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La discrimination dans le monde du travail au Togo.


par Djignefa Komla YAO
Institut des hautes études des relations internationales et stratégiques - Master II en Droit Privé Fondamental 2017
  

Disponible en mode multipage

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MINISTERE DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR

ET DE LA RECHERCHE

INSTITUT DES HAUTES ETUDES DES RELATIONS INTERNATIONALES ET STRATEGIQUES (IHERIS)

 

REPUBLIQUE TOGOLAISE Travail - Liberté - Patrie

ADVANCED STUDIES

IN INTERNATIONAL RELATIONS AND STRATEGICAL INSTITUTE

LICENCE EN DROIT ET SCIENCES POLITIQUES-SCIENCES ECONOMIQUES ET DE GESTION

MASTER : DROIT - DIPLOMATIE - MARKETING INTERNATIONAL - BANQUE-MONNAIE-FINANCE INTERNATIONALES
Agrément Ministériel : ARRETE N° 014 / MESR / SG du 1er juin 2011

MEMOIRE

De fin de formation en vue de l'obtention
du Diplôme de Master en Droit Privé Fondamental

OPTION : RECHERCHE

Thème :

LA DISCRIMINATION DANS LE MONDE DU TRAVAIL AU TOGO

Présenté et soutenu publiquement par :

Djignefa Komla YAO
le 10 mars 2017

Directeur de Mémoire Membre du jury

Monsieur Komi WOLOU Docteur Serge EVELAMENOU

Professeur Agrégé des Facultés de Droit ; Professeur à la Faculté de Droit de

Président du Conseil Académique de IHERIS et l'Université de Lomé, à la Faculté de

Responsable du Master Droit Privé ; Droit et de Science Politique de Kara

Doyen de la Faculté de Droit de l'Université et à IHERIS

de Lomé ;

Directeur du Certificat d'Aptitude à la profession

d'Avocat (C.A.P.A). Maître Yacoubou AGNINA
Avocat au Barreau de Lomé Professeur à la Faculté de droit de l'Université de Lomé et à IHERIS,

REMERCIEMENTS

I

J'adresse mes remerciements les plus sincères à plus d'un :

A tout seigneur tout honneur, au DIEU tout puissant, créateur du ciel et de la terre, le Père, le Fils et le Saint Esprit, pour m'avoir donné la vie, la santé, la force, le courage, la passion et la patience pour réaliser le présent mémoire. A toi la gloire !

Au Président de IHERIS monsieur Edem KODJO et aux autres membres fondateurs de ladite institution de m'avoir donné l'opportunité d'être l'un des pionniers à embrasser les études de master en droit privé fondamental dans cette noble institution.

Au Professeur Komi WOLOU, pour votre disponibilité, votre esprit positif et ouvert, votre patience, votre écoute, vos encouragements et conseils éclairés, avisés et continus pour la direction de mon travail, je vous en remercie. Grâce à votre rigueur dans le travail et surtout à votre critique constructive, j'ai pu apprécier la pertinence du sujet et en révéler ses différents contours. Toute rencontre avec vous a été l'aubaine pour moi de déchiffrer le droit social de long en large. Heureux je le suis et je le serai toujours d'avoir été votre étudiant et appris à vos côtés. Que Dieu vous accorde grâce afin que vous puissiez réaliser vos oeuvres.

Au corps professoral qui n'a pas lésiné sur les moyens pour nous dispenser leurs riches savoirs très instructifs, je vous en suis très reconnaissant.

Aux Professeur Serge EVELAMENOU et au Maître Yacoubou AGNINA qui me font l'insigne honneur d'être membre du jury de mon mémoire je vous en remercie. Je suis convaincu que vos observations me seront d'un atout indéniable.

A monsieur Léeyé Koffi Benoît BLAMCK Magistrat, Conseiller à la Chambre Judiciaire de la Cour Suprême du Togo, monsieur Innocent EGBETOGNO Magistrat, Directeur de Cabinet au Ministère de la Justice du Togo et au Professeur Paul NOUTO, je vous remercie pour vos soutiens et conseils infaillibles.

A tous mes collègues de la première promotion de master droit privé 2013-2015 je vous remercie pour vos soutiens.

A mes amis AGBOKE, SIGNON, SIMTAYA, BOUREIMA, DAO et tous les autres qui de près ou de loin m'ont toujours soutenu moralement et ont cru en moi pour la réalisation de ce travail, je vous remercie.

La discrimination dans le monde du travail au Togo

DEDICACE

A Mon père Komi Sumna YAO et ma mère Diébi Akoua TCHEKOU, valeureux parents qui n'ont ménagé aucun effort pour me voir arriver là où j'en suis aujourd'hui. Eux, mes plus grands modèles de vie, mes plus grandes admirations qui ont su toujours m'inculquer l'amour du travail, la quête permanente de l'excellence, la soif de la connaissance et la patience dans la vie, je leur dit merci et que Dieu tout puissant les bénisse en leur accordant santé, prospérité et longue vie. Qu'ils puissent trouver en ce travail le fruit des efforts qu'ils ont consentis et continuent de consentir au prix d'innombrables sacrifices.

A mes soeurs Akofa Julienne et Nabi Victoire et mon frère Séwonou Koffi Ferdinand qui se dévouent corps et âme pour moi, qu'ils trouvent en ce travail la richesse de leur soutien.

A mes nièces Maranatha et Gloria, ma cousine Togné et mon cousin Agbégnigan qu'ils trouvent en ce mémoire la quête de leur succès futur.

A ma bien aimée Aimée Solim SONDOU qui par ses encouragements, son soutien ses conseils sans failles a su me comprendre et me motiver tous les jours, je lui souhaite le succès dans tous ses projets.

II

La discrimination dans le monde du travail au Togo

RESUME

Tous les Hommes sans distinction de sexe, d'état ou d'âge naissent libres et égaux en droit et en dignité. Cette égalité est également traduite dans le monde du travail. Elle se matérialise par la méritocratie qui est le critère de la réussite dans la sphère du travail. En dépit de cette égalité prescrite par les conventions internationales et consacrée par le droit positif togolais, le monde du travail est gangrené par la discrimination, une injustice sociale qui le perverti.

Pour contrer ce fléau, plusieurs conventions internationales et régionales ont été ratifiées par l'Etat Togolais. Pour ce même objectif, une abondante législation a été adoptée et des politiques ont été engagées aussi bien par l'Etat que par les acteurs du monde du travail. Nonobstant cela, la prohibition de la discrimination dans le monde du travail se révèle inefficace en raison des lacunes de la législation anti-discrimination et de la persistance dudit fléau.

Face à cette situation qui prévaut, il urge de préconiser des moyens adéquats ; ceci en revitalisant la législation anti-discrimination et en impliquant davantage les acteurs du monde du travail afin d'éradiquer ce phénomène. Ce qui permettra d'instaurer un monde du travail qui incarnera la vision d'un avenir meilleur.

III

La discrimination dans le monde du travail au Togo

AVERTISSEMENT

« L'Institut n'entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans ce mémoire

Ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur ».

IV

La discrimination dans le monde du travail au Togo

ABREVIATIONS, SIGLES ET ACRONYMES

V

§ Paragraphe

AFF Affaire

Al Alinéa

Ass. Plén. Assemblée Plénière

BIT Bureau International du Travail

CAF Confédération Africaine de Football

CAN Coupe d'Afrique des Nations

CC Conventions Collectives

CCIT Convention Collective Interprofessionnelle du Togo

C. Cass. Civ Cour de Cassation, Chambre Civile

CDPH Convention des Droits des Personnes Handicapées

CEPAG Centre d'Education Populaire André Genot

CEFDF Convention sur l'Elimination de toutes les Formes de

Discrimination à l'égard des Femmes

CESR Conseil Economique et Social Régional

CFHE Conseil Français des Personnes Handicapées Pour les

Questions Européennes

CGCT Confédération Générale des Cadres du Togo

CGIT Code Général des Impôts du Togo

CJCE Cour de Justice de la Communauté Européenne

CLCD Cellule de Lutte Contre les Discriminations

CNLDE Conseil National de Lutte contre la Discrimination et pour

l'Egalité

CNSS Caisse Nationale de Sécurité Sociale

CSI Confédération Syndicale Internationale

CTT Code du Travail du Togo

CTCI Code du Travail de la Cote d'Ivoire

CTL Code du Travail de la Luxembourg

CPF Code Pénal Français

CTPF Code Togolais des Personnes et de la Famille

CSS Code de Sécurité Social

CT Constitution du Togo

La discrimination dans le monde du travail au Togo

VI

CTF Code du Travail Français

CTPF Code Togolais des Personnes et de la Famille

CSTT Confédération des Syndicats des Travailleurs du Togo

DARES Direction de l'Animation de la Recherche, des Etudes et

des Statistiques

GSA Groupe des Syndicats Autonome

Ibidem au même endroit dans l'ouvrage

LTDH Ligue Togolaise des Droits de L'Homme

CPT Code Pénal du Togo

CV Curriculum Vitae

OHADA Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit

Des Affaires

OIT Organisation International du Travail

OHADA Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit

des Affaires

ONG Organisation Non Gouvernemental

Op. Cit. Abréviation du latin operecitato : tiré de l'ouvrage cité

PASCRENA Projet d'Appui à la Société Civil et à la Réconciliation

Nationale

PNUD Programme des Nations Unis pour le Développement

RGPH Recensement Général de la Population et de l'Habitat

Sté Société

SGFPT Statut Général de la Fonction Publique Togolaise

SFPF Statut de la Fonction Publique de la France

STT Syndicat des Travailleurs du Togo

Trib. Trav. Tribunal du Travail

UGSL Union Générale des Syndicats Libre

UNSIT Union Nationale des Syndicats Indépendants du Togo

La discrimination dans le monde du travail au Togo

SOMMAIRE

VII

INTRODUCTION 1

PREMIERE PARTIE : L'INEFFICACITE DE LA PROHIBITION DE LA

DISCRIMINATION DANS LE MONDE DU TRAVAIL AU TOGO ..09

CHAPITRE I : L'INSUFFISANCE DE LA LEGISLATION ANTI-DISCRIMINATION....11

Section I : Une imprécision des différentes formes de discrimination 11

Section II : Un encadrement inapproprié de la discrimination dans le droit positif

togolais .22

CHAPITRE II : LA PERSISTANCE DE LA DISCRIMINATION 35

Section I : La matérialisation de la discrimination dans le monde du travail ..35

Section II : Les difficultés liées à l'élimination définitive de la discrimination 46

DEUXIEME PARTIE : POUR UNE PROTECTION PLUS EFFICACE CONTRE LA

DISCRIMINATION DANS LE MONDE DU TRAVAIL AU TOGO ..59

CHAPITRE I : LE RENFORCEMENT DE LA LEGISLATION CONTRE LA

DISCRIMINATION 61

Section I : La mise en conformité des lois nationales 61

Section II : La réalisation de l'égalité dans le monde du travail 69

CHAPITRE II : L'IMPLICATION DES ACTEURS DU MONDE DU TRAVAIL DANS LA

LUTTE CONTRE LA DISCRIMINATION 77

Section I : Une implication très active de l'Etat togolais 78

Section II : Une implication accrue des acteurs au sein de l'entreprise et des autres

partenaires 87

CONCLUSION . .98

La discrimination dans le monde du travail au Togo

INTRODUCTION

La discrimination dans le monde du travail au Togo Page 1

En vertu du principe d'égalité, tous les Hommes sans distinction de sexe, d'état ou d'âge naissent libres et égaux en droit et en dignité1. Cette égalité se traduit par le droit à la vie, à l'éducation et surtout à un travail décent. Etant un droit humain, le droit au travail2 est un droit qui est reconnu à tout citoyen et ne peut s'exercer que sur la base de la méritocratie. Par conséquent, les candidats à un emploi doivent être traités de la même manière et les travailleurs doivent exercer un travail compatible avec leur moyen tout en percevant un salaire proportionnel audit travail sans être lésé3. Mais, il est constant que dans le monde du travail en général, tous ne sont pas traités de la même manière. Certains sont privilégiés par rapport à d'autres et ce sur la base de certains critères arbitraires comme le sexe, l'âge, l'ethnie, l'opinion politique, la grossesse... Ainsi au Togo, en dépit d'une égalité textuelle4, on note une inégalité factuelle puisque, c'est sur la base de ces critères arbitraires, que des traitements différents sont souvent opérés aussi bien entre demandeurs d'emploi qu'entre travailleurs. Il s'agit de la discrimination. Pourtant dans le monde du travail, les distinctions sociales ne peuvent être légitimées que lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées5.

Ainsi, au regard de ce qui précède, nous orienterons notre réflexion sur l'épineuse problématique de la discrimination dans le monde du travail au Togo.

La discrimination vient du latin « discriminatio » et veut dire séparer ou distinguer. Dans le langage courant, elle est l' «action de distinguer l'un de l'autre»6. De cette définition, il ressort que la discrimination ne revêt pas une connotation péjorative7.

Juridiquement, la discrimination consiste à traiter une personne différemment d'une autre, placée dans une situation comparable en raison d'un critère prohibé, en l'absence d'un motif légitime et dans un domaine prévu par la loi. Par discrimination, il faut entendre donc « toute

1 Articler 1er de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (DUDH) de 1948 ; article 11, Constitution du Togo, 1992.

2 Art.1er, 2 et 7 DUDH de 1948 ; art. 6, 7, 8, 9 et 10 Pacte International relatif aux Droits Economiques, Sociaux et Culturels.

3 Article 23 de la DUDH de 1948.

4 Article 37 de la constitution togolaise de la IVème République du 31-12-2002 : « L'Etat reconnaît à chaque citoyen le droit au travail et s'efforce de créer les conditions de jouissance effective de ce droit. Il assure à chaque citoyen l'égalité de chance face à l'emploi et garantit à chaque travailleur une rémunération juste et équitable. Nul ne peut être lésé dans son travail en raison de son sexe, de ses origines, de ses croyances ou de ses opinions »

5 Article 1er de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789 (DDHC).

6 Le Petit Robert de la langue française, édition millésime 2010, p.750

7 GUISLAIN (V.), Etude : la preuve de la discrimination en droit du travail, LegaVox.fr, 15/09/2012, p.1

La discrimination dans le monde du travail au Togo Page 2

distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la religion, l'opinion politique, l'ascendance nationale ou l'origine sociale, qui a pour effet de détruire ou d'altérer l'égalité de chances ou de traitement en matière d'emploi ou de profession ; toute autre distinction, exclusion ou préférence ayant pour effet de détruire ou d'altérer l'égalité de chances ou de traitement en matière d'emploi ou de profession, qui pourra être spécifiée par le Membre intéressé après consultation des organisations représentatives d'employeurs et de travailleurs, s'il en existe, et d'autres organismes appropriés »8. La première partie de cette définition est reprise par l'article 3 alinéa 2 du Code du travail du Togo (CTT) adopté le 05 décembre 2006 et par l'article 307 du Code Pénal du Togo (CPT) de 2015. A travers ces deux articles, le législateur définit la discrimination tout en précisant les critères à l'origine dudit fléau. Au regard de ces trois textes précités, la discrimination consiste à privilégier voire consacrer les inégalités entre les hommes tant dans le secteur public que dans le secteur privé. C'est ce que souligne à juste titre Éric Fassin en ces termes : « Discriminer, c'est naturaliser des inégalités »9. La discrimination revêt donc une connotation négative.

La discrimination est souvent assimilée au racisme. Loin de la considérer comme un concept à part entière, la majorité de l'opinion10 fait d'elle le synonyme du racisme. Cependant, on ne saurait confondre la discrimination au racisme car, cette équivalence manque de légitimité. C'est donc à tort que la discrimination est invoquée pour caractériser le concept du racisme. « En effet, la discrimination est du registre des faits et des pratiques, elle produit des inégalités alors que le racisme est du registre des valeurs et des idéologies. Si le racisme est condamné (injures racistes, incitation à la haine raciale,...), il n'induit pas forcément de conduites discriminantes »11. Mais, le racisme, l'homophobie, le sexisme sont des discriminations lorsqu'ils se transcrivent dans les faits, qu'ils s'incarnent dans des traitements, pour donner lieu à une discrimination12.

Le monde du travail n'est pas juridiquement défini. Mais, il est l'espace dans lequel l'homme se réalise en exerçant un métier ou en pratiquant une activité rémunérée ou non. Il englobe le secteur public et privé, le secteur formel et informel. Le monde du travail constitue un lieu

8 Article 1, 1.a&b de la Convention de l'OIT (n° 111) concernant la discrimination en matière d'emploi et de profession adoptée à Genève par la conférence internationale du travail à sa 42e session le 25 juin 1958, Nations Unies, Recueil des traités, vol. 362, p. 31.

9 FASSIN (E.), Discriminatio : pratiques, savoirs, politiques, La documentation Française, Paris, 2008, p.9

10 SIMON (P.), Discriminations : définitions et usages sociaux, in « Discriminations raciales, repérer et comprendre pour mieux agir », Les cahiers du DSU, n°39, Hiver 2003 - 2004

11 CESR Champagne-Ardenne, Emploi-Formation : la prévention et la lutte contre les discriminations, Avis adopté en séance plénière le 5 octobre 2007, p.11

12 www.wikipédia.org/wiki/ Discrimination, consulté le 10 janvier 2017

La discrimination dans le monde du travail au Togo Page 3

d'expression par excellence des pratiques discriminatoires. Ces pratiques se produisent donc à plusieurs niveaux à savoir pendant l'embauche, pendant la formation professionnelle ou au stage, au cours de l'exercice de la carrière et elle peut provoquer la fin du travail c'est-à-dire de l'emploi ou de la profession.

Dans la société togolaise, la discrimination s'exerce dans plusieurs domaines. Il s'agit à titre indicatif de la famille13, de l'attribution de la nationalité14, du logement15, du monde du travail... Seulement, le monde du travail est le centre des pratiques discriminatoires. Il est l'espace où la discrimination se façonne facilement. Il est le lieu privilégié pour les inégalités de tous ordres, d'autant que l'employeur a naturellement tendance à traiter différemment les demandeurs d'emploi et les employés selon des critères affirmés comme illicites par la loi16. Et éliminer la discrimination à ce niveau contribuerait beaucoup à la réduction des injustices sociales.

La discrimination est enracinée dans la sphère du travail togolais. En effet, l'histoire nous enseigne qu'elle a été de tout temps une réalité. Que ce soit pendant la période coloniale ou postcoloniale, les togolais ont toujours souffert de ce mal qui est resté graver dans leur mémoire. Il est admis qu'au temps colonial, la discrimination est pratiquée à l'encontre des togolais par les colons blancs17.

Sous les allemands, la politique du travail a été essentiellement basée sur la discrimination raciale où les togolais devraient travailler sous les ordres et les intérêts des colons allemands18.

En se basant sur des préjugés, l'administration française dans l'entre-deux-guerres (19181939) a orienté les togolais dans divers secteurs d'activités « [---] dans lesquels elle pensait qu'ils pouvaient exceller en raison des prédispositions naturelles qu'elle avait décelées »19. Ainsi, le colon français fait des Kabyès une main-d'oeuvre disponible pour les travaux de mise en valeur du sud compte tenu de leur morphologie, les Losso et les Cotocoli considérés

13 Infra, p. 32, Art. 99 CTPF.

14 Le code de la nationalité togolais de 1978 ne permet pas à la femme togolaise de transmettre sa nationalité à son conjoint du fait du mariage. Ce silence rompt l'égalité entre l'homme et la femme togolais en matière de transmission de la nationalité à leur conjoint.

15 Souvent certains bailleurs rechignent à louer leur maison à certaines ethnies en raison de l'ethnocentrisme

16 Article 3 al.2 CTT et Article 45 SGFPT

17 Infra, p.40 « Au Togo...des concours » ; p. 42 « Plus grave...E.V. » ; p. 43 « Il est constant...des syndiqués ».

18 Prof. ASSIMA -KPATCHA (E.), Travail et salariat au Togo français dans l'entre-deux guerres (1914-1939), thèse de doctorat d'histoire nouveau régime 4 juin 2004, Université de Lomé, p. 41

19 Prof. ASSIMA-KPATCHA (E.), Ethnicité, crise sociopolitiques et processus de réconciliation nationale, LETRIA et CEROCE-2016, p. 29

La discrimination dans le monde du travail au Togo Page 4

comme inintelligents, sont affectés dans l'armée et aux travaux champêtres y compris certains Kabyès ; les Ewé et les Mina vus comme civilisés, instruits et intelligents étaient destinés au travail de bureau et aux activités intellectuelles20. Malheureusement, c'est cette discrimination des colons empreinte de divers préjugés que se sont appropriés les autochtones21. Il faut donc reconnaître qu'après la colonisation, c'est entre togolais que la discrimination se pratique de nos jours22.

L'actualité du sujet est frappante. En effet, la discrimination fait l'objet des attentions politiques23, de la société civile24 et est le sujet d'étude des universitaires25. La discrimination est donc très omniprésente dans la vie quotidienne des Togolais. Face à la persistance de ce phénomène dans le monde du travail, des voix s'élèvent pour le combattre. C'est ainsi que le 03 mars, journée internationale des personnes vivant avec le VIH, est placée cette année 2017 sous le thème, « la lutte contre la discrimination à l'égard des personnes vivant avec le VIH ». Tandis que le 08 mars, journée internationale de la femme a été dédiée à la concrétisation de la parité genre dans le monde du travail au Togo à l'horizon 2030.

Il est intéressant de comparer la législation anti-discrimination togolaise avec celle de la France afin de comprendre et de constater où se situe l'Etat togolais.

D'une part, le législateur français à aménager la charge de la preuve de la discrimination26, ce qui n'est toujours pas le cas du droit togolais. D'autre part, l'Etat français dispose d'un organe spécialisé dans la lutte contre la discrimination appelé « le Défenseur des Droits »27 ce que le Togo n'a pas encore mis en place. Même si la mise en place d'un organe de contrôle dénommé l'observatoire des discriminations est préconisé, celui-ci peine toujours à être opérationnel28.

Face à cette situation de discrimination qui prévaut dans le monde du travail au Togo, le législateur a posé un principe général de non-discrimination en la matière. Ce principe est

20 Ibidem, pp. 27&28&

21 Ibidem, p.29

22 Infra, p.40 « Au Togo...des concours » ; p. 42 « Plus grave...E.V. » ; p. 43 « Il est constant...des syndiqués ».

23 Le 02 décembre 2016, sous la direction de Mr. Pius AGBETOMEY ministre de la justice, le Togo a présenté au Comité pour l'élimination de la discrimination sis à Genève son rapport sur l'état d'avancement de la lutte contre la discrimination. Malgré que les experts dudit comité aient reconnu les efforts du Togo, il lui est recommandé de s'engager plus activement dans la lutte contre la discrimination liée surtout aux personnes handicapées et aux femmes.

24 Infra, p.52

25 ANATE (K), ASSIMA-KPATCHA (E.), & TSIGBE (K.N.), Ethnicité, crise sociopolitiques et processus de réconciliation nationale, LETRIA et CEROCE-2016, p.79

26 Infra, p. 24

27 Loi n° 2011-334 du 29 Mars 2011 relative au Défenseur des Droits

28 Prof. WOLOU (K.), Etude sur la discrimination en matière d'emploi et de profession au Togo et proposition d'un plan d'action, 16 10 2013, p.61.

La discrimination dans le monde du travail au Togo Page 5

incorporé aussi bien dans le CTT29, dans le SGFPT30, dans la constitution togolaise31, dans le CTPF32, dans le CSST33, que dans la CCIT34. Ce principe de non-discrimination vise à établir un équilibre de chances, de traitement et de rémunération. Aussi, la ratification des traités et conventions internationaux35 par l'Etat togolais est-elle une parfaite illustration de cette lutte active contre les discriminations.

Afin de combattre les différentes formes de discrimination qui se pratiquent dans le monde du travail au Togo, le CTT dispose : d'abord en son article 3 alinéa 1er que « Toute discrimination directe ou indirecte en matière d'emploi et de profession est interdite ». Il s'ensuit que le législateur prohibe les discriminations directe et indirecte. Mais comment dissocier l'une de l'autre face au mutisme de celui-ci quant à la caractérisation de ces deux notions ? Ensuite, dans sa dynamique de lutter contre la discrimination, le législateur interdit le harcèlement sexuel36. Mais pour celui-ci, ce harcèlement ne peut être que le fait du supérieur hiérarchique et il n'a pas non plus prohibé le harcèlement moral qualifié de discrimination lorsqu'il se fonde sur un critère protégé qui est un motif de discrimination. Enfin, la discrimination peut résulter d'un ordre reçu. Pourtant, le législateur ne l'interdit pas. Face à cette problématique, quel est alors le degré de prise en compte par le droit positif togolais des différentes formes de discrimination en jeu dans le monde du travail ?

L'interdiction de discriminer concerne les différentes étapes du parcours professionnel. Comment se manifeste dès lors la discrimination dans le monde du travail togolais ?

Face à la problématique de la discrimination, et dans l'impérieuse nécessité de mettre les candidats à un emploi sur un pied d'égalité de traitement dans le monde du travail, le législateur a dû prendre certaines dispositions en faveur de certaines catégories de personnes. Il en est ainsi des traitements de faveur octroyés aux travailleurs handicapés qui sont souvent vulnérables et défavorisés sur le marché de l'emploi et qui sont prévus par les articles 153 et 155 du CTT de 2006. C'est ce qui est qualifié de « discrimination positive ». C'est dire donc que, même si le législateur prohibe la discrimination, toutes les formes de discriminations ne contreviennent pas à la loi. Qu'est ce qui fait dès lors sa spécificité ? Ne peut-elle avoir un impact négatif sur la population non-favorisée ? Positiver la discrimination, c'est aussi faire

29 Article 3 et 39 du CTT

30 Articles 42, 46, 49, 50 du Statut Général de la Fonction Publique Togolaise (SGFPT)

31 Articles 2, 11, 33 et 37, de la Constitution de la IVème République du Togo du 31-12-2002

32 Articles 107 et 372 du Code Togolais des Personnes et de la Famille (CTPF)

33 Article 16, 1 du Code de Sécurité Social du Togo (CSST)

34 Article 43 al.2 de Convention Collective Interprofessionnelle du Togo (CCIT)

35 Infra, pp.20, 29, 30 et 42.

36 Article 40 du CTT

La discrimination dans le monde du travail au Togo Page 6

de l'égalité genre une réalité. Mais, la parité est-elle une question de fait ou de droit dans le monde du travail au Togo face au silence du législateur par rapport à ce sujet ?

Dans le monde du travail, il est constant, qu'il est extrêmement difficile d'apporter la preuve de la discrimination. Le législateur n'ayant rien dit à ce sujet, la victime de la discrimination reste la plupart du temps sans moyen de défense. Face à une telle situation, nous devons nous poser la question de savoir, s'il s'agit d'un oubli de la part du législateur ou d'un silence délibéré ? Comment prouver alors la discrimination malgré le mutisme du législateur ?

Si la loi impose aux employeurs de respecter le principe de non-discrimination et leur reconnaît tout de même la liberté de choix, comment mettre en balance ces deux principes ? C'est d'ailleurs l'inquiétude que relevait RHÉA E. JABBOUR dans sa thèse37.

La question de la discrimination est un mal qu'il faut bien cerner et chercher les voies et moyens pour le mettre hors d'état de nuire afin qu'elle cesse d'être un handicap dans la vie professionnelle. Eliminer la discrimination de l'univers du travail au Togo permettra aux talents d'éclore afin de ne plus se sentir lésé. Dans cette perspective, quels rôles doivent jouer les acteurs du monde du travail et que doivent faire les institutions de la République qui sont mandatées pour combattre la discrimination ? Cependant, ces institutions ayant une vocation générale, n'est-il pas temps de songer à instituer un organe plus spécialisé pour lutter efficacement contre la discrimination afin d'instaurer l'égalité ?

Si le huitième Objectif du Millénaire pour le Développement (OMD) est consacré aux questions liées aux inégalités genres38 c'est justement pour éliminer la discrimination. Mais pourquoi si le gouvernement tente de s'inscrire dans cette perspective, son élan volontariste a du mal à être suivi par certains auteurs de la discrimination ?

S'il résulte de l'enquête menée par Afrobarometer en 2014 que 86% des togolais sont d'accord avec l'affirmation selon laquelle les « femmes devraient avoir les mêmes droits et recevoir le même traitement que les hommes »39 pourquoi l'égalité dont' il est question ne s'applique pas de manière effective au Togo ? La question de la discrimination est-elle réellement et sérieusement prise en compte par les uns et les autres ?

37 La discrimination à raison de l'apparence physique (lookisme) en droit du travail français et américain approche comparative, thèse pour le doctorat en droit à l'université de Panthéon-Sorbonne paris 1, le 28 octobre 2013.p.

38 AKINOCHO (H.O.) et BLIMPO (M.P.), La place de la femme dans l'opinion des Togolais, Afrobarometer Briefing Paper No. 142 March 2014, p.1.

39 Ibidem, p.3

La discrimination dans le monde du travail au Togo Page 7

Malgré toutes les dispositions prises pour prévenir la discrimination et l'éliminer, elle persiste largement dans le monde du travail au Togo40. Pourquoi un tel constat ? Plusieurs hypothèses sont à envisager : D'abord, les dispositions législatives misent en place pour lutter contre la discrimination demeurent lettre morte. Il se pose alors le problème de l'application effective de la législation anti-discrimination togolaise. On peut dès lors penser qu'il s'agit en conséquence d'une réalité sociale qui dépasse la portée de cette législation. Ensuite, cela peut s'expliquer par l'insuffisance de la législation anti-discrimination et des règlements anti-discrimination41. En outre, cela peut être due à l'incompréhension et à la difficile assimilation des textes anti-discriminations par les acteurs du monde du travail. Que faut-il faire pour qu'ils soient véritablement appropriés par ceux-ci ? De plus, cela peut se justifier par la non prise en compte d'autres outils juridiques pour contrer la discrimination. Enfin, l'existence d'une telle réalité serait due au fait que soit la discrimination est ancrée dans les mentalités des gens, soit ceux qui en profitent énormément ne veulent pas s'en dessaisir ; soit encore que les messages de non-discrimination sont mal véhiculés.

Parler de la discrimination dans le monde du travail au Togo revient finalement à se demander : Pourquoi, la prohibition de ce phénomène par le législateur demeure inefficace ? Quels sont les défis majeurs que le droit positif togolais et les acteurs en lutte contre la discrimination doivent relever ? Bref, quelles perspectives pour le monde du travail togolais face à une discrimination galopante ?

Les réflexions que nous menons sur la discrimination dans le monde du travail au Togo présentent un intérêt certain et ce, à plus d'un titre.

D'une part, sur le plan théorique, cette étude met en exergue les lacunes de la législation antidiscrimination togolaise tout en proposant des solutions aux pouvoirs exécutif et législatif. Elle constitue également une source d'inspiration pour les juristes et non juristes dans la rédaction des documents stratégiques.

D'autre part, sur le plan pratique, ce travail permet d'abord à tous les acteurs du monde du travail togolais de découvrir de manière claire le vrai visage de la discrimination qui se pratique au Togo, en cernant avec précision des solutions en veilleuse qui peuvent être mises à jour pour baliser la voie à l'égalité entre tout le monde. Ensuite, les questions liées à la discrimination dans le monde du travail constituent le cheval de bataille de nombreuses

40 Prof. WOLOU (K.), op. cit. p. 3

41 Voir infra pp. 29 et 30

organisations de la société civile togolaise. Celles-ci vont pouvoir s'en inspirer pour informer les travailleurs sur leurs droits et les dispositions à prendre pour prévenir les discriminations au mieux pour sanctionner les auteurs de celles-ci en cas de leur survenance. En outre, ce travail devra conscientiser les organisations d'employeurs sur le rôle qui est le leur face à la problématique de la discrimination. Enfin, les organisations de travailleurs y trouveront les réponses claires à leurs diverses inquiétudes afin de mieux orienter leurs actions pour défendre et accompagner les travailleurs victimes de la discrimination.

Le préambule de la constitution togolaise de la IVème République du 31 décembre 2002 dispose que le peuple togolais a « [---] décidé à bâtir un Etat de Droit dans lequel les droits fondamentaux de l'Homme, les libertés publiques et la dignité de la personne humaine doivent être garantis et protégés [---] ». En conséquence, il urge de restaurer les principes qui gouvernent le monde du travail : l'égale dignité humaine, la solidarité, l'égalité de chance de traitement de rémunération, la liberté individuelle, le respect des différences, la justice et la démocratie.

Sur ce, le grand défi auquel doit faire face le Togo est la lutte effective contre la discrimination dans le monde du travail. Malheureusement, nonobstant l'existence de quelques protections théoriques et pratiques, la prohibition de ce phénomène demeure inefficace (partie I). Ce qui nous amène à analyser les voies et moyens en vue d'une meilleure protection contre la discrimination et dans le but de bâtir un monde du travail qui restera à l'abri de celle-ci (partie II).

Première Partie : L'inefficacité de la prohibition de la discrimination dans le monde du travail au Togo.

Deuxième Partie : Pour une protection plus efficace contre la discrimination dans le monde du travail au Togo.

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PREMIERE PARTIE

L'INEFFICACITE DE LA PROHIBITION DE
LA DISCRIMINATION DANS LE MONDE DU
TRAVAIL AU TOGO

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La discrimination est une injustice sociale qui mine le monde du travail togolais. Pour l'éradiquer, l'Etat togolais a dû ratifier des conventions internationales et régionales. Il a par ailleurs, adopté une abondante législation en la matière42. Il s'agit d'un arsenal juridique en constante évolution. Des politiques ont été engagées par l'Etat togolais aussi bien que par les acteurs du monde du travail pour contrer ce mal. Pourtant, cette prohibition est restée inefficace.

L'inefficacité est le fait de ne pas apporter le résultat escompté. La prohibition sous-entend l'interdiction légale. Ainsi, nous pouvons dire que la proscription ou l'interdiction formelle de la discrimination dans le monde du travail togolais reste lettre morte.

Pourquoi la prohibition de la discrimination dans le monde du travail au Togo demeure telle inefficace ?

L'inefficacité de la prohibition de la discrimination dans le monde du travail au Togo est une évidence dans la mesure où la législation anti-discrimination togolaise est insuffisante. Malgré qu'elle existe, la discrimination continue à être institutionnalisée. Le droit positif togolais n'assure donc pas une protection efficace contre la discrimination dans l'univers du travail. L'absence de dispositions concrètes pour assurer l'égalité au sein du monde du travail devient donc une sérieuse préoccupation.

La mise en application effective de cette législation pose un problème réel et sérieux si la rigueur de la loi et la bonne foi ne sont pas mises au service de la promotion du principe de non-discrimination et de l'égalité dans le monde du travail togolais.

L'inefficacité de la prohibition de la discrimination dans le monde du travail tant dans le secteur privé que dans le secteur public togolais s'explique doublement. Il s'agit d'une part de la législation anti-discrimination togolaise qui demeure encore insuffisante (chapitre I) et d'autre part de la discrimination qui persiste toujours dans le monde du travail (chapitre II).

Chapitre premier : L'insuffisance de la législation anti-discrimination. Chapitre second : La persistance de la discrimination.

42 Supra, p.4

CHAPITRE I

L'INSUFFISANCE DE LA LEGISLATION ANTI-DISCRIMINATION

Pour lutter contre la discrimination dans l'univers du travail togolais, un arsenal juridique a été mise en place afin de promouvoir l'égalité. Malheureusement, cette législation en raison de ses insuffisances n'arrive pas à assurer une protection efficace contre ce phénomène.

L'insuffisance, c'est ce qui comporte des carences. La législation anti-discrimination est l'ensemble de lois et mesures destinées à lutter contre la discrimination. Ainsi, l'insuffisance du droit positif togolais résulte du fait que les mécanismes mis en place pour contrer la discrimination présentent des lacunes, ce qui fait qu'il est inopérant.

Qu'est-ce qui explique réellement l'insuffisance de la législation anti-discrimination togolaise ?

Malgré la floraison de législation anti-discrimination, la discrimination persiste43 dans le monde du travail togolais. Cette législation demeure donc impuissante à éradiquer la discrimination. En effet, avec le droit positif togolais actuel, les différentes formes de discrimination sont imprécises. La preuve de la discrimination reste très difficile à rapporter. Les sanctions de la discrimination ne sont pas suffisamment dissuasives. La politique de la discrimination positive constitue un défi difficile à relever. Toutes ces insuffisances font que cette législation peine toujours à constituer une barrière à la discrimination.

Les lacunes que présente la législation togolaise sur la lutte contre la discrimination dans le monde du travail proviennent du fait que le législateur n'a préciser les différentes formes de discriminations qui sévissent dans l'univers du travail (Section I) et de la fragilité des dispositions prises pour lutter contre la discrimination (Section II).

Section 1 : Une imprécision des différentes formes de discrimination

Au Togo, plusieurs sortes de discrimination cohabitent dans la sphère du travail. Elles peuvent être directes ou indirectes, être le fait du harcèlement ou d'un ordre reçu. Mais force est de constater que le législateur togolais n'a pas daigné préciser les contours des discriminations directes et indirectes. Ce dernier, en effet a gardé un mutisme total sur celles-ci (§1) et sa précision des autres formes de discriminations reste très insuffisante (§2).

43 Infra, p. 35

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Paragraphe 1 : L'imprécision des discriminations directe et indirecte

La définition de la discrimination passe par la reconnaissance de la discrimination directe et de la discrimination indirecte. Malheureusement, le législateur togolais a manqué de les clarifier. Il s'ensuit de sa part, une absence de qualification de la discrimination directe (A) et de la discrimination indirecte (B).

A- Une absence de qualification de la discrimination directe

La protection contre la discrimination dans le monde du travail a commencé avec la discrimination directe44 car elle a été la première à voir le jour45. Selon l'article 2 paragraphe1.a de la directive européenne 2000/43 du 29 juin 2000 relative à l'égalité raciale, la discrimination directe est constituée lorsqu'une personne ou un groupe de personnes est traité de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable sur la base d'un ou de plusieurs critères discriminatoires.

Au Togo, le législateur n'a pas clarifié le concept de discrimination directe. Cela s'observe à trois niveaux.

Primo, au regard de l'article 3 alinéa 1er du CTT qui dispose que « Toute discrimination directe [---] en matière d'emploi et de profession est interdite », le législateur n'a pas élucidé cette notion. Le CTT prohibe la discrimination directe sans dire avec exactitude ce qu'il en est. La même lacune est à observer au niveau de l'article 303 du CPT qui dispose que « Toute discrimination directe [---] à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personne est interdite ». Secundo, il y a lieu de relever que le Statut Général de la Fonction Publique Togolaise (SGFPT) n'a fait mention nulle part de la discrimination directe. L'article 45 dudit statut qui proscrit toute discrimination entre les candidats à l'emploi ne détermine pas la nature de ces discriminations. Cette situation à notre avis est de nature à semer la confusion dans l'esprit des acteurs du monde du travail d'autant plus que cette notion n'est pas définie. Tertio, aucune disposition de la constitution togolaise ne fait allusion de manière expresse au concept de la discrimination directe.

La législation anti-discrimination togolaise ne clarifie donc pas du tout ce qu'il convient d'appeler discrimination directe. Cet état de choses crée un vide juridique. Elle ne permet pas de cerner et de comprendre ce qu'est la discrimination directe. C'est ce qui nous amène à

44 RIVET (M), « la discrimination dans la vie au travail : le droit à l'égalité à l'heure de la mondialisation » (2003-04) 34 R.D.U.S. p.284

45 La loi n°72-546 du 1er juillet 1972, dite « loi PLEVEN », est le premier texte législatif qui a créé le délit de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence raciales, ainsi que le délit de discrimination.

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émettre ces interrogations : quand peut-on parler de discrimination directe ? Qu'est-ce-que la discrimination directe ? Qu'est-ce-qui caractérise cette discrimination ? Le législateur a gardé un mutisme total sur ce plan. Nous estimons qu'il n'a pas daigné élucider cette notion de discrimination directe ou qu'il a tout simplement préféré faire économie de ses explications.

A l'instar du législateur togolais, les législateurs ivoirien et français ne clarifient pas non plus la notion de discrimination directe. On en déduit que ces législations ont du mal à cartographier la discrimination directe. Pourtant, cette notion est définie clairement par l'article L. 241-1. (2), du Code du Travail du Luxembourg (CTL)46. Mais ce CTL a fondé cette définition de discrimination directe uniquement sur le critère de sexe.

L'absence de clarification de la notion de discrimination directe par le législateur national, révèle sa défaillance à dessiner clairement les contours de ladite notion. En conséquence, cette défaillance du législateur est susceptible d'avoir pour corollaire l'impossibilité pour les acteurs du monde du travail de combattre efficacement ce phénomène puisque le législateur ne les informe pas utilement.

Au regard de la définition donnée par l'article 2 paragraphe1.a de la directive européenne 2000/43 du 29 juin 2000, discriminer directement une personne suppose la réunion de trois éléments : d'abord, un traitement différencié et préjudiciable dont est victime une personne par rapport à une autre ; ensuite un élément de comparaison qui suppose que la victime se trouve dans des circonstances matériellement similaires à la personne privilégiée et enfin les caractéristiques protégées47.

La discrimination directe est celle qui repose sans équivoque sur des critères protégés par le législateur national. Au rang de ces critères, nous recensons aux termes de l'article 3 al.2 du CTT et de l'article 307 du CPT : le sexe, la race, la couleur, la religion, l'appartenance ethnique, l'opinion politique ou philosophique, l'origine sociale, le statut juridique, l'ascendance nationale, l'état de santé ou le handicap et ceux de l'article 39 al. 1 du CTT qui ne sont qu'une reprise des critères de discrimination énumérés par l'article L.1132-1 du code du travail français (CTF) à l'exception des critères d'âge, de grossesse, d'orientation ou d'identité sexuelle, des caractéristiques génétiques, d'apparence physique, du nom de famille et du lieu de résidence. Par contre, l'article 45 du SGFPT, a fait une énumération très limitative desdits critères qui sont : le sexe, le handicap physique, l'ethnie, l'opinion politique,

46 « Discrimination directe » : la situation dans laquelle une personne est traitée de manière moins favorable en raison de son sexe qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne le serait dans une situation comparable, [---] »

47 Manuel de droit européen en matière de non-discrimination, édition Conseil de l'Europe, juillet 2010, p.24-32

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philosophique ou religieuse. La constitution togolaise n'est pas du reste48. Le SGFPT s'est beaucoup appesanti sur le critère du handicap physique tout en ignorant son aspect sensoriel et mental qui demeure non moins important. Tout comme le CTT, le SGFPT a également ignoré de prendre en considération le critère de grossesse. Loin de penser que les critères non énumérés par le législateur ont une moindre valeur, il faut relever plutôt que ceux-ci sont d'une importance capitale.

Rappelons que les conventions de l'OIT ont déterminé les critères qui sont obligatoires49 et laissé le soin à chaque pays de compléter éventuellement la liste en fonction de leurs réalités. C'est la raison pour laquelle ces critères peuvent varier d'un pays à un autre. Au Togo, les critères les plus usités pour discriminer dans le secteur formel sont : l'ethnie 17,18%, l'opinion politique 10,68%, l'origine sociale 6,85%,le sexe 6,69%, les moeurs 5,42%, l'âge 5,10% ; dans le secteur informel ces critères sont : l'ethnie et le sexe 20%, la religion 8%, l'âge, l'opinion politique et les activités syndicales 4%50. Ces statistiques témoignent de l'existence de la discrimination dans le monde du travail togolais. Il est clair que ces critères sont très déterminants dans la qualification de la discrimination directe.

La discrimination directe est patente. Elle est à la fois explicite et intentionnelle. Il s'agit de l'utilisation abusive par une personne de l'un des critères protégés, qui fonde l'inégalité de traitement dans le monde du travail.

La discrimination directe est d'une présence constante dans la sphère du travail au Togo. Mais, elle n'a pas fait l'objet d'une véritable précision. Elle est secondée par la discrimination indirecte qui n'a pas été non plus clarifiée.

B -Une absence de qualification de la discrimination indirecte

La discrimination indirecte est un concept novateur. Elle est élaborée par la Cour de Justice de l'Union Européenne. Mais il s'agit d'un concept juridique d'origine étasunienne51. Elle est consacrée par les arrêts Jenkins et Bilka52. Alors, qu'est-ce que la discrimination indirecte ? Comment pouvons-nous la reconnaître ou l'identifier ?

Le législateur togolais n'a pas élucidé cette notion. Même s'il la prohibe en disposant aux termes de l'article 3al.2 du CTT que « Toute discrimination [---] indirecte en matière d'emploi et de profession est interdite », celui-ci n'a pas daigné donner à ce terme un sens.

48 Article 2 et 11 de la Constitution de la IVème République du Togo du 31-12-2002

49 Supra, p. 1 et 2, voir la définition de la discrimination proposée par l'article 1, 1.a&b de la Convention de l'OIT (n° 111).

50 Prof. WOLOU (K.), op.cit. pp. 33 et 34.

51 Cour Supreme Griggs v. Duke Power Co,1971 401 US 424

52 CJCE 31 mars 1981, Jenkins, aff. 96/80, et CJCE 13 mai 1986, Bilka, aff. 170-84, en matière d'égalité professionnelle.

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Cette discrimination est aussi méconnue du système juridique de la fonction publique togolaise. En effet, le législateur n'a mentionné nulle part cette notion de discrimination indirecte. Aux termes de l'article 45 du SGFPT, il dispose qu'« il ne peut être fait aucune discrimination entre les candidats [---] »53. Mais de quelle discrimination s'agit-il ? Cette appréhension allusive de la discrimination laisse le monde du travail et ses partenaires perplexes.

Tout comme le CTT, ceux de la France, du Sénégal et du Bénin gardent le silence sur la notion de la discrimination indirecte. Ce qui n'est pas le cas du CTL qui la définit clairement sur la base du critère de sexe en son article L. 241-1. (2)54.

Cependant aux termes de l'article 2, paragraphe 1 point b), de la Directive européenne 2000/43/CE du 29 juin 2000 relative à l'égalité raciale, constitue une discrimination indirecte, une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre qui affecte une personne ou un groupe de personnes défini par une caractéristique protégée de façon nettement plus défavorable que d'autres personnes se trouvant dans une situation comparable55.

Au regard de cette définition, l'existence de la discrimination indirecte est subordonnée à une triple condition.

D'abord l'application dans une entreprise ou dans une administration, d'une disposition, d'un critère ou d'une pratique apparemment neutre56, dont l'incidence de leur mise en oeuvre produit finalement des effets discriminatoires.

Ensuite, « Un effet nettement plus défavorable sur un groupe protégé »57. C'est cet élément qui met la discrimination indirecte aux antipodes de la discrimination directe. Il s'agit d'un traitement égal fait aux groupes de personnes. Mais il y a lieu de relever que ce traitement produit des effets inéquitables et discriminatoires envers l'un de ces groupes58. Il est patent qu'en matière de discrimination indirecte, ce n'est pas le traitement qui diffère, mais ce sont les effets de ce traitement, lesquels sont ressentis différemment par des personnes présentant

53 Voir aussi : article 2, par 2.b, de la Directive sur l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail ; article 2, par 1.b, de la Directive sur l'égalité de traitement entre hommes et femmes (version refondue)

54 `' « Discrimination indirecte » : la situation dans laquelle une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre désavantagerait particulièrement des personnes d'un sexe par rapport à des personnes de l'autre sexe [...] »"

55 Exemple de discrimination indirecte : Cass. Soc. 3 juil. 2012, n° 10-23.013 ; Cass. Soc. 6 juin 2012, n° 10-21.489

56 Manuel de droit européen en matière de non-discrimination, op.cit. p.33

57 Manuel de droit européen en matière de non-discrimination, op.cit. p.34

58 GARNER-MOYER (H.), « discrimination et emploi : revue de la Littérature » Document d'Etudes réalisée pour le compte de la DARES. p.5

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des caractéristiques différentes. Il est donc évident que pour repérer cette discrimination, il faudra s'attacher à ses effets et non à ses causes.

Enfin, un élément de comparaison identique à celui de la discrimination directe qui permet de « déterminer si l'effet de la disposition, du critère ou de la pratique en cause est nettement plus préjudiciable que celui affectant d'autres personnes placées dans une situation comparable»59.

Il est extrêmement difficile de cerner et de déceler cette discrimination parce que, c'est une pratique occulte. Le législateur qui est censé indiquer la voie aux potentiels acteurs du monde du travail n'a pas eu une telle hardiesse. Pourtant, la discrimination indirecte est une réalité dans le monde du travail au Togo. Cette inertie du législateur constitue un handicap pour les acteurs du monde du travail.

La clarification de la discrimination indirecte est un impératif, car intégrer les besoins spécifiques de cette notion dans la législation anti-discrimination constituera un atout capital pour les acteurs du monde du travail.

La discrimination directe et la discrimination indirecte sont deux formes de discriminations que le législateur togolais n'a pas clarifiées. Il en est de même des autres formes de discrimination qui sont le harcèlement (partiellement clarifié) et l'injonction de discriminer.

Paragraphe 2 : L'insuffisance de précision des autres formes de discrimination Font partie intégrante de la famille de la discrimination l'injonction de discriminer et le harcèlement. Si la première n'a pas encore été prohibée par le droit positif togolais (B), la prohibition du second s'est faite avec beaucoup de défaillances (A).

A- La précision lacunaire du harcèlement

Dans l'univers du travail, le harcèlement est perçu comme un phénomène mondial. Il est considéré en vertu des Directives de l'Union européenne relatives à la non-discrimination comme une forme de discrimination « lorsqu'un comportement indésirable lié à une «caractéristique protégée » se manifeste, qui a pour objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité d'une personne, et/ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant »60. A cet effet, la Directive relative à l'égalité de traitement entre

59 Manuel de droit européen en matière de non-discrimination, op.cit. p. 35

60 Article 2, par. 3, de la Directive sur l'égalité raciale ; article 2, par 3, de la Directive sur l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail ;

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hommes et femmes fait du harcèlement sexuel une forme particulière de discrimination61. Le législateur togolais n'est pas resté en marge d'une telle appréhension. Ainsi, le harcèlement sexuel fait partie intégrante désormais du CTT de 2006. Cette consécration du législateur constitue une innovation salutaire car l'ancien code du travail de 1974 ne contenait aucune disposition en la matière.

L'article 40 alinéa 1er du CTT définit le harcèlement sexuel en ces termes : « Aucun salarié ne peut être sanctionné ni licencié pour avoir subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement d'un employeur, de son représentant ou de toute autre personne qui, abusant de l'autorité que lui confèrent ses fonctions, a donné des ordres, proféré des menaces, imposé des contraintes ou exercé des pressions de toute nature sur ce salarié dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d'un tiers ». A travers cette définition, la loi prohibe expressément le harcèlement sexuel. Pourtant, cette définition du harcèlement sexuel proposée par le législateur est peu convaincante du fait de sa double lacune.

D'une part, elle n'est pas assez précise. En effet, l'article 40 al. 1er précité ne comporte que les éléments de définition du harcèlement sexuel. Le législateur togolais n'a pas donné à cette notion une vraie définition. Cette insuffisance est tout de même compensée par l'article 399 du CPT qui dispose que « constitue un harcèlement sexuel, le fait pour une personne d'user d'ordre, de menace, de contraintes, de paroles, de gestes, d'écrits ou tout autre moyen dans le but d'obtenir d'autrui, contre son gré, des faveurs de nature sexuelle ».

Le législateur français plus explicite, sur la notion du harcèlement sexuel prévoit que ce harcèlement est constitué soit par des faits avérés et à caractères répétitifs62 soit par des faits assimilés au harcèlement sexuel même non répétés63.

D'autre part, l'article 40 al.1er du CTT est restrictif au sujet de la qualité des acteurs du harcèlement sexuel qui sont l'auteur de la discrimination et sa victime.

S'agissant de la victime, les femmes sont hautement plus touchées que les hommes par ce fléau comme en témoigne le rapport du Directeur général de l'OIT, « il s'agit d'une sorte particulière de violence qui touche principalement les femmes, mais non elles seules »64. Aussi, au Togo, 95,91% de victimes sont de sexe féminin et 4,08% seulement sont des

61 Article 2, par. 1. d, de la Directive sur l'égalité de traitement entre hommes et femmes (version refondue).

62 Article L1153-1° CTF

63 Article L1153-2° CTF

64 BIT, L'heure de l'égalité au travail, Rapport global en vertu du suivi de la Déclaration de l'OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail, Conférence internationale du travail, 91e session 2003, p. 20.

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victimes de sexe masculin65.Toutefois, le champ de protection de la loi est assez restreint, car, il ne protège que les salariés comme l'atteste si bien l'alinéa 1er de l'article 40 du CTT précité. Ce qui nous fait constater que le CTT exclut de sa ligne de mire les stagiaires qui font aussi partie du monde du travail, qui sont soumis au lien de subordination et sont donc exposés à cette discrimination. Le CTT n'ayant pas encore réglementé le contrat de travail des stagiaires, il les place dans une situation vulnérable. Les candidats à un emploi, les personnes exerçant une activité non salariée, sont aussi exclus de ladite protection.

Quant à l'auteur du harcèlement sexuel, selon le CTT, cette discrimination est intrinsèquement liée au lien de subordination. Ceci suppose donc que le harcèlement sexuel ne peut être évoqué qu'entre l'auteur du harcèlement en position de force usant de son autorité et sa victime en situation d'infériorité hiérarchique. Or le constat est que, le harcèlement sexuel peut aussi être l'oeuvre d'un collègue de travail ou d'un subordonné. Cette affirmation est d'ailleurs corroborée par les enquêtes de terrain menées par le Professeur Komi WOLOU. Selon ses études, les actes de harcèlement sexuel émanent de 35 Collègues de service et de 34 Supérieurs hiérarchiques dans le secteur formel et de 16 collègues de service contre 30 de la part des supérieurs hiérarchiques dans le secteur informel66. Ce qui montre à outrance les lacunes de la loi. Il s'agit d'approches limitatives du phénomène de harcèlement sexuel qui du coup réduit considérablement son champ d'application.

Si le législateur togolais s'est évertué pour faire sortir le CTT de sa léthargie en prohibant de manière systématique le harcèlement sexuel, il faut souligner que le SGFPT demeure toujours silencieux sur ce sujet. Même de nos jours, ce texte de loi ne contient aucune disposition expresse relative audit fléau. Est-ce une raison suffisante pour dire que le harcèlement sexuel est absent de la fonction publique togolaise ? Cette situation est déplorable dans la mesure où cette discrimination fait partie intégrante de cette fonction publique aussi bien que dans le secteur privé. Ne pas la prohiber, laissera le champ libre à ces auteurs de le perpétuer. Par contre, la prohibition du harcèlement sexuel par le SGFPT devrait assurer une protection aux agents soumis audit statut.

L'autre variante à laquelle font face les acteurs du monde du travail, est le harcèlement moral. Pourtant, le législateur togolais est resté muet sur ce sujet. En effet, ni le CTT, ni le SGFPT ni le CPT n'interdisent encore ce harcèlement. Le législateur français a quant à lui clairement

65 Prof. WOLOU (K), op.cit. p.37

66 Prof. WOLOU (K), op.cit. pp. 38 et 39

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prohibé cette discrimination67. Cette absence de considération de l'aspect psychique ou psychologique de la notion de harcèlement par le droit positif togolais marque l'existence « d'une violence non conscientisée en termes de responsabilités »68 et est susceptible de rendre difficile la tâche aux juges et aux inspecteurs de travail dans leurs prises de décisions69.

Constitue un harcèlement moral, les agissements répétés subis par un salarié, une personne en formation ou en stage, ayant pour objet non seulement la dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, mais aussi d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel70. Ce harcèlement est qualifié de discrimination lorsqu'il se fonde sur une caractéristique protégée qui est un motif de discrimination. En dehors d'un tel motif, le harcèlement moral est non- discriminatoire71. Ce qui veut dire que tout harcèlement moral n'est pas forcément une discrimination.

Que le harcèlement discriminatoire soit moral ou sexuel, celui-ci génère des impacts pervers. En effet, il nuit non seulement au bien-être des travailleurs mais aussi à leur productivité plus encore à leurs perspectives d'emploi et d'avancement, comme le reconnaissait déjà en 1985 la Conférence Internationale du Travail (CIT) à propos du harcèlement sexuel72. Pour toutes ces raisons, les harcèlements sexuel et moral doivent être combattus.

En s'inscrivant dans cette dynamique, l'avant-projet d'acte uniforme en droit du travail innove en prohibant en son article 12 les harcèlements sexuel et moral. Il s'agit d'une garantie qu'offre le législateur de l'OHADA aux acteurs du monde du travail de cet espace73.

A l'instar du harcèlement, l'injonction de discriminer est une forme de discrimination dans le monde du travail. Pourtant, celle-ci n'est pas encore interdite par le droit positif togolais.

B- L'absence de l'interdiction de l'injonction de discriminer

En ratifiant le 20 juin 1983 la Convention n° 111 de l'OIT concernant la discrimination en matière d'emploi et de profession de 1958, le Togo s'était engagé par le biais des articles 2 et 3 de ladite convention à interdire sur son territoire toutes les formes de discrimination. Malheureusement, à la lumière des textes de loi, aucune législation anti-discrimination ne

67 Article 1152-1à 1152-6 Code du Travail de la France (CTF) et article 6 Statut de la Fonction Publique de la France (SFPF)

68 Des décisions de justice citée par, PANIER (E), l'Etat et les relations de travail au Togo, thèse pour le doctorat en droit à l'Université Bordeaux IV - Montesquieu 7 décembre 2012 p.68

69 PANIER (E), op.cit. p.68

70 Article 1152-1 et 1152-2 du CTF

71 DOWD (M-A.), « Le harcèlement au travail : mise en oeuvre de la Charte des droits et libertés de la personne », Mini colloque Le harcèlement (ou la violence au travail), Montréal, 16 décembre 1999 : 14.

72 BIT, L'heure de l'égalité au travail, op.cit. p.95

73 REIS (P.), « Le droit du travail dans le droit de l'OHADA », Revue de l'ERSUMA : Droit des affaires - Pratique Professionnelle, Etudes N° 1 - Juin 2012, p.7

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prohibe le fait d'enjoindre à autrui la commission d'un acte discriminatoire. L'injonction de discriminer demeure dans l'ombre. Elle ne fait pas encore partie des annales de la législation anti-discrimination togolaise. Les dispositions sanctionnant cette discrimination sont donc absentes aussi bien du CTT que du SGFPT. Le Togo n'a pas encore légiféré sur ce fléau qui, pourtant est extrêmement discriminatoire. Il s'agit donc de déni de législation. Cette absence d'interdiction de l'injonction de discriminer, laisse entrevoir que le législateur ne prohibe pas toutes les formes de discrimination qui sévissent dans la sphère du travail togolais. La législation anti-discrimination togolaise ne permet donc pas une meilleure réception juridique des engagements internationaux ratifiés par l'Etat togolais et que le silence absolu du législateur sur la question n'est pas du tout satisfaisant.

L'inquiétude est de savoir pourquoi la prohibition de l'ordre de discriminer n'a pas encore pris corps dans le droit positif togolais ? L'absence initiale de l'interdiction de l'injonction de discriminer devrait baliser la voie à sa pratique sans que ses auteurs ne soient inquiétés.

Mais une interrogation certaine mérite d'être posée : qu'est-ce que l'injonction de discriminer dans le monde du travail ? « L'injonction de discriminer » ou « l'ordre de discriminer », est le fait pour une personne d'enjoindre ou d'ordonner à une autre de pratiquer une discrimination à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes sur la base d'un critère protégé par la loi74. Cette définition de l'injonction de discriminer présente une particularité. En effet, à la différence des autres formes de discrimination précitées, cette entreprise discriminatoire ne se réalise que par le concours d'une double volonté : d'une part, le donneur d'ordre qui intime l'ordre et d'autre part, l'exécutant de l'ordre qui est celui qui accepte d'accomplir la directive discriminatoire. Ceci suppose que « l'ordre de discriminer » ne peut aboutir qu'en la présence de ces deux auteurs. Il s'agit d'une condition sine qua non. A titre illustratif, le fait pour une entreprise sollicitant dans le cadre du recrutement de ses agents, l'expertise de l'Agence Nationale Pour l'Emploi (ANPE), ordonne à celle-ci de ne pas embaucher les candidats vivant avec un handicap physique alors qu'ils sont aptes à exercer l'emploi pourvut.

De l'injonction de discriminer se déduit une double responsabilité. Il s'agit non seulement de la responsabilité du donneur d'ordre mais aussi de la responsabilité de l'exécutant de l'ordre. Si la responsabilité du donneur d'ordre est indiscutable, par contre, doit-on toujours engager la responsabilité de l'exécutant de la discrimination dans la mesure où celui-ci ne fait qu'exécuter un ordre ?

74 Article 2, par 4, de la Directive sur l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail ; article 2, par. 4, de la Directive sur l'égalité raciale.

La discrimination dans le monde du travail au Togo Page 21

En matière civile, par assimilation à la responsabilité du commettant du fait de ses préposés, on ne saurait engager la responsabilité de l'exécutant75.

En matière pénale, en cas de commandement illégal, trois théories ont été avancées pour décider si la sanction doit intervenir ou non.

D'abord, l'obéissance passive, c'est-à-dire si l'on doit toujours obéir aux ordres du supérieur et qu'un ordre illégal est exécuté, il n'y a pas de sanction76.

Ensuite, lorsqu'il s'agit des « baïonnettes intelligentes », le subordonné est tenu d'apprécier le caractère légal et de n'exécuter que des ordres légaux. Au cas contraire, il encourt la sanction77.

Enfin, un subordonné qui exécute un ordre de son supérieur hiérarchique n'est pas responsable pénalement sauf si l'ordre est manifestement illégal78. C'est cette position que consacre le Code Pénal Français dans son article 122-4 al.2.

En France, rappelons qu'avant que l'interdiction de l'injonction à discriminer ne soit assortie de sanction en matière civile par la loi du 27 mai 2008, seul le Code Pénal permettait d'atteindre ce comportement sous l'incrimination de la complicité prévue par les articles 1216 et 121-7 du CP ou de la provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence raciale prévue par l'article R. 625-7 du CP79. Même si le CPT ne contient pas encore de dispositions expresses sanctionnant l'injonction de discriminer, on peut supposer qu'au regard de son article 23 qui dispose « que n'est pas pénalement responsable la personne qui commet un acte commandé par l'autorité légitime, sauf si cet acte est manifestement illégal » que le législateur prohibe l'ordre de discriminer. Toutefois, « il n'y a pas de responsabilité pénale lorsque l'auteur de l'infraction a agi sous l'empire de la contrainte ou d'une force à laquelle il n'a pu résister »80. En tout, la vraie prohibition de cette discrimination serait plus protectrice.

Au Togo, les discriminations sont donc multiformes dans le monde du travail. Toutes, violent les principes d'égalité, de liberté et de justice sociale. Pour mettre ce monde du travail à l'abri

75 Article 1384 al. 5 C.civ français

76 JurisPédia, Commandement de l'autorité légitime, consulté le 12 janvier 2017

77 Ibidem

78 Ibidem

79 Cour de Cassation Française Troisième partie : Etude : Les discriminations dans la jurisprudence de la cour de cassation « les discriminations dans le travail » Rapport annuel 2008

80 Article 27 CPT

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de ces discriminations, il faut les éliminer. Mais cette tâche étant ardue, le législateur a pris l'initiative de les encadrer. Malheureusement, cet encadrement demeure insuffisant.

Section 2 : Un encadrement inapproprié de la discrimination dans le droit positif

togolais

Le législateur togolais dans sa volonté d'éradiquer la discrimination dans le monde du travail dispose à cette fin d'un double outil. D'une part, il prohibe certaines discriminations qui sévissent. D'autre part, il engage une politique de discrimination positive à l'endroit des groupes considérés comme vulnérables. Mais l'analyse des différents textes révèle l'insuffisance de ces mesures. En effet, non seulement l'interdiction de la discrimination orchestrée par la loi comporte des lacunes (§1). Mais aussi, les textes qui sont censés protéger les groupes de personnes systématiquement désavantagées sont limités dans leur objet (§2).

Paragraphe 1 : Une prohibition insuffisante de la discrimination

Pour sanctionner les pratiques discriminatoires, il faut les prouver. Or, d'après la législation en vigueur, il est extrêmement difficile d'y parvenir (A) et les sanctions légales existantes demeurent problématiques (B).

A- La difficile preuve de la discrimination

La preuve de la discrimination désigne à la fois ce qui démontre, établit sa véracité et le procédé utilisé à cette fin. C'est donc ce qu'il faille prouver dans un cas de discrimination. Or parvenir à cette fin est une tâche ardue en droit togolais. Etudier la difficile preuve de la discrimination dans le monde du travail au Togo équivaut à s'atteler à son mode et à sa charge.

S'agissant du mode de la preuve de la discrimination, il est régi par le principe de la liberté. Ainsi, tous les moyens de preuve sont admis81. Le plaignant de discrimination peut utiliser tous les moyens dont il dispose pour faire valoir sa cause. Cela peut être des témoignages, des courriels, des échanges de courriers ou de courriels, des procès-verbaux des documents médicaux ou des constats d'huissier.

Quant à la charge de la preuve de la discrimination, elle varie selon qu'on est en matière pénale ou en matière civile.

81 DRAY (J.), « Discrimination au travail et charge de la preuve » 08/05/2012LegaVox.fr

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Au pénal, en vertu du principe de la présomption d'innocence82, il est du devoir du plaignant en l'occurrence la victime et/ou le Ministère Public d'apporter la preuve des faits qu'il dénonce. Dès lors, pour qualifier la discrimination de délit, la réunion de deux éléments est nécessaire : un élément matériel et un élément moral. S'agissant de l'élément matériel, la victime de la discrimination est tenue d'apporter un élément de fait devant permettre d'apprécier ce délit dans le cadre des actes dans la mesure où l'élément matériel n'est constitué que par un acte. En ce qui concerne l'élément moral, il s'agit de la volonté orientée vers l'accomplissement d'un acte prohibé par la loi. Cette preuve se révèle difficile à établir, surtout en cas de discrimination indirecte. Il s'agit en conséquence d'une preuve lourde pour le plaignant.

Au civil, en application de la maxime « actori incombit probatio » et selon l'article 1315 du Code Civil Français, la preuve de la discrimination incombe à celui qui l'allègue. Il s'agit du plaignant, donc de la victime. En vertu de cette règle de droit commun, l'employé qui s'estime victime de toutes formes de discrimination, a l'obligation d'en apporter la preuve car la preuve est la rançon du droit.

Cependant, force est de remarquer qu'un problème très délicat se pose en matière de la discrimination dans le monde du travail togolais, ce que Hélène MASSE-DESSEN83 a reconnu depuis 1995 en droit français. Il s'agit bien évidemment de celui de la preuve. En effet, au regard de l'article 43 du Code de Procédure Civile du Togo qui dispose qu'il « incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au soutien de sa prétention », il est extrêmement difficile à celui qui dépose une plainte en justice d'apporter la preuve de la discrimination dont il est victime. Démontrer l'existence de la discrimination n'est pas chose aisée pour la victime puisqu'elle supporte seule la charge de la preuve. Etablir la preuve de toute forme de discrimination se révèle donc très difficile en droit positif togolais. Outre la difficulté de la victime à rapporter la preuve de la discrimination parce que se trouvant seule dans sa mission probatoire, l'auteur de la discrimination mettra tout en oeuvre pour occulter son délit84. Face à cette situation problématique qui prévaut, on a du mal à comprendre pourquoi le législateur togolais n'entreprend pas des démarches idoines afin d'alléger la tâche au plaignant.

82 Article 18 al.1er Constitution Togolaise de la IVème République, 2002 ; Article 9-1 al. 1er Code Civil français ; article 11-1 DUDH, 1948 ; Article 9 DDHC, 1789.

83 MASSE-DESSEN (H.), « La résolution contentieuse des discriminations en droit du travail », Droit Social, mai 1995

84 GUISLAIN (V.), Etude : la preuve de la discrimination en droit du travail, 15/09/2012 LegaVox.fr, p.3

La discrimination dans le monde du travail au Togo Page 24

Il est regrettable que la preuve de la discrimination dans le monde du travail au Togo soit restée dans son état embryonnaire. Elle n'a connu aucune évolution. Pourtant, le législateur français a pris le soin d'aménager la charge de la preuve de la discrimination en matière civile. En effet, il a procédé au renversement de ladite charge par la loi n°2001-1066 du 16 novembre 200185 au profit de la victime. Ainsi, le demandeur doit apporter les éléments de faits laissant supposer la discrimination dont il prétend être victime et il revient alors au défendeur de démontrer que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Il en est de même de l'article L. 244-3 du CTL. Pour remédier à l'inertie du législateur togolais, il serait souhaitable que celui-ci se mette au diapason de son homologue français.

Le droit togolais ne permet pas aux parties à un procès en matière de discrimination d'alléguer leurs prétentions sur un pied d'égalité. Le discriminé se trouve dans une situation de net désavantage qui ne lui permet pas de présenter ses preuves de manière raisonnable. Ce qui laisse supposer que ce droit pratique indirectement la discrimination à l'égard des victimes. La difficile preuve de la discrimination est un obstacle majeur pour la victime, ce qui justifie que le contentieux ait bien du mal à émerger86 et l'inertie de la jurisprudence en la matière.

Face à la délicate situation de la preuve en matière de discriminations, celles-ci resteront impunies et persisteront largement dans un monde du travail sans soutien probatoire. Toutefois, une discrimination prouvée, devrait recevoir l'application des sanctions. Mais, celles-ci sont problématisées.

B- La problématique des sanctions de la discrimination

Les sanctions, quelle que soit leur nature ont une double finalité. Elles ont soit une fonction préventive destinée à dissuader la commission de la discrimination ; soit une fonction punitive ou répressive visant à condamner l'auteur de la discrimination à des peines et à réparer le préjudice causé. Elles peuvent avoir les deux fonctions à la fois. En droit togolais, l'auteur de la discrimination dans le monde du travail s'expose à trois types de sanctions : des sanctions disciplinaires, civiles ou pénales.

D'abord, les sanctions disciplinaires sont des actes unilatéraux que la loi habilite l'employeur à prendre pour punir le comportement fautif de l'employé. En effet, à l'instar de l'article 41.al1er du CTT qui dispose qu'est passible d'une sanction disciplinaire tout salarié qui

85 Loi modifiant l'art L1134-1 (ancien art L122-45) du Code du travail et renverse la charge de la preuve

86 DANIS-FANTÔME (A.), « Le dispositif propre à la charge de la preuve, frein ou outil de lutte contre les discriminations ? », La Revue des droits de l'homme [En ligne], mis en ligne le 04 mars 2016.

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commet des actes de harcèlement sexuel, le SGFPT en son article 166 prévoit que « tout manquement aux [...] conventions internationales (relatives à la lutte contre la discrimination) ratifiées par la République togolaise, constitue une faute disciplinaire passible d'une sanction disciplinaire ». Le CTT n'a cependant pas définie la liste de ces sanctions disciplinaires. Ce qui n'est pourtant pas le cas du SGFPT87. Nous supposons que de par son silence, le CTT laisse la latitude aux employeurs de pouvoir choisir eux-mêmes ces sanctions. Mais, le législateur ne doit-il pas encadrer une telle liberté ? Dans la mesure où l'employeur peut la compromettre en infligeant aux salariés coupables des sanctions qui ne reflètent pas leur véritable identité. Pour se mettre à l'abri d'une telle éventualité le CTT doit déterminer la liste devant définir les sanctions disciplinaires. Toutefois, l'employeur peut se référer à la liste des sanctions prévues par l'article 58 de la CCIT88. Néanmoins une sanction disciplinaire est nulle si elle a pour base un critère de discrimination.

Ensuite, les sanctions civiles : la victime est titulaire de l'action civile. Cependant, le législateur reconnaît ce pouvoir aussi bien aux représentants syndicaux89 qu'aux délégués du personnel90. Par contre, la loi a limité la représentativité de la victime en instance civile en ignorant de prendre en considération la société civile en lutte contre la discrimination aussi bien dans le CTT que dans le SGFPT.

Le législateur a procédé à une distinction des sanctions civiles selon qu'il s'agisse de la nullité absolue de certaines mesures discriminatoires ou de l'allocation des dommages et intérêts D'une part, le législateur illumine notre religion par deux textes de loi au sujet de la nullité absolue des mesures discriminatoires. Ainsi par l'article 3 al 3 du CTT, il dispose qu'« est nulle de plein droit toute disposition discriminatoire figurant dans un contrat de travail, un barème de salaire, une convention ou un accord collectif de travail ». De même, aux termes de l'article 39 al. 3 du même code, le législateur déclare que « toute disposition ou tout acte contraire à l'égard d'un salarié est nul de plein droit ». De ces deux dispositions précitées, il résulte que les mesures prises par l'employeur n'ont aucun fondement légal, raison pour laquelle le législateur évoque leur nullité. Le législateur a aussi un souci de protection du salarié. En effet, ces dispositions sont insuffisantes car elles ne protègent pas les stagiaires.

87Article 171 : Les sanctions disciplinaires du 1er degré : l'avertissement, le blâme avec ou sans inscription au dossier, le déplacement d'office, la mise à pied ne pouvant excéder un (01) mois et 172 SGFPT : Les sanctions disciplinaires du 2ème degré : la rétrogradation ou l'abaissement de classe, la révocation sans suspension des droits à pension, l'exclusion temporaire, la radiation d'avancement d'échelon.

88 L'avertissement avec inscription au dossier, la mise à pied d'un à huit jours avec privation de salaire, la mise à pied aggravée de un à quinze jours avec privation de salaire, le licenciement avec préavis, le licenciement sans préavis en cas de faute lourde.

89 Articles 7al 1 CTT et 243 SGFPT

90 Article 212 al 1 CTT

La discrimination dans le monde du travail au Togo Page 26

Cette situation est justifiée par l'absence de réglementation de leur travail aussi bien par le CTT que par le SGFPT.

D'autre part, les dommages et intérêts sont destinés à la réparation du préjudice moral ou corporel subi par la victime de la discrimination. Ils peuvent être compensatoires ou moratoires. Ce sont des sanctions pécuniaires. Aux termes de l'article 41 al 2 du CTT, les dommages et intérêts sont dus en cas de discrimination directe ou indirecte91 et de harcèlement sexuel92 pratiqués à l'encontre d'un salarié. Mais, comment peut-on évaluer ces dommages et intérêts ? Le législateur n'ayant pas abordé ce sujet, il revient aux juges de fixer cette indemnité. Toutefois, ils devraient prononcer des dommages et intérêts à la hauteur de la gravité des pratiques discriminatoires.

Enfin, les sanctions pénales prononcées à l'encontre de l'auteur de la discrimination. L'évocation de ses sanctions revient à s'intéresser aussi bien à celles que prévoient le CTT que le CPT. Le législateur fait de la discrimination un délit. Ce qui fait que tout comportement discriminatoire qu'il soit une discrimination directe ou indirecte ou un harcèlement sexuel est passible d'une amende et/ou d'une peine d'emprisonnement.

S'agissant des textes répressifs du CTT, ce sont des amendes qui sont des peines pécuniaires obligeant le condamné à verser une certaine somme d'argent au trésor public93. Celles-ci sont de cent mille (100 000) à un million (1 000 000) de francs fixés par l'article 301alinéa 1du CTT. Aussi, le même article prévoit des peines d'emprisonnement dont le quantum est de trois (03) à six (06) mois d'emprisonnement. Ce sont des peines privatives de liberté, de nature correctionnelle consistant à l'incarcération du condamné pendant un temps fixé par le juge dans les limites prévues par la loi.

Ces deux peines précitées peuvent être aussi bien cumulatives ou non. Toutefois, l'article 301 alinéa 2 du CTT dispose qu'« en cas de récidive, la peine est portée au double ». Malheureusement, ces deux sanctions sont non dissuasives au regard de la gravité de l'infraction et sa persistance.

Malgré la réforme du CTT de 2006 et celle du SGFPT de 2013, ils sont encore parsemés de lacunes. Ils ne contiennent pas de dispositions sanctionnant les personnes morales. Dans ce cas, n'est-il pas possible qu'une personne morale se rende coupable de délit de discrimination

91 Article 39 CTT

92 Article 40 CTT

93 Articles 75 et 76 du CPT

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dans le monde du travail ? On pourrait supposer que c'est parce que, le CPT94 a déjà décanté la situation que le CTT et le SGFPT ont jugé utile de ne plus en parler. Jusqu'alors, le CTT ne sanctionne pas non plus la violation des règles du contrat de travail temporaire et celui des stagiaires alors qu'ils sont constamment objet de discrimination. Même si les sanctions civiles sont très prisées, le législateur s'efforce tout de même de créditer les peines pénales.

En ce qui concerne la répression des discriminations par le CPT, dans sa nouvelle version, le législateur a prévu une pléiade de sanctions.

L'article 308 al.1er du CPT dispose que « tout acte de discrimination en matière d'emploi et de profession est puni d'une peine d'emprisonnement de six (06) mois à deux (02) ans et d'une amende de cinq cent mille (500. 000) à deux millions (2.000. 000) de francs CFA ou de l'une de ces deux peines ». Il s'agit des mêmes peines que prévoit le CPT en matière de discrimination d'ordre général95, de discrimination dans le domaine de l'enseignement96, de discrimination à l'égard des femmes97 et de discrimination à l'égard des personnes atteintes du Virus de l'Immunodéficience Humaine (VIH)98. Si pour une première fois dans l'histoire du Togo, le CPT interdit la discrimination dans le domaine de l'enseignement, il faut reconnaître qu'il compatit aux cris d'alarme des femmes et aux sollicitations de la société civile qui lutte contre la discrimination et qui prône l'égalité du genre car, en pénalisant la discrimination à l'égard des femmes, le CPT entend donner la liberté aux femmes dans l'exercice de leur droit. Le CPT fait du harcèlement sexuel une priorité en infligeant aux personnes qui se rendent coupables de ce délit, des peines supérieures aux autres types de discrimination incriminées par ce code99. Ces sanctions dénotent la particularité de celles-ci.

Le harcèlement moral et l'injonction de discriminer restent quant eux impunis aussi bien par le CTT que par CPT. Alors qu'ils sont omniprésents dans le monde du travail.

L'homosexualité est interdite par l'article 392 al.1er du CPT et sanctionnée par l'article 393 du même code. On pourrait penser qu'il s'agit en principe d'une discrimination flagrante dont se rend coupable le législateur togolais. Mais compte tenu de nos moeurs, ériger cette orientation sexuelle en délit n'est pas une discrimination en soi. C'est à juste titre que le Président sénégalais Macky SALL répondait à l'ancien Président des Etats Unis Barack OBAMA que si

94 Articles 53 et 54 du CPT

95 Article 305 CPT

96 Article 310 CPT

97 Article 312 et 313 CPT

98 Article 315, 316 CPT

99 Art. 400 du CPT, coupable : 01à 03 ans d'emprisonnement et 1.000.000 à 3.000.000 F.CFA d'amendes. Harcèlement commis : 03 à 05 ans d'emprisonnement et 3.000000 à 5.000000 F.CFA d'amendes.

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l'homosexualité constitue un droit en Occident, en Afrique, c'est une question de société100. Rappelons qu'en France, l'homosexualité reste un droit101.

Le CPT a fait l'effort d'être un fourre-tout. Eu égard aux sanctions prévue par ce code, on voit bien que le législateur a fait un effort louable en prévoyant des peines pour certains types de discrimination, ce que n'avait pas fait l'ancien code pénal. Il reste que ses sanctions soient effectivement mises en application d'autant plus que souvent de beaux textes sont élaborés mais finissent par somnoler dans les placards de l'administration.

Outre les insuffisances des sanctions prises par le législateur pour contrer la discrimination, il faut également souligner que la plupart des dispositions mises en place pour protéger les personnes qualifiées de vulnérables présentent des lacunes.

Paragraphe 2 : Une consécration insuffisante de la discrimination positive

Née aux États-Unis dans les années 1960-1970 sous le nom d'« affirmative action », la « discrimination positive » appelée aussi « action positive » avait pour but d'aider les descendants d'esclaves qui souffraient de discrimination, notamment en ce qui concerne l'accès à un emploi décent102. Aujourd'hui, la discrimination positive est ancrée dans plusieurs législations anti-discriminations et vise à éradiquer la discrimination subie par une catégorie de personnes qui sont systématiquement désavantagées surtout dans le monde du travail en leur faisant bénéficier un traitement préférentiel afin de rétablir l'équilibre. Elle renverse ainsi le fonctionnement de la discrimination.

Au Togo, les mesures prises pour protéger les personnes vulnérables afin de leur faciliter l'accès à l'emploi sont insuffisantes (A) et génèrent des incidences perverses (B).

A-L 'insuffisance de la réglementation de la discrimination positive

La politique de discrimination positive du Togo en matière d'emploi a connu une légère évolution qui pourtant reste problématique. Les avancées réelles enregistrées par l'Etat togolais ces dernières décennies s'inscrivent dans le renforcement du cadre juridique national par l'intégration des conventions internationales. Au Togo, « l'affirmative action » est essentiellement orientée vers les personnes en situation de handicap et les femmes qui sont souvent victimes de traitement défavorable en raison de leur état vulnérable.

100 Propos tenus à la conférence de presse à Dakar au Sénégal en 2013 lors de la visite de Barack OBAMA

101 Cass.soc. 6 novembre 2013 n° 12-22.270

102 www.wikipédia.org/wiki/ Discrimination, consulté le 10 janvier 2017

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S'agissant des personnes handicapées telles que définies par l'article 152 du CTT, il est évident que celles-ci n'auront certainement pas la chance d'être embauchées par des employeurs déterminés à ne pas supporter leurs charges supplémentaires. C'est justement pour cette raison qu'ils bénéficient d'une protection légale particulière103. La discrimination positive au Togo à l'égard des personnes handicapées a consisté à la ratification des conventions internationales à l'instar de celle des Nations Unies relative aux Droits des Personnes Handicapées. Celle-ci, ratifiée le 1er mars 2011, a une valeur universelle et a le mérite de faciliter l'insertion professionnelle des personnes handicapées.

Pour atteindre cet objectif, le législateur a également renforcé sa législation nationale. Primo, l'article 308 al.2 du CPT, ne pénalise point les mesures incitatives en faveur des personnes vivant avec un handicap. Cette absence de sanction est de nature à encourager la pratique de la discrimination positive à l'endroit des personnes handicapées. Secundo, la loi du 23 avril 2004 portant protection sociale des personnes handicapées consacre aussi une protection particulière aux personnes handicapées. Tertio, aux termes de l'article 153 du CTT, il est mentionné que « Les conditions de travail des personnes handicapées sont déterminées par décret en conseil des ministres ». Ces conditions de travail portent soit sur des mesures incitant104 et favorisant le recrutement des personnes handicapées dans les entreprises, soit à l'aménagement raisonnable de leurs lieux de travail.

Malheureusement, la réalité en est tout autre car le décret relatif aux conditions de travail des personnes handicapées est jeté aux oubliettes. En effet, les règles réglementaires devant être prises en application des dispositions du CTT sont restées lettre morte et, aucun « traitement différentiel » n'est prévu dans ce sens. L'absence notoire de prise de décret fait que les lois édictées en la matière sont restées inutiles et vaines. Cet état de choses bloque considérablement toute politique s'inscrivant dans la mise en oeuvre des droits des personnes handicapées. Toutefois, il s'est avéré « que lors du concours de recrutement de 2008, le Ministère de l'Action sociale avait fait un plaidoyer en faveur du recrutement des personnes handicapées. Cette action a permis le recrutement de 66 agents selon les autorités du ministère, 37 selon la FETAPH »105. Pourtant, ces mesures ne sont qu'éphémères, d'où l'impérieuse nécessité de prendre un décret devant résoudre définitivement le problème aussi

103 Article 33 CT « L'Etat prend ou fait prendre en faveur des personnes handicapées [...] des mesures susceptibles de les mettre à l'abri des injustices sociales ».

104 Article 16, 1 CSS

105 Prof. WOLOU (K.), op. cit. p.21

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bien dans l'administration publique que dans le secteur privé. L'inclusion des personnes handicapées dans le monde du travail se révèle donc très délicate.

Restant toujours dans le cadre des conditions de travail des personnes handicapées, selon l'article 155 al 2 CTT, celles-ci doivent exercer à la fois un travail convenable et compatible avec leur capacité. A défaut, leur contrat sera résilié ce qui leur donnera droit à une allocation d'indemnité de préavis et éventuellement une indemnité de licenciement.

La politique de discrimination positive engagée par l'Etat à l'endroit des personnes handicapées est restée pendant longtemps stéréotypée surtout que la législation-antidiscrimination n'est pas effective, à cause de l'inexistence de mesures d'application, ni de mesures de suivi d'exécution de celle-ci. En conséquence, « la mesure de leur degré de mise en oeuvre est difficile, voire impossible»106.

Il y a lieu de relever l'absence de dispositions aussi bien dans le CTT, dans la CCIT que dans le SGFPT prévoyant un quota pour l'emploi des personnes en situation de handicap. Cette situation met le législateur togolais en arrière-garde par rapport à son homologue ivoirien qui a pris la mesure de la chose en faisant aux termes de l'article 12.2. de son code du travail obligation à l'employeur de réserver un quota d'emplois aux personnes vivant avec un handicap qui possèdent la qualification professionnelle requise.

L'expression « personne handicapée » retenue par l'article 152 du CTT est à notre avis discriminante pour cette catégorie de personne. En effet, cette désignation les considère comme des personnes inaptes à exercer un travail, comme des malades. Alors qu'il est possible que les personnes ayant une incapacité peuvent ne pas être éternellement handicapées107. Il est donc clair que le CTT pratique la discrimination à leur égard.

Quant aux femmes, trois conventions internationales ont été ratifiées à leur profit. Il en est ainsi sur l'échiquier international, de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes du 18 décembre 1979 ratifiée par le Togo le 26 décembre 1983 (CEFDF), la Conférence de Beijing de 1995 ratifiée par le Togo le 18 septembre 1983, et au régional, de la Charte Africaine des droits de l'Homme et des peuples relatif aux droits des femmes en Afrique dite Protocole de Maputo en 2005.

106 KOMBATE (K. L.), Analyse comparative des textes législatifs existant au Togo et le degré de prise en compte des personnes handicapées, en particulier les enfants, au regard des conventions internationales, novembre 2013, p.26

107 GOFFMAN. (E), Stigmate : les usages sociaux des handicaps, Paris, Éditions de Minuit, 1975

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En droit positif togolais, le législateur consacre une protection spéciale à la femme enceinte dans l'exercice de sa fonction aussi bien dans le CTT108, dans le SGFPT109 que dans le CSS110. Ce qui lui permet de bénéficier des prestations qui lui sont dues en période pré et post maternité tout en conservant son emploi. Toutefois, cette protection demeure inefficace car la grossesse est toujours signe de discrimination surtout dans le secteur privé.

La qualité du chef de famille du mari maintenue dans le droit positif togolais est une véritable entorse au principe de l'égalité des sexes111. En effet, selon les dispositions des articles 5 et 132 du CGIT, « les femmes sont plus sévèrement imposées que les hommes alors que dans la réalité elles assurent autant, sinon parfois plus que les hommes, les charges du ménage. Une femme fonctionnaire mariée et mère continue d'être imposée comme une personne seule n'ayant aucune charge»112. Cette fonction reconnue au mari spolie considérablement la femme de plusieurs avantages et handicape ainsi la politique d'« affirmative action » qui leur est dévolue. Cette qualité de chef de famille conforte d'ailleurs l'homme dans ses prises de décision et relègue la femme au second plan.

Une législation oeuvrant à faire de la femme une élite devrait en principe parer à ces inégalités et iniquités. Cependant, celle-ci regorge des dispositions défavorables à la femme, par-dessus tout, elle a toujours du mal à intégrer efficacement en son sein les conventions internationales et régionales ratifiées. Face à cette situation, la politique de discrimination positive ne peut être que vouée à l'échec. Ce qui justifie la difficile pénétration de la femme dans le monde du travail togolais. Les femmes togolaises n'échappent donc pas à l'infériorisation sur le marché du travail. Leur sous-représentation dans la fonction publique est manifeste : 10,87% catégorie A1 ; 17,86% catégorie A2 ; 20,98% catégorie B ; 26,08% catégorie C ; 15,35% catégorie D113 en sont les parfaites illustrations. Ces politiques n'impactent pas réellement le bien être des femmes.

Pire, au Togo, la parité n'est qu'une question de fait dans le monde du travail en raison de l'inexistence d'une loi en la matière. Même s'il existe une loi qui encourage les candidatures féminines aux élections législatives114 nous estimons qu'elle est illusoire eu égard à la faible participation des femmes à l'élection législative du 25 juillet 2013, de leur absence à

108 Articles 147, 148 et 149 CTT

109 Articles 225, 226, 227, 228, 229 et 230 SGFPT

110 Articles 38 et 39 du CSS

111 Prof. WOLOU (K), op. cit. p.24

112 Livre blanc : Femmes Togolaises : Aujourd'hui et Demain, COPEF, 2e édition 2007, p 45.

113 Prof. WOLOU (K.), op. cit. p.48

114 L'article 220 al. 5 de la loi portant modification de la loi n° 2012 du 29 mai portant code électoral « Les listes des candidats présentés par tout parti politique ou regroupement de partis politiques légalement constitués ainsi que par les personnes indépendantes doivent respecter dans l'ensemble, la parité homme-femme ».

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l'élection présidentielle du 25 avril 2015 et de leur faible représentativité dans l'actuel hémicycle dont leur taux est seulement que de17, 58%. Il est évident que le Togo n'arrive pas à atteindre le taux de 30% que recommande le programme d'actions de Beijing de 1995.

En reprenant la définition de la discrimination telle consacrée par la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes en son article premier, l'article 311 du CPT procède en tout état de cause à une innovation importante. Ce texte de loi anoblit la femme togolaise dans ses droits car théoriquement, elle peut aujourd'hui prétendre disposer des mêmes droits que l'homme.

Il est clair que des avancées significatives ont été réalisées, mais, la marche vers une égalité réelle dans la sphère du travail togolais demeure toujours problématique car de nombreux défis restent encore à relever. Aucun quota n'est fixé pour améliorer la représentation des groupes défavorisés dans l'administration publique tout comme dans le secteur privé. L'Etat togolais a aussi du mal à exploiter à suffisance les conventions internationales et régionales qu'il ratifie malgré l'innombrable potentialité qu'elles regorgent. Par conséquent, il doit s'actualisé en poursuivant les réformes nécessaires qui devront permettre une meilleure insertion professionnelle des personnes handicapées et des femmes au Togo. La discrimination positive bien que difficilement instituée, elle engendre des effets pervers.

B- Les répercussions négatives de la discrimination positive

La « discrimination positive » est une expression qui paraît heurter le bon sens. En effet, elle est la jonction de deux mots de sens opposés. L'un, « la discrimination » ayant une connotation négative, elle symbolise le traitement défavorable dont sont victimes les personnes vulnérables en raison de leur appartenance à un groupe défini par une caractéristique particulière et l'autre, « positif » adjectif désignant le principe d'égalité et de justice sociale115. Cette situation nous amène à émettre les interrogations suivantes : La discrimination positive est-elle véritablement une nécessité ? Est-ce juste d'instaurer des inégalités pour promouvoir l'égalité de chance et de traitement en privilégiant certaines personnes ?

La politique de discrimination positive est très controversée. En effet, certaines personnes s'insurgent contre cette politique eu égard aux répercussions néfastes qu'elle génère.

115 RENAULD (B), « Les discriminations positives : plus ou moins d'égalité ? », Rev. trim. dr. h. 1997, p.427

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D'abord, pour eux, la discrimination positive est une « discrimination inversée » ou « discrimination à rebours»116 puisqu'elle constitue une entorse à la méritocratie. L'égalité en droit qui est l'un des principes qui fonde la démocratie est donc paralysée, ce qui fait de la discrimination positive, « une discrimination négative » à l'égard des non bénéficiaires. Elle est de nature à renforcer la précarité à leur égard117.

Ensuite, certaines personnes estiment que la discrimination positive renforce les préjugés et les stéréotypes que l'on a des bénéficiaires. En effet, au lieu de bâtir une société qui serait à l'abri des différences entre les hommes, la discrimination positive va plutôt légaliser l'inégalité dont sont victimes les bénéficiaires de l'affirmative action118. Pour ses détracteurs, la discrimination positive crée chez les non-bénéficiaires un ressentiment envers les assistés. Face à cette situation, la discrimination positive est perçue comme inefficace et ne peut donc pas atteindre le résultat escompté parce que, au lieu de résoudre la problématique de « la discrimination négative », elle en crée d'autres plus graves que celle-ci.

Enfin, cette politique serait un affront aux bénéficiaires parce que constituant une politique de charité et d'assistance, elle finit par faire d'eux des partisans de moindre effort, ce qui fait qu'ils n'arrivent pas à accéder de par leur propre mérite au monde du travail119. En conséquence, cette politique de discrimination positive est susceptible de remettre en cause la place qu'occupent certains d'entre eux dans le monde du travail même si c'est par leurs propres efforts, leurs qualités, leurs mérites qu'ils obtiennent un emploi ou des avantages de travail et non par le biais de cette politique.

Pour le courant libertarien qui désapprouve la politique de discrimination positive, la société n'a rien à offrir aux personnes en situation de handicap car considérées comme inaptes au travail, elles ne relèvent pas de la justice sociale et ne peuvent pas souscrire au contrat social mais à des solidarités de type de la charité, la compassion, la solidarité familiale120.

Malgré qu'elle soit contestée par certains auteurs, la discrimination positive est une nécessité. En effet, dans les conditions concrètes d'existence des personnes vulnérables, l'égalité formelle n'est pas de nature à assurer efficacement leur inclusion professionnelle. Face à cette situation, il urge de corriger l'égalité formelle par la mise en place d'une égalité effective qui

116 VILLENAVE (B.), « La discrimination positive : une présentation » Synthèse

117 MORAND (M.), Le droit du travail depuis 1981 : bilans et perspectives, Semaine juridique n°19, 1987

118 VILLENAVE (B.), ibidem

119 GARNER-MOYER (H), Discrimination et emploi : revue de la Littérature, (DARES), n°69, mai 2003, p.10 120MAURIS-DEMOURIOUX (S.), « Divergence et convergence des approches du handicap : une perspective internationale » novembre2011 p. 10&11

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se résume en une politique de compensation telle que affirmée par l'égalitariste démocrate John RAWLS au sujet des personnes handicapées121.

Dans son discours prononcé en1965, le président américain Lyndon B. Johnson, résume ainsi la situation de la discrimination positive : « vous ne pouvez pas prendre une personne qui, pendant des années, a été clopinant dans les chaînes, pour le libérer, le mettre sur la ligne de départ d'une course et lui dire : "vous êtes libre d'entrer en compétition avec tous les autres", et ensuite penser avec raison que vous avez été totalement correct »122.

Au demeurant, il ne s'agit pas seulement de décréter la discrimination positive dans un monde de travail où l'égalité des chances est violée ou bafouée d'avance pour prétendre instaurer la démocratie des chances mais, il faut y joindre des garde-fous suffisants devant assurer la fiabilité des mesures prises parce que la discrimination persiste, elle ne faiblit pas

121 Ibidem, p.13

122 President Lyndon B. Johnson's Commencement Address at Howard University: 'To Fulfill These Rights' June 4, 1965

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CHAPITRE II

LA PERSISTANCE DE LA DISCRIMINATION

La discrimination est sanctionnée par le droit positif togolais123. Malgré cela, elle persiste dans l'univers du travail togolais.

La persistance c'est ce qui dure dans le temps. Ainsi, la discrimination est d'une présence constante dans le monde du travail au Togo.

Pourquoi la discrimination persiste telle toujours dans le monde du travail togolais ? Comment se pratique telle ?

Au Togo, décrocher un emploi, un stage et même un entretien d'embauche est un véritable parcours du combattant. Tout cela s'explique par le fait que, l'arsenal juridique togolais a du mal à être effectivement mis en application. C'est la raison pour laquelle, il subsiste toujours un décalage entre cette législation et sa pratique. Aussi, plusieurs obstacles empêchent la réalisation de l'égalité. Ce qui fait que malgré l'existence de la législation, l'égalité formelle et concrète ont du mal à prendre réellement place dans le vécu quotidien des togolais.

L'impuissance du droit positif togolais est à l'origine de la persistance des pratiques discriminatoires. La matérialisation de ce fléau (section I), reste donc très difficile à éradiquer définitivement dans la sphère du travail en raison de certaines difficultés (section II).

Section 1 : La matérialisation de la discrimination dans le monde du travail

L'employeur peut discriminer pour une double raison : soit, d'un point de vue collectif en raison de la politique interne de l'entreprise, soit, d'un point de vue personnel compte tenu de son jugement et de ses perceptions personnelles124.

Le principe de non-discrimination125 prône l'égalité de chance, de traitement et de rémunération dans le monde du travail. C'est ce principe qu'a consacré l'O.I.T. dans la Déclaration de Philadelphie adoptée le 10 mai1944 en son article II alinéa 2126. Ce principe a pour base l'égalité, la liberté, la démocratie, le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales127. Mais il n'a pas encore acquis une place importante dans la pratique juridique d'une manière quotidienne au Togo compte tenu de son caractère lacunaire en droit

123 Supra, pp. 24 à 28.

124 Rapport de synthèse Projet, Stop aux discriminations à l'embauche ! Conseil de la Jeunesse Octobre 2013

125 Article 11 CT

126 « Tous les êtres humains, quelles que soient leur ethnie, leur croyance ou leur sexe, ont le droit de poursuivre leur progrès matériel et leur développement spirituel dans la liberté et la dignité, dans la sécurité économique et avec des chances égales »

127 JABBOUR (R.E.), op. cit. p.70

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togolais. Ce sont ces lacunes qui justifient la discrimination aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé au Togo qui consiste à défavoriser un candidat à l'embauche ou à une formation professionnelle, un stagiaire, un fonctionnaire ou un salarié en raison de certains critères non objectifs. La discrimination dans le monde du travail intervient finalement aussi bien à l'embauche (§ 1) qu'à toutes les étapes de la vie professionnelle (§ 2).

Paragraphe 1 : La discrimination à l'embauche

L'embauche se présente comme l'optique de la recherche de potentiels candidats en vue de leur sélection pour la conclusion d'un contrat passant par les actes accomplis par un employeur ayant un poste à pourvoir128. A l'embauche, la discrimination reste très présente parce qu'il s'agit de l'étape clé, décisive d'accès à l'emploi. Ainsi selon le Bureau International du Travail, constitue une discrimination à l'embauche « toute distinction, exclusion, restriction ou préférence ayant pour but d'empêcher, de compromettre ou de limiter l'accès à un emploi dans des conditions d'égalité pour une personne en raison de son sexe, sa couleur, sa race, son origine, sa nationalité, ses opinions ». De cette disposition, il ressort donc que les candidats à un emploi, à un stage ou à une période de formation doivent bénéficier des mêmes chances129 et des mêmes traitements, qu'il en serait autrement lorsque certains seront privilégiés au détriment d'autres compte tenu des critères prohibés. Sauf lorsque la distinction est basée sur un motif légitime, objectif et raisonnable.

La violation du principe de non-discrimination intervient non seulement dans l'offre d'emploi émise par l'employeur (A) mais aussi au cours du processus de recrutement (B).

A- La discrimination par rapport à l'offre d'emploi

Au Togo l'obtention d'un emploi est un parcours semé d'embûches. L'employeur peut utiliser plusieurs canaux pour diffuser ses offres d'emploi : la presse écrite, le journal télévisé, la radio, l'internet... Mais, il faut noter qu'en restreignant ces canaux, cela peut porter préjudice à certains demandeurs d'emploi puisqu'ils ne disposent pas forcément des mêmes moyens pour accéder aisément aux informations. Cette restriction de la publication des offres d'emploi n'est donc pas sans conséquences. Ainsi, « Une diffusion trop restreinte de l'offre, notamment auprès d'un réseau de connaissances, risque à terme d'uniformiser les équipes de travail. Parfois, cela aboutit à ethniciser des tâches dans les entreprises (associant un métier

128 PERU-PIROTTE (L.), cité par GIRARD (C), La discrimination à l'embauche, mémoire de D.E.A droit social à l'université Lille 2 s 2002-2003, p.7

129 Article 23-1 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme « (1) Toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage. » du 10 décembre 1948

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ou une fonction à la nationalité ou à l'origine des personnes)»130.

Le législateur togolais n'a pas prévu de disposition ni dans le CTT ni dans le SGFPT devant régir la publication des offres d'emploi. Une telle absence peut dès lors discriminer une tranche de la population à trouver un emploi compte tenu de moyens limités dont ils disposent surtout si l'offre n'est publiée que via internet.

La discrimination dans l'offre d'emploi puise le plus souvent ses sources de son contenu c'est-à- dire des conditions exigées par l'employeur dans l'offre émise. Tant d'exigences de la part de celui-ci ; exemple, cinq (5) ans, dix (10) ans, et même parfois plus. Cette forme de discrimination est très souvent visible dans le secteur privé où les employeurs se basant sur le principe de la liberté de choix émettent des offres à leur convenance, à leur intérêt personnel et égoïste. Mais un tel principe se heurte à celui de l'égalité des chances favorable aux demandeurs d'emploi.

Malgré la prohibition des pratiques discriminatoires, il est courant de constater et d'observer des offres d'emploi qui expriment clairement leur préférence aux critères prohibés : lorsque par exemple une proposition officielle d'embauche est rédigée au masculin ou au féminin, cela suppose vraisemblablement que les demandeurs d'emploi appartenant au sexe opposé ne peuvent pas postuler c'est-à-dire qu'ils sont écartés. C'est justement dans cette logique que le Président d'une compagnie aérienne a été condamné pour avoir écarté la candidature d'un homme à un emploi « d'hôtesse navigante » au motif que la société recherchait uniquement le personnel féminin 131. Il s'agit dès lors de la discrimination liée au sexe. De même, lorsqu' une offre d'emploi exige que le postulant soit marié, cela suppose que les célibataires sont exclus. Il s'agit d'une discrimination basée sur l'état civil des candidats.

Toutefois, ne constitue pas une discrimination, une offre d'emploi lorsqu'elle est émise objectivement et qu'elle est raisonnablement justifiée, notamment par un objectif de politique de l'emploi132. Sur ce, refuser la candidature d'une personne handicapée au recrutement d'élèves officiers militaires repose bien évidemment sur une justification objective et raisonnable. Ceci compte tenu des exigences du métier. En conséquence, le principe d'égalité n'élimine pas l'intuitu personae du contrat de travail133.

130 « Recrutez sans discrimination » Guide pratique destiné aux responsables d'entreprises et aux directeurs des ressources humaines avril 2008 p.10

131 Trib. Correc. Morlaix, 20 janvier 1984, Rev. fse. Dr. Aérien 1984, P. 98 Tilhet-Pretnar.

132 LEFEBVRE (F.), « Mémento pratique » Social 2009

133 PEANO (M.-A.), l'Intuitus personae dans le contrat de travail, Dr. Soc. 1995 p.129

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Toute publicité ayant une vocation discriminatoire c'est-à-dire, le fait qu'un employeur ait mentionné ou ait fait mentionner dans une offre d'emploi des conditions de nature à altérer l'égalité des chances entre les candidats à l'emploi est prohibée par le législateur togolais134. Mais celui-ci n'a pas défini clairement cette prohibition de la discrimination publicitaire. De surcroît, il ne mentionne pas comment l'offre d'emploi doit être rédigée. Son homologue français de son côté s'est clairement prononcé sur le sujet en ces termes : « nul ne peut mentionner ou faire mentionner dans une offre d'emploi le sexe ou la situation de famille du candidat recherché. Cette interdiction est applicable à toute forme de publicité relative à une embauche et quels que soient les caractères du contrat de travail envisagé»135.

Il est constant qu'une fois l'offre émise, les candidats sont appelés à y postuler. D'aucuns sont d'entrée de jeu frappés par la probabilité d'une inégalité issue de l'offre. Mais ceux qui ont la chance de poursuivre la périlleuse lutte à la quête du précieux sésame qu'est le travail ne jouissent pas forcement des mêmes privilèges. Lors du recrutement, la discrimination marque incontestablement ses empreintes qui peuvent demeurer indélébiles.

B- La discrimination durant le processus de recrutement

La phase de recrutement constitue une phase essentielle et très sensible qui débouche sur l'emploi. A ce stade, l'employeur a la liberté de choisir ses collaborateurs. En occurrence, c'est le principe de la liberté contractuelle qui est mis en exergue136.

Mais les choix doivent s'opérer sans discrimination parce que, la discrimination est un acte illégal. C'est pourquoi le législateur dispose aux termes de l'article 39 alinéa 1er du CTT qu'« aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement, [...] (en raison des critères protégés par la loi), sauf inaptitude constatée par le médecin d'entreprise ou par un médecin agréé, en raison de son état de santé ou de son handicap. En cas de contestation sur l'inaptitude invoquée, il est fait recours au médecin inspecteur du travail ».

Malheureusement, pendant le processus de recrutement, la discrimination ne cesse de s'opérer via le curriculum vitae (C.V.), la lettre de motivation, le test d'embauche, l'entretien d'embauche. D'abord, le C.V. et la lettre de motivation sont des éléments très essentiels voire incontournables pour décrocher un travail. Si le premier comporte l'identité du candidat à l'emploi, la seconde lui permet de se vendre. Aujourd'hui plus que jamais, ils sont très prisés par les employeurs. Mais, tout dépend finalement de l'usage qu'en font certains d'entre eux

134 Art. 3alinéa 1ER du CTT

135 Art. L. 1142-1 n°1 du CTF

136 GIRARD (C.), La discrimination à l'embauche, mémoire de D.E.A droit social 2002-2003 p.8

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car le C.V. et la lettre de motivation sont devenus de plus en plus sujets à discrimination. En effet, le constat sur le marché du travail est que les employeurs sont en ce XXIème siècle très exigeants quant au contenu et à la présentation d'un CV. Une telle exigence peut tout de même générer des formes de discrimination. Le fait d'exiger des renseignements personnels : l'état civil ou une photo peut constituer un moyen d'écarter certains demandeurs d'emploi sur la base de critères totalement subjectifs. Les employeurs font donc preuve de discrimination en éliminant d'abord les candidats qui ne correspondent pas à leur profil. Or, les candidats doivent en principe être sélectionnés « sur la base de compétences professionnelles précises, techniques et comportementales, toutes en lien avec un poste de travail »137.

Ensuite, étant parfois partiaux, le contenu et l'évaluation des tests d'embauche entraînent sans doute la discrimination. En principe, ces tests ont vocation « à mettre en avant les capacités et qualités du candidat en terme de logique, de mémoire, de connaissance, d'observation voire de quotient intellectuel »138. Mais souvent, certains employeurs par le biais desdits tests cherchent à éliminer des candidats qui ne font pas partie de leur projet de société compte tenu de leur appartenance aux critères qu'ils désapprouvent.

Enfin, l'entretien d'embauche est discriminant pour le candidat qui y postule lorsque celui-ci est soumis à des interrogations portant par exemple sur sa situation de famille, son origine, ses convictions religieuses, politiques... qui sont sans lien avec le poste à pourvoir. Une telle démarche ne permet plus de bien juger les candidats, mais plutôt d'écarter certains d'entre eux qui sont considérés comme indésirables. Il s'agit dès lors, de la violation flagrante, de la convention relative à l'égalité des chances et de traitement des candidats de 1981. Le législateur togolais n'a tout de même pas encore réglementé les conditions d'évaluation des candidats à un entretien d'embauche.

La discrimination au cours du recrutement présente des conséquences aussi bien pour le candidat discriminé que pour l'employeur. Pour l'employeur, tout acte discriminatoire est de nature à entrainer un double risque. L'un économique, consistant à se priver de compétences ce qui impactera les résultats de l'entreprise. L'autre juridique se rapportant à des sanctions civiles que pénales. Par contre le candidat victime de la discrimination, peut se sentir fortement léser, dévaloriser, s'autocensurer, ce qui peut l'amener à se replier sur lui-même.

137 HAMDANI (K.), cité dans Recrutez sans discrimination, Guide pratique destiné aux responsables d'entreprises et aux directeurs des ressources humaines, avril 2008,

138 Brochure CLCD - version complète.doc, Discriminations et atteintes à la vie privée dans l'embauche, CEPAG-IW-FGTB décembre 2012 p. 15

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Au Togo, obtenir un emploi que ce soit dans la fonction publique ou dans le secteur privé nécessite le plus souvent de recourir à ses connaissances appelées « les bras longs » comme en témoigne le chiffre de 31,10 % des personnes ayant affirmé avoir eu une connaissance dans l'entreprise qui les a recrutés139. De même, 40,7% de jeunes togolais reconnaissent avoir eu leur premier emploi grâce à leur relation140.Cette situation n'est pas sans conséquence dans la mesure où la jeunesse togolaise s'adonne au gain facile. La réglementation de l'accès à la fonction publique par l'organisation des concours141 peut donc être supposée comme étant un trompe-l'oeil. Toutefois n'occultons pas le fait que l'excellence est parfois primée.

A l'instar de l'embauche, obtenir un stage de rapport mémoire ou un stage de perfectionnement devient de plus en plus un véritable casse-tête pour les étudiants. Le plus souvent, gagner un stage, revient soit, à mettre en valeur ses relations ou connaissances soit à présenter une recommandation de renom ou universitaire. Cependant, il est fréquent que les recommandations universitaires restent infructueuses. Cette forme de discrimination constitue un véritable handicap pour les candidats au stage de rapport mémoire car bon nombre d'entre eux n'arrivent pas à finaliser leurs études parce qu'ils ne parviennent pas à obtenir un stage en vue de capitaliser leurs unités d'enseignement. Le législateur togolais n'a pas encore réglementé ni les conditions ni les procédures d'accès au stage contrairement à son homologue ivoirien qui s'est déjà penché sur la question142.

Certaines personnes sont écartées d'un recrutement non pas pour faute de qualification ni de compétence mais uniquement pour cause de discrimination143. A l'instar de l'embauche, la discrimination reste omniprésente au Togo dans la vie professionnelle.

Paragraphe 2 : La discrimination dans la vie professionnelle

Après avoir réussi à franchir le seuil crucial de l'embauche, on devient salarié ou fonctionnaire. Toutefois, ces employés ne sont pas à l'abri de traitements discriminatoires sur leur lieu de travail, pendant l'exécution de leur contrat de travail (A), ce qui peut conduire à la cessation de leur travail (B).

139 Prof. WOLOU (K.) op. cit. p.45

140 Enquête réalisée par l'ONG Partage et Action en Synergie pour le Développement (PASYD) le 22 mai 2015portant sur l'étude des enjeux et défis de la démographie et du Développement Humain Durable dans le cadre du processus d'élaboration de la Vision Togo 2030.

141 Art 41 du SGFP « L'accès aux différentes catégories et subdivisions des catégories de la fonction publique se fait par voie de concours ».

142 Articles 13-12 à 13-13 CTCI : contrat stage-école ; article 13-14 à 13-20 CTCI : contrat stage de qualification ou d'expérience professionnelle

143 Guide à destination des déléguées et délégués syndicaux ; embauche : stop aux discriminations, février 2012 éditeur responsable : T. Bodson, p.3

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A- La discrimination pendant l'emploi

Dans la vie professionnelle, un employé peut être confronté à une discrimination. Celle-ci se manifeste sous diverses facettes : la charge du travail, la rémunération, l'avancement, la promotion ou la mutation...

Selon cette célèbre parabole de Jésus Christ, « rendez donc à César ce qui est à césar, et à Dieu ce qui est à DIEU»144, l'employeur doit donner à son employé des tâches conformes à sa capacité, à la formation reçue. Bref un travail compatible avec ses moyens. Mais une exagération ou intolérance de l'employeur qui attribue des tâches inégales, très pénibles, démesurées, ou même au contraire trop faciles et non modérées pour le poste occupé serait discriminatoire à l'égard du travailleur concerné145.

En vertu de la Convention n° 100 de l'OIT de 1951 concernant l'égalité de rémunération entre les mains-d'oeuvre masculine et féminine, en 1996 l'arrêt Ponsolle146 dégageait avec vigueur la règle sacro-sainte : « à travail égal, salaire égal ». Cette règle s'applique en matière de salaires mensuels mais également en cas de primes, d'augmentations ou d'avantages accordés aux employés.

Le législateur togolais s'est clairement inscrit dans cette dynamique en ratifiant cette convention le 20 juin 1983 et en intégrant la règle de l'égalité de rémunération dans la législation anti-discrimination. C'est ainsi que dispose l'article 118 alinéa 1 du CTT que « [---] Tout employeur est tenu d'assurer, pour un même travail ou un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre les salariés, quels que soient leur nationalité, leur sexe, leur âge ou leur statut ». Cette règle constitue une limite fondamentale au pouvoir de l'employeur de fixer librement les salaires. Elle s'oppose catégoriquement qu'on se base sur un critère subjectif pour fixer les rémunérations entre les salariés. Aussi, l'alinéa 2 de l'article 118 du CTT s'oppose t- elle à ce que les salariés de sexe féminin soient victimes de différence de traitement en matière de rémunération dans l'exercice des mêmes fonctions dès lors que la différence pratiquée par l'employeur au détriment des femmes ne reposait pas sur une justification objective tirée des conditions de travail, de l'ancienneté ou de la nature des

144 Luc : 20- 25

145 Ndemaidriss, Laurent Ries, Renaud Heckmann, Discrimination dans le monde du travail, mémoire en Master-Management à l'Université de Loraine/IAE - Dans la catégorie: Ressources humaines 2011

146 Cass. Soc. 29 octobre 1996, n° 92-43.680 : RJS 12/96 n°1272 arrêt fondateur de la jurisprudence sur l'égalité de traitement, énonçant la règle « à travail égal, salaire égal ») la cour de cass. a jugé que l'employeur est tenu d'assurer l'égalité de rémunération entre tous les salariés placés dans une situation identique de travail. A partir de 2000, ce principe a été appliqué aux avantages catégoriels.

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fonctions exercées147. L'égalité de traitement ne s'applique donc qu'entre les salariés relevant d'une même catégorie professionnelle148.

Pourtant, dans la pratique, le constat en est tout autre parce que, cette règle n'est vraiment pas « une parole d'évangile ». La preuve est que très souvent, les femmes sont défavorisées dans la rémunération par des salaires plus bas ou qu'elles sont privées de certaines primes et des prestations de maternité surtout dans le secteur privé149. Les écarts salariaux au détriment des femmes se justifient par l'inapplication de la législation anti-discrimination. Aussi, les titulaires de contrat de travail temporaire ne bénéficient pas des mêmes rémunérations que les salariés de qualification équivalente la plupart du temps. Plus grave, les Enseignants Volontaires communément appelé les E.V., sont très souvent rémunérés par des salaires dérisoires, alors qu'ils effectuent un même travail ou un travail de valeur supérieur à ceux de leurs collègues titularisés. Il s'agit sans doute d'une discrimination légalisée et renforcée par l'absence de réglementation des contrats de travail des agents temporaires et des E.V.

En France, cette forme de discrimination en matière de rémunération est aussi très récurrente. Il s'agit par exemple du fait d'avoir exclu des bénéfices de l'augmentation de salaire, les seuls salariés qui ont été pendant une durée de vingt jours en arrêt maladie150. Rappelons qu'une différence entre les fonctions exercées n'exclut pas forcement que le travail puisse être considéré comme étant de « valeur égale ». Ainsi a été reconnue par la cour de cassation française une discrimination entre une femme exerçant les fonctions de responsable des ressources humaines et des hommes occupant des postes de direction commerciale et financière, ces derniers ayant un salaire plus élevé alors qu'aucune différence n'existait entre les deux postes151.

En dehors de la rémunération, des mesures discriminatoires envers les travailleurs concernent aussi leur avancement. C'est ainsi que le juge du fond français a déduit que le retard important subi par un salarié dans le déroulement de sa carrière par rapport aux autres salariés se trouvant dans une situation comparable n'était pas étranger à la discrimination ethnique invoquée par le salarié152.

147 Soc., 19 décembre 2000, Bull. 2000, V, n° 436, pourvoi n° 98-43.331

148 Chambre sociale 13 mars 2013, pourvoi n° 11-20490 11-20491 et divers autres, BICC n°785 du 1er juillet 2013 avec un commentaire du SDER et Legifrance

149 CSI, Rapport pour l'examen des politiques commerciales de la côte d'ivoire, de Guinée-Bissau et du Togo par le conseil général de l'OMC, Genève, 2 et 4 juillet 2012, p.9

150 Cass. Soc.7-2-2006 n°04-45.733: RJS 4/06 n°444; Cass. Soc. 21-2-2007 n°05-43.526: RJS5/07 n°59.

151 Cass. Soc. 6 juill. 2010, Bull. civ. V, n° 158

152 Chambre sociale 7 février 2012, pourvoi n°10-19505, BICC n°764 du 15 juin 2012 et Legifrance

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Il est constant que les affectations sont aussi sources de disparité. C'est souvent l'occasion pour l'employeur d'exprimer ses sentiments de discrimination. En effet lors de la récente crise qui a secoué la fonction publique togolaise en 2014, le Gouvernement a pris des décisions d'affectations punitives à l'encontre de certains représentants d'enseignants et de délégués syndicaux153. Cette sanction leur est infligée à cause de leur militantisme syndical. Il s'agit notamment de la violation de la liberté de manifestation des syndiqués. Pourtant, la grève est un droit reconnu aux travailleurs par les articles 269 du CTT et 244 du SGFPT. En France par exemple, aux termes de l'article 1132-2 du CTF dans l'éventualité de l'exercice normal du droit de grève, le salarié ne peut faire l'objet de mesure discriminatoire. Il en est de même du CTT en son article 39 al.2. Il est déplorable de constater la persistance de la discrimination syndicale au Togo malgré l'existence de législation anti-discrimination en la matière.

Il peut aussi y avoir discrimination pendant la période de formation, de reclassement, de qualification, de classification, de promotion professionnelle...

Au sein des administrations togolaises, la discrimination est une réalité que vivent certains employés. Ce qui peut aboutir à la rupture de leurs contrats de travail.

B- La discrimination à la fin de l'emploi

La fin de l'emploi signifie qu'il est mis un terme au travail de l'employé d'une manière ou d'une autre dans l'administration où il est employé. Cette période nécessite une attention particulière parce que souvent considérée comme un moment délicat, elle ne se passe pas toujours dans les meilleures conditions. Elle se définit sous quatre rubriques : la rupture de la période d'essai, la démission du travailleur, le licenciement et la mise à la retraite. De telles mesures peuvent être provoquées par la discrimination.

S'agissant de la période d'essai, elle est connue en droit togolais sous l'appellation « engagement à l'essai ». Aux termes de l'article 51 du CTT, on évoque l'engagement à l'essai lorsque l'employeur et son employé, en vue de conclure un contrat définitif décident au préalable de s'apprécier mutuellement : l'employeur examine l'aptitude professionnelle du travailleur et celui-ci d'analyser les conditions de travail, de vie, de rémunération, de sécurité et santé au travail, ainsi que le climat social de l'entreprise. La discrimination intervient souvent pendant la période d'essai puisque c'est à la fin de cette période que l'embauche peut devenir définitive154. Etant la période de cadrage et d'ajustement, l'employeur peut mettre fin

153 Www. Jeuneafrique24.com, consulté le 17 février 2017

154 GIRARD (C.), op. cit. p.9

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à l'engagement à l'essai et il n'a pas à motiver sa décision, car les règles du licenciement sont écartées. Mais, une rupture devient discriminatoire lorsqu'elle est fondée sur l'un des critères interdits par la loi. C'est ainsi qu'une juridiction française a condamné un employeur à des dommages et intérêts pour la victime et pour l'association partie civile aux motifs que celui-ci avait commis un acte discriminatoire en mettant fin à la période d'essai suite à sa connaissance de l'état séropositif de son employé155. Cependant, une rupture qui a pour base l'appréciation des qualités professionnelles de l'employé n'est pas une discrimination.

Quant au licenciement, il peut intervenir pour motif personnel ou économique. Mais qu'est-ce qu'un licenciement ? Quel lien peut-il établir avec la discrimination dans le monde du travail ?

Par définition, le licenciement est la décision de l'employeur de résilier le contrat de travail à durée indéterminée qui le lie avec son salarié. Il peut y avoir discrimination aussi bien en période de licenciement normal qu'en période de licenciement pour motif économique.

Le licenciement de l'employé pour cause de discrimination se produit en période normale. Ici, la cause de la discrimination affecte le salarié lui-même. L'employeur ne peut prononcer le licenciement de son salarié que pour une cause objective156. Cependant, certains employeurs usurpent ce droit qui leur est reconnu pour prononcer des licenciements non pour de telle cause mais plutôt pour des raisons discriminatoires. Au Togo près de 21 % des licenciements sont d'origine discriminatoire et basée sur des critères tels que l'ethnie, l'origine sociale, l'opinion politique et le sexe157. En écho, à l'arrêt « Caudalie » ou la discrimination pour raison de grossesse158, la Cour d'Appel de Paris considérait que « l'ensemble des reproches formulés par l'employeur au salariée, tant à l'occasion des deux sanctions disciplinaires qu'il a prises qu'à l'occasion de son licenciement, sont la conséquence du refus légitime de (la salariée) d'accepter la modification de ses fonctions qui lui a été imposée de manière discriminatoire par son employeur » et qu'en conséquence, le licenciement prononcé à son encontre était nul159. La réintégration est de droit quand le licenciement est fondé sur un critère de discrimination interdit.

La discrimination en matière de licenciement peut, outre le fait d'avoir été subi par le salarié lui-même, être retenue lorsqu'il s'agit d'une autre personne mais qui lui est directement liée

155 TGI Châlons-sur-Marne, 22 oct. 1997, Dr. Ouv. 1999, P. 71 note MINE (M.).

156 Faute disciplinaire, la maladie, l'inaptitude et l'insuffisance professionnelle.

157 Prof. WOLOU (K.), op.cit. p.52

158 Cour d'Appel de Paris, Pôle 6, Chambre 5, 5 février 2013, n°S 11/03537

159 DUEZ-RUFF (V.), « L'arrêt « Caudalie » ou la discrimination pour raison de grossesse. » 26 février 2013

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et qui en est la victime. C'est ainsi que le juge français décide par association que le licenciement d'une salariée lié au fait qu'elle avait la charge d'un enfant handicapé est discriminatoire160. De même est qualifié de discriminatoire, le licenciement d'un salarié en raison des activités syndicales de son conjoint161.

Le licenciement pour cause de discrimination intervient aussi souvent lorsque l'entreprise est en procédure collective c'est-à-dire confrontée à des difficultés d'ordre économique162. En effet, face à une telle situation, l'employeur en procédant au licenciement pour motif économique, doit observer une procédure bien précise163 dans le but de protéger les droits des salariés. Malheureusement, cette période se mue en un véritable cauchemar pour certains employés qui perdent leur emploi non pas sur la base de critères objectifs mais sur les critères discriminatoires.

En ce qui concerne la mise à la retraite, elle est l'hypothèse où, l'employeur décide de mettre fin à l'activité professionnelle d'un salarié en raison de son âge ou de son inaptitude164. La mise à la retraite n'est pas discriminatoire lorsqu'elle est justifiée par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires165. Par contre, des motifs généraux invoqués par l'employeur ne permettent pas de considérer la mise à la retraite du salarié comme étant justifiée par un objectif légitime : la décision de l'employeur est alors constitutive d'une discrimination fondée sur l'âge et « si les conditions d'âge, de retraite à taux plein et de conclusion corrélatives d'un contrat de travail à durée indéterminée prévues par la convention collective applicable ne sont pas remplies »166.

Le travailleur peut être amené à démissionner de son emploi lorsqu'il fait l'objet de pratiques discriminatoires167. Exaspéré de ces pratiques, l'employé peut décider de rendre donc le « tablier » en rompant son contrat de travail.

La discrimination une fois détectée, doit normalement être combattue efficacement. Mais, tel n'est pas le cas car, elle est confrontée à plusieurs embûches.

160 CJCE-17-7-2008 aff. 303/06 : RJS 11/08 n° 1135, voir aussi Cass. Soc., n° 08-41936 et 08-42760, 30/06/2010.

161 C. prud. Caen 25-11-2008 n° 06-120: RSJ 2/09 n°134

162 72 al.2 CTT

163Articles 73 et 74 CTT

164 DRAY (J.), « Mise à la retraite et discrimination » LegaVox.f,

165 Cass. soc. 31 mars 2015

166 Cass. Soc. 20 mai 2014, voir aussi Cass. soc. Chambre 16 février 2011 n°10-1046,

167 CAPART (R), « La lutte contre les discriminations dans les relations de travail » Feuilles documentaires, Ed. C.C.I.10 avril 2003.

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Section 2 : Les difficultés liées à l'élimination définitive de la discrimination L'élimination de la discrimination dans le monde du travail togolais est confrontée à une double difficulté. Il s'agit des difficultés que rencontrent les acteurs du monde du travail dans leur lutte contre la discrimination (§1) et les obstacles de fait qui constituent un handicap sérieux à une protection efficace contre ce phénomène (§2).

