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La pisciculture dans l'arrondissement de Fokoué (ouest Cameroun). Contribution à  l'anthropologie du développement.

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par Fabrice NEMPE MANGOUA
Université de YaoundeI - Master 2010
  

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CONCLUSION

Au terme de ce travail qui s'intitule Pisciculture et développement rural dans l'arrondissement de Fokoué : contribution à une anthropologie des moyens de subsistance, il importe à présent de rappeler les grands moments qui l'ont articulé.

Ce travail s'inscrit dans la problématique du développement rural, axé notamment sur le développement d'un nouveau secteur d'activité à savoir la pisciculture. En effet, les paysans de l'arrondissement de Fokoué sont des agriculteurs qui vivent du produit de leur activité. Mais, soucieux de leur bien-être, et compte tenu des conditions environnementales qui plaident en leur faveur, ces derniers décident d'associer l'élevage de poisson à l'agriculture, afin d'accroitre leurs revenus. De surcroit, l'action des organismes de recherche (IRAD, CIRAD, FASA), vise le développement et la promotion de la pisciculture dans cet arrondissement, à travers un soutien technique et financier. En dépit de ces avantages, la pisciculture tarde à prendre son envol dans l'arrondissement de Fokoué. Telle est le dilemme qui a suscité en nous la réflexion que constitue ce travail.

A cet égard, notre ambition était d'essayer d'apporter une réponse à la question de savoir ce qui explique la difficulté des paysans à intégrer la pisciculture dans les Exploitations Familiales Agricoles. Pour traiter cette question que nous avons choisie comme fil conducteur, trois questions subsidiaires ont été formulées à savoir comment les populations se représentent le poisson d'eau douce élevé ? Quelles sont les comportements que les populations adoptent vis-à-vis du poisson d'eau douce élevé ? Et quels sont les déterminants de la consommation et de la non- consommation du poisson d'eau douce élevé ?

La réponse provisoire que nous avions proposée à notre question centrale est que la difficulté des paysans à intégrer la pisciculture dans les Exploitations Familiales Agricoles est due aux habitudes alimentaires des populations, aux représentations qu'elles ont du poisson d'eau douce élevé et aux contraintes financières liées à la pratique de la pisciculture. A la première question secondaire, nous avions émis l'hypothèse selon laquelle les populations se représentent le poisson d'eau douce élevé comme un aliment « suspect », car inhabituel. A la deuxième question secondaire, correspondait l'hypothèse que les populations Dschang adoptent deux types de comportement face au poisson d'eau douce élevé. Certains s'en méfient et refusent même de s'en approcher, tandis que d'autres font preuve de curiosité, ils sont attirés, ils veulent découvrir ce nouvel aliment. Enfin, notre troisième question secondaire avait pour hypothèse Les déterminants de la consommation et de la non-consommation du poisson d'eau douce élevé sont socioculturels et économiques, mais également liés aux propriétés organoleptiques du poisson.

La vérification de ces hypothèses a fait appel à une méthodologie axée sur un aspect qualitatif et un aspect quantitatif. Dans l'aspect qualitatif, il était d'abord question de s'entretenir avec les agro-pisciculteurs, afin d'appréhender, de leur point de vue, l'innovation qu'est la pisciculture. Ensuite, il s'agissait de s'intéresser d'abord aux non-consommateurs de poisson, puis à un certain nombre de ménage où le poisson d'eau douce élevé est consommé, dans le but saisir les perceptions et les représentations liées à cet aliment. En dernier ressort, il a été utile de participer aux différentes pêches organisées et surtout d'accompagner les agro-pisciculteurs vers les points de ventes, pour relever les comportements des consommateurs à l'égard de ce poisson. Les techniques mobilisées furent donc l'entretien semi-directif, l'observation directe, les causeries spontanées et l'itinéraire des pratiques.

Dans l'aspect quantitatif, notre objectif était de mesurer les tendances préférentielles des consommateurs, relatives au poisson d'eau douce élevé. Les principales variables explorées étaient les préférences dans les types de poisson d'eau douce élevé, les préférences liées à la texture de la chair, les préférences liées à état souhaité du poisson au moment de l'achat, la nature de la relation consommateur/producteur, les préférences du lieu d'achat souhaité du poisson, les critères de choix du poisson, les raisons du premier achat de poisson d'eau douce élevé en milieu urbain et les raisons du premier achat de poisson d'eau douce élevé en milieu rural. Pour ce faire, nous avons élaboré un questionnaire que nous administré à 100 personnes, repartie de façon égale entre l'arrondissement de Fokoué et la ville de Dschang, et ayant consommé le poisson d'eau douce élevé. Les données obtenues à l'issue de cette enquête ont été traitées et analysées sur SPSS, Excel et Power point.

