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évolutions et perspectives de la littérature de jeunesse dite "engagée"

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par Caroline Lecomte
Université de Limoges - Master 2 Édition 2008
  

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3.2.2. Qu'en estil de cette loi aujourd'hui?

Depuis le tournant des années soixante dix et jusqu'à aujourd'hui, la loi s'est considérablement assouplie. Jacqueline de Guillenchmidt, présidente de la Commission de surveillance et de contrôle des publications destinées à l'enfance et à l'adolescence de 1995 à 1999, témoigne de ce changement d'esprit: « Il y a (...) moins de velléités moralisatrices qu'il n'y en a eu dans les années cinquante et soixante. Aujourd'hui, nous avons simplement le souci de veiller, (...), à ce que n'importe quelle publication ne soit pas mise entre n'importe quelles mains. 56»

La Commission, qui se réunit chaque trimestre pour examiner tous les nouveaux titres destinés à la jeunesse, joue plus à l'heure actuelle le rôle de prescripteur que celui de censeur. Quasiment aucun livre n'a été réellement interdit, du fait de l'autodiscipline des maisons d'édition, bien sûr conscientes de l'épée de Damoclès ainsi suspendue au-dessus de leur tête. Auteurs et éditeurs s'autocensurent, se soumettent aux éventuels avis de la Commission, et redoutent les réactions des prescripteurs courroucés qui ne manqueront pas d'invoquer la loi. En effet, la saisine de la Commission peut émaner d'enseignants, d'éducateurs mais également de parents qui peuvent décider d'envoyer une publication pour examen.

56 CRÉPIN Thierry et GROENSTEEN Thierry, éd., La Commission de surveillance aujourd'hui, in « On tue à chaque page! », Paris: Éditions du temps, 1999, p.211.

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Soumis à la pression du public et soucieux de ne pas s'exposer à la censure officielle de la Commission, les éditeurs sont tentés de s'en tenir à une politique de prudence pour éviter un scandale, toujours désastreux commercialement. Il en va de même pour les différents acteurs de la chaîne livre qui s'interrogent tous quant aux livres qu'il est possible de proposer à la jeunesse ou pas, adoptant ainsi une posture de censeur.

3.2.3. Posture des acteurs du livre jeunesse : entre autocensure et revendication du droit à l'expression

Si l'on s'en tient à la lettre de ce que la loi du 16 juillet 1949 dit, bien des aspects du monde contemporain « de nature à démoraliser la jeunesse » pourraient être évacués de la sphère de l'édition jeunesse tels que la guerre, le chômage, le racisme, la violence, les exploitations en tout genre, ce qui viendrait en contradiction avec cette volonté affichée de la littérature de jeunesse d'aider l'enfant à grandir et à comprendre le monde.

À l'heure actuelle, une telle loi peut sembler désuète pour une application stricte dans la mesure où les conceptions de l'enfance et de la littérature ont considérablement évolué, comme nous l'avons abordé dans notre première partie. Toutefois, cette loi ne cesse de rappeler, par son existence, le statut particulier de la littérature de jeunesse et amène cette dernière à être consciente de son rôle et à y réfléchir. La littérature pour adultes peut offenser des lecteurs, les inciter à des conduites délictueuses, l'auteur et l'éditeur pourront toujours plaider non-coupables au non de la liberté d'expression et parce qu'ils s'adressent à des adultes capables de ripostes et libres pensants. L'écrivain et l'éditeur jeunesse n'ont pas ces arguments à leur disposition car il s'adresse à des mineurs réputés manipulables, fragiles psychiquement ou intellectuellement.

Si bon nombre d'éditeurs s'accordent à dire qu'ils veillent à ne pas proposer de sujets litigieux ou provocateurs, cela ne les empêche pas de s'interroger sur les livres

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qu'ils veulent proposer aux enfants. Deux attitudes sont alors possibles. Jean Fabre de l'Ecole des Loisirs les décrit ainsi:

« L'une autoritaire, sécuritaire ou nostalgique, tente d'isoler les enfants le plus possible pour les protéger de ce monde, en refermant le cocon familial et en faisant silence sur ce que la famille réprouve. L'autre réaliste, tente d'ouvrir progressivement les enfants au monde actuel pour leur apprendre à vivre avec leur temps. »57

La première attitude se veut consensuelle et tend vers une exigence de neutralité, la seconde en revanche, se veut plus engagée dans la mesure où elle s'expose à « ce que la famille » et, au delà de cette dernière, à ce que les adultes réprouvent. En effet, il semblerait, à travers ces propos de l'éditeur, que ce soit davantage les adultes que les enfants qui soient dérangés par le fait que la littérature de jeunesse s'intéresse aux problèmes de sociétés et au monde. Ce point de vue est rejoint par celui de Marie-Aude Murail, auteur entre autres pour la jeunesse, qui dans son ouvrage Continue la lecture on n'aime pas la récré tacle l'hypocrisie des adultes qui s'offusquent de la violence des thèmes traités dans la littérature de jeunesse sous couvert qu'il faut protéger l'enfant alors que ce sont eux qui sont à l'origine de cette même violence à laquelle l'enfant est exposé. Aussi, trouve-t-elle légitime que les livres pour la jeunesse évoquent la violence, la laideur, la bêtise, la souffrance, la faim, le mal, car il s'agit du même monde pour tous. Selon l'auteur, se taire sur ces sujets ce serait livrer les enfants à ces problèmes. Le livre met en garde car il fait parler et réfléchir.

Les écrivains ou éditeurs que nous qualifions ici d'engagés ne se fixent pas de limites quant aux sujets mais plutôt quant à la manière dont ils sont traités. Le texte ne doit pas être dogmatique, il doit interroger, interpeller, faire réagir, dès lors tous les sujets sont permis. L'engagement en littérature, comme nous l'avons déjà dit, semble être fonction de l'engagement du lecteur que permet le texte.

Nous allons en dernier lieu nous interroger sur les moyens permettant à ce type de littérature d'exister. Si comme il l'a été évoqué plus haut, la littérature de jeunesse

57MURAIL Marie-Claude, Continue la lecture, on n'aime pas la récré, Paris : Calmann-Lévy, 1993, p.69.

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engagée s'expose à ce que les adultes réprouvent, nous pouvons demander ce que signifie cette prise de risques et comment cette littérature parvient à se faire une place dans le champ éditorial jeunesse.

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