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L'usage de la phytothérapie chez la femme enceinte et le nouveau-né à  la Réunion.


par Adeline DESPRAIRIES
Université de La Réunion - Diplome d'Etat de Sage-femme 2020
  

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Analyse et discussions

2.1 Les connaissances des femmes concernant la phytothérapie

Les femmes déclarent que leur niveau de connaissances vis-à-vis des plantes médicinales et de la maternité est faible, voire très faible, avec un niveau moyen de 2,57/10. En effet, 20,40% des femmes qui déclarent que l'utilisation des plantes est possible, ne connaissent pas les indications des usages. 34 ,18% ne connaissent pas les situations à éviter et 34,60% ne connaissent pas les plantes à éviter. Ceci pourrait s'expliquer par l'histoire des plantes médicinales à la Réunion : le secret des remèdes a longtemps été gardé dans les familles face à l'essor de la médecine conventionnelle. De plus, cet essor a créé une perte de confiance dans le système traditionnel et une perte des savoirs, par manque de transmission (8). Rappelons par ailleurs, que la médecine réunionnaise est une cohabitation entre médecine traditionnelle et médecine conventionnelle et que le suivi de la grossesse a été concédé à la biomédecine (54). Le savoir des femmes concernant l'usage des plantes chez la femme enceinte et le nouveau-né s'est alors de plus en plus perdu. Le sujet est presque tabou, et il existe peu d'écrits, la transmission des savoirs traditionnels étant avant tout orale et familiale (8). Et c'est en effet ce qui ressort de notre étude : concernant 91,70% des femmes qui estiment avoir des connaissances, celles-ci sont issues de la famille.

Selon 47,40% des femmes ayant déclaré avoir un niveau de connaissances concernant les plantes médicinales et la maternité, uniquement certaines plantes peuvent être utilisées. La période d'utilisation dépend de la nature de la plante d'après 45,91% des femmes de cette sous population. La littérature, bien que contre-indiquant certaines plantes et certaines formes (les huiles essentielles par exemple) pendant la grossesse et chez le nouveau-né, n'est pas assez riche vis-à-vis du sujet pour pouvoir affirmer ou infirmer ces connaissances des femmes. Selon Franswa TIBERE, et Kakouk, il y a des plantes à éviter selon le profil de la femme ou de l'enfant. 77,04% des femmes de cette même sous population pensent que la dangerosité des plantes vient en partie de la dose utilisée. De plus, certaines sont jugées « trop fortes » pour être consommées pendant la grossesse. La littérature, là encore, n'est pas exhaustive vis-à-vis du sujet pour pouvoir affirmer ou infirmer ces dires. En revanche les professionnels de terrain insistent sur le fait que l'efficacité et la toxicité des plantes dépendent de la dose utilisée. Une sage-femme libérale, conseille par exemple aux femmes « d'essayer de petites doses » des tisanes conseillées par la famille, et d'observer les réactions. Franswa TIBERE, tisaneur, et Raymond LUCAS, botaniste, expliquent que si la plante n'a pas été efficace au bout de 3 jours, il faut changer de traitement ; il n'est pas nécessaire d'augmenter les doses. Cette théorie semble donc donner raison aux femmes sur le fait que l'utilisation de la phytothérapie pendant la

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grossesse est restreinte à un certain nombre de plantes. En revanche, on ne peut généraliser les connaissances quant à la période d'utilisation ou les effets néfastes des plantes. Les pratiques sont à moduler, en consultant un spécialiste, qui délivrera le traitement adapté au couple mère-enfant.

Trois plantes sont à éviter selon les femmes : le thym vert Thymus officinalis (cité par 36,40% de cette sous population de femmes), l'Ananas Ananas comosus (19,40%) et les fleurs jaunes Hypericum lanceolatum Lam (14,60%). Aucune étude clinique à l'échelle humaine ou animale n'a été retrouvée. Cependant, le Thym Thymus vulgaris aurait des effets abortifs (67). La base de données HEDRINE lui reconnait des effets anticoagulants. En 2016, l'étude de Monji F, Adaikan P, Lau L, Bin Said B, Gong Y et. al. a montré l'effet utérotonique de l'Ananas, qui pourrait en faire une contre-indication pendant la grossesse, et une indication pour le déclenchement du travail (62). L'APLAMEDOM accorde aux fleurs jaunes Hypericum lanceolatum Lam un effet emménagogue et les contre-indique pendant la grossesse. Devant ces résultats, et le manque de données de la littérature, il semble en effet plus sécuritaire d'éviter ces plantes pendant la grossesse.