Les principaux résultats auxquels nous sommes parvenus sont les suivants :

Premièrement, les raisons qui expliquent la difficile intégration de la pisciculture dans les exploitations familiales agricole par les paysans, sont à chercher dans la socio-culture et le niveau de vie des populations. En effet, le poisson d'eau douce élevé ne fait pas partie des habitudes alimentaires de ces populations, ce qui rend difficile sa consommation et par conséquent, rend la pisciculture sans intérêt pour certains. De même, l'espace culinaire ne dispose guerre de l'outillage approprié pour la préparation de ce type de poisson, cela décourage les consommateurs. Par ailleurs, il existe dans l'imaginaire des populations, des croyances selon lesquelles la pratique de la pisciculture est liée à des phénomènes magico-religieux, ou encore que certains poissons seraient plutôt des serpents. Ces croyances à l'égard du poisson d'eau douce élevé jouent en défaveur de sa consommation. Il a été également noté que le problème étudié trouve sa source dans la conception endogène de l'innovation. D'un autre côté, le faible niveau de vie des paysans ne leur permet pas entretenir l'activité piscicole de manière durable, après le départ des organismes de recherche. Cela amène certains d'entre eux à faire de la pisciculture non pas s'assurer un revenu permanant, mais bénéficier des subventions accordées. Nous avons également relevé le faible pouvoir d'achat des populations, ne leur permettant pas toujours d'acheter le poisson d'eau douce élevé, qui coute déjà plus cher que le poisson congelé.

Deuxièmement, les discours des enquêtés ont permis de mettre en exergue un système de représentation où, d'une part, les non-consommateurs associent le poisson d'eau douce élevé au mot « suspect », pour signifier qu'il est improbable que l'on puisse élever des poissons dans une région où les cours sont presqu'absents. Pour les consommateurs, ils associent l'ingurgitation du poisson d'eau douce élevé, l'équilibre nutritionnel du corps, l'identité culturelle et le prestige.

Troisièmement, les comportements des consommateurs à l'égard du poisson d'eau douce élevé se forment à partir de ce qu'ils en savent (composante cognitive), de ce qu'ils en pensent (composante affective), et de ce qu'ils ont l'intention d'en faire (composante conative). L'observation de nos consommateurs vis-à-vis du poisson d'eau a permis de relever deux principales attitudes. D'un côté, on a des consommateurs néophobes, qui font preuve de réticence quant à la consommation du poisson d'eau douce élevé, compte tenu de son caractère nouveau, voire étrange. C'est la manifestation d'une peur et d'une angoisse face à l'inconnu. D'un autre côté, on retrouve des consommateurs néophiles, qui manifestent un certain engouement dans la consommation du poisson d'eau douce élevé. Cet intérêt se manifeste chez cette catégorie de consommateur par un approvisionnement régulier.

Notons par ailleurs que le poisson d'eau douce élevé est perçu par les populations et les producteurs eux-mêmes comme une innovation alimentaire. Une innovation qui est ressentie au niveau de l'aliment de part sa nature même, au niveau des techniques de préparation culinaire y afférents, au niveau social par le regroupement des agro-pisciculteurs en un GIC, et au niveau économique, en tant nouvelle forme d'acquisition des moyens de subsistance. Le poisson d'eau douce élevé est également considéré comme un produit de substitution, car sa consommation vient supplanter de manière progressive celle du poisson surgelé importé qui était habituellement consommé. Il répond ainsi à un besoin exprimé par beaucoup, celui de disposer d'un poisson frais de bonne qualité.

En dernier ressort, les données enregistrées montrent que les consommateurs accordent d'abord de l'importance à la consommation du poisson au vu de son apport pour la santé et ils ont tendance à préférer le poisson d'eau douce élevé au poisson surgelé importé. Maintenant, parmi les types de poisson d'eau douce élevé, ceux-là préfèrent les poissons de grande taille comme le silure et le « kanga ». Ils préfèrent également acheter leur poisson vivant qu'ils considèrent comme une preuve de sa fraicheur et de sa bonne qualité. L'approvisionnement en bordure de l'étang semble aussi être la préférence de la majorité des consommateurs ruraux.

L'ensemble des résultats obtenus soulignent ainsi les facteurs qui freinent le développement de la pisciculture dans l'arrondissement de Fokoué. Mais, il indique aussi une tendance propice à la promotion de la pisciculture car, les consommateurs interrogés sur les chances du poisson d'eau douce élevé de s'intégrer dans leurs habitudes alimentaires, expriment le souhait de pouvoir trouver ce type de poisson sur le marché de façon permanente. Cependant, ce serait manquer d'objectivité que de ne pas relever les limites de ces résultats.

D'entrée de jeu, nous nous devons de signaler qu'en dépit du caractère généralisable de la science, les résultats de ce travail sont à considérer dans un contexte précis. Ainsi, la première limite que nous pouvons relever est liée à la nature de notre thème. En effet, nous nous intéressons au comportement des consommateurs à l'égard d'un nouveau produit alimentaire, à une période donnée et dans un espace géographique donné. Or la perception ou l'attitude que peut avoir un individu à l'égard d'un produit peut changer avec le temps. Nous sommes donc en présences de variables dynamiques qu'il convient de saisir avec relativité.

La deuxième limite que nous pouvons relever dans ce travail est liée à la posture théorique que nous avons adoptée. L'individualisme méthodologique, l'holisme et le paradoxe de l'Homnivore sont les approches théoriques que nous avons librement choisies sur une palette théorique bien fournie, en fonction de notre compréhension du fait étudié et de l'orientation que nous voulions donner à ce travail. Dès lors, l'emploi d'une approche différente dans la même étude donnerait des résultats tout aussi valables.

Ce travail reste donc à améliorer et, la science étant dynamique, il serait utile de mener d'autres recherches associant d'autres angles de lecture qui nous donneraient probablement un cerne plus approfondi sur le sujet.

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand