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évolutions et perspectives de la littérature de jeunesse dite "engagée"

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par Caroline Lecomte
Université de Limoges - Master 2 Édition 2008
  

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3.2. L'ARSENAL LÉGISLATIF

L'inlassable désir de contrôle montre à quel point la littérature de jeunesse est un enjeu politique, social et culturel. Le zèle propagandiste qui s'est exprimé dans la littérature de jeunesse fait qu'à la libération, ses publications vont susciter de violents débats. Sous couvert de protéger le lecteur, il s'agit en réalité plutôt d'une lutte d'influence et de questions d'intérêts face à la concurrence des illustrés américains, la littérature de jeunesse va alors se doter d'un texte législatif.

50BONNAL Marie-Pascale et ECOCHARD Janine, Fascisme d'hier et d'aujourd'hui, Association des Bibliothèques Françaises, 1997 [en ligne] <http://www.abf.asso.fr/>

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3.2.1. La loi du 16 juillet 1949

Comme le rappelle l'avant propos de Jean-Paul Gabilliet, dans l'ouvrage de Thierry Crépin et Thierry Groensteen51 :

« La loi n°49956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse est un des textes législatifs les plus représentatifs des idéaux qui animaient les hommes politiques français de l'immédiat aprèsguerre. Élaborée (...) dans le triple contexte d'un antiaméricanisme militant, d'un protectionnisme exacerbé et d'un projet politique de reconstruction de la société française plaçant au coeur de ses préoccupations la protection de l'enfance, etc. »

En effet, cette loi est l'aboutissement d'une polémique née en réaction au succès des bandes dessinées américaines depuis la création du Journal de Mickey en 1934. Cette revue qui connaît rapidement 400 000 tirages fait l'objet de critiques virulentes. Mathilde Leriche membre de l'équipe de l'Heure Joyeuse52, se lance en 1934 dans une étude sur la presse pour la jeunesse et ne mâche pas ses mots à l'égard des comics américains dont le Journal de Mickey fait partie:

« Les journaux les plus mauvais sont souvent les plus amusants: leurs rédacteurs connaissant l'art de flatter bassement sans doute, mais sûrement, les goûts du lecteur. Ils n'ignorent aucun des moyens d'exciter, de troubler l'esprit des enfants (...) Le lecteur se grise de ces pages fiévreuses, ou se laisse prendre par un mol engourdissement; stupéfiant à bon marché qui annihile sa pensée, sa force de réagir... »53

Cette dénonciation culturelle de l'impérialisme américain ne fera que s'accroître dans les années 40, décennie pendant laquelle la France connaîtra la déferlante des illustrés américains et du cinéma hollywoodien. Ses détracteurs accusent les illustrés

51CRÉPIN Thierry et GROENSTEEN Thierry, éd. « On tue à chaque page! », Paris: Éditions du temps, 1999, p.5.

52L'Heure Joyeuse a été créée en 1924 par Claire Huchet, Marguerite Gruny et Mathilde Leriche . Elle est la première bibliothèque pour la jeunesse en France.

53CRÉPIN Thierry et GROENSTEEN Thierry, éd., Mathilde Leriche, une bibliothécaire d'influence et la presse enfantine, in « On tue à chaque page ! », Paris : Éditions du temps, 1999, p.39.

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américains de dévoyer la jeunesse française et d'y être pour beaucoup dans la délinquance juvénile qui frappe la France au sortir de la guerre.

Entre 1938 et 1945, la délinquance juvénile a augmenté de 40%. Comme le souligne Jean-Pierre Rioux54, bien que le contexte de guerre, qui a jeté les enfants dans les mêmes difficultés et souffrances que les adultes, y soit grandement pour quelque chose, la presse enfantine continue d'être présentée comme un des principaux responsable de la crise morale des jeunes, dans une société qui mise désormais beaucoup sur la jeunesse porteuse d'espoir et de mieux-être. Comme le démontre l'ouvrage de Thierry Crépin55, les détracteurs de l'illustré lui reprochent trois choses. Tout d'abord son caractère pornographique qui s'exprime à travers des dessins de filles à demi dénudées. Les illustrés sont une école de la débauche de nature à compromettre la formation et l'équilibre sexuel des lecteurs. Deuxième grief, l'irréalité des récits des illustrés qui exploitent le goût qu'ont les enfants pour le fantastique plutôt que de l'orienter vers l'aventure ou la poésie. L'enfant jugé trop malléable et immature risquerait de confondre le vrai du faux et pourrait donc s'imprégner d'erreurs. Enfin, dernier reproche, l'illustré contribuerait à faire l'apologie du crime et du délit par le biais de scènes violentes qui se déroulent dans des contextes de guerre ou de western et à travers des surhommes qui ressentent peu d'émotion à l'image d'un Tarzan.

C'est dans cette volonté de protéger la jeunesse que s'inscrit la loi de 1949 relative aux publications destinées à la jeunesse. D'après l'article 2 de cette loi, les publications destinées à la jeunesse « ne doivent comporter aucune illustration, aucun récit, aucune chronique, aucune insertion, présentant sous un jour favorable le banditisme, le mensonge, le vol, la paresse, la haine, la débauche ou tous actes qualifiés crimes ou délits ou de nature à démoraliser l'enfance ou la jeunesse ou à inspirer ou entretenir des préjugés ethniques. » Cette loi comprend aussi des dispositions protectionnistes par son article 13 qui prohibe « l'importation pour la vente ou la distribution gratuite en France des publications destinées à la jeunesse ne répondant

54CRÉPIN Thierry et GROENSTEEN Thierry, éd., L'ardent contexte, in « On tue à chaque page ! », Paris: Éditions du temps, 1999, p. 63.

55CRÉPIN Thierry, « Haro sur le gangster! » : la moralisation de la presse enfantine, 1934-1954, Paris: CNRS Éditions, 2001, p.226-238.

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pas aux prescriptions de l'article 2 ». Cette loi instaure alors une « commission de contrôle et de surveillance » chargée d'exercer une censure a posteriori, obligation étant faite aux éditeurs ou directeurs d'une publication destinée à la jeunesse de déposer gratuitement, à l'intention de la commission, cinq exemplaires de cette dernière, dès sa parution, cela dans le but d'amener les éditeurs à l'autocensure. La commission jouant plus un rôle d'intimidation que de répression dans un arsenal législatif avant tout dissuasif. En effet, avant que la sanction pénale ne tombe, la commission envoie des « avertissements » ou « recommandations » à l'éditeur qui lui rappellent les risques encourus s'il ne modifie pas ses contenus. À travers toute l'histoire de cette loi, un seul éditeur pour enfants a été condamné, Pierre Mouchot, et rares sont les publications étrangères qui ont été interdites à l'importation en France.

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