Paragraphe 1 : Les difficultés inhérentes aux acteurs du monde du travail

Les acteurs du monde du travail sont classés en deux catégories. Il s'agit inéluctablement des premiers acteurs concernés et de leurs partenaires. La lutte contre la discrimination est le défi qu'ils doivent tous relever. Malheureusement, si les premiers acteurs du travail continus d'être responsables de la persistance de la discrimination (A), les actions de leurs partenaires pour éradiquer ce mal restent insuffisantes (B).

A- La responsabilité des principaux acteurs du monde du travail

Qui sont les premiers acteurs du monde du travail et en quoi peut-on dire qu'ils sont responsables de la discrimination ? Les employeurs et les employés sont les principaux acteurs du monde du travail et chacun se rend responsable de la survenance ou de la persistance de la discrimination d'une manière ou d'une autre.

Selon le législateur, le chef d'entreprise a l'obligation de prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir les discriminations directe et indirecte et le harcèlement sexuel168. Il s'agit d'une obligation de prévention. Mais à voir clair, il s'agit d'une obligation de moyens que le législateur impose à l'employeur. Cette obligation définie par l'ancien article 1137 du Code Civil Français qui impose à l'employeur de mettre en oeuvre toutes les mesures nécessaires pour empêcher la propension de la discrimination dans son entreprise n'est pas de nature à assurer une lutte efficace contre ce fléau puisque les obligés ne sont nullement liés à une obligation de résultat. D'où la nécessité de réécrire l'article 42 du CTT.

Certains employeurs pratiquent la discrimination en méprisant son existence dans le monde du travail. Ils s'adonnent ainsi à cette pratique malveillante par ignorance ou par indifférence. Parfois même, certains se disculpent de leurs actions en rendant responsables leurs salariés de leurs actes révoltants. Très souvent, l'employeur, auteur de la discrimination pense agir en toute impunité car il pense être au-dessus de la loi.

L'employeur est dépositaire non seulement de la liberté contractuelle c'est-à-dire contracter

168 Article 42 CTT

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ou ne pas contracter, du libre choix de ses collaborateurs, de la libre détermination du contenu du contrat mais aussi de la liberté d'organiser, de gérer ou de diriger son entreprise en donnant des ordres ou en édictant des sanctions à l'encontre des salariés, il prétend agir en toute légalité même lorsqu'il se rend coupable des pratiques qualifiées de discriminations.

De la responsabilité de l'Etat, nous supposons que, celui-ci manque de volonté politique. En effet, les postes les plus élevés de la hiérarchie sont pourvus par nomination. Malgré cela, les femmes ont toujours du mal à y accéder même avec l'étoffe, la carrure et les potentialités dont certaines disposent. Le nombre de femmes occupant des postes de décision demeure donc très dérisoire comme en témoignent ces faibles taux : le Conseil Supérieur de la Magistrature 22,22% ; le Gouvernement 18,51% ; les Présidents des Hautes Institutions de la République 11, 11% ; la Cour Constitutionnelle 11,11% ; les Préfets 5,12% ; les Présidents de Délégations Spéciales 0%169. De même, dans le domaine du sport on note une absence remarquable du football féminin. Cela fait déjà plus de 10 ans que la gent féminine demeure inactive, qu'elle est privée du ballon rond. Le ministère en charge de cette discipline reste inerte face à cette situation. Pas de championnat, pas de participation aux éliminations des compétions continentales et internationales. Plus grave, le Togo s'est retiré des éliminatoires de la CAN féminine le vendredi 5 février 2016 ce qui lui a valu une double pénalité de la part de la CAF : une amende de 1500000 Francs CFA et l'exclusion des éliminatoires de la CAN 2018.

On pourrait supposer que cette attitude de l'Etat premier pourvoyeur d'emploi est de nature à renforcer les auteurs de la discrimination dans le monde du travail dans la mesure où, s'il n'arrive pas lui-même à poser les bases d'une égalité telle que définie par les conventions internationales ratifiées et de les respecter afin de les faire respecter, on voit mal dans cette perspective comment les autres employeurs vont pouvoir le suivre dans sa démarche. D'ailleurs, ne dit-on pas souvent que « la charité bien ordonnée commence par soi-même ».

La discrimination peut émaner de soi-même. Dans ce cas, la victime est responsable de la discrimination dont elle se prévaut. Dans cette hypothèse, « l'individu peut intérioriser des sentiments et des situations en intégrant cette discrimination dans leur parcours professionnel. Des candidats peuvent ainsi s'auto-sélectionner pour des filières de formation en fonction de l'adéquation de leur apparence physique et des représentations en vigueur pour un métier précis »170.

169 Ce sont des chiffres de 2 févier 2017, enquête réalisée dans le cadre du présent mémoire.

170 HIDRI (O.), « À la conquête du look de l'emploi : Stratégies d'insertion professionnelle des cadres commerciaux », Questions de Communication, n° 8 juillet 2005.

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L'ignorance des textes législatifs de même que la faible connaissance des critères de la discrimination par certains employés font que même discriminer ils ne s'en rendent pas compte. C'est la raison pour laquelle, ils émettent constamment cette interrogation : que faire lorsqu'on est discriminé ?

La preuve de la discrimination se trouvant difficile à rapporter, certaines victimes préfèrent opter pour le crime du silence. Ils se résignent à intenter une action devant les juridictions non seulement au risque de perdre leur argent mais aussi de perdre leur temps. En outre, ils décident de s'inscrire dans la posture de perdant en s'inculquant l'idée selon laquelle il n'est pas possible d'obtenir la réparation en matière de discrimination surtout par manque de confiance à l'appareil judiciaire. Aussi, certaines victimes préfèrent subir les atrocités de la discrimination afin de préserver leur emploi que de vouloir dénoncer leur employeur au risque de se retrouver au chômage. Il est évident que, même s'il est extrêmement difficile de prouver la discrimination en droit togolais et que plusieurs obstacles handicapent sa révélation, que certaines victimes s'inscrivent dans une démarche trop passive. Celle-ci aura d'ailleurs pour corollaire de conforter les auteurs de la discrimination dans leurs manoeuvres discriminatoires. Aussi, pourrait-on dire de la victime qu'elle se rend complice ou qu'elle cautionne les agissements de l'auteur de la discrimination.

A l'instar de la victime de la discrimination qui renonce à dénoncer son auteur, aussi par peur de représailles de celui-ci, certains témoins à l'accoutumance optent pour le silence, alors que leur certification ou témoignage peut décanter la situation. Pourtant le CTT en son article 40 al 2 dispose qu'aucun salarié ne peut être sanctionné ni licencié pour avoir témoigné ou pour avoir relaté des pratiques discriminatoires. Ce texte est édité dans le but de protéger les témoins de la discrimination. Mais face au silence absolu que gardent certains d'entre eux, on estime que ce texte n'assure pas une protection absolue aux témoins puisque l'employeur disposant toujours de l'opportunité de sanctionner celui-ci.

Dans le monde du travail, on note une absence considérable de négociations. En effet, le dialogue social fait toujours défaut entre employeurs et employés. Habituellement, les négociations se soldent par un échec. Égoïsme et particularisme en sont les valeurs que véhiculent les parties à la négociation. Pourtant le dialogue social constitue une arme dont171 doit se prévaloir employeurs et employés pour parfaire la classification professionnelle afin de prévenir la discrimination.

171 Article 209 al. 1er CTT

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Outre le fait que la responsabilité des premiers acteurs soit liée à la difficile élimination de la discrimination, l'insuffisance des actions de leurs partenaires n'est pas du reste.

B-L 'insuffisance des actions des partenaires en lutte contre la discrimination

On distingue deux types de partenaires : les partenaires institutionnels (étatiques) et les partenaires sociaux (non étatiques). Malgré qu'ils oeuvrent pour l'élimination de la discrimination, celle-ci ne cesse de prendre de l'ampleur.

S'agissant des institutions administratives, il y a : l'administration centrale, l'inspection du travail et les juridictions habilitées à connaître du problème de la discrimination.

En janvier 2011, le Ministère des affaires sociales et de la promotion de la femme a mis en place la politique nationale pour l'équité et l'égalité du genre au Togo. Rappelons que cette politique est destinée à promouvoir l'égalité entre les sexes. Dans la nécessité de promouvoir l'inclusion socioprofessionnelle des personnes vivant avec un handicap, le Gouvernement togolais a inclus leurs besoins aux priorités nationales consignées dans la Stratégie de Croissance Accélérée et de Promotion de l'Emploi (SCAPE) couvrant la période 2013-2017. Le 09 mai 2012, un atelier national tripartite entre le Ministère du Travail, de l'Emploi et de la Sécurité Sociale, les représentants des employeurs et des travailleurs portant sur « la discrimination en matière d'emploi et de profession » s'est tenu à Lomé en présence de la Représentante Régionale du Bureau International du Travail (BIT) Afrique, Cécile BALIMA en vue de réfléchir sur les dispositions requises pour renforcer la non-discrimination.

Ces actions du gouvernement témoignent de sa volonté de réaliser l'égalité. Malheureusement, ces efforts restent pour le moment vain. Il est constant que, les stratégies et les politiques mises en place pour combattre la discrimination sont inefficaces. Il faut alors adopter d'autres stratégies plus pragmatiques.

L'inspecteur du travail et des lois sociales est un fonctionnaire chargé de veiller au respect du droit du travail et de la sécurité sociale au sein des entreprises et des sociétés172. Il est assisté par les contrôleurs. Cependant, on constate avec affliction l'absence d'une statistique de l'inspection de travail sur la discrimination dans le monde du travail. L'insuffisance de moyens financiers, la pénurie d'instruments de travail, les conditions pénibles de travail et leur nombre insuffisant sont autant d'éléments qui en pâtissent forcément la fiabilité de leur travail.

172 Article 182 à 192 CTT

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Les juridictions spécialisées et habilitées à traiter de la problématique de la discrimination dans le monde du travail n'existent qu'à Lomé. C'est justement le cas du Tribunal du Travail et de la Chambre Administrative. De l'emplacement de ces juridictions, nous déduisons qu'une telle distance est de nature à dissuader les victimes à y recourir de même que le coût élevé des frais de justice. Souvent reconnues pour leur lenteur comme admis par le Président du Conseil Supérieur de la Magistrature du Togo monsieur Patrice Akakpovi GAMATO en ces termes « lenteur, lenteur, c'est sous tous les cieux, la justice est lente »173, les décisions de justice que ce soit au civil ou au pénal sont de nature à fragiliser le lien socioprofessionnel. Mais pourvu que la modernisation de la justice togolaise entamée puisse porter ses fruits.

La quasi-absence des condamnations relevant des deux juridictions n'est pas de nature à détourner les auteurs de discrimination de leurs entreprises malveillantes. Si les Tribunaux administratifs n'existent pas encore au Togo, le tribunal du travail ne compte seulement en son sein que trois juges. Ce qui est très insuffisant au vu de l'importance des problèmes qui minent le monde du travail togolais.

Le Togo ne s'est pas encore dotée d'une institution adéquate devant traiter les problèmes de la discrimination en toute impartialité174. Celles qui existent et qui ont une vocation générale ont véritablement du mal à décoller175. Elles font face soit à des difficultés financières et à la pénurie de ressources humaines, soit à l'absence de coordination pertinente avec les associations qui luttent contre la discrimination soit encore, elles sont dépassées par la discrimination elle-même à telle enseigne qu'elles n'arrivent plus à assumer efficacement leur mission.

Quant aux partenaires sociaux, il s'agit des représentants des travailleurs et des employeurs et la société civile.

La mauvaise connaissance des discriminations par le patronat, les délégués du personnel et les délégués syndicaux a certainement pour conséquence une mauvaise défense des droits de leurs représentés. Soumis au lien de subordination, certains délégués ont du mal à exercer en toute impartialité leur mission en dénonçant les discriminations portées à leur connaissance ou sues d'eux-mêmes par peur de représailles de leur employeur.

173 14 février 2016 au cours de l'émission Plateau de la Semaine « Hautes juridictions et facilitation de l'accès à la justice ».

174 Infra p.81-83

175 Le ministère des affaires sociales et de la promotion de la femme, Direction générale du genre et de la promotion de la femme ; le ministère de la fonction publique, du travail et de la réforme administrative.

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Les organisations de la société civile togolaise oeuvrent activement pour l'élimination de la discrimination par la promotion de l'égalité dans le monde du travail. Celles-ci orientent principalement leurs actions dans deux domaines : le genre et le handicap.

D'une part, la société civile oeuvrant pour l'égalité du genre. Il s'agit d'abord, de Women in Law and Development in Africa (WILDAF-Togo) qui fait la promotion des textes de la Convention sur l'Elimination de toutes les Formes de Discrimination à l'Egard des Femmes et de la législation anti-discrimination togolaise. Ensuite le Groupe de Réflexion et d'Action Femme, Démocratie et Développement (GF2D) et le Centre de Recherche d'Information et de Formation pour la Femme (CRIFF) qui de leur côté ont polarisé leurs actions sur la promotion de la gent féminine comme en témoigne leur livre blanc intitulé « Femmes Togolaises, Aujourd'hui et demain ». Enfin en 2016 dans le but de lutter contre les inégalités liées au sexe, pour contrer la discrimination dont sont victimes les femmes togolaises, le 08 mars journée internationale de la femme est placée sous le thème : « Droits égaux, opportunités égales pour un Togo émergent »176.

D'autre part, la société civile oeuvrant pour l'inclusion professionnelle des personnes handicapées. Le 1er octobre 2015, l'ambassade des Etats-Unis au Togo en collaboration avec la Fédération Togolaise des Associations des Personnes Handicapées (FETAPH) a organisé une table ronde sur le thème de l'inclusion sociale des personnes vivant avec un handicap. « Dans son discours introductif, le Directeur des Affaires Publiques de l'Ambassade, M. David Meron a déclaré qu'un des objectifs des Etats-Unis est d'aider à oeuvrer contre les discriminations et les inclusions en particulier des personnes handicapées »177.

La FETAPH a toujours fait des plaidoyers auprès des autorités pour la prise en compte des besoins des personnes handicapées tout comme le Syndicat National des Travailleurs en situation de Handicap du Togo (SYNTHA -Togo) qui a plaidé pour l'amélioration des conditions de travail et de vie des travailleurs en situation de handicap le 24 septembre 2011. Retenons que ces actions de la société civile ne sont que des illustrations parmi tant d'autres.

Mais ces actions demeurent insuffisantes eu égard à la persistance de la discrimination dans l'univers du travail. Les plaidoyers de certaines organisations de la société civile ne se réalisent qu'en partie alors que d'autres demeurent lettres mortes. C'est le cas de l'inclusion socioprofessionnelle des personnes handicapées qui a du mal à se concrétiser. Elles clopinent

176 www.creusetogo.org/2016/, consulté le 19janvier 2017

177 La Liberté n° 2040 du Vendredi 02 Octobre 2015 qui cite M. David Meron, Directeur des Affaires Publiques de l'Ambassade des Etats-Unis d'Amérique au Togo.

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donc dans la concrétisation de leurs actions. Le manque d'innovation c'est-à-dire la monotonie dans les actions de certaines organisations de la société civile, l'absence de vision stratégique dans le travail réalisé par certaines d'entre elles et le manque de pouvoirs et des fonctions incomplètes sont des vecteurs qui fragilisent la réalisation de l'égalité.

Au regard de ce qui précède, l'élimination de la discrimination se révèle difficile compte tenu des difficultés inhérentes aux acteurs du monde du travail. Les obstacles de fait contribuent aussi largement à l'inefficace éradication de ce phénomène.

Paragraphe 2 : Les obstacles de fait à une protection efficace contre la discrimination

L'élimination de la discrimination du monde du travail demeure toujours problématique pour des raisons soit socioculturelles (A) soit politico-économiques (B).

A- Les obstacles socioculturels

Ce sont des difficultés sociales et culturelles qui entravent l'élimination de la discrimination. Ces obstacles varient en fonction des personnes qui en sont les victimes. Il peut s'agir des personnes handicapées ou âgées, des femmes ou de la jeunesse.

Les personnes handicapées sont souvent victimes d'une marginalisation fondée sur des stéréotypes et des préjugés qui empêchent leur inclusion professionnelle.

C'est ainsi que certains employeurs argumentent que les personnes handicapée sont porteuses de trois risques. D'abord, n'ayant pas une bonne condition physique, sensoriel ou mentale, les personnes handicapées risquent de tomber régulièrement malades. Ensuite, leur état de santé est susceptible de les rendre indisponibles de manière permanente au travail. Enfin, l'absence répétée de la personne handicapée au travail est de nature à impacter la productivité de base178. Ainsi, ils ne seraient pas en mesure de donner le meilleur d'eux-mêmes, de répondre aux attentes et espérances de leurs employeurs. Ce qui peut porter un coup dur à l'entreprise surtout s'ils occupent un poste de responsabilité. Toutefois, ces risques varient en fonction de la nature et de l'état de la personne handicapée.

Les employeurs évoquent aussi le fait que les personnes handicapées manquent de qualités essentielles comme par exemple l'agilité. Pour eux, la rapidité, la sûreté et l'aisance intellectuelle sont les prés requis d'un bon employé qui font défaut chez les personnes en

178 CFHE, Dynamiser l'emploi Des personnes handicapées « Mesures appropriées » Des ouvertures européennes, Novembre 2006, p.4

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situation de handicap. Toutes ces raisons font que certains employeurs renâclent à les embaucher. Celles qui ont la chance d'être recrutées n'échappent pas à ces stéréotypes et préjugés et ont du mal à exercer convenablement leur emploi faute de moyens adéquats mises à leur disposition.

Toutefois, cette conception de l'employeur qui consiste à définir la personne handicapée de par sa vulnérabilité est à relativiser car, bon nombre d'entre elles malgré leur état ne sont pas dépourvues de ses capacités et sont parfois bien plus compétents que certains employés normaux. A titre illustratif, malgré ses débuts difficiles en tant qu'animatrice à Radio Lomé, compte tenu de la discrimination dont elle était victime en raison de son état d'albinos et de son handicap physique, mademoiselle Florence ADJESSON a réussi aujourd'hui à s'imposer dans son département comme une animatrice de renom et pour inciter ses frères et soeurs qui se trouvent dans le même état qu'elle à ne pas se désespérer, elle a initié une émission nommée : « mon handicap, ma force ». Maître Koffi AWOUKOU - TAMAKLOE a également réussi à vaincre son handicap en devenant le Premier Administrateur de Greffe au Togo vivant avec un handicap visuel. Nous admettons donc que cette discrimination dont font l'objet les personnes en situation de handicap est principalement due à la méconnaissance de leur valeur réelle.

La femme togolaise a du mal à se tailler une place dans l'univers du travail en raison de la discrimination dont elle est victime. Cette discrimination débute chez elle dès la naissance. La préférence pour les garçons à la naissance constitue la parfaite illustration. En effet, dans la société togolaise comme dans bien des pays africains, la naissance d'un garçon est accueillie avec joie alors que la naissance d'une fille est souvent synonyme de déception.

Au sein des familles togolaises, surtout dans les zones rurales, la disparité du genre est très tenace à travers l'inégale répartition des tâches domestiques. En effet, l'éducation inculquée aux enfants des deux sexes dès le bas âge est disproportionnée dans la mesure où la jeune fille est plus orientée vers des tâches domestiques. L'éducation de base c'est-à-dire familiale est donc vectrice de discrimination. Il s'agit d'une éducation différenciée en faveur des garçons et au détriment des filles. La vocation traditionnelle de la jeune fille qui consiste à s'atteler aux tâches domestiques est de nature à inhiber fortement ses résultats scolaires.

La femme est le plus souvent réduite à des stéréotypes et à des préjugés qui constituent des obstacles à son insertion dans la vie professionnelle. Ainsi, présentant le risque d'une

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grossesse future179 certains employeurs rechignent à l'embaucher pour son absentéisme surtout en période pré et post maternité. Même engagées, certaines femmes sont rétrogradées ou mises au placard à la suite d'un congé de maternité. Comparer à l'homme, la femme est aussi souvent définie comme étant un être inapte à faire des heures supplémentaires et que sa capacité de déplacement est plus restreinte. La preuve en est que dans certaines entreprises, les missions sont confiées aux hommes au détriment des femmes.

La femme est toujours considérée comme un être inférieur raison pour laquelle, elle continue d'être sous-estimée par certaines personnes. Son rôle sociologique dans les mentalités freine considérablement son inclusion professionnelle. Même si des avancées ont été réalisées, la femme a toujours du mal à sortir de sa léthargie. Ainsi, la femme togolaise compte tenu du rôle traditionnel qui lui est dévolu, a quelques soucis de personnalité pour pouvoir s'affirmer et de s'imposer sur le plan professionnel. Elle a du mal à étendre tout son schéma social dans lequel elle est enfermée depuis les temps immémoriaux. Elle a toujours du mal à prendre des initiatives et cela se justifie par «Le manque de confiance en soi, d'estime de soi consécutif à une dévalorisation de son sexe à un effet dévastateur que n'arrivent pas toujours à vaincre l'instruction et les diplômes obtenus »180. Par ailleurs, le manque de confiance et de solidarité entre elles les amènent à orchestrer des campagnes de dénigrement de leurs consoeurs qui ont le courage de briguer des postes de responsabilité. C'est pour pallier ces obstacles dans le monde des médias qu'a été organisée à Lomé du 25 au 27 novembre 2015 sous l'égide de l'Organisation de la Presse Francophone, la conférence sur le thème « la place des femmes dans les médias francophones».

La déperdition scolaire de certaines jeunes filles et l'obscurantisme d'une grande majorité des femmes sont autant d'obstacles à l'égalité, qui, se révèle finalement difficile à atteindre car, « Depuis la prime enfance jusqu'à la vieillesse, la distinction du genre dans les définitions identitaires et les rôles sociaux invite chacun à légitimer une hiérarchisation entre les

sexes »181.

L'obstacle à l'employabilité des jeunes est souvent lié à l'exigence de plusieurs années d'expérience professionnelle et aussi au manque d'adéquation entre leurs compétences et les besoins des entreprises. La tendance actuelle est que les employeurs optent pour des

179 C.J., 8 novembre 1990, Dekker, C-177/88., reconnaissance par CJUE du refus d'embaucher pour cause de grossesse est une discrimination

180 Livre Blanc, Femmes togolaises, Aujourd'hui et demain », op.cit., p 94

181 AVIS de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie, femmes et jeunes en francophonie : vecteurs de paix, acteur de développement, présenté à l'occasion du XVe Sommet de la Francophonie Dakar - 29 et 30 novembre 2014 ; p.9

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« produits finis ». Pour eux, engager un jeune diplômé sans expérience est un fardeau pour l'entreprise. Ils estiment révolu le temps où il faut former de nouveau les personnes recrutées. Alors qu'une personne ayant à son actif des années d'expérience constitue un atout. Mais, il n'empêche de relever que cette vision des employeurs n'est pas pertinente et que c'est en accédant à un stage ou à un emploi qu'on peut acquérir des expériences. Or, face au chômage persistant, acquérir des expériences devient donc de plus en plus difficile pour les jeunes.

Quant aux personnes âgées, ils ne sont pas du tout à l'abri des préjugés. Ils sont souvent considérés comme amorphes. Ainsi, pour certains employeurs, embaucher une personne âgée c'est ralentir le développement de son entreprise car, ils manquent de vivacité, d'énergie et ils entreprennent un travail lent et harassant. Il s'agit d'une conception qui souffre de légitimité.

S'il est admis que les normes socioculturelles influencent considérablement sur l'impossibilité d'inclusion des femmes, des personnes handicapées, des jeunes et bien d'autres, dans le monde du travail, n'occultons tout de même pas le fait que les facteurs politico-économiques puissent être à la base de la discrimination.

B- Les obstacles politico-économiques

Il s'agit des difficultés inhérentes à l'économie et à la politique.

S'agissant des obstacles économiques, au Togo, la situation des personnes handicapées au sein du monde du travail se caractérise par des conditions économiques très défavorables. En effet, les personnes handicapées engendrent des coûts colossaux. Il s'agit d'aménager leurs lieux de travail et de mettre à leur disposition des installations spéciales devant leur permettre d'avoir accès facile à ceux-ci. L'adaptation du monde du travail aux besoins des personnes en situation de handicap nécessite donc des moyens coûteux pour leurs réalisations. Ainsi, certaines entreprises ne parviennent pas à opérer ces aménagements soit par manque d'investissement et de financement soit par mauvaise foi. Le recrutement d'une personne handicapée est donc synonyme de dépenses supplémentaires.

Ces raisons font que, même à compétence égale devant un emploi à pourvoir, les personnes handicapées sont défavorisées et c'est pour éviter d'accomplir les obligations précitées que certains employeurs préfèrent les écarter du recrutement.

La pauvreté constitue une véritable épine à une lutte effective contre la discrimination. En effet, si la situation est décantée par la gratuité des frais de scolarité instituée par le gouvernement au niveau des enseignements préscolaires et primaires, elle refait surface de la

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plus belle manière au niveau de l'enseignement secondaire et surtout supérieur. Ainsi, particulièrement en milieu rural, l'idée tenace selon laquelle, les femmes ont moins besoin que les hommes d'avoir un revenu, conduit certains parents en pénurie de moyens financiers à investir davantage dans l'instruction et la formation des garçons que dans celles des filles. Mais remarquons que les mentalités ont un peu évolué et de ce fait les universités du Togo sont peuplées de la gent féminine.

La prise en compte de l'opinion politique ainsi que l'ethnie dans le monde du travail handicapent sérieusement l'élimination de la discrimination. L'égalité fragilisée, la discrimination se révèle flagrante lors des recrutements surtout dans la fonction publique ou dans les entreprises. Le projet de recherche chapeauté par les universitaires togolais réalisé grâce au concours financier de PASCRENA, illustre ces propos tenus de vive voix sur la situation de la discrimination : « il suffit seulement d'aller consulter la liste des admis des différents concours de recrutement et chacun comprend la place de chaque ethnie. Au Togo, certains ethnies sont privilégiées par rapport aux autres »182.

C'est dans la même dynamique que s'est inscrit plus tôt le professeur Ferdinand Adama KPODAR en ces termes : « Il n'est pas étonnant de voir dans un même bureau des agents de l'Etat tous d'une même ethnie, développant ainsi une sorte d'affairisme familial et la perte du goût du travail bien fait. Cette situation a certainement des impacts négatifs sur le rendement des agents de l'Etat et partant sur le développement du pays. La fonction publique devient aujourd'hui une sorte de gâteau que se partagent certains togolais au détriment d'autres, ce qui crée des injustices sociales graves aux conséquences fâcheuses à l'obtention de l'unité nationale»183. C'est le règne de l'ethnocentrisme. Cette situation justifie à notre avis la quasi-indifférence des recruteurs à l'égard des critères d'ethnie et de l'opinion politique jugés très discriminatoires.

L'apologie des connaissances et des liens de parenté qualifiés de « mendefrèrisme » ou de « manche longue », du tribalisme et du militantisme politique constitue par voie de conséquence, des obstacles de taille qui empêchent l'institution d'un monde du travail sans discrimination.

Toutefois, il y a lieu de relever que ne constitue pas un obstacle à l'élimination de la discrimination les entreprises dites de tendance. En effet, une entreprise publique ou privée

182 ANATE (K), ASSIMA-KPATCHA (E.), & TSIGBE (K.N.), Ethnicité, crise sociopolitiques et processus de réconciliation nationale, LETRIA et CEROCE-2016, p.79

183 Prof. KPODAR (F.A.), Rapport Général de la Ligue Togolaise des Droits de l'Homme (LTDH) sur la situation des droits de l'homme au Togo, Publié à Lomé le 10 décembre 2010, p.60

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dont l'éthique est fondée sur une politique, une religion ou une philosophie est autorisée à faire valoir sa conviction dans l'entreprise tel requérir de ses travailleurs une fidélité et une loyauté envers l'éthique de l'entreprise184. S'il s'agit de la mise en oeuvre de la notion d'exigence professionnelle essentielle consacrée par la jurisprudence185, le droit positif togolais ne la pas encore défini. C'est la raison pour laquelle cette pratique est souvent confondue à la discrimination.

Constitue également, un obstacle majeur à l'élimination de la discrimination l'absence de responsabilisation de l'Etat. En effet, l'Etat étant lui-même responsable des instituions qui paraissent non démocratiques, celles-ci manquent de courage pour prononcer des sanctions à son encontre. Il s'agit du règne de l'impunité qui fait que la discrimination se pratique sans crainte ni sans peur.

De manière générale, l'insuffisance de vulgarisation des textes, l'inaccessibilité au langage juridique pour certains acteurs et le manque de ressources nécessaires pour le suivi de l'application des textes sont autant d'obstacles à franchir.

Au Togo, l'égalité peine à trouver ses lettres de noblesse dans le monde du travail. Malgré les bonnes intentions du législateur, de l'Etat, des acteurs du monde du travail, des partenaires institutionnels et sociaux cela ne suffit pas, la discrimination continue de pervertir l'univers du travail. L'égalité dans le monde du travail togolais telle que reconnue, assurée et garantie par l'article 37 de la constitution togolaise du 14 octobre 1992186 devient une gageure en raison de la discrimination. Face à cette situation qui prévaut, il urge de préconiser des voies, des stratégies et des moyens adéquats pour mettre la discrimination hors d'état de nuire ; ce qui devra permettre d'instaurer un monde du travail qui incarnera la vision d'un avenir meilleur.

184 Brochure CLCD - version complète.doc, Discriminations et atteintes à la vie privée dans l'embauche, CEPAG-IW-FGTB décembre 2012, p.26

185 Trib. Trav. Tongres, 2 janvier 2013, Sté HEMA / une travailleuse intérimaire ; CJUE 14 mars 2017, des affaires belge et française.

186 Supra, note de bas de page N°4, p. 1

DEUXIEME PARTIE

POUR UNE PROTECTION PLUS EFFICACE
CONTRE LA DISCRIMINATION DANS LE
MONDE DU TRAVAIL AU TOGO

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Face à l'inefficacité de la prohibition de la discrimination due à l'insuffisance de la législation anti-discrimination et à la persistance de la discrimination, la quête d'une protection plus efficace devient un impératif pour asseoir l'égalité dans le monde du travail au Togo.

La protection est l'action de mettre une personne physique, une personne morale ou une chose à l'abri de tout ce qui est susceptible de lui porter préjudice.

Comment rendre plus efficace la protection contre la discrimination dans l'univers du travail togolais ?

Une protection plus efficace contre la discrimination dans le monde du travail est à la fois théorique et pratique puisque les deux vont de pair. En effet pour poser les bases d'une protection assez efficace contre la discrimination, il est opportun de réfléchir à une nouvelle rédaction des dispositions qui répriment ce fléau.

Mais, les textes de lois n'étant que théoriques, ils ne suffiront pas à eux seuls à protéger contre la discrimination d'où la nécessité d'une implication accrue des acteurs du monde du travail dans ce combat. Ceux-ci auront la lourde responsabilité de mettre en application ces textes de loi et de procéder à leur intense vulgarisation.

Affranchir le monde du travail togolais en droit et en fait, dans les secteurs publics comme privés de la discrimination, promouvoir la méritocratie au détriment du favoritisme revient finalement à renforcer la législation anti-discrimination (Chapitre I) et à impliquer davantage les acteurs du monde du travail dans cette lutte (Chapitre II).

Chapitre premier : Le renforcement de la législation contre la discrimination.

Chapitre second : L'implication des acteurs du monde du travail dans la lutte contre la discrimination.

CHAPITRE I

LE RENFORCEMENT DE LA LEGISLATION CONTRE

LA DISCRIMINATION

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En ratifiant les conventions internationales et régionales traitant de la discrimination, le Togo s'oblige aux exigences de celles-ci. Malheureusement, des écarts existent et persistent entre la législation anti-discrimination et ces conventions. Le législateur est très attendu sur ces divers sujets pour redorer le blason de son arsenal juridique. Il lui incombe dès lors de donner aux dispositions en cause, une portée en rapport avec les différentes inquiétudes qui minent la législation.

Le renforcement est défini comme des mesures prises pour affermir et consolider une situation donnée. Ainsi, le droit positif togolais relatif à la lutte contre la discrimination nécessite d'être renforcé.

Quelles sont les innovations qu'il faut apporter pour combler les insuffisances constatées au niveau des textes de lois mis en place pour contrer la discrimination ?

Dans le cadre du renforcement de la législation anti-discrimination, il incombe au législateur de rendre compréhensible les différentes formes de discrimination. Celui-ci doit aussi, oeuvrer pour avoir des dispositions qui consolideraient réellement et efficacement l'égalité tant formelle que concrète. Toutefois, n'occultons pas le fait que pour une meilleure protection contre la discrimination, le législateur se doit d'aménager le régime de sa preuve tout en prévoyant des sanctions rigoureuses à son encontre.

Au demeurant, le renforcement de la législation anti-discrimination implique de mettre en place des dispositions qui seraient conformes aux normes internationales et régionales (section 1) et qui feraient véritablement de l'égalité définie par l'O.I.T. une réalité dans le monde du travail (section 2), ce qui en serait des atouts de taille.

Section 1 : La mise en conformité des lois nationales

L'évolution positive de la législation anti- discrimination devient une question soluble. Pour cela, la mise en conformité des lois nationales suppose de procéder soit à leur révision (§1) soit à leur amélioration (§2).

Paragraphe 1 : La révision des dispositions des textes de lois

Le législateur ayant gardé le silence aussi bien sur les formes de discrimination que sur les

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dérogations au principe de non-discrimination et ayant un champ de protection restreint contre ce fléau à l'égard de certaines personnes, il se doit pour mettre les acteurs du monde du travail à l'abri de toute ignorance, de bien élucider les différentes formes de discrimination (A) tout en précisant les limites au principe de non-discrimination de même qu'à étendre la protection contre la discrimination à d'autres personnes (B).

A-La clarification des formes de discrimination

Pour permettre aux acteurs du monde du travail de mieux appréhender les différentes formes de discrimination qui sévissent dans la sphère du travail, trois précisions méritent d'être apportées.

D'abord, la loi doit définir les notions de discrimination directe et indirecte aussi bien dans le CTT que dans le SGFPT de même que dans la CCIT. La définition de ces deux notions devra permettre de lever le doute qui existe sur la nature des discriminations auxquelles fait allusion l'article 46 du SGFPT. Aussi, donner un aspect avenant à la discrimination directe et indirecte dans le CTT permettra-t-il aux acteurs du monde du travail de bien les discerner. Une précision claire de ces deux notions serait un atout fondamental pour les acteurs du monde du travail d'autant plus qu'ils pourront une fois pour de bon donner valablement leur opinion en disant avec exactitude ce que c'est que la discrimination directe et indirecte et quand peut-on considérer une mesure comme relevant de l'une ou l'autre. Examinée de manière approfondie et critique la discrimination directe et indirecte doit permettre aux acteurs de faire face à l'une ou l'autre discrimination, de s'avoir finalement à quoi s'en tenir et surtout comment s'y prendre pour que ces deux formes de discrimination soient proscrites de leur comportement.

Pour être au diapason de son homologue français, le législateur togolais doit songer à rendre complet la liste des critères de la discrimination en ajoutant ceux qui manquent et qui sont utiles. Ainsi, il doit faire l'effort d'intégrer dans le corpus juridique du CTT, du SGFPT de la CT et de la CCIT, les critères d'âge, de grossesse, des caractéristiques génétiques, de l'apparence physique, du nom de famille, du lieu de résidence, de la situation de famille.

L'insertion de ces critères dans ces différents textes présente un double avantage. D'une part, ils permettront de passer des recrutements subjectifs qui procèdent d'un point de vue individuel et inégalitaire aux recrutements objectifs dénués de préjugés et de partialité. D'autre part, les acteurs seront plus outillés et aguerris, ce qui leur permettra de ne plus demeurer dans l'obscurantisme de ces critères et aux travailleurs de pouvoir reconnaitre la discrimination lorsqu'ils en sont victimes.

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Ensuite le législateur doit revisiter les harcèlements. S'agissant du harcèlement sexuel, il y a lieu de redéfinir cette notion dans le CTT et d'inclure la nouvelle définition dans le STGPT et la CCIT. En effet, la définition du harcèlement sexuel ne cadre plus avec les réalités du terrain. Pour cela, la nouvelle définition aura l'obligation de prendre en considération deux paramètres. Le premier tiendra indéfectiblement compte du fait que le harcèlement sexuel peut être l'oeuvre d'un supérieur hiérarchique tout comme d'un collègue de travail ou d'un subalterne. Le second mettra l'accent sur le fait que le harcèlement sexuel ne peut être évoqué que lorsqu'on est en présence des agissements répétitifs comme la prévue le CTT187 mais aussi des faits assimilés au harcèlement sexuel tel un acte isolé. L'élargissement du champ de la notion du harcèlement sexuel étendra le domaine de censure réservé aux auteurs de cette discrimination qui était jusque-là limité au seul lien de subordination.

Quant au harcèlement moral, il est souhaitable que le législateur l'interdise parce qu'il peut devenir discriminatoire et qu'il s'enracine dans l'univers du travail. En effet, la prohibition du harcèlement moral devra conscientiser les acteurs du monde du travail de l'existence d'une autre forme de discrimination. Toutefois, la précision de la nature et des caractéristiques de cette discrimination reste inévitables.

Enfin, la prohibition de l'injonction de discriminer est l'un des défis que doit relever la législation anti-discrimination parce qu'il s'agit d'une discrimination. Cette interdiction permettra de sanctionner les auteurs de ce fléau d'autant plus qu'il présente la caractéristique d'être l'oeuvre de deux personnes. Mais, la définition précise et concise de l'injonction de discriminer dans le droit positif facilitera son acception.

Remarquons que la définition de la discrimination positive est devenue aujourd'hui une nécessité. En effet, cette définition donnera la possibilité aux acteurs de pouvoir faire la part entre cette discrimination et celle que prohibe le législateur. Cette notion de discrimination positive doit donc être incluse de manière explicite dans les différents textes de loi précitée.

Au regard de ce qui précède, la clarification des différentes formes de discrimination est un impératif. Néanmoins, une précision claire des dérogations au principe de non-discrimination ainsi que l'extension de la liste des personnes protégées contre la discrimination n'est pas à négliger.

187 Article 40 al.1er CTT

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B- De la précision des dérogations au principe de non-discrimination à l'élargissement des protégés contre la discrimination

Dans les versions actuelles du CTT et du SGFPT, seules quelles personnes physiques bénéficient de la protection contre la discrimination dans le monde du travail. Une telle situation devenue très embarrassante, il faut dès lors élargir le champ de la protection des bénéficiaires contre ce mal.

Les personnes exerçant une activité non salariée par exemple un agriculteur, les personnes exerçant une activité indépendante, les stagiaires non fonctionnaires, méritent d'être protégés contre la discrimination. Cette extension des personnes bénéficiaires devra permettre la prise en charge effective de toutes personnes exerçant une activité et se détacher de l'idée traditionnelle cantonnée uniquement sur les salariés et les fonctionnaires. De surcroit, la réglementation du secteur informel resté aujourd'hui sans disposition légale par un code spécial devra permettre de reconnaitre à ce secteur son authenticité. En conséquence, la discrimination vécue par les travailleurs de ce secteur pourra être sanctionnée légalement.

Souvent, dans la pratique, le principe de non-discrimination est dérogé pour des motifs objectifs et raisonnablement justifiés. Malheureusement, la loi n'a pas encore réglementé cela. Ce qui porte souvent confusion avec la discrimination. Pour mettre un terme à toute spéculation en la matière, il faut définir les potentiels champs de dérogation dudit principe.

Le CTT, le SGFPT et les CCIPT doivent définir de manière stricte les dérogations dudit principe. Il doit s'agir d'une dérogation d'ordre général et non limitée uniquement à certain critère protégé. Il en serait ainsi, de l'inspiration de l'article L.1133-1 du CTF selon lequel, un traitement différencié « [---] ne fait pas obstacle aux différences de traitement, lorsqu'elles répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l'objectif soit légitime et l'exigence proportionnée ». Il s'agit d'une politique générale de l'emploi.

Certaines personnes pourront penser que cette mesure sera un handicap aux dispositifs de lutte contre la discrimination dans le monde du travail parce qu'elle peut ouvrir un boulevard à la pratique des actes discriminatoires. Mais, tel ne sera pas le cas. La disposition consolidera plutôt la lutte contre ce phénomène car les acteurs y seront informés utilement.

On ne s'aurait parlé de réforme de la législation anti-discrimination sans songer à améliorer certaines de ces dispositions qui ne cadrent plus avec les réalités du terrain.

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Paragraphe 2 : Les réquisits à l'amélioration de la preuve et des sanctions de la discrimination

Pour donner l'opportunité aux victimes de discrimination de pouvoir la prouver efficacement afin de sanctionner les coupables, il est primordial de réviser le régime de la preuve de la discrimination (A) et d'aggraver ses sanctions (B).

A-L'aménagement du régime de la preuve de la discrimination

Pour mieux combattre la discrimination, il faut que le législateur prenne en compte les difficultés inhérentes à l'établissement de sa preuve en donnant les moyens adéquats aux victimes de pouvoir se défendre efficacement. La concrétisation de cette action passera inéluctablement par l'aménagement de la charge de la preuve de la discrimination et par la consolidation des mesures de protections légales dans la législation anti-discrimination.

D'une part, s'agissant de l'aménagement de la charge de la preuve, le législateur togolais peut s'inspirer de l'article L.1132-3-3 du CTF. De cette disposition, il résulte une triple obligation. D'abord le demandeur c'est-à-dire la victime a l'obligation de soumettre les faits laissant supposer l'existence de la discrimination. Il s'agit d'une présomption simple188. La victime serait donc en phase d'une probable reconnaissance de la discrimination puisqu'elle hérite d'une facilité d'accès à la preuve.

Ensuite, étant débiteur d'une preuve de non-discrimination189, le défendeur s'évertuera à démontrer l'inexistence de la discrimination. Il s'agira de démontrer l'objectivité de sa décision c'est-à-dire le non fondé des allégations du demandeur ce qui équivaut à la maxime « Reus in excipiendo fit actor ». Avec cette stratégie, on déduit que la charge de la preuve est transférée au présumé auteur de la discrimination. Est-ce une inversion réelle de la charge de la preuve ? Selon certains auteurs, il s'agit de l'« aménagement »190 de la charge de la preuve. Il s'agit d'un aménagement au profit du demandeur et au détriment du défendeur. Mais compte tenu du fait que la victime n'est pas totalement déchargée de la preuve, qu'il pèse encore sur elle le fardeau de prouver les faits qui laissent supposer l'existence d'une discrimination, il serait judicieux de parler de partage de charge de preuve entre les deux parties191. Toutefois afin d'éviter toute polémique à ce sujet et dans le but de concéder une facilité de preuve indéniable à la victime, il faut y stipuler que « le doute profite à la victime

188 Mazeaud (A.), « La discrimination dans la vie du travail », Rapport français, p. 353

189 GUISLAIN (V.), op.cit. p.16

190 LHERMOULD (J. -Ph.), note sous Soc 29 juin 2011, Jurisprudence soc. Lamy 2011, n°307-3, p. 12

191 DANIS-FANTÔME (A.), ibidem

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de discrimination »192.

Enfin, il revient au juge togolais saisi de former sa conviction. En conclusion, un défendeur qui arrive à démontrer l'objectivité de sa décision sera disculpé de tout acte discriminatoire. Par contre, si la discrimination est établie, sa responsabilité sera engagée.

Reconnaissons tout de même qu'eu égard à la nécessité de protéger les droits fondamentaux de la victime, l'aménagement des règles de preuve ne viole pas le principe de l'égalité des armes qui tend à protéger l'équilibre procédural entre l'accusation et la défense193. En conséquence, le but visé en souhaitant l'aménagement de la charge de la preuve de la discrimination est de faciliter dorénavant, la démonstration de celle-ci. Même si cet aménagement ne sera d'application qu'en matière civile, nous estimons que compte tenu de la gravité de ce fléau, qu'exceptionnellement on puisse instituer cet aménagement au pénal uniquement en matière de discrimination.

D'autre part, pour parfaire le régime de la preuve de la discrimination, il faut renforcer les mesures de protection légale. La consolidation de ces mesures s'articule autour de quatre points. Primo, que la loi reconnaisse le droit au travailleur victime de discrimination d'exiger du juge des référés d'enjoindre à son employeur de lui communiquer tous les documents concernant les autres travailleurs : les contrats de travail, avenants, bulletins de paie, les tableaux d'avancement et de promotion194 avant tout procès et sous astreinte pour prouver la discrimination dont elle se prévaut.

Secundo, une fois interpellé, l'employeur aura la lourde obligation de fournir tous les documents qui lui sont exigés. En cas de refus il doit être sanctionné.

Tertio, il est opportun de rendre plus efficace la protection des victimes pour qu'elles soient beaucoup plus disposées à dénoncer les actes de discriminations dont elles font le plus souvent l'objet afin de pouvoir obtenir l'annulation des mesures discriminatoires intervenues à raison de leur action en justice195.

Quarto, le renforcement de la protection due aux témoins de la discrimination. L'article 40 al.2 du CTT protège les témoins de la discrimination contre toute mesure de rétorsion. Mais, cette protection n'étant pas absolue, il est essentiel de la perfectionner en permettant aux

192 Ibidem

193 Cass. Soc. 28 janvier 2010, n° 08-41.959, Soc 7 février 2012, JCP S 2012 1150, n. Boulmier (D.), RJS 4/12, n°299

194 Art 145 Code de Procédure Civile Français

195 Cour de Cassation Française Troisième partie, Rapport annuel 2008, ibidem

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témoins de témoigner sous anonymat. Ainsi, leur identité ne sera pas révélée à l'auteur de la discrimination. Cette initiative incitera sans doute les témoins à certifier l'existence de la discrimination tout en restant à l'abri des représailles. Cette technique qui consiste à témoigner sous anonymat a d'ailleurs fait ses preuves aux Etats Unis d'Amérique sous le nom de« Whistleblowings » et en France sous l'appellation de « dispositif d'alerte »196.

Outre les dispositions préconisées pour faciliter la preuve de la discrimination, deux mesures nécessitent d'être prises afin de rendre la tâche plus aisée à la victime de ce phénomène. Premièrement, le législateur peut disposer que les organisations de la société civile régulièrement constituées au moins cinq ans197 se substituent aux victimes de la discrimination pour agir à leur place en justice lorsque ces dernières s'obstinent à porter leur action devant les tribunaux. Deuxièmement, compte tenu du fait qu'il est parfois difficile aux victimes d'apporter individuellement la preuve de la discrimination, il sera judicieux de leur offrir l'opportunité de se constituer en groupe pour intenter leur action en justice.

A l'instar de l'aménagement du régime de la preuve de la discrimination, le renforcement du système punitif devra consolider les acquis d'une bonne répression de ce phénomène.

B- Le renforcement du système punitif

Le renforcement des dispositions pénales nécessite, la mise en place de sanctions rigoureuses à l'encontre des auteurs de la discrimination qu'ils soient des personnes physiques ou des personnes morales.

S'agissant des personnes physiques, d'abord, il est souhaitable d'énumérer les sanctions disciplinaires dans le CTT pour parer aux abus ou dérives de certains employeurs dans les administrations. Ensuite, il est nécessaire d'aggraver les sanctions de la discrimination dans le droit positif togolais en les portant au double des amendes et des peines d'emprisonnement actuellement prévues par le CTT. Enfin, le législateur togolais doit faire l'effort de prévoir des sanctions à chaque type de discrimination.

Dans la sphère du travail, certains travailleurs sont souvent discriminés en raison de l'absence de réglementation de leur statut. Il s'agit principalement des stagiaires et des travailleurs temporaires. Pour solutionner cela, le CTT devra réprimer les employeurs qui se seraient rendus coupables de ces agissements.

196 Cité par GUISLAIN (V.), op.cit., p.11

197 HALPERIN (J-L.), Discrimination : pratiques, savoirs, politiques, La documentation Française, Paris, 2008, p.25

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Quant aux personnes morales, le CPT ayant érigé en délit la discrimination commise par elles, le CTT ainsi que le SGFPT devront en faire de même. Ainsi, il est attendu de ces deux textes de loi des mesures sanctionnant toute personne morale qui se rendra coupable de discrimination. Le législateur peut augmenter les sanctions prévues à l'encontre des personnes morales, auteurs de la discrimination en les portant au triple de celles envisagées contre les personnes physiques. A ces sanctions, le CTT peut aussi prévoir l'exclusion de la personne morale qui pratique la discrimination des marchés publics ou son placement sous surveillance judiciaire pendant une durée raisonnable.

L'application effective de la méritocratie, oblige le législateur à prévoir des sanctions à l'encontre de toute personne qui userait de son autorité pour obtenir des faveurs avant, pendant ou après les concours ou recrutements aussi bien dans la fonction publique que dans le secteur privé. Les organisateurs ou recruteurs qui se prêteront à ses activités déloyales devront en subir le même sort comme le dispose déjà l'article 49 du SGFPT.

L'adoption d'un texte exprès aussi bien dans le CTT, dans le CPT, dans le SGFPT que dans la CCIPT qui engagerait la responsabilité des employeurs pour les actes de discrimination commis dans le cadre du travail par leur employé. Il s'agit donc de la mise en oeuvre de la responsabilité du commettant du fait de ses préposés énoncé par l'article 1384 al.5 C.civ français.. Ainsi, la responsabilité de l'employeur sera engagée même lorsqu'il n'est pas l'auteur de la discrimination. Pour cela, il urge de réécrire l'article 42 du CTT en l'érigeant en une obligation de résultat198. Cela obligerait les employeurs à s'impliquer davantage dans la lutte contre la discrimination.

Néanmoins, la responsabilité personnelle de l'auteur de la discrimination sera engagée dans une triple hypothèse. Primo, lorsque le préposé outrepasse ses pouvoirs199. Secundo, si le préposé s'est rendu coupable d'une faute pénale intentionnelle, fût-ce sur l'ordre du commettant200. Tertio, lorsque le préposé qui a reçu une délégation de pouvoir se rend coupable d'une faute pénale non intentionnelle201.

L'élimination de l'impunité dans l'univers du travail contribuerait à une lutte efficace contre la discrimination. Peu importe la qualité de son auteur, qu'il soit du secteur public ou privé, qu'il soit décideur, employeur, salarié ou fonctionnaire, celui-ci doit recevoir une sanction

198 Ancien article 1147 C. civ français et article1231-1 du nouveau C.civ, français

199 Cass.2e civ, 14 juin 1957, D. 1958.53, note R. SAVATIER ; v. déjà Cass. civ, 1erjuill.1954, D, 1954.628, JCP 1954.II.8352.

200 Arrêt Cousin, Ass. plén. 14 déc. 2001, Bull. Ass. plén, n° 2, JCP 2002.II.10026, note M. BILLIAU

201 LESEIGNEUR (D.), « Les infractions non-intentionnelles : première cause de condamnation en ACM » in Droit pénal, Responsabilité, 19 avr, 2012

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proportionnée au délit commis. Tendre vers zéro impunité est un impératif pour barrer la voie à la pratique de la discrimination.

Le renforcement des dispositions pénales présente un triple but. D'abord, elles devront être efficaces en produisant le résultat attendu. Ensuite, les peines doivent être proportionnées au délit. Tertio, elles devraient dissuader les potentiels candidats à la commission de ce délit en excluant toute circonstance atténuante aux éventuels contrevenants.

Le législateur est sollicité de rendre conforme sa législation aux conventions internationales. Il s'agit d'une tâche qui s'accommode à la concrétisation de l'égalité.

Section 2 : La réalisation de l'égalité dans le monde du travail

La législation anti-discrimination togolaise doit être prolixe en matière d'égalité. La réalisation de cette égalité au Togo dans le monde du travail passe nécessairement par l'affermissement de l'égalité formelle (§1) et la promotion de la discrimination positive (§2). Paragraphe 1 : Le renforcement de l'égalité formelle

L'égalité étant la même chance offerte à tout le monde, il faut dès lors réussir à l'asseoir au sein du monde du travail en interdisant à l'employeur de se baser sur des traits distinctifs de la personne du travailleur. Par conséquent, l'égalité formelle suppose non seulement une égalité de chance et de traitement (A) mais aussi une égalité en matière de rémunération (B).

A- Les actions en vue d'une égalité réelle de chances et de traitement

Pour prévenir les aléas des insuffisances des dispositions préconisées par le législateur pour assurer l'égalité de chances et de traitement dans le monde du travail, il lui revient d'aménager lesdites dispositions.

D'une part, le législateur doit légiférer sur l'égalité de chances et de traitement aussi bien dans l'administration publique que dans les entreprises privées. Il s'agit bien évidemment de l'égalité entre les deux sexes202 qu'entre tout citoyen.

D'abord, en vue de permettre à tous les candidats de concourir sur un pied d'égalité, des dispositions adéquates doivent être envisagées en ce sens afin d'éliminer les discriminations qui se pratiquent. Dans le but d'atteindre cet objectif le législateur doit prohiber toute publicité discriminatoire, ce qu'il n'a pas fait jusque-là. Aussi, afin d'impacter un grand

202 Convention n° 156 de l'OIT concernant l'égalité de chances et de traitement pour les travailleurs des deux sexes : travailleurs ayant des responsabilités familiales (1981),

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nombre de personnes, il serait judicieux de diversifier les canaux de publication des offres d'emplois.

Ensuite, afin d'éliminer l'inégalité de traitement et de promouvoir l'égalité de chances dans l'univers du travail, il y'a lieu de recommander aux employeurs de faire le point sur leurs procédures de recrutement et de sélection en les révisant de façon à éliminer la discrimination notamment en analysant les conditions d'accès à l'emploi, les critères de sélection, les procédures de recrutement et les politiques de promotion, d'accès à la formation et d'accès aux stages203.

En outre, dans l'univers du travail, l'équité ne peut être réalisée que si les offres d'emploi sont dépourvues de toute subjectivité et que si ces offres sont en rapport avec le poste à pourvoir204. La quête permanente de l'égalité passe donc par la proscription par le législateur des exigences de qualifications trop élevées ou en déphasages avec l'emploi pourvu.

Enfin, la transparence étant la règle qui doit primer dans l'organisation des concours et des recrutements dans la sphère du travail, il est très indispensable d'adopter une législation devant réglementer cette situation. Cette législation doit permettre d'esquiver les incursions scandaleuses qui peuvent être du pouvoir en place mais aussi des influences venant de tout bord.

D'autre part, l'égalité de chances et de traitement ne doit nullement se limiter à l'embauche mais, elle doit s'étendre dans la vie professionnelle205. En effet, que ce soit au niveau des affectations des travailleurs, de la promotion ou du reclassement de ces derniers, des sanctions disciplinaires infligées aux employés fautifs, que du licenciement, le législateur doit pouvoir mettre en place des dispositions rigoureuse pour que tout se fasse dans l'égalité.

Rappelons que le principe de non-discrimination implique non seulement une égalité de chance et de traitement mais aussi une égalité de rémunération206. On ne saurait donc être à l'abri de la discrimination dans l'univers du travail, que si à l'instar de l'effectivité de l'égalité de chance et de traitement, le législateur parvient à instaurer une égalité indéniable en matière de rémunération.

203 Commission européenne contre le racisme et l'intolérance, recommandation de politique générale n° 14 : sur la lutte contre le racisme et la discrimination raciale dans le monde du travail, adoptée le 22 juin 2012 p.9

204 HAMDANI (K.), cité dans, Recrutez sans discrimination, Guide pratique destiné aux responsables d'entreprises et aux directeurs des ressources humaines avril 2008 p. 11

205 AUZERO (G.), L'application du principe d'égalité de traitement dans l'entreprise, Droit Social 2006, p.822

206 PELISSIER (J.), SUPIOT (A.), JEAMMAUD (A.) avec la collaboration AUZERO (G.), Droit du travail, édition Dalloz 2008, 24ème édition p.204

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B- Les actions en vue d'une égalité réelle de rémunération

La rémunération est le paiement en numéraire ou en nature d'un travail ou d'un service rendu. Dans l'univers du travail, les travailleurs sont rémunérés par des salaires qui constituent leur principale source de subsistance et celle de leur famille. Elle mérite donc une attention particulière de la part du législateur.

Selon l'article 117 du CTT, « par salaire, il faut entendre, quels qu'en soient la dénomination et le mode de calcul, le salaire de base ou minimum et tous autres avantages, payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur, en raison de l'emploi de ce dernier, et fixés par les dispositions conventionnelles ou réglementaires ».

L'égalité de rémunération est le principe selon lequel aucun travailleur ne doit faire l'objet de discrimination en matière de salaire. Il s'agit bien évidemment de la règle du droit du travail : « à travail égal, salaire égal »207.

Que faut-il entendre par les expressions « à travail égal », et « salaire égale » ? S'agissant de l'expression « à travail égal », il s'agit d'un même travail ou un travail de valeur égale qui est effectué par les travailleurs dans une même entreprise208. Quant au « salaire égale », elle équivaut à la même rémunération.

Lorsqu'on évoque le principe « à travail égal, salaire égale », cela doit s'appliquer aux travailleurs temporaires. Le législateur a le devoir de mettre en place des dispositions qui assureraient une égalité de rémunération à cette catégorie de travailleurs. Ainsi, que ce soit le CTT, la CCIT ou la CCZFT, tous doivent contenir des dispositions aux bénéfiques des travailleurs temporaires. Cette disposition leur permettra de percevoir une rémunération identique à celle que percevrait un employé de l'entreprise utilisatrice qui possède une qualification analogue et qui accomplit le même travail209.

L'égalité de rémunération implique également la régularisation de la situation des Enseignants Volontaire en leur octroyant une aide mensuelle supérieure ou égale au Salaire Minimum Interprofessionnel Garanti (SMIG) en tenant compte de leur grade.

La rémunération des stagiaires doit être réellement prise en compte par la législation antidiscrimination. Étant donné qu'ils sont liés à leur maître de stage par le lien de subordination et qu'ils sont appelés à effectuer des tâches identiques ou parfois même supérieures à celles

207 Supra, p.42

208 Article 118 al. 1er CTT 209Article L. 1231-18 CTF

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des employés recrutées dans la même administration, ceux-ci doivent nécessairement recevoir une rémunération appropriée. Cela ne peut se réaliser que par la mise en place d'une disposition légale.

Pour atteindre l'égalité de rémunération, les critères de rémunération doivent être fixés de manière transparente et établis en fonction des postes de travail pourvu que toute équivoque puisse être levée. Ce qui facilitera sans doute leur compréhension et les mettra à l'abri de discrimination en matière de rémunération.

Toutefois, le droit positif doit être explicite sur l'individualisation des rémunérations entre les travailleurs en définissant de manière claire les éléments objectifs réels et pertinents sur lesquels il fonde ladite individualisation.

Comme il ne suffit pas d'instituer l'égalité formelle pour prétendre éliminer la discrimination dont sont victimes les personnes vulnérables alors, il faut y joindre à celle-ci l'égalité concrète.

Paragraphe 2 : Pour une égalité concrète : la promotion de la discrimination positive

Pour bien mener sa politique de discrimination positive, l'Etat doit réglementer la situation des personnes handicapées (A) et la parité (B) dans le monde du travail, ce qui devra compenser les discriminations subies par les handicapés et les femmes.

A- La réglementation de la situation des personnes handicapées

Pour une meilleure inclusion professionnelle des personnes handicapées au Togo, il est primordial de mettre en place des dispositions appropriées en ce sens. Ces dispositions sont relatives à leur recrutement et à leur condition de travail.

D'une part, pour rendre effectif l'emploi des personnes handicapées, il urge qu'un décret destiné à compléter les principes déjà posés par l'article 153 CTT soit pris pour déterminer le quota qui doit leur être réservées aussi bien dans la fonction publique que dans les entreprises. On doit alors veiller à ce que ces quotas soient atteints lors des concours et des recrutements. Cette initiative favorisera l'accès facile des personnes handicapées dans le monde du travail. Cependant, ils doivent avoir les compétences requises pour bénéficier de ces privilèges au risque de ne pas pouvoir être à la hauteur de la tâche. Les quotas pourront être revus soit à la hausse soit à la baisse en fonction de l'évolution de leur intégration professionnelle.

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D'autre part, les conditions de travail des personnes handicapées impliquent que le gouvernement prenne le décret d'application de l'article 153 du CTT et que le SGFPT soit doté d'une loi similaire. De ce décret une double obligation s'imposera aux employeurs : l'obligation d'accessibilité et l'obligation de fourniture de matériaux de travail.

Premièrement, s'agissant de l'obligation d'accessibilité, compte tenu de la diversité d'handicaps qui existent et de la complexité de la notion d'accessibilité qui ne se résume pas uniquement aux bâtiments et aux lieux de travail des personnes vivant avec un handicap, des mesures idoines doivent être prises pour résoudre ce problème qui se pose avec intensité. A l'accessibilité des édifices et bâtiments, le législateur doit user du pouvoir que lui confère le peuple pour poser les jalons d'une accessibilité plus faciles aux personnes handicapées. Ainsi, par une loi, il devra imposer à toutes les entreprises et administrations existantes de rendre leur édifice accessible aux personnes handicapées en opérant des aménagements raisonnables et convenables. Aussi, les entreprises et administrations en création ou en voie de création auront pour obligation d'inclure impérativement dans leur projet de construction ces aménagements. Le Togo doit donc suivre l'exemple de l'Etat français qui a déjà légiférer sur cette problématique de l'accessibilité210. A l'accessibilité des immeubles s'ajoutent les moyens de transport en commun. En effet, La société SOTRAL doit accorder plus de privilèges aux personnes vivant avec un handicap en leur aménageant une place confortable dans les bus. Retenons tout de même que l'accessibilité résulte de l'adéquation entre une personne avec ses aptitudes, ses difficultés et un environnement211.

Deuxièmement, pour permettre aux personnes handicapées de produire le résultat escompté, l'employeur doit leur fournir les moyens adéquats pour y parvenir. Pour cela, il est opportun d'aménager leurs postes de travail pour les adapter à leur état de handicap. A titre illustratif, un employé malvoyant ou aveugle mérite qu'on mette à sa disposition des instruments de travail en braille pour lui permettre de se retrouver dans son monde. Dans ces conditions, la personne handicapée pourra travailler convenablement.

Même si l'aménagement des conditions de travail des personnes handicapées est une nécessité vitale, il est malheureux de constater qu'il est trop couteux. C'est pour cette raison que certains employeurs sont retissent à le financer. Pour remédier à cela, l'Etat peut subventionner de manière raisonnable la réalisation de ces projets.

210 Loi française n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

211 KOMBATE (K. L.), op. cit. p.30

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La désignation « personne handicapée » étant discriminatoire, sa suppression du CTT et son remplacement par l'expression « personne en situation de handicap » devient un impératif. Cette nouvelle appellation permettra « de mettre l'accent sur le caractère situationnel du handicap en dépassant notamment l'amalgame qui existe encore entre maladie, déficience, incapacité et handicap »212.

L'exigence de réformes prenant en compte l'inclusion professionnelle des personnes handicapées n'est pas ex-nihilo. Il s'agit des obligations qui s'imposent au Togo en tant que pays ayant ratifié les textes relatifs aux droits des personnes handicapées.

La politique de discrimination positive ne se limite pas uniquement aux personnes handicapées. Elle mérite de s'étendre également à la gente féminine.

B- La réglementation de la parité dans le monde du travail

Au Togo, les femmes constituent la majorité de la population213. Pour cela il est d'un grand intérêt qu'elles soient représentées dans une juste proportion dans les centres de décision et qu'elles prennent toute la place qu'il faut dans le développement de notre pays214. Cette initiative nécessite l'adoption d'une loi sur la parité qui devra être suivie de garde-fous suffisants puisque les femmes sont les vectrices de développement.

D'abord, pour permettre aux femmes d'accéder plus aisément aux postes de décisions et de responsabilités dans le monde judicaire, économique et autres et avoir une grande représentativité de celles-ci dans la fonction publique comme dans les entreprises privées, l'Etat doit faire de la parité genre une réalité en adoptant une loi en la matière ; laquelle consistera à instaurer des quotas pour augmenter le nombre des femmes dans les instances précitées. Ces quotas permettront évidemment de diminuer les discriminations dont elles sont victimes et de sortir de leur léthargie. C'est justement pour obtenir ces résultats que l'Union Africaine et la CEDEAO ont instauré la division Genre au sein des Commissions215.

La loi N° 2013 - 004 portant modification de la loi N° 2012-002 du 29 mai 2012 portant Code électoral qui traite de la parité hommes-femmes aux élections au Togo doit être perfectionnée et être effectivement appliquée pour permettre une meilleure représentativité des femmes aux

212 MERZOUK (R.) « Travail, handicap et discrimination : lorsque le travail devient aussi un espace de production du handicap » Reflets, revue d'intervention sociale et communautaire, Volume 14, numéro 1, 2008

213 Les résultats du 4eme Recensement Général de la Population et de l'Habitat du Togo du 06 au 21 Novembre 2010 révèlent qu'aujourd'hui, il y a 51,4% de femmes contre 48,6% d'hommes.

214 AKINOCHO (H.O.) et BLIMPO (M.P.), « La place de la femme dans l'opinion des Togolais » Afrobarometer Briefing Paper No. 142 March 2014

215 FASSINOU ALLAGBADA (A), « La parité des genres : le Togo en marche, quid du Bénin » ? Nouvelle Tribune, 18 Juin 2013

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fonctions électives c'est-à-dire Présidence de la République, Assemblée Nationale, Délégation Spéciale. Le Togo doit donc suivre l'exemple de six Assemblées francophones en matière de parité « [---] dont le taux de représentation des femmes est voisin des 50% (Rwanda : 63.8%, Andorre : 50%, Burundi : 46.3%, Fédération Wallonie-Bruxelles : 44.7%, Seychelles : 43.8% et Sénégal : 43.3%) »216.

La parité genre étant un sujet très important, l'Assemblée Parlementaire de la Francophonie « recommande la systématisation de quotas dans l'espace francophone pour permettre aux femmes de jouer pleinement leur rôle de citoyenne ,
· demande aux chefs d'état et de gouvernement d'accentuer leurs actions en faveur de la discrimination positive, et ce notamment au sein du pouvoir exécutif, judiciaire et économique ,
· appelle à intégrer la dimension genre dans toutes les politiques publiques, notamment dans l'établissement des budgets publics et dans la conception des projets de développement
»217.

Ensuite, cette politique ne s'aura produire d'incidences positives si des garde-fous ne sont pas mise place pour sa suivie. Ainsi, une éducation de base sur l'égalité du genre homme et femme devra canaliser l'esprit des jeunes filles et des jeunes garçons dès le bas âge à prôner l'équité. Aussi, pour mieux évaluer le degré d'avancement de la parité instituée, faudra-t-il mettre en place un outil statistique et des indicateurs sexués. Toutefois, rien ne serait possible si la femme n'est ni motivée ni sensibilisée sur le sujet, ni compétente pour assurer ces responsabilités.

En vue de donner plus d'autonomie à la femme dans les domaines reproductifs et sexuels, dans celui de l'économie dans la sphère juridique et politique, de réduire les discriminations dont elles sont victimes, le législateur doit supprimer la qualité de chef de famille attribué depuis les temps immémoriaux au mari dans le CTT, la CGIT et la CSS. Cette autonomie conférera à la femme togolaise plus de pouvoir sur sa vie et son environnement.

La conciliation de la vie professionnelle et familiale est une nécessité. En effet, compte tenu du fait que les travailleuses font face à des difficultés pour associer leur rôle de mère à leur profession aussi bien pendant la période de leur grossesse qu'à celui de la naissance de leur enfant jusqu'à l'autonomie de celui-ci, il faut les aider à concilier leurs responsabilités professionnelles et leurs obligations familiales surtout lorsque l'enfant est en bas âge218.

216 Tableau représentatif de l'état de la situation de la participation des femmes en politique au sein des parlements de l'APF.

217 Avis de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie, op.cit. p.12

218 RINGELHEIM (J), « Adapter l'entreprise à la diversité des travailleurs : la portée transformatrice de la nondiscrimination » Journal européen des droits de l'homme, 2013, p.66

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Enfin reconnaissons que les femmes qualifiées de « sexes faibles » sont de véritables vectrices de paix et de développement. En effet, la résolution de la double équation « paix ou progrès » est subordonnée à l'élimination de la discrimination et de la violence qui existent et persistent à l'égard des femmes219. Pour cela, la libération du potentiel économique des femmes est un indice sérieux à l'augmentation des performances économiques des communautés, des nations et du monde220.

Pour assurer l'égalité des chances aux femmes dans le monde du travail, il faut mettre en place des lois et règlements plus justes221. Mais ce phénomène de la discrimination étant très enraciné dans l'esprit des Togolais, nous admettons qu'on ne saurait l'extirper du monde du travail par de simples dispositions législatives, réglementaires et conventionnelles. Dès lors, intégrer les acteurs du monde du travail à cette lutte nous paraît absolument incontournable.

219 BACHELET (M.), 15 mars 2013 cité dans « Dans travail encore inachevé - placer les femmes et les filles au coeur des enjeux de l'après-2015 », OCDE, mai 2013, p.1

220 RODHAM CLINTON (H.), à l'occasion de l'Asia Pacific Economic Cooperation Women and the Economy Summit, Californie, 16 septembre 2011 cité dans « Dans travail encore inachevé - placer les femmes et les filles au coeur des enjeux de l'après-2015 », mai 2013.OCDE, p.5

221 LAGARD (C.), 23 février 2015, le blog du FMI - iMFdirect

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CHAPITRE II

L'IMPLICATION DES ACTEURS DU MONDE DU TRAVAIL

DANS LA LUTTE CONTRE LA DISCRIMINATION

La lutte contre la discrimination n'étant pas seulement qu'une question de législations, de règlements ou de conventions, les acteurs du monde du travail doivent aussi faire les leurs en s'y impliquant davantage.

L'implication qui vient du latin « implicatio » est la participation ou l'engagement dans une action. Ainsi, on peut dire que les acteurs du monde du travail doivent s'investir corps et âme pour lutter contre la discrimination. Pour cette raison, ils doivent s'évertuer pour que la lutte qu'ils mènent ne soit pas vaine.

Comment les acteurs du monde du travail doivent t'ils s'impliquer dans la lutte contre la discrimination ?

Le degré d'implication des acteurs du monde du travail varie selon qu'il s'agit de l'Etat ou des acteurs au sein des entreprises et des autres partenaires.

S'agissant de l'Etat, face à la problématique de la discrimination, celui-ci doit revoir l'état de ses institutions en vue de les adapter à une politique susceptible d'extirper la discrimination de l'univers du travail.

Quant aux autres acteurs et partenaires, en l'occurrence les représentants des travailleurs et les représentants des employeurs, ils doivent agir efficacement contre la discrimination afin qu'elle cesse d'être un handicap dans la vie des personnes qu'ils représentent et la leur. Si nombre d'organisations de la société civile togolaise ont fait de la discrimination dans le monde du travail leur cheval de bataille, celles-ci devraient donc oeuvrer pour son élimination. L'Organisation International du Travail de par son importance dans le monde du travail ne doit pas rester en marge de cette lutte.

Pour une lutte efficace contre la discrimination, l'Etat doit s'impliquer de manière très active (section I), et les acteurs au sein des entreprises et les autres partenaires doivent l'être de manière accru (section II).

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Section 1 : Une implication très active de l'Etat togolais

L'Etat togolais est incontestablement le premier acteur du monde du travail. Celui-ci est censé apporter son expertise pour éliminer la discrimination. Pour atteindre cet objectif, il convient de mettre en place des institutions qui soient en adéquation avec la politique du gouvernement qui consiste à contrer la discrimination (§1) et qu'il oriente cette politique vers une nouvelle vision (§2).

Paragraphe 1 : L'exigence d'une adéquation des institutions impliquées dans la lutte contre la discrimination

Afin de remédier à l'inefficacité des instituions qui interviennent dans la lutte contre la discrimination et de parvenir à instaurer une égalité parfaite entre tous les travailleurs, il faut dès lors insuffler un dynamisme aux institutions administratives existantes (A) et instituer une nouvelle institution plus spécialisée en matière de lutte contre la discrimination et de promotion de l'égalité (B).

A- La dynamisation du cadre institutionnel

Pour triompher de la discrimination, il faut mettre en place des institutions très fortes et assurant des services très efficaces. Ces institutions administratives qui sont les juridictions, l'inspection du travail et les ministères en charges du travail doivent être exemplaires dans la lutte contre la discrimination sur le marché du travail.

Face à la discrimination, le juge est appelé à agir avec beaucoup de discernement. Ainsi, lorsqu'il est saisit d'un cas de discrimination, deux possibilités pourraient s'offrir à lui.

Premièrement, il peut recourir à la comparaison entre différents salariés pour déterminer l'existence de la discrimination. C'est le cas par exemple lorsqu'il y a inégalité de rémunération entre certains salariés alors qu'ils devraient percevoir les mêmes revenus. Dans ce cas de figure, le juge devra jouer le rôle d'investigateur. Cette investigation consistera pour celui-ci d'ordonner au défendeur de fournir les documents utiles à la comparaison de la situation de la supposée victime avec celle de ses collègues de travail222. Force n'est besoin cependant d'une similarité totale entre les éléments de comparaisons223 pour que le juge retienne la discrimination. Souvent, la recherche d'éléments de comparaison n'intervient qu'en cas de sollicitation de la victime. Mais, pour simplifier l'accès à la preuve, il est important de rendre automatique cette procédure d'instruction comme il en est le plus souvent

222 Cass. Soc. 9 avril 1996, n°1727

223 Cass. Soc. 28 janvier 2010 n°08-41-959

La discrimination dans le monde du travail au Togo Page 78

en matière pénale. Cette procédure n'est tout de même pas évidente dans tous les cas de discrimination.

Deuxièmement, le juge peut ne pas exiger la fourniture d'élément de comparaison lorsque cela n'est pas nécessaire pour élucider l'existence de la discrimination. C'est le cas par exemple lorsqu'un salarié prétend avoir été victime du harcèlement sexuel à caractère discriminatoire.

Le juge est un acteur clé dans la quête de la vérité sur l'existence ou non de la discrimination. Il est donc tenu au respect scrupuleux « des règles de loyauté de la preuve ». Ainsi, face à une allégation de discrimination, une double obligation s'impose à lui : il doit apprécier aussi bien les éléments soulevés par le demandeur que « les justifications mises en exergue par le défendeur »224.

Face à la pesanteur des dossiers, à la lenteur et à l'éloignement des juridictions en charge de trancher les litiges en matière de discrimination dans le monde du travail, il est impérieux de décentraliser le tribunal du travail par la création dudit tribunal dans toutes les juridictions du pays et la création des tribunaux administratifs du moins dans les régions économiques du Togo. Ce qui suppose aussi le recrutement des magistrats pour combler le grand vide qui existe déjà et la formation des juges administratifs.

En matière de lutte contre la discrimination, la justice togolaise doit être une justice « juste ». Pour atteindre cet objectif, cette justice doit être indépendante et impartiale. Il revient au juge de faire preuve de probité morale. La corruption étant un vice, elle doit être combattue sévèrement. Ainsi en sanctionnant les juges corrompus et en divulguant leur identité cela pourra servir d'exemple aux autres afin de les dissuader de pratiquer la discrimination. Une juridiction de bon augure nécessite donc la mise en place d'un mécanisme pour accélérer les procédures judiciaires et assainir la corporation judicaire.

Face à la discrimination, l'inspecteur du travail et des lois sociales est censé apporter son expertise à la création d'un monde du travail sans ce phénomène. Pour cela, il est tenu de surveiller les pratiques discriminatoires dans le cadre du programme d'amélioration des conditions de travail des entreprises.

224 GUISLAIN (V.), op.cit., p.15

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L'inspecteur du travail doit user de ses pouvoirs d'investigation pour accéder aux documents des entreprises afin de dévoiler des cas de discrimination qui se pratiquent. Il doit aussi, faire l'effort de saisir le juge des référés lorsque cela est nécessaire afin d'interrompre une discrimination pratiquée à l'encontre d'un salarié.

La direction des statistiques de l'inspection du travail du Togo doit avoir des statistiques annuelles assez fiables sur la discrimination dans le monde du travail au Togo. Ce qui permettra d'avoir une nette appréhension de ce fléau.

Le renforcement des pouvoirs et de l'effectif des inspecteurs du travail et doter ceux-ci de ressources suffisantes serait un atout devant leur permettre d'oeuvrer activement et efficacement à la prévention ou à l'élimination de la discrimination dans le monde du travail.

Pour connaitre l'état d'avancement de la discrimination et l'impact des politiques mises en place pour combattre ce phénomène, il faut imposer aux inspecteurs de travail de faire des bilans annuels : bilan social225 sur l'état de la discrimination dans les entreprises ; élaborer un rapport égalité des chances hommes et femmes226.

Les ministères en charges du travail au Togo doivent nécessairement intensifier leurs actions afin de pouvoir combler les attentes de l'opinion. Pour cette raison, ils doivent éviter des actions simplement symboliques en ne prenant que celles qui auront une connotation concrète. Il est donc temps que le gouvernement puisse « joindre la parole à l'acte ». Pour cela, il doit innover des stratégies assez idoines pour instituer l'égalité dans le monde du travail.

Les institutions ne doivent être qu'au service des travailleurs, des victimes de la discrimination. Il s'agit d'un intérêt légal. En dépit du renforcement des institutions administratives existantes pour les rendre compatibles avec la politique de lutte contre la discrimination, il urge d'instituer un organe plus spécialisé dans la lutte contre la discrimination et de la promotion de l'égalité.

B-L'institution du Conseil National de lutte contre la discrimination et pour l'égalité Par décret, le gouvernement doit créer le Conseil National de Lutte contre la Discrimination et pour l'Egalité (CNLDE). Ce décret déterminera ses missions, ses obligations, ses pouvoirs et sa composition.

225 Arrêté royal du 4 août 1996

226 Arrêté royal du 14 juillet 1987

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Le CNLDE doit se faire connaître du public. Pour ce faire, des colloques et des séminaires seront organisés à l'intention des acteurs du monde du travail afin de gagner leur confiance pour avoir plus de crédibilité à leurs yeux. Il aura le mérite d'être un organe assez simple, ses actions seront efficaces et sa saisine se fera gratuitement.

Comme l'indique son nom, le CNLDE aura une mission bien déterminée : combattre la discrimination et promouvoir l'égalité dans le monde du travail. Il doit se charger d'être « les yeux et les oreilles » de l'Etat en promouvant et en veillant au respect scrupuleux des conventions internationales ratifiées par celui-ci, de la législation et du règlement antidiscrimination en valorisant donc l'égalité de chance, de traitement et de rémunération entre toutes les personnes. En exerçant ses fonctions en toute indépendance et impartialité, il doit faciliter l'accès à la preuve des victimes de discriminations.

En vue de promouvoir l'égalité telle que définie par l'OIT dans le monde du travail togolais, le CNLDE peut diffuser de bonnes pratiques et procéder à la création de partenariats avec des acteurs privés et publics227.

Pour prévenir la discrimination, le CNLDE est censé mener des actions de sensibilisation, de formation, d'information et de communication ce qui édifiera les acteurs du monde du travail228. A cela s'ajoute une coopération ponctuelle avec les acteurs concernés en passant par le renforcement des capacités institutionnelles229. Tout cela doit se faire nécessairement par la mise à la disposition de cette institution de moyens financiers.

A la fin de chaque année, le CNLDE aura l'obligation de remettre au premier responsable du pays et de présenter au public les résultats de ses actions aussi bien positives que négatives tout en envisageant des perspectives. Ce rapport sera audité pour vérifier sa fiabilité. Il est intéressant de noter que le CNLDE pourra être consulté sur toutes les thématiques relatives à la lutte contre la discrimination. Ainsi, de sa mission, le CNLDE peut émettre des avis et recommandations. Il peut donc s'adresser aux autorités publiques pour apporter son expertise à des réformes de la législation ou règlement anti-discrimination.

Plusieurs obligations seront mises à la charge du CNLDE. Ainsi, il se comportera en bon père de famille et sera tenu d'une obligation de loyauté envers les personnes qui vont le saisir. Tous les membres de le CNLDE seront tenus à l'obligation de réserve et au respect du secret

227 Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l'égalité, Rapport annuel, 2010, p.5

228 Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l'égalité, Rapport annuel, 2010, p.4

229 BIT, L'égalité au travail : un objectif qui reste à atteindre, op.cit. p.

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professionnel pour les informations, faits, actes et renseignement dont ils auront connaissance dans l'exercice de leur fonction. Tout manquement aux obligations constituerait une faute lourde susceptible d'entrainer la révocation du membre du CNLDE ou le licenciement de l'agent en cause sans préjudice des poursuites judiciaires à son encontre.

Ayant pour vocation de combattre la discrimination, le CNLDE doit être investi par la loi de pouvoir spécial devant lui permettre d'accomplir bien sa mission. Le CNLDE doit pouvoir faire office de médiateur entre la victime et l'auteur de la discrimination en essayant de les concilier tout en proposant lorsqu'il le jugera nécessaire une transaction à l'auteur de la discrimination qui peut consister au versement d'une indemnisation ou d'une amende. En cas d'échec de ce mode alternatif de règlement des litiges, il doit se charger de saisir l'autorité judiciaire compétente en prêtant son assistance aux personnes victimes de la discrimination en leur prodiguant des conseils sur les démarches juridiques à mener.

Afin de mieux appréhender la discrimination et proposer des stratégies adéquates pour la contrer, des investigations seront donc menées par le CNLDE surtout en matière de preuve.

Le CNLDE peut être saisi par toute personne qui s'estime être victime ou témoin d'une discrimination et par les associations agréées et régulièrement constituées agissant dans l'intérêt d'un travailleur discriminé qui opte pour « la loi du silence ».

Le CNLDE sera composé de huit membres avec un nombre paritaire d'hommes que de femmes. Ils doivent être constitués de six éminents juristes, d'un psychologue, d'un sociologue. Ces membres seront nommés en fonction de leur capacité à remplir cette mission par ordonnance souveraine pour une période de quatre ans renouvelable une fois.

Le CNLDE aura son siège à Lomé. Mais pour plus de proximité avec tous les travailleurs du Togo, il devrait avoir deux représentants dans chaque préfecture du pays qui seront chargés d'assurer le relais des informations entre l'intérieur du pays et le siège.

Il est clair que pour venir à bout de la discrimination, les institutions étatiques qui luttent contre elle ont besoin d'avoir assez de ressources humaines et financières, elles doivent aussi être impartiales, transparentes et agir en toute indépendance tout en comptant sur un soutien politique sans faille230.

En symbiose avec l'exigence d'une adéquation des institutions impliquées dans la lutte contre

230 BIT, L'heure de l'égalité au travail, op.cit. p.128

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la discrimination, le gouvernement doit axer sa politique sur une nouvelle vision.

Paragraphe 2 : Une nouvelle vision de la politique du gouvernement en matière de discrimination

Afin que la discrimination cesse d'être un handicap dans la vie professionnelle, le gouvernement doit veiller à l'application effective de la législation anti-discrimination (A) et mobiliser l'opinion contre ce phénomène (B).

A- Le renforcement de l'effectivité de la législation anti-discrimination

Pour être plus efficace, la législation anti-discrimination mérite une attention particulière de la part de l'Etat. En effet, l'autorité doit prendre des mesures concrètes pour faciliter et s'assurer de l'effectivité de leur application. Il s'agira des mesures d'accompagnement, de suivi et d'imprégnation.

S'agissant des mesures d'accompagnement à l'application effective de cette législation, l'Etat peut songer à mettre en place des mesures incitatives. Ces mesures seraient destinées à encourager les entreprises privées et publiques qui prônent la non-discrimination et la discrimination positive en embauchant les personnes vulnérables en l'occurrence les personnes handicapées et les femmes en faisant donc la promotion du genre. A titre illustratif, ces mesures peuvent consister par exemple à la réduction des impôts comme l'énumère l'article 33 du Code du Travail du Bénin. Rappelons que l'article 16.1 du CSST consent des abattements aux employeurs enclins au recrutement des personnes vivant avec un handicap. Ces mesures peuvent consister aussi à accorder des aides financières ou à primer à la fin de l'année les entreprises qui auraient oeuvré à l'élimination de la discrimination.

Quant aux mesures de suivi, des indicateurs assez tangibles doivent être mises en place pour assurer le monitorage de la législation anti-discrimination. Cette démarche permettra de mesurer les impacts de l'application de cette législation sur les bénéficiaires. Par conséquent, l'autorité devrait anticiper sur les lacunes de ladite législation afin de la mettre au diapason des normes internationales. Toutefois, remarquons qu'un suivi efficace de l'application de l'arsenal juridique togolais, nécessite que l'autorité injecte suffisamment de ressources humaines, financières et techniques.

En ce qui concerne l'imprégnation de la législation-antidiscriminatoire, l'autorité doit faire l'effort de rendre accessible le langage juridique à tous les acteurs du monde du travail ainsi qu'à la population.

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D'abord, cela ne peut se réaliser que par le biais de la transcription de cette législation en langues locales surtout en Ewé, en Kabyè et en kotokoli dans un premier temps. La mise à disposition de la population togolaise d'informations portant sur cet arsenal juridique leur permettra de connaitre leurs droits et devoirs, de savoir ce qu'il faut faire en cas de violation desdits droits et quels actes ou action posés pour qu'ils ne soient plus lésés. Aussi, la transcription en langue local de la législation relative à la lutte contre la discrimination doit parer la voie à leur ignorance.

Ensuite, l'appropriation de la législation anti-discrimination par tous les acteurs du travail implique la reproduction suffisante de recueils en la matière qui seront mises à leurs dispositions à un coût devant leur permettre de s'en procurer facilement.

Enfin, notons que, l'expansion du mouvement para juridique au Togo231 permettra de propager aisément ces textes de lois d'autant plus qu'ils serviront d'agent de transmission.

Une veille sur les textes législatifs constitue aujourd'hui un impératif pour rendre effectif leur application. Mais cet impératif ne peut s'accomplir que par une mobilisation intense de l'opinion.

B- La mobilisation de l'opinion

La mobilisation de l'opinion passe par la mise en application d'un double levier. Il s'agit d'intensifier la formation et la sensibilisation des acteurs du monde du travail et leurs partenaires sur les enjeux de la discrimination.

S'agissant de la formation, les acteurs concernés par les problèmes de la discrimination doivent être éduqués en permanence. En effet, que ce soit : les magistrats, les avocats, les greffiers, les inspecteurs de travail, les contrôleurs, les policiers, les employeurs, les représentants des travailleurs, les intermédiaires d'emploi, à titre indicatif l'Agence Nationale Pour l'Emploi (ANPE), le Programme de Promotion du Volontariat National au Togo (PROVONAT) et les travailleurs eux-mêmes tous doivent être instruits sur la problématique de la discrimination et l'égalité dans le monde du travail au Togo. Ce qui permettra à chacun de bien jouer son rôle. L'intégration d'un cours intitulé : « agir contre la discrimination et agir pour l'égalité » dans la formation initiale et continue des magistrats, des avocats et des inspecteurs du travail leur permettra d'être en phase avec les réalités du moment.

231 Livre blanc, op.cit. p.226

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Considérer comme « les portes flambeaux » de l'opinion et « moteur du développement » les journalistes méritent de recevoir une formation adéquate sur la non-discrimination afin de les amener à promouvoir en permanence l'égalité dans l'exercice de leur fonction.

La connaissance des textes anti-discriminations doit être une priorité. Pour cela, ils doivent être ventilés. Cette initiative devrait permettre aux acteurs du monde du travail de connaitre et de maitriser ces différents textes. Du coup, ils sauront prévenir ce « mal » et les démarches à entreprendre pour obtenir la sanction de son auteur lorsqu'il survient. En conséquence, insuffler une formation de qualité et assez pertinente aux acteurs du monde du travail sur la thématique de la discrimination et de l'égalité dans le monde du travail leur permettra d'avoir un comportement adéquat. La formation aura le mérite de façonner les esprits à la parfaite concordance entre les qualifications que requiert le plus souvent l'employeur et les compétences nécessaires à l'exercice d'un emploi.

La formation sur la lutte contre la discrimination et la promotion de l'égalité doit s'étendre dans les écoles, les Collèges, les Lycées, les Universités et même dans les centres de formations et d'apprentissage au Togo. En effet, afin de lutter efficacement contre la discrimination qui est souvent causée par les stéréotypes et les préjugés, il est approprié d'instituer des modules sur la non-discrimination. Cette démarche s'inscrit dans la dynamique de communiquer à l'opinion estudiantine les fondamentaux de l'égalité par le biais de la dispense de cours afin que leur entrée dans la vie active ne soit plus entravée par la discrimination.

En ce qui concerne la sensibilisation contre la discrimination, il s'impose de savoir comment doit-elle se faire ? Pour impacter la quasi-totalité du monde du travail togolais, la sensibilisation doit se faire aussi bien dans les entreprises que hors de celles-ci.

Les autorités nationales doivent organiser des campagnes de sensibilisation à l'endroit de tous les acteurs du monde du travail ainsi que du public sur les dispositions pertinentes de la législation anti-discrimination et les conventions internationales qui prônent le principe de non-discrimination afin de connaitre leurs tenants et aboutissants et de déconstruire les stéréotypes 232 et préjugés qui minent notre société. Par ailleurs cette communication serait l'occasion de porter à la connaissance des potentiels bénéficiaires, les voies et moyens légaux

232 SCIBERRAS (J-C.), Rapport de synthèse des travaux du groupe de dialogue inter -partenaires sur la lutte contre les discriminations en entreprise, en France le 13 mai 2015, p.11

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existants pour combattre les différentes formes de discriminations. Cette situation est censée pallier la méconnaissance des droits des victimes de la discrimination.

Les médias doivent participer activement à la lutte contre la discrimination. A cet effet, ils doivent diffuser des messages de non-discrimination audiovisuels. La réalisation des spots de vidéo en serait un atout indéniable pour mener à bien la sensibilisation. Il faut dès lors procéder à une large diffusion des textes nationaux et internationaux relatifs à la lutte contre la discrimination, de même à la production de support d'information.

Une sensibilisation de toutes les couches de la société sur les effets pervers de la discrimination permettra de gommer les stéréotypes et préjugés à l'origine de ce fléau. Ainsi, la sensibilisation contre la discrimination aura pour effet d'impacter considérablement les bénéficiaires et conscientiser les fauteurs à s'abstenir de tout acte malveillant ce qui fera des campagnes de sensibilisation de véritable tremplin pour enrayer la discrimination.

La sensibilisation contre la discrimination dans le monde du travail ne doit pas épargner les acteurs politiques qui ont l'art d'influencer l'opinion dans le but de les conscientiser à souscrire à la vulgarisation du principe d'égalité. Etant des acteurs clés de la vie politique du Togo, ils ne devront pas lésiner sur les moyens pour s'engager dans la lutte contre la discrimination.

On ne saurait évoquer le rôle de l'Etat dans la lutte contre la discrimination sans faire allusion à celui des acteurs qui sont dans les entreprises et des autres partenaires.

Section 2 : Une implication accrue des acteurs au sein de l'entreprise et des autres partenaires

A l'instar de l'Etat, il est de la responsabilité des partenaires sociaux de s'impliquer dans la lutte contre la discrimination (§1) et aux autres partenaires d'apporter leurs contributions (§2) à l'édification d'un monde du travail qui sera à l'abri de ce fléau.

Paragraphe 1 : L'implication des partenaires sociaux

Les organisations d'employeurs et les organisations des travailleurs sont les partenaires sociaux qui doivent combattre la discrimination. Selon l'OIT, le respect par ces deux partenaires d'une double condition est indispensable pour l'élimination de la discrimination au Travail : d'une part, les organisations d'employeurs et de travailleurs doivent pouvoir constituer de manière indépendante des organisations non seulement démocratiques mais aussi assez représentatives de leurs membres qui auront la responsabilité de prendre part à des

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négociations collectives devant déboucher sur des « sorties de crise » et fonctionneront en toute liberté233. D'autre part, ils leur incombent de combattre efficacement dans leur enceinte toutes les formes de discrimination au risque de les renforcer234.

Les organisations d'employeurs et de travailleurs doivent donner plus de priorité à la négociation collective afin d'instaurer l'égalité au sein de leurs propres institutions d'autant plus qu'elle est considérée comme un moyen pour réaliser l'équité entre les travailleurs.

En conséquence, pour combattre la discrimination de manière à obtenir le résultat escompté, les organisations d'employeurs doivent harmoniser leurs actions avec la politique de lutte contre la discrimination (A) et que la mission des organisations des travailleurs soit inévitablement renforcée (B).

A- La convergence des actions des organisations d'employeurs à la politique de lutte contre la discrimination

Par organisation d'employeurs, il faut entendre le patronat. Au Togo, il est connu sous le nom du Conseil National de Patronat du Togo « CNP-TOGO ». Il joue le rôle de représentation des employeurs. Il s'agit d'une représentation dans les mécanismes de l'Etat et dans le système des relations professionnelles235. Dans ces deux cas, le patronat a vocation à défendre les intérêts des employeurs sur les questions liées au marché du travail236.

Cependant, face à la recrudescence de la discrimination, certains auteurs s'interrogent de savoir « Comment réduire les comportements discriminatoires de tous les employeurs »237? Il s'agit d'une équation difficile mais pas impossible à résoudre. Dans ce cas, l'organisation des employeurs doit être en mesure de concourir efficacement à la lutte contre la discrimination.

Le patronat dans l'objectif d'extirper la discrimination doit instaurer un certain nombre d'outils à l'instar d'un guide et d'une charte de bonne conduite qui édifieront les employeurs sur la présente lutte. Si le guide constituera pour les employeurs un instrument pratique et aura pour finalité de prévenir et de lutter contre la discrimination ; la charte de bonne conduite quant à elle contiendra la déclaration formelle des principes et fondements des entreprises en

233 BIT, Votre voix au travail, rapport du Directeur général à la Conférence internationale du Travail, 88e session, Genève, 2000, rapport I (B).

234 BIT, L'heure de l'égalité au travail, Op.cit. p. 108-109

235 DAN (C.), « le rôle des organisations centrales d'employeurs », O.I.T. publication Bureau des Activités pour les Employeurs (ACT/EMP), février, 1996, p.7

236 BIT, Le handicap sur le lieu de travail : Les organisations d'employeurs et les réseaux d'entreprises, Bureau des Activités pour les Employeurs (ACT/EMP), 2011 p.10

237 VALFORT (M-A), « Des mesures ambitieuses contre les discriminations à l'embauche »,Tribune, 4 novembre 2015

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exposant non seulement les normes minimales à suivre pour combattre la discrimination mais aussi les mesures appropriées pour assurer le respect de l'égalité entre travailleur238.

Le patronat dans sa quête d'un monde du travail sans discrimination fera de la négociation collective et des conventions d'entreprises la priorité à laquelle ne peuvent se soustraire les employeurs.

D'une part, la négociation collective est susceptible d'éradiquer la discrimination dans le monde du travail. En effet, elle présente plusieurs avantages en la matière. En faisant allusion à la fois aux conventions internationales et à la législation anti-discrimination dans les conventions collectives de travail239, cela concourt à l'application de la loi en cas de laxisme et permet aussi de traiter des plaintes par la procédure de réclamation qui est assez prompt et moins onéreuse que le procès judiciaire et assure la protection des travailleurs contre la discrimination240.Les négociations entre les employeurs et les organisations des travailleurs jouent donc un rôle crucial241.

D'autre part, les conventions d'entreprise qu'elles portent sur l'ensemble des conditions de travail ou uniquement sur une politique active de non-discrimination, elles peuvent toutes deux comporter des dispositions de lutte contre la discrimination dans la mesure où une convention« contient les principes et les normes relatifs aux conditions de travail dans une entreprise ou dans un groupe d'entreprises et quelle focalise son efficience sur une procédure de sanctions »242.

Plusieurs obligations incombent aux employeurs. Ils sont tenus à l'obligation d'information à l'égard de leurs employés. En effet, ils doivent rendre accessible et compréhensible toutes les informations légales qui ont trait à la protection de leurs employés contre les pratiques discriminatoires en veillant en permanence que l'égalité soit circonscrite dans leurs démarches. En oeuvrant dans cette dynamique, on peut estimer que les employeurs assurent la protection de leurs employés.

Pour lutter contre la discrimination de manière efficiente dans leurs structures, les employeurs ont l'obligation d'analyser et de contrôler en permanence les canaux et procédures de sélection et de recrutement de leurs employés. Cette démarche leur permettra de relever les

238 BASS (H. S-B.), Un monde du travail sans discrimination : Mesures de lutte contre la discrimination dans le domaine de l'emploi, avril 2003 ; brochure édité par le Service de lutte contre le racisme, Département fédéral de l'intérieur, 2003, p 27.

239 Article 96 CTT

240 Ibidem

241 BRISSY (S.), Égalité au travail, Editions des citoyens, 2013. p. 94

242 BASS (H. S-B.), op. cit. p.28

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lacunes de ces procédures et de proposer des stratégies en adéquation avec les dispositions de la législation anti-discrimination. Il s'agit donc d'une mesure d'auto contrôle qui consiste en l'auto évaluation. L'égalité aura dès lors des lettres de noblesse si des corrections sont réellement intégrées et prises en compte.

Les agents des ressources humaines étant les personnes-clefs dans l'entreprise, leur recyclage devient de plus en plus une nécessité pour leur permettre de bien assimiler la législation antidiscrimination et de parvenir à leur mise en application effective.

Les employeurs ont l'obligation de promouvoir l'égalité de chance, de traitement et de rémunération entre les travailleurs à travers le dialogue social243 bipartite244 et tripartite245. Il s'agit d'une coopération incontestable pour combattre la discrimination.

Pour amener les employeurs à s'impliquer davantage dans la lutte contre la discrimination, il faut mettre en oeuvre la notion de responsabilité sociale des entreprises.

Rappelons que le dialogue social a pour cadre national au Togo « le Conseil National du Dialogue Social en abrégé CNDS »246 et qu'il dispose aux termes de l'alinéa 4 du même article d'une double structure dénommée d'une part Conseil National du Travail (CNT) en charge du secteur privé et parapublic et d'autre part le Conseil Supérieur de la Fonction Publique (CSFP) qui s'occupe du secteur public.

Si les organisations d'employeurs doivent s'impliquer dans la lutte contre la discrimination, il faut dès lors donner plus de pouvoirs et d'autonomies aux organisations des travailleurs pour qu'ils puissent eux aussi agir efficacement contre ce phénomène.

B- Le renforcement de la mission des organisations des travailleurs

Dans le monde du travail togolais, deux institutions se partagent la représentation des travailleurs247. Il s'agit des délégués du personnel et des délégués syndicaux.

Aux termes de l'Article 7 alinéa 1er du CTT « Les syndicats professionnels248 ont pour objet l'étude et la défense des droits, ainsi que des intérêts matériels, sociaux et moraux d'ordre professionnel, tant collectifs qu'individuels des salariés et des professions visés par leurs statuts ». Les délégués syndicaux ont donc pour fonction de représenter et de défendre des

243 Article 209 alinéa 1 CTT « Le dialogue social est le processus d'échange d'informations et de communication par lequel les acteurs du monde du travail s'entendent pour gérer au mieux leurs intérêts ».

244 Entre les organisations d'employeurs et de travailleurs

245 Article 209 alinéa 3 CTT, En collaboration avec le gouvernement, les organisations d'employeurs et de travailleurs

246 Article 209 alinéa 2 CTT ; le CNDS est créé en mai 2007

247 LAROCHE (P.), Les relations sociales en entreprise, Paris, Dunod, 2009

248 Ex : STT, UNSIT, UGSL, CSTT, CGCT, GSA

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travailleurs syndiqués et l'ensemble du personnel. Mais, il revient selon nous, à la loi de définir de façon formelle les attributions des délégués syndicaux puisque même si la loi reconnaît qu'ils peuvent assister les délégués du personnel sur leur demande249il ne s'agit que d'une simple faculté.

Il faut relever qu'au regard de l'article 212 alinéa 1er du CTT, « Les délégués du personnel sont les représentants élus du personnel. Ils sont chargés de la défense des intérêts des travailleurs au sein de l'entreprise ». Ils sont investis de trois attributions250 devant leur permettre de mener à bien leur lutte contre les problèmes sociaux à titre illustratif de la discrimination.

D'abord, l'article 216-1 du CTT reconnaît aux délégués du personnel le droit de présenter des réclamations aux employeurs « [---] concernant les conditions de travail, la protection des travailleurs, l'application des conventions collectives, des classifications professionnelles et des taux de salaires qui n'auraient pas été directement satisfaits ». En effet, en vertu de cette mission, les délégués du personnel ont le droit de saisir les employeurs sur tout fait ou tout acte discriminatoire porté à leur connaissance ou su d'eux même. Cette prérogative leur permet bien évidemment de mettre en garde les employeurs contre la discrimination afin de les amenés à prévenir ou à mettre fin aux pratiques discriminatoires dont ils ont connaissance dans leurs structures.

Ensuite, considérés comme les yeux et les oreilles de l'inspection du travail à l'intérieur de leurs entreprises251, les délégués du personnel ont pour mission de saisir l'inspecteur du travail et des lois sociales tant au sujet des plaintes que des réclamations sur les dispositions légales, réglementaires et conventionnelles dont il est chargé d'assurer le contrôle252 lorsque celles-ci venaient à être violées pour causes discriminatoires. Ils veillent à ce que la législation protège effectivement contre la discrimination au travail. Cette mission fait d'eux des auxiliaires de l'inspection du travail.

Enfin, aux termes de l'article 216-3 du CTT, les délégués du personnel sont aptes à « communiquer à l'employeur toutes suggestions utiles tendant à l'amélioration de l'organisation et du rendement de l'entreprise ».

249 Article 219 CTT

250 Article 216 CTT

251 KIRSCH, (M.), le Droit du travail africain, TPOM, T, II.

252 Article 216-2 CTT

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Même si ces attributions existent en théorie, il faut les rendre pratiques. Ces triples missions précitées doivent être exécutées avec intégrité et probité. De surcroit, celles-ci doivent être renforcées afin de permettre aux organisations des travailleurs de bien les accomplir.

Pour accroître la représentativité des personnes victimes de la discrimination dans le monde du travail, il faut donner plus d'autonomie et de pouvoir aux organisations des travailleurs dans l'accomplissement de la mission qui leur est dévolue. Il s'agit d'une représentation effective des intérêts des travailleurs. Les organisations syndicales se doivent d'agir en justice au profit des travailleurs lésés pour cause de discrimination à la demande de ceux-ci ou de leur propre chef lorsqu'ils estiment opportun de le faire.

Toutefois, en cas de défaillance des organisations des travailleurs dans l'accomplissement de leurs missions, leurs responsabilités devraient être engagées dans le but de les contraindre à s'exécuter loyalement.

Les organisations de travailleurs doivent intervenir utilement à la collecte de preuves contre la discrimination dans le monde du travail. Cette démarche facilitera sans doute la tâche à la victime de la discrimination qui pourra espérer obtenir la sanction de son auteur.

Les délégués doivent user de la négociation collective pour obtenir de leurs employeurs la mise en place de dispositif de lutte contre la discrimination dans leur secteur d'activité et leur respect par ceux-ci. C'est dans ce sens qu'il faut oeuvrer à la conception d'un guide pratique traitant de la question de la discrimination et la promotion de l'égalité à l'actif des travailleurs pour les informer utilement sur les dangers de cette pratique morbide et les avantages de l'égalité. Aussi doivent-ils faire preuve de persuasion et de conviction dans leur démarche.

Afin de jouer pleinement leur mission les représentants des travailleurs doivent être formés et sensibilisés sur les textes anti-discriminations. A leur tour, ils seront chargés de transmettre aux personnes qu'ils représentent les instructions reçues.

Les organisations des travailleurs peuvent aussi mener des actions de plaidoyer auprès des décideurs pour l'aboutissement de trois types d'actions. D'abord, la ratification de la convention n°156 de l'OIT concernant l'égalité de chance et de traitement pour les travailleurs des deux sexes253. La ratification de cette convention consolidera les acquis des conventions n°111 et n°100de l'OIT déjà ratifiées par le Togo. En conciliant les responsabilités professionnelles et familiales, cette convention devra permettre aux

253 Les travailleurs ayant des responsabilités familiales (1981), Conventions et recommandations internationales du travail 1919-1981. Entrée en vigueur le 11 août1983.

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travailleurs des deux sexes qui ont des responsabilités familiales de s'investir et progresser professionnellement sans discrimination254. Lorsque besoin se ferait sentir, ils peuvent exiger l'instauration du télétravail dans leurs structures. Ensuite, l'adoption de la politique de la petite enfance255. Celle-ci devra consister à mettre au point des infrastructures d'accueil de la petite enfance c'est-à-dire des services de garde d'enfants accessibles et aura pour corollaire de permettre à beaucoup de travailleurs de s'impliquer dans la vie professionnelle et de subvenir à leurs besoins256. Enfin, la ratification de la convention n° 141 de 1975 sur les organisations de travailleurs ruraux257, qui combat la discrimination dans certains secteurs ce qui va naturellement contribuer au développement économique et social desdits secteurs.

De leur côté, les travailleurs doivent s'engager ardemment en informant les délégués du personnel ou syndicaux des discriminations dont ils sont victimes ou ils ont connaissance.

La lutte contre la discrimination et la promotion de l'égalité devient un impératif auquel ne peuvent se soustraire les autres partenaires.

Paragraphe 2 : L'apport des autres partenaires

Les autres partenaires sont les organisations de la société civile et l'organisation internationale du travail. Si pour mieux combattre la discrimination les organisations de la société civile doivent intensifier leur engagement (A), l'organisation internationale du travail doit jouer de son côté un rôle indéniable dans ce sens (B).

A-L'engagement plus actif des organisations de la société civile en lutte contre la discrimination

Les organisations de la société civile qui agissent contre la discrimination dans le monde du travail au Togo ont besoin de s'affirmer comme des organisations d'élites. Dans ce contexte, la diversification de leurs actions et de leurs activités dans un monde du travail où la discrimination est en pleine ébullition est indispensable.

D'abord ces organisations de la société civile doivent faire l'effort de se mettre en synergie afin de coordonner leur action pour une meilleure défense contre la discrimination. Elles seront en mesure dès lors de mobiliser l'opinion aussi bien nationale qu'internationale contre ce phénomène. Grâce à ce travail en réseau, les organisations de la société civile pourront

254 BIT, L'égalité au travail : un objectif qui reste à atteindre, op.cit. .28

255 Prof. WOLOU (K.), op.cit. p.9

256 BIT, L'égalité au travail : un objectif qui reste à atteindre, op. cit. p. Xi

257 OIT, Bulletin officiel, vol. LVIII (1975) Ser. A, n° 1. Entrée en vigueur le 24 novembre 1977.

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parvenir à un niveau d'efficacité bien supérieur à ce qu'elles auraient pu faire unilatéralement car, ne dit-on pas que l'union fait la force.

Ensuite, plusieurs plaidoyers doivent être faits par les organisations de la société civile. Ces activités de plaidoyer peuvent s'illustrer dans divers domaines.

D'une part, pour amener les autorités nationales et les organisations internationales à s'impliquer davantage dans la lutte contre la discrimination les plaidoyers impacteront deux types de cibles : les cibles immédiates et les cibles médiates.

S'agissant des premiers, qualifiés de cibles primaires, ils sont dotées du pouvoir de décision et ont donc le monopole de réviser les textes de loi anti-discrimination258. Il s'agit des acteurs directs du changement tels que : le Président de la République, les membres de son gouvernement et les députés que l'on cherche à atteindre par des actions de plaidoyers et dont les décisions affectent directement l'objectif du plaidoyer259.

260.

Quant aux seconds, ceux-ci à la différence des premiers n'ont pas le pouvoir de changement mais ils sont en mesure d'influer les cibles primaires à opérer les changements qui s'inscrivent dans la lutte contre la discrimination. A titre indicatif, font partie de cette catégorie, les Ambassadeurs, les Représentants des Organisations Internationales, le Chef de fil de l'opposition, les membres influents des partis politiques, les préfets, les conseillers municipaux, les chefs de villages, les autorités traditionnelles et religieuses, les partenaires aux développements bilatéraux et multilatéraux.....

D'autre part, les activités de plaidoyer peuvent aussi consister à élaborer des propositions de révisions du cadre juridique national en intégrant des textes de non-discrimination, en prenant soin de tenir compte des textes régionaux et internationaux, tout en organisant en permanence des rencontres, des colloques avec les décideurs du pays et les leaders de partis politiques sur les thématiques de lutte contre la discrimination dans le secteur du travail261.

Pour plus de représentativité des groupes vulnérables de la discrimination, elles peuvent persuader les décideurs à adopter une loi instituant un quota assez significatif devant permettre le recrutement et la nomination de ceux-ci aux postes de responsabilité.

258ATRI (K.E.), Consultant, dans le cadre du Programme Participation des femmes à la vie publique au Togo initié par le Réseau des Femmes Africaines Ministres et Parlementaires (REFAMPTOGO) et le Groupe de Réflexion et d'Action, Femme, Démocratie et Développement (GF2D)

259 Ibidem

260 Ibidem

261 ATRI (K.E.), ibidem

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En outre les organisations de la société civile sont susceptibles d'apporter un triple changement :primo, pour bénéficier des changements sociaux, elles peuvent faire encrer des valeurs d'égalité et de non-discrimination dans nos sociétés ; secundo, en parvenant à modifier le processus décisionnel et les procédures, pratiques et choix politiques elles peuvent opérer de changements organisationnels en faisant la promotion de l'égalité et l'absence d'actes discriminatoires envers des travailleurs; tertio, sur les lieux de travail, elles peuvent contribuer à améliorer les changements individuels relatifs au quotidien des victimes de pratiques discriminatoires et inégalitaires262.

Enfin, pour être à la hauteur de leurs missions, retenons que les organisations de la société civile togolaise ont besoin : D'une part d'élargir et de renforcer le champ d'application de leurs compétences. D'autre part, elles ont besoin d'allocation suffisante et de ressources financières pour bien mener leurs projets et politiques contre la discrimination. Pour cela, l'Etat doit essayer de leur offrir un terrain favorable à l'exercice de leur activité, mais aussi leur octroyer les moyens de se développer.

Les organisations de la société civile doivent continuer d'éveiller la conscience des acteurs du monde du travail sur leurs responsabilités respectives dans le combat contre ce mal. Tout comme ces organisations qui doivent prendre des initiatives d'actions très concrètes, l'OIT doit aussi participer à la lutte contre la discrimination.

B- Le rôle indéniable de l'Organisation Internationale du Travail

L'Organisation Internationale du Travail (OIT) définie en anglais International Labour Organization (ILO) est un partenaire international privilégié du monde du travail en matière de lutte contre la discrimination. Ainsi, on a besoin de s'associer à elle pour continuer la mobilisation nationale contre ce mal.

Etant l'organisation internationale en charge du travail dans le monde, l'OIT se doit de mettre ses expériences et expertises très enrichissantes c'est-à-dire instructives et très profitables en matière de lutte contre la discrimination au service du Togo et des autres pays membres. Rappelons que dès sa naissance en 1919 par le Traité de Versailles après la Première Guerre Mondiale, l'OIT s'est assignée pour mission principale l'élimination de la discrimination au travail ce qui s'est transcrite plus tard dans plusieurs textes internationaux263.

262 Organisme de lutte contre la discrimination difficulté et opportunité actuelles octobre 2012

263 Déclaration de Philadelphie du 10 mai 1944, Déclaration de 1998 relative aux principes et droits fondamentaux au travail, Déclaration de 10 juin 2008 sur la justice sociale pour une mondialisation équitable et le Pacte mondial pour l'emploi du 19 juin 2009, art. 6 Pacte International des Droits Civils et Politiques

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Pour éliminer la discrimination dans l'univers du travail, l'OIT a orienté son agenda autour de l'élaboration des conventions et des recommandations internationales. S'agissant des conventions internationales, il s'agit à titre indicatif des conventions n° 100 et n° 111264. Le but visé par l'OIT en élaborant ces conventions, est de les faire ratifier par les Etats afin que leur application effective face l'objet d'un contrôle international. Quant aux recommandations, elles sont des voeux que la Conférence Internationale du Travail (CIT) soumet aux Etats en vue d'orienter leur droit interne contre la discrimination.

La discrimination étant multiforme, l'OIT doit pouvoir mettre des moyens diversifiés à la disposition de l'Etat. Son intervention se fera donc dans plusieurs domaines.

D'abord, l'OIT doit renforcer son engagement auprès de l'Etat togolais. Ce renforcement peut se réaliser par la mise en place de points focaux pour confronter les expériences et pratiques. Une assistance technique pour l'élaboration des politiques de l'emploi et des méthodes d'évaluation des postes n'est pas négligeable.

Ensuite, afin d'assurer une assistance très efficace auprès de l'Etat dans la lutte contre la discrimination, l'OIT doit s'évaluer régulièrement pour déterminer l'impact de cette politique d'assistance. Cette démarche lui permettra de déterminer des priorités pour les années à venir qui se matérialisent sous la forme de plans ou de projets d'action en matière de coopération technique265.

En outre, l'OIT doit continuer d'être le porte-parole de la «conscience sociale de l'humanité» en restant à « l'avant-garde » afin de dénoncer et de condamner tous les actes discriminatoires comme ce fut le cas en 1964 à propos de l'apartheid où elle a prohibé cette politique de discrimination raciale du gouvernement Sud-Africain qui était contraire aux dispositions de la Déclaration de Philadelphie, et en guise de condamnation a adopté à l'unanimité un programme d'action pour l'élimination de l'apartheid dans le monde du travail266.

Enfin, l'apport de l'OIT peut se matérialiser par la fourniture des services consultatifs sur la rédaction de la législation anti-discrimination, le rôle que doit jouer chaque acteur pour l'inclusion réelle de l'égalité dans le monde du travail, le recyclage du personnel en charge des recrutements. Aussi doit-elle continuer de s'assurer que les conventions internationales ratifiées par le Togo sont effectivement intégrées dans la législation nationale en bonne et due

264 Supra, p.20 et 41

265 BIT, L'heure de l'égalité au travail, op.cit. p.125

266 BIT, L'heure de l'égalité au travail, op.cit. p. 8

La discrimination dans le monde du travail au Togo Page 95

forme. Cette situation implique à notre avis la réussite de la mise en place de la triple concordance entre les normes internationales ratifiées par le Togo, la législation nationale et la pratique. En conséquence, la promotion des textes anti-discrimination et la sommation régulière de l'Etat à respecter les normes internationales et de les faire respecter sont des défis que doit relever l'OIT.

Retenons que l'OIT a besoin de renforcer la capacité institutionnelle de ses mandants ainsi qu'une interaction entre eux pour qu'ils soient en mesure d'appliquer efficacement le droit fondamental à la non-discrimination au travail et de rendre plus stable et solide des partenariats internationaux avec de grands défenseurs de l'égalité267. Pour éliminer la discrimination, l'OIT doit inculquer aux Etats parties aux conventions internationales en la matière, deux principes fondamentaux que sont la non-discrimination et la promotion de l'égalité268.

En définitive, pour que le monde du travail togolais sorte de l'ornière dans laquelle la discrimination l'a embobiné, il y a lieu de revisiter les textes anti-discriminations togolais et de mobiliser les acteurs du monde du travail pour qu'ils agissent efficacement contre elle.

267 BIT, L'égalité au travail : un objectif qui reste à atteindre, op. cit. p. xv

268 Egalité entre hommes et femmes et travail décent : conventions et recommandations clés de l'OIT pour la promotion de l'égalité entre hommes et femmes 2012, page v

CONCLUSION

La discrimination dans le monde du travail au Togo Page 96

Le travail est une nécessité. Il est la raison d'être de la majorité des Hommes. Ce qui fait qu'il se trouve au coeur de leur vie active. Si le travail permet au travailleur de s'affirmer et de se réaliser, certains employeurs en saisissent l'occasion pour discriminer en optant pour leur goût spécifique et en préférant travailler uniquement avec des gens « comme eux»269. Le choix du collaborateur déterminant pour la bonne marche de l'entreprise se fait donc sur la base de l'iniquité. En conséquence, la discrimination est une réalité au Togo aussi bien à l'embauche que dans l'exercice de la carrière ou à la fin de celle-ci que l'Etat togolais a du mal à contrer véritablement. Elle se présente non seulement comme la violation des droits de l'homme mais aussi en tant que gaspillage de talents humains. Elle constitue donc un obstacle majeur à la justice sociale et porte atteinte à la dignité humaine

La lutte contre la discrimination dans la sphère du travail n'est pas pointilleuse. Beaucoup de choses restent à faire comme nous l'avons déjà évoqué dans nos développements précédents pour mener à bien cette lutte. Si au niveau de la législation anti-discrimination certaines avancées ont été réalisées, celles-ci sont insuffisantes compte tenu de l'ampleur que prend ce phénomène. Bien que le Togo ait ratifié plusieurs conventions internationales relatives à la lutte contre la discrimination au travail, des écarts subsistent encore entre ces normes internationales et les lois nationales en raison des lacunes de ces dernières.

La jurisprudence togolaise est absente en matière de discrimination dans le monde du travail. Elle a du mal à mettre véritablement ses empreintes sur les pratiques discriminatoires. La difficile preuve de la discrimination et la résignation de certaines victimes à intenter une action devant les juridictions en sont des justifications.

Dans le monde du travail, les discriminations basées sur les critères d'ethnie, d'opinion politique et d'origine sociale sont très omniprésentes surtout au moment de l'embauche, de la rémunération, des mutations et des promotions. Cependant, tout porte à croire que l'Etat qui est le premier comptable devant les travailleurs en matière de lutte contre la discrimination ne se préoccupe pas trop de cette lutte puisque la plupart de ses actions sont principalement orientées sur la lutte contre les discriminations basées sur le sexe et le genre. Pourquoi une telle fuite de responsabilité étatique ? Il est clair que l'Etat togolais n'arrive pas à assurer

269 BECKER (G.), The economics of discrimination, University of Chicago Press, 1957.

La discrimination dans le monde du travail au Togo Page 97

réellement et efficacement l'égalité de chance de tous les citoyens à l'embauche et l'égalité de traitement et de rémunération des travailleurs.

Nous devons prendre conscience que cette étude que nous menons n'est pas un exercice gratuit car, nul n'est à l'abri de la discrimination. « A un moment ou à un autre, nous pouvons tous être victimes de discrimination à propos d'une caractéristique constituante de notre identité. La discrimination est un problème récurrent tant pour le bien-être des individus qui en sont victimes que pour la survie de notre marché du travail »270. Tous les togolais de tous bords ont intérêt à oeuvrer pour que l'égalité puisse véritablement et pleinement prendre place dans le monde du travail.

Vivement, que ce mémoire ne soit pas vain. Mais que chaque acteur soit impliqué de manière indéfectible dans la lutte contre la discrimination dans le monde du travail. Une prise de conscience collective s'impose pour peaufiner les stratégies devant permettre de contrer véritablement la discrimination. Il n'existe pas de bâton magique pour combattre efficacement la discrimination si ce n'est la bonne foi, la bonne volonté des uns et des autres. L'Etat et ses structures habilitées à lutter contre la discrimination, les organisations des représentants des employeurs et des travailleurs, les organisations de la société civile combattant la discrimination et l'OIT doivent conjuguer leurs actions pour mettre terme à ce phénomène.

La réglementation du secteur informel au diapason du secteur formel, le bannissement des pesanteurs socioculturelles et politico-économiques sont autant de défis que doit relever à coup sûr le gouvernement togolais.

Si « la discrimination est une violation des droits de l'homme qui ne doit pas rester sans réponse »271, dès lors, seule la semence de l'égalité et la récolte de la méritocratie peuvent présager un monde du travail à l'abri de la discrimination. Cependant, l'égalité étant en permanence violée272, elle n'est jamais un acquis définitif, « mais qu'elle suppose vigilance et action permanentes »273.

270 COLLART (J.), DELROISSE (S.), et HERMAN (G.), Chapitre 5, La discrimination à l'embauche : Comprendre le phénomène et le combattre, pp.4 et 5

271 Déclaration faite par Ban KI-MOON à l'occasion de la célébration de la journée Zéro discrimination.Togotopnews.com

272 DANTI-JUAN (M.), « Discrimination » du Dictionnaire de la justice

273 LTDH, Rapport thématique sur la situation des droits de l'homme au Togo, décembre 2011, p.35

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Code Pénal du Togo du 24 novembre 2015

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Convention Collective Interprofessionnelle du Togo 1ER janvier 2012

Convention Collective de la Zone Franche du Togo d'octobre 2012

L'article 220 al. 5 de la loi portant modification de la loi n° 2012 du 29 mai portant code

électoral

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ENTRETIEN

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SITES INTERNET

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www.wikipédia.org/wiki/ Discrimination

La discrimination dans le monde du travail au Togo Page 105

TABLE DES MATIERES

La discrimination dans le monde du travail au Togo Page 106

REMERCIEMENTS I

DEDICACES II

RESUME III

AVERTISSEMENT IV

ABREVIATIONS, SIGLES ET ACRONYMES V

SOMMAIRE ..VI

INTRODUCTION 1

PARTIE I : L'INEFFICACITE DE LA PROHIBITION DE LA DISCRIMINATION

DANS LE MONDE DU TRAVAIL AU TOGO 9
CHAPITRE I : L'INSUFFISANCE DE LA LEGISLATION ANTI-DISCRIMINATOIRE11

Section I : Une imprécision des différentes formes de discrimination

..11

§.1- L'imprécision des discriminations directe et indirecte

12

A- Une absence de qualification de la discrimination directe

12

B- Une absence de qualification de la discrimination indirecte

14

 

§.2- L'insuffisance de précision des autres formes de discrimination

16

A- La précision lacunaire du harcèlement

.16

B- L'absence de l'interdiction de l'injonction de discriminer

20

 

Section II : Un encadrement inapproprié de la discrimination dans le droit positif togolais22

§.1- Une prohibition insuffisante de la discrimination

.22

A- La difficile preuve de la discrimination

22

B- La problématique des sanctions de la discrimination

...24

 

§.2- Une consécration insuffisante de la discrimination positive

...28

A- L'insuffisance de la réglementation de la discrimination positive

29

B- Les répercussions négatives de la discrimination positive

.32

 

CHAPITRE II : LA PERSISTANCE DE LA DISCRIMINATION

35

Section I : La matérialisation de la discrimination dans le monde du travail

35

§.1- La discrimination à l'embauche

..36

A- La discrimination par rapport à l'offre d'emploi

..38

B- La discrimination durant le processus de recrutement

..39

§.2- La discrimination dans la vie professionnelle

40

A- La discrimination pendant l'emploi

..41

B- La discrimination à la fin de l'emploi

44

 

La discrimination dans le monde du travail au Togo Page 107

Section II : Les difficultés liées à l'élimination définitive de la discrimination 46

§.1-Les difficultés inhérentes aux acteurs du monde du travail .46

A- La responsabilité des principaux acteurs du monde du travail .47

B-L'insuffisance des actions des partenaires en lutte contre la discrimination 49

§.2-Les obstacles de fait à une protection efficace contre la discrimination 53

A- Les obstacles socioculturels... .53

B- Les obstacles politico- économiques .56
PARTIE II : POUR UNE PROTECTION PLUS EFFICACE CONTRE LA

DISCRIMINATION DANS LE MONDE DU TRAVAIL AU TOGO . 59
CHAPITRE I : LE RENFORCEMENT DE LA LEGISLATION CONTRE LA

DISCRIMINATION 61

Section I : La mise en conformité des lois nationales 61

§.1-La révision des dispositions des textes de lois .61

A- La clarification des formes de discrimination 62

B- De la précision des dérogations au principe de non-discrimination à l'élargissement

des protégés contre la discrimination 64

§.2-Les réquisits à l'amélioration de la preuve et des sanctions de la discrimination 65

A- L'aménagement du régime de la preuve de la discrimination ..65

B- Le renforcement du système punitif ..67

Section II : La réalisation de l'égalité dans le monde du travail 69

§.1-Le renforcement de l'égalité formelle .69

A- Les actions en vue d'une égalité réelle de chances et de traitement 69

B- Les actions en vue d'une égalité réelle de rémunération .71

§.2-Pour une égalité concrète : la promotion de la discrimination positive .72

A- La réglementation de la situation des personnes handicapées 73

B- La réglementation de la parité dans le monde du travail ...74
CHAPITRE II : L'IMPLICATION DES ACTEURS DU MONDE DU TRAVAIL DANS

LA LUTTE CONTRE LA DISCRIMINATION ...77

Section I : Une implication très active de l'Etat togolais ...78

§.1- L'exigence d'une adéquation des institutions impliquées dans la lutte contre la

discrimination ..78

A- La dynamisation du cadre institutionnel ...78

B- L'institution du Conseil National de lutte contre la discrimination et pour l'égalité80

§.2- Une nouvelle vision de la politique du gouvernement en matière de discrimination..83

A-

La discrimination dans le monde du travail au Togo Page 108

Le renforcement de l'effectivité de la législation anti-discrimination . 83

B- La mobilisation de l'opinion 84
Section II : Une implication accrue des acteurs au sein de l'entreprise et des autres

partenaires 86

§.1-L'implication des partenaires sociaux 87
A- La convergence des actions des organisations d'employeurs à la politique de lutte

contre la discrimination 87

B- Le renforcement de la mission des organisations des travailleurs .90

§.2-L'apport des autres partenaires ...93

A- L'engagement plus actif des organisations de la société civile en lutte contre la

discrimination 93

B- Le rôle indéniable de l'Organisation International du Travail 95

CONCLUSION

97

BIBLIOGRAPHIE

99

TABLE DES MATIERE

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