En revanche, 60,70% des femmes déclarant que l'usage des plantes médicinales est possible chez la femme enceinte et allaitante, leur accordent des bénéfices.

Il est difficile de dégager des plantes ou des recettes qui font l'unanimité. Certaines sont plus souvent citées que d'autres, et en général, il s'agit de celles inscrites à la Pharmacopée Française. Ainsi, contre les troubles digestifs, 51 femmes sur 196 citent l'Ayapana Eupatorium triplinerve et 65 femmes sur 196 citent le Gingembre Zingiber officinale. L'Ayapana Eupatorium triplinerve est connue à la Réunion pour son utilisation contre les troubles digestifs notamment (68). Aucun effet tératogène n'a été décrit pour l'Ayapana Eupatorium triplinerve. Il y a très peu de données concernant les plantes, la grossesse et l'allaitement. L'usage du Gingembre Zingiber officinale pour les nausées est reconnu chez la femme enceinte par l'OMS. D'ailleurs, il existe des spécialités à base de Gingembre Zingiber officinale contre les nausées et vomissements : maternov®, ou encore antimétil®. Par précaution (manque d'étude clinique concernant la grossesse), l'Agence Européenne du Médicament ne recommande pas son usage pendant la grossesse (43). Il apparait donc que les connaissances des femmes sont justes concernant le Gingembre Zingiber officinale; elles sont cependant à prendre avec précaution concernant l'Ayapana Eupatorium triplinerve. La sage-femme, selon l'article R4127-314 du Code de la Santé Publique, ne peut délivrer de remède insuffisamment validé par les données scientifiques (de même que tout autre professionnel de santé est soumis à cette même obligation). Dans le cadre de l'usage des plantes médicinales, ces données sont accessibles

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via les grandes autorités de santé et l'agence du médicament. Aucune de ces instances ne délivre d'information quant à l'usage de l'Ayapana Eupatorium triplinerve chez la femme enceinte, on ne peut donc la conseiller de manière sûre, mais elle ne fait pas l'objet de contre-indication pendant la grossesse. On privilégiera un usage précautionneux à faible dose et de courte durée. En revanche, l'usage du Gingembre Zingiber officinale peut être conseillé en revendiquant l'accord de l'OMS et les usages empiriques sécuritaires.

67 femmes sur 196 ayant déclaré que l'usage des plantes médicinales est possible chez la femme enceinte ou allaitante, estiment que le Framboisier Rubus idaeus est efficace pour déclencher l'accouchement. Les études sur le Framboisier Rubus idaeus sont de plus en plus nombreuses. Il aurait un effet utérotonique sur les cellules de rats (26) . Il est souvent utilisé en maternité en Australie et aux Etats Unis et vendu en France pour cette indication. L'EMA cite une utilisation traditionnelle des feuilles de Framboisier Rubus idaeus (pour préparer l'accouchement chez les grecques et un peu partout en Europe et en Amérique du Nord). Elle précise que les extraits alcooliques de feuilles de Framboisier Rubus idaeus n'ont pas d'effets sur les contractions utérines chez le rat, contrairement aux extraits aqueux. Ceux-ci auraient tantôt des effets relaxants ou au contraire toniques selon le solvant utilisé dans les études in vitro. Les études scientifiques concernant les effets utérotoniques du Framboisier Rubus idaeus sont encore peu claires et de médiocre qualité pour pouvoir s'assurer de son efficacité (50). Par ailleurs, il s'agit, pour les plantes issues de la pharmacie de Rubus idaeus. Cependant, des discussions avec certains tisaneurs portent à croire que le « Framboise la cour » Rubus rosifolius serait aussi efficace pour déclencher et accélérer le travail en fin de grossesse. Notre étude ne permet pas d'évaluer l'efficacité du Framboisier sur la réduction du temps de travail. Se fiant aux grandes instances de sécurité pour la santé, la sage-femme ne peut conseiller l'usage du Framboisier de manière sécuritaire. En revanche, il semble que la plante ait des propriétés intéressantes dans le déclenchement du travail, sans avoir d'effets néfastes à court terme et faible dose ; les recherches mériteraient d'être étayées.

