé par beaucoup, celui de disposer d'un poisson frais de bonne qualité.

En dernier ressort, les données enregistrées montrent que les consommateurs accordent d'abord de l'importance à la consommation du poisson au vu de son apport pour la santé et ils ont tendance à préférer le poisson d'eau douce élevé au poisson surgelé importé. Maintenant, parmi les types de poisson d'eau douce élevé, ceux-là préfèrent les poissons de grande taille comme le silure et le « kanga ». Ils préfèrent également acheter leur poisson vivant qu'ils considèrent comme une preuve de sa fraicheur et de sa bonne qualité. L'approvisionnement en bordure de l'étang semble aussi être la préférence de la majorité des consommateurs ruraux.

L'ensemble des résultats obtenus soulignent ainsi les facteurs qui freinent le développement de la pisciculture dans l'arrondissement de Fokoué. Mais, il indique aussi une tendance propice à la promotion de la pisciculture car, les consommateurs interrogés sur les chances du poisson d'eau douce élevé de s'intégrer dans leurs habitudes alimentaires, expriment le souhait de pouvoir trouver ce type de poisson sur le marché de façon permanente. Cependant, ce serait manquer d'objectivité que de ne pas relever les limites de ces résultats.

D'entrée de jeu, nous nous devons de signaler qu'en dépit du caractère généralisable de la science, les résultats de ce travail sont à considérer dans un contexte précis. Ainsi, la première limite que nous pouvons relever est liée à la nature de notre thème. En effet, nous nous intéressons au comportement des consommateurs à l'égard d'un nouveau produit alimentaire, à une période donnée et dans un espace géographique donné. Or la perception ou l'attitude que peut avoir un individu à l'égard d'un produit peut changer avec le temps. Nous sommes donc en présences de variables dynamiques qu'il convient de saisir avec relativité.

La deuxième limite que nous pouvons relever dans ce travail est liée à la posture théorique que nous avons adoptée. L'individualisme méthodologique, l'holisme et le paradoxe de l'Homnivore sont les approches théoriques que nous avons librement choisies sur une palette théorique bien fournie, en fonction de notre compréhension du fait étudié et de l'orientation que nous voulions donner à ce travail. Dès lors, l'emploi d'une approche différente dans la même étude donnerait des résultats tout aussi valables.

Ce travail reste donc à améliorer et, la science étant dynamique, il serait utile de mener d'autres recherches associant d'autres angles de lecture qui nous donneraient probablement un cerne plus approfondi sur le sujet.

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Tableau 13 : LISTE DES INFORMATEURS (agro-pisciculteurs)

Nom et Prénom

Age

Sexe

Statut

Lieu de l'entretien

date

Heure de début

Heure de fin

TESSA Albertine

42 ans

F

Mariée

Fokoué (centre)

30/7/08

14h 10

15h 09

BOULA Ernestine

36 ans

F

Veuve

Fokoué (centre)

01/8/08

9h 30

10h 25

NGAMENI ASAÏ Raphael

65 ans

M

Marié

Fokoué (centre)

04/8/08

13h 43

14h 15

NUPIOLEH Barthélemy

61 ans

M

Marié

Fokoué (centre)

05/8/08

10h 55

11h 39

« Nestor »

26 ans

M

Célibataire

Fokoué (centre)

06/8/08

11h 15

11h 35

TCHETSA Martin

38 ans

M

Marié

Fokoué (centre)

07/8/08

12h 45

13h 22

FEULEFAK Régine

40 ans

F

Mariée

Fotoména

10/8/08

08h 42

09h 36

TCHOMBA Pierre

67 ans

M

Marié

Fomépia

11/8/08

10h 16

10h 42

MO'O TETSOPGANG TILAA Antoine

50 ans

M

Marié

Fokoué (centre)

15/8/08

20h 18

21h 35

ANNEXES

GUIDE D'ENTRETIEN DESTINE AUX AGRO-PISCICULTEURS

Préparation culinaire/consommation / conservation

· Les noms des poissons dans la langue locale et leurs significations

· Les poissons les plus demandés et appréciés dans les ménages

· Les raisons liées à l'appréciation de ces poissons

· Les poissons les moins appréciés

· Les difficultés liées à la préparation de certains poissons

· Les modes de préparation adaptés à chaque type de poisson

· Les modes de conservation adaptés à chaque type de poisson

· Les poissons privilégiés pour certaines occasions

· Les vertus liées à la consommation de certains poissons

· Les croyances locales qui tournent autour des poissons

· Les moyens de conservation

Commercialisation

· Les poissons qui se vendent mieux sur le marché

· Les poissons les plus demandés par les consommateurs (clients)

· L'attitude des gens face aux poissons encore vivants sur le marché

· Les différents lieux de ventes

· Les prix des différents types de poisson et selon leur état (frais, fumé, sec)

Pêche

· Les rituels et/ou cérémonies liés à la pêche

· Les techniques de pêche

· Les acteurs qui y participent et le rôle de chacun

· L'existence d'êtres surnaturels dans l'eau

· Les rapports des agro-pisciculteurs avec l'eau

· L'élevage du poisson (mode de nutrition)

MERCI

GRILLE D'OBSERVATION

Le déroulement de pêche

· Les acteurs qui interviennent

· Le rôle de chacun

· Les types de poisson péché

· Le traitement du poisson après la pêche

La commercialisation

· Les attitudes des consommateurs en face du poisson vivant

· Le marchandage des producteurs

La consommation

· La préparation culinaire

· Les réactions suscitées par la consommation

GUIDE D'ENTRETIEN DESTINE AUX MENAGES

· Les manières de préparer le poisson d'eau douce élevé

· Les difficultés rencontrées dans la préparation des poissons

· Les formes d'approvisionnement en poisson

· La différence entre ressentie entre le poisson congelé et le poisson d'eau douce

· Les croyances à l'égard du poisson d'eau douce élevé

· La relation avec les producteurs

· Les critères d'achat du poisson d'eau douce élevé

· Les fréquences de consommation du poisson d'eau douce élevé

QUESTIONNAIRE DESTINE AUX CONSOMMATEURS DE POISSON D'EAU DOUCE ELEVE

Questionnaire N°............

Date :....... /......./ 2008

I. CARACTERISTIQUES SOCIO-DEMOGRAPHIQUES

Age ( )

Sexe  ( )

Masculin (1) Féminin (2)

Occupation

1-Travailleur.............( ) 4- Ménagère.....( )

2- Sans emploi...........( ) 5-Autre..........( ).....................................

3- Etudiant...............( )

Statut :

1-Marié ...............( ) 4 -Fiancé..............( )

2-Célibataire .........( ) 5-Veuf ................( )

3-Divorcé.............( )

Religion :

1-Catholique...............( ) 4-Musulman........( )

2-Protestant.................( ) 5-Animiste..........( )

3-Pentecôtiste..............( ) 6- Autre............( ).................................

II. PERCEPTIONS ET PRATIQUES LIEES AU POISSON D'EAU DOUCE ELEVE

Questions

Réponses

Codes

Q01

Q02

Etes- vous consommateur du poisson ?

Si oui pourquoi?

Oui .....................1

Non......................2

Aliment pur..............1

Aliment complet..........2

Aliment sain..............3

Autre à préciser..........4

........................................

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Q03

Quels types de poissons consommez- vous?

Poisson de mer...........1

Poisson des fleuves......2

Poisson des rivières......3

Poisson des étangs.......4

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Q04

Consommez-vous les poissons suivants ?

OUI

NON

 
 

1-Silure

 
 
 

2-Tilapia

 
 
 

3-Carpe

 
 
 

4-Kanga

 
 
 

Q05

Lesquels appréciez-vous le plus ? citez par ordre de préférence 

 

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Q06

Faites- vous une différence entre le poisson des étangs et les poissons de mer (congelé) ?

Oui..........1

Non.........2

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Q07

Si oui comment ?

 
 

Q08

Q09

Y a-t-il un ou des poissons d'eau douce élevé difficiles à préparer ?

Si oui lesquels

Silure .............................1

Carpe...............................2

Tilapia...............................3

Kanga..............................4

Oui...........1

Non ..........2

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Q10

Avez-vous pu trouver des techniques pour les préparer ?

Oui...............1

Non...............2

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Q11

Selon vous, comment souhaiteriez-vous que le goût du poisson d'eau douce élevé soit ? (à citer)

Types de poisson

1-Sucré

2-Salé

3-Amer

4-Acide

5-autreSilureCarpeTilapiaKanga

 
 

Q12

De quoi tenez-vous compte lorsque vous achetez du poisson ?

Le goût................1

La taille...............2

La couleur.............3

Le prix................4

La fraîcheur..........5

L'origine...............6

La commodité........7

Autre..................8

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Q13

Sous quelle forme préparez-vous le plus souvent le poisson d'eau douce élevé ?

Bouillon..........1

Braisé.............2

Frit.................3

Autre.............4

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Q14

Préférez-vous acheter votre poisson mort ou vivant ?

Mort..............1

Vivant............2

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Q15

Pourquoi ?

Naturel................1

gout agréable........2

autre.....................

...........................3

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/__ /

Q16

Etes-vous satisfait par la qualité du poisson d'eau douce élevé?

Oui................1

Non...............2

/__/

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Q17

Pourquoi ?

 
 

18. Préférence des consommateurs sur la nature du type de poisson des étangs

Types de poissons

1- frais

2- fumé

3-sec

4-congelé

5-indifférent

silures

 
 
 
 
 

carpes

 
 
 
 
 

Tilapia

 
 
 
 
 

kanga

 
 
 
 
 

19. Préférence des consommateurs par rapport à la nature de la chair

Types de poissons

1- tendre

2-ferme

3-blanche

4-colorée

5-indifférent

silures

 
 
 
 
 

carpes

 
 
 
 
 

Tilapia

 
 
 
 
 

kanga

 
 
 
 
 

20. Fréquence d'achat

Types de poissons

1-souvent

2-De temps

en temps

3-Très rarement

silures

 
 
 

carpes

 
 
 

Tilapia

 
 
 

kanga

 
 
 

maquereau

 
 
 

bar

 
 
 

machoiron

 
 
 

21. Pratique de consommation

Types de poissons

1-Bouillon

2-Sauce

tomate

3-Sauce

d'arachide

4-En légume

5-autre

silures

 
 
 
 
 

carpes

 
 
 
 
 

Tilapia

 
 
 
 
 

kanga

 
 
 
 
 

maquereau

 
 
 
 
 

bar

 
 
 
 
 

machoiron

 
 
 
 
 

Sardine

 
 
 
 
 

22. qu'est-ce qui selon vous montre la qualité du poisson d'eau douce élevé?

1-Saveur .................( )

2-Couleur............... ( )

3-Fraîcheur...............( )

4-Autre à préciser ?.... ( ).............................

23. Lieu d'achat : Où souhaiteriez-vous le plus acheter votre poisson ?

1-Sur le marché local ...................... ( )

2-Au bord de l'étang........................( )

3-Au village domicile du pisciculteur.... ( )

4-Autre à préciser..............................( )

24. Habitude de consommation : quelle était la raison du premier achat du poisson de l'étang ?

1-Entendu parler....................................( )

2-Goûté..............................................( )

3-Informé sur ses qualités nutritionnelles.......( )

4-Connaissances des pisciculteurs................( )

5-Promotion sur le lieu de vente...................( )

6-Autre à préciser....................................( )

25. Quelles est votre périodicité de consommation du poisson

1-tous les jours....................( )

2-une fois par semaine...........( )

3-une fois par mois...............( )

4-occasionnellement.............( )

26. Relation consommateur pisciculteurs

1-« Asso »......... ( )

2-Une parenté...... ( )

3-Amitié.............( )

4-Voisinage.........( )

5-Inconnu...........( )

6-Autres ............( )..............................

Merci

* 1 Le PSSA (1997-2001) a été suivi d'un Projet d'appui au PSSA (PA-PSSA) au Cameroun a été exécuté entre 2003 et 2005 grâce à un financement conjoint de la Banque Africaine de Développement (BAD), de la FAO et du Gouvernement camerounais pour un montant total d'environ 1,7 millions $EU. Les activités du projet ont été concentrées dans les Régions du Centre, de l'Adamaoua et du Nord.

* 2 Différents critères sont effectivement mis en avant selon l'institution ou le partenaire concerné : système extensif (i.e. sans apport ou presque d'intrants) versus système semi-intensif ; pisciculture commerciale versus pisciculture non commerciale (voire de subsistance) ; statut juridique de l'exploitant (ex. groupement villageois versus exploitant individuel) ; taille de l'exploitation (en nombre d'étangs et/ou de taille des étangs) ; durée du cycle d'élevage ; niveau de maîtrise des itinéraires techniques ; niveau de capitalisation ; niveau d'organisation et de gestion ; part de la production destinée aux marchés extérieurs ; écloserie intégrée ou non aux exploitations ; temps consacré à la pisciculture par rapport au temps total consacré à l'exploitation agricole ; etc.

* 3 « Les pisciculteurs creusent des trous le long des cours d'eau poissonneux, ces trous dont les dimensions ne sont pas très loin de la taille d'un éléphant (symbole de l'origine de cette pratique) constituent des pièges pour les poissons et les alevins qui viennent y amarrer lors des grandes crues, et les pisciculteurs n'ont qu'à attendre la décrue pour faire la pêche. La production est estimée à 100 à 200 kg par trou et les espèces pêchées sont : Clarias jaensis, Clarias gariepinus et Oreochromis niloticus. »

* 4 Pouomogne, V. 2008. Capture-based pisciculture of Clarias catfish: case study of the Santchou fishers in western Cameroon. In A. Lovatelli; P.F. Holthus (eds). Capture-based pisciculture. Global overview. FAO Fisheries Technical Paper. No. 508. Rome, FAO.

* 5 Les différentes hypothèses de calcul ayant servi à l'analyse économique figurent dans le rapport du consultant V. Bamba, CTPD spécialiste en économie aquacole : données bio-techniques et économiques, schéma d'allocation des superficies, plan de production, programme d'investissement et schéma de financement.






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