D'après 70 femmes sur ces même 196 femmes, la Cannelle « Ti Cannelle » Cinnamomum cassia serait efficace contre les symptômes grippaux. La plante est connue pour ses propriétés digestives, antibactériennes et antifongiques (69). Elle est inscrite sur la liste A de la Pharmacopée Française. Aucune donnée concernant la grossesse n'a été retrouvée. La Verveine citronnelle Aloysia citriodora ou Aloysia triphylla l'Herit, est citée par 62 femmes sur ces mêmes 196, pour les mêmes vertus. La plante est citée par Kakouk pour les états grippaux : une décoction des rameaux de feuilles séchées aiderait au rétablissement. La plante est inscrite à la pharmacopée française (liste A) pour ses effets contre l'anxiété et contre les troubles gastro-

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intestinaux (56). Aucune recommandation pour la grossesse n'a été retrouvée, cependant, l'exposition à la Verveine Citronnelle Aloysia citriodora ou Aloysia triphylla l'Herit pendant la grossesse ne semble pas être tératogène chez le rat (70) d'après deux études menées en 2016 (71). La Citronnelle Cymbopogon citratus (DC) Stapf est citée par 70 femmes pour les mêmes bénéfices. Elle est connue pour ses effets antibactériens et antitussifs notamment (72), en infusion ou en aromathérapie. La plante est inscrite sur la liste A de la Pharmacopée Française. Aucune recommandation pour la grossesse n'a été retrouvée. Le citron Citrus lemon est aussi cité (par 71 femmes) contre les symptômes grippaux. D'après Jean Louis LONGUEFOSSE (64) , le Citron, orange amer, ou Bigarade Citrus aurantifolia traite les affections respiratoires. Le Citron Citrus Limon est connu pour traiter les affections respiratoires sous forme d'huile essentielle. Aucune donnée n'a été retrouvée concernant son usage sous d'autre forme ou son usage chez la femme enceinte ou allaitante.

56 femmes sur 196 citent l'Aloes Aloe vera pour lutter contre les masques de grossesse. Le gel d'Aloès Aloe vera est en effet utilisé en application locale contre les troubles cutanés notamment (73). Il n'y a pas de contre-indication du gel chez la femme enceinte ou allaitante ; la plante peut être conseillée de manière sécuritaire.

Enfin, 42 femmes associent au Romarin Rosmarinus officinalis des vertus anxiolytiques. La plante est utilisée traditionnellement contre les troubles digestifs et les douleurs musculaires et articulaires (74). L'APLAMEDOM lui reconnait néanmoins un effet anxiolytique (75). La plante est inscrite sur la liste A de la Pharmacopée Française, mais elle aurait des effets embryotoxiques (76). L'EMA déconseille son usage. On évitera de conseiller son usage pendant la grossesse.

Concernant le nouveau-né, Lanis Foeniculum dulce contre les coliques est citée par 47,50% des femmes. 34,30% citent l'Ayapana Eupatorium triplinerve à cet effet. 37,40% des femmes ont cité l'huile Ricin Ricinus communis pour purger le nouveau-né. La littérature est pauvre concernant le sujet. Néanmoins, il s'agit d'usages ancestraux et aucun effet indésirable n'a été rapporté jusqu'à ce jour. Afin de confirmer l'aspect sécuritaire des usages, d'autres études mériteraient d'être établies.

Les connaissances actuelles sont basées sur des données empiriques et ancestrales qui ont souvent fait leurs preuves dans la population générale. Certaines, comme le Framboisier Rubus idaeus, ont été étudiées chez la femme enceinte, mais il n'y a aucune preuve rigoureuse de leur efficacité et innocuité. Le Gingembre Zingiber officinale et l'Aloes Aloe vera sont les seules plantes reconnues officiellement efficaces et non toxiques pendant la grossesse. Mais de manière plus générale, les connaissances sur les plantes médicinales ont été appliquées à la

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femme enceinte et au nouveau-né de façon populaire. Les restrictions éthiques des études cliniques ne permettent pas de confirmer scientifiquement leurs bénéfices sans innocuité pour cette population. Le corps médical ne peut se fier à une « absence d'effets indésirables » sans étude associée. Par ailleurs, les usages ne sont pas assez répandus pour espérer admettre l'innocuité totale de la phytothérapie pendant la grossesse et chez le nouveau-né. Un usage prudent, restreint dans le temps et les doses est préconisé pour les plantes qui sont déconseillées par les grandes instances de santé par manque de données. Cette notion d'usage restreint est connue par les femmes